Dans notre maison du sud, nous invitons des amis. A 16 heures, j’ouvre les vins prévus. Le vin de Grange des Pères rouge 1995 a un nez d’un raffinement rare. Je pressens une élégance particulière de ce vin qui contraste avec les millésimes récents que je trouve trop sauvages.
Le Rimauresq 1992 rouge est totalement différent. Il sent la garrigue et les olives noires. On est en plein dans le sud avec de tels parfums. Le Château Climens 1990 a un nez triomphant. C’est comme une supernova qui éclaterait dans les narines. Le Corton Charlemagne Bouchard 2008 a un parfum riche et complexe. Tout se présente bien. Tant mieux.
Le menu préparé par ma femme est : gougères, chiffonnade de jambon, olives, pour l’apéritif, coquilles Saint-Jacques et feuilles d’huître / coraux des coquilles / suprêmes de pigeon et petites pommes de terre rondes / stilton et autres fromages / crème caramel et chocolat / madeleines au miel de châtaigner.
Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 est un champagne épanoui et serein, de bel équilibre. « Ça c’est du champagne » pourrait-on dire. Il est facile à vivre, au message lisible, frais et gourmand.
Le Champagne Salon 1996 se situe un une autre hauteur. Il m’évoque des fleurs blanches et des fruits blancs. Il est beaucoup plus romantique que vineux. Il est racé, vif, et sérieux. On l’aimerait un tout petit peu plus canaille, mais c’est un grand champagne. C’est le Henriot qui s’accommode le mieux des grignotages d’apéritif.
Le Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2008 a un nez ample. Le vin opulent est d’une grande complexité. Il a des notes de fruits jaunes divers et aussi des notes iodées. Sa richesse d’évocation est extrême. C’est un Fregoli qui change de facettes à chaque gorgée. Il est très adapté aux coquilles que les petites feuilles d’huîtres rafraîchissent, trouvant un autre écho sur l’iode du vin.
Les amis sont intrigués de voir que je sers deux vins rouges pour accompagner les coraux des coquilles Saint-Jacques et s’aperçoivent avec bonheur que cela marche merveilleusement.
Le Domaine de la Grange des Pères Vin de pays de l’Hérault rouge 1995 a toujours le parfum raffiné qui m’avait plu à l’ouverture du vin. L’attaque du vin est belle, le vin est frais, au beau fruit rouge clair. Le message est très lisible car le vin est franc, joyeux, direct. Il est gouleyant, fluide et je lui trouve un petit manque de matière. Il n’est pas fluet mais j’aurais aimé une trame plus dense que promettait le nez. Son caractère de velours est très plaisant.
A côté de lui, le Rimauresq Côtes de Provence rouge 1992 est d’un accomplissement total. Plus typé, plus rustique, il est d’un équilibre rare, plus frappant que celui du vin de l’Hérault. Il est garrigue, olive noire et s’inscrit dans la définition du vin de Provence épanoui. J’ai l’impression que ce 1992 est au sommet de son art, d’un équilibre absolu et n’ira pas plus loin, alors que le Grange des Pères a de l’avenir devant lui et va s’améliorer avec le temps.
Les deux vins sont de haut niveau. Le 1992 a plus brillé sur les coraux alors que le 1995 a beaucoup plus vibré sur le pigeon. Un indice que les deux vins étaient bons, c’est que les bouteilles sont rapidement vides, ce qui me conduit à ouvrir un autre vin.
Avec le Vega Sicilia Unico 1989 on monte de plusieurs étages. J’aime le 1989 de ce vin qui est à la fois puissant et frais. Ouvert seulement maintenant nous vivons son éclosion. Je sens à la fois des notes de café et des traces de menthe dans le finale qui signent sa fraîcheur. C’est un vin exceptionnel de race et d’expression.
Le Château Climens Haut-Barsac 1990 est bu sur du stilton. L’accord est naturel et pertinent. Le vin est d’une richesse extrême. On sait qu’il va se complexifier avec l’âge mais il montre un accomplissement certain à cet âge. Il est riche, gourmand, de fruits oranges et gorgés de soleil. Sa puissance est extrême. Il est ample, au finale très long.
Ma femme ayant fait une crème au caramel et chocolat, je vais chercher un Quinta do Noval Colheita Porto 1964 en demi-bouteille. Malgré son âge, ce Porto est d’une jeunesse remarquable. Il n’y a aucune suggestion de vieux porto. Le vin est lourd mais frais, l’accord est divin.
Ma femme s’est surpassée pour les coquilles et le pigeon. Ce repas dans le sud est une grande réussite.