Archives de l’auteur : François Audouze

Déjeuner au restaurant l’Aventure samedi, 18 juin 2022

Le lendemain, nous allons déjeuner avec notre ami américain au restaurant l’Aventure situé le long de la plage du port. Le menu est facile : moules farcies et langouste. C’est une cuisine simple mais efficace. La rouille qui accompagne la langouste et les linguines sont délicieuses. Par prudence nous n’avons bu que des bières pour ménager nos forces. Le patron du restaurant s’en est inquiété et m’a dit « j’ai fait de fortes provisions de Ruinart Blanc de Blancs ». L’appel du pied est direct.

Champagnes de bienvenue samedi, 18 juin 2022

Un américain de l’Oregon a participé à deux de mes dîners. Depuis, je reçois ses emails avec des photos extraordinaires de ses pérégrinations autour du monde. Il a tout vu, tout survolé dans de drôles de machines, il connaît Bertrand Piccard auteur de tours du monde en ballon ou en avion électrique et partage sa folie. Je l’ai invité à passer quelques jours dans ma maison du sud.

Je vais le chercher à l’aéroport de Marignane et la circulation automobile a atteint des sommets de sur-occupation qui font peur. L’aéroport lui-même, toujours en travaux, est une fourmilière. Nous revenons au moins deux heures plus tard que ce que j’imaginais.

J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1975 dont le bouchon me semble plus fatigué qu’il ne le devrait et vient trop facilement. La couleur est très ambrée, la bulle est inexistante mais le pétillant est présent. Ce champagne fait plus vieux que son âge et a dû subir des stockages aux températures excessives.

Nous buvons le champagne sur des fraises délicieuses qui auraient été plus appropriées à un champagne beaucoup plus jeune. C’est avec du foie gras que le champagne commence à exprimer ses saveurs complexes. Et c’est avec un gouda au pesto que l’accord se trouve le mieux. Le champagne s’anime et un saucisson corse légèrement fumé l’accompagne très bien.

Pour une omelette des œufs de nos poules, j’ouvre un Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1985 qui délivre un aimable pschitt et offre une bulle vivante. Sa couleur est très claire. Le champagne est vif, brillant, actif, puissant et l’accord avec un camembert Jort fait monter dans l’échelle des plaisirs à la vitesse des lanceurs de SpaceX, la société du fantasque Elon Musk.

Nous finissons la soirée avec des fraises, des abricots et des discussions passionnantes.

Académie des Vins anciens – vins de la table 3 mardi, 14 juin 2022

Vins de la table 3

Champagne VV 26 FrèreJean Frères sans année

Champagne Ayala brut sans année

Château Carbonnieux Graves blanc 1955

Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980

Meursault Goutte D’Or Domaine Monceau-Boch Mme L. Guidot 1988

Vin Jaune d’Arbois Fruitière Vinicole à Pupillin 1973

Clos Triguedina Cahors 1964

Château Margaux Margaux 1970

Château Rausan Segla Margaux1964

Château Rauzan Gassies Margaux 1934

Volnay Champans Bouchard père et fils 1952

Beaune Marconnets Bouchard Père et Fils 1957

Gevrey Chambertin Réserve de l’Ange Paul Chandivin 1966

Le Corton Bouchard Père & Fils 1966

Mercurey Jacques Bouchard et Cie (bouchon tombé) 1943

Domaine de la Taille aux loups – Montlouis demi-sec 1989

Clos du Roy Barsac du château Piada Jean Lalande Crème de Tête 1934

Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70 sans année

Académie des Vins anciens – vins de la table 2 mardi, 14 juin 2022

Vins de la table 2

Champagne Piper Hiedsieck ss A

Meursault Goutte D’Or Domaine Monceau Boch Mme L. Guidot 1988

Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1982

Riesling Clos Saint Imer Goldert Domaine Ernest Burn 1990

Château Gilette Sauternes sec Cuvée Spéciale 1948

Côtes du Jura Jean Bourdy 1949

Arbois Coteaux de Pupillin rouge Bouvret Père & Fils 1978

Château Grand Corbin Despagne Saint-Emilion 1964

Château Trottevieille Saint-Emilion 1943

Vieux Château Certan Pomerol 1959

Beaune Patriarche 1952 (l’étiquette dit : ne doit pas être dégusté avant septembre 1954)

Rioja Age Cosecha 1939

Rioja blanc Cosmopol semi doux Rioja Santiago 1915 (une des bouteilles les plus originales que j’aie jamais vues).

Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70 ss A

Académie des vins anciens – vins de la table 1 mardi, 14 juin 2022

Vins de la table 1

Clos Louloumet Haut Toulème E. Coste # 1950

Château Boiresse Graves Supérieures Sec Roger Lafoncourque 1959

Sancerre Millot 1966

Gigondas Réserve des Camériers Arnaud Berger probable rosé 1947

Cirnéa Corse Blanc Emmanuel Casabianca 1953

Bordeaux Supérieur Domaine de Perpignan Maurice Breton 1943

Château Chasse-Spleen Moulis Caves Nicolas 1947

Volnay Champy Père & Cie 1945

Corton Renardes Michel Gaunoux 1981

Rioja Martinez Lacuesta 1922

Vin d’oran Domaine Pierre de Romanet Picard Oran 13° non millésimé

Kemadja Grandes Caves Oranaises Vin rouge supérieur de Coteaux 1945

Royal Kebir Etablissement Frédéric Lung Alger 1945

un membre de la famille Lung m’a envoyé cette photo de la publicité pour Royal Kebir

Château Perreau Langoiran 1943

Monbazillac 1921

c’est tout–à-fait étonnant qu’un Monbazillac en 1921 ait une mention anglais « all natural »

Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70 ss A

36ème séance de l’académie des vins anciens mardi, 14 juin 2022

La 36ème séance de l’académie des vins anciens se tient au premier étage du restaurant Macéo, selon une habitude qui date probablement de plus de dix ans. Comme toujours les livraisons des vins et les paiements ont allégrement dépassé les dates limites que j’avais fixées.

Nous serons 40 mais en fait 41 le jour de l’événement, car j’avais oublié de noter l’inscription d’une personne que j’avais invitée. Et j’avais oublié qu’Adrian Williamson m’avait dit de ne pas dépasser 36 personnes soit trois tables de 12 personnes. On s’est débrouillé mais la place réservée aux verres est devenue beaucoup plus petite. J’apportais d’habitude quatre à cinq verres par personne pour compléter la verrerie du Macéo. Aujourd’hui je n’en ai apporté que trois par personne. Mais comme il y a beaucoup plus de vins par personne, il faudra changer souvent de verres pour accueillir de nouveaux vins.

J’avais compté 57 vins dont 34 fournis par moi mais le jour même, avec la générosité de quelques amis nous allons pouvoir goûter de l’ordre de 63 vins ce qui fait environ 21 vins par table.

Avant 15 heures je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les vins. Pour aller plus vite, je comptais utiliser un Durand, tirebouchon qui combine une mèche et un bilame utilisés ensemble, ce qui permet de tourner le bouchon dans le goulot et de le relever plus vite. Mais je me suis rendu compte que les vins très anciens, pendant la rotation du bouchon dans le goulot, dispersent des miettes de liège qu’il convient d’extraire ensuite ce qui prend beaucoup plus de temps que la méthode par laquelle le bouchon ne tourne pas dans le goulot. C’est avec mes outils que j’ai poursuivi les ouvertures, aidé par quelques amis dont un qui a offert et ouvert bouteille après bouteille des vins que j’aurais goûtés avec grand intérêt si je n’étais pas concentré sur les ouvertures. Cet ami a ouvert beaucoup de vins hors programme qu’il a répartis entre les trois groupes. Ces vins ajoutés ne sont pas inscrits dans les listes qui vont suivre.

Voici le programme :

Les champagnes d’apéritif : Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1996 sans année, Champagne Ruinart vers années 80 sans année, Champagne Charbaut Certificate 1976, Champagne Pierre Arnaud sans année, Champagne Canard Duchêne Cuvée Charles VII sans année, Champagne Canard Duchêne Cuvée Charles VII sans année.

Les vins du Groupe 1 : Clos Louloumet Haut Toulème E. Coste # 1950, Château Boiresse Graves Supérieures Sec Roger Lafoncourque 1959, Sancerre Millot 1966, Gigondas Réserve des Camériers Arnaud Berger probable rosé 1947, Cirnéa Corse Blanc Emmanuel Casabianca 1953, Bordeaux Supérieur Domaine De Perpignan Maurice Breton 1943, Château Chasse-Spleen Moulis Caves Nicolas 1947, Château Rauzan Gassies Margaux 1934, Volnay Champy Père & Cie 1945, Corton Renardes Michel Gaunoux 1981, Rioja Martinez Lacuesta 1922, Vin d’oran Domaine Pierre de Romanet Picard Oran 13° sans année, Kemadja Grandes Caves Oranaises Vin rouge supérieur de Coteaux 1945, Royal Kebir Etablissement Frédéric Lung Alger 1945, Château Perreau Langoiran 1943, Monbazillac 1921, Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70.

Les vins du groupe 2 : Champagne Piper Hiedsieck sans année, Meursault Goutte D’Or Domaine Monceau Boch Mme L. Guidot 1988, Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1982, Riesling Clos Saint Imer Goldert Domaine Ernest Burn 1990, Château Gilette Sauternes sec Cuvée Spéciale 1948, Côtes du Jura Jean Bourdy 1949, Arbois Coteaux de Pupillin rouge Bouvret Père & Fils 1978, Château Grand Corbin Despagne Saint-Emilion 1964, Château Trottevieille Saint-Emilion 1943, Vieux Château Certan Pomerol 1959, Beaune Patriarche 1952 (l’étiquette dit : ne doit pas être dégusté avant septembre 1954), Rioja Age Cosecha 1939, Rioja blanc Cosmopol semi doux Rioja Santiago 1915, Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70.

Les vins du groupe 3 : Champagne VV 26 FrèreJean Frères sans année, Champagne Ayala brut sans année, Château Carbonnieux Graves blanc 1955, Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980, Meursault Goutte D’Or Domaine Monceau-Boch Mme L. Guidot 1988, Vin Jaune d’Arbois Fruitière Vinicole à Pupillin 1973, Clos Triguedina Cahors 1964, Château Margaux Margaux 1970, Château Rausan Segla Margaux1964, Volnay Champans Bouchard père et fils 1952, Beaune Marconnets Bouchard Père et Fils 1957 , Gevrey Chambertin Réserve de l’Ange Paul Chandivin 1966, Le Corton Bouchard Père & Fils 1966, Mercurey Jacques Bouchard et Cie (bouchon tombé) 1943, Domaine de la Taille aux loups – Montlouis demi-sec 1989 , Clos du Roy Barsac du château Piada Jean Lalande Crème de Tête 1934, Grand vin de Banyuls Solera Hors d’age domaine Parcé vers années 70.

L’apéritif démarre peu après 19 heures. J’aime beaucoup le Champagne Ruinart sans année qui doit dater des années 80 et à qui l’âge apporte beaucoup de cohérence. Il en est de même du Champagne Pierre Arnaud sans année très élégant. Je n’ai pas goûté aux autres champagnes répartis dans des zones où je n’étais pas, bavardant avec les uns et les autres des participants.

Nous passons à table et selon la tradition, je rappelle les ambitions de l’académie et l’approche que l’on doit avoir vis-à-vis des vins anciens. J’annonce une innovation : les vins d’un groupe seront placés sur la table de ce groupe et ne seront donc bus que par les convives de cette table. C’est un moyen de discipliner la chasse aux vins des autres tables.

Le menu préparé par le nouveau chef du restaurant Macéo est : haddock en carpaccio, citron, piment et oignon nouveau / lieu jaune rôti, aubergine grillée, piquillos et caviar d’aubergine / épaule d’agneau du bourbonnais, confit aux épices, carottes rôties / trio de fromages affinés au lait cru / ananas confit à la vanille et café, spoom passion citron vert. Il est évidemment difficile d’harmoniser le menu avec autant de vin mais tout le monde a apprécié cette cuisine excellente.

Etant dans le groupe 1, et n’ayant pris aucune note, voici quelques réminiscences d’impressions. Tout d’abord, je suis particulièrement fier qu’on ait pu associer des vins blancs si disparates et si inattendus. Le Clos Louloumet Haut Toulème E. Coste années 1950 est demi-sec, semi-doux et se montre délicieux et délicat.

Le Château Boiresse Graves Supérieures Sec Roger Lafoncourque 1959 est un vin que j’adore, subtil et discret, très proche du précédent.

Qui donnerait une chance au Sancerre Millot 1966 qui se montre timide mais bien vivant. J’ai tenu à le mettre à notre table comme le vin suivant, un Gigondas Réserve des Camériers Arnaud Berger rosé 1947 qui est effectivement rosé et ressemble volontiers à un chablis tant il a une belle présence.

Mais la vedette de ces vins blancs c’est le Cirnéa Corse Blanc Emmanuel Casabianca 1953 si étrange, complexe et de grande personnalité. Devant ce talent, je m’incline. Il est émouvant.

Une telle diversité des blancs dont aucun n’est affecté par l’âge est un de mes plus grands bonheurs, car c’est cela la justification de l’académie des vins anciens.

Il aurait fallu filmer l’étonnement des convives de notre table devant la perfection d’un vin dont on n’attendrait rien, le Bordeaux Supérieur Domaine De Perpignan Maurice Breton 1943. Il me serait facile de dire que si ce vin est grand c’est parce qu’il est de 1943, mais un tel raffinement est surprenant.

Le Château Chasse-Spleen Moulis mise Caves Nicolas 1947 a un nez de bouchon assez prononcé mais sans conséquence gustative. Il n’a pas cette forte amertume des vins bouchonnés. Il est plaisant.

Le Château Rauzan Gassies Margaux 1934 au nez à l’ouverture m’avait paru noble et parfait. Il est vraiment à un sommet d’excellence, mature, équilibré et subtil. Un très grand vin.

J’attendais plus du Volnay Champy Père & Cie 1945 car j’ai une grande confiance dans la maison Champy de ces années. Il manque d’énergie.

J’ai ajouté le Corton Renardes Michel Gaunoux 1981 alors qu’il est bien jeune car j’adore les vins de Michel Gaunoux. Sa fraîcheur, sa subtilité et son entrain en font un vin idéal.

Maintenant, nous allons entrer dans un monde magique, aussi magique que celui des blancs du début de repas. Il se trouve que six personnes de la famille de Frédéric Lung sont présents. C’était donc l’occasion de présenter des vins d’Algérie dont le fameux Royal Kebir. Et pour le plaisir nous leur adjoignons un espagnol centenaire. Inutile de dire que je suis sur un petit nuage aussi confortable que le nuage des vins blancs.

Le Rioja Martinez Lacuesta 1922 est d’une fraîcheur invraisemblable. Le vin est épais, presque sirupeux, mais dégage une fraîcheur rare. C’est un vin immense.

Franchissons maintenant la Méditerranée. Le Vin d’oran Domaine Pierre de Romanet Picard Oran 13° sans année est relativement léger pour un vin du sud. Je le trouve bourguignon, ce qui est un compliment.

Le Kemadja Grandes Caves Oranaises Vin rouge supérieur de Coteaux 1945 est probablement esthétiquement la plus belle bouteille de cette soirée avec le vin blanc corse et ces deux bouteilles ont des étiquettes qui m’étaient totalement inconnues. Ce Kemadja est parfait, lourd, riche avec la petite pointe de café qui signe les vins algériens.

Je ferais de ce vin mon champion s’il n’y avait maintenant le cadeau que j’ai fait à notre table, le rarissime Royal Kebir Etablissement Frédéric Lung Alger 1945, au niveau dans le goulot. Ce vin est idéal, parfait et paradoxalement, alors que bien souvent il a des accents bourguignons, ce soir il penche vers les subtilités bordelaises. Il a moins de café que d’habitude et plus de saveurs girondines. Ce sera, on l’imagine, mon vainqueur de la soirée et encore plus parce que c’est le dernier Royal Kebir rouge au niveau aussi parfait que j’avais en cave.

J’ai un amour particulier pour les Langoiran, pourquoi, je ne sais pas mais ce Château Perreau Langoiran 1943 me conforte dans mon inclination, vin frais et délicat, pianotant ses aimables complexités.

J’avais en cave ce Monbazillac 1921 tout poussiéreux mais au beau niveau, dont le domaine est illisible. De 101 ans, il est impérial, solide et conquérant. Un magnifique vin doux, qui en remontrerait à de jeunes sauternes.

J’ai ajouté à chaque table une bouteille de Grand vin de Banyuls Solera Hors d’âge domaine Parcé vers les années 70. Il est précis et bien construit et a la franchise naturelle des Banyuls sincères. Ce sont des vins de grand plaisir.

La variété des vins de notre table est impressionnante et me réjouit particulièrement. C’est pour cela que je voulais faire l’académie des vins anciens et mon rêve est exaucé. Et j’aime pouvoir ajouter un Sancerre 1966 et un Gigondas de probablement 1947 sur lesquels personne ne parierait un kopeck.

Tous les vins de notre table ont été brillants, même ceux que l’on aurait jugé presque imprésentables. Et c’est mon bonheur.

Je mettrai en premier le Royal Kebir 1945 parce que c’est mon amour, si grand et si juste. Ensuite trois vins sont tellement originaux qu’ils mériteraient d’être sur la même marche du podium : le Kemadja Grandes Caves Oranaises Vin rouge supérieur de Coteaux 1945, le Rioja Martinez Lacuesta 1922 et le Cirnéa Corse Blanc Emmanuel Casabianca 1953.

Viendront ensuite dans mes préférences un jeune et un vieux, le Monbazillac 1921 et le Corton Renardes Michel Gaunoux 1981.

Cette académie, la plus disciplinée de toutes est probablement la plus belle de celles que j’ai eu l’honneur et le plaisir d’organiser.

Dîner Dom Pérignon au restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris samedi, 11 juin 2022

Je reçois un appel d’Alexandre Larvoir, le directeur du restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris, qui me demande si je suis libre pour un dîner au Plénitude, dont le thème est le lancement du Dom Pérignon P2 2004. Alors que j’aurai le lendemain l’Académie des Vins Anciens, je n’hésite pas une seule seconde et je dis oui.

Comme à mon habitude j’arrive en avance, ce qui me donne l’occasion de saluer des membres de l’équipe du restaurant, dont les charmantes hôtesses d’une rare élégance et maquillées comme des déesses. Il faut dire qu’il y a dans le groupe LVMH de quoi satisfaire toutes les envies d’être belle.

Des photographes ont réalisé un décor tout en blanc sur le thème de Dom Pérignon pour photographier les V.I.P. qui viendront. Nous serons cinq à table dont le sommelier d’un grand hôtel de luxe, deux amis d’Arnaud Donckele qui vivent dans le sud de la Bourgogne mais ne sont pas du monde du vin, l’éditrice de la Revue Vigneron et moi.

Lorène, notre charmante hôtesse, toute souriante, nous explique que notre repas se fera en plusieurs étapes en des lieux différents. Chaque table suivra le même parcours, mais successivement. Je n’ai que la version anglaise du menu qui est inspiré par le Champagne Dom Pérignon Vintage 2004 P2 : oyster, champagne, fennel for broth « songe anisé » / leerfissh, spider crab, broccoli for vinaigrette « ambroise » / sea potato for broth « ode à l’iode » / Zitone pasta Saint-Tropez inspiration / poultry, caviar, trompette courgette for velouté « champenois » / twilight over the star, grapefruit, rose, champagne / rose financier.

Je ne sais pas si c’est volontaire ou inconscient, mais le financier à la rose est ce que je demande quasi systématiquement pour accompagner le dernier liquoreux de mes repas. La talentueuse Yuki, ancienne pâtissière du restaurant Pages, maintenant installée à son compte, propose ce financier qu’elle nomme financier François en souvenir de la création commune de ce dessert. Hasard ou préméditation ce soir, les deux hypothèses me plaisent.

L’huître divine est le meilleur ambassadeur pour faire connaissance avec le Champagne Dom Pérignon Vintage 2004 P2. Instantanément le plaisir est là. Le champagne est d’un équilibre rare, serein et pourrait être l’étalon de mesure de ce qu’est le parfait Dom Pérignon. Il est agréable à boire tel qu’il est, si simple mais si structuré.

Alors que je suis quasi inconditionnel des champagnes de dégorgement initial, car ils représentent ce qu’est le champagne de son millésime originel, je dois dire que ce champagne est un vrai succès car il ne joue pas le champagne qui voudrait montrer qu’il est « encore » jeune. Il est équilibré, serein et se justifie.

Après les deux premiers plats nous allons en cuisine et ça me fait plaisir que les cuisiniers affairés me saluent par mon nom. Nous prenons place dans la salle du chef, juste en face de la ruche travailleuse, et Arnaud Donckele nous apporte une sauce. Il nous dit que pour ses plats il faut toujours commencer par la sauce, car le plat est au service de la sauce et non l’inverse. Il nous dit que la sauce est composée de quatre ou cinq madeleines de Proust de son enfance qu’il a voulu associer. Il nous les décrit.

C’est tellement poétique que je lui demande s’il pourrait m’écrire ce qu’il a dit. Il ne le fera pas, bien sûr, mais il aurait fallu enregistrer un moment d’une sensibilité exceptionnelle.

Alors que je pensais que le nom du restaurant était le choix des équipes de marketing du groupe Cheval Blanc, Arnaud nous dit que c’est son choix, car il aime le Dom Pérignon et il aime le concept de Plénitude, qu’il essaie de transposer dans sa cuisine. C’est amusant car mon amitié pour Richard Geoffroy et mon amour pour Dom Pérignon sont nés le jour où j’ai rencontré ce maître de chais qui a expliqué sa vision de l’évolution de son champagne qui ressemble comme deux bulles de champagne à ma vision du vin.

Après ce passage émouvant par la salle privée du chef en cuisine, nous traversons des couloirs habillés de tentures blanches au sigle de Dom Pérignon, qui conduisent au fumoir où nous sommes accueillis par Vincent Chaperon, le maître de chais de Dom Pérignon, qui a réalisé avec Richard Geoffroy le millésime 2004. Vincent nous explique la philosophie de Dom Pérignon et la vision des plénitudes et souvent on croit entendre des intonations de Richard. En pleine possession de son sujet et assuré, Vincent nous passionne.

Nous montons ensuite au dixième étage du bâtiment de la Samaritaine où la vue sur Paris est impressionnante. C’est ici que nous goûtons debout les desserts, accompagnés comme les plats par le 2004 P2 toujours aussi gastronomique.

Sous un ciel aux nuages noirs inquiétant et par un temps froid ce soir la danseuse étoile Dorothée Gilbert a dansé avec une rare élégance, légère comme les bulles du délicieux champagne qui a accompagné notre repas.

Arnaud a une telle passion créatrice que je suis comme le rat devant le cobra, hypnotisé par son génie. J’avais il y a trente ans un dieu vivant de la cuisine en la personne de Joël Robuchon. Aujourd’hui mon dieu vivant est Arnaud Donckele dont l’amitié est un précieux cadeau pour moi. Ce fut une soirée mémorable d’une délicatesse rare.

dessert sur le toit de la Samaritaine

danse

Arnaud Donckele et Vincent Chaperon

Le Dom Pérignon 2004 « Plénitude » 2