Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

Déjeuner au restaurant L’Ami Jean mercredi, 25 octobre 2017

Les voies du Seigneur sont impénétrables et celles du web aussi. On me demande d’envisager de faire un dîner au restaurant L’Ami Jean. J’avais déjà déjeuné en ce restaurant à la cuisine généreuse qui convient plus à des profils de rugbymen qu’à des petits rats de l’Opéra. Une table est réservée à mon nom et il est prévu un rendez-vous de travail après le déjeuner avec Stéphane Jégo le chef propriétaire du lieu.

Lorsque j’entre dans le restaurant, les petites tables carrées sans nappe où les clients se touchent les coudes me semblent peu compatibles avec les dîners que j’ai l’habitude d’organiser mais la vie m’a appris à savoir attendre avant d’entériner tout jugement. La jolie Amandine me conduit à ma table qui pourrait accueillir quatre personnes ou six mais ne sera que pour moi. C’est la table proche de la cuisine ouverte où le chef officie ce qui permettra que nous échangions quelques remarques en cours de repas.

Au moment de m’asseoir j’entends « bonjour Monsieur Audouze ». A la table voisine il y a quatre hommes dont un caviste parisien qui a participé à des séances de l’académie des vins anciens. Ce sont des habitués du lieu, grand mangeurs, grands buveurs et généreux. Etant seul, je vais pouvoir partager avec eux discussions et aussi quelques vins.

A peine assis, on m’apporte une terrine de sanglier avec des cornichons, ainsi qu’un verre de Crozes-Hermitage « La fille dont j’ai rêvé » domaine Gaylord Machon 2016. Pour l’instant je suis la route que l’on m’a tracée . Le vin est simple, franc et généreux. Il a une belle vivacité et ne fait pas du tout « vin jeune ». Il a déjà un bel équilibre et se montre très agréable.

J’apprends que je vais suivre le même menu que la table voisine de solide mangeurs. Stéphane Jégo m’a gentiment écrit le menu en fin de repas : terrine de sanglier / velouté de veau et parmesan / encornets sautés, poitrine de cochon Ospital, oreille de porc / poitrine de caille et anguille / Saint-Jacques et racines / poisson Tombe brûlade d’origan / lièvre à la royale / riz au lait de grand-mère / citron réglisse.

Sur le velouté délicieux j’ai envie de voir si un vin rouge pourrait exister et je fais confiance au responsable des vins. Il m’apporte un verre de Chinon Vieilles Vignes domaine Philippe Alliet 2015. L’attaque du vin rend l’accord possible, mais comme pour le blanc, le velouté raccourcit les vins, ce qui n’empêche pas ce plat d’être gourmand.

Le Chinon a une attaque franche mais il est vraiment très court. Il va nettement mieux avec l’encornet et le lard. Il devient doucereux. Le plat est superbe et va mieux avec le rouge qu’avec le blanc.

La poitrine de caille et l’anguille se marient plaisamment. Le Côtes du Vivarois domaine Gallety 2012 a une attaque généreuse mais le finale n’est pas assez net. En matière de vins dans ce déjeuner, je fais du hors-piste car ces régions et ces années me sont peu familières. Les coquilles Saint-Jacques sont remarquablement cuites mais la petite sauce qui accompagne les racines, trop acidulée, comme vinaigrée, serait l’ennemie des vins anciens.

Le plat de poisson, de « tombe », est surmonté d’herbes et brindilles aromatiques qui sont brûlées au chalumeau juste avant d’être servies. Le plat est superbe et s’accommoderait de très grands vins. Le lièvre à la royale est très gibier, beaucoup plus que celui de Michel Rostang et se marierait sans doute difficilement avec des vins anciens. Mais le caviste de la table voisine avait dans sa musette un Corton domaine Pavelot 1971 tout en douceur et gracieux qui supporte très bien le choc du lièvre. Un retour aux vins anciens, ça fait du bien !

La suite va être plus confuse car les vins s’échangent, les plats s’amoncèlent, et je commence à travailler avec le chef. Les desserts sont gourmands, évoquant des souvenirs d’enfance. J’ai offert à la table voisine un Champagne Drappier Brut 2012 pour que nous trinquions. Il est vif, précis et très agréable et demanderait de la gastronomie pour bien s’exprimer. En échange de bons procédés mes voisins ont commandé une Roussette de Savoie Marestel Altesse domaine Dupasquier 2011 qui confirme son excellence absolue. Dès le nez on sait qu’on est en présence d’un grand vin. Il y a du miel, de la richesse et une noblesse qui montre à quel point les vins précédents n’étaient pas du même niveau, champagne et le 1971 mis à part.

Dès le service fini, j’ai travaillé avec Stéphane Jégo sur la façon d’organiser en ce lieu l’un de mes dîners. Nous avons défini tout ce qui concerne le service et nous avons ébauché une façon d’approcher la cuisine pour qu’elle s’adapte aux vins anciens. J’ai senti en ce chef une recherche d’excellence et une ouverture d’esprit qui sont extrêmement motivantes. L’idée d’un grand dîner prend corps. Celui pour qui le dîner se prépare, qui veut fêter un événement familial avec des amis, est venu me rendre visite pendant le repas. Il est un intime du chef qu’il embrasse amicalement. Toutes les conditions sont remplies pour un futur succès.

Lorsque je rentre à la maison où nous accueillons une nièce de ma femme, on m’annonce fièrement anguilles et coquilles Saint-Jacques alors que je venais d’en manger au déjeuner. Les préparations étant différentes, cela n’est pas gênant. J’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée qui doit avoir plus de 25 ans. Toujours superbe, rond, construit, c’est un véritable plaisir qui me conforte dans l’idée que si la formule « in vino veritas » a de la pertinence, la vérité est dans les vins anciens.

la terrine d’accueil

ça chauffe avec le chef ! au chalumeau même

le soir à la maison :

217th dinner at the restaurant Michel Rostang samedi, 21 octobre 2017

The 217th dinner is held at the restaurant Michel Rostang. The development of the menu was made with the chef Nicolas Beaumann in a very pleasant atmosphere of mutual understanding. We looked for the consistency of the dishes, not to disturb with additions that would contradict the main message and we decided that the sauces, whenever possible, would be served separately, in a small container for each guest, to side of the dish plate.

The wines were delivered a week ago, reassembled at 17 hours for the opening of the wines. Baptiste, the intelligent and competent sommelier, accompanied me throughout this crucial operation. A phenomenon occurred that surprised me: almost all the corks were extremely difficult to remove, as if they were blistered by a climatic event such as, probably, a change in atmospheric pressure. An unusually high number of corks tore or crumbled on the ascent. I took a lot longer than usual to remove the corks. The odors of the wines are encouraging, the most beautiful being that of the 1961 Yquem, perfume of a rare sensuality, followed by that of a moving bottle to open because it is 121 years old, a Sigalas-Rabaud 1896. The only wine which worries me is the Musigny de Vogüé 1978. At the opening the nose is deliciously Burgundian, with a rough and earthy character. But feeling the bottleneck again, I wonder if there is not a risk of cork. I pour some wine in a glass and there is no cork nose but an imprecise nose. The wine I taste is bland and flat. I will have to monitor its evolution. All other wines do not bother me.

We are ten, including two women, and there is a professional relationship between all, the table having been formed at the initiative of a friend used to my dinners. Michel Rostang and his wife whom my friend Stéphane knows well welcome us with wide smiles.

We take the aperitif standing with a Champagne Mumm Cuvée Rene Lalou magnum 1973. The bottle is very beautiful and marked on a small golden label of the words « Tribute to Madame Point » the wife of the famous chef of Vienne in Isere . The opening made by Baptiste in cellar more than an hour ago had delivered no pschitt. The champagne has no bubble but the sparkling is there. The champagne is very round, welcoming, open and sweet. It is a champagne of pleasure, comfortable. Small canapes with sardines give it a spectacular length.

I give the usual instructions to enjoy the dinner and we go to the table. The Mumm continues to be drunk on other small preparations that do not have as much effect as sardines. The one that represents an onion soup in a cromesquis on the contrary shortens the champagne which is nevertheless very pleasant. It opens a pleasant door on the world of old wines by being reassuring and coherent.

The menu made by Nicolas Beaumann with his team that we see through the glass that separates our room from the kitchen is: Artichoke soup with white truffle flavor / Minced raw porcini and langoustines, Daurenki caviar and shellfish consommé / Selle of lamb’s breast, death trumpets and roasted artichokes / king hare (lièvre à la royale) / stilton cheese / pickled mango ‘lime vanilla’, almond shortbread and light foam opaline.

While in the program there are two champagnes, the first will be followed by white wine to ensure the consistency of the menu, because inverting the dishes would not have been possible. The Bâtard-Montrachet Chanson Father & Son 1959 is especially distinguished by an absolutely exemplary perfume. We could be content to smell this wine forever without drinking it. What begins to shake the certainty of many of the guests is that a white wine of 58 years old may seem so young. Storm under the skulls! The wine is merry, with a calm and serene fruit and a gourmand chew. It forms with the white truffle a very nice agreement. I found the white truffle a little earthy and relatively un-sunny, but the agreement is a great gastronomic pleasure with this wine full of plenitude.

I went to see Baptiste at around 7:30 pm when he was going to open in cellar Champagne Dom Pérignon Vintage 1966 and I clearly heard the strength of the bubble when it explodes when the cap releases it. It was a beautiful sign. When I am served, I am dazed. The 1966 that I have already drunk twenty times is for my taste one of the greatest Dom Pérignon and I’m in front of the biggest 1966 and probably one of the biggest Dom Pérignon I’ve been given to drink. He is simply extraordinary and carries an infinite emotion. Everything about him is perfect. He is vibrant, his bubble is conquering, he is charming but also a warrior, taking possession of the palate and taming it I cannot believe it and I lock myself in my bubble (dare I say) to enjoy it. The conjugation cepes and caviar gives champagne a glory that delights me. I have just experienced a great moment with a sharp champagne, scathing, infinite length.

The saddle of lamb accompanies the two Bordeaux very dissimilar. The Château Mouton Rothschild 1971 has a very pretty light red-blood color. All in this wine is graceful. His speech is a gourmet madrigal.

Beside, the Château Haut-Brion 1926 is almost black in color. On the palate, this conquering wine is heavy with truffles and charcoal. This wine is like a worker whose face became black, the proud worker working in his Coal mine. But the wine is also noble and profound. It is rich and full and here too the certainties fall because this wine of 91 years has an extreme liveliness. I have long considered 1926 as the greatest High-Brion. This one is part of this line of excellence but it is not the biggest 1926 of the seven that I had the opportunity to drink. He holds his rank as we will see in the votes.

The royal hare (lièvre à la royale) of Michel Rostang is an institution. It is eaten with a spoon and despite its strength it seems « light ». Before the arrival of the guests, I went to the cellar with a glass to taste once again the Red Musigny Comte Georges de Vogüé 1978 and I found it flat, almost as at the opening. I warned the guests. But at the moment of serving it, Baptiste tells me: « you will see » and the miracle occurs, the Musigny has found its grace, its delicious Burgundy message made of subtlety. It is a very beautiful elegant Musigny that we drink now, without the shadow of a defect. What always amazes me is that in case of return to life, the resurrection is most often total, that is to say that the miracle doctor which is slow oxygenation, plays its role at 100% .

The second Musigny of the dinner, the Musigny Duvergey-Taboureau 1949 is very different from the Vogüé. He is rich, round and greedy. One could say that it is a little less noble than the 1978, but the year 1949 is so generous that it gives a gluttony to this wine of négociant and a generosity which delight me. We are with a round and happy wine, happy to live.

I had already had the experience of putting a wine from the Romanée Conti estate at the end of the meal and pairing it with a poached foie gras to a place on the menu of the meal that it had in the 19th century. The agreement between the poached foie gras and the Romanée Saint-Vivant Domaine Romanée Conti 1983 is simply masterful. The agreement is with the liver alone but also with the liver and its broth. And I like that we have the opportunity to taste both versions. The wine of Romanée Conti has a distinction, charm and complexity that make it elegant and subtle. He is pure grace, like a ballerina walking on the stage of the Opera Garnier. The wine is long, Burgundian. Its color is nicely clear. The markers of the domain, the rose and the salt, are there but rather discreet. We are in the presence of a wine of grace.

The stilton is perfect, slightly salty, slightly unctuous. It’s exactly what’s needed for Château d’Yquem 1961. This wine is Fred Astaire, it’s Gene Kelly in « Singing in the Rain », it’s the ultimate talent of talent. It’s the absolute Yquem, without too much force or too much sweetness. This is the one we would invite to each dinner if we had the opportunity. It is so comfortable and so much above anything sweet. There are Yquem more typical, heavier, more percussive, but this one is a Yquem of happiness.

But my heart will lean towards an exceptional wine. The Château Sigalas Rabaud 1896 had its original cork on which was clearly read the year, as on the label very tired and attacked by time. The nose of this wine is deep and subtle. It is a rich but calm sauternes. In the mouth he is noble. It is Sissi Empress presenting herself at the ball with a dress with infinite crinolines. The length in the mouth is extreme, with fat and silky. There is an affirmation, followed immediately by grace and charm. The wine is very dark, mahogany brown, but it does not have any sign of fatigue or age. He is tall and the dessert with mango suits him perfectly highlighting its beautiful acidity. I concentrate and forget the external world to enjoy this wine as I did for Dom Pérignon and even more the day we just learned the death of Danielle Darrieux a French actress at 100 years of age. She was loved by everyone. To have in hand a wine of 121 years which has no age but on the contrary has all of a young handsome prima dona, it moves me.

We will now vote for four wines out of the ten of the meal. We are ten to vote. What is always a reward for me is that the ten wines had at least one vote. None were discarded. Even stronger, six of the ten wines were named first. Haut-Brion 1926 was nominated three times first, Romanée Saint-Vivant 1983 and Yquem 1961 were named twice first and Dom Pérignon 1966, Musigny 1949 and Sigalas Rabaud 1896 were named once first.

The consensus vote would be: 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanee Conti 1983, 2 – Château Haut-Brion 1926, 3 – Château d’Yquem 1961, 4 – Musigny Duvergey-Taboureau 1949, 5 – Château Mouton Rothschild 1971, 6 – Champagne Dom Pérignon Vintage 1966.

My vote, very different from the one that compiles the votes of all, is: 1 – Château Sigalas Rabaud 1896, 2 – Champagne Dom Pérignon Vintage 1966, 3 – Château Haut-Brion 1926, 4 – Musigny Duvergey-Taboureau 1949.

The cook has been remarkable, very readable, very adapted to the wines. The service of wines by Baptiste was perfect. The service of the dishes was discreet and airy. We even had the chance to taste, offered by the restaurant, a Green Chartreuse of the early 40s, masterful and very strong, with a degree of alcohol imposing the diabolic sweetness.

In a happy and laughing atmosphere, we had a remarkable dinner in every way.

217ème dîner au restaurant Michel Rostang jeudi, 19 octobre 2017

Le 217ème dîner se tient au restaurant Michel Rostang. La mise au point du menu s’est faite avec le chef Nicolas Beaumann dans une ambiance très agréable de compréhension mutuelle. Nous avons recherché la cohérence des plats, à ne pas troubler par des ajoutes qui contrediraient le message principal et nous avons décidé que les sauces, chaque fois qu’on le pourrait, seraient servies à part, dans un petit récipient pour chaque convive, à côté de l’assiette du plat.

Les vins ont été livrés il y a une semaine, remontés à 17 heures pour l’ouverture des vins. Baptiste, l’intelligent et compétent sommelier m’a accompagné tout au long de cette opération cruciale. Un phénomène s’est produit qui m’a étonné : presque tous les bouchons ont été extrêmement difficiles à retirer, comme s’ils étaient boursoufflés par un événement climatique tel que, probablement, une variation de pression atmosphérique. Un nombre anormalement élevé de bouchons se sont déchirés ou émiettés à la remontée. J’ai mis beaucoup plus de temps que d’habitude pour retirer les bouchons. Les odeurs des vins sont encourageantes, la plus belle étant celle de l’Yquem 1961, parfum d’une sensualité rare, suivie de celle d’une bouteille émouvante à ouvrir car elle a 121 ans, un Sigalas-Rabaud 1896. Le seul vin qui me préoccupe est le Musigny de Vogüé 1978. A l’ouverture le nez est délicieusement bourguignon, avec un caractère rêche et terrien. Mais en sentant de nouveau le goulot, je me demande s’il n’y a pas un risque de bouchon. Je verse un peu de vin dans un verre et il n’y a pas de nez de bouchon mais un nez imprécis. Le vin que je goûte est fade et plat. Il faudra que je surveille son évolution. Tous les autres vins ne me soucient pas.

Nous sommes dix dont deux femmes, et il existe un lien professionnel entre tous, la table ayant été constituée à l’initiative d’un ami habitué de mes dîners. Michel Rostang et son épouse que mon ami Stéphane connaît bien nous accueillent avec de larges sourires.

Nous prenons l’apéritif debout avec un Champagne Mumm Cuvée René Lalou magnum 1973. La bouteille est d’une grande beauté et marquée sur une petite étiquette dorée de la mention « Hommage à Madame Point » l’épouse du célèbre chef de Vienne en Isère. L’ouverture faite par Baptiste en cave il y a plus d’une heure n’avait délivré aucun pschitt. Le champagne n’a pas de bulle mais le pétillant est bien là. Le champagne est très rond, accueillant, ouvert et doux. C’est un champagne de plaisir, confortable. Des petits canapés à la sardine lui donnent une longueur spectaculaire.

Je donne les consignes habituelles pour bien profiter du dîner et nous passons à table. Le Mumm continue d’être bu sur d’autres petites préparations qui n’ont pas autant d’effet que la sardine. Celle qui représente une soupe à l’oignon en un cromesquis au contraire raccourcit le champagne qui est malgré tout très plaisant. Il ouvre une porte agréable sur le monde des vins anciens en étant rassurant et cohérent.

Le menu réalisé par Nicolas Beaumann avec son équipe que nous voyons à travers la vitre qui sépare notre salle de la cuisine est : Soupe d’artichaut parfum truffe blanche / Emincé de cèpes et langoustines à cru, caviar Daurenki et consommé de crustacés / Selle d’agneau « allaiton », trompettes de la mort et artichauts rôtis / Lièvre à la royale / Fromage stilton / Mangue marinée « vanille citron vert », sablé aux amandes et opaline mousse légère.

Alors que dans le programme il y a deux champagnes, le premier sera suivi du vin blanc pour assurer la cohérence du menu, car inverser les plats n’aurait pas été possible. Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 se signale surtout par un parfum absolument exemplaire. On pourrait se contenter de sentir ce vin éternellement sans le boire. Ce qui commence à bousculer les certitudes de plusieurs des convives, c’est qu’un vin blanc de de 58 ans puisse paraître aussi jeune. Tempête sous les crânes ! Le vin est joyeux, d’un fruit calme et serein et d’une mâche gourmande. Il forme avec la truffe blanche un très bel accord. J’ai trouvé la truffe blanche un peu terrienne et relativement peu ensoleillée, mais l’accord est un accord de grand plaisir gastronomique avec ce vin de belle plénitude.

J’étais allé voir Baptiste vers 19h30 au moment où il allait ouvrir en cave le Champagne Dom Pérignon Vintage 1966 et j’avais nettement entendu la force de la bulle au moment où elle explose lorsque le bouchon la libère. C’était un beau signe. Quand on me sert, je suis hébété. Le 1966 que j’ai déjà bu vingt fois est pour mon goût l’un des plus grands Dom Pérignon et je suis en face du plus grand 1966 et probablement de l’un des plus grands Dom Pérignon qu’il m’ait été donné de boire. Il est tout simplement extraordinaire et porteur d’une émotion infinie. Tout en lui est parfait. Il est vibrant, sa bulle est conquérante, il est charmeur mais aussi guerrier, prenant possession du palais et le domptant. Je n’en reviens pas et je m’enferme dans ma bulle (si j’ose dire) pour en jouir. La conjugaison cèpes et caviar donne au champagne une gloire qui me ravit. Je viens de vivre un très grand moment avec un champagne vif, cinglant, de longueur infinie.

La selle d’agneau accompagne les deux bordeaux très dissemblables. Le Château Mouton Rothschild 1971 a une très jolie couleur rouge-sang claire. Tout en ce vin est gracieux. Son discours est un madrigal gourmand.

A côté, le Château Haut- Brion 1926 est d’une couleur presque noire. En bouche, ce vin conquérant est lourd de truffe et de charbon. Ce vin est une « gueule noire », l’ouvrier fier de travailler dans sa mine. Mais le vin est aussi noble et profond. Il est riche et plein et là aussi les certitudes tombent puisque ce vin de 91 ans a une vivacité extrême. J’ai depuis longtemps considéré 1926 comme le plus grand Haut-Brion. Celui-ci s’inscrit dans cette ligne d’excellence mais ce n’est pas le plus grand 1926 des sept que j’ai eu l’occasion de boire. Il tient son rang comme on le verra dans les votes.

Le lièvre à la royale de Michel Rostang est une institution. Il se mange à la cuiller et malgré sa force il paraît « léger ». Avant l’arrivée des convives, j’étais allé en cave avec un verre pour goûter une nouvelle fois le Musigny rouge Comte Georges de Vogüé 1978 et je l’avais trouvé plat, presque comme à l’ouverture. J’en avais prévenu les convives. Mais au moment de le servir, Baptiste me dit : « vous allez voir » et le miracle se produit, le Musigny a retrouvé sa grâce, son délicieux message bourguignon fait de subtilité. C’est un très beau Musigny élégant que nous buvons maintenant, sans l’ombre d’un défaut. Ce qui me trouble toujours c’est qu’en cas de retour à la vie, la résurrection est le plus souvent totale, c’est-à-dire que le docteur miracle qui est l’oxygénation lente, joue son rôle à 100%.

Le deuxième Musigny du dîner, le Musigny Duvergey-Taboureau 1949 est très différent du Vogüé. Il est riche, rond et gourmand. On pourrait dire qu’il est un peu moins noble que le 1978, mais l’année 1949 est tellement généreuse qu’elle donne une gourmandise à ce vin de négoce et une générosité qui me ravissent. On est avec un vin rond et joyeux, heureux de vivre.

J’avais déjà fait l’expérience de mettre un vin du domaine de la Romanée Conti en fin de repas et de l’associer à un foie gras poché à une place dans le menu du repas qu’il avait au 19ème siècle. L’accord entre le foie gras poché et la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est tout simplement magistral. L’accord se trouve avec le foie seul mais aussi avec le foie agrémenté de son bouillon. Et j’aime bien que l’on ait la possibilité de goûter les deux versions. Le vin de la Romanée Conti a une distinction, un charme et une complexité qui le rendent élégant et subtil. Il est d’une grâce pure, comme une ballerine qui marche sur la scène de l’Opéra Garnier. Le vin est long, bourguignon. Sa couleur est joliment claire. Les marqueurs du domaine, la rose et le sel, sont là mais plutôt discrets. On est en présence d’un vin de grâce.

Le stilton est parfait, légèrement salé, légèrement onctueux. Il est exactement ce qu’il faut pour le Château d’Yquem  1961. Ce vin, c’est Fred Astaire, c’est Gene Kelly dans « Chantons sous la Pluie », c’est la facilité du talent ultime. C’est l’Yquem absolu, sans trop de force ni trop de douceur. C’est celui qu’on inviterait à chaque dîner si on en avait le loisir. Il est tellement confortable et tellement au-dessus de tout ce qui se fait de liquoreux. Il y a des Yquem plus typés, plus lourds, plus percutants, mais celui-ci, c’est un Yquem de bonheur.

Mais mon cœur va pencher vers un vin exceptionnel. Le Château Sigalas Rabaud 1896 avait son bouchon d’origine sur lequel on lisait distinctement l’année, comme sur l’étiquette très fatiguée et attaquée par le temps. Le nez de ce vin est profond et subtil. C’est un sauternes riche mais contenu. En bouche il est noble. C’est Sissi Impératrice se présentant au bal avec une robe aux crinolines infinies. La longueur en bouche est extrême, avec du gras et du soyeux. Il y a une affirmation, tout de suite suivie par de la grâce et du charme. Le vin est très foncé, acajou brun, mais il n’a pas le moindre signe de fatigue ou d’âge. Il est grand et le dessert à la mangue lui convient à merveille mettant en valeur sa belle acidité. Je me  recueille pour boire ce vin comme je l’ai fait pour le Dom Pérignon et encore plus le jour où l’on vient d’apprendre le décès à cent ans de Danielle Darrieux. Avoir en main un vin de 121 ans qui n’a pas d’âge mais au contraire a tout d’un jeune premier, cela m’émeut.

Nous allons maintenant voter pour quatre vins sur les dix du repas. Nous sommes dix à voter. Ce qui est pour moi toujours une récompense, c’est que les dix vins ont eu au moins un vote. Aucun n’a été écarté des votes. Plus fort encore, six des dix vins ont été nommés premier. Le Haut-Brion 1926 a été nommé trois fois premier, la Romanée Saint-Vivant 1983 et l’Yquem 1961 ont été nommés deux fois premier et le Dom Pérignon 1966, le Musigny 1949 et le Sigalas Rabaud 1896 ont été nommés une fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Château Haut- Brion 1926, 3 – Château d’Yquem  1961, 4 – Musigny Duvergey-Taboureau 1949, 5 – Château Mouton Rothschild 1971, 6 – Champagne Dom Pérignon Vintage 1966.

Mon vote, très différent de celui qui compile les votes de tous, est : 1 – Château Sigalas Rabaud 1896, 2 – Champagne Dom Pérignon Vintage 1966, 3 – Château Haut- Brion 1926, 4 – Musigny Duvergey-Taboureau 1949.

La cuisine a été remarquable, très lisible, très adaptée aux vins. Le service des vins par Baptiste a été parfait. Le service des plats a été discret et aérien. Nous avons même eu la chance de goûter, offerte par le restaurant, une Chartreuse Verte du début des années 40, magistrale et très forte, d’un degré d’alcool imposant au sucré diabolique.

Dans une ambiance joyeuse et riante, nous avons vécu un dîner remarquable en tous points.

Champagne Mumm Cuvée René Lalou magnum 1973 (avec une intéressante étiquette « Hommage à Madame Point »)

Champagne Dom Pérignon Vintage 1966

Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959

Château Mouton Rothschild 1971

Château Haut- Brion 1926

Musigny rouge Comte Georges de Vogüé 1978

Musigny Duvergey-Taboureau 1949

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983

Château d’Yquem 1961

Château Sigalas Rabaud 1896

lorsque j’ai ouvert les trois premiers vins, je me suis demandé pourquoi tant de bouchons brisés ?

il y a beaucoup de bouchons cassés ou brisés qui m’ont résisté

Les bouteilles alignées en cave et alignées au restaurant :

cadeau du restaurant :

les verres en fin de repas

216ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent mardi, 30 mai 2017

Le 216ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Le nombre de participants a oscillé plusieurs fois entre dix et onze dans les deux heures précédant le repas. Bravo à la flexibilité du restaurant qui s’est adapté en permanence aux différentes phases de ce suspense. En définitive nous sommes onze, avec une écrasante majorité masculine. Tous se connaissent. Seuls trois participants sont nouveaux.

Les vins ont été livrés au restaurant il y a une semaine. Quand j’arrive à 17 heures pour ouvrir les bouteilles, le jeune Benjamin, nouveau dans l’équipe de sommellerie que j’ai déjà croisé pour mes repas au Taillevent, m’assiste et me regarde officier. Je lui fais sentir les vins. Aucun bouchon ne me pose de problème irréversible. Comme cela arrive souvent, le haut du bouchon de la Romanée Conti sent la terre, alors que le bouchon du Rayas sent plutôt le bois du tonneau, sur sa seule partie supérieure. Les parfums les plus beaux sont ceux de la Romanée Conti 1980, du Palmer 1961, de l’Yquem 1983 et de Laville Haut-Brion 1948. Celui de La Tour Blanche 1948 est le plus réservé.

Nous prenons l’apéritif dans le petit salon rond de l’entrée. Je donne les consignes de vol aux nouveaux et nous buvons un Champagne Salon magnum 1995. Il a une belle présence et une longueur remarquable. Il est facile à comprendre et ses complexités sont bien coordonnées. Il n’est peut-être pas assez canaille. C’est le bon élève qui obtient des bonnes notes, loin des cancres délurés. Les petits amuse-bouche sont délicieux et parfaits pour le champagne.

Le menu créé par Alain Pégouret est : Petits pois en velouté glacé, perlines de lulo, panna cotta à la citronnelle / Bouillabaisse froide, pomme de terre et fenouil au basilic / Filet de rouget juste saisi, moelle à la lie de vin rouge / Noix de ris de veau rôtie, poêlée de morilles / Pièce de bœuf servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / Stilton / Mangue en croûte sucrée, noisettes et fèves de Tonka.

Le Champagne Dom Ruinart brut Blanc de Blancs 1973 est absolument exceptionnel. Il est exactement deux fois plus vieux que le Salon 1995 et s’inscrit résolument parmi les champagnes anciens à maturité. Ses complexités sont incroyables. Il est d’une longueur très supérieure à celle du Salon et mes convives prennent conscience de l’intérêt des champagnes anciens qui racontent dix fois plus de choses. La citronnelle est trop forte pour le champagne alors que l’entrée aux petit pois est un joli plat.

Sur la bouillabaisse froide qui est un plat magnifique il y a deux vins. Le Château Laville Haut-Brion 1948 avait un parfum superbe à l’ouverture. Il l’a encore mais l’attaque en bouche me déplait car je sens le vin glycériné, comme si l’on avait ajouté de la cire. Un des convives ressent la même gêne. Mais un miracle se produit. La gelée du plat est une merveille de goût et elle efface totalement la glycérine que je ressentais et le vin devient parfait, expressif, profond, absolument magnifié par le plat. Si c’est manifestement la gelée qui a transformé le vin, ce qui me surprend, c’est que cette transformation persiste, même lorsque l’on n’a plus en bouche la gelée ou le plat.

Le Montrachet Jacques Prieur 1986 est un vin de belle puissance mais contenue. C’est un vin riche mais calme. Il est très équilibré, à maturité, avec un beau fruit fécond, mais il joue un jeu un peu trop calme. Aussi, alors qu’au début du plat, il devançait largement le vin de Bordeaux, il s’est fait dépasser dans nos cœurs par le Laville miraculé. Les deux vins se comportent bien sur le plat que je considère comme le plus réussi et abouti du repas.

C’est une coquetterie de ma part d’associer un rouget au vin légendaire qu’est le Château Palmer Margaux 1961. Ce vin recherché par tous les amateurs de vins rares, ne faillit pas à sa légende. Le nez annonçait son triomphe à l’ouverture et nous avons effectivement devant nous un vin d’un accomplissement absolu. Son grain est riche et lourd, avec des intonations de truffe et des tannins affirmés. Il est profond, lourd, et d’une longueur infinie. Il conquiert le palais et ne le quitte plus avec une persistance rare. C’est très émouvant de boire un vin aussi conforme à sa légende. L’accord avec le rouget est d’une pertinence absolue.

A l’ouverture, j’avais fait sentir à Benjamin la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1980 et je lui avais dit que ce nez comporte les deux marqueurs de ce vin, la rose et le sel. Nous avons le même parfum au moment du service. Oserais-je dire que nous sommes face à une Romanée Conti parfaite ou quasi parfaite ? 1980 est une année qui n’est pas tonitruante mais subtile. Et une telle année convient à la Romanée Conti dont l’expression devient romantique. C’est un vin qu’il faut écouter, car il suggère plus qu’il n’impose. Il y a la rose et le sel et un rythme en bouche qui est délicat. Le vin est profond, long aux accents changeants, et le plaisir que l’on ressent est comme de lire un poème rythmé et galant. La noix de veau est goûteuse mais je n’aime pas trop quand un ris de veau est croustillant. Je le préfère de mâche plus douce comme si le ris était poché. Les morilles sont superbes et comme elle sont discrètes elles se marient bien avec le vin qui reste en bouche indéfiniment. C’est une des très belles Romanée Conti que j’ai eu l’occasion de boire. Les votes le couronneront comme les élections « démocratiques » en Corée du Nord.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988 a la malchance de passer juste après le bourgogne merveilleux. Il fait un peu rustaud et simple alors qu’en une autre circonstance il brillerait. Sur la délicieuse viande rouge il est très adapté mais nous avons encore en tête la musique aromatique de la Romanée Conti.

A quelque chose malheur est bon car le Rayas va mettre en valeur la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1990 qui est un vin merveilleux associé lui aussi à la viande rouge. Ce qui caractérise ce vin c’est une invraisemblable fraîcheur. Alors qu’il est puissant, il sait être aérien. Il est fascinant car il paraît très simple mais il est complexe, riche, et tout passe en bouche avec une facilité totale. Ce vin est parfait, gourmand, un bonheur.

Le stilton est superbe, à la fois ferme et crémeux en équilibre total sans une fausse note. Le Château d’Yquem 1983 s’associe à lui avec une évidence indiscutable. Le vin est rond, totalement rond. C’est une sphère magique de goûts ensoleillés. Rien ne paraît plus beau, plus gourmand, plus joyeux que ce sauternes franc et loyal. C’est le sauternes parfait dans une acception jeune. On se régale. C’est un de mes chouchous.

Le Dom Ruinart 1973 avait succédé au Salon 1995 avec un supplément d’âme et de complexité. Nous avons le même phénomène avec le Château La Tour Blanche 1948 qui transcende Yquem. Et alors on comprend mieux l’effet de l’âge sur les sauternes. J’avais déjà goûté ce 1948 qui est certainement l’une des plus belles réussites de ce château attachant fruit d’une donation à l’Etat de la part d’un riche bourgeois surnommé Osiris. Le soleil de l’Yquem est celui des tropiques, le soleil de la Tour Blanche est celui d’Austerlitz. C’est la victoire totale d’un vin plein et riche qui surprend par la diversité des complexités de fruits bruns tout au long de son parcours en bouche. Il y aurait même un soupçon de thé. La mangue est idéale pour ce vin et les accompagnements d’automne ne lui conviennent pas.

Il est temps de voter. Nous sommes onze mais dix seulement voteront car la seule femme de notre table n’a bu qu’occasionnellement certains vins. Huit vins sur dix ont eu des votes. Seuls le Salon 1995 n’en a pas eu mais c’est logique car c’est le plus jeune et donc le moins inconnu, et le Rayas 1988 du fait de son passage difficile après la Romanée Conti. Deux vins seulement ont trusté les votes de premiers. La Romanée Conti en a capturé sept et le Palmer 1961 en a reçu trois.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1980, 2 – Château Palmer Margaux 1961, 3 – Château La Tour Blanche 1948, 4 – Champagne Dom Ruinart brut Blanc de Blancs 1973, 5 – Château Laville Haut-Brion 1948, 6 – Château d’Yquem 1983.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1980, 2 – Château Palmer Margaux 1961, 3 – Château La Tour Blanche 1948, 4 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1990.

Le service des vins par Ghislain a été parfait, le service de table irréprochable. Nous avions une magnifique table dans le jardin du restaurant Laurent qui est certainement la plus belle terrasse parisienne.

Alain Pégouret a fait une cuisine de très haut niveau que les guides devraient couronner plus qu’ils ne le font. Le plat le plus extraordinaire est la bouillabaisse d’une sensibilité extrême. Le rouget était le compagnon idéal pour le Palmer 1961. Les autres plats ont été simplifiés comme il convient pour les dîners de vins anciens sauf pour les accompagnements de la mangue qui n’apporteraient rien. Mais c’est à la marge tant tout fut bon, élégant, goûteux et convaincant.

Les vins ont fait un « sans faute » et je crois bien que les deux les plus longs sont les deux 1948, les deux plus grands étant ceux couronnés par les votes, tant celui du consensus que le mien.

L’atmosphère créée par un groupe sympathique et joyeux était telle que nous nous sommes quittés bien tard après avoir ponctué notre repas par une Chartreuse liqueur du centenaire, une verte délicieuse, offerte par l’initiateur de ce repas. Voilà un 216ème dîner qui restera un grand souvenir.

il est curieux que le 8 de 1948 ne soit pas visible

Laville Haut-Brion 1948

photo des vins dans ma cave

photo des vins au restaurant

hélas je n’ai pas la photo du rouget

les verres en fin de repas

215th dinner of wine-dinners in restaurant Michel Rostang mercredi, 24 mai 2017

The 215th dinner of wine-dinners is held in the restaurant Michel Rostang. I came here a week ago to bring the dinner wines in order that they rest in the cellar of the restaurant and I met Nicolas Beaumann, the chef of the restaurant, to develop the menu.

At 4:45 pm I arrive in the restaurant to open the wines. Baptiste, sommelier who will soon replace Alain, the faithful and competent sommelier who is going to retire, will attend the opening of wines and do wine service tonight.

Classically there are problems with old corks that resolve in calm and serenity, but I had a great scare. By removing the capsule of Petrus 1967, I notice that the cork had dropped three centimeters, so that the bottom of the stopper reaches the shoulder, under the base of the neck. It is highly probable that by wanting to put the tip of the corkscrew into the cork, I will cause the stopper to fall into the wine, which will force me to decant the bottle, clean it to transfer the wine into the bottle when the cork would have been released.

It is a lesson of zenitude. I spin the tip of my long corkscrew slowly without wanting to break through and after a minute I feel a possible grip. I did not point down but towards the side and I can then push the tip into the cork without this one slipping down. The cork is reassembled whole, avoiding me of the transfers which would have racked the wine.

The most beautiful odors at the opening are those of the Pavie-Decesse 1945 which is the absolute definition of the perfume of a Saint-Emilion, Clos Sainte-Hune 1968 and La Tâche 1958 so Burgundy. All other fragrances are encouraging. I do not detect any problems or faults. So I can go for a walk in a Paris which is smiling as soon as there are beautiful rays of sun.

After the short walk I return to the restaurant to drink a craft beer made in Paris, called « la Parisienne liberée« , made of barley malt Vienna and hops Aramis and which heading 5 °. I ask the director if there is something to eat, and Chef Nicolas who hears my request makes me carry a slice of pie that is to damn and is so good and greedy.

The participants of the dinner, all punctual, are ten of which nine men and a woman who announces that she does not drink but in fact will taste all the wines. Only two or three of them had ever attended one of my dinners at the Guy Savoy restaurant.

We have for ourselves the small room which is close to the kitchen that we see through the wall of glass. We take the aperitif standing, with a Champagne Dom Pérignon 1998 which is solid, serious, classic and mat. It is more and more pleasant with the time that round it.

The menu created by Nicolas Beaumann is: Canapés and amuse-bouche / crab cake and caviar osciètre, consommé / Roasted Saint-pierre and small stewed chanterelles, juice of the edges in the wine of merlot / Heart of veal, veal juice, morels Stuffed and smoked potatoes / Cane «Mieral» with blood, red wine sauce bound with blood and foie gras / Stilton / Pineapple Victoria roasted and light mango foam, shortbread of Bretagne.

The Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983 in a flashy blue opaque bottle marks a major qualitative leap over the previous champagne. The Dom Pérignon was young, this champagne more amber is mature. It is of extreme length and unimaginable complexity. It is gourmand and of a persistence aromatic particularly asserted. This expressive champagne conquers my guests who are astonished that a champagne of 34 years can have as many qualities. I did not retain the title of the amuse-bouche but it played its part, highlighting the delicious champagne.

The Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach 1968 is a rarity. I thought I never drank it but actually I drank it once four years ago in Austria and the previous one was relatively tired. The latter had a very expressive perfume at the opening. He always has it and what is crazy is that this riesling gives me evocations of red fruits. It’s really crazy. We are no longer in the definition of riesling but the lively and sharp wine is very pleasant to drink, with a very strong personality difficult to define.

On the caviar cake I found that the caviar is not expressive enough, we have at the same time the Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956. This wine is superb. The table will be split in two between those who prefer the Sainte-Hune and those who prefer the Corton-Charlemagne. The initiator of the dinner is in the Alsatian camp and I am in the Burgundy camp. It seems to me that the combination is more on the rich burgundy whose route in the mouth spreads complexities by successive strata. It is very long, a little peppery and the agreement is mainly with the delicious consommé in gelée. That a Corton Charlemagne 1956 is of this lively presence is very surprising. The two racy and different white are both of great pleasure.

The Saint-pierre with small chanterelles is a dish of high quality which creates a chord of first size with the two bordeaux. The Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945 has a color that surprises everyone, from blood of pigeon. The nose is incredibly deep, rich, and we feel the influence of the exceptional vintage. The wine is perfect, complete, rich in the mouth and the faces of all the guests express their astonishment. How can a 72 year old wine not have an age and a fullness so asserted?

The Pétrus 1967 is an aesthetic refinement. It carries within it the romanticism of his year. It is a great Petrus, in suggestion but also in depth. It is long and precise but my heart capsizes more for the Saint-Emilion than for the Pomerol. The agreement with the fish is relevant for both wines.

The veal at low temperature is ideal for both burgundies. The red Musigny Domaine Comte Georges de Vogüé 1979 is a delicate wine. It is young, of a fruit suggested and noble like all the Musigny of this great house. But our loves will concentrate on the wine that is associated with the same dish.

The La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 had a superb level in the bottle, two centimeters under the cork which is superb, tinted with black on only three millimeters which is insignificant. The nose of this wine is intoxicating and so Burgundy. In the mouth it is the ecstasy because this wine magnifies the aspects so characteristic of the wines of the Domaine, the rose and the salt. The wine is in a state of grace such that it will appear in the votes of all the participants, and seven times in the first place. The agreement with the calf is refined because the dish has the intelligence to behave as a home-made to let the wine shine.

The room manager will prepare for us and serve the duck to the blood (canard au sang), institution of the house. We all get up to see how he presses the carcass to make the sauce and how he slashes the aiguillettes with rare dexterity. The dish is heavy as lead but tasty and the Châteauneuf du Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 1988 is doing very well because it is not crushed by the dish, even if the dish is the dominant male. It is a very beautiful Châteauneuf made by an exceptional winegrower whose memory I revere. But the wine is young in spite of its almost thirty years and retains less our attention.

The Château Caillou Barsac 1934 is of a pretty light color. I love this spontaneous, frank, chewy and cheerful wine. It accompanies the stilton gracefully. Strangely enough I will be the only one to put it among my four favorites.

The Château d’Yquem Sauternes 1916 comes from a bottle that was reconditioned in 1989 in the castle. At the opening, when I smelt the wine, I figured there should not be 100% of 1916 in this bottle. At the time of the tasting on the pineapple dessert, I find that this Yquem has every chance of being of 1916, but with probably a small addition of a young Yquem to make the level. It is nice, little botrytised, which is consistent with a 1916 who would have eaten some of its sugar. It is a pleasant sauternes but it does not have the magic of Yquem as had Yquem 1919 that three guests had tasted during a previous meal.

It is time to vote. We are eleven to vote for the four wines that we preferred among the eleven wines served. As is often the case, the youngest wines have no votes. Nine wines received votes and the Dom Pérignon and the Châteauneuf-du-Pape did not because of their youth. There are only three wines that have been named first, as La Tâche captured the win, with seven first-place votes. La Tâche is included in the eleven votes. The Pavie Decesse and the Petrus each had two first votes.

The vote of the consensus would be: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Chateau Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Pétrus 1967, 5 – Château d’Yquem Sauternes 1916, 6 – Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983.

My vote is: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Chateau Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Chateau Caillou Barsac 1934.

I had in my musette a Bas Armagnac Domaine Boingnères 1970 bottled in 1989, very expressive and deep alcohol which allowed us to continue to converse together. The food was of a very high standard. The most brilliant dishes to highlight the wines are the saint-pierre for Bordeaux and the calf for the burgundies. I found the caviar too discreet on the cake while the consommé is magic for the whites. And the dessert with the pineapple lacked a little pineapple and especially of chew, because it is a dessert that is nibbled more than is eaten. The service of wine by Baptiste was impeccable. Perfect table service and successful dishes. The atmosphere of the restaurant is friendly and attentive. Everything contributed to make this 215th dinner a warm dinner of great wines.

(the pictures can be seen on the article in French)

215ème dîner de wine-dinners au restaurant Michel Rostang mardi, 23 mai 2017

Le 215ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Michel Rostang. J’étais venu il y a une semaine porter les vins du dîner qui ont reposé dans la cave du resturant et j’ai rencontré Nicolas Beaumann, le chef du restaurant, pour mettre au point le menu.

A 16h45 je me présente au restaurant pour l’ouverture des vins. Baptiste, sommelier qui va prochainement remplacer Alain, le fidèle et compétent sommelier qui va partir à la retraite, va assister à l’ouverture des vins et faire le service des vins ce soir.

Classiquement il y a des problèmes avec les bouchons anciens qui se résolvent dans le calme et la sérénité, mais j’ai eu une belle frayeur. En enlevant la capsule du Pétrus 1967, je constate que le bouchon avait baissé de trois bons centimètres, ce qui fait que le bas du bouchon se situe dans l’épaule, sous la base du goulot. Il est hautement probable qu’en voulant piquer la pointe du tirebouchon dans le liège, je vais faire tomber le bouchon dans le vin ce qui m’imposera de décanter la bouteille, la nettoyer pour transvaser le vin dans la bouteille lorsque le bouchon en aurait été sorti.

C’est une leçon de zénitude. Je fais tourner la pointe de mon long tirebouchon lentement sans vouloir percer et au bout d’une minute je sens une accroche possible. Je n’ai pas pointé vers le bas mais vers le côté et je peux alors enfoncer la pointe dans le bouchon sans celui-ci ne glisse vers le bas. Le bouchon est remonté entier, m’évitant des transvasements qui auraient chahuté le vin.

Les plus belles odeurs à l’ouverture sont celles du Pavie-Decesse 1945 qui est la définition absolue du parfum d’un saint-émilion, du Clos Sainte-Hune 1968 et de La Tâche 1958 si bourguignonne. Tous les autres fragrances sont encourageantes. Je ne détecte aucun problème ni aucun défaut. Je peux donc aller me promener dans un Paris souriant dès qu’il y a de beaux rayons de soleil.

Après la petite promenade je reviens au restaurant pour boire une bière artisanale faite à Paris, qui s’appelle « la Parisienne libérée », faite de malt d’orge Vienna et de houblon Aramis et qui titre 5°. Je demande au directeur de salle s’il y a quelque chose à grignoter, et le chef Nicolas qui entend ma demande me fait porter une tranche de pâté en croûte qui est à se damner tant elle est bonne et gourmande.

Les participants du dîner, tous ponctuels, sont dix dont neuf hommes et une femme qui annonce qu’elle ne boit pas mais en fait goûtera tous les vins. Seuls deux ou trois d’entre eux avaient déjà participé à l’un de mes dîners, au restaurant Guy Savoy.

Nous avons pour nous seuls la petite salle qui est proche de la cuisine que l’on voit à travers les vitres. Nous prenons l’apéritif debout, avec un Champagne Dom Pérignon 1998 qui est solide, sérieux, classique et passe-partout. Il est de plus en plus agréable avec le temps qui l’arrondit.

Le menu créé par Nicolas Beaumann est : Canapés et amuse-bouche / Tourteau décortiqué et caviar osciètre, consommé / Saint-pierre rôti et petites girolles étuvées, jus des arêtes au vin de merlot / Cœur de carré de veau, jus de veau, morilles farcies et pommes de terre fumées / Canette « Mieral » au sang, sauce vin rouge liée de son sang et au foie gras / Stilton / Ananas Victoria rôti et mousse légère de mangue, sablé breton.

Le Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983 dans une bouteille opaque au bleu flashy marque un saut qualitatif majeur par rapport au champagne précédent. Le Dom Pérignon était jeune, ce champagne plus ambré est à maturité. Il est d’une longueur extrême et d’une complexité inimaginable. Il est gourmand et d’une persistance aromatique particulièrement affirmée. Ce champagne expressif conquiert mes convives qui sont étonnés qu’un champagne de 34 ans puisse avoir autant de qualités. Je n’ai pas retenu l’intitulé de l’amuse-bouche mais il a joué son rôle, mettant en valeur le délicieux champagne.

Le Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach 1968 est une rareté. Je pense ne l’avoir jamais bu mais en fait je l’ai bu une fois il y a quatre ans en Autriche et le précédent était relativement fatigué. Celui-ci avait à l’ouverture un parfum très expressif. Il l’a toujours et ce qui est assez fou c’est que ce riesling me donne des évocations de  fruits rouges. C’est vraiment fou. On n’est plus dans la définition du riesling mais le vin vif et tranchant est très agréable à boire, avec une très forte personnalité difficile à définir.

Sur le tourteau au caviar dont j’ai trouvé que le caviar n’est pas assez mis en valeur, nous avons en même temps le Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956. Ce vin est superbe. La table va se diviser en deux entre ceux qui préféreront le Sainte-Hune et ceux qui préféreront le Corton-Charlemagne. L’ordonnateur du repas est dans le camp alsacien et je suis dans le camp bourguignon. Il me semble que l’accord se trouve plus sur le bourgogne très riche dont le parcours en bouche étale des complexités par strates successives. Il est très long, un peu poivré et l’accord se trouve surtout avec le délicieux consommé pris en gelée. Qu’un Corton Charlemagne 1956 soit de cette vive prestance est très étonnant. Les deux blancs racés et différents sont tous les deux de grand plaisir.

Le saint-pierre aux petites girolles est un plat de haute qualité qui crée un accord de première grandeur avec les deux bordeaux. Le Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945 a une couleur qui surprend tout le monde, de sang de pigeon. Le nez est incroyablement profond, riche, et on sent l’influence du millésime exceptionnel. Le vin est parfait, complet, riche en bouche et les visages de tous les convives expriment leur étonnement. Comment un vin de 72 ans peut-il ne pas avoir d’âge et une plénitude si affirmée ?

Le Pétrus 1967 est un raffinement d’esthète. Il porte en lui le romantisme de son année. C’est un grand Pétrus, en suggestion mais aussi en profondeur. Il est long et précis mais mon cœur chavire plus pour le saint-émilion que pour le pomerol. L’accord avec le poisson est pertinent pour les deux vins.

Le veau à basse température est idéal pour les deux bourgognes. Le Musigny rouge Domaine Comte Georges de Vogüé 1979 est un vin lui aussi délicat. Il est jeune, d’un fruit suggéré et noble comme les Musigny de cette grande maison. Mais nos amours vont se concentrer sur le vin qui est associé au même plat.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 avait un superbe niveau dans la bouteille, à deux centimètres sous le bouchon qui est superbe, teinté de noir sur seulement trois millimètres ce qui est insignifiant. Le nez de ce vin est enivrant et tellement bourguignon. En bouche c’est l’extase car ce vin magnifie les aspects si caractéristiques des vins du domaine, la rose et le sel. Le vin est dans un état de grâce tel qu’il figurera dans les votes de tous les participants, et sept fois à la première place. L’accord avec le veau est raffiné car le plat a l’intelligence de se comporter en faire-valoir.

Le directeur de salle va nous préparer et servir le canard au sang, institution de la maison. Nous nous levons tous pour voir comment il presse la carcasse pour faire la sauce et comment il tranche les aiguillettes avec une dextérité rare. Le plat est lourd comme le plomb mais goûteux et le Châteauneuf du Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 1988 s’en sort très bien car il n’est pas écrasé par le plat, même si le plat est le mâle dominant. C’est un très beau Châteauneuf fait par un vigneron d’exception dont je vénère la mémoire. Mais le vin est jeune malgré ses presque trente ans et retient moins notre attention.

Le Château Caillou Barsac 1934 est d’une jolie couleur claire. J’adore ce vin spontané, franc, de belle mâche et joyeux. Il accompagne le stilton avec grâce. Fort curieusement je serai le seul à le mettre parmi mes quatre préférés.

Le Château d’Yquem Sauternes 1916 provient d’une bouteille qui a été reconditionnés en 1989 au château. A l’ouverture, lorsque j’ai senti le vin, je me suis dit qu’il ne doit pas y avoir 100% de 1916 dans cette bouteille. Au moment de la dégustation sur le dessert à l’ananas, je constate que cet Yquem a toutes les chances d’être de 1916, mais avec probablement une petite ajoute d’un Yquem jeune pour faire le niveau. Il est agréable, peu botrytisé, ce qui est cohérent avec un 1916 qui aurait mangé une partie de son sucre. C’est un agréable sauternes mais il n’a pas la magie d’Yquem comme l’avait l’Yquem 1919 que trois convives avaient goûté lors d’un précédent repas.

Il est temps de voter. Nous sommes onze à voter pour les quatre vins que nous avons préférés parmi les onze vins servis. Comme cela se produit souvent, ce sont les vins les plus jeunes qui n’ont pas de votes. Neuf vins ont reçu des votes et le Dom Pérignon et le Châteauneuf-du-Pape n’en ont pas eu du fait de leur jeunesse. Il y a seulement trois vins qui ont été nommés premiers, car La Tâche a raflé la mise, avec sept votes de premier. La Tâche figure dans les onze votes. Le Pavie Decesse et le Pétrus ont eu chacun deux votes de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Pétrus 1967, 5 – Château d’Yquem Sauternes 1916, 6 – Champagne Taittinger Collection Viera da Silva 1983.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Château Pavie-Decesse Saint-Emilion 1945, 3 – Corton Charlemagne Domaine Bouchard Père et Fils 1956, 4 – Château Caillou Barsac 1934.

J’avais dans ma musette un Bas Armagnac Domaine Boingnères 1970 mis en bouteilles en 1989, alcool très expressif et profond qui a permis que nous continuions de deviser ensemble. La cuisine a été de très haut niveau. Les plats les plus brillants pour mettre en valeur les vins sont le saint-pierre pour les bordeaux et le veau pour les bourgognes. J’ai trouvé le caviar trop discret sur le tourteau alors que le consommé est magique pour les blancs. Et le dessert à l’ananas manquait un peu d’ananas et surtout de mâche,       car c’est un dessert que l’on grignote plus qu’on ne le déguste. Le service du vin de Baptiste a été impeccable. Le service de table parfait et les plats réussis. L’ambiance du restaurant est amicale et attentive. Tout a concouru pour faire de ce 215ème dîner un chaleureux dîner de grands vins.

la minute bière après l’ouverture des vins

le délicieux pâté en croute :

tous les vins en cave

tous les vins au restaurant

en haut bouchon du Chateauneuf, en bas à gauche le Caillou et à droite l’Yquem

de gauche à droite et de haut en bas dans chaque assiette : Corton Charlemagne, Clos Sainte-Hune, Pavie-Decesse, Pétrus, de Vogüé, La Tâche, Bonneau, Caillou, Yquem

les verres en fin de repas

les votes

pour poursuivre les discussions

214th wine-dinner in restaurant Pages vendredi, 12 mai 2017

The 214th wine-dinner is held in the Pages restaurant. Chief Teshi warned me a few days before dinner that he should fly to Japan on the day of dinner at 8:30 pm so the guests will not see him. I went a few days ago to the restaurant to develop the menu, working with Teshi and his assistant Marc trained in the Astrance restaurant.

During the opening session of the wines I often discussed with Marc the recipes of the dishes and he came to let me taste sauces to obtain my agreement. From 17h to 18h15 I open the wines on a corner of the kitchen table while everyone is busy preparing abalone, sea knives, squid, fish and poultry. The ballet is set to perfection and with serenity. The wines all have promising odors. The most discreet are those of Montrachet, of La Tâche and Petrus. The most astonishing of power is that of Lafite 1944 and the noblest is that of Yquem 1945.

My friend Tomo joins me very early and we are going to drink a beer at the nearby Teshi bistro, and we eat Edamame, the beans whose taste I love, that goes well with Japanese beer.

We then return to the restaurant to wait for the first guests and I want them to be welcomed by a young champagne rather than by the first champagne on the menu. I choose on the wine list a Champagne V.O. Selosse disgorged in January 2015. The attack of this champagne is very engaging and I am excited by its generosity and complexity. But very curiously the champagne is very short. It is a sudden pleasure, then nothing. Despite that I like very much this frank champagne that titillates me well.

We will be ten around the table including five Spanish men who came especially for this dinner after seeing a video where I present the philosophy of my dinners. The four other guests are regulars, three Parisians including Tomo and a man from Bordeaux. I present as usual the « instructions of flight », « fasten your seatbelts », etc. And we go to the table.

The menu developed with chef Teshi and realized by Marc is as follows: seasonal appetizer / seafood platter, knives and veal tartare / abalone risotto / mullet with crab sauce / roasted blood duck of the Burgaud family / three beefs (Simmenthal, Angus and wagyu Ozaki) / poached foie gras and its consommé / mango from Brazil.

As for the recent dinner at the Guy Savoy restaurant, I wanted to innovate by breaking habits. This will be reported by commenting on the wines.

From the first sip, we all fall under the spell of the Champagne Deutz 1953. It has indeed an attack of a crazy charm. I confess that I never would have imagined that it had this level of grace and charm. It has discrete fruits yellow and golden, it is fluid and refined. The appetizers are delicious but have very pronounced tastes. It is a mistake to have put such flavors with an old champagne like this Deutz. For those appetizers a champagne of 1990 or 1996 would have been appropriate. With this 1953 it would have needed sweet flavors like foie gras for example.

The 1949 Veuve Clicquot Champagne is decidedly different from the previous one. It has more bitterness and a longer length. Rich fruits appear at the end of taste, with fleeting traces of delicate red fruits. It is a champagne very noble, a bit confusing even enigmatic and it is a great champagne. The combination with the dish earth and sea is very relevant.

The Chablis Grand Cru Moutonne Long Dépaquit Bichot magnum 2002 had a nose of a rare magnitude at the opening. This perfume is always as ample and the wine is wonderful. I love this year 2002 for this domaine. The abalone is a bit hard because it has not been hit but the divine sauce and the risotto create a combination of first size. This chablis that I appreciate is the only wine that will not have votes but it is the fate that undergo the young wines in a dinner of old wines. It is unrelated to its extreme quality of wine enthralling and joyful.

It is one of my coquetries to always associate Petrus and red mullets. Several times Marc made me taste the crab sauce and the result is spectacular. The Château Lafite-Rothschild 1944 has a very strong nose of truffle, announcing a wine of a power that I did not expect. The grain of this wine is heavy and racy. It is a beautiful Lafite of great depth.

Alongside him on the dish, Petrus 1962 presents itself as a very great Petrus. It is subtle, refined, with a finer grain than the Lafite, and Miguel, one of the guests who says that he never had any real emotions with Petrus admits that in this 1962 he finds a Petrus which moves him. Pétrus is a wine that cannot be easily discovered. This one conquers us by its nobility and its persistence aromatic racy. It is a great wine and the red mullet, once again, marries divinely with it.

In the initial program, the Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997 logically followed the chablis, but in discussing with Teshi and Marc, the idea of a duck was mentioned and I immediately said: let’s try with the montrachet, which, it will be agreed, is daring. I had in fact the memory of a mallard duck prepared by Guy Savoy that I had associated with a Montrachet of the same domain of 1976. The tenderness of the flesh of the duck is such that the combination goes well. The Montrachet has no trace of botrytis. It is very dry, fluid and not thundering. It is a wine of strong structure, long as a speech of Fidel Castro, which is powerful but measured which makes even more appreciate its nobility. It is a great wine entirely in keeping with its reputation.

On the three divinely cooked beefs we have two burgundies. The Beaune-Marconnets Remoissenet P and F 1947 has all the delicacy and charm of the light wines of the Côte de Beaune. It is charming.

Alongside him the Musigny Duvergey Taboureau 1949 is a powerful wine, rich and very bourguignon, with bitterness that delight me. I confess that the two seduce me. The votes will go in favor of the richest wine, the Musigny, but both have such a Burgundian charm that I taste them gently to listen to all the subtle notes.

Another audacity in this dinner is to place La Tache Domaine de la Romanée Conti 1986 after the red meats and to associate it with a poached foie gras placed at this time as in meals of the 19th century. This wine had a discreet fragrance at the opening and its cork showed temperature differences where it was stored and where it traveled as this bottle returned from America. The wine is good but does not give the emotion it should. Of course we recognize the markers of the wines of the estate including the salt, but there is a lack of persuasion in this wine. Thus the agreement that had remarkably existed between poached foie gras and Y d’Yquem in a dinner made by Guy Savoy is less relevant with La Tâche. The lobes of foie gras are delicious and small discreet beans bring a note of freshness.

In the kitchen Marc had shown me beautiful pieces of mango and it appeared to me that it should not be diced, to let each guest manage the chew of the fruit to arrive at the best possible agreement with the sublime Chateau d’Yquem 1945. This wine is fascinating. Its color is quite clear when it is 72 years old. The perfume is diabolical, carrying all the spices of Arabia. In the mouth it is gold molten, honey by brewed. This glorious wine is perfect and what makes it so is its correctness of tone. There is not a gram of heaviness, the sweetness is metered wonderfully. The charm acts. The wine is fluid and beautifully complex, eternal. This wine will reap the votes as in a banana republic as it is acclaimed by all.

When we arrive at the time of the votes I have served the wine that I had planned in case, but also so that it put an end point pleasant to this meal. The Champagne Mumm Cordon Rose rosé 1982 presents itself in a deliciously kitsch bottle imagine served at the wedding of a Barbie doll. And this champagne is a very big surprise. Never would I have expected it at this qualitative level, because it is a large warm rosé, richly fruity, gastronomic, which accompanies very well mignardises.

We are ten to vote for ten wines because the Selosse and Mumm champagnes are not on our vote papers. As said before the chablis is the only one to have had no votes. Only two wines were named first, the Yquem 1945 eight times which is very rare and Petrus 1962 twice first.

The vote of the consensus would be: 1 – Château d’Yquem 1945, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997, 3 – Pétrus 1962, 4 – Musigny Duvergey Taboureau 1949, 5 – Champagne Deutz 1953, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986.

My vote is: 1 – Château d’Yquem 1945, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997, 3 – Pétrus 1962, 4 – Musigny Duvergey Taboureau 1949.

It is quite rare that my vote is strictly equal and in the same order, to the consensus vote. This happened only seven times at dinners which are in my files.

The food was superb as always in the restaurant Pages and I appreciated the involvement of Marc and the complicity which inspired the creation of the menu and the recipes. The veal tartar associated with a clam, the risotto of abalone, the red mullet with the juice of étrille and the three beefs are dishes of great precision for the wines. The mango was perfect for Yquem. The beautiful culinary surprises were there. Thibaud made a service of wine without fault and very attentive. Laure presented the dishes with charm and in impeccable English.

It is certain that I shall see the five Spanish crazy amateurs again. The atmosphere was cheerful. It was a very big meal whose star is that Yquem of which Salvador Dali would have said with his inimitable accent that it is « transcendental ».

(see pictures in the article in French below)

214ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages mercredi, 10 mai 2017

Le 214ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Le chef Teshi m’a prévenu peu de jours avant le dîner qu’il devrait prendre l’avion pour le Japon le jour même du dîner à 20h30 aussi les convives ne le verront pas. Venu quelques jours auparavant au restaurant pour mettre au point le menu, c’est avec Teshi et son adjoint Marc formé à l’Astrance que nous avons travaillé.

Pendant la séance d’ouverture des vins j’ai souvent discuté avec Marc des recettes des plats et il est venu me faire goûter des sauces pour recueillir mon accord. De 17h à 18h15 j’ouvre les vins sur un coin de table de la cuisine pendant que tout le monde s’affaire pour préparer les ormeaux, les couteaux, les encornets, les poissons et les volailles. Le ballet est réglé à la perfection et avec sérénité. Les vins ont tous des odeurs prometteuses. Les plus discrètes sont celles du Montrachet de La Tâche et du Pétrus. La plus étonnante de puissance est celle du Lafite 1944 et la plus noble est celle de l’Yquem 1945.

Mon ami Tomo me rejoint très tôt et nous allons boire une bière au 116 le bistrot voisin qui appartient à Teshi, et nous grignotons des Edamame, ces fèves dont j’adore le goût qui se marie bien à la bière japonaise.

Nous revenons ensuite au restaurant pour attendre les premiers convives et j’ai envie qu’ils soient accueillis par un champagne jeune plutôt que par le premier champagne prévu au menu. Je choisis sur la carte un Champagne V.O. Selosse dégorgé en janvier 2015. L’attaque de ce champagne est très engageante et je suis emballé par sa générosité et sa complexité. Mais fort curieusement le champagne est très court. C’est un plaisir subit, puis plus rien. Malgré cela j’aime beaucoup ce champagne franc qui me titille bien.

Nous serons dix autour de la table dont cinq espagnols venus spécialement pour ce dîner après avoir vu une vidéo où je présente la philosophie de mes dîners. Les quatre autres convives sont des habitués, trois parisiens dont Tomo et un bordelais. Je présente comme à l’accoutumée les consignes de vol, attachez vos ceintures, etc. et nous passons à table.

Le menu mis au point avec le chef Teshi et réalisé par Marc est le suivant : amuse-bouche de saison / assiette terre mer, couteaux et tartare de veau / risotto d’ormeaux / rouget sauce étrille / canard au sang rôti de la famille Burgaud / assiette de bœufs maturés (Simmenthal, Angus et wagyu Ozaki) / foie gras poché et son consommé / mangue du Brésil.

Comme pour le récent dîner au restaurant Guy Savoy, j’ai voulu innover en cassant des habitudes. Ce sera signalé en commentant les vins.

Dès la première gorgée, nous tombons tous sous le charme du Champagne Deutz 1953. Il a en effet une attaque d’un charme fou. J’avoue que jamais je n’aurais imaginé qu’il ait ce niveau de grâce et de charme. Il a des fruits discrets jaunes et dorés, il est fluide et raffiné. Les amuse-bouche sont délicieux mais ont des goûts très prononcés. C’est une erreur d’avoir mis des saveurs aussi typées avec un champagne ancien comme ce Deutz. Pour ces amuse-bouche un champagne de 1990 ou 1996 aurait été approprié. Avec ce 1953 il aurait fallu des saveurs douces comme du foie gras.

Le Champagne Veuve Clicquot 1949 est résolument différent du précédent. Il a plus d’amertume et une plus grande longueur. Les fruits riches apparaissent en fin de goût, avec fugacement des traces de fruits rouges délicats. C’est un champagne très noble, un peu déroutant voire énigmatique et c’est un grand champagne. L’accord avec le plat terre-mer est très pertinent.

Le Chablis Grand Cru Moutonne Long Dépaquit Bichot magnum 2002 avait un nez d’une rare ampleur à l’ouverture. Ce parfum est toujours aussi ample et le vin est merveilleux. J’adore cette année 2002 pour ce chablis. L’ormeau est un peu dur car il n’a pas été frappé mais la divine sauce et le risotto créent un accord de première grandeur. Ce chablis que j’apprécie est le seul vin qui n’aura pas de votes mais c’est le sort que subissent les vins jeunes dans un dîner de vins anciens. C’est sans rapport avec son extrême qualité de vin entraînant et joyeux.

C’est une de mes coquetteries de toujours associer Pétrus et rougets. Plusieurs fois Marc m’a fait goûter la sauce aux étrilles et le résultat est spectaculaire. Le Château Lafite-Rothschild 1944 a un nez très fort de truffe, annonçant un vin d’une puissance que je n’attendais pas. Le grain de ce vin est lourd et racé. C’est un très beau Lafite de grande profondeur.

A côte de lui sur le plat, le Pétrus 1962 se présente comme un très grand Pétrus. Il est d’un charme subtil, il est raffiné, au grain plus fin que le Lafite et Miguel l’un des convives qui dit n’avoir jamais eu de réelles émotions avec Pétrus dit qu’enfin il a trouvé avec ce 1962 un Pétrus qui l’émeut. Pétrus est un vin qui ne se laisse pas découvrir facilement. Celui-ci nous conquiert par sa noblesse et sa persistance aromatique racée. C’est un grand vin et le rouget, une fois de plus, se marie divinement avec lui.

Dans le programme initial, le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997 devait logiquement suivre le chablis, mais en discutant avec Teshi et Marc, l’idée d’un canard a été évoquée et j’ai immédiatement dit : essayons avec le montrachet, ce qui, on en conviendra, est osé. J’avais en effet le souvenir d’un canard colvert préparé par Guy Savoy que j’avais associé à un Montrachet du même domaine de 1976. La tendreté de la chair du canard est telle que l’accord se trouve bien. Le Montrachet n’a pas de trace de botrytis. Il est bien sec, fluide et n’est pas tonitruant. C’est un vin de forte structure, long comme un discours de Fidel Castro, qui est puissant mais mesuré ce qui fait encore plus apprécier sa noblesse. C’est un grand vin tout-à-fait conforme à sa réputation.

Sur les trois morceaux de bœufs divinement cuits nous avons deux bourgognes. Le Beaune-Marconnets  Remoissenet P et F 1947 a toute la délicatesse et le charme des vins légers de la Côte de Beaune. Il est charmant.

A côte de lui le Musigny Duvergey Taboureau 1949 est un vin puissant, riche et très bourguignon, avec des amertumes qui me ravissent. J’avoue que les deux me séduisent. Les votes iront en faveur du vin le plus riche, le Musigny, mais les deux ont un tel charme bourguignon que je les déguste doucement pour en écouter toutes les notes subtiles.

Une autre audace dans ce dîner est de placer La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 après les viandes rouges et de l’associer à un foie gras poché placé à ce moment comme dans les repas du 19ème siècle. Ce vin avait un parfum discret à l’ouverture et son bouchon trahissait des écarts de température là où il a été stocké et là où il a voyagé car cette bouteille revient des Amériques. Le vin est bon mais ne donne pas l’émotion qu’il devrait. On reconnait bien sûr les marqueurs des vins du domaine dont le sel, mais il y a un manque de persuasion en ce vin. De ce fait l’accord qui avait remarquablement existé entre foie gras poché et Y d’Yquem dans un dîner réalisé par Guy Savoy se  montre moins pertinent avec La Tâche. Les lobes de foie gras sont délicieux et des petites fèves discrètes apportent une note de fraîcheur.

En cuisine Marc m’avait montré de belles pièces de mangue et il m’est apparu qu’il ne faudrait pas les découper en dés, pour laisser chaque convive gérer la mâche du fruit pour arriver au plus bel accord possible avec le sublime Château d’Yquem 1945. Ce vin est fascinant. Sa couleur est assez claire alors qu’il a 72 ans. Le parfum est diabolique, porteur de toutes les épices d’Arabie. En bouche c’est de l’or fondu, du miel par brassées. Ce vin glorieux est parfait et ce qui le rend ainsi c’est sa justesse de ton. Il n’y a pas un gramme de lourdeur, la douceur est dosée merveilleusement. Le charme agit. Le vin est fluide et magnifiquement complexe, éternel. Ce vin récoltera des votes de république bananière tant il est plébiscité par tous.

Lorsque nous arrivons au moment des votes je fais servir le vin que j’avais prévu pour le cas où, mais aussi pour qu’il mette un point final agréable à ce repas. Le Champagne Mumm Cordon Rose rosé 1982 se présente dans une bouteille délicieusement kitsch qu’on imagine servie lors du mariage d’une poupée Barbie. Et ce champagne est une très grosse surprise. Jamais je ne l’aurais attendu à ce niveau qualitatif, car c’est un grand rosé chaleureux, richement fruité, gastronomique, qui accompagne très bien les mignardises.

Nous sommes dix à voter pour dix vins car les champagnes Selosse et Mumm ne figurent pas sur nos bulletins. Comme dit précédemment le chablis est le seul à ne pas avoir eu de votes. Deux vins seulement ont été nommés premiers, l’Yquem 1945 huit fois ce qui est très rare et le Pétrus 1962 deux fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1945, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997, 3 – Pétrus 1962, 4 – Musigny Duvergey Taboureau 1949, 5 – Champagne Deutz 1953, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1945, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997, 3 – Pétrus 1962, 4 – Musigny Duvergey Taboureau 1949.

Il est assez rare que mon vote soit strictement égal et dans le même ordre, au vote du consensus. Ce n’est arrivé que sept fois aux dîners 25, 48, 68, 104, 154, 200 et ce soir 214ème.

La cuisine a été superbe comme toujours au restaurant Pages et j’ai apprécié l’implication de Marc et la complicité qui s’est créée pour la mise au point. Le tartare de veau associé à une coque, le risotto d’ormeaux, le rouget au jus d’étrille et les trois bœufs sont des plats de grande précision pour les vins. La mangue était parfaite pour l’Yquem. Les belles surprises culinaires étaient là. Thibaud a fait un service du vin sans faute et très attentif. Laure a présenté les plats avec charme et dans un anglais impeccable.

Il est sûr que je reverrai les cinq amateurs fous espagnols. L’ambiance était enjouée. Ce fut un très grand repas dont la star est cet Yquem dont Salvador Dali aurait dit avec son accent inimitable qu’il est transcendantal.

 

Photo en cave des vins

photo au restaurant avec au fond Marc qui a réalisé le dîner avec l’équipe de Pages

les préparatifs en cuisine

les plats du dîner. Hélas je n’ai pas de photo de la mangue superbe

A new concept “the case of the low levels” and a fantastic lunch samedi, 6 mai 2017

A decade ago, I had the desire to create meetings between amateurs who collect old wines and have in their cellars wines of low levels. I would have called this new formula « the case of the low levels« . I let this idea sleep in a corner of closet and some days ago I receive the mail of Pierre, a friend: « we must save the soldier Salon 1971« . In his mail he explains that the magnum of Salon 1971 has dangerously dropped in volume and that he sees no alternative but to share it with friends. A group of six is formed and this is an opportunity to bring low levels bottles. Having been very satisfied with the recent lunch at Le Gaigne restaurant, it is the one I propose and that my friends accept.

When I arrive at 11 o’clock to open the bottles, Pierre is already there. I open the whites and the reds. Many corks are torn. That of the Richebourg of the domain of Romanée Conti 1956 is black and dusty while the cork of Haut-Brion 1952 is of a cork perfect although it is older. I wish to open the champagne magnums but Pierre would like to wait before opening them. He will later regret having dissuaded me.

During the opening session, Chef Mickaël Gaignon came to discuss the menu: amuse-bouche including an acra au colin and a soup of asparagus / terrine of pork and chorizo / green and white asparagus / fish / pigeon / beef and Morels / cheese / raspberry dessert. I noted with great pleasure that the chef has simplified his recipes to focus on pure tastes. It was successful.

I open the Champagne Krug Private Cuvée magnum 50 years that I brought, which lost between 40 and 50% of its volume. The cork breaks when I want to pull it and I remove the bottom with a corkscrew. As soon as I feel the champagne I know it is a win. The champagne is of a beautiful gold, a joyous perfume and in mouth it is a marvel. The word that comes to me immediately is « sun. » This wine that has a sparkling strong bursts of honey and sun. What grace and especially what depth. We would never tire of drinking it.

Pierre opens the Champagne Salon magnum 1971 which has lost about a third of its volume. Right away we are on another planet with this champagne. It also has a beautiful sparkling and a more discreet fragrance. It is romantic and the white fruits and white flowers so close to Salon abound. It is much shallower and not as long as the Krug but it plays on its romanticism. We go from one to the other without any problem, from sun to romanticism according to our own desires.

Pierre opens the Champagne Barry Extra Sec 1/2 bottle 1928 which has a perfect level and is dressed in labels that are incredibly fresh. And there, I have a taste shock that is directly related to the vintage. This champagne gives me a punch to the heart. He does not have the power of the Krug or the charm of the Salon, but he has that spark of grace that leaves me speechless. It is fleeting but emotion electrifies me. Hierarchizing the three would be impossible. The biggest instant shock is with the 1928 and the deepest is the Krug, while the Salon is a ray of spring.

On the asparagus the agreement is not going to be obvious because the chef mixed the green and the white which are like dog and cat. The Château Laville Haut-Brion 1952 has level very close to the bottom of the shoulder and the color is rather pretty, more beautiful than the picture that announced this wine in the exchanges of mails. Alas, the wine is flat and cannot catch our desires.

The Chablis Vercherre 1934 that I brought is of a very dirty bottle whose level is very acceptable for a 1934, of the order of 6 cms perhaps. The wine is superb and generous. To say that it is a Chablis is probably difficult but the wine solid and frank is very great pleasure. It is tasty and long, broad on the palate. Decidedly 1934 does wonders.

Usually I never put the burgundy before the Bordeaux. But the pigeons to be served before the beef are going to make an exception.

The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 that I brought is low level like those I already drank, including that of my birthday that had so moved me. This one is even better. He breathes in the lungs the soul of the Romanée Conti who carries me with his signature of roses and salt. This wine is archetypal of the domain like the previous one, having less suffered what exacerbates less the markers of salt and roses, more integrated here. What a nobility this wine has. Richebourg and pigeon feed on each other.

The Corton Marey & Liger-Belair 1914 comes from a very beautiful bottle with the thick glass so characteristic of this era. I could not see the level because the bottle is very opaque. The color of the wine is dark and if it is drinkable, I am embarrassed by a tiny point of cork. The wine is drunk but the emotion is not as palpable as it should.

The Château Haut-Brion red 1952 is beautiful. While it appears after the burgundies, its natural class justifies it fully at this time of the meal. It is rich, ample and deep with notes of truffles and charcoal and a heavy grain giving it a beautiful presence. With the beef the agreement is superb. The level was a bit low, but totally acceptable for a 1952.

We now return to champagnes with bottles at normal levels for their ages. The 1964 Champagne Piper-Heidsieck has all the charm of the year 1964, one of the most solid in history. And it’s a strong companion.

The Champagne Deutz Brut rosé 1981 is ideal for the dessert with the raspberry, inscribing in the line of the chords color on color.

The Champagne Besserat de Bellefon 1966 that I brought believing that it is a rosé is actually a white. It is also one of the two mythical years of the decade 60, and displays a good ease, but it is I who have much less ease because this meal is once again a debauchery of generosity leading to abuse.

The chef has managed to simplify his cooking to give primacy to the main product, which is necessary for old wines. The service was impeccable and we were placed in a small private room which allowed us to enjoy exceptional wines in the best conditions.

We did not vote, but the strongest emotions for me were the Champagne of 1928, the Richebourg 1956, the Krug years 50, the Salon 1971, the Haut-Brion 1952, the Chablis 1934. It is time that I launch as soon as possible « the Case of the Low Levels« . With the friendly friends of this lunch, we have a solid hard core. To repeat quickly!

(see pictures in the article in French, just below this one)

Un repas qui est un « cas des bas niveaux » avec de sublimes champagnes vendredi, 5 mai 2017

Il y a une dizaine d’années, j’avais eu l’envie de créer des rencontres entre amateurs qui ont dans leurs caves des vins de bas niveaux. Pour faire un jeu de mots j’aurais appelé cette nouvelle formule de rencontre « le cas des bas niveaux » dont la contrepèterie est ce que justement je voudrais éviter à ces vins : « le bas des caniveaux ». J’avais mis cette idée dans un coin de placard et voici que je reçois le mail de Pierre, un ami : « il faut sauver le soldat Salon 1971 ». Dans son mail il explique que le magnum de Salon 1971 a dangereusement baissé de volume et qu’il ne voit pas d’autre solution que de le partager avec des amis. Un groupe de six se forme et c’est l’occasion d’apporter des bas niveaux. Ayant été très satisfait du récent déjeuner au restaurant Le Gaigne, c’est celui que je propose et que mes amis acceptent.

Lorsque j’arrive à 11 heures pour ouvrir les bouteilles, Pierre est déjà là. J’ouvre les blancs et les rouges. Beaucoup de bouchons se déchirent. Celui du Richebourg du domaine de la Romanée Conti 1956 est noir et poussiéreux alors que le bouchon du Haut-Brion 1952 est d’un liège parfait bien qu’il soit plus vieux. Je souhaite ouvrir les magnums de champagne mais Pierre aimerait que l’on attende avant de les ouvrir. Il regrettera plus tard de m’avoir dissuadé.

Pendant la séance d’ouverture le chef Mickaël Gaignon est venu discuter du menu qui sera : amuse-bouche dont un acra au colin et une soupe d’asperges / terrine de porc et chorizo / asperges vertes et blanches / poisson / pigeon / bœuf et morilles / fromages / dessert à la framboise. J’ai noté avec beaucoup de plaisir que le chef a simplifié ses recettes pour s’attacher aux goûts purs. Ce fut réussi.

J’ouvre le Champagne Krug Private Cuvée magnum années 50 que j’ai apporté, qui a perdu entre 40 et 50% de son volume. Le bouchon se brise quand je veux le tirer et j’enlève le bas avec un tirebouchon. Dès que je sens le champagne je sais que c’est gagné. Le champagne est d’un bel or, d’un parfum joyeux et en bouche c’est une merveille. Le mot qui me vient immédiatement est « soleil ». Ce vin qui a un fort pétillant explose de miel et de soleil. Quelle grâce et surtout quelle profondeur. On ne se lasserait pas d’en boire.

Pierre ouvre le Champagne Salon magnum 1971 qui a perdu environ un tiers de son volume. D’emblée on est sur autre planète avec ce champagne. Il a lui aussi un beau pétillant et un parfum plus discret. Il est romantique et les fruits blancs et fleurs blanches si complices de Salon abondent. Il est nettement moins profond et long que le Krug mais il joue sur son romantisme. On passe de l’un à l’autre sans aucun problème, de soleil à romantisme au gré de ses envies.

Pierre ouvre le Champagne du Barry Extra Sec 1/2 bouteille 1928 qui a un niveau parfait et est habillé d’étiquettes qui sont d’une fraîcheur incroyable. Et là, j’ai un choc gustatif qui est directement lié au millésime. Ce champagne me donne un coup de poing au cœur. Il n’a pas la puissance du Krug ni le charme du Salon, mais il a cette étincelle de grâce qui me laisse sans voix. C’est fugace mais l’émotion m’électrise. Hiérarchiser les trois serait impossible. Le plus grand choc instantané est avec le 1928 et le plus profond est le Krug, tandis que le Salon est un rayon de printemps.

Sur les asperges l’accord ne va pas être évident car on a mélangé les vertes et les blanches qui sont comme chien et chat. Le Château Laville Haut-Brion 1952 a niveau très proche du bas de l’épaule et la couleur est assez jolie, plus belle que sur la photo qui annonçait ce vin dans les échanges de mails. Hélas, le vin est plat et ne peut pas capter nos envies.

Le Chablis Vercherre 1934 que j’ai apporté est d’une bouteille très sale dont le niveau est très acceptable pour un 1934, de l’ordre de 6 cms peut-être. Le vin est superbe et généreux. Dire que c’est un chablis est sans doute difficile mais le vin solide et franc est de très grand plaisir. Il est goûteux et long, large en bouche. Décidément 1934 fait des merveilles.

D’habitude je ne mets jamais les bourgognes avant les bordeaux. Mais les pigeons devant être servis avant le bœuf nous allons faire une exception.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 que j’ai apporté est de niveau bas comme ceux que j’ai déjà bus, dont celui de mon anniversaire qui m’avait tant ému. Celui-ci est encore meilleur. Il respire à plein poumons l’âme de la Romanée Conti qui me transporte avec sa signature de roses et de sel. Ce vin est archétypal du domaine comme le précédent, ayant moins souffert, ce qui exacerbe moins les marqueurs de sel et de roses, plus intégrés ici. Quelle noblesse que ce vin. Richebourg et pigeon se nourrissent l’un de l’autre.

Le Corton Marey & Liger-Belair 1914 provient d’une très belle bouteille avec le verre épais si caractéristique cette époque. Je n’ai pas pu voir le niveau car la bouteille est très opaque. La couleur du vin est foncée et s’il est buvable, je suis gêné par une infime pointe de bouchon. Le vin se boit mais l’émotion n’est pas aussi palpable qu’elle le devrait.

Le Château Haut-Brion rouge 1952 est magnifique. Alors qu’il apparaît après les bourgognes, sa classe naturelle le justifie pleinement à ce moment du repas. Il est riche, ample et profond avec des notes de truffes et de charbon et un grain lourd lui donnant une belle présence. Avec le bœuf l’accord est superbe. Le niveau était un peu bas, mais pour un 1952 tout à fait acceptable.

Nous revenons maintenant aux champagnes avec des bouteilles aux niveaux normaux pour leurs âges. Le Champagne Piper-Heidsieck 1964 a tout le charme de l’année 1964, une des plus solides de l’histoire. Et c’est un solide compagnon de route.

Le Champagne Deutz Brut rosé 1981 est idéal pour le dessert à la framboise, s’inscrivant dans la ligne des accords couleur sur couleur.

Le Champagne Besserat de Bellefon 1966 que j’ai apporté croyant que c’est un rosé est en fait un blanc. Il est lui aussi de l’une des deux années mythiques de la décennie 60, et affiche une belle aisance, mais c’est moi qui en ai beaucoup moins car ce repas est une fois de plus une débauche de générosité conduisant aux abus.

Le chef a réussi à simplifier sa cuisine pour donner la primauté au produit principal, ce qui est nécessaire pour les vins anciens. Le service a été impeccable et on nous a installés dans une petit salle privative qui nous a permis de profiter de vins exceptionnels dans les meilleures conditions.

Nous n’avons pas voté, mais les émotions les plus fortes pour moi ont été le Champagne de 1928, le Richebourg 1956, le Krug années 50, le Salon 1971, le Haut-Brion 1952, le Chablis 1934. Il est temps que je lance au plus vite « le Cas des Bas Niveaux ». Avec les sympathiques amis de ce déjeuner, nous avons un solide noyau dur. A recommencer vite !

les  bouteilles vides dans l’ordre de présentation