Archives de catégorie : billets et commentaires

deux ou trois commentaires sur le guide Michelin dimanche, 4 mars 2007

Le guide Michelin a frappé très fort. Il reprend la main. Juger le guide serait faire preuve de tout ce que je reproche aux amateurs de vins qui se sentent investis d’une mission : juger les vins, et de surcroît, juger les juges. Si Robert Parker a osé donner 97 à un vin qui ne le mérite pas, aux yeux de notre amateur qui se croit compétent, si Michel Bettane a osé oublier un vin absolument sublime, ils sont voués aux gémonies.

Je ne tomberai pas dans ce travers, car le guide Michelin est une œuvre humaine. Et je ne peux pas prétendre que mon goût est universel et serait supérieur à celui du guide. Tout au plus puis-je dire que le goût du guide correspond ou ne correspond pas à mon goût dans certains cas.

Je remarque une chose qui mérite l’intérêt. Les restaurants parisiens où se trouvent les trois plus brillants directeurs de salle ont perdu une étoile.

          Jean-Claude Vrinat est « le » directeur de salle (qu’il soit aussi propriétaire ne change rien) exemplaire. D’un accueil distingué, il a l’œil sur tout et fait de sa maison le modèle absolu du service.

          Philippe Bourguignon a un charme inégalable, une intuition parfaite, et considère chaque table comme la table de ses amis. Il donne à la salle une atmosphère unique.

          Eric Beaumard, le plus fantasque des trois, conteur truculent, qui vous raconte un vin à la Frédéric Dard, ensoleille une salle aux ors pesants.

Si l’on se souvient de Claude Terrail, le directeur de salle aussi célèbre dans le monde entier que la Tour Eiffel, on voit que le guide n’aime pas beaucoup les restaurants où le directeur de salle « fait » la personnalité du lieu. Ce n’est certainement pas un hasard.

Est-ce à dire que la cuisine y serait malmenée ? C’est à chacun des clients de ces lieux de se faire son opinion. Je crois en avoir une certaine expérience, mais mon goût est le mien. Une chose est sûre, c’est que la perte de l’étoile n’est pas « que » le fait du chef. La dernière des erreurs serait que la décision du guide divise les équipes. Elle doit au contraire les souder. « On ne change pas les équipes qui perdent » quand ce n’est pas une vraie perte. On réfléchit, et on reprend calmement le sujet.

Il se trouve que j’ai fréquenté récemment des tables comme l’auberge les Morainières à Jongieux, le Bec Fin à Dôle, l’hôtel des Roches à Aiguebelle. Dans chacun de ces lieux, un jeune chef plein de talent mérite une étoile. Il l’a eue, et je l’avais souhaitée dans mes bulletins. Tant mieux.

Mais les retrouver au même niveau que Laurent, non. Ce « non » n’est pas une critique du guide, mais l’impression d’une limite. Il manque une nuance.

Des jeunes qui montent, inventifs, doivent être encouragés. Mais les mettre tout de suite au niveau de Laurent, Patrick Pignol ou Gérard Besson ? Je ne crois pas que cela représente une réalité.

Une autre remarque concerne des chefs dont j’ai souvent dit dans mes propos : « avec tel plat, il vaut trois étoiles ». Je les apprécie, je vante leur talent. Mais que reste-t-il à Yannick Alléno et Frédéric Anton si on leur donne déjà la Grand Croix de la Légion d’Honneur ? Quand, à cet âge, le seul horizon possible n’est que de descendre, puisqu’on est au sommet, quelle frustration après la légitime fierté !

Dernière remarque : c’est la perte d’une étoile qui m’a attaché à Gérard Besson en qui j’ai trouvé un chef amoureux des vins anciens et raffiné. Même chose pour Jacques Le Divellec au cœur gros comme ça. Mon attachement à un restaurant reste fondé sur mon appréciation plus que sur celle d’un guide.

Mais le guide Michelin est une institution irremplaçable, qui a bien fait de créer l’événement par des choix audacieux. Que chacun continue de faire ce qu’il doit.

I bought some old Chave vendredi, 2 mars 2007

I had bought some wines with the help of an expert, Pétrus 1975, a Port 1887, a Haut-Brion white 1980 and some other stuff, and to give me the bottles against one bank check, he invited me for a lunch.

We began with a Peyre Rose, Clos Syrah Leone 1998, a Coteaux du Languedoc, and I must say that I appreciated it. The smell is pure, genuine, and in mouth, what is comfortable is that there is no wood. Very agreeable, of course alcoholic with 14.5°, I liked it despite a certain lack of imagination. Well made, but not inspired. This is not the wines that I chase, but why not.

Things changed with a Chateau Ausone 1952. Opened much too late, and shaken by the walk of my friend when coming to the restaurant, this wine would have disturbed many palates. But after some sips, what a delight ! I ate the sediment with a lubricious pleasure.

This wine has all the characteristics of Ausone, and it is velvety, cosy, even if weak when compared with greater vintages. But who cares as we had a true emotional Ausone.

This invitation should normally have an object, and I heard it clearly.

He told me that he has visited a cellar of a man living in the centre of France, who has a big collection of Chave and La Chapelle.

He said : I have never seen bottles which such magnificent levels.

Stupidly I said : could I have a look? I was hooked.

I went to his place where he had put his buy and I bought 10 Chave Hermitage 1962, 3 Chave Hermitage 1964, 5 La Chapelle Hermitage 1962, and he offered me an exciting Hermitage white 1961 and a completely unknown wine. All levels are in the middle of the neck or up neck.

As I have no idea on such wines, only experience will tell !

Le Devoir, journal canadien, parle de mes dîners et mes vins vendredi, 23 février 2007

Un article de Jean Aubry dans le devoir, gazette canadienne de langue française :

article

j’aime beaucoup le "l’homme, un chouïa compulsif". Interviewé quand j’ouvre les bouteilles d’un dîner, je n’ai pas la décontraction que j’aurais, confortablement assis dans un fauteuil.

Mais l’article est très flatteur.

Pic à Valence sous une bonne étoile mercredi, 21 février 2007

Ce ne sera que justice d’écrire un petit mot pour féliciter Anne-Sophie Pic d’avoir décroché sa troisième étoile.
Pic, c’est une institution familiale.
Denis Bertrand, c’est "le" sommelier qui connait les vins du Rhône.
J’ai connu le père, puis la période de deuil, avec la mère désemparée et la lourde atmosphère du héros disparu, l’épisode du fils qui a tourné court, puis la consécration du retour à l’esprit du père avec la forte personnalité de ce petit bout de femme d’une immense sensibilité culinaire.

Longue vie à cette cuisine qui fait honneur à la France.

Nouvelle décoration à l’hôtel des Roches au Lavandou lundi, 19 février 2007

L’hôtel des Roches à Aiguebelle, près du Lavandou, accueille depuis un peu plus d’un an le jeune chef Matthias Dandine, ancien de l’Escoundoudo à Bormes-les-Mimosas, qui a très rapidement obtenu une étoile.

Ce chef de talent, inventif, dont j’ai raconté quelques repas de bord de mer, méritait un écrin un peu rafraîchi, car la décoration datait.

C’est Christophe Tollemer, de Cavalaire, qui prit en charge la refonte du lieu.

Un appel de Fabien Dandine : « nous inaugurons nos locaux rénovés. Nous serions heureux que vous veniez à un cocktail dînatoire ». Etant dans le Sud, sans agenda contradictoire, nous y allons. Une foule immense se presse dans la salle de restaurant. Il y a les amis d’enfance, quelques notables, des restaurateurs amis, et tous les corps de métiers qui ont participé à la réfection. C’est extrêmement sympathique.

La salle est remarquablement éclairée, les couleurs sont choisies avec raffinement. On ne peut pas juger comment sera le restaurant installé en vraie grandeur, car la foule joyeuse masque l’ordonnancement. Mais on devine que ce sera un lieu subtilement confortable, adapté au talent du chef.

Le buffet est absolument exceptionnel. Les tartines de truffe font exploser leur parfum, les huîtres sont goûteuses, les cromesquis de foie gras explosent en bouche, faisant penser à Marc Meneau qui vit des jours pénibles. Ce qui me subjugue, ce sont les chips. Car aujourd’hui, comme pour les pommes soufflées, personne n’en fait plus.

L’abondance invraisemblable de plats délicats est agrémentée de vins du pays dont les vignerons sont présents. Sébastien, tout sourire, me sert des rosés et blancs d’Ott qui rappellent la chaleur de l’été. C’est un appel à revenir au plus vite dîner chez ce restaurateur de grand talent.

restaurant « Le Bec Fin » à Dôle : y courir ! vendredi, 2 février 2007

Départ à la Percée du Vin Jaune où, pour une fois, ma femme et moi serons rejoints par notre fille cadette et son mari. L’hôtel où nous avons nos habitudes, le Château de Germigney à Port-Lesney a pris l’habitude fâcheuse de n’ouvrir que le soir de la Percée. Il nous faut donc nous loger la veille. L’internet nous suggère un hôtel à Dôle. Je réserve près du centre ville. La description parait convenable. La réalité est toute autre. Dans cette jolie ville touristique, j’imagine ce que des touristes étrangers peuvent penser de l’état de sous-développement de notre hôtellerie. Car pour ouvrir et fermer la porte des toilettes de ma chambre, je ne vois que des trapézistes du cirque Bouglione. Si l’on décide de rester debout, c’est le couvercle métallique du distributeur à papier qui vous sectionne les jambes quand on veut sortir. Si on décide de monter sur la lunette pour ouvrir la porte, à quel étage va-t-on tomber ? Et si l’équipement doit s’appeler décoration, il faut mettre au musée du Louvre les calendriers des pompiers et des postes, car ce sont des œuvres d’art. J’avoue avoir une certaine tendresse pour les paravents de douche qui transforment la salle de bain en une annexe des Niagara Falls.

La ville est sauvée par un restaurant où je vous conseille de courir au plus vite : Le Bec Fin, où Romuald Fassenet, meilleur ouvrier de France, a obtenu une étoile largement méritée, et où Catherine Fassenet, accueillante, a concocté une carte des vins intelligente.  Dans une rue piétonne où Pasteur a vu le jour, c’est une maison ancienne qui nous offre une salle agréable. Je commande un champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1988, champagne de grande qualité que je connais déjà. Je lui associe une noix de Saint-Jacques en croûte de noisette et curry, émincé fin de betterave rouge, vinaigrette au jambon cru du Doubs. L’association terre et mer est aussi un sujet pour Christian Le Squer de Ledoyen, et le champagne s’y complait. Il a une plénitude rassurante, une race évidente. Il fait partie des très grands champagnes de 1988, avec un charme envoûtant, ensoleillé.

L’heure étant de partager avec mon gendre quelques moments de folie, c’est sur un lièvre cuisiné à la royale, pulpe de châtaignes et mousseline de topinambours que nous voulons profiter de l’explosion de joie de la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1999. Quel immense vin. C’est Roger Federer en bouteille. Montée au filet, passing-shot, on a tout cela en bouche. La plénitude gustative sur un fond de simplicité du discours est totale.

Sur un moelleux noisette de ma maman (c’est le titre), crème glacée vin jaune curry, un Marc du Chapitre  des Caves des Echansons offert par le chef est fort agréable, avec ce râpeux propre aux marcs virils. Romuald est venu bavarder avec nous. Il a les pieds sur terre, sait ce qu’il veut. Ce sera l’un des grands chefs de demain. Courez-y. Mais volez une tente Delanoë à un SDF. C’est plus sûr.