281ème dîner au restaurant Astrancesamedi, 18 mai 2024

Le 281ème dîner se tient au restaurant Astrance de la rue de Longchamp à Paris. J’avais déjà fait trois repas à l’Astrance de la rue Beethoven. Dans ce nouveau lieu, nous aurons un espace beaucoup plus grand et une belle table comme je les aime, en forme de ballon de rugby.

Nous serons onze. Il y a trois participants qui sont déjà venus à mes dîners et sept nouveaux, qui suivent mes récits sur Instagram. Les convives viennent de Houston, de Londres, de Genève, de Belgique, d’Aix et de Paris.

J’étais venu au restaurant il y a quelques semaines pour mettre au point le menu avec Pascal Barbot, qui est très motivé à recommencer à créer de nouvelles recettes pour mes dîners.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins, aidé par le sympathique sommelier Lucas. Beaucoup de bouchons viendront avec des déchirures et Lucas est étonné de constater qu’aucun morceau de bouchon ne tombe dans le vin.

Aucun parfum ne me semble douteux. Certains vins comme l’Ausone 1962 sont immédiatement brillants alors que d’autres comme le Pommard 1929 auront besoin de quelques heures pour s’épanouir. Deux participants sont venus voir comment je procède et c’est l’occasion d’évoquer des souvenirs et des anecdotes.

Le menu a été mis au point en échangeant avec Pascal Barbot. J’ai eu un mail hier me disant qu’il avait la certitude d’avoir turbot, rouget et pigeon, car il tient à avoir les meilleurs produits. Cette exigence me plait beaucoup.

Les convives arrivent et nous commençons par l’apéritif debout avec un Champagne Jacques Selosse millésimé 2002 accompagné de tuile pois chiche, gribiche aux algues, brioche toastée, beurre de romarin et mélilot. Le champagne dégorgé en 2013 a atteint un état de sérénité parfait. C’est un seigneur. Quel plaisir de goûter ce champagne qui a échangé la fougue de sa jeunesse avec une magistrale maturité.

J’ai profité de l’apéritif pour donner les conseils et consignes pour que le repas soit vécu de la meilleure façon.

Le menu créé par Pascal Barbot, pour lequel j’indique le ou les vins associés est : Salon 1988 : huître et échalote confite, grosse praire , jambon Bellota / Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 et Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 : langoustine vapeur, consommé et huile de crustacé, biscotte à la confiture de crevette / riz koshihikari fraîchement poli au naturel et bisque de homard / Château Ausone 1962 : filet de turbot à la braise, beurre blanc et sauce sola / Château Nénin 1982 gros rouget vapeur de laurier et sauce beurre rouge / Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 et Vosne Romanée Grivelet Cusset 1943 : côte de veau cuit au sautoir, jus de cuisson / Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 et Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 : pigeon rôti sur coffre, une rôtie et baie de genièvre / Château Rayne Vigneau 1966 : mangue au naturel et éclat d’un cake aux agrumes / Porto Quinta do Noval 1976 : une tartelette tiède chocolatée, caramel au beurre salé.

On pourrait faire au Champagne Salon 1988 les mêmes compliments que ceux que je viens de faire au Selosse, car ce 1988 montre un accomplissement idéal. Tout en lui est serein, puissant, parfait. Les deux champagnes semblent avoir atteint un âge idéal. L’huître est magique pour le champagne ainsi que la merveilleuse sauce de la praire. Un convive demande : pourquoi le jambon ? C’est mon souhait de montrer à quel point les grands champagnes sont flexibles car comment trouver des mets aussi opposés qu’une huître et un jambon espagnol puissant. C’est la magie du champagne.

Les deux vins blancs sont servis ensemble sur la langoustine et ensuite le riz poli.

Le Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 est d’une belle rondeur. Il est avenant. Le Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 est plus complexe et sophistiqué. Le raffinement du chablis convient à la délicieuse langoustine alors que la séduction du Puligny s’accorde divinement à la sensuelle bisque de homard. Cette bisque est un des grands moments du repas. Pascal Barbot est très fier de la préparation et du polissage du riz.

Le Château Ausone 1962 a un parfum d’une élégance exceptionnelle et le vin est à un stade d’évolution ou tout est raffiné, c’est un vin galant. Le turbot lui convient à merveille.

Le Château Nénin 1982 est un gamin à côté de l’Ausone mais il a une solide structure qui en fait un vin conquérant. Le rouget est délicieux et c’est un de mes caprices d’associer les pomerols avec le rouget. Et c’est pertinent.

Le veau est d’une tendreté extrême et c’est ce qu’il faut pour le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929. Deux convives très amateurs de vins avaient en se présentant émis des doutes sur les vins vieux, pensant qu’ils seraient sur une pente descendante, idée préconçue hélas trop répandue, et voilà qu’ils découvrent qu’un vin de 95 ans a une vivacité incroyable. Ils entrent dans un monde nouveau. Le pommard est subtil et expressif. Sa longueur est remarquable. C’est un vin de plaisir raffiné. Je l’adore.

Le Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943 est très élégant mais un peu moins brillant que le 1929. Il est toutefois fort agréable à boire. Il est servi sur le veau en même temps que le 1929 ce qui explique qu’on lui réserve un accueil moins marqué.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 est accompagné du Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 sur le magnifique pigeon. Contre toute attente, le Châteauneuf est tellement exceptionnel, absolument parfait, qu’il fait (presque) oublier le Richebourg, fort bon mais moins tonitruant. Comment est-ce possible que ce Châteauneuf ait atteint une telle perfection ? Il est d’une jouissance absolue. Le pigeon est le plat le plus marquant de ce repas à mon goût mais ils sont tous brillants.

Le Château Rayne Vigneau 1966 qui a presque 60 ans est entré dans une zone où l’âge apporte des saveurs magiques. D’un beau gras que donne l’âge il est gourmand et agréable. L’accord avec la mangue est naturel.

Le Porto Quinta do Noval 1976 est riche et agréable. Il est encore trop jeune pour offrir les complexités les plus subtiles.

L’ambiance de la table a été joyeuse et appliquée, chacun cherchant à profiter au mieux des plats et des accords. Pascal Barbot est venu expliquer les plats et c’est passionnant de voir à quel point il a travaillé les présentations et les cuissons au service des vins.

Il est temps de voter. Tous les douze vins ont eu des votes ce qui est remarquable. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Châteauneuf quatre fois, Le Pommard et le Richebourg trois fois et le Salon 88 une fois.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Château Ausone 1962, 4 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986, 5 – Château Rayne Vigneau 1966, 6 – Champagne Salon 1988.

Mon Classement est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Château Ausone 1962.

J’avais cherché dans ma cave un vin pour finir le repas si l’ambiance était bonne. Elle l’est et j’ai ouvert une bouteille totalement inconnue dont l’étiquette porte la mention : « Vin Blanc Supérieur ». Le contenu a certainement été mis dans une bouteille vide avec un bouchon à moitié enfoncé. J’avais déjà eu une expérience du même genre il y a quelques années et à ma grande surprise c’était un Rhum ancien superbe. J’espérais un rhum mais en fait après avoir cherché, nous avons conclu qu’il s’agit d’un Bas-Armagnac années 20 fort agréable lorsqu’il s’est épanoui.

Ce fut le point final d’un dîner joyeux et convivial très réussi.