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Dîner d’amis au restaurant Pages mercredi, 29 janvier 2020

C’est à la Manufacture Kaviari que j’ai rencontré un couple sympathique. Ces nouveaux amis nous ont fait découvrir le restaurant Neige d’Été. Par symétrie, nous avons proposé de leur faire découvrir le restaurant Pages. Ayant récemment fait la connaissance d’un autre couple aussi sympathique à la Manufacture Kaviari, je leur ai proposé de se joindre à nous pour le dîner déjà programmé. Kaviari est le dénominateur commun entre nous six.

J’apporte les vins de ce repas. A 18 heures je suis sur place pour les ouvrir. A peine touché, le bouchon du Kebir Rosé se met à glisser vers le bas. Il faut agir tout en douceur pour qu’il ne tombe pas. Je le récupère et il sort en trois morceaux, sans que rien ne tombe dans le vin. Le Châteauneuf-du-Pape et le sauternes sont ouverts sans difficulté. J’avais donné rendez-vous à un ami français vivant à Singapour. Il a pu regarder les ouvertures et sentir les vins. Nous avons bu sagement une bière en dégustant les édamamés du bistrot 116 qui appartient aussi au chef Teshi.

L’ouverture n’ayant pas pris trop de temps, je compose avec le chef Ken et son équipe le menu en tenant compte des vins. Lumi, la directrice du restaurant, me suggère le menu avec truffe, mais la truffe, si elle est « accompagnante », ne me tente pas. Si nous prenons de la truffe, ce doit être pour elle seule. Ken va faire un toast à la truffe qui sera servi seul, entre deux plats et non en accompagnement.

Le menu est ainsi rédigé : persil, sablé parmesan et céleri-rave, tartare de cabillaud / Aburiyaki de bœuf Ozaki / risotto, ormeau / homard bleu breton, bisque au comté et vin jaune / lotte sauce vin rouge / agneau de lait, jus d’agneau, salsifis / toast à la truffe noire / trois bœufs, Salers 11 semaines, Charolaise 11 semaines, wagyu Ozaki / poivre Voatsyperifery, meringue citron vert, litchi, fruit de la passion, ananas / millefeuille de chêne.

Sur les amuse-bouches nous buvons le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins doivent dater de la fin des années 80 et du début des années 90. Le parfum de ce champagne est éblouissant de richesse et de noblesse. La couleur est claire, à peine dorée et la bulle très fine est active. Ce champagne est dans la haute aristocratie des champagnes, par ses infinies complexités.

Je fais servir par Matthieu le Kebir-Rosé Frédéric Lung années 40 afin que sur les plats nous puissions choisir le champagne ou le rosé. Le nez du rosé, à l’ouverture, était prometteur. Il est toujours brillant, fort, suggérant la puissance d’un vin très foncé. Le vin conquérant évoque pour moi le café, caractéristique des vins algériens, le cigare et le fumé. Il est évident – instinctivement – qu’il faut le Kebir sur le carpaccio de wagyu. Et l’accord est transcendantal car il y a une continuité de goût absolue entre la viande et le vin. Le Krug est possible mais ne crée pas la même osmose.

L’ormeau, à l’œil, m’aurait donné envie d’essayer un rouge, mais en goûtant, il est évident qu’il faut le Kebir qui est le compagnon idéal de ce plat que j’adore, si réussi par Pages.

Pour le homard, ce qui me tente c’est que l’on essaie trois façons de l’accompagner. Avec le Krug, l’accord est parfait, si naturel et si pertinent. On pourrait se contenter de cela. Avec le rosé, l’accord existe, mais moins précis qu’avec le Krug. Le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1985 avait à l’ouverture un parfum d’exception, la pureté idéalisée du parfum d’un Châteauneuf. Ce parfum est divin et en bouche, on est impressionné par l’équilibre et le charme d’un vin du Rhône qui a tout pour lui. Ce vin est charme, plus que velours. Et il offre une précision absolue. L’accord avec le homard se fait, mais on revient avec bonheur au Krug, partenaire idéal.

La lotte n’accepte qu’un compagnon, le vin du Rhône qui s’épanouit. Je n’en reviens pas qu’il puisse avoir un tel équilibre.

Il est temps d’ouvrir un vin que j’ai voulu n’ouvrir qu’au dernier moment pour profiter de la grâce particulière de son éclosion. Le Vega Sicilia Unico 1991 explose de fruits noirs. On dirait un jus de myrtille. Il est d’une folle séduction. Il est plus puissant que le vin du Rhône mais il n’y a pas de compétition. Le vin espagnol est tout en séduction, jouant sur sa jeunesse folle alors qu’il a 28 ans. Le suivi de son éclosion, avant qu’il ne s’affirme, est un rare plaisir.

Les deux plats de viande sont parfaits, et l’intermède du toast à la truffe est idéal pour le Vega Sicilia, mais le Krug ainsi que le rosé se complaisent aussi avec la truffe particulièrement odorante. Ce qui est fascinant, c’est que tous les accords se sont montrés brillants et qu’il y a toujours eu un vin qui formait l’accord idéal. J’ai même essayé le wagyu très gras avec le rosé et ça marchait mieux qu’avec le vin espagnol moins à l’aise sur la viande japonaise qu’avec les viandes françaises plus matures.

Le premier dessert de Yuki, la charmante et souriante pâtissière, est un miracle de fraîcheur. Le Château Bernisse Castelnau Sauternes 1961 a une robe claire, un nez discret et subtil et une bouche délicate. C’est un sauternes en suggestion. Il est idéal pour ce premier dessert. A ma grande surprise, il se comporte bien aussi avec le dessert plus riche, un millefeuille au parfum de feuilles de chênes.

Ce repas ayant été organisé comme un de mes dîners, nous avons voté. Nous sommes cinq votants puisque ma femme ne vote pas, pour désigner nos trois préférés des cinq vins. C’est fou de constater que quatre vins ont été nommés premier ! Tous ont été nommés au moins une fois premier sauf le sauternes, le Châteauneuf ayant deux votes de premier.

Le classement global est : 1 – Kebir Rosé années 40, 2 – Krug Grande Cuvée étiquette crème, 3 – Vega Sicilia Unico 1991, 4 – Châteauneuf Domaine du Pégau 1985, 5 – Château Bernisse Castelnau 1961.

Mon classement est : 1 – Châteauneuf Domaine du Pégau 1985, 2 – Krug Grande Cuvée étiquette crème, 3 – Kebir Rosé années 40.

Si le Kebir n’est pas premier pour moi c’est qu’il n’était pas une découverte alors que cela a joué pour mes amis. Le Kebir est le seul à avoir eu des votes de tous.

Ce dîner a été un cas d’école pour les accords mets et vins. Nous sommes allés d’enchantement en enchantement. Les plus spectaculaires ont été le Kebir avec le carpaccio de wagyu, le Krug avec le homard et le Vega Sicilia avec le toast à la truffe. L’équipe de cuisine a fait des prodiges sur des produits de haute qualité comme le homard splendide et imposant. Le service était enjoué, Matthieu a été notre complice dans le service des vins, l’atmosphère a été joyeuse.

Le restaurant Pages est à la porte de la deuxième étoile, qu’on se le dise.


les vins préparés en cave. Le champagne de droite ne sera pas ouvert.

     

les impressionnants hormards

Préparation d’un dîner à l’Auberge de Bagatelle au Mans jeudi, 23 janvier 2020

Il y a un an, j’avais organisé pour un ami un dîner dans un restaurant du Mans, Le Beaulieu. Cet ami me demande de faire un nouveau dîner au Mans, au restaurant l’Auberge de Bagatelle tenu par le chef Jean-Sébastien Monné et son épouse. Quinze jours avant le dîner, je me rends à cette auberge pour étudier avec mon ami la cuisine du chef, pour mettre au point le menu qui accompagnera les vins.

Le lieu est spacieux, avec une décoration simple mais de très bon goût. Je suis accueilli avec des sourires. On me montre la salle où se tiendra le dîner. Elle est confortable. Je dépose mes vins dans une cave à bonne température.

Installé à table j’ouvre le vin que j’ai apporté pour le déjeuner, avec mes outils. Mon ami me rejoint et nous trinquons avec un Champagne Pommery Cuvée Louise 2004 qui est servi au verre. Il a une jolie couleur dorée et son goût est raffiné, avec suffisamment de fraîcheur et de belle noblesse. Il fait partie des grands champagnes.

Le chef a carte blanche pour nous faire découvrir sa cuisine et voici les intitulés des plats : dégustation d’huîtres creuses de pleine mer de la baie de Quiberon, l’une avec agrumes et poivre Timut, une avec du caviar Daurenki et voile de crème double et la troisième avec du beurre d’algues et seigle / noix de Saint-Jacques fumées au feu de bois, rosace de céleri boule aux feuilles de cerisier, pommes dauphines de patates douces, beurre blanc au vinaigre de sakura / intermezzo ay cédrat confit et granité café-génépi / pigeon de Mesquer mitonné sur un lit de châtaignes dans une cocotte lutée, salsifis et racines de cerfeuil, jus de rôti au whisky tourbé / Espuma de Mont d’Or, cecina et mesclun d’hiver / ellipse de pomme granny smith et yuzu, blanc vaporeux à la vanille Bourbon de Madagascar ; sablé au charbon végétal et sorbet yuzu.

Tout est intelligent et de grande maîtrise. Nous buvons selon les plats le champagne ou mon vin, un Château Mouton Rothschild 1990 au nez intense, à la mâche très belle de truffe, et profond. C’est un vin qui a été critiqué à une époque, mais qui, à trente ans, a trouvé sa voie. Il est riche, dense, et gastronomique.

Les amuse-bouches sont pertinents et montrent bien le talent du chef, une moule dans une boule, une olive comme en cromesquis, c’est un agréable début. Les huîtres sont divines et seront dans le menu futur, les Saint-Jacques y figureront aussi mais avec des aménagements, comme pour tous les plats qui seront gardés. Jean-Sébastien a tout-à-fait admis que la cuisine pour les vins anciens ne peut pas être la même que celle qui est faite pour une carte où les plats existent pour eux-mêmes. J’ai été ravi de voir comment la composition du menu s’est faite en harmonie avec le chef, son épouse et Matthieu le sommelier.

Chose amusante, l’intermezzo prévu comme une respiration en milieu de repas, sera conservé mais à la fin du repas, pour accompagner un Sherry de 1862, car j’ai trouvé son goût d’une grande séduction.

Tout semble réuni pour réussir le prochain dîner. A suivre.

Dîner de la Saint-Sylvestre 2019 mercredi, 1 janvier 2020

A quatre heures de l’après-midi, j’ouvre les vins du dîner de la Saint-Sylvestre. Le bouchon du Montrachet 1997 paraissait sain, mais le bas se brise en mille morceaux d’un liège léger et des petits morceaux restent dans le liquide, car je n’ai pas dans le sud des outils aussi performants qu’à Paris. Le Pape Clément 1982 d’un ami, au niveau entre mi-épaule et basse épaule n’est pas très glamour, mais l’oxygénation lente devrait le reconstituer. Tellement confiant en le Richebourg 1988 je n’ai pas senti le nez de bouchon que je découvrirai à table. Les autres vins s’ouvrent sans histoire.

Pendant l’après-midi la cuisine bruisse de préparations plus sophistiquées les unes que les autres dans la recherche de leur simplicité. A 20 heures précises notre groupe de huit est formé.

L’apéritif commence par des petites tranches de foie gras mi- cuit posées sur du pain aux céréales qui accompagnent le Champagne Lanson Red Label 1964 qui se présente dans la belle bouteille en forme de quille. Le bouchon est venu en deux morceaux car la torsion l’a cisaillé. Le champagne est d’un bel or acajou clair, la bulle est active. Ce champagne est une explosion de fruits exotiques. Il projette ses complexités comme en un feu d’artifice. C’est un champagne joyeux, dynamique et impressionnant par son fruit généreux et ces complexités innombrables. Une poutargue bien grasse n’apporte pas la continuité gustative qu’offre le foie gras.

L’ami qui a apporté le Champagne Exquise de Jacques Selosse souhaitait que son champagne apparaisse en second alors que l’inverse eût été préférable, car ce très joli champagne dégorgé en avril 2011 et dosé à 20 grammes, ce qui en fait un champagne presque doux, s’il apporte du plaisir, n’a pas les complexités du Lanson. Il est associé à des tranches de boudin blanc à la truffe et c’est un véritable régal. Ce qui est curieux, c’est que ce champagne encore jeune a une couleur ambrée très proche de celle du Lanson, montrant une évolution qu’il ne devrait pas avoir tant il est jeune. Son goût est agréable et inhabituel du fait de son dosage. Nous l’avons aimé.

Selon la tradition j’ai préparé des charades introuvables pour que chacun essaie de repérer sa place autour de la table. C’est l’occasion de rires. J’avais pressenti que les deux champagnes ne seraient plus en piste à la fin de l’apéritif, aussi pour le premier plat au caviar, je vais vite ouvrir un Champagne Salon 1997. Il est d’une couleur très claire. Le nez est superbe et la bulle active. Ce champagne depuis quelque temps est dans un état de grâce absolu. Il est d’une vivacité extrême, tranchant mais aussi très noble. Sur chaque assiette il y a neuf tranches de coquilles Saint-Jacques crues surmontées de caviar osciètre prestige Kaviari et un petit monticule de caviar à manger seul. Qu’y a-t-il de plus grand que l’accord du sucré de la coquille avec le salé du caviar ? Cet accord est divin et le champagne est idéal pour sceller cette union. Le caviar seul est évidemment plus salin et excite le palais. Le Salon 1997 s’adapte et montre sa grandeur. Il a révélé toutes les nuances iodées du plat.

Le plat suivant est de coquilles Saint-Jacques juste poêlées qui accompagnent un Montrachet Louis Jadot 1997. Le vin est servi beaucoup trop froid aussi nous aurons du mal à en profiter pleinement. Le vin s’épanouira quand même un peu et montrera qu’il a la fierté des montrachets. C’est un vin riche et complexe, solaire, formant un accord naturel avec les délicieuses coquilles, cuites à la perfection, à la seconde près.

Pour les suprêmes de pigeon, j’ai prévu deux vins. Le Château Pape Clément 1982 est d’une densité extrême. Il est truffe, il est charbon, avec une structure forte. Il se boit bien et l’accord se trouve, de bonne mâche.

Le Richebourg Anne Gros 1988 hélas est bouchonné. On cherche à lire entre les lignes et à retrouver l’âme de ce richebourg raffiné, mais quelle que soit notre ouverture d’esprit, le fait est là, le goût de bouchon tue le plaisir. La chair des pigeons est magnifique et la cuisson parfaite. Tous les plats jusqu’à présent sont fondés sur la qualité des produits.

Notre ami boucher, partenaire de belles agapes nous avait réservé une belle pièce de bœuf Wagyu qui a été cuite selon ses instructions données au téléphone. La viande est magnifique. Le Vega Sicilia Unico 1969 est d’une couleur très foncée et jeune. Le parfum est intense et lui aussi très jeune. En bouche ce vin est exceptionnel. Il a la vivacité habituelle des Vega Sicilia mais il y ajoute cette cohérence de saveurs que donne l’âge. C’est un vin majestueux. Et l’accord est d’une pertinence absolue, comme si viande et vin étaient fait l’un pour l’autre. Ce vin espagnol est exceptionnel ce que confirmeront les votes. La décennie des années 60 est une des plus glorieuses pour ce vin qu’on appelle parfois « la Romanée Conti d’Espagne ».

Il y a une telle profusion de fromages dont un imposant saint-nectaire apporté par des amis que j’ouvre vite un vin non prévu au programme initial, un Vega Sicilia Unico 2005. Et c’est amusant de pouvoir goûter ces deux vins, le 1969 et le 2005, qui se complètent plus qu’ils ne rivalisent. Le 2005 est un cheval fou de jeunesse, avec cette fraîcheur mentholée dans le finale qui est si caractéristique, mais il sait se montrer respectueux de son aîné beaucoup plus complet et intégré.

Une fois de plus nous vérifions que le Vega Sicilia Unico forme avec un camembert Jort un accord parfait. Avec le saint-nectaire, c’est un bonheur complet.

Le stilton est servi maintenant, seul en piste, pour accueillir le Riesling Famille Hugel Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles 1976. Une amitié profonde s’était forgée entre le regretté Jean Hugel et moi. Jean me confiait souvent que sa grande fierté était d’avoir réussi les vins de 1976. J’en avais donc acquis sur la foi de ses confidences et le vin que nous buvons est absolument exceptionnel. Il est doux, mais on le sent plutôt sec que doux, il a une acidité merveilleuse, et c’est un immense bouquet de saveurs raffinées. Je suis aux anges et j’ai évidemment une pensée émue pour ce grand vigneron. Le stilton est un des meilleurs que j’aie mangés, avec un gras noble. La combinaison est superbe et l’émotion est grande. La finesse de ce riesling m’a impressionné et mon vote le confirmera.

La mousse au chocolat accompagne (ou est-ce l’inverse ?) un Maury des Vignerons de Maury 1947. Ce vin doux qui titre 16° est d’une fraîcheur rare. Il est riche, mais fluide, et même subtil. L’accord est d’une évidence indiscutable. En le buvant, on a un goût de chocolat qui appelle le dessert.

Ce dîner ayant été organisé comme l’un de mes dîners de wine-dinners, nous votons pour les quatre meilleurs vins parmi les dix servis. Nous sommes sept à voter. Trois vins ont eu des votes de premier, le Vega 1969 quatre fois, le Riesling Hugel 1976 deux fois et le Vega 2005 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Vega Sicilia Unico 1969, 2 – Riesling Hugel Sélection de Grains Nobles 1976, 3 – Vega Sicilia Unico 2005, 4 – Champagne Lanson 1964, 5 – Champagne Exquise Jacques Selosse.

Mon vote est : 1 – Riesling Hugel Sélection de Grains Nobles 1976, 2 – Champagne Lanson 1964, 3 – Vega Sicilia Unico 1969, 4 – Maury 1947.

La cuisine fondée essentiellement sur le produit majeur du plat est idéale pour les vins. Caviar, coquilles, pigeons, Wagyu, saint-nectaire, stilton, mis en valeur par eux-mêmes ou par la préparation et la cuisson ont été de la plus belle qualité. Le plat qui m’a le plus ému par sa délicatesse est celui des coquilles juste poêlées. Tout a été réuni pour que nous entrions dans une nouvelle année et une nouvelle décennie dans une atmosphère chaleureuse, amicale, de belle gastronomie.

240ème dîner de wine-dinners au restaurant Marsan d’Hélène Darroze samedi, 7 décembre 2019

Le 240ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Marsan d’Hélène Darroze, organisé pour un participant de plusieurs de mes dîners. Appelons-le M.O. Il désire faire ce dîner chez Hélène Darroze et je suis allé étudier la cuisine du Marsan, ce qui m’a convaincu de faire le dîner en ce lieu. J’ai discuté avec le chef Hugo Bourny et avec le sommelier Baptiste Ducassou des orientations à donner à certains plats pour qu’ils s’adaptent aux vins anciens et la compréhension a été immédiate. Le menu a été mis au point il y a quelques semaines et quand j’ai reçu le projet final, il m’est apparu qu’il faudrait discuter encore de certains aménagements.

Mes vins avaient été livrés au restaurant il y a quatre jours avec des verres que je prête pour le dîner. J’arrive à 15h15 au restaurant afin d’ouvrir les vins. L’ouverture va prendre plus de temps que d’habitude car nous serons 21 à la belle table conviviale du rez-de-chaussée du restaurant Marsan et j’aurai à ouvrir 20 bouteilles, un magnum et une bouteille d’alcool. Les vins en bouteilles sont tous en double, et je constate que même lorsque leur origine est la même dans mes achats, les parfums à l’ouverture peuvent être très différents du fait d’états de bouchons dissemblables. Le plus gros écart concerne le Meursault Coche-Dury 1990, l’un des bouchons étant noir. Les parfums des Fargue 1985 sont aussi d’ampleurs différentes.

A 16 heures, au milieu de la phase d’ouverture, je discute avec le chef Hugo Bourny et je lui apporte en cuisine un verre du Gruaud Larose 1928 pour qu’il puisse juger de l’accord avec le rouget et avec ce qui l’accompagne. Quelques minutes plus tard je remonte en cuisine avec un verre de Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 qui permet d’éliminer une version du foie gras poêlé et de ne retenir que le foie gras poché, qui sera servi sans son bouillon de cuisson.

Je goûte aussi diverses versions du dessert à la mangue, préparées par la pâtissière, pour retenir deux versions complémentaires, avec un peu moins d’accompagnements. J’aime beaucoup ce travail fait en commun avec les chefs qui permet de se poser des questions inhabituelles telles que celle-ci : si un ingrédient est intéressant pour « faire » un plat et si cet ingrédient n’est pas un ami du vin, faut-il le conserver ? On ne fait pas un plat pour « faire » un plat, mais pour accompagner le parcours d’un vin, et c’est cet esprit qui crée les plus beaux accords. Nous nous sommes bien compris et c’est gratifiant aussi bien pour le chef que pour moi.

Lorsque M.O. m’avait annoncé vingt personnes, des amis d’enfance ou d’études, j’imaginais dix couples. Or en fait contre toutes les tendances politiquement correctes il n’y aura aucune parité puisque nous serons 21 ‘genrés’ ‘mâle européen’ et le titre du petit carnet fourni à chacun par M.O. est : « un dîner, de mecs… ». Ils sont tous dans la quarantaine active, tous amis, joyeux et volontiers taquins, et l’ambiance sera une des plus souriantes que j’aie connues dans mes dîners. Malgré les grèves tout le monde est là. Personne ne raterait ce dîner d’amitié. Comme deux ou trois sont en retard, M.O. fait ouvrir deux bouteilles de Champagne Henri Giraud blanc de craie qui sera une belle mise en bouche pour la suite du programme, champagne agréable à boire et d’une belle lisibilité.

Le menu est ainsi rédigé : des tastous pour titiller l’appétit… feuilles d’origan, anguille fumée, citron vert / croustillant de peau de poulet, foie gras de canard des Landes / pain soufflé croustillant, crémeux de chèvre fumé. A table : l’huître «Perle Blanche»… comme une icône…, velouté glacé de haricots maïs du Béarn, caviar Osciètre / le homard bleu… légèrement fumé et laqué… consommé de champignons des bois / le rouget vendangeur… farci d’olives Taggiasche et de pimientos del piquillo, jus intense lié au foie du rouget / le pigeonneau fermier cuit à la goutte de sang, flambé au capucin…jus intense au molé mexicain / foie gras de canard des Landes, poché dans un dashi légèrement infusé au cédrat mais servi seul / Stichelton / la mangue du Pérou… / madeleine à l’huile d’olive et au sarrasin, mendiant au chocolat.

Le Champagne Bollinger R.D. magnum 1973 qui a été servi en 1981 au mariage du Prince Charles avec Lady Diana est grandement mis en valeur par le précédent. Il est rond, cohérent comme une sphère de saveurs délicieusement dosées. C’est un champagne de grande personnalité, gourmand et doux. Les amuse-bouches sont très précis et goûteux et se marient bien avec le champagne raffiné.

Lorsque Baptiste avait ouvert les deux Champagne Dom Perignon 1982, l’un d’entre eux avait un parfum iodé incroyable, qui confortait mon envie de l’associer avec une huître. L’huître qui nous est servie est raffinée et s’accorde à merveille avec ce champagne romantique, tout en évocations plus qu’en affirmations. J’aime particulièrement ce millésime et il se montre sous son meilleur jour, jouant avec le plat comme un couple de patinage artistique glissant sur la glace.

Le homard très épuré et de belle et forte mâche accompagne deux vins. Si le Chablis Blanchot Vocoret & Fils 1988 était seul, on aimerait son calme, sa retenue de vin agréable sans être éblouissant. Mais il est vite ignoré car le Meursault J.F. Coche Dury 1990 est une bombe de minéralité. Comment ce vin « Villages » peut-il avoir une telle énergie et ‘pétroler’ de cette façon ? Il faut le talent de ce vigneron emblématique pour qu’on atteigne un tel niveau de vivacité et de persuasion. L’accord est classique mais efficace.

Mettre du rouget avec des vins rouges est une de mes audaces. Et ça marche. Le parfum du Château Canon La Gaffelière 1955 est probablement le plus beau des vins de ce dîner, à l’exception des liquoreux. Car la noblesse et la richesse de cette fragrance est conquérante. Le vin a une belle évocation de truffe et une mâche splendide.

Il n’aura pas, à mon sens, la consécration qu’il devrait avoir dans les votes, y compris le mien, car il est associé à un époustouflant Château Gruaud-Larose-Sarget 1928. Tous les convives sont subjugués par la couleur des deux bordeaux, si jeune et d’un rouge sang, aussi bien pour le 1955 que pour le 1928. Et le 1928 a une dimension de plus dans la richesse de son goût. Beaucoup des amis de M.O. se demandent comment il est possible d’avoir un vin aussi cohérent, équilibré et percutant. Le rouget joue son rôle de mise en valeur du vin et ce Gruaud Larose est exceptionnel, avec une longueur qui n’en finit pas. L’accord est d’une subtilité rare.

Le Clos de la Vigne aux Saints Louis Latour 1985 est d’un niveau supérieur à ce que j’attendais. Ce vin est très consensuel, comme une discussion au coin du feu. Il a un bel équilibre avec un fruit de belle qualité, mais le vin qui lui est associé va prendre tout l’espace disponible.

A l’ouverture des vins, avant que je n’ouvre le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964 j’avais dit à Baptiste : je suis sûr que ce parfum sera exceptionnel. Et il l’était. Maintenant qu’il est servi on sent un parfum salin d’une rare distinction, pénétrant et incisif. En bouche ce vin est conquérant, dynamique, entraînant. Un vrai miracle de charme bourguignon, d’un vin ancré dans son terroir. Beaucoup de convives sont sans voix devant tant d’équilibre et de richesse.

Hélène Darroze est venue nous saluer, nous expliquant que sa recette du pigeonneau flambé au capucin est une recette ancestrale des Landes, en vigueur dans sa famille depuis des lustres. Le pigeon est divin, à la cuisson parfaite.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 accompagne le foie gras poché et tout le monde constate la pertinence du plat. Le parfum du vin est superbe mais fort curieusement, il montre moins de sel que le Chambertin. Le vin est doux, tout en suggestion, mais il a aussi une belle énergie, et comme il représente pour mon goût l’âme de la Romanée Saint-Vivant du domaine, je l’ai nommé premier dans mon vote, car on retrouve la pureté de ce vin d’une année qui ne joue pas par sa force mais par ses délicates évocations. L’accord met en valeur la subtilité du vin par la douceur du foie poché.

Les deux sauternes de la famille Lur Saluces sont servis ensemble sur deux plats, le fromage et le dessert. Le Château De Fargues 1985 a une couleur très claire alors que le Château d’Yquem 1967 a une belle couleur acajou très foncée. Le parfum de l’Yquem est d’une force rare, radieux comme un soleil et le Fargues joue plutôt sur des évocations délicates. On peut jouir des deux si on ne les compare pas, car la puissance de l’Yquem écraserait tout sur son passage.

J’aime beaucoup le Fargues expressif et long. Et l’Yquem est conquérant. C’est probablement le plus grand 1967 que j’aie bu, vin qui jouit d’une notoriété forte et montre qu’il la mérite.

Ce soir j’ai trouvé le Stichelton un peu gras et crémeux et je lui aurais préféré un stilton plus sec et plus salé. Le dessert à la mangue est idéal pour ensoleiller encore plus les deux sauternes délicieux.

Le dîner s’étend dans la nuit aussi fais-je voter sans attendre l’apparition du Marc de rosé d’Ott Domaine d’Ott 1929 qui est de toute façon inclassable avec les autres vins. Tous les vins ont eu des votes sauf un, le Chablis, que j’ai trouvé bon sans être vif, dans l’ombre du meursault. Le chambertin figure dans vingt votes sur 21 possibles et le Gruaud-Larose figure dans 18 votes sur 21. Quatre vins seulement ont eu des votes de premier, ce qui est une forte concentration, le chambertin a eu dix votes de premier, l’Yquem cinq votes de premier, le Gruaud Larose quatre votes de premier et la Romanée Saint-Vivant deux votes de premier.

Le vote du consensus est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964, 2 – Château Gruaud-Larose-Sarget 1928, 3 – Château d’Yquem 1967, 4 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 5 – Meursault J.F. Coche Dury 1990, 6 – Clos de la Vigne aux Saints Louis Latour 1985.

Mon vote est : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964, 3 – Château d’Yquem 1967, 4 – Château Gruaud-Larose-Sarget 1928, 5 – Champagne Bollinger R.D. magnum 1973.

J’ai trouvé dans mes archives que le Chambertin Clos de Bèze de Damoy de 1961 ou 1964 a été servi dans 12 dîners et a obtenu sept places de premier pour le consensus. En voilà une huitième.

Le marc est sacrément puissant et rebute certains. Heureusement les madeleines apaisent le palais. J’ai connu des marcs de 1929 plus doux que celui-ci, à la belle couleur rosée.

Comme les vins, toujours en double, étaient différents d’une bouteille à l’autre, j’avais demandé à M.O. que ses amis ne cherchent jamais à goûter l’autre bouteille servie à l’autre moitié de la table. La discipline de tous a été remarquable. Vers la fin du repas M.O. a fait un court discours évoquant des épisodes et anecdotes d’événements communs. Cette camaraderie souriante est extrêmement rafraîchissante. J’ai adoré le ton général des échanges de cette soirée.

La cuisine inspirée par Hélène Darroze sur laquelle je me suis permis d’effectuer quelques petites modifications a été unanimement plébiscitée par cette belle assemblée d’amis. Les accords créés par l’iode de l’huître, le velours viril du rouget ou la divine chair du pigeonneau ainsi que le foie poché ont été superbes. Le service des vins par Baptiste a été compétent et efficace. Tout s’est passé de façon remarquable. Il ne reste plus qu’à recommencer…

le petit carnet remis à ses amis par l’organisateur du dîner ;

les vins dans ma cave

la salle avec les verres

pendant que j’ouvre les bouteilles, le chef me fait goûter des plats. Ici le rouget en deux présentations

le repas

le vote

le menu

19ème dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent, 239ème dîner dimanche, 10 novembre 2019

Le 19ème dîner annuel de vignerons que j’organise, appelé ‘dîner des amis de Bipin Desai‘, se tient comme chaque année au restaurant Laurent. Les participants de ce dîner sont : Margareth Henriquez (Champagnes Krug) – Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) – Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) – Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) – Jacques Devauges (Clos des Lambrays) – Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) – Marc Hugel (Maison Hugel) – Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) – Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) – Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon) – Bipin Desai et moi. Pierre Trimbach a dû se désister après m’avoir envoyé son vin, qui, à sa demande, sera présenté au dîner.

J’étais venu il y a deux mois étudier la cuisine de Julien Schmitt, le nouveau chef du restaurant Laurent, et j’avais apprécié son ouverture d’esprit lorsque nous avons conçu ensemble il y a quelques jours le menu de ce dîner. La forme du repas étant celle d’un de mes dîners, il en sera le 239ème. Le menu est ainsi composé : araignée de mer dans ses sucs en gelée / blanc-manger de langoustines, caviar Impérial de Sologne / homard de nos côtes cuit au bois sucré, butternut fondant voilé d’une marmelade citronnée, sucs au jus de volaille réglissé / ris de veau doré et glacé, condiment de péquillos, carottes Chantenay, crème de laitue au beurre noisette / volaille Culoiselle au foie gras, variation automnale autour des cèpes / Saint-Nectaire / poire en texture, poivre sauvage d’Andaliman / madeleines à la réglisse.

C’est un peu avant 16 heures que je me présente au restaurant pour ouvrir les bouteilles et Ghislain, l’excellent sommelier, a déjà aligné les bouteilles qui avaient été livrées il y a quatre jours, pour que je puisse les photographier. Beaucoup des bouteilles fournies par les vignerons ont été reconditionnées avec des bouchons neufs. Lorsque je retire le bouchon du magnum de Clos Sainte-Hune 2012, je sens que le bouchon sent le bouchon. J’ai peur qu’il en soit de même du vin aussi je verse un peu de vin qui ne montre aucun défaut mais est très chaud. Je fais goûter à Ghislain qui ne comprend pas que le vin soit chaud alors qu’il l’a mis en chambre froide. Le magnum de Trimbach est tellement haut qu’il se pourrait que la partie supérieure de la chambre froide assure moins de froid.

Les parfums de tous les autres blancs sont superbes. Le Clos des Lambrays 1971 et le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 ont des bouchons qui sont tous les deux surmontés par une sorte de bulle assez plate en plastique ou en cire qui assure une étanchéité du bouchon sous la capsule. Les parfums des rouges sont aussi parfaits mais pour le Clos des Lambrays, le parfum de la bouteille reconditionnée et au niveau plus que parfait me donne l’impression que le vin a été un peu fortifié au rebouchage. Jacques Devauges me dira que le protocole de rebouchage interdit un tel phénomène car les bouteilles ne sont complétées que par le vin d’une bouteille du même millésime.

Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 a été rebouché il y a quelques années et le bouchon Diams en liège aggloméré porte l’adresse internet de la maison Hugel ce qui fait anachronique. Le nez est très discret et je n’ai pas envie de vérifier le vin, pour ne pas le heurter. Nous verrons.

Ghislain ouvre les champagnes à 18 heures. Les amis arrivent à 19h30. Vincent Chaperon a dû prendre un train un peu tard du fait d’une grève. Il ne sera pas là au moment où son vin est servi mais nous rejoindra assez vite. Le Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995 me rebute un peu car je ressens la force du dosage. Les excellents amuse-bouches vont permettre au champagne de devenir plus fin et raffiné. J’ai gardé mon verre à table et le champagne a réussi à me convaincre de l’intérêt de faire un « P2 » pour un vin que je considère comme jeune, ayant du mal à imaginer qu’il a 24 ans.

Ayant la charge de la bonne ordonnance du repas et discutant avec des vignerons passionnants, je n’ai pas pris de notes et ma mémoire des vins sera de ce fait relativement succincte.

Nous passons à table. Rodolphe Péters explique le concept du Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage. Rodolphe avec l’accord de son père et de son oncle a fait un assemblage de vingt millésimes qui existaient dans l’œnothèque de la maison, allant de 1921 jusqu’à 2010. J’avais été l’un des premiers il y a trois ans à goûter cette cuvée qui n’était pas encore au point et le fait de mélanger des 1921 et des 1947 avec des vins plus jeunes heurtait un peu ma sensibilité. Mais en goûtant ce champagne, je suis conquis, car il est d’une grande complexité et d’un foisonnement d’évocations de tous les millésimes. C’est un très grand champagne. On peut s’amuser à essayer de retrouver le goût d’une décennie et avec un peu d’imagination, on le trouve. L’araignée de mer lui convient parfaitement. Cette cuvée Héritage est une réussite.

Sur le blanc manger de langoustine nous avons deux vins, comme sur presque tous les plats. Le Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012 ne me semble pas offrir la vivacité et le caractère cristallin et précis qui est une caractéristique de ce grand riesling et Marc Hugel partage mon analyse, mais d’autres vignerons me diront plus tard qu’ils l’ont trouvé parfait. Le Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006 est en fait le Musigny blanc qui ne retrouvera son nom que sur le millésime 2015 lorsque les vignes replantées dans les années 80 ont un âge suffisant justifiant cette appellation. Le vin est à la fois vif et complexe, riche et entraînant. Je suis conquis par ce vin énergique aux multiples évocations. Il est enthousiasmant comme le champagne Péters.

Le homard accueille deux blancs. Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 est d’une couleur d’un or marqué. Le vin est riche, puissant et conquérant. A côté de lui le Montrachet Bouchard Père & Fils 2002 est plus aérien et fluide. Il est subtil et n’a pas la puissance habituelle des montrachets. J’aime ce vin tout en évocations raffinées.

Le ris de veau est délicieux et convient bien aux deux vins. Le Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969 paraît jeune pour ses cinquante ans mais a bien la sérénité et la plénitude des vins de 1969. Il est très équilibré et riche et le ris de veau lui convient bien. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993 est très différent mais aussi très complémentaire. Il est vif, cinglant et j’adore ses saveurs multidirectionnelles. Les deux vins se complètent sur le plat comme dans les séries précédentes.

La volaille est douce et superbe et accompagnera deux vins rouges et un champagne. J’ai voulu en effet séparer dans ce repas le Dom Pérignon et le Krug qui sont de la même année. Il ne serait pas opportun de les mettre en compétition. Le Clos des Lambrays 1971 est à un moment de plénitude. Il est riche et d’une belle longueur, serein. A côté de lui, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 est d’une fraîcheur et d’une subtilité rares. Je ne trouve pas, ou juste en trace, le sel qui est un marqueur des vins du domaine, mais le vin est exceptionnel. La volaille met les deux vins en valeur, qui encore une fois ne se nuisent pas et au contraire accroissent le plaisir de les boire.

Le Champagne Krug magnum 1995 est éblouissant de richesse et de complexité. Il est au sommet de son art. C’est un champagne accompli et le passage des vins rouges au champagne et inversement se fait naturellement quand on prend soin de prendre une bouchée de l’excellent plat d’une douceur extrême.

Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 est inconnu de tous, même de Marc Hugel. Sa couleur est un peu foncée ce que Marc impute à un léger botrytis. Le vin est résolument sec, avec une petite pointe de douceur. Marc pense qu’il pourrait y avoir un peu de riesling dans ce vin qui ne lui paraît pas totalement Traminer. On ne peut pas imaginer que ce vin fluide et profond puisse avoir 119 ans. Marc, voyant le dessert pensait qu’il ne conviendrait pas au vin et a reconnu que son appréhension n’est pas justifiée car la fraîcheur du dessert d’une belle douceur met en valeur le vin délicat et émouvant.

J’ai apporté deux bouteilles de Vin de Chypre 1870 dont j’avais senti les parfums dissemblables à l’ouverture. Je pensais faire servir chaque bouteille à une moitié de table mais Aubert de Villaine m’a suggéré que chacun puisse goûter les deux. Il a eu raison. La première est très épicée et riche de réglisse. C’est un vin lourd et capiteux de grande palette aromatique. La seconde bouteille est plus légère, les épices étant moins présentes et le vin étant plus fluide. J’ai tendance à préférer la seconde et plusieurs amis préfèrent la première. Dans les deux cas les vins sont de longueur infinie. Bipin Desai dit que des personnes qui offrent à ce dîner un vin de 1900 et deux vins de 1870  »ne peuvent pas être de mauvaises personnes ». Les madeleines à la réglisse conviennent à ces deux vins doux naturels de grande intensité.

Tous les vins apportés par les amis vignerons ont été de haute qualité et ont permis de faire un programme cohérent, appuyé par une cuisine particulièrement adaptée. Le chef a fait un repas apprécié par tous, d’une grande justesse. Les accords ont tous été pertinents et le rythme du repas a mis en valeur les vins. Le service de sommellerie a été attentionné et efficace. L’atmosphère du repas a été extrêmement amicale. Chacun a été heureux de bavarder avec ses amis. Ce fut une soirée très réussie.


Les vins dans ma cave (sauf le Montrachet 2002 non encore arrivé)

Les vins au complet au restaurant Laurent

Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995

Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage

Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012

Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006

Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992

Montrachet Bouchard Père & Fils 2002

Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969

Chambolle-Musigny Les amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993

Clos des Lambrays 1971

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959

Champagne Krug magnum 1995

Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900

Vin de Chypre 1870

Vincent Chaperon, Aubert de Villaine et Bipin Desai

 

Photos du dîner de vignerons dimanche, 10 novembre 2019

Le menu du repas

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Sur la photo de gauche à droite :

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

François Audouze / Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) / Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) / Marc Hugel (Maison Hugel) / Jacques Devauges (Clos des Lambrays) / Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) / Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) / Bipin Desai / Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) / Margareth Henriquez (Champagnes Krug) / Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) / Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon)

Quelques photos d’ambiance des participants (crédit photos : Laurence de Terline)

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner au restaurant de David Toutain vendredi, 1 novembre 2019

Bipin Desai, célèbre collectionneur américain a été l’initiateur des dîners de vignerons que j’organise depuis 19 ans. Il vient d’arriver à Paris, en provenance de Los Angeles, et m’avait demandé de réserver une table pour nous deux au restaurant de David Toutain. Je suis heureux de cette occasion de revoir un chef que j’apprécie. Lorsque j’arrive, le chef prend l’air sur le pas de la porte et nous bavardons quelques minutes. La décoration a changé. Elle est plus souriante. Je reconnais des personnes familières car j’ai vu Gautier, responsable de salle, et la sommelière Suzanne en d’autres lieux comme le Crillon.

Bipin arrive assez fatigué par son voyage mais je le trouve en très bonne forme pour ses 84 ans. C’est lui qui va décider ce que nous boirons sur la carte des vins et manifestement, son regard va dans des zones tarifaires que j’essaie d’éviter. Comme nous partageons l’addition, son choix pèsera lourd, car les coefficients du restaurant sont élevés sur certains vins.

Nous commençons par un Champagne Bollinger R.D. 2002. Le champagne est évidemment très grand mais je suis fort gêné par sa bulle insistante. Ce midi j’avais bu un Laurent-Perrier 1981 sans bulle et délicieux. J’ai du mal à m’adapter à ce saut dans la jeunesse où la bulle est envahissante et limite mon plaisir, même si le champagne joue dans la cour des grands.

On nous donne le choix entre deux menus, l’un à onze plats et l’autre à huit plats. Le petit menu s’appelle Reine des Prés. Le grand menu s’appelle Lierre Terrestre, pour une raison qui n’apparaîtra pas dans ce que nous mangeons. Mais ce titre est poétique.

Le texte du menu Lierre Terrestre n’est donné qu’à la fin du repas. Du bout des doigts : salsifis épeautre / topinambour bœuf fumé / betterave oxalys chocolat / huître échalote / Au fil du temps : caviar avocat banane / brioche beurre demi-sel / foie gras butternut clémentine / céleri rave foin truffe blanche / foccacia sapin / choux asperge Saint-Jacques douglas / poisson cèpe noix / homard genièvre pamplemousse / anguille sésame noir / viande Celtus curry / lièvre cacao / bleu de Séverac poire / Instant T. : cédrat marron livèche / pistache poivre Timut pomelos / mignardises.

On peut soupçonner qu’un chef qui coup sur coup nous offre salsifis, topinambours et panais a l’envie de susciter des symphonies intestinales…

Suzanne nous a conseillé de prendre un vin blanc compte tenu de l’orientation du repas. Ce sera un Meursault Charmes Domaine Comtes Lafon 2014. Bipin et Suzanne sont des admirateurs du millésime 2014 dont j’avoue ma faible connaissance. Ils ont raison car ce vin blanc est divin, riche, plein, joyeux, virevoltant et nous offrant des éclairs de génie. C’est un très grand vin.

La cuisine de David Toutain est inspirée et de haute précision. Le plat que j’ai adoré, c’est l’anguille cuite avec une justesse extrême. C’est délicieux. Ensuite vient le homard remarquable. Mais pourquoi le présente-t-on avec la pince dans une coupelle devant soi et la queue dans une coupelle commune où les deux morceaux à se partager reposent sur des branches de pin. La présentation parfois confuse des plats rebute un peu. Ensuite vient le foie gras au goût exceptionnel. Le seul plat qui ne m’a pas convaincu est le lièvre à la royale selon la recette du sénateur Couteaux, car la crème ne fait pas ressortir la richesse de la viande au goût profond. Comme c’est une question personnelle je veux bien admettre que je n’ai pas raison, mais je n’ai pas été séduit.

Il y a dans la cuisine de David Toutain une grande recherche des présentations qui fait penser à celles de René Redzepi du restaurant Noma. C’est parfois un peu compliqué, mais ce qui compte c’est la cuisine très précise d’un chef de talent. Le dîner à huit plats eut été un meilleur choix car nous avons Bipin et moi de lourds programmes. Ce furent d’agréables retrouvailles de la cuisine de ce chef.

quelle imagination créatrice !

238ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance jeudi, 20 juin 2019

      Le 238ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. J’étais venu il y a quelques semaines prendre connaissance de la cuisine du chef Alexis Bijaoui que je ne connaissais pas et nous avions bâti avec Guillaume Muller le projet de menu.

A 17 heures j’arrive au restaurant Garance pour ouvrir les bouteilles qui ont été mises debout la veille dans la très jolie cave climatisée du restaurant. Nous sommes un jour de pleine lune, il fait chaud, et je constate que tous les bouchons sont venus entiers, sans se briser, ce qui est rare. Plusieurs odeurs sont encore imprécises ce qui justifie l’aération de plusieurs heures qui va suivre. Pour une fois je pense à ouvrir les champagnes à l’avance, vers 18 heures.

C’est la première fois je crois que je fais un dîner sans connaître aucun des participants. Souvent, lorsque quelqu’un réserve un dîner pour une table entière, je connais le donneur d’ordre. Là, tout s’est fait au téléphone et par échanges de mail. Nous sommes sept, dont trois sont des partenaires dans une société de Capital Risque, deux de la société qui a réalisé une très belle opération de cession, accompagnés de leur conseil. Le succès de l’opération justifie ce repas. L’ambiance sera particulièrement souriante.

Nous sommes installés dans le très agréable salon du restaurant. L’apéritif se prend debout, avec un Champagne Jacques Selosse millésime 2002 Extra Brut dégorgé en 2013. Il y a dans notre groupe deux personnes qui manifestement connaissent bien le vin et quatre autres aux connaissances plus clairsemées. Certains adorent le caractère extra-brut de ce champagne et d’autres moins. Il est puissant, légèrement ambré et évoque de beaux fruits oranges comme l’abricot mais aussi un peu de miel. Ce champagne racé est une belle entrée en matière. Il a une grande force de persuasion ?

Nous passons à table. Le menu préparé par Guillaume Muller et le chef Alexis Bijaoui est : brioche feuilletée et tartelette de légumes / crème à l’araignée de mer / homard à l’huile de rose / rascasse sauce volaille / pigeon, jus corsé / bœuf de la ferme de Garance, champignons, jus de viande / stilton / crème anglaise à la verveine, rhubarbe / petits financiers au café.

Le Champagne Salon 1988 avait à l’ouverture un pschitt tonique et puissant de jeune vin. Son parfum est noble. En bouche il est d’une maturité parfaite, riche et conquérant. J’adore ce Salon accompli. L’araignée de mer est très cohérente pour mettre en valeur le champagne noble.

Le Chablis Grand Cru Blanchot Domaine Vocoret 1988 a un nez assez désagréable comme s’il était camphré. Je l’avais senti à l’ouverture et je pensais qu’il disparaîtrait. Fort heureusement, la bouche ne s’en ressent pas. Le homard est absolument délicieux, d’une cuisson parfaite. Le chablis est opulent mais n’est pas très chablis. Il est en tout cas inférieur à d’autres de ce même vin que j’ai eu l’occasion de boire. L’accord est pertinent.

Pour beaucoup, la couleur intense du Château Ausone Saint-Emilion 1962 est une énigme. Comment est-ce possible qu’un vin de 57 ans puisse être aussi jeune ? Je ressens au nez une infime trace de camphré comme si le parfum du blanc avait déteint sur celui du bordeaux. Heureusement la bouche n’en souffre pas, riche de truffe et de charbon. Saint-Emilion très caractéristique il est riche et forme avec le poisson un superbe accord qui étonne beaucoup de convives par son originalité.

Le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 est marqué par un fort nez de bouchon. Aïe ! Je joue de malchance. A l’ouverture, rien ne laissait supposer que ce serait le cas. Le nez de bouchon va s’estomper un peu et ne nuit pas tellement à la bouche d’un vin bien vivant, mais on ne peut pas vraiment l’ignorer. Le pigeon est superbe, de belle chair. Dommage que ce pommard au beau message soit entouré d’un voile qui l’inhibe un peu.

Ouf ! Le Châteauneuf-du-Pape Veuve Villars et Fils 1928 est totalement exceptionnel. Il remet en cause toutes les certitudes sur l’effet de l’âge. Certains pensaient que jamais ce vin ne brillerait. Le vin est tout simplement génial, d’une belle énergie et on lui donnerait volontiers 20 ans au lieu de 91 ans. Il est merveilleux de velours. La viande du bœuf de la ferme de Garance est goûteuse et l’accord est superbe. Ce vin superbe fait oublier les déconvenues précédentes.

Le Château Climens Haut Barsac 1966 est d’une couleur abricot. Il est raffiné. Il n’est pas explosif en bouche même s’il a beaucoup d’énergie. L’accord avec le stilton est un modèle du genre. Ce Barsac est d’une élégance qui nous ravit.

Le Quinta do Noval Vintage Port 1975 indique sur l’étiquette 20,6°. On ne sent pas du tout l’alcool tant le vin glisse en bouche avec bonheur. Il a des fruits noirs gorgés de soleil et ce porto est du pur bonheur. La crème anglaise à la verveine avec de petits dés de rhubarbe, dessert décidé au dernier moment, crée un accord de grand raffinement, tout en subtilité.

Le Marc de rosé d’Ott du domaine d’Ott 1929 est d’une jolie couleur rose frêle. Il n’y a que la couleur qui est frêle. En bouche, c’est un bazooka qui arrache tout sur son passage. Les petits financiers l’adoucissent mais c’est un marc de combat, très intense.

Il est temps de voter et nous sommes sept à voter pour cinq vins préférés sur les neuf du repas. Le marc n’a eu aucun vote car il est vraiment à part. Tous les autres ont eu des votes, même le 1929 dont le message de fond a séduit un des convives. Trois vins ont eu les honneurs d’être premiers, le Châteauneuf-du-Pape cinq fois, le Climens une fois, comme le porto.

Le vote du consensus serait : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Château Climens Haut Barsac 1966, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975, 6 – Champagne Jacques Selosse millésime 2002.

Mon vote est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Château Climens Haut Barsac 1966, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975.

La cuisine d’Alexis Bijaoui a été raffinée et simple, pour mettre le produit en valeur, et ce fut réussi. Trois accords méritent d’être mis en valeur : la rascasse à la sauce viande et l’Ausone 1962, le stilton avec le Climens 1966 et la crème à la verveine avec le porto.

Le service de Léo des vins a été parfait. Tout était réuni, sauf le parfum du pommard 1929, pour que nous vivions une très belle expérience avec des convives joyeux, souriants et sympathiques. Vive le Châteauneuf de 91 ans !!!


jolie sculpture à l’entrée

un champagne pour soutenir le moral de l’ouvreur !

les vins

 

237th dinner in Hotel Les Crayères dimanche, 26 mai 2019

Sarah, an American from North Carolina, is currently the most assiduous of my dinners. She wants to celebrate the forty years of two of her friends and asked me to propose her a restaurant, without it being obligatorily Parisian. For a long time I dreamed of having dinner with Philippe Mille, the talented chef des Crayères. Opportunity arises, Sarah agrees. As it is the first dinner with this chef, I planned to have lunch the day of the dinner to check some dishes, as I had just done at Belle Epoque House two days ago. My wines had been delivered two days ago because I made a hook by Reims before going to Epernay. I asked that the wines be put up so that I can open them around 16 hours.

At the bar of the hotel Les Crayères I discuss with Philippe Mille and we agree that I will make my comments after lunch. Here is what I found. The three appetizers are delicious. The ham of the Ardennes deserves to be presented in shavings much smaller and the one I ate is too salty. Philippe Mille will seek more tender parts. The chicken is delicious. It is served hot which would be good for a red wine. As it is accompanied by a champagne it is advisable that the dish is warm and not hot. The cooking of the saint-pierre is perfect. We should remove the sabayon which is too dominant next to the fish. Asparagus should be shorter, to avoid tails that are too bitter. The duck is perfect and there is nothing to change. The dessert is a soufflé in which is plunged a spoon that carries a sorbet that will refresh the soufflé. It seems to me that the combination of hot and cold will affect the tasting of the masterful Filhot 1929. It is Philippe who will find the right solution, to put the sorbet on a plate apart.

After this delicious meal, we speak, Philippe and me, of my comments. Mutual understanding is immediate and my suggestions are adopted. Such an open mind is particularly pleasant.

I thought to start the opening of the wines around 15:30 and I gave appointment to the sommeliers. Fatigue has turned my nap into a deep sleep. An angel guardian of my internal clock allowed me to be at 16 hours on foot to open the wines of the 237th dinner.

The White Pavilion of Château Margaux 1979 seems to me to have the richest perfume of the wines of the dinner and we will see that the reality in a few hours will be very different, but I do not know it. The Chablis 80s has a beautiful fragrance. Other scents are promising. I was expecting from Filhot 1929 that it has a thundering nose and it’s quite the opposite. He has a dusty and shy nose. I have no fear, but I do not know how much he will be reborn. A large majority of corks come with sectional breaks. Does time play a role, hygrometry or barometric pressure, I do not know, but these concordances intrigue me more and more.

At 7 pm my guests arrive, all Americans, Boston, North Carolina or Miami. Sarah is the organizer of this group that wants to celebrate the forty years of two women. We are seven of which only two men. It is quite rare that women are so dominant in my dinners.

We have an aperitif on the terrace of the hotel with Champagne Dom Ruinart magnum 1990. The appetizers, a potato cromesquis, a gamba and a preparation made of corn are superb. The champagne is a beautiful color of a light honey gold. The bubble is still active and the champagne is serene, broad, full and balanced. The magnum effect is sensible. This champagne is the first of the class, the one that always has everything good. Its length impresses. Ardennes ham chips blend well with him. We sit down to table and we have the nice table in the alcove of the restaurant room, from where we can see the beautiful garden.

The menu composed by chef Philippe Mille is: chicken and chanterelles, served with a yellow wine sauce / wild knives selected by Jean Marc, creamy cauliflower cooked on the grill, cabbage vegetables iodized caviar / Yeu Island chalk and stone quarries, white asparagus and mushroom emulsion / roast veal, salt-crusted potatoes, crispy nuts / duck from Tilloy Farm and artichokes, cooked with wine of Coteaux de la Montagne Reims / honey and blown tradition of Crayères, pickled grapefruit and candied.

Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 is powerful and virile, contrasting with Dom Ruinart. He accompanies very well the sweetest parts of chicken. He has a beautiful presence when Dom Ruinart has charm. To choose between the two is not easy because the two play on different registers. On the dish there is a slight advantage to the Mumm whereas in pure charm, Dom Ruinart wins.

The 1979 Château Margaux White Pavilion, which had a scent that led to the opening, now has a cork nose. It is drinkable because the defect in the mouth is very low compared to the defect in the nose, but nothing drives us to continue to drink it because the Chablis Premier Cru Louis Latour (80s) who lost his collar year has powerful aromatic aromas. Chablis as conquering, it is rare. The dish of knives that I had not tasted at noon is exceptional. The expressive, sliced knife is domesticated by caviar, which, like the creamy, enhances the happy wine of this conjunction. The harmony knife and Chablis is superb.

The Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau Martray 1972 is a totally surprising wine that deviates from the usual pattern of Corton-Charlemagne. He is strange and terribly attractive. It is a journey into the unknown with a lot of charm. There are so many things in this wine that separate us from Chardonnay that I listen to it religiously to try to impregnate it. There are evocations of tea, green and gray vegetables, but at the same time there is a particular vivacity and well-controlled acidity. We cannot speak of default, because the wine is excellent. But it’s off-piste. He will be third in the group vote and fourth for me, which confirms its interest.

The Château Mouton Rothschild 1979 is a wonderful surprise. We must quickly forget that it is 1979 because it seems born in a great year. Richness and subtlety, romance and affirmation, this wine is rich and noble. He is so reassuring. He has the soul of Mouton.

On the veal of a rare sweetness, it is associated with the Beaune Grèves Vine of the Child Jesus Bouchard Father & Son 1962. This wine is rich, dense, almost roasted as it is concentrated. He even gives suggestions – in traces – of coffee and chocolate that are not his markers. It is very well refocused by the sweetness of the veal chews. It is atypical but I put it in my vote, because I have a weakness for the Beaune Grèves Vine of the Child Jesus of which I have witnessed over more than 150 years.

We will live now an anthology agreement. The duck is like lacquered with a thick cream and we recognize chocolate notes in this delicious ointment. The Vega Sicilia Unico Réserve Especial bottled in 1992 is usually composed of three or four years but that of 1992 is only two years, two large, 1970 and 1972. Rich and at the same time very fresh, it has notes of chocolate that are strictly those of duck and small sketches of coffee. By some notes, the Spanish wine cousin with the wine of Beaune. The fresh finish of Vega Sicilia Unico is exceptional and the agreement is unique.

Before the dessert two candles are presented to both persons celebrating and blown for their birthday.

At the opening, the Chateau Filhot Sauternes 1929 had surprised me by its discretion and a nose slightly dusty. In service, all that has disappeared. The wine has a powerful and noble fragrance. It is complex with notes of exotic fruits. Rich and seductive, its color is almost black. It is not thundering like some Sauternes, because it is in the soul of Filhot to play the finesse more than the affirmation. The honey and grapefruit soufflé and the delicious sorbet that we taste separately are naturally complicit with the great Sauternes.

It’s time to vote. We are seven and we are voting for our five favorite among nine wines. All the wines had votes, except of course the White Pavilion corked. Three wines were named first, Filhot four times, Corton Charlemagne twice and Vega Sicilia once. The Filhot appeared on the 7 voting sheets and Corton Charlemagne and Vega Sicilia appear on 6 voting sheets.

The consensus ranking is: 1 – Château Filhot Sauternes 1929, 2 – Vega Sicilia Unico Réserve Especial put in bottle in 1992, 3 – Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 1972, 4 – Château Mouton Rothschild 1979, 5 – Champagne Dom Ruinart magnum 1990, 6 – Champagne Mumm Cuvée Rene Lalou 1979.

My vote is: 1 – Vega Sicilia Unico Réserve Especial put in bt in 1992, 2 – Château Filhot Sauternes 1929, 3 – Chablis Premier Cru Louis Latour (90s), 4 – Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 1972 ; 5 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962.

All dishes were perfectly adapted to the wines. The most beautiful agreement is that of the duck with the Vega Sicilia. The most innovative dish for my taste is that of knives, well accompanied by Chablis. The service was of high quality and the cooking of the chef of very high level. Pleasing my friend Sarah and her guests was my goal. I believe it has been achieved. Her loyalty to my dinners is impressive.

As I was leaving the table with my guests who are going back to their hotel, who do I see, Peter, a Scotsman crazy fan of champagnes with whom I shared extraordinary champagnes. There are five of them at their table, all young in their late 30s or early 40s, and have just drunk five Salon champagnes and five Krug Clos du Mesnil champagnes, lined up on a console. They kindly offer me to taste the Champagne Krug Clos du Mesnil 1990 that I find a little unbalanced and Champagne Krug Clos du Mesnil 2002 that I find noble and superb, a great champagne. Tomorrow they will make the same comparison between the two houses Salon and Krug but with other vintages at the Assiette Champenoise of Arnaud Lallement. They offer me to join them. I refuse, because the concentration of meals over three days is already excess. Whatever the temptation to taste wonders with them, all good things come to an end.

(see pictures in the article in French below)

237ème dîner à l’hôtel Les Crayères samedi, 25 mai 2019

Sarah, américaine de Caroline du Nord, est en ce moment la plus assidue de mes dîners. Elle veut fêter les quarante ans de deux de ses amies et m’a demandé de lui proposer un restaurant, sans qu’il soit obligatoirement parisien. Depuis longtemps je rêvais de faire un dîner avec Philippe Mille, le talentueux chef des Crayères. L’occasion se présente, Sarah accepte. Comme c’est le premier dîner avec ce chef, j’ai prévu de déjeuner le jour du dîner pour vérifier quelques plats, ainsi que je venais de le faire à la Maison Belle Epoque. Mes vins avaient été livrés il y a deux jours car j’avais fait un crochet par Reims avant d’aller à Epernay. Je demande que les vins soient mis debout afin que je puisse les ouvrir vers 16 heures. Au bar de l’hôtel Les Crayères je discute avec Philippe Mille et nous convenons que je lui ferai mes commentaires après le déjeuner. Voici ce que j’ai constaté. Les trois amuse-bouches sont délicieux. Le jambon des Ardennes mériterait d’être présenté en copeaux beaucoup moins grands et celui que j’ai mangé est trop salé. Philippe Mille fera rechercher des parties plus tendres.

Le sot-l’y-laisse est délicieux. Il est servi chaud ce qui conviendrait bien à un rouge. Comme il est accompagné d’un champagne il convient que le plat soit tiède et non chaud.

La cuisson du saint-pierre est parfaite. Il faudrait enlever le sabayon qui est trop dominant à côté du poisson. Les asperges devraient être plus courtes, pour éviter les queues trop amères.

Le canard est parfait et il n’y a rien à changer. Le dessert est un soufflé dans lequel au service on plonge une cuiller qui porte un sorbet qui va rafraîchir le soufflé. Il me semble que la combinaison de chaud et de froid va nuire à la dégustation du magistral Filhot 1929. C’est Philippe qui trouvera la bonne solution, de mettre le sorbet sur une assiette à part.

Après ce délicieux repas, nous parlons, Philippe et moi, de mes commentaires. La compréhension mutuelle est immédiate et mes suggestions sont adoptées. Une telle ouverture d’esprit est particulièrement agréable.

Je pensais démarrer les ouvertures des vins vers 15h30 et j’ai donné rendez-vous aux sommeliers. La fatigue a transformé ma sieste en un sommeil profond. Un ange gardien de mon horloge interne m’a permis d’être à 16 heures à pied d’œuvre pour ouvrir les vins du 237ème dîner.

Le Pavillon blanc de Château Margaux 1979 me semble avoir le parfum le plus riche des vins du dîner et nous verrons que la réalité dans quelques heures sera toute autre, mais je ne le sais pas. Le Chablis des années 80 a un magnifique parfum. Les autres senteurs sont prometteuses. J’attendais du Fihot 1929 qu’il ait un nez tonitruant et c’est tout le contraire. Il a un nez poussiéreux et timide. Je n’ai aucune crainte, mais je ne sais pas apprécier à quel niveau il renaîtra.

Une grande majorité de bouchons sont remontés avec des brisures sectionnelles. Le temps joue-t-il un rôle, hygrométrie ou pression barométrique, je ne sais pas, mais ces concordances m’intriguent de plus en plus.

A 19 heures mes convives arrivent, tous américains, de Boston, de Caroline du Nord ou de Miami. Sarah est l’organisatrice de ce groupe qui veut fêter les quarante ans de deux femmes. Nous sommes sept dont seulement deux hommes. Il est assez rare que les femmes soient autant majoritaires dans mes dîners.

Nous prenons l’apéritif sur la terrasse de l’hôtel avec le Champagne Dom Ruinart magnum 1990. Les amuse-bouches, un cromesquis à la pomme de terre, une gamba et une préparation à base de maïs sont superbes. Le champagne est d’une magnifique couleur d’un or de miel clair. La bulle est encore active et le champagne est serein, large, plein et équilibré. L’effet magnum est sensible. Ce champagne, c’est le premier de la classe, celui qui a toujours tout bon. Sa longueur impressionne. Le jambon d’Ardennes en copeaux se marie bien avec lui.

Nous passons à table et nous avons la jolie table dans l’alcôve de la salle du restaurant, d’où l’on peut voir le magnifique jardin.

Le menu composé par le chef Philippe Mille est : sots-l ‘y-laisse et girolles, servis avec une sauce au vin jaune / couteaux sauvages sélectionnés par Jean Marc, crémeux de choux fleurs cuits sur le gril, choux maraîchers iodés de caviar / carrières de craie et saint-pierre de ligne de l’île d’Yeu, asperges blanches et émulsion de champignons / pièce de veau rôti, pommes de terre cuites en croûtes de sel, croustillant de fruits à coques / canard de la ferme de Tilloy et artichauts, cuisinés au Coteaux de la montagne de Reims / miel du domaine et soufflé tradition des Crayères, pamplemousse mariné et confit.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 est puissant et viril, contrastant avec le Dom Ruinart. Il accompagne bien les sots-l ‘y-laisse. Il a une belle présence quand le Dom Ruinart a du charme. Départager les deux n’est pas facile car les deux jouent sur des registres différents. Sur le plat il y a un léger avantage au Mumm alors qu’en charme pur, le Dom Ruinart l’emporte.

Le Pavillon blanc de Château Margaux 1979 qui avait un parfum entraînant à l’ouverture a maintenant un nez de bouchon. Il est buvable car le défaut en bouche est très faible par rapport au défaut au nez, mais rien ne nous pousse à continuer de le boire car le Chablis Premier Cru Louis Latour (années 80) qui a perdu sa collerette d’année a une puissance aromatique époustouflante. Un chablis aussi conquérant, c’est rare. Le plat de couteaux que je n’avais pas goûté à midi est exceptionnel. Le couteau au goût expressif et tranché est domestiqué par le caviar qui, comme le crémeux mettent en valeur le vin heureux de cette conjonction. L’harmonie couteau et chablis est superbe.

Le Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 1972 est un vin totalement étonnant qui s’écarte du schéma habituel du Corton-Charlemagne. Il est étrange et terriblement séduisant. C’est un voyage dans l’inconnu avec beaucoup de charme. Il y a tant de choses en ce vin qui nous écartent du chardonnay que je l’écoute religieusement pour essayer de m’en imprégner. Il y a des évocations de thé, de légumes verts et gris, mais il y a en même temps une vivacité particulière et une acidité bien maîtrisée. On ne peut pas parler de défaut, car le vin est excellent. Mais il fait du hors-piste. Il sera troisième dans le vote du groupe et quatrième pour moi, ce qui confirme son intérêt.

Le Château Mouton Rothschild 1979 est une magnifique surprise. Il faut vite oublier qu’il est de 1979 car il semble né d’une grande année. Richesse et subtilité, romantisme et affirmation, ce vin est riche et noble. Il est tellement rassurant. Il a l’âme de Mouton. Sur le veau d’une rare douceur, il est associé au Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962. Ce vin est riche, dense, presque torréfié tant il est concentré. Il donne même des suggestions – en traces – de café et de chocolat qui ne sont pas ses marqueurs. Il est très bien recentré par la douceur de la mâche du veau. Il est atypique mais je l’ai mis dans mon vote, car j’ai un faible pour le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus dont j’ai bu des témoignages sur plus de 150 ans.

Nous allons vivre un accord d’anthologie. Le canard est comme laqué d’une crème épaisse et on reconnaît des notes de chocolat dans cet onguent délicieux. Le Vega Sicilia Unico Réserve Especial mis en bouteille en 1992 est généralement composé trois ou quatre années mais celui de 1992 l’est de seulement deux années, deux grandes, 1970 et 1972. Riche et en même temps très frais, il a des notes de chocolat qui sont strictement celles du canard et de petites esquisses de café. Par certaines notes, le vin espagnol cousine avec le vin de Beaune. Le finale frais du Vega Sicilia Unico est exceptionnel et l’accord est unique.

Avant le dessert deux bougies sont présentées aux deux fêtées et soufflées pour leur anniversaire.

A l’ouverture, le Château Filhot Sauternes 1929 m’avait surpris pas sa discrétion et par un nez légèrement poussiéreux. Au service, tout cela a disparu. Le vin a un parfum puissant et noble. Il est complexe avec des notes de fruits exotiques. Riche et séducteur, sa couleur est presque noire. Il n’est pas tonitruant comme certains sauternes, car c’est dans l’âme de Filhot de jouer la finesse plus que l’affirmation. Le soufflé au miel et au pamplemousse ainsi que le délicieux sorbet que l’on goûte séparément sont naturellement complices du grand sauternes.

Il est temps de voter. Nous sommes sept et nous votons pour nos cinq préférés de neuf vins. Tous les vins ont eu des votes, sauf bien sûr le Pavillon Blanc bouchonné. Trois vins ont été nommés premier, le Filhot quatre fois, le Corton Charlemagne deux fois et le Vega Sicilia une fois. Le Filhot a figuré sur les 7 feuilles de votes et le Corton Charlemagne et le Vega Sicilia figurent sur 6 feuilles de votes

Le classement du consensus est : 1 – Château Filhot Sauternes 1929, 2 – Vega Sicilia Unico Réserve Especial mis en bt en 1992, 3 – Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 1972, 4 – Château Mouton Rothschild 1979, 5 – Champagne Dom Ruinart magnum 1990, 6 – Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979.

Mon vote est : 1 – Vega Sicilia Unico Réserve Especial mis en bt en 1992, 2 – Château Filhot Sauternes 1929, 3 – Chablis Premier Cru Louis Latour (années 90), 4 – Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 1972.

Tous les plats ont été parfaitement adaptés aux vins. Le plus bel accord est celui du canard avec le Vega Sicilia. Le plat le plus innovant pour mon goût est celui des couteaux, bien accompagné par le chablis. Le service a été de grande qualité et la cuisine du chef de très haut niveau. Faire plaisir à mon amie Sarah et ses invités était mon objectif. Je crois qu’il a été atteint. Sa fidélité à mes dîners est impressionnante.

Au moment de raccompagner mes convives qui rentraient ensemble à leur hôtel, qui vois-je, Peter, un écossais fou de champagnes avec qui j’ai partagé des champagnes extraordinaires. Ils sont cinq à leur table, tous jeunes dans la trentaine finissante ou quarantaine commençante, et viennent de boire cinq champagnes Salon et cinq champagnes Krug Clos du Mesnil, alignés sur une console. Ils m’offrent gentiment de goûter le Champagne Krug Clos du Mesnil 1990 que je trouve un peu déséquilibré et le Champagne Krug Clos du Mesnil 2002 que je trouve noble et superbe, un grand champagne. Demain ils vont faire la même comparaison entre les deux maisons Salon et Krug mais avec d’autres millésimes à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement. Ils me proposent de me joindre à eux. Je refuse, car la concentration de repas sur trois jours a frisé l’excès. Quelle que soit la tentation de goûter des merveilles avec eux, toutes les bonnes choses ont une fin.


le déjeuner de vérification des plats :


les vins

magnifique dîner

après le dîner, rencontre avec des amis qui boivent Salon et Krug