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225ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages mercredi, 30 mai 2018

Le 225ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Compte-tenu de la petitesse de la cave du restaurant, je livre les vins le jour du dîner, à 14 heures. Enchaînant ensuite des rendez-vous, je me retrouve avec un ami et un vigneron au bistrot 116 Pages, buvant un Champagne Selosse rosé dégorgé en 2015. Arrivé trop froid, il est plus cidre que champagne et progressivement il va s’épanouir offrant enfin ce que doit être le champagne Selosse rosé, fort, imprégnant et de grande vivacité.

Je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les bouteilles du dîner à 17 heures. Un anglais qui participera ce soir au dîner et avait assisté récemment à la 30ème séance de l’académie des vins anciens est à mes côtés pour observer ce que je fais. Même si certains bouchons se brisent en quelques morceaux, je ne rencontre aucun problème majeur. Certains parfums sont d’une noblesse renversante, comme le Chypre 1870, bombe de poivre et d’épices, le Fargues 1949 qui a la majesté des très grands sauternes et le Pétrus 1976, qui est dans la définition du Pétrus parfait. J’avais dit avant d’ouvrir les vins à Lewis que ce qui représente le mieux ma passion, c’est le Chambertin 1929. Lorsque j’ouvre la bouteille, la sensualité du parfum discret mais prometteur m’émeut. On verra par la suite ce qu’il en est au temps des votes. Le Haut-Brion blanc 1990 a un nez plutôt discret par rapport à ce que j’attendais. La seule incertitude est le Rausan-Ségla 1934 qui pourrait avoir un soupçon de liège. Nous verrons.

Nous sommes dix dont trois nouveaux, avec une écrasante majorité masculine, contre mon gré. La seule femme inscrite a téléphoné une heure avant le repas pour annoncer au restaurant qu’elle ne pourrait pas venir du fait d’un vol qu’elle venait de subir. J’ai failli obtenir qu’elle vienne quand même, mais après avoir dit oui elle a dit non, bien fol est qui s’y fie. Elle fut remplacée au pied levé par une jeune américaine étudiante à l’école Le Cordon Bleu dont le directeur est à notre table. Il y a autour de la table une américaine, un anglais, un belge, un lyonnais et six parisiens.

Le menu avait été mis au point avec le chef Teshi et son équipe il y a quelques jours et mes suggestions avaient été acceptées. C’est sur la réalisation que le dîner fut prodigieux. Les amuse-bouches sont : ceviché de lieu jaune / carotte glacée / cerfeuil tubéreux / sablé parmesan et betterave. Le menu est : carpaccio de daurade royale de ligne, caviar Daurenki, citron caviar / pouces-pieds, mayonnaise au persil et à l’ail / ormeau, risotto, laitue de mer / rouget, sauce vin rouge / homard bleu breton, sauce civet / ris de veau, girolles / pigeon de Vendée, salmis, artichaut à la barigoule, cerise / stilton / mangues, amandes fraîches / financiers.

Il fait beau aussi prenons-nous l’apéritif sur le trottoir, Naoko, la femme de Teshi, venant nous apporter les amuse-bouches. Le Champagne Dom Pérignon Magnum 1992 au moment d’être servi est un peu imprécis et court, comme s’il avait une infime trace de bouchon. Mais en fait il s’ébroue, se réchauffe vite car il fait très lourd à Paris et le champagne prend son essor et ressemble alors vraiment à un beau Dom Pérignon, long, avec une acidité bien contrôlée et des saveurs de fruits jaunes généreux. C’est surtout la carotte glacée doucereuse qui élargit le champagne.

Nous passons à table et sur le carpaccio de daurade nous buvons le Champagne Pol Roger 1959. Sa couleur est d’un bel ambre clair, la bulle est quasiment invisible mais le pétillant est bien là. Ce champagne combine avec bonheur une douceur sans pareille avec une rare énergie.  Il est noble et conquérant et l’accord se trouve bien. Nous n’avons pas eu tous la même proportion de citron caviar. Mon assiette en avait beaucoup et d’autres peu et le citron caviar à haute dose lutte contre le champagne. Mais globalement ce champagne est enthousiasmant et joyeux.

Le Château Haut-Brion Blanc 1990 est un vin de légende. J’en attendais beaucoup et je lui trouve un réel manque de puissance. Il reste grand avec les belles amertumes des vins de Graves, mais il n’est pas flamboyant et la démonstration en sera donnée par le blanc qui va le suivre. Les pouces-pieds sont délicieux, originaux et ce n’est pas la mayonnaise qui leur conviennent le mieux, mais une vinaigrette délicate qui excite le Haut-Brion.

Quels ormeaux, ces ormeaux ! Une merveille de goût. Alors, le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1959 est totalement à son aise, glorieux, serein, le vrai crooner. C’est pour mon goût le risotto qui propulse le bourgogne à un niveau d’émotion exceptionnel.

C’est un de mes caprices d’associer Pétrus à du rouget. Ce sera le cas une nouvelle fois. Le nez du Pétrus Pomerol 1976 était magique à l’ouverture. Il l’est encore plus. Et ce riche pomerol est lourd de  truffe et de charbon. C’est un Pétrus glorieux et racé. Le rouget est magnifiquement cuit, sa peau est un régal et l’accord montre une fois de plus sa pertinence. Quel beau Pétrus !

J’avais fait des suggestions pour le homard et je ne m’attendais pas à ce qu’elle suivies avec un tel talent. J’avais dit que je préfère nettement le corps du homard aux pinces et voilà que se présente le corps seul, sans la moindre fioriture, posé sur une lourde sauce. Et nous allons vivre un de ces moments rares que je chéris : le Château Rauzan-Ségla Margaux 1934 ‘est’ la sauce du homard, comme la sauce de homard ‘est’ le Margaux 1934. La continuité de goût est totale. Et le vin, pour lequel je redoutais un éventuel goût de bouchon, est glorieux. Il est équilibré, serein comme le Corton-Charlemagne et tout ceci est dû à la longue période d’aération du vin. Le vin puissant n’a pas d’âge, il est intemporel. Jamais je n’aurais imaginé que ce vin qui a été reconditionné il y a probablement quarante ans atteindrait un tel nouveau de perfection.

Le Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 est un vin de Jules Régnier, propriétaire du domaine Sosthène de Grésigny. Mon cœur lui appartient car il est dans la ligne de ma passion de rechercher des curiosités qui peuvent se situer à l’égal, voire au-dessus de vins beaucoup plus capés. Ce vin est charme et subtilité. Tout est en velours en lui. Le nez  a du charme et la bouche est d’une suavité totale. C’est à la fois l’odalisque d’Ingres pour la folle séduction et d’Artagnan pour la persuasion. Le ris de veau parfait se fait discret, car sur scène, il faut savoir mettre en valeur le premier rôle, la vedette du spectacle. Que ce vin remue mon cœur ! Je suis aux anges et les votes de république bananière montreront que je ne fus pas le seul.

Le pigeon est une merveille, les artichauts sont des bonbons et la cerise est la petite touche de génie qui va exciter la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991. Ce vin est un seigneur, lourd mais de grande fraîcheur mentholée. C’est l’année la plus réussie pour cette Landonne et alors qu’on vient de remonter le temps de 62 ans depuis le chambertin, tout cela paraît d’un naturel absolu. Nous sommes tous éblouis par tant de perfection culinaire.

Le Château de Fargues 1949 est tellement brun qu’il est presque noir. Il avait à l’ouverture un parfum d’une incroyable complexité. Il l’a encore et ce vin chaleureux est follement complexe en bouche. L’accord avec le stilton bien gras est superbe et alors que l’on a déjà bien mangé, on en redemanderait. Le sauternes est aussi associé à un dessert à la mangue et aux amandes fraîches qui mettent en valeur d’autres facettes du vin d’un charme fou.

Le Porto Burmester 1920 avait un nez discret à l’ouverture. Le nez est un peu plus épanoui et c’est en bouche que tout se joue. Ce porto est tout en raffinement. Il est délicat malgré sa puissance. Il surfe sur la langue pour montrer sa fluidité. Les financiers l’accompagnent avec bonheur. Il a des palpitations d’une rare élégance.

Les financiers vont aussi accompagner le Vin de Chypre 1870 et il n’y a pas de meilleur faire–valoir que ces petites pâtisseries. Le Chypre est une bombe de poivre. Alors qu’il est riche de saveurs épicées, il arrive à donner l’impression d’être sec. Mais le plus envoûtant c’est qu’il nous emmène sur des territoires de saveurs inconnues. On se voit allongé sur une plage à côté de vahinés coiffées de fleurs odorantes qui chantent des mélodies douces et enveloppantes comme leurs parfums. J’aime ce voyage dans une autre dimension.

Il est temps de voter et nous avons tous des étoiles qui brillent dans nos yeux tant nous avons vécu un moment unique. Chacun des dix participants doit voter pour cinq vins préférés sur les onze du repas et ce qui me remplit de joie c’est que les onze vins apparaissent dans au moins un vote. Le Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 a un score insolent que je crois n’avoir jamais eu à l’un de mes dîners : neuf votes de premier sur dix. Jamais. L’autre vin qui a été voté premier est le Pétrus par un seul votant.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929, 2 – Pétrus Pomerol 1976, 3 – Château Rausan-Ségla Margaux 1934, 4 – Corton Charlemagne du Château de Beaune Bouchard Père & Fils 1959, 5 – Champagne Pol Roger 1959, 6 – Vin de Chypre 1870.

Mon vote est : 1 – Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Pétrus Pomerol 1976, 4 – Champagne Pol Roger 1959, 5 – Château de Fargues 1949.

Tous les convives qui ont déjà participé à mes dîners disent que nous sommes à un niveau supérieur à tout ce qu’ils ont connu. Il faut dire que tous les accords ont fonctionné grâce à la simplification des recettes, ce qui n’entrave en aucun cas le talent. La présence de pouces-pieds et d’ormeaux au dîner a fait plaisir car ce n’est pas tous les jours qu’on en mange. Le plus bel accord a été la symbiose du Rausan-Ségla 1934 avec le homard, si beau dans sa simplicité, suivi pour moi du risotto avec le Corton-Charlemagne 1959. La cerise sur La Landonne est un caprice que j’adore et les financiers sur le Porto et sur le Chypre sont des morceaux de bonheur.

Les convives attentifs ont animé avec brio ce repas tenu le plus souvent en anglais pour que Lewis puisse participer aux débats. Je suis encore émerveillé de la réussite absolue de ce beau repas.


Magnum Champagne Dom Pérignon 1992

Champagne Pol Roger 1959

Château Haut-Brion Blanc 1990

Corton Charlemagne du Château de Beaune Bouchard Père & Fils 1959

Pétrus Pomerol 1976

Château Rausan-Ségla Margaux 1934 (certainement reconditionné)

Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 Jules Régnier

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991

Château de Fargues 1949

Porto Burmester 1920

Vin de Chypre 1870

photo de groupe en cave

de gauche à droite et de haut en bas : capsule rouge du chambertin 1929, morceau du Corton Charlemagne 1959 dont le reste est plus bas, haut du bouchon du chambertin, bouchon du chambertin / capsule verte et bouchon du Corton Charlemagne 1959 , bouchon du Rausan Ségla 1934 (reconditionné), capsule rouge du 1934 / capsule jaune du Fargues 1949 à côté du bouchon du Haut-Brion 1990, bouchon du Fargues 1949 / en haut entre deux capsules rouges bouchon du Pétrus 1976, en dessous capsule du Pétrus, puis bouchon du Porto 1920 (mis en bouteilles il y a une trentaine d’années). En bas, capsule du Haut-Brion, bouchon de La Landonne 1991 et capsule de La Landonne.

quelques vues des bouchons

le bouchon du Pol Roger 1959

carpaccio de daurade et pouces-pieds

ormeau et risotto (caché par l’ormeau) et la mayonnaise aillée

Je n’ai pas photographié le rouget et je le regrette. Mais un des convives est venu à mon secours avec sa photo de ce plat merveilleux

J’ai mis en plus grand le homard car il représente ce que je souhaite : une simplicité sophistiquée. Ce fut grandiose

ris de veau et pigeon

les verres

les bouteilles vides

un détail raffiné : la cuisine est ouverte sur la salle. Lorsque le service est terminé, il y a une fleur au centre du plan de travail.

Déjeuner à la Brasserie de l’hôtel de Crillon avec le chef Christopher Hache vendredi, 11 mai 2018

Pour préparer un prochain dîner de wine-dinners, j’ai rendez-vous à l’hôtel de Crillon avec Christopher Hache le chef de la restauration des différents restaurants de l’hôtel.

Par un beau jour ensoleillé nous déjeunons dans une belle cour attenante à la brasserie. Il y a autour de la table Christopher le chef, Justin, responsable de la brasserie et Pablo le pâtissier de l’hôtel. J’ai apporté un Champagne Krug années 70 qui ne porte pas la mention « Private Cuvée », ni « Grande Cuvée », cette deuxième mention n’étant apparue que beaucoup plus tard. Elise, sommelière que je connais depuis longtemps, ouvre le champagne dont le bouchon évoque les années 70. Le nez du champagne est extrêmement complexe et expressif.

Je suis étonné qu’en bouche il paraisse, à la première gorgée, comme assez court. Mais cela ne va pas durer car très vite sa longueur rejoint sa complexité. Il est vif, au pétillant subtil même si la bulle est chiche et mes convives qui n’ont jamais approché des champagnes aussi vieux sont impressionnés par sa qualité. Il est peut-être un peu moins typé que les Private Cuvées de Krug, mais il a un tel charme qu’il se montrera gastronomique tout au long du repas.

A l’initiative de Christopher, nous goûtons trois caviars iraniens d’une maison qui s’appelle « Caviar de Beluga ». Le Beluga se présente assez gras, opulent, de belle longueur. Il est d’un grand charme. Le Royal Beluga est plus vif, plus profond et je l’aime encore plus sachant que ces deux versions sont parfaites et radicalement différentes. Le Sévruga au grain plus petit me plait beaucoup moins. Mais si j’avais commencé par celui-ci, il est certain que je l’aurais aimé, car ce caviar iranien est grand mais moins que les deux Belugas. Sur les trois caviars le champagne est délicieusement titillé et devient beaucoup plus complexe.

Dans la brasserie un jeune homme joue le rôle d’écailler mais pas seulement. Il m’avait fait l’article sur les huîtres qu’il présente et nous allons essayer deux huîtres numéro 3, une grasse et une maigre. Ma femme adore les grasses et j’adore les maigres. Il faudra que je l’invite en ce lieu car les huîtres sont de toute première qualité. Et c’est la grasse qui me paraît la plus goûteuse, avec une longueur en bouche que je n’ai sans doute jamais rencontrée à ce niveau. Le champagne brille encore plus.

J’essaie un accord de l’huître grasse avec le caviar le plus gras, le beluga, et ça ne marche pas, car l’huître est trop dominante. Justin fait une remarque pertinente : il faudrait que l’huître soit tiède pour que l’accord fonctionne.

Nous goûtons ensuite le pâté en croûte qui est délicieux et léger grâce aux petits pickles et à la gelée délicate. Le champagne se régale de cet accord. Le ris de veau croustillant avec une déclinaison d’artichauts est un plat massif et imposant qui réclamerait un vin rouge très lourd. Le champagne l’accompagne, mais la valeur ajoutée est plus faible.

Pendant ce repas nous avons mis au point le menu du dîner qui aura lieu dans moins d’un mois. Christopher Hache est motivé et nous avons pu concevoir l’ordonnancement du repas dans une compréhension mutuelle que je trouve extrêmement agréable et positive. Et le déjeuner fut bon, ponctué au final par des chocolats délicieux sur le café. Que demander de plus ?

Caviar, antique alcohols and rare champagnes, a trip in the unknown dimanche, 15 avril 2018

The caviar house Kaviari has in the 4th arrondissement of Paris a « factory » which is very nicely decorated. From time to time Kaviari invites chefs to come and design lunches on their caviars. Thus, responding to the invitation of chef Valerie Costa to come to lunch when it was her turn to be in the kitchen, I discovered Caviars Kaviari and met the General Manager Karin Nebot.

The idea came to me to associate my champagnes and my spirits for one dinner. The dinner of tonight is held at the Manufacture Kaviari. We will be twelve, one of the faithful friends of my dinners having invited ten people to constitute the table. Philippe Turquet is a cook who from time to time participates in the development of menus for caviar. I came here a few weeks ago to do some testing, and I asked him that the priority be pure products rather than the « façon » of presenting them. It is always a little frustrating for a chef to fade in front of the product, but Philippe has lent himself with a success that should be noted. Pascale Karin’s efficient collaborator made the purchases and the products were of high quality.

I arrive at 5 pm to open the wines and later the champagnes. Several ideas came up for me to compose this dinner. The first is that caviar must play a major role in more than half of the meal and it then fades when we arrive at cheeses and desserts. Indeed the fact to want to marry the caviar at every moment of the dinner in improbable agreements will not suit my wines.

The second idea is to take risks to try agreements and perhaps to create wonders. So in the program there are three wines or spirits that I have never tasted. The third idea is to check how can behave alcohol that is served at the same time as champagnes or wines. It is therefore a pioneering, adventurous experience that I wish to share with the guests of the meal.

There is in the program a Vodka of 1867, perhaps from Macedonia, which came from the Parisian cellar of the Duke of Windsor. I had asked a Russian-speaking friend to explain the Cyrillic label. She had trouble reading because it is not Russian but she confirmed two things: the date of 1867 is a vintage and not the date of creation of the distillery (as the Chateldon water that we drink is not vintage 1650) and it is probably a vodka fruit (?). I fact due to some people who saw the picture, it could be a Serbian plum Slivovitz. But at that time I thought of vodka. When I want to open it, a very hard concretion exists at the cork top. I try to break it without pushing the cork down but irresistibly it falls into the liquid. I decant the liquid very amber and with a string I manage to get out the cork while contracted, which impresses Napal who works in the kitchen and is watching me do. I clean any dust from the bottle and I can put the alcohol in its bottle. I did not want to take the risk that the cork would disintegrate in the liquid by polluting it. I open the wines between 5pm and 6pm, some Champagnes young around 6pm and the oldest at 7pm. Among the wines there is a totally unknown wine of 1916 for which I was without illusion. His nose delights me. Everything is fine.

When the guests have arrived we take the aperitif standing with a Champagne Dom Ruinart 1988 and we take at will caviar with small wooden spoons. The caviar is Transmontanus which is the blackest caviar of this house. The slightly amber champagne is of a magnificent fullness. It is tasty and the salt well measured caviar makes it even more greedy. The year 1988 succeeds in champagnes and this Dom Ruinart reaches a level of great excellence.

The menu that I composed – for once it’s me alone who composed it – and made with talent by Philippe Turquet is: caviar osciètre with oyster, caviar osciètre with warm oyster / caviar osciètre and scallops in carpaccio / osciètre caviar and saint-pierre cooked at low temperature, new candied turnips, white butter, turnip juice / Comté 18 months / Stichelton of the house Bellevaire / mango dessert just seized / mango gingerbread / lukewarm financial with nuts and hazelnuts.
The first dish with the two oysters hosts two champagnes. Champagne Substance Jacques Selosse disgorged in 2013 is a beautiful champagne noble who ideally enjoys being disgorged five years ago. It is noble and lively, but the competition is tough with the Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 which is in a state of absolute perfection. What nobility. If we were to make a watch comparison this champagne would be like a tourbillon watch, the complication much sought after by amateurs. Noble, tall, seigniorial, this champagne is in a state of grace.
With the delicious raw scallops, we will try an alcohol and a champagne. What I suggest to my guests is to make a path « dish – champagne – dish – alcohol – dish » so that we do not telescope the two beverages. We always have the dish in between. The Champagne Moët & Chandon Brut Imperial 1964 is extremely amber. It is soft because it is dosed but it is well sparkling. It has accents of sauternes. He is very sensual. The agreement with the shell and the caviar is magical. I had tried during my preparatory meal in this place the Eau-de-vie Kummel 1943 and I was conquered. We take a little caviar and a little shell and the extremely fresh alcohol, aniseed chili and cumin taste form a splendid agreement. But the most alive is the following. When you take the shell right after the alcohol, you have in your mouth the memory of cumin and it’s great. The sugar in the shell cannot prevent the Kummel’s flashback. I check with joy that the alcohol does not crush neither the dish nor the champagne. This scheduling is convincing. This is a convincing experience.
Now, there is something unreal about having three drinks in front of us from 1915, 1916 and 1867. Two are over a hundred years old and one is over a hundred and fifty years old. They are associated with the saint-pierre.
The Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1915 is a wine that I cherish in this sublime year. It breathes the nut and in the mouth it combines density and lightness. It would be impossible to give it an age as its fluidity exceeds time. I love this beautiful and so fluid expression of Jura wine.
Carcin Wine 1916 is a complete unknown. I had met a collector of antique empty bottles who has in his house in the center of France a real museum of the history of glasses and bottles. In a Breton castle he had acquired dozens of antique empty bottles and had also taken full bottles which he sold me several rarities including this one and some wines of the 18th century. I searched on internet and could not find anything that really explains this wine. Here is what I took off from the Web: what we read is rather Carcin, but it could be Larcin. Carcin can be a synonym for Quercynian. Larcin is a Bergerac wine. We would be in the wines of Cahors. But the glass of the bottle is engraved Birmenstorfer Wein which is a Swiss wine from Birmenstorf north-west of Zürich. It would then be a Swiss wine. But it could have been bottled by a merchant with any wine.

Through the very nice bottle I could see a very clear liquid. I had added this stranger to our meal, accepting in advance that the wine is tasteless. At the opening, the very pure perfume seemed pretty close to that of the Jura wine of 1915. The proximity of date had also played in my choice but it is especially the exploration of the unknown that animated me. On the palate I am so captivated that this wine will be the one I will put in number one in my vote. This wine, which I am unable to guess the region is a dry wine, resolutely dry. The Swiss track is plausible. But what is crazy is that it has a minty freshness in the finish that I have never met so well for a white wine. It is fresh, has no age in taste, enigmatic and good and its final freshness. On the caviar is a magic moment. I would not bet on this wine and this feeling of an unknown taste enchants me.

The Probable Vodka with Macedonian fruit 1867, from the parisian cellar of the Duke of Windsor, is incredibly amber. His taste clearly evokes a taste of vodka. But it seems to be a Serbian Slivovitz that is a plum schnapps. Everyone can be wrong, especially with alcohol of this age. The alcohol is there, but not very strong. There is a bit of rough in the taste but overall this alcohol is delicious. It is enigmatic, complex and twirling and appreciable, we can go from one to the other of the three wines and alcohol without feeling the slightest taste break. This improbable juxtaposition is one of the curiosities I like to inspire.

We now close the door to the dishes around the caviar to return to a more conventional part of the dinner. The Comté is excellent but a bit dry. He is very tasty. Chateau Chalon Jean Bourdy 1929 is a divine nut but I find it a little less powerful, a little more fluid than the 1929 that I already drank of this excellent wine.

Château d’Yquem 1946 is a beautiful amber color with almost pink tones. His nose is rich with a thousand complexities and sweet as rare pleasures. With the creamy Stichelton the agreement is superb. And what is confusing is that another chord is found with the perfect slices of mango pan-fried with a trace of honey. This Yquem is magnificent of accomplishment. And its adaptability is remarkable. The trace in the mouth of this wine is indelible, joyful and greedy.

The gingerbread was considered with the Yquem but I thought it preferable that the Yquem only rubs the mango and it is a Champagne Dom Pérignon 1978 that closes the meal. He is divine, magically accomplished. His serenity and balance make him a great Dom Pérignon that I could have included in my vote.

It is time to vote and it is very difficult as the wines and spirits are different. What gives me great pleasure is that the eleven wines have had at least one vote, which means that everyone has been deemed worthy to be in the top five by at least one guest. The other satisfaction is that six out of eleven wines were deemed worthy of being first by at least one of the guests. The Yquem had five first votes, the 1915 Blanc d’Arlay and the 1978 Dom Pérignon each had two first votes and three wines had a first vote, the 1985 Krug Clos du Mesnil, Carcin Wine 1916 and Vodka 1867. In my vote if I had retained the pure quality I would have put the Clos du Mesnil first, but the Wine of Carcin 1916, complete enigma surprised me so much that it is him that I have retained.

The vote of consensus is: 1 – Château d’Yquem 1946, 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 3 – Old White d’Arlay 1915, 4 – Probable vodka with fruit of Macedonia 1867, 5 – Vin de Carcin 1916, 6 – Champagne Dom Pérignon 1978.

My vote is: 1 – Vin de Carcin 1916, 2 – Château d’Yquem 1946, 3 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 4 – Eau-de-vie Kummel 1943, 5 – Probable vodka fruit of Macedonia 1867.

What to say about this dinner? The Manufacture agreed to host one of my dinners and contributed to the success of the experience. The purchase of high quality products and a chef who agrees to play simplicity to deliver pure products without unnecessary façon, these are two major assets. We had not planned a sommelier and I had to take on this role. It is imperative for a sommelier to ensure the service of the wine if we imagine new experiences.

I wanted to take risks with wines or alcohol that I did not know, because it seemed to me to be part of the experience. We were lucky that all the wines were good. It gives me a furious desire to start again. I will try to convince those who have itching to mix caviar, rare alcohols and large champagnes.

With particularly nice and open diners, we had an anthology dinner. 1867, 1915, 1916, 1929, 1943, 1946 …. time has no hold on great wines.

(pictures are in the article in French concerning this dinner)

224ème dîner à la manufacture Kaviari mercredi, 11 avril 2018

La maison de caviar Kaviari dispose dans le 4ème arrondissement de Paris d’une « manufacture » qui est très joliment décorée. De temps à autre Kaviari invite des chefs pour qu’ils viennent concevoir des déjeuners sur leurs caviars. C’est ainsi que répondant à l’invitation de Valérie Costa de venir déjeuner lorsque ce fut son tour d’être aux fourneaux, j’ai connu les caviars Kaviari et la directrice générale Karin Nebot.

L’idée m’est venue d’associer mes champagnes et mes alcools pour un de mes dîners. Le 224ème dîner se tient à la Manufacture Kaviari. Nous serons douze, un des amis fidèles de mes dîners ayant invité dix personnes pour constituer la table. Philippe Turquet est un cuisinier qui de temps à autre participe à l’élaboration des menus pour le caviar. Je suis venu il y a quelques semaines faire des essais, et je lui ai demandé que la priorité soit aux produits purs plutôt qu’à la « façon » de les présenter. C’est toujours un peu frustrant pour un chef de s’effacer devant le produit, mais Philippe s’y est prêté avec une réussite qu’il convient de signaler. Pascale la collaboratrice efficace de Karin a fait les achats et les produits se sont montrés de haute qualité.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins et plus tard les champagnes. Plusieurs idées sont intervenues pour que je compose ce dîner. La première est que le caviar doit jouer un rôle majeur dans plus de la moitié du repas et qu’il s’efface ensuite lorsque l’on arrive aux fromages et desserts. En effet vouloir marier le caviar à tout prix dans des accords improbables ne conviendra pas à mes vins.

La deuxième idée est de prendre des risques pour essayer des accords et peut-être susciter des merveilles. Ainsi dans le programme il y a trois vins ou alcools que je n’ai jamais goûtés. La troisième idée est de vérifier comment peuvent se comporter des alcools qui sont servis en même temps que des champagnes ou des vins. C’est donc une expérience de pionnier, d’aventurier que je souhaite faire partager aux convives du repas.

Il y a dans le programme une Vodka de 1867, peut-être de Macédoine et qui provenait de la cave parisienne du duc de Windsor. J’avais demandé à une amie parlant russe de m’expliquer l’étiquette à l’écriture cyrillique. Elle a eu du mal à lire car ce n’est pas du russe mais elle m’a confirmé deux choses : la date de 1867 est bien un millésime et pas la date de création de la distillerie (comme la Chateldon que l’on boit n’est pas du millésime 1620) et c’est bien une vodka probablement aux fruits ( ?). Lorsque je veux l’ouvrir, une concrétion très dure existe au sommet de bouchon. J’essaie de la fracturer sans pousser le bouchon vers le bas mais irrésistiblement il tombe dans le liquide. Je carafe le liquide très ambré et avec une ficelle j’arrive à faire sortir le bouchon tout contracté, ce qui impressionne Napal qui travaille en cuisine et me regarde faire. Je nettoie les éventuelles poussières de la bouteille et je peux remettre l’alcool dans sa bouteille. Je ne voulais pas prendre le risque que le bouchon se désagrège dans le liquide en le polluant. J’ouvre les vins entre 17h et 18h, certains champagnes jeunes vers 18 heures et les plus vieux à 19 heures. Parmi les vins il y a un vin totalement inconnu de 1916 pour lequel j’étais sans illusion. Son nez me ravit. Tout va donc très bien.

Lorsque les convives sont arrivés nous prenons l’apéritif debout avec un Champagne Dom Ruinart 1988 et nous prenons à volonté du caviar avec de petites cuillers en bois. Le caviar est du  Transmontanus qui est le plus noir des caviars de cette maison. Le champagne légèrement ambré est d’une magnifique plénitude. Il est goûteux et le sel bien mesuré du caviar le rend encore plus gourmand. L’année 1988 réussit aux champagnes et ce Dom Ruinart atteint un niveau de grande excellence.

Le menu que j’ai composé – pour une fois c’est moi seul qui le composais – et réalisé avec talent par Philippe Turquet est : caviar osciètre avec huître nature, caviar osciètre avec huître tiède / caviar osciètre et coquilles Saint-Jacques en carpaccio / caviar osciètre et saint-pierre cuit à basse température, navets nouveaux confits, beurre blanc, jus de navet / Comté 18 mois / Stichelton de la maison Bellevaire / dessert à la mangue juste saisie / pain d’épices à la mangue / financier tiède à la noix et aux noisettes.

Le premier plat avec les deux huîtres accueille deux champagnes. Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2013 est un beau champagne noble qui profite idéalement d’avoir été dégorgé il y a cinq ans. Il est noble et vif, mais la compétition est rude avec le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 qui est dans un état de perfection absolue. Quelle noblesse. Si l’on devait faire une comparaison horlogère ce champagne serait comme une montre à tourbillon, la complication très recherchée des amateurs. Noble, grand, seigneurial, ce champagne est dans un état de grâce.

Avec les délicieuses coquilles Saint-Jacques crues, nous allons essayer un alcool et un champagne. Ce que je suggère à mes convives c’est de faire un chemin « plat – champagne – plat – alcool – plat » de telle façon qu’on ne fait pas se télescoper les deux breuvages. On repasse toujours par la case plat. Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 est extrêmement ambré. Il est doux car il est dosé mais il est bien pétillant. Il a des accents de sauternes. Il est très sensuel. L’accord avec la coquille et le caviar est magique. J’avais essayé lors de mon repas préparatoire en ce lieu l’Eau-de-vie Kummel 1943 et j’avais été conquis. On prend un peu de caviar et un peu de coquille et l’alcool  extrêmement frais, aux fraîcheurs anisées et au goût de cumin forme un accord splendide. Mais le plus vivant est ce qui suit. Quand on prend de la coquille juste après, on a en bouche la mémoire du cumin et c’est grandiose. Le sucre de la coquille ne peut empêcher le retour de flamme du Kummel. Je vérifie avec joie que l’alcool n’écrase ni le plat ni le champagne. Cet ordonnancement est convainquant. Voilà une expérience probante.

Il y a quelque chose d’irréel d’avoir devant soi trois breuvages de 1915, 1916 et 1867. Deux ont plus de cent ans et un plus de cent-cinquante ans. Ils sont associés au saint-pierre.

Le Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1915 est un vin que je chéris dans cette année sublime. Il respire la noix et en bouche il combine densité et légèreté. Il serait impossible de lui donner un âge tant sa fluidité dépasse le temps. J’adore cette si belle et si fluide expression du vin du Jura.

Le Vin de Carcin 1916 est une complète inconnue. J’avais rencontré un collectionneur de bouteilles vides antiques qui possède dans sa maison du centre de la France un véritable musée de l’histoire des verres et bouteilles. Dans un château breton il avait acquis des dizaines de bouteilles vides antiques et avait aussi pris des bouteilles pleines dont il m’a vendu plusieurs raretés dont celle-ci. J’ai cherché sur internet et je n’ai rien trouvé qui explique vraiment ce vin. Voici ce que j’ai soutiré de la Toile : ce qu’on lit est plutôt Carcin mais ce pourrait être Larcin. Le Carcin peut être un synonyme de Quercynien. Le Larcin est un vin de Bergerac. On serait donc dans les vins de Cahors. Mais le verre de la bouteille est gravé Birmenstorfer Wein qui est un vin suisse de Birmenstorf au nord-ouest de Zürich. Ce serait alors un vin suisse.

A travers la très jolie bouteille je pouvais voir un liquide très clair. J’avais ajouté cette inconnue à notre repas, acceptant par avance que le vin soit insipide. A l’ouverture, le parfum très pur mes semblait assez proche de celui du vin du Jura de 1915. La proximité de date avait aussi joué dans mon choix mais c’est surtout l’exploration de l’inconnu qui m’animait. En bouche je suis subjugué, au point que ce vin sera celui que je mettrai en numéro un dans mon vote. Ce vin, dont je suis bien incapable de deviner la région est un vin sec, résolument sec. La piste suisse est plausible. Mais ce qui est fou, c’est qu’il a dans le finale une fraîcheur mentholée que je n’ai jamais rencontrée ainsi pour un vin blanc. Il est frais, il n’a pas d’âge, il est énigmatique et il est bon et sa fraîcheur finale sur le caviar osciètre est un moment magique. Je n’aurais rien parié sur ce vin et ce sentiment d’un goût inconnu m’enchante.

La Probable Vodka au fruit de Macédoine 1867, provenant de la cave parisienne du duc de Windsor, est incroyablement ambrée. Son goût m’évoque clairement un goût de vodka. Mais il semble qu’il s’agit d’un Slivovitz serbe qui est un schnaps à la prune. Tout le monde peut se tromper, surtout avec des alcools de cet âge. L’alcool est là, mais pas très fort. Il y a un petit peu de rêche dans le goût mais globalement cet alcool est délicieux. Il est énigmatique, complexe et virevoltant et, chose appréciable, on peut passer de l’un à l’autre des trois vins et alcools sans ressentir la moindre rupture gustative. Cette juxtaposition improbable fait partie des curiosités que j’aime susciter.

Nous fermons maintenant la porte aux plats autour du caviar pour revenir dans une partie plus conventionnelle du dîner. Le comté est excellent mais un peu sec. Il est très goûteux. Le Château Chalon Jean Bourdy 1929 est d’une noix divine mais je le trouve un peu moins puissant, un peu plus fluide que les 1929 que j’ai déjà bus de cet excellent vin.

Le Château d’Yquem 1946 est d’une magnifique couleur ambrée avec des tons presque roses.  Son nez est riche de mille complexités et doux comme des plaisirs rares. Avec le Stichelton bien crémeux l’accord est superbe. Et ce qui est confondant, c’est qu’un autre accord se trouve avec les parfaites tranches de mangue poêlées avec une trace de miel. Cet Yquem est magnifique d’accomplissement. Et son adaptabilité est remarquable. La trace en bouche de ce vin est indélébile, joyeuse et gourmande.

Le pain d’épices était envisagé avec l’Yquem mais j’ai jugé préférable que l’Yquem ne côtoie que la mangue aussi est-ce un Champagne Dom Pérignon 1978 qui clôture le repas. Il est divin, magiquement accompli. Sa sérénité et son équilibre en font un grand Dom Pérignon que j’aurais pu faire figurer dans mon vote.

Il est temps de voter et c’est bien difficile tant les vins et alcools sont différents. Ce qui me fait un immense plaisir, c’est que les onze vins ont eu au moins un vote, ce qui veut dire que chacun a été jugé digne de figurer dans les cinq premiers par au moins un convive. L’autre satisfaction c’est que six vins sur onze ont été jugés dignes d’être premier par au moins l’un des convives. L’Yquem a eu cinq votes de premier, le Blanc Vieux d’Arlay 1915 et le Dom Pérignon 1978 ont eu chacun deux votes de premier et trois vins ont eu un vote de premier, le Krug Clos du Mesnil 1985, le Vin de Carcin 1916 et la Vodka 1867. Dans mon vote si j’avais retenu la qualité pure j’aurais mis en premier le Clos du Mesnil, mais le Vin de Carcin 1916, énigme complète m’a tellement surpris que c’est lui que j’ai retenu.

Le vote du consensus est : 1 – Château d’Yquem 1946, 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 3 – Blanc Vieux d’Arlay 1915, 4 – Probable vodka au fruit de Macédoine 1867, 5 – Vin de Carcin 1916, 6 – Champagne Dom Pérignon 1978.

Mon vote est : 1 – Vin de Carcin 1916, 2 – Château d’Yquem 1946, 3 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 4 – Eau-de-vie Kummel 1943, 5 – Probable vodka au fruit de Macédoine 1867.

Que dire de ce dîner ? La Manufacture a accepté d’accueillir un de mes dîners et a contribué à la réussite de l’expérience. Les achats de produits de haute qualité et un chef qui accepte de jouer le jeu de la simplicité pour mettre en valeur les produits purs, ce sont deux atouts majeurs. Nous n’avions pas prévu de sommelier et j’ai dû assumer ce rôle. Il faut impérativement un sommelier pour assurer le service du vin.

J’ai voulu prendre des risques avec des vins ou alcools que je ne connaissais pas, car ça me semblait faire partie de l’expérience. Nous avons eu la chance que tous les vins soient bons. Ça me donne une furieuse envie de recommencer. Je vais essayer de convaincre ceux qui auraient des démangeaisons de mêler caviar, alcools rares et grands champagnes.

Avec des convives particulièrement sympathiques et ouverts, nous avons vécu un dîner d’anthologie.  1867, 1915, 1916, 1929, 1943, 1946…. le temps n’a pas de prise sur les grands vins.

 

Le dépliant fait par la maison Kaviari

Champagne Dom Ruinart 1988

Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2013

Champagne Krug Clos du Mesnil 1985

Eau-de-vie Kummel 1943 (cadeau de Jean Hugel qui avait écrit le nom sur le dos d’une étiquette d’un vin de sa maison Hugel)

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 (l’étiquette parfaitement conservée paraît neuve)

Blanc Vieux d’Arlay 1915 (c’est pour moi une des plus belles qui soient, par sa simplicité)

Vin de Carcin 1916 – le Carcin peut être un synonyme de Quercynien. Le Larcin est un vin de Bergerac. On serait donc dans les vins de Cahors. Mais le verre de la bouteille est gravé Birmenstorfer Wein qui est un vin suisse de Birmenstorf au nord-ouest de Zürich. Ce serait alors un vin suisse.

Probable vodka au fruit de Macédoine 1867 (provenant de la cave parisienne du duc de Windsor)

j’ai récupéré le tout petit bouchon avec une ficelle

Château Chalon Jean Bourdy 1929

Château d’Yquem 1946

Champagne Dom Pérignon 1978

les vins du repas dans ma cave

les vins du repas à  la manufacture

j’ai raté les photos des plats tant j’étais concentré sur la sommellerie et les discussions animées. J’ai oublié des plats !

les votes très disparates

les verres en fin de repas

223rd dinner is held at restaurant Le Laurent mercredi, 4 avril 2018

The 223rd wine-dinners dinner is held at the restaurant Le Laurent. It was decided in record time, a faithful of my dinners telling me that a Boston American wanted to celebrate with his associates and his councils the realization of a contract which I did not ask me say more. The wines were delivered a week ago.
When I arrive at 5 pm to open the wines, Ghislain, the sommelier-chef of the restaurant, has already arranged the bottles of dinner on a table in the order of service so that I can take the traditional photo. I really appreciate this initiative. On a nearby table everything I could need is in place. I open the bottles in the order of service and I do not have the memory of having opened so many bottles without one of them causing me problems of unfriendly odors. Today all perfumes are perfect. Will they hold, we’ll see. The Pomerol Caillou 1953 has a divine perfume of Pomerol, much richer than that of the Pétrus 1966. I swoon feeling the odor message of the Domaine Echézeaux Romanée Conti 1981 which is so characteristic of the Domaine. The 1961 Yquem seems much drier than the more botrytised Climens 1943. Now comes the opening of the last wine, not registered in the program, which I added as a gift. It is a Rota 1858, only mentions on the label written by hand. There is very little information on the web about this Andalusian wine and as the glass is opaque I do not know what type of wine it is, red, white or sweet. The cork is very strongly glued to the glass and crumbles easily. I have to curette at the beginning to be able to lift the perfect cork. I make Ghislain smell and ahead of me he says that this nose is the same as that of my 1845 Cyprus wines. These fragrances are those of a perfume, haunting, bewitching, made of pepper, licorice, spices, zest of infinite richness. And I cannot help feeling immense joy. In the cave of Ali Baba that I acquired, the Rota 1858 were unknown as were unknown bottles without labels. Knowing that this Rota 1858 is at the level of wine dearest to my heart, Cyprus 1845, can only make me happy.
We are thirteen, including three women. As the organizer of this dinner is American, the dinner is held in English, too, as almost all the guests are unknown to me and speak English, I do not know what is the proportion of Americans and French. I suppose it’s half and half.
In the entrance lounge which has the shape of a rotunda we drink the Champagne Salon Magnum 1997 on beautiful cheese gougères. This champagne is at once the ideal son-in-law, because he is insolent of charm, like George Clooney at the age of twenty, and at the same time Macronian in the sense of « and at the same time », because it combines ease of reading and complexity and it combines a vinous character with a great romanticism. He has everything for him and is at more than twenty years old in a moment of fullness.
We sit down to table. The menu prepared by Alain Pégouret is: Sea spider in its jelly juices, cream of fennel / Morels and peas wracked, juices barely creamed, garlic of the bears (ail des ours) / Piece of beef served in aiguillettes, puffed apples / Lamb of milk (agneau de lait) marinated herbs cooked in field dress, crispy of safflings and artichokes, fondue of heart of romaine / sweetbreads, black olives / Stilton / Marvelous with mango / Palm trees « Laurent ».

Champagne Ruinart Père & Fils 1955 is the only wine I tasted before the meal because pouring a glass is against the integrity of the method of slow oxygenation, which is all the more effective when we no longer touch the bottle that has just been opened. The champagne had conquered me but I had measured how much this champagne can be difficult to understand for those who are not used to old champagnes. To my surprise, all the guests enjoyed this bubble-free champagne but sparkling well present, with autumn tastes but sunny. Very rich and long in the mouth it is softened by the spider crab and shows a confusing charm. It is a very beautiful champagne generous, precise and chiselled.

Morels accompany two wines. Château Laville Haut-Brion Graves 1982 is an irresistibly young light yellow, and it is a characteristic of this wine at all ages. It is complex, playing on its ideal acidity and a beautiful character of Graves and what strikes is its full width. He is a triumphant warrior. Beside him the Kebir-Rosé Etablissements Frédéric Lung Alger # 1947 in the color of a pink tea is unknown to all but two guests who have already participated in one of my dinners at George V where I had served it. It is surprising because we have no reference. Ghislain at the opening had felt the datte in his perfume. I also feel sketches of coffee and it seems to me more in a line of white wine than rosé wine. It could be a rich and noble white Rhône. Everyone is captivated by this wine. The harmony of morels is also interesting with each wine. The Laville widens and the Kebir becomes deeper.

On the piece of beef with heavy sauce there are three bordeaux of the right bank. The Chateau Ausone 1964 is exceptional of refinement. I waited for a solid Ausone and I drink a noble and gallant Ausone, an Aramis, an Alfred de Vigny. It is a very big refined Ausone. Château Le Caillou Pomerol 1953 is the absolute definition of perfect Pomerol, even more than its more capped neighbor. He is rich, exudes the truffle, and shows an unsuspected energy. The 1966 Petrus is all about subtlety. Much less triumphant than the Caillou, he is like the Japanese calligrapher who will only be understood by initiates. His message is subtle, balanced, refined and apparently the whole table understands it. Caillou reacts well on the heavy sauce.

The Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 has the characteristics I like, the rose and salt. I love it because it is all in suggestion. It is not a powerful wine, it is a wine that suggests notes of great intelligence. Beside him, on the suckling lamb, Château Corton Grancey Louis Latour 1964 is of an incredible serenity. It’s the perfect Burgundy wine. I drank several times this 1964 and I never met him as fulfilled and balanced. The votes will devote his brilliant performance. I ate the meat on the Corton and the salad of a beautiful bitterness on the Echézeaux because this Roman salad has exacerbated the bitterness of the 1981 in an alliance of total beauty.

The Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 is an absolute balance. It is fine, refined, very Burgundian without giving up its Rhone origins. I’m in love with this wine so easy to read, like the 1997 Salon, but revealing beautiful complexities. The agreement with sweetbreads is divine.

The two sauternes will be served on two courses, stilton first and then mango dessert. The Château d’Yquem 1961 is noble and ate some of its sugar. He thus plays on his finesse and the saline stilton showcases it much more than the Château Climens Haut-Barsac 1943 with the golden mahogany robe and the blooming botrytis. While intrinsically the Climens is wider and more joyful than the Yquem it is the latter who will collect votes while the Climens will be unfairly forgotten.
Now comes in her beautiful opaque bottle with very deep bottom Rota Spanish wine 1858. The color is complex with very dark tones but also light yellow tones as a mixture unreal. The nose is incredibly invasive and in the mouth it is melted lead of happiness. There is an intense pepper, licorice, orange zest suggested. Many spices are added but it is especially its aromatic persistence which is infinite. It is a cousin of taste with Cyprus 1845, absolutely divine wine.
It is time to vote and it is difficult because I think that with so much perfection if I redo my vote in one hour I could vote differently. We vote for our five favorites. Out of 13 wines, 12 had at least one vote. Six wines had the honor of being named first. The Hermitage La Chapelle had 4 votes of first, the Corton Grancey 3 votes of first, the Echézeaux and the Rota 1858 had 2 votes of first, the Laville and the Pétrus had one vote of first.
The ranking of the consensus would be: 1 – Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 2 – Echézeaux Domaine of Romanée Conti 1981, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Senior 1962, 4 – Château d’Yquem 1961, 5 – Pétrus 1966, 6 – Château Laville Haut-Brion Graves 1982.
My classification is: 1 – Rota wine from Spain 1858, 2 – Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 3 – Château Laville Haut-Brion Graves 1982, 4 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981, 5 – Château Ausone 1964.
When I asked the guests what was the agreement that excited them most, what was my joy to see that all the dishes were cited as being the best food and wine pairing for at least one of them. My best would be sweetbread with 1962 La Chapelle. Congratulations to chef Alain Pégouret for creating so legible dishes that they have stuck to wines. The service was perfect, Aurélien who did the service of the wines was very attentive and succeeded perfectly. Were we in a flower day or a fruit day or another day for all the wines to be presented in the most accomplished form they could have, I do not know, but this dinner was a complete success.

(pictures are on the article in French, see below)

223ème dîner au restaurant Laurent mercredi, 4 avril 2018

Le 223ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Le Laurent. Il a été décidé en un temps record, un fidèle de mes dîners m’indiquant qu’un américain de Boston voulait fêter avec ses associés et ses conseils la concrétisation d’un contrat dont je n’ai pas demandé qu’on m’en dise plus. Les vins ont été livrés il y a une semaine.

Lorsque j’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins, Ghislain, le sommelier-chef du restaurant, a déjà disposé les bouteilles du dîner sur une table dans l’ordre de service pour que je puisse prendre la traditionnelle photo. J’apprécie beaucoup cette initiative. Sur une table voisine tout ce dont je pourrais avoir besoin est en place. J’ouvre les bouteilles dans l’ordre de service et je n’ai pas le souvenir d’avoir ouvert tant de bouteilles sans que l’une d’entre elles ne me pose des problèmes d’odeurs inamicales. Aujourd’hui tous les parfums sont parfaits. Tiendront-ils, nous verrons. Le pomerol Caillou 1953 a un divin parfum de pomerol, nettement plus riche que celui du Pétrus 1966. Je me pâme en sentant le message odorant de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 qui est tellement caractéristique du domaine. L’Yquem 1961 paraît beaucoup plus sec que le Climens 1943 plus botrytisé. Arrive maintenant l’ouverture du dernier vin, non inscrit au programme, que j’ai ajouté comme un cadeau. C’est un Rota 1858, seules mentions sur l’étiquette écrite à la main. Il y a très peu d’informations sur le web sur ce vin d’Andalousie et comme le verre est opaque je ne sais pas de quel type de vin il s’agit, rouge, blanc ou liquoreux. Le bouchon est très fortement collé à la paroi et s’émiette facilement. Il me faut cureter au début pour pouvoir lever le tout petit bouchon au liège parfait. Je fais sentir à Ghislain qui me devance pour dire que ce nez est le même que celui de mes vins de Chypre 1845. Ces fragrances sont celles d’un parfum, envoûtant, ensorcelant, fait de poivre, d’épices de réglisse, de zestes, d’une richesse infinie. Et je ne peux m’empêcher d’éprouver une immense joie. Dans la caverne d’Ali Baba que j’ai acquise, les Rota 1858 étaient des inconnues comme les bouteilles sans étiquettes. Savoir que ce Rota 1858 est du niveau du vin le plus cher à mon cœur, le Chypre 1845, ne peut que me combler.

Nous sommes treize dont trois femmes. Comme l’organisateur de ce dîner est américain, le dîner se tient en anglais, aussi, comme presque tous les convives me sont inconnus et parlent anglais, je ne sais quelle est la proportion d’américains et de français. Je la suppose moitié-moitié.

Dans le salon d’entrée en forme de rotonde nous buvons le Champagne Salon Magnum 1997 sur de belles gougères au fromage. Ce champagne, c’est à la fois le gendre idéal, car il est insolent de charme, façon George Clooney à vingt ans, et à la fois macronien dans le sens de « et en même temps », car il combine facilité de lecture et complexité et il combine un caractère vineux avec un grand romantisme. Il a tout pour lui et se situe à plus de vingt ans en un moment de plénitude.

Nous passons à table. Le menu préparé par Alain Pégouret est : Araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / Morilles et petits pois lutés, sucs à peine crémés, ail des ours / Pièce de bœuf servie en aiguillettes, pommes soufflées / Agneau de lait mariné aux herbes cuit en robe des champs, crispy de cébettes et d’artichauts, fondue de cœur de romaine / Ris de veau rissolé, blettes d’olives noires / Stilton / Merveilleux à la mangue / Les palmiers « Laurent ».

Le Champagne Ruinart Père &Fils 1955 est le seul vin que j’avais goûté avant le repas car verser un verre nuit à l’intégrité de la méthode d’oxygénation lente, qui est d’autant plus efficace qu’on ne touche plus à la bouteille qui vient d’être ouverte. Le champagne m’avait conquis mais j’avais mesuré combien ce champagne peut être difficile à comprendre si l’on n’a pas l’habitude des champagnes anciens. A ma grande surprise, tous les convives ont apprécié ce champagne sans bulle mais au pétillant bien présent, aux goûts d’automne mais ensoleillé. Très riche et long en bouche il est adouci par l’araignée de mer et se montre d’un charme confondant. C’est un très beau champagne généreux, précis et ciselé.

Les morilles accompagnent deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Graves 1982 est d’un jaune clair irréellement jeune, et c’est une caractéristique de ce vin à tous les âges. Il est complexe, jouant sur son acidité idéale et un beau caractère de Graves et ce qui frappe c’est sa largeur épanouie. C’est un guerrier triomphant. A côté de lui le Kebir-Rosé Etablissements Frédéric Lung Alger #1947 à la couleur d’un thé rose est un inconnu de tous les convives sauf deux qui ont déjà participé à un de mes dîners au George V où je l’avais servi. Il est surprenant car l’on n’a pas de repère. Ghislain à l’ouverture avait senti de la datte dans son parfum. Je ressens aussi des esquisses de café et il me semble plus dans une ligne de vin blanc que de vin rosé. Ce pourrait être un Rhône blanc riche et noble. Tout le monde est conquis par ce vin. L’accord des morilles est aussi intéressant avec chacun des vins. Le Laville s’élargit et le Kebir le rend plus profond.

Sur la pièce de bœuf à la lourde sauce il y a trois bordeaux de la rive droite. Le Château Ausone 1964 est exceptionnel de raffinement. J’attendais un Ausone solide et je bois un Ausone noble et galant, un Aramis, un Alfred de Vigny. C’est un très grand Ausone raffiné. Le Château Le Caillou Pomerol 1953 est la définition absolue du pomerol parfait, plus encore que son voisin plus capé. Il est riche, exsude la truffe, et montre une énergie insoupçonnée. Le Pétrus 1966 est tout en subtilité. Bien moins triomphant que le Caillou, il est comme le calligraphe japonais qui ne sera compris que par des initiés. Son message est subtil, dosé, raffiné et apparemment toute la table le comprend. Le Caillou réagit bien sur la lourde sauce.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 a les caractéristiques que j’aime, la rose et le sel. Je l’adore car il est tout en suggestion. Ce n’est pas un vin puissant, c’est un vin qui suggère des notes de grande intelligence. A côté de lui, sur l’agneau de lait, le Château Corton Grancey Louis Latour 1964 est d’une sérénité inouïe. C’est le vin de Bourgogne parfait. J’ai bu plusieurs fois ce 1964 et jamais je ne l’ai rencontré aussi épanoui et équilibré. Les votes vont consacrer sa brillante prestation. J’ai mangé la viande sur le Corton et la salade d’une belle amertume sur l’Echézeaux car cette romaine a exacerbé les amertumes du 1981 dans une alliance de toute beauté.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 est d’un équilibre absolu. Il est fin, raffiné, très bourguignon sans renoncer à ses origines rhodaniennes. Je suis amoureux de ce vin si facile à lire, comme le Salon 1997, mais révélant de belles complexités. L’accord avec le ris de veau est divin.

Les deux sauternes seront servis sur deux plats, le stilton d’abord et le dessert à la mangue ensuite. Le Château d’Yquem 1961 est noble et a mangé une partie de son sucre. Il joue donc sur sa finesse et le salin du stilton le met en valeur beaucoup plus que le Château Climens Haut-Barsac 1943 à la robe d’acajou doré et au botrytis épanoui. Alors qu’intrinsèquement le Climens est plus large et plus joyeux que l’Yquem c’est ce dernier qui recueillera des votes alors que le Climens sera injustement oublié.

Vient maintenant dans sa magnifique bouteille opaque au cul très profond le Rota vin d’Espagne 1858. La robe est complexe avec des tons très foncés mais aussi des tons jaune clair comme en un mélange irréel. Le nez est toujours aussi envahissant et en bouche c’est du plomb fondu de bonheur. Il y a un poivre intense, de la réglisse, des zestes d’orange suggérés. De nombreuses épices s’y ajoutent mais c’est surtout sa persistance aromatique qui est infinie. C’est un cousin du Chypre 1845, vin absolument divin.

Il est temps de voter et c’est bien difficile car je pense devant tant de perfection que si je refaisais mon vote dans une heure je pourrais voter différemment. Nous votons pour nos cinq préférés. Sur 13 vins, 12 ont eu au moins un vote. Six vins ont eu l’honneur d’être nommés premier. L’Hermitage la Chapelle a eu 4 votes de premier, le Corton Grancey 3 votes de premier, l’Echézeaux et le Rota 1858 ont eu 2 votes de premier, le Laville et le Pétrus ont eu un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 – Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 4 – Château d’Yquem 1961, 5 – Pétrus 1966, 6 – Château Laville Haut-Brion Graves 1982.

Mon classement est : 1 – Rota vin d’Espagne 1858 , 2 – Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 3 – Château Laville Haut-Brion Graves 1982 , 4 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 , 5 – Château Ausone 1964.

Lorsque j’ai demandé aux convives quel était l’accord qui les a le plus enthousiasmés, quelle ne fut pas ma joie de constater que tous les plats ont été cités comme étant le meilleur accord mets et vins pour au moins l’un d’entre eux. Bravo au chef Alain Pégouret d’avoir créé des plats si lisibles qu’ils ont collé aux vins. Le service a été parfait, Aurélien qui a fait le service des vins a été très attentif et a réussi parfaitement. Etions-nous dans un jour fleur ou un jour fruit ou un autre jour pour que tous les vins se soient présentés dans la forme la plus aboutie qu’ils pourraient avoir, je ne sais pas, mais ce dîner fut une réussite totale.

Champagne Salon Magnum 1997

Champagne Ruinart Père &Fils 1955

Château Laville Haut-Brion Graves 1982

Kébir-Rosé Etablissements Frédéric Lung Alger #1947

Château Ausone 1964

Château Le Caillou Pomerol 1953

Pétrus 1966

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981

Château Corton Grancey Louis Latour 1964

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962

Château Climens Haut-Barsac 1943

Château d’Yquem 1961

Rota vin d’Espagne 1858

(cette étiquette est plus lisible que celle de la bouteille – identique – qui a été ouverte)

textes trouvés où les vins de Rota sont signalés

photo en cave

photo au restaurant

il y a quelques plats que je n’ai pas photographiés

les votes et les classements

la table en fin de repas

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 1 avril 2018

Deux amies américaines, fidèles de mes dîners, avaient assisté au 222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire. Ma femme et moi les invitons à prendre un apéritif chez nous puis à déjeuner dans un restaurant que nous aimons. A domicile, j’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette « gold » fait avec des vins qui ont plus de 30 ans. Le bouchon est beau, le pschitt est faible à l’ouverture mais le pétillant est fort et même très fort car la présence de la bulle est insistante. Je me suis dit qu’il eût fallu ouvrir la bouteille plus de deux heures avant. La couleur est joliment ambrée et le champagne est noble, présent, imprégnant. Avec le jambon Pata Negra délicieux il est agréable, mais pour une fois, car c’est rarement le cas, je le trouve plus vibrant sur la poutargue. Nous montrons à nos amies l’accord champagne et camembert qu’elles ne connaissaient pas et il me paraît que ce camembert Moulin de Carel conviendrait mieux à un jeune Salon qu’à un Krug à maturité comme celui-ci.

Nous nous rendons ensuite au restaurant l’Ecu de France car nous voulons montrer à nos amies ce restaurant traditionnel et historique dont la décoration n’a pas changé d’un détail depuis que je le connais, c’est-à-dire il y a plus de soixante ans. Nous l’aimons pour le décor, pour la carte des vins intelligente constituée par la famille Brousse de père en fils mais aussi pour la cuisine inspirée d’un chef haïtien au sourire inextinguible, Peter Delaboss.

Le menu créé par Peter Delaboss est : foie gras au caramel de betterave / velouté de corail truffé et Saint-Jacques rôties / filet de biche en croûte de céréales, jus cacaoyer / soufflé à l’orange et Grand-Marnier.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 29 juillet 2013 a une belle couleur ambrée. Quelle surprise car il se montre très largement plus brillant que le Krug bu à la maison. Il a du charme, une extrême présence, de la puissance et de la complexité. Il se marie judicieusement avec le foie gras.

Le Bienvenue Bâtard Montrachet Louis Carillon et Fils 1999 est très généreux, ample, avec une longueur spectaculaire. Ce vin riche et gourmand est une très agréable découverte. Il bénéficie de la force de son millésime. L’accord avec les coquilles est parfait, appuyé par la force du corail des Saint-Jacques.

J’ai apporté La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992. Nous avions bu avec nos deux amies au dîner d’il y a deux jours La Tâche 1961 qui n’était pas parfaite. Ce vin est une belle revanche. Le vin est beaucoup plus puissant que ce que laisse entendre son millésime et il exacerbe joliment les qualités du domaine de la Romanée Conti. Hervé Brousse, qui dirige le restaurant dans la continuité de ses parents et à qui je fais goûter le vin, trouve dans ce 1992 des aspects d’une Romanée Saint-Vivant du domaine. J’avoue que je suis plutôt sur le terrain d’une belle La Tâche, dont les complexités sont ciselées. Le filet de biche est exactement ce qu’il faut pour mettre en valeur La Tâche.

Le soufflé au Grand-Marnier dont on sent à peine l’alcool n’appelle aucun vin en particulier, mais on peut finir les verres qui sont sur table sans commettre un contresens.

Le chef avait conçu son menu sans connaître les vins que nous choisirions. Nous avons réussi, par la grâce de l’ange gardien qui surveille nos agapes, à faire un repas de haute gastronomie avec des accords très pertinents. L’ambiance était souriante, nos amies américaines repartiront demain en leur pays, pour revenir en fin d’année pour de nouvelles aventures.

222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 29 mars 2018

Le 222ème dîner se tient au restaurant Pierre Gagnaire. J’avais fait le 91ème dîner en son restaurant parisien et j’ai eu envie de recommencer. La mise au point du menu s’est faite en deux temps, d’abord avec Pierre Gagnaire, puis, sous son autorité avec les chefs Thierry Méchinaud et Michel Nave. Les vins avaient été apportés il y a plus d’une semaine. A 16h30 commence la séance d’ouverture des vins. Je suis rejoint par Logan sommelier qui fera le service des vins et je lui fais sentir, ainsi qu’à quelques membres de l’équipe du restaurant, les parfums des vins. Ce qui est assez invraisemblable c’est que ce sont les vins les plus vieux qui ont les parfums les plus généreux. Dans l’ordre d’âge, le Chypre 1870 a un parfum lourd qui évoque des madères et un poivre insistant. Le Musigny 1906 a un parfum marqué d’un beau fruit, le Lafite 1908 qui a été reconditionné au château en 1990 a un fruit insolent et fort curieusement un bouchon qui se casse en deux, l’Yquem 1921 a des fragrances exceptionnelles, à se damner. La seule mauvaise surprise est celle de La Tâche 1961 dont le bouchon, seulement à moitié levé, exprime une odeur de serpillère insistante. Le bouchon vient entier, noir et gras et le vin sent la lavasse. J’ai bien peur pour lui et c’est le seul. Le bouchon du Musigny 1906 a été sorti en charpie, émietté comme rarement.

Les convives sont presque tous à l’heure et nous sommes onze dont deux fidèles américaines qui viennent spécialement en France pour mes dîners, trois nouveaux, cinq habitués et moi.

Le Champagne Dom Ruinart magnum  1998 est une très belle surprise car il est épanoui. J’ai toujours du mal à considérer qu’un champagne de 1998 n’est pas un jeune bambin, alors qu’il a vingt ans. Son épanouissement, sa joie de vivre me plaisent. Les amuse-bouches sont d’une diversité extrême et d’un raffinement absolu. Tout le talent de Pierre Gagnaire est déjà exposé dans ces complexités goûteuses. Et le champagne s’en régale.

Le menu composé par Pierre Gagnaire et ajusté récemment avec ses deux chefs est : Croquant chocolaté de foie gras de canard, salade de champignons de Paris, velouté Blanc, brioche toastée de palette ibérique, compote de gold rush aux oranges sanguines / Poireau grillé farci de coques et couteaux, pousses d’herbes sauvages des côtes du Croisic, raviole de seiche, navet daïkon / Sole meunière – les filets sont taillés en goujonnettes, fèves, petits pois, pointes d’asperges et nèfles. Soupe verte émulsionnée avec le beurre de cuisson du poisson / Grosse langoustine croustillante 1982 – condiment Dundee-Peecky, galette de blé noir. Une bisque / Cassolette de morilles au curry madras, côtes de romaine, oignons cébettes, pain soufflé farci de ris de veau, lard de Bigorre / Quasi de veau fermier à la Milanaise – purée de carotte au jus | tête de veau / Coffre de canard de Challans enveloppé de poudre de cacao aux aromatiques sous une cloche de chocolat amer – fines aiguillettes laquées d’une bigarade à l’ail fermenté Aomori. Pomme de terre FiFine / Fromage Stichelton / Parfait vanille de Tahiti | mangue jaune / Petits fours et financiers.

Avec le menu Pierre Gagnaire a fait remettre à chacun une lettre manuscrite dans laquelle il s’excuse de ne pas être auprès de nous. Cette attention est très appréciée.

On me fait goûter en premier tous les vins et lorsque je bois la première gorgée du Champagne Salon Le Mesnil  1964, c’est comme si j’ouvrais les portes de Paradis. La couleur est d’un ambré clair, le nez est tétanisant de perfection percutante et le champagne est tout simplement divin. S’allument en moi toutes les références que j’ai des champagnes Salon et l’on est au firmament de ce que peut offrir ce divin champagne. L’entrée au foie gras est délicate mais mon esprit est au Salon, même si la palette ibérique fait briller le champagne. C’est une des plus belles émotions que j’aie eues avec Salon.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 est l’un des cinq grands vins choisis par Curnonsky comme représentant l’excellence du vin blanc français. L’année 1962 est une des plus grandes années de ce cru de Loire. La pureté de ce vin est extrême. Tout en lui est fluide et équilibré. Je m’en régale et le plat de poireau forme avec ce vin un accord qui est probablement pour moi le plus grand de repas car la continuité est saisissante.

Par contraste, le Meursault Leroy Négociant 1966 est puissant et beaucoup plus ouvert. C’est un Meursault Village de haute qualité assemblé par un négociant de renom, mais même s’il est généreux il ne peut pas cacher qu’il est Village. On est loin du coffre d’un grand cru. La sole est excellente et très épurée, avec des goûts extrêmement lisibles et gourmands.

Le Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908 avait à l’ouverture un nez marqué par un fruit de toute beauté. Le nez est encore impressionnant mais en bouche il y a une acidité sensible que le nez ne laisse pas imaginer. En sachant lire entre les lignes, on trouve un Lafite de grande race et de belle richesse mais l’acidité limite un peu le plaisir. Fort heureusement la divine langoustine et sa bisque apportent de la douceur à ce vin de haute lignée. Il est possible que ce soit le rebouchage en 1990 qui ait apporté cette acidité.

Le nez du Pétrus Pomerol 1976 est dix fois expressif qu’à l’ouverture. Le vin a profité de l’oxygénation lente et c’est une merveille absolue. Si l’on voulait trouver ce que serait la définition du Pétrus archétypal, il ne faudrait pas chercher plus loin, c’est celui-ci. Je l’adore. Il a de la truffe, de la richesse, une densité infinie. Sa longueur est celle d’un seigneur. Il faut écarter tous les légumes verts du plat de morilles et ris de veau pour trouver l’accord avec cet immense Pétrus. Il n’a pas le côté romantique du Pétrus 1975 que je chéris, mais c’est un grand Pétrus de sérénité.

Le quasi de veau est probablement le plat le plus charmeur et goûteux de ce magnifique repas. Le Grand Musigny Faiveley 1906 est un grand vin, doté d’un beau fruit et d’un très joli équilibre. Alors que pour mon goût il est très au-dessus de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961, c’est paradoxalement La Tâche qui recevra largement plus de votes que le Faiveley. Est-ce la fascination de tout ce qui vient de la Romanée Conti ? Car au moment du service il n’y a plus aucune trace de serpillère ou de lavasse, mais le nez est clairement bouchonné. Or, comme cela arrive assez souvent, le nez de bouchon ne se ressent pas en bouche. Le vin a de la rondeur et une belle expressivité. Mais même s’il n’y a pas l’amertume rêche que donne un goût de bouchon, je ne peux pas aimer le 1961 plus que le 1906. Le plat est divin et aide bien le Musigny.

Les deux chefs doivent être chaudement félicités car ils ont interprété le canard avec un doigté qui en fait un plat extraordinaire pour les deux vins qui suivent. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978 confirme bien qu’il est de la plus grande année pour Rayas, l’année mythique comme 1945 l’est pour Mouton ou 1961 pour l’Hermitage La Chapelle. Le vin est franc, direct, solaire, gourmand, et facile à vivre. Sa longueur est belle et alors que je craignais que le Vega Sicilia Unico 1969 ne lui fasse de l’ombre, je trouve ce 1978 plus fringant que le 1969 par rapport à ce qu’on peut en attendre. Le vin espagnol est grand mais je ne retrouve pas aussi prononcée la fraîcheur que j’aime.

Le Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943 est grand. Quel beau sauternes ! S’il était seul, on l’adorerait. Hélas pour lui et tant mieux pour nous, le  Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921 est totalement conforme à sa légende. Comme je le dis souvent, avec les vins rouges et les vins blancs, on peut imaginer que sur un détail, il pourrait y avoir quelque chose de mieux. Alors qu’avec un sauternes, quand il est parfait, il n’y a aucun bouton de guêtre que l’on pourrait critiquer. Il est parfait, point. Cet Yquem 1921 est la perfection absolue du sauternes à la complexité infinie. Le Stichelton est un compagnon idéal des sauternes, encore plus doux que le stilton.

Le Vin de Chypre 1870 combine une douceur de muscat comme celle d’un madère avec un poivre incroyablement prononcé. J’ai hésité à le mettre premier mais l’Yquem 1921 est tellement grand qu’il a eu mes faveurs comme celles du consensus. Le financier est l’ami naturel du Chypre.

Le vote des onze participants pour leurs cinq préférés parmi treize vins n’est pas une chose facile tant les vins sont différents. Selon quels critères peut-on départager Salon 64 Yquem 1921 ? Mais tout le monde a réussi à voter. Une chose me plait énormément : onze vins sur les treize ont eu des votes ce qui montre que onze vins méritaient de figurer parmi les cinq premiers d’au moins un convive. Cinq vins ont eu l’honneur d’être classés premiers. Trois vins ont été classés trois fois premiers : Salon 1964, Pétrus 1976 et Yquem 1921. Deux autres vins ont eu un vote de premier : Fargues 1943 et Chypre 1870.

Le classement du consensus est : 1 – Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 – Pétrus Pomerol 1976, 3 – Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 – Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908, 5 – Vin de Chypre 1870, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961.

Mon classement est : 1 – Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 – Pétrus Pomerol 1976, 5 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978.

La cuisine que nous avons goûtée, maîtrisée, simplifiée parfois, a été l’une des plus pertinentes que nous ayons connues. Bravo à Pierre Gagnaire mais aussi à toute son équipe. Le service des vins par Logan a été attentif et parfait, le service de table montre une implication intelligente et motivée de toutes les équipes.  L’ambiance de la table, joyeuse mais attentive à comprendre les vins et les accords a fait de ce repas aux vins particulièrement prestigieux un des plus beaux des 222 dîners que j’ai eu l’honneur d’organiser avec de grands chefs et de grands vins.

Champagne Dom Ruinart magnum 1998

Champagne Salon Le Mesnil 1964

Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962

Meursault Leroy Négociant 1966

Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908

Pétrus Pomerol 1976

Grand Musigny Faiveley 1906

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961

Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978

Vega Sicilia Unico 1969

Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943

Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921

on peut voir le 2 et le 1 en regardant bien

Vin de Chypre 1870

j’ai mis en référence une étiquette plus lisible que celle de la bouteille qui a été ouverte

La bouteille de Vega Sicilia Unico 1969 et celle de Chypre 1870 ne sont pas sur la photo ci-dessus mais elles sont sur la photo ci-dessous prise au restaurant

la lettre de Pierre Gagnaire et le menu

les votes des participants

fin de repas

Préparatifs du 222ème dîner qui va se tenir au restaurant Pierre Gagnaire mercredi, 28 mars 2018

Le 222ème dîner va se tenir au restaurant Pierre Gagnaire. Il y a quatre mois j’avais rencontré Pierre Gagnaire pour lui soumettre les vins et étudier avec lui le menu qui bénéficierait de son talent et s’adapterait à mes vins. Nous avions fait un travail très constructif et j’étais très heureux de la compréhension mutuelle qui a présidé à cette composition.

Il y a quelques semaines Pierre Gagnaire s’est excusé de ne pouvoir être présent au dîner car il lance un nouveau restaurant à Dubaï à la date qui avait été choisie. Mais me dit-il, ses collaborateurs ont reçu les consignes. La lecture du menu dont j’ai alors pris connaissance, assez différent de notre travail, me pousse à créer le contact avec les chefs présents et éventuellement à goûter quelques plats proposés pour recadrer le menu.

Avec Thierry Méchinaud et Michel Nave, les deux responsables de la cuisine à Paris, nous étudions sur papier chaque plat et ses composantes, qui sont dans la ligne de l’inventivité de Pierre Gagnaire. Mon rôle est d’éviter des ruptures de goûts et des goûts agressifs que les vins anciens ne supporteraient pas. Il est convenu que nous essaierons à déjeuner deux des plats du repas, la langoustine et le canard.

J’ai apporté pour ce repas un Vega Sicilia Unico 1991 que Logan, le sommelier qui officiera lors du dîner, a ouvert il y a deux heures. L’ami qui va partager avec moi le déjeuner a apporté un Nuits-Saint-Georges Paul Destrée et Fils 1929 en demi-bouteille dont il avait vu le niveau dangereusement baisser. C’est donc la bouteille à l’encre. Je l’ouvre à son arrivée et je suis surpris que le parfum soit d’emblée aussi prometteur. Ce vin va, tout au long de sa dégustation, se montrer généreux, ouvert, franc, simple mais émouvant. Un vrai plaisir qui tient beaucoup à la qualité extrême du millésime 1929 qui brave le temps.

Les amuse-bouches sont un Etna, que dis-je, un Pinatubo de créativité. Tout est étonnant et tout est divinement plaisant. Le talent de Pierre Gagnaire est contenu dans ce feu d’artifice.

Nous goûtons maintenant la grosse langoustine croustillante 1982 avec un condiment Dundee-Peecky, une galette de blé noir et à part une bisque. Le millésime n’est pas celui de la langoustine mais de la date de création de ce plat. C’est surtout sur la bisque que le Vega Sicilia Unico 1991 va exploser de fruit. Ce vin commence par le nez. Le parfum est d’une irréelle perfection, charmeur et intense. Ensuite le vin puissant et d’un équilibre spectaculaire offre une infinie fraîcheur. Je suis en extase devant la plénitude accomplie de ce vin très jeune. Il est dans une phase où il est toujours jeune, mais avec une plénitude totale. Il est grand et c’est la fra^cheur qui m’éblouit.

Nous allons maintenant goûter le coffre de canard de Challans enveloppé de poudre de cacao aux aromatiques sous une cloche de chocolat amer – fines aiguillettes laquées d’une bigarade à l’ail fermenté Aomori. Pomme de terre FiFine. Normalement ce canard est servi fumé quelques instants dans un coffre de chocolat amer avec du foin, mais j’ai demandé qu’on ne le fume pas en pensant aux vins du dîner qui se tiendra ici dans deux jours. Le canard est d’une puissance extrême et il faut bien cela pour le Porto Vintage Taylor’s 1992 apporté par mon ami. Ce Porto a eu les honneurs d’un 100 sur 100 de la part de Robert Parker. C’est une bombe de fruits rouges incroyablement juteux. Il est manifestement beaucoup trop jeune et il faudra au moins cinquante ans pour dompter ce cheval fou. Mais il est gourmand et se comporte bien avec la sauce lourde et épicée du canard. C’est surtout sur la peau grillée du canard que le porto admet qu’un plat puisse faire jeu égal avec lui.

Les chefs nous font apporter un quasi de veau fermier à la Milanaise – purée de carotte au jus | tête de veau, que nous n’avions pas commandé mais qui pourrait s’accorder avec des vins du futur repas. Ce plat est exquis et le vin espagnol est très à l’aise avec lui, tout en douceur.

Nous essayons ensuite un dessert à la vanille et à la mangue qui conviendra aux prestigieux sauternes du prochain repas. Il reste encore dans ma musette du magique Marc de rosé d’Ott 1929 qui va commencer à s’épuiser depuis que je le sers en toute circonstance. Il a toujours ce contraste entre le côté strict du parfum d’un marc, très rêche et une incroyable douceur. Je l’essaierais volontiers sur l’Ispahan, le dessert emblématique de Pierre Hermé, car le marc me semble exactement dans sa gamme de goûts.

Nous avions fait l’analyse du menu avant le repas avec les deux chefs. Nous recommençons après le repas pour tenir compte de ce que nous avons goûté. Je fais enlever quelques saveurs qui pourraient nuire au vin, comme par exemple des dés d’ananas qui sont là pour contrebalancer la richesse de la sauce mais doivent être enlevés si le plat accompagnent des vins très anciens. Nous révisons aussi l’ordre des plats qui mérite d’être changé. Cette répétition était absolument nécessaire. Elle s’est faite dans une ambiance de grande compréhension. De Dubaï Pierre Gagnaire a validé nos choix. Le bateau est lancé sur son erre. A nous d’en prendre le sillage pour un voyage de rêve.