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207ème dîner de wine-dinners au 67 Pall Mall Club vendredi, 9 décembre 2016

Pendant que nous attendions deux retardataires inscrits au 207ème dîner de wine-dinners au 67 Pall Mall Club, qui me faisaient craindre le pire car ils étaient censés avoir payé leur participation directement au club, Terry le chef sommelier m’avait tiré par la manche pour me présenter à la charmante fille de Corinne Mentzelopoulos, propriétaire du château Margaux et au fils de Paul Pontallier qui a géré pendant de nombreuses années les vins du château Margaux. Cette heureuse rencontre est prometteuse d’autres. Quelle heureuse surprise ! Je les quitte après échange de cartes de visite et évocation de moments rares partagés avec leurs parents.

Nous sommes enfin neuf dans la petite salle appelée bibliothèque dont les armoires vitrées des quatre murs regorgent du plancher au plafond de vins prestigieux. Il y a quatre femmes dont les trois américaines que je connais et une anglaise qui accompagne un finlandais actionnaire du club. Un autre anglais est aussi actionnaire du club, un anglais dont la tenue évoque les festivités de Noël avec des représentations de la Vierge Marie d’inspiration russe, le journaliste Dan et moi. Pour deux américaines, c’est le cinquième dîner auquel elles assistent, pour le finlandais, c’est le second. Les autres sont nouveaux.

Le Champagne Brut Imperial Moët & Chandon 1952 est pris dans la bibliothèque. Il est d’un confort extrême, chaleureux, large, montrant qu’il a de l’âge puisque son goût est celui d’un champagne déjà ancien avec une bulle quasi inexistante mais un joli pétillant actif. Il est chaleureux et généreux et un amuse-bouche tiède en forme de cromesquis délicat au goût discret de truffe blanche lui convient.

Nous descendons dans la salle Saint-James qui nous a été réservée, magnifiquement décorée pour Noël avec un joli sapin et des motifs de table dans les mêmes tons. Tous les verres sont sur table avec les millésimes des vins inscrits sur les pieds des verres. Terry Kandylis fait un bref discours de bienvenue très apprécié.

Le menu créé par Marcus Verberne le chef du restaurant du club est : canapé, champagne et truffes arancini / tataki de thon au sésame / vol-au-vent de langoustine / filet poêlé de saint-pierre aux girolles sautées / ris de veau, bacon croustillant, sauce soubise / cuissot de chevreuil, pomme dauphinoise, cavolo nero, jus de chocolat / Stilton / Panna cotta au safran et à la mangue.

Le Champagne Krug Vintage 1969 lorsqu’il se boit seul montre une certaine acidité et une vivacité beaucoup plus grande que celle du Moët. Lorsque l’on goûte le thon cru, la transformation du champagne est spectaculaire. Il s’élargit, perd son acidité pour gagner en rondeur et en complexité. C’est un champagne extraordinaire, plein, à la personnalité extrêmement affirmée. C’est un bonheur que de boire un tel champagne aussi vif.

Sur le vol-au-vent de langoustine, nous avons deux vins que tout oppose même s’ils partagent la même appellation. Le Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993 est romantique, fluide, tout en suggestion. Sa délicatesse charme tout le monde.

A côté, le Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001 est une bombe. Son nez pétrole comme un vin de l’année et en bouche il explose. Il est tellement puissant mais en même temps complexe et chaleureux que je tombe sous son charme, tant il représente le goût idéal du Corton-Charlemagne interprété par Jean-François Coche-Dury. Quand on a la chance de goûter ce vin confidentiel dans sa forme la plus aboutie, on ne peut que l’aimer. L’accord du 1993 se trouve sur la pâte du vol-au-vent alors que le 2001 s’accorde avec la lourde sauce crémée du plat vif et délicieux.

Sur le saint-pierre nous buvons deux Haut-Brion dont le plus jeune a été mis en secours éventuel de l’ancien, mais c’est l’ancien qui sera le plus brillant. Le Château Haut-Brion 1928 arrive trop froid de cave et un peu serré. Il faudra plusieurs minutes pour qu’il délivre un velours délicat. Son nez m’avait impressionné en cave. Il est plus contenu maintenant, n’ayant pas trouvé d’expansion du fait du froid de la cave. Lorsque son velours arrive, il crée avec le poisson un accord de première grandeur. On sent que le vin est grand, mais pas assez épanoui.

Le Château Haut Brion 1961 est une désagréable surprise. Je m’attendais à une éclosion à venir après un nez incertain à l’ouverture et en fait le parfum est poussiéreux, voire même un peu liégeux. Le vin existe, mais on est loin de ce qu’un 1961 devrait donner puisque c’est un vin glorieux en cette année mythique. Etant extrêmement sensible aux performances de mes vins que je considère comme mes enfants, je suis un peu vexé. Fort heureusement le très bon saint-pierre aide considérablement les deux vins.

Avec l’excellent ris de veau il y a un seul vin, la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973. Enfin un rouge parfait. Le parfum de ce vin est d’une délicatesse toute bourguignonne. Le vin est subtil et racé, délicat comme un Volnay ou un Pommard. On reconnaît bien sûr un vin du Rhône mais aux accents délicats d’une année frêle, ce qui lui sied à merveille. Ce vin est de grand plaisir subtil.

J’avais raconté à toute la table la joie que j’avais eue en sentant le Vega-Sicilia Unico 1936 en cave et Dan en avait été le témoin. Aussi, lorsque Terry me sert en premier un verre de ce vin, je suis stupéfait. La couleur est celle d’une eau terreuse, comme si le rouge était totalement dépigmenté avec la couleur rouge tombée en fond de bouteille. Le fond qui sera servi est effectivement beaucoup plus sombre mais ces couleurs sont affreuses. Comment ce vin qui m’avait enchanté peut-il se désagréger ainsi. Le nez évoque le chocolat, le café et l’alcool. Un convive lui trouvera des accents de madère et le jugera délicieux sur le gibier. Je suis consterné et c’est une bonne chose que Dan puisse témoigner de ce que nous avions ressenti. Le vin est buvable malgré sa couleur, mais on est loin de ce que j’attendais.

Fort heureusement, le Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960 n’a pas l’ombre d’un défaut. C’est un Vega Sicilia au sommet de sa gloire, pur, plein, à la couleur d’un rouge vif, sang de pigeon, opulent et vif. C’est un grand vin qui brille encore plus du fait du caractère sanguin et goûteux du cuissot. Malgré les performances de deux vins brillants, le 1973 et le 1960, je ronge mon frein et trouve que deux sublimes sur cinq, ce n’est pas suffisant. Et quand je ne suis pas content, mes convives le remarquent, même si je fais bonne figure. Le 1960 brillant est un vrai réconfort.

Le stilton est parfait avec juste ce qu’il faut de gras et d’amertume. Le Château d’Yquem 1942 à la couleur très foncée est délicieux, très zeste d’orange amère avec une rare distinction et des subtilités juste suggérées. C’est un Yquem discret et raffiné à la longueur en bouche infinie.

Le Château Guiraud 1893 est glorieux, déjà par sa couleur qui est d’un acajou clair. On dirait un soleil tant il brille. En bouche ce sont les fruits exotiques généreux qui abondent. Le dessert à la mangue manque un peu de vivacité mais le vin se suffit à lui-même, parfait et abouti. C’est une leçon que ce vin de 123 ans, vif, jeune, riche de mangue et vibrant au-delà de tout.

Il est temps de voter. Nous sommes neuf à voter pour nos quatre préférés et huit vins figureront dans les votes ce qui est presque inespéré compte-tenu des accidents de quelques vins. Cinq vins auront l’honneur d’être nommés premiers, le Guiraud 1893 trois fois, le Corton Charlemagne 2001 et la Côte Rôtie 1973 deux fois chacun, et l’Yquem 1942 et le Vega 1960 une fois chacun.

Le vote du consensus, compilation des votes est : 1 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973, 2 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960, 3 – Château Guiraud 1893, 4 – Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001, 5 – Champagne Krug Vintage 1969, 6 – Château d’Yquem 1942.

Mon vote diffère de celui du consensus. Il est : 1 – Château Guiraud 1893, 2 – Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001, 3 – Champagne Krug Vintage 1969, 4 – Vega-Sicilia Unico Ribeira del Duero 1960.

C’est la première fois que je trouve un écart aussi important entre l’impression à l’ouverture et le vin qui est servi. Alors que je voulais montrer au journaliste les bienfaits de la « méthode Audouze », ce fut loin d’être convaincant. L’explication pourrait être que l’ouverture pratiquée dans une cave très froide, au lieu d’épanouir les vins les resserre. Aussi ai-je dit à Terry que pour le prochain dîner j’ouvrirai les vins dans la salle où se tiendra le dîner, comme je le fais d’habitude.

Marcus Verbene a fait un menu brillant que nous avions mis au point lors de mon passage il y a un mois, pour la dégustation verticale du champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill. Marcus a été chaudement félicité et je l’ai senti heureux d’avoir pu faire un repas aussi adapté aux vins. Le plus bel accord pour moi est celui du thon avec le Krug 1969, suivi de l’accord du saint-pierre avec le Haut-Brion 1928. Dans une ambiance enjouée et très cosmopolite, avec un service exemplaire, et malgré quelques petites contreperformances de certains vins, ce fut un dîner heureux et apprécié.

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207th dinner in the 67 Pall Mall Club of London vendredi, 9 décembre 2016

This is the departure for London to make two of my dinners in the 67 Pall Mall club where I already had a dinner eight months ago. At the Gare du Nord, nothing moves. I get information on my phone: « all trains are blocked at the Gare du Nord ». Then I hear a loudspeaker saying « no train can leave and we cannot give any information ». Then it’s « the 15:13 train is canceled. We will inform you when we can give you information.  » It would seem that it was a catenary that was ripped off by a regional train. Like hundreds of people, I try to change ticket by queuing at the counters of the Eurostar. At the rate of changing tickets at the counter, I could still be there tomorrow. Then arrives an agent who says to a small group: « if you were registered on the train of 15:13, I can put you on the train of 16:13 ». I cling to that hope. My ticket is changed. Then begins a wait, again without explanation. It is only after an hour more that I can embark on the train that remains at the dock. The stress created by the lack of information is intense. Finally the train moves, with 2h30 delay. On landing at Saint-Pancras, life begins to smile again.
A good night’s sleep later, I meet for lunch two American ladies, my friends, accompanied by one of their friends whom I do not know, who will all participate to the first dinner. We’ll have lunch at the Avenue restaurant. The wine list is rather thin. The only real nugget is a Chateau de Pibarnon Bandol 2012. On a Scottish beef tenderloin, the wine is very nice. The second bottle of this same wine is infinitely better, more lively, more typical, evoking the south and the garrigue. Such variation on such a young wine is difficult to imagine. What will happen tomorrow night with wines that have many decades more if such variations occur?
I go to 67 Pall Mall Club at 3:30 pm to open the 207th dinner wines. A journalist from the magazine The Economist had planned to interview me during the opening of the wines and as the quorum of the dinner was not reached, I had announced to him that I invite him to dinner tonight.
Terry Kandylis, the excellent chef-sommelier of the club, has prepared the bottles in the cellar, vertical for two days so that the possible sediments rest at the bottom of the bottles. The space he reserved for me in the cellar to open the wines is very small and the temperature in the cellar is very cold, probably too cold.
The perfumes of the wines are absolutely enthusiastic, with, in the order of the happy surprises, the Guiraud 1893 dazzling and glorious, complex to infinity, the Vega Sicilia Unico 1936, combining red fruits and chocolate of a wild youth and Haut- Brion 1928, with a magnificent red fruit. The only uncertain wine is the Haut-Brion 1961, which needs to hunt scents of dust that do not seem to have to subsist.
The cork that has created the greatest problem is that of Haut-Brion 1928 totally glued to the glass which I was able to extirpate into pieces as an archaeologist who would find the remains of a dinosaur. Other corks disintegrated but everything went out as it should.
It is therefore very confident that we go back, Dan the journalist and me, to the club bar for me to answer his questions. The club proposes five hundred wines by the glass thanks to the intensive use of Coravin, this syringe which allows to pump wine through the cork and to replace it by an inert gas which allows to preserve the wine without any oxidation linked to the sample. Dan will offer me a glass of Bonnes-Mares Domaine Comte de Vogüé 2006 with a nice liveliness followed by a glass of Chambolle-Musigny Domaine Comte de Vogüé 2005 more discreet but still nice to drink even if it is very young and less noble than the previous Grand Cru.
At 6:30 pm, time of the appointment, my American friends all beautiful are of an absolute punctuality. We are quickly seven and the last two give me cold sweats because they had never responded to my emails. When I finally see them arrive, a heavy weight is released and dinner can begin.

While we were waiting for two latecomers on the 207th dinner of wine-dinners at the 67 Pall Mall Club, which made me fear the worst because they were supposed to have paid their participation directly at the club, Terry the sommelier had pulled me by the sleeve to present me to the charming daughter of Corinne Mentzelopoulos, owner of Château Margaux and the son of Paul Pontallier who managed for many years the wines of Château Margaux. This happy encounter is promising others. What a happy surprise! I leave them after exchange of business cards and evocation of rare moments shared with their parents.
We are finally nine in the small room called the library whose glass cabinets of the four walls are overflowing from the floor to the ceiling of prestigious wines. There are four women of whom the three American I know and an English who accompanies a Finnish shareholder of the club. Another English is also a shareholder of the club, an English whose dress evokes the Christmas festivities with representations of the Virgin Mary of Russian inspiration, the journalist Dan and me. For two Americans, it is the fifth dinner they attend, for the Finnish, it is the second. The others are new participants.
The Champagne Brut Imperial Moët & Chandon 1952 is drunk in the library. It is of extreme comfort, warm, wide, showing that it is of age since its taste is that of an already old champagne with a bubble almost nonexistent but a nice active sparkling. It is warm and generous and a warm appetizers in the shape of delicate cromesquis to the discreet taste of white truffle suits him.
We go down into the Saint James room which was reserved for us, beautifully decorated for Christmas with a nice decorated pine tree and table motifs in the same tones. All the glasses are on table with the vintages of the wines inscribed on the feet of the glasses. Terry Kandylis makes a very nice welcome speech.
The menu created by Marcus Verberne the chef of the club’s restaurant is: Canape, Champagne & truffle arancini / Tuna tataki with sesame / Langoustine tartlet / Pan-fried fillet of John Dory with sauteed girolles / Veal sweetbread, crispy bacon, sauce soubise / Roast fillet of venison, pomme dauphinoise, cavolo nero, Chocolate jus / Stilton / Saffron pannacotta with mango.
The Champagne Krug Vintage 1969 when it is drunk alone shows a certain acidity and vivacity much greater than that of the Moët. When you taste raw tuna, the transformation of champagne is spectacular. It widens, loses its acidity to gain in roundness and complexity. It is an extraordinary champagne, full, with an extremely strong personality. It is a pleasure to drink such a lively champagne.
On the vol-au-vent of langoustine, we have two wines that all oppose even if they share the same name. The Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993 is romantic, fluid, all in suggestion. Its delicacy charms everyone.
Next, the Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001 is a bomb. Its nose is of petrol like a wine of the year and in the mouth explodes. It is so powerful but at the same time complex and friendly that I fall under its charm, as it represents the ideal taste of the Corton-Charlemagne interpreted by Jean-François Coche-Dury. When one has the chance to taste this confidential wine in its most accomplished form, one can only love it. The 1993 accord is on the dough of the vol-au-vent while the 2001 agrees with the heavy creamy sauce of the lively and delicious dish.
On the saint-pierre we drink two Haut-Brion, the youngest of whom has been put in the eventual succor of the old one, but the oldest will be the most brilliant. The Château Haut-Brion 1928 comes too cold from the cellar and a little tight. It will take several minutes for him to deliver a delicate velvet. His nose had impressed me in the cellar. It is more contained now, having not found expansion due to the cold of the cellar. When his velvet arrives, he creates with the fish a chord of first size. One feels that the wine is large, but not sufficiently blossomed.

The Château Haut Brion 1961 is an unpleasant surprise. I was expecting an outbreak to come after an uncertain nose at the opening and in fact the scent is dusty, or even a little corky. The wine exists, but we are far from what a 1961 should give since it is a glorious wine in this mythical year. Being extremely sensitive to the performance of my wines that I consider my children, I am a little upset. Fortunately the very good Saint-pierre helps considerably the two wines.
With the excellent sweetbread there is only one wine, the Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973. It’s time for a perfect red. The perfume of this wine is of a Burgundian delicacy. The wine is subtle and racy, delicate like a Volnay or a Pommard. We can of course recognize a Rhone wine but with the delicate accents of a fragile year, which suits him perfectly. This wine is of subtle pleasure.
I had told the whole table the joy I had in smelling the Vega-Sicilia Unico 1936 in the cellar and Dan had witnessed it. Also, when Terry first serves me a glass of this wine, I am amazed. The color is that of an earthy water, as if the red was completely depigmented with the red color fallen at the bottom of the bottle. The lower part of the bottle that will be served is actually much darker but these colors are awful. How could this wine which had enchanted me disintegrate thus? The nose evokes chocolate, coffee and alcohol. A guest will find him accents of Madeira and will judge it delicious on the venison. I am appalled and it is a good thing that Dan can testify to what we felt. The wine is drinkable despite its color, but we are far from what I expected.
Fortunately, the Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960 has not the slightest sign of a defect. It is a Vega Sicilia at the summit of its glory, pure, full, with the color of a bright red, pigeon blood, opulent and lively. It is a great wine that shines even more due to the blood and tasty character of the cuissot. Despite the performance of two brilliant wines, the 1973 and the 1960, I am not happy enough and find that two sublime out of five, is not enough. And when I’m not happy, my guests notice it, even if I try to make my best smile. The bright 1960 is a real comfort.
The stilton is perfect with just enough fat and bitterness. The 1942 Chateau d’Yquem with very dark color is delicious, very bitter orange peel with a rare distinction and subtleties just suggested. It is a discrete and refined Yquem with infinite length in mouth.
Château Guiraud 1893 is glorious, already by its color which is of a clear mahogany. It looks like a sun as it shines. In the mouth it is the generous exotic fruits that abound. The dessert with the mango lacks a little vivacity but the wine is self-sufficient, perfect and accomplished. It’s a lesson that this 123-year-old wine, lively, young, rich in mango and vibrant beyond all.
It’s time to vote. We are nine to vote for our four favorite and eight wines will appear in the votes which is almost unexpected given the imprecisions of some wines. Five wines will have the honor of being named first, Guiraud 1893 three times, Corton Charlemagne 2001 and Côte Rôtie 1973 twice each, and Yquem 1942 and Vega 1960 once each.
The vote of the consensus, compilation of the votes is: 1 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973, 2 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960, 3 – Chateau Guiraud 1893, 4 – Corton Charlemagne JF Coche Dury 2001, 5 – Champagne Krug Vintage 1969, 6 – Chateau d’Yquem 1942.
My vote differs from consensus. It is: 1 – Chateau Guiraud 1893, 2 – Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001, 3 – Champagne Krug Vintage 1969, 4 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960.
This is the first time that I find such a large gap between the impression at the opening and the wine that is served. While I wanted to show the journalist the benefits of the « Audouze method », it was far from convincing. The explanation could be that the opening made in a very cold cellar, instead of blossoming the wines tightens them. So I told Terry that for the next dinner I will open the wines in the dining room, as I usually do.
Marcus Verbene made a brilliant menu that we had developed during my visit a month ago, when I came for a vertical tasting of the champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill. Marcus was warmly congratulated and I felt glad to have been able to make a meal so adapted to the wines. The best combination for me is that of the tuna with the Krug 1969, followed by the agreement of saint-pierre with the Haut-Brion 1928. In a cheerful and cosmopolitan atmosphere, with exemplary service and despite some slightly wounded wines, it was a happy and appreciated dinner.

 

(pictures of this dinner can be seen on the same article in French version) (see just above)

Les moments qui précèdent le 207ème dîner de wine-dinners vendredi, 9 décembre 2016

C’est le départ pour Londres pour faire deux de mes dîners au 67 Pall Mall club où j’ai déjà fait un dîner il y a huit mois. A la Gare du Nord, rien ne bouge. Je reçois une information sur mon téléphone : « tous les trains sont bloqués à la Gare du Nord ». J’entends ensuite un haut-parleur qui indique : « aucun train ne peut partir et nous ne pouvons donner aucune information ». Ensuite, c’est « le train de 15h13 est annulé. Nous vous informerons lorsque nous pourrons vous donner des informations ». Il semblerait que ce soit un caténaire qui aurait été arraché par un train régional. Comme des centaines de personnes, je cherche à changer de billet en faisant la queue aux guichets de l’Eurostar. Au rythme où se font les changements, je pourrais y être encore demain. Arrive alors un agent qui dit à un petit groupe : « si vous êtes du train de 15h13, je peux vous mettre sur le train de 16h13 ». Je m’accroche à cet espoir. Mon billet est changé. Puis commence une attente, là aussi sans explication. Ce n’est qu’après une heure de plus que je peux embarquer dans le train qui reste à quai. Le stress créé par l’absence d’information est intense. Enfin je pars, avec 2h30 de retard. En débarquant à Saint-Pancras, la vie reprend son cours.

Une bonne nuit de sommeil plus tard, je retrouve pour déjeuner deux amies américaines accompagnées d’une de leurs amies que je ne connais pas, qui vont toutes trois participer au premier dîner. Nous allons déjeuner au restaurant Avenue. La carte des vins est plutôt maigre. La seule réelle pépite est un Château de Pibarnon Bandol 2012. Sur un filet de bœuf écossais, le vin est fort agréable. La seconde bouteille de ce même vin est infiniment meilleure, plus vivante, plus typée, évoquant le sud et la garrigue. Une telle variation sur un vin aussi jeune est difficilement imaginable. Qu’en sera-t-il ce soir avec des vins qui ont de nombreuses décennies de plus ?

Je me présente au 67 Pall Mall Club à 15h30 pour ouvrir les vins du 207ème dîner. Un journaliste de la revue The Economist avait prévu de m’interviewer pendant l’ouverture des vins et comme le quorum du dîner n’est pas atteint, je lui avais annoncé que je l’invite à dîner ce soir.

Terry Kandylis, l’excellent chef-sommelier du club a préparé les bouteilles en cave, verticales depuis deux jours pour que les sédiments éventuels reposent au fond des bouteilles. L’espace qu’il m’a réservé en cave est très exigu et la température en cave est très froide, trop froide sans doute.

Les parfums des vins sont absolument enthousiasmants, avec, dans l’ordre des surprises heureuses, le Guiraud 1893 éblouissant et glorieux, complexe à l’infini, le Vega Sicilia Unico 1936, combinant fruits rouges et chocolat d’une folle jeunesse et Haut-Brion 1928, au magnifique fruit rouge. Le seul vin à peine incertain est le Haut-Brion 1961, qui a besoin de chasser des senteurs de poussière qui ne semblent pas devoir subsister.

Le bouchon qui a résisté le plus est celui du Haut-Brion 1928 totalement collé aux parois, que j’ai pu extirper en morceaux comme un archéologue qui trouverait les vestiges d’un dinosaure. D’autres bouchons se sont désagrégés mais tout est sorti comme il convenait.

C’est donc très confiant que nous nous remontons, Dan le journaliste et moi au bar du club pour que je réponde à ses questions. Le club propose cinq cents vins au verre grâce à l’utilisation intensive du Coravin, cette seringue qui permet de pomper du vin à travers le bouchon et de le remplacer par un gaz inerte qui permet de conserver le vin sans aucune oxydation liée au prélèvement. Dan m’offrira un verre de Bonnes-Mares Domaine Comte de Vogüé 2006 d’une grande vivacité suivi d’un verre de Chambolle-Musigny Domaine Comte de Vogüé 2005 plus discret mais quand même agréable à boire même s’il est moins noble que le Grand Cru précédent.

A 18h30, heure du rendez-vous, mes amies américaines toutes belles sont d’une ponctualité absolue. Nous sommes rapidement sept et les deux derniers me donnent des sueurs froides car ils n’avaient jamais répondu à mes mails. Lorsqu’enfin je les vois arriver, un lourd poids se libère et le dîner peut commencer.

206ème dîner de wine-dinners au restaurant Guy Savoy jeudi, 1 décembre 2016

Le 206ème dîner se tient au restaurant Guy Savoy. La salle où nous serons seuls est belle, aux murs noirs qui mettent en valeur les œuvres très modernes de ce que je pense être la collection de François Pinault. A 17 heures, j’ouvre les vins. Les belles odeurs sont du Gilette sec 1951, de l’Ausone 1959. Les très belles senteurs sont du Traminer Schlumberger qui est en fait un liquoreux, ce que rien ne laisse prévoir sur l’étiquette. J’inverse donc l’ordre de deux blancs pour qu’un accord se trouve après cette surprise. Autres très belles senteurs le Belgrave 1948, le Pommard 1969, le Richebourg 1964. Le parfum spectaculaire est celui du Riesling Vendanges Tardives Hugel 1989. Les parfums discrets sont ceux de l’Echézeaux 1988 et de l’Yquem 1919. Le seul parfum incertain est celui du Loupiac 1947 car au nez, puisque je ne bois pas les vins, on ne peut pas totalement exclure une petite trace de bouchon. Attendons de voir et de boire.

Nous serons onze à table, pour un dîner à l’initiative d’une entreprise. Je ne connais personne. Il y a des allemands, un autrichien, un belge, un indien, un anglais, un irlandais, deux français et j’en oublie sans doute. Ils fêtent les cinq ans du rachat de l’entreprise par les actionnaires présents avec les gestionnaires. Il y aura seulement dix votants en fin de repas car l’indien se limitera à deux vins pendant le repas.

L’apéritif est pris debout avec le Champagne Alfred Gratien magnum 1979. On entre de plain-pied dans le monde des vins à maturité avec ce beau champagne plaisant, avenant, facile à comprendre qui est tout intégré tant ses saveurs sont cohérentes. Avec les petits toasts au foie gras et la brioche au parmesan, l’accord est gourmand.

Nous passons à table. Le menu créé par Guy Savoy pour les vins est : toast au foie-sel / brioche au parmesan / Jabugo & girolles / raie « refroidie » au caviar, petit ragoût breton / saint-pierre sur mer / volaille de Bresse pochée en vessie et champignons du moment / ragoût de lentilles aux truffes / grouse rôtie, châtaignes au jus et galette de grand caraque / fourme d’Ambert / dessert exotique.

Sylvain Nicolas le chef-sommelier a aussi joué un rôle important dans la mise au point des accords.

Le Champagne Dom Pérignon 1961 a une petite amertume dans l’attaque qui disparaît très vite et le milieu de bouche est tout en douceur. Ce 1961 est un vrai Dom Pérignon, dans la ligne historique et romantique. Les girolles sont divines pour mettre en valeur ce champagne de très belle émotion. C’est un vin de plaisir raffiné au final très présent.

Le Traminer Shlumberger 1953 était prévu après le Gilette mais la sucrosité ressentie dans son parfum à l’ouverture m’a poussé à le mettre avec la raie au caviar et c’est une bonne décision. Fort curieusement le nez du vin n’a plus ce côté doucereux, comme si le plat lui faisait « manger » son sucre. Le vin est d’une rare délicatesse, sans âge tant il est équilibré. Il est bonheur, dans des directions inconnues car il ne fait pas du tout vin d’Alsace. J’adore. Quand je sentirai le verre vide, le parfum évoque des fruits rouges ce qui est inattendu.

Le Château Gilette sec 1951 est une magnifique surprise. Pour tous les vins secs faits par des maisons de sauternes, on ne peut pas s’empêcher de sentir le botrytis, même s’il n’est pas là car ce vin évoque malgré tout le sauternes. Le plat de saint-pierre est exceptionnel, rendu encore plus iodé par de goûteuses coques. L’accord est un des plus beaux du repas. La solidité et l’aisance de ce vin solide et plein me plait beaucoup, alors que 1951 est une année qui n’a pas laissé de trace dans les mémoires.

Deux vins accompagnent la volaille en vessie. Le Château Belgrave Haut-Médoc 1948 est d’un équilibre et d’une gourmandise incroyables. Ce qui frappe c’est qu’il est intemporel. Il est tellement cohérent et intégré qu’on se sent à l’aise avec lui au point qu’il sera le gagnant de loin des vins du repas et c’est tout à l’honneur de mes convives qui n’ont pas couronné pour la première place les plus belles étiquettes mais ce vin gourmand. Ses accents truffés sont brillants.

Le Château Ausone 1959 est un grand vin. On sent sa belle matière, sa profondeur et sa noblesse de grand saint-émilion mais en fait le plat est fait pour le Belgrave ce qui fait que ce bel Ausone n’aura pas les faveurs qu’il mérite, sauf d’un convive.

Avec le Pommard les Grands Epenots Maurice Bouvret 1969 on comprend pourquoi les bourgognes doivent passer après les bordeaux. Il y a dans ce vin une sensualité extrême. Tout en lui est séduction et quand on croit qu’on en a fait le tour il y a encore des complexités qui se rajoutent. Sa robe est très clair et son goût délicat. Nous avons été gênés par le fait que la truffe ne se ressent pas s’il y en a trop peu car la lentille domine. Très gentiment on est venu compléter ce que nous avions et le plat change du tout au tout. Le vin s’en régale.

Sur une divine grouse de forte personnalité il y a deux vins. Lorsqu’on les sent, le Richebourg P. A. André 1964 a un parfum tonitruant et glorieux qui fait de l’ombre à l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1988 dont les émanations sont trop discrètes. Mon voisin de table qui est l’initiateur du repas me suggère que le Richebourg va dominer dans l’accord et je lui dis sans avoir rien goûté : « je pense que ce sera le contraire ». Et c’est saisissant. C’est l’Echézeaux si timide qui crée l’accord vibrant avec la grouse tandis que le Richebourg, odorant, envoûtant et joyeux, parade mais ne crée pas l’accord. Les deux vins si opposés sont superbes. L’Echézeaux est raffiné et subtil.

Le Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989 est une merveille de fluidité, de précision et de noblesse. C’est un vin immense, d’une fraîcheur incomparable. Il colle parfaitement à la fourme.

Le nez de bouchon que j’avais supposé à l’ouverture est là, mais le Loupiac Champon-Ségur 1947 se boit bien, sans défaut sensible. Il est très riche et bien liquoreux plus puissant que l’Yquem.

Le Château d’Yquem 1919 à la couleur d’un or assez pâle a mangé son sucre, ce qui ne lui enlève aucune qualité. Il est incroyablement subtil, tout en suggestion. Il obtiendra neuf votes sur dix votants. L’accord avec le dessert exotique est parfait.

Une constante tout au long du repas est que les vins arrivent épanouis sur table et que la cohérence qu’ils ont acquise les rend « hors d’âge », ce qui veut dire qu’on ne pourrait pas les situer dans le temps. L’Yquem pourrait être des années 50, le Belgrave des années 80, ça ne choquerait pas.

Il est temps de voter pour dix votants choisissant quatre vins. Dix vins sur douze figurent sur au moins un bulletin de vote. Cinq vins ont été nommés premier, dont Belgrave 1948 cinq fois, Yquem 1919 deux fois et Gilette 1951, Ausone 1959 et Richebourg 1964 une fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Belgrave Haut-Médoc 1948, 2 – Château d’Yquem 1919, 3 – Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989, 4 – Château Gilette sec 1951, 5 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1988, 6 – Champagne Dom Pérignon 1961.

Mon vote est : 1 – Château Belgrave Haut-Médoc 1948, 2 – Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989, 3 – Château d’Yquem 1919, 4 – Château Gilette sec 1951.

Dans une belle salle du restaurant Guy Savoy, avec un service parfait aussi bien du vin que des plats, avec une cuisine qui mérite tous les éloges tant les accords ont été d’une grande pertinence, alors que je ne connaissais personne, nous avons passé une soirée riche d’émotions où le Belgrave 1948 a été une immense surprise et où les accords dont celui merveilleux du saint-pierre avec le Gilette sec 1951 et du dessert exotique avec l’Yquem 1919 ont ensoleillé ce grand moment de gastronomie.

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les bouchons sont rangés dans l’ordre de service

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205ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent samedi, 26 novembre 2016

Le 205ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Nous serons onze dans le beau salon lambrissé du premier étage du restaurant. La table sera cosmopolite puisque j’accueillerai une indienne, un japonais, une productrice de rhum à la Martinique, une propriétaire de mines aux antipodes et d’autres convives de tous horizons. La parité sera presque parfaite puisqu’elle est arithmétiquement impossible, avec cinq femmes et six hommes.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins et cette opération sera filmée par Cécile qui travaille pour une chaîne de télévision câblée. Cécile filmera aussi le dîner. J’ai eu des angoisses toute la matinée car je ne retrouvais plus ma trousse avec les divers outils que j’utilise pour ouvrir les vins. Etre filmé et ne pas avoir mes outils, quelle erreur de casting. J’utilise un Durand, un tirebouchon qui combine un bilame avec un tirebouchon, qui n’était pas dans ma trousse perdue. Je peux correctement ouvrir les vins mais je préfère mes longues mèches qui me donnent une meilleure sensibilité du comportement du bouchon lorsqu’il commence à se briser ou à se morceler. Par ailleurs le bilame blesse les bouchons, ce qui n’est pas beau.

Le parfum du Corton blanc 1919 est incertain. On verra comment il évolue. Celui du Vosne-Romanée 1947 est assez déplaisant. Une mauvaise surprise est à craindre. Le nez du Cahors 1893 est faible. Là aussi, l’évolution est incertaine. Les parfums des deux sauternes sont superbes, l’un plus tonitruant, l’autre plus gracieux. Dans ce contexte, il me semble opportun d’ouvrir une autre bouteille de rouge, dont je sais qu’elle sera sans problème.

Le convives arrivent, tous ponctuels. Après les consignes d’usage puisqu’il y a cinq participants dont c’est le premier dîner, nous trinquons sur un Champagne Lanson Red Label 1971. La bouteille est très jolie, en forme de quille. La couleur est d’un bel or assez clair. La bulle est peu présente mais le pétillant est actif. Le champagne est évolué mais plaisant. L’attaque est de petits fruits roses légèrement aigrelets et le corps du champagne est joliment vineux. Pour beaucoup il faut s’habituer aux goûts des champagnes anciens car ce n’est pas naturel. Sur les gougères et les copeaux de jambon, le champagne a une belle présence. Je suis ravi de sa belle complexité.

Nous passons à table. Un petit amuse-bouche gourmand convient bien au Lanson.

Le menu créé par Alain Solivérès : copeaux de jambon / huîtres Gillardeau en gelée d’eau de mer / bar de ligne étuvé, saveurs des bois / gourmandise de poule faisane, foie gras de canard et châtaignes / palombe rôtie aux salsifis / lièvre à la cuillère, pâtes fraîches à la farine de châtaignes / stilton / pomme et poire façon tarte Tatin

Sur l’huître en gelée, le Champagne Salon 1988 se montre absolument glorieux. Avec Tomo, nous nous disons que c’est un des plus grands Salon 1988 que nous ayons bus, car cette bouteille est d’une rare perfection. Ce Salon d’une grande année combine à la fois puissance et élégance. C’est un guerrier conquérant mais aussi un chevalier galant. Il a une profondeur et une persistance en bouche qui sont extrêmes.

Le Château Haut-Brion blanc 1979 est une mauvaise surprise, mais pas pour tout le monde puisqu’il sera voté numéro un par une convive. A l’ouverture, je pensais qu’il avait besoin de s’épanouir, mais maintenant c’est un vin qui a vieilli trop vite, anormalement évolué pour son âge, et qui ne se livre pas. Toutefois, mon jugement est sévère car avec le bar et surtout les petits champignons, il redevient aimable même s’il reste un peu en dedans.

La poule faisane est délicieuse et même si l’accord est osé, il fonctionne parfaitement. Le Corton Blanc Jacqueminot 1919 pour lequel mon diagnostic il y a quatre heures était indécis se montre totalement éblouissant. La sérénité de ce vin et son absence d’âge, tant il est équilibré, surprennent tout le monde. Tomo trouve que le meilleur accord est avec le foie gras. Je trouve que c’est avec la chair du faisan. Tous les visages s’illuminent, car c’est une surprise extrême.

J’ai associé sur la palombe deux vins de 1947 mais il n’y aura aucune compétition. Le Vosne-Romanée Antonin Rodet 1947 est un peu fatigué et il est très nettement au-dessus de ce que j’attendais. Il serait seul, nous l’aimerions. Mais il y a à côté de lui une telle merveille que notre attention se porte sur le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947. Ce vin est exceptionnel et tout le monde en convient puisqu’il obtiendra neuf votes dont cinq de premier, ce qui est rare. La grâce de ce vin, son charme, son équilibre, sa matière lourde combinée à une délicatesse extrême en font un vin de pur bonheur. Qu’un « Villages » puisse être aussi élégant est une énigme. La palombe est superbe et convient bien à ce vin qui nous transporte au septième ciel du vin.

Sur le lièvre une fois de plus délicieux, deux vins que tout oppose sont associés. Le Clos de Gamot Cahors 1893 a un nez bouchonné que Tomo ne trouve pas. En bouche, le gout de bouchon n’existe pas et ne gêne pas le joli message d’un vin assez simple mais bien vivant, dont on aurait peine à dire qu’il a 123 ans. Je suis heureusement surpris qu’il se comporte ainsi alors que son compère fanfaronne à côté de lui. Il est à noter que de mon expérience, les vins très anciens qui sont bouchonnés proviennent de bouteilles reconditionnées. Ce Cahors a été reconditionné dans les années 70 et c’est à cette occasion-là qu’il a dû attraper ce goût fort heureusement bénin.

Le Châteauneuf-du-Pape Charton 1928 est une bombe de saveurs. Doté d’une matière énorme ce vin parade de bonheur. Il est joyeux en bouche, au message très simple mais porteur de plaisir. C’est vraiment un vin de plaisir, gouleyant, plein en bouche.

Arrive maintenant le vin que j’ai ajouté et qui correspond beaucoup plus aux goûts que mes convives connaissent. Nous nous sommes amusés à le faire découvrir à l’aveugle et en s’aidant les uns les autres, la réponse a été très proche de la perfection puisque l’appellation a été trouvée. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1983 est très élégante, racée, fine. Elle ne joue pas sur sa puissance mais sur son élégance. Classiquement, un vin qui n’est pas porté sur la feuille de vote n’obtient pas de vote même si chacun sait qu’il pourrait voter pour lui. Si le vin avait été annoncé, il aurait figuré dans les votes. C’est une très jolie Landonne que cette 1983.

Les deux sauternes étant très différents je décide qu’ils ne seront pas servis ensemble. Le Château Filhot 1928 est d’une grâce extrême. Ce qu’il y a de bien avec les sauternes, c’est que lorsqu’ils sont grands, il n’ont pas le moindre défaut. Celui-ci a mangé son sucre et cela lui donne une légèreté extrême. Ce n’est que du bonheur, amplifié par le très goûteux stilton. Le mot qui lui convient est « grâce », à la Grace Kelly.

Le Château Gilette crème de tête 1945 est une bombe de saveurs comme l’était le Châteauneuf-du-Pape tout à l’heure. Quel grand sauternes, aux antipodes du Filhot, car maintenant, c’est du beau botrytis qui envahit notre palais. L’accord avec la Tatin est un accord couleur sur couleur comme je les aime. On se régale.

Il est temps de voter et je suis particulièrement heureux car neuf vins figureront au moins une fois dans les onze votes où chacun désigne ses quatre vins préférés. De plus, six vins ont été nommés premier par au moins un convive. C’est spectaculaire et montre à quel point les goûts sont différents entre les convives si les votes sont si disparates. Le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 a eu cinq votes de premier, le Champagne Salon 1988 deux votes de premier et le Château Haut-Brion blanc 1979, le Corton Blanc Jacqueminot 1919, le Château Filhot 1928 et le Château Gilette crème de tête 1945 ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 5 – Châteauneuf-du-Pape Chartron 1928.

Mon vote est : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Champagne Salon 1988.

Dans mes dîners, il y a toujours des vins « fantassins », c’est-à-dire des vins qui sont hors de portée des radars des spéculateurs. Qui rechercherait aujourd’hui les deux vins que j’ai classés en tête, Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 et Corton Blanc Jacqueminot 1919 dont je ne connais d’ailleurs pas les maisons. C’est pour moi une grande fierté de pouvoir montrer que les vins fantassins prennent leur place au plus haut niveau dans de grands dîners.

Un des convives, habitué de mes dîners, est venu avec, sous son bras, le merveilleux écrin d’un Cognac Hennessy Paradis Imperial que nous avons partagé. Fait de l’assemblage de plus d’une centaine d’alcools ayant de 50 à 150 ans, il est d’une fraîcheur incroyable. Précis, net, élégant c’est un cognac qui se boit merveilleusement bien. J’en ai repris !

Dans une atmosphère joyeuse et rieuse, avec le service toujours impeccable et attentionné de l’équipe du Taillevent, avec des accords tous réussis et une cuisine parfaitement orientée vers les vins, nous avons vécu un très beau dîner de gastronomie. Et la performance de fantassins est une récompense pour l’amoureux des vins anciens que je suis.

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dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent dimanche, 30 octobre 2016

Le dîner des amis de Bipin Desai, grand collectionneur de vins et professeur de physique nucléaire à Berkeley est devenu une institution. C’est la seizième année consécutive que je l’organise. Selon la tradition je compte ce dîner dans les dîners de wine-dinners. Ce sera le 204ème. Des vignerons participent et apportent des vins. Nous serons moins nombreux cette année car la date choisie par Bipin est très tôt et ne permet pas à certains vignerons encore en vinification de venir.

Nous serons sept au restaurant Laurent, Caroline Frey de Paul Jaboulet Aîné, Frédéric Barnier de la maison Louis Jadot, Jean-Luc Pépin du domaine Georges de Vogüé, Gilles de la Rouzière de la maison Henriot et de la maison Bouchard Père & Fils, Aubert de Villaine du domaine de la Romanée Conti, Bipin Desai et moi. Richard Geoffroy de Dom Pérignon s’est désisté la veille mais nous a demandé de boire son vin.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins. Le bouchon du montrachet va vers le bas lorsque je veux le piquer avec mon tirebouchon. Je suis obligé de pointer sur le bord du bouchon le long du verre pour empêcher tout recul. Le bouchon a souffert sur la moitié supérieure, il est gras sur cette partie. Fort heureusement son parfum ne montre aucune trahison du bouchon. Deux vins ont été reconditionnés, le Richebourg 1954 en 1995 et l’Hermitage Sterimberg 1991 en 2016. Le Beaune 1964 semble avoir son bouchon d’origine, attaqué sur la partie supérieure mais très sain en bas. Aucun vin ne semble avoir un problème. Tout se présente au mieux.

Caroline Frey est arrivée en avance et nous comparons son Hermitage Chevalier de Sterimberg Paul Jaboulet Aîné magnum 1991 avec l’Hermitage Chave blanc 1992 gardé de la veille au restaurant Piège. Caroline avait choisi sa bouteille car une dégustation récente l’avait éblouie. Elle ne reconnaît pas son vin et comme tous ceux qui veulent faire plaisir, elle est furieuse. J’ai beau lui dire que son vin va s’ouvrir et s’épanouir avec le plat prévu, elle n’écoute pas. Or j’aurai raison.

L’apéritif dans la rotonde d’entrée se prend avec le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1959. Sa bulle est très active sa couleur très claire. Le goût est profond, toasté et de pâtisserie. La signature « Enchanteleurs » est très sensible. C’est un très grand champagne de sérénité et d’affirmation. Il est assez incroyable qu’il ait cette vivacité et profondeur à 57 ans. C’est l’une des plus grandes réussite de la cuvée des Enchanteleurs.

Nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret est : Saint-Jacques marinées, lait crémeux au goût fumé, salade potagère aux noisettes / Langoustines cuites au naturel et servies dans un consommé clair de bonite et d’algues kombu, pleurotes et borage / Ris de veau, poêlée de cèpes / Pièce de bœuf poêlée, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / Soufflé chaud au calisson d’Aix.

Les Saint-Jacques sont crues et superbes et accueillent deux vins. Le Montrachet Domaine Louis Jadot magnum 1990 est, « tout simplement », une bouteille exceptionnelle. Ce Montrachet est un soleil radieux. On ne peut pas l’imaginer meilleur et il est très au-dessus du Montrachet Leflaive 1999 bu la veille. On sent quand on est en face de la perfection, alors, on n’analyse plus, on profite du moment et de la longueur incroyable de ce vin. Il a du miel, de la pâtisserie, mais surtout, c’est un vin ensoleillé d’une rare pureté.

Le Musigny blanc Domaine Comte de Vogüé 1987 a un peu de mal à côté du montrachet mais il a beaucoup à dire car il est extrêmement typé et expressif malgré son année. C’est un vin de recueillement, gracile et complexe.

Les langoustines sont goûteuses et le bouillon réveillerait n’importe quel vin. Avec lui, l’Hermitage Chevalier de Sterimberg Paul Jaboulet Aîné magnum 1991 retrouve les qualités que ce vin doit avoir, avec cette amertume si caractéristique qui m’évoque celle de l’olive. Le plat est exceptionnel et met en valeur les trois blancs, avec la langoustine presque sucrée et le bouillon multiplicateur des goûts.

Le ris de veau est très nettement plus gourmand que celui mangé hier au « grand restaurant » de Piège. Il convient à merveille pour faire apparaître la délicatesse du Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1954. Aubert de Villaine sait que pour moi la signature des vins du domaine est le sel. Aubert est plus sensible au cuir, mais je ne le suivrais pas dans cette direction. Le vin est d’une rare subtilité, pour moi marquée par le sel. Tout est suggéré et le vin est d’un charme rare. Son fruit est délicat. Il y a de la truffe, presque charbonnée dans la lie. Ce vin est tout en évocation.

La pièce de bœuf accueille deux vins. Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils magnum 1964 contraste avec le Richebourg. C’est un vin solide, carré, assis, fort sur ses assises. Il a une plénitude certaine, une belle mâche et le fait que son bouchon soit d’origine lui donne une authenticité et une grande pureté. J’adore son équilibre et une grande vivacité pour 52 ans.

Le Musigny rouge Domaine Comte de Vogüé 1986 me gêne un peu et on le sent un peu liégeux. Je ne serais pas éloigné de penser que son bouchon probablement changé récemment ait entraîné ce petit défaut. On sent malgré tout une belle personnalité un peu masquée par les deux vins précédents.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1973 est une merveille. Le champagne est plus jeune que son âge du fait du dégorgement tardif, mais il combine parfaitement la puissance de la jeunesse avec l’accomplissement d’un champagne ancien. Sa bulle est vive, et son romantisme est là, vivant, expressif. C’est un très beau champagne, même si j’ai une tendresse pour les dégorgements d’origine.

Tous les vins donnés généreusement ont été grands. Trois ont mes faveurs, le montrachet Jadot 1990 exceptionnel, le Richebourg de la Romanée Conti 1954 d’une immense émotion et le Dom Pérignon 1973 au romantisme qui n’exclut pas la puissance de persuasion. Les autres ont été grands.

Dîner à sept permet des discussions auxquelles tout le monde participe. La générosité de tous est sans limite. Mais il convient de donner la palme à la cuisine d’Alain Pégouret. La justesse des plats, la cohérence des goûts qui apportent une plus-value aux vins a atteint ce soir un niveau exceptionnel. Le bouillon des langoustines a sublimé les blancs, le ris de veau parfait a projeté le Richebourg à des sommets, les pommes soufflées magiques ont fait briller les vins rouges. Alain s’est surpassé ce soir.

Le service des vins et des plats a été parfait. Philippe Bourguignon pourra se féliciter que l’esprit Laurent se perpétue aussi bien.

J’ai l’habitude de garder les bouteilles vides de mes repas. Ce soir, les magnums n’ont pas tous été finis. Ma fille est venue le lendemain dîner à la maison. Nous avons pu rendre hommage à ces vins splendides qui ont confirmé toutes leurs qualités. Ce dîner d’amitié avec des vignerons talentueux rassemblés autour de Bipin Desai est un des grands moments de bonheur dans mon parcours dans le monde du vin.

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dîner au Grand Restaurant, le restaurant de Jean-François Piège vendredi, 28 octobre 2016

Demain nous aurons le dîner des amis de Bipin Desai, dîner de vignerons que j’organise pour la seizième année consécutive. Lorsque Bipin Desai vient en France, il cherche des complices pour l’accompagner dans sa tournée des grands ducs. A plus de 80 ans comment fait-il pour être midi et soir pendant plus d’une semaine dans les grands restaurants ? Il me demande de partager avec lui un dîner au Grand Restaurant, le restaurant de Jean-François Piège. J’arrive à 19h50 et une jeune femme me barre la route en disant que je ne pourrai rentrer que dans cinq minutes. Je m’étonne car souvent les américains et les japonais viennent dîner dès 19h30. Elle me laisse entrer.

Le couloir d’entrée longe la cuisine que l’on voit bien à travers la vitre. C’est studieux et lumineux. Etant en avance je demande à rencontrer la jeune pâtissière qui a été nommée « pâtissier de l’année » par le guide Gault & Millau, pour la féliciter. Elle est charmante, enthousiaste et nous avons échangé quelques considérations sur les desserts. Je rentre ensuite dans la salle qui montre que le nom du restaurant est un clin d’œil, car c’est tout petit. Les murs sont en béton qui garde la trace des planches de coffrage. Le plafond est un entrelacs de polygones de verres colorés aux nombreuses inclinaisons. L’accueil est souriant. Je regarde la carte des vins qui est extrêmement fournie avec son lot de bouteilles incroyablement chères et des pépites à dénicher.

Je savais que Bipin m’entraîne toujours vers des vins chers et il ne va pas manquer à sa tradition. J’ai choisi le vin du Rhône et lui le vin de Bourgogne. Nous prenons le menu dégustation à quatre plats dont les intitulés sont : pomme de terre Agria soufflée craquante, la pulpe foisonnée d’extraits de crustacés, nage concentrée, gelée, caviar / fleur de déleri rave cuit au four dans de la flouve odorante, beurre battu, bouillon infusé des peaux toastées, bergamote / homard bleu cuit en feuilles de figuier, concentré de figues, foie gras épicé, poivre sauvage / veau de lait mijoté sur des coques de noix, jus d’ail vert, aiguilles d’haricots verts grillés, mousseline de noix / brie de Meaux fondant, glace à l’oseille, sablé / blanc à manger / glace persil, banane, poivre noir, ravioli.

Nous avons commencé par trois amuse-bouche qui sont une introduction sur le talent du chef. J’ai voulu qu’on m’imprime le menu, ce qui fut fait et qu’on indique les trois amuse-bouche mais on m’a refusé au prétexte curieux que ça change tous les jours. Si on a été capable de les présenter au moment du service on devrait pouvoir en restituer la mémoire. D’autant qu’ils sont fort bons. Pour eux, nous prenons chacun un verre de Champagne Dom Pérignon 2006 que je trouve dans un état de grâce absolue. Il a un nez de pierre à fusil et combine minéralité et romantisme. C’est vraiment un beau Dom Pérignon.

Alors que nous voulions mettre le vin du Rhône avant le vin de Bourgogne que nous estimions plus puissant, le sommelier qui a goûté les deux nous a suggéré l’inverse et il a eu raison.

Le Montrachet Domaine Leflaive 1999 est un grand vin. Son parfum est racé, sa complexité est immédiatement sensible en bouche, mais il manque de puissance. Il est nettement moins puissant qu’un Bâtard-Montrachet de Leflaive. Nous nous régalons sur le caviar et sur le céleri, mais objectivement ce vin n’a pas le niveau d’un Montrachet Leflaive. Il va d’ailleurs s’affadir, comme fatigué, sur la deuxième partie de la bouteille. Le montrachet se réveille sur le homard et va laisser la place au Rhône.

L’Hermitage Domaine Jean-Louis Chave blanc 1992 est superbe, de prestance, de présence et d’affirmation. Il est tout en richesse et en joie de vivre comparé au montrachet. On sent qu’il est moins complexe que le vin de Bourgogne, mais il compense par sa vivacité et son affirmation. C’est un très grand vin plein, l’Hermitage au sommet de sa gloire.

La cuisine de Jean François Piège m’apparaît comme fondée sur une précision et une justesse totale des goûts. C’est une cuisine de goûts affirmés. Je pense qu’il y a peu de chefs qui ont cette affirmation des goûts. Ça n’empêche pas de créer des surprises et le brie fondant avec une glace à l’oseille, c’est particulièrement osé, mais j’adore cette provocation gustative. Ce chef est un grand chef et c’est sur les détails que les choses vont moins bien. Les trois amuse-bouche se prennent à la main. Comme le premier est poudré d’une poudre de couleur bordeaux, on en a sur les doigts, on s’essuie sur la serviette et la serviette devient poudrée. On se pose la question de la changer ou non.

Ensuite et c’est une mode actuelle, chaque plat a une vaisselle qui lui correspond. Il y a une recherche visuelle certaine comme pour le homard, mais les créateurs d’assiettes oublient que l’on doit aussi poser ses couverts et comme il n’y a pas de porte-couteaux, les couverts se brinqueballent dans l’assiette, au risque de s’y salir. Ce détail n’est pas propre à ce restaurant. C’est une tendance.

Une autre mode est que l’on ne sert jamais un plat sans que quelqu’un ne vienne ajouter une sauce, voire deux. Il y a bien longtemps que je n’ai pas vu un plat arriver en une seule fois. Cette mode retombera un jour. Car même si l’ajoute au dernier moment d’une sauce a une pertinence certaine, ces allées et venues lassent. Jean-François Piège a fait ajouter des petits détails que, selon son humeur, on trouvera charmants ou agaçants. La jolie jeune fille qui tient avec un gant noir le pain demande qu’on le rompe c’est-à-dire qu’on le déchire en tirant, elle tenant l’autre bout. Ensuite au moment du blanc-manger, une boîte complexe créée comme le sigle du restaurant est apportée sur la table. C’est le client qui ouvre le couvercle de la boîte et il a devant lui deux petits pots et deux cuillers. Le client prend une cuiller et un petit pot et la demoiselle referme la boîte avec le secret espoir qu’on lui demande pourquoi elle ne laisse pas prendre les deux.

Enfin, lorsque la table se clarifie, une autre jolie jeune fille arrive avec boule de chocolat sur un socle. Avec son gant, elle prend la boule et la jette sur la table pour qu’elle se brise et que nous picorions les débris. Encore une fois ce sera plaisant ou lourd selon l’humeur que l’on aura.

Je ne prétends pas représenter un jugement universel, mais autant je suis farouchement favorable au talent du chef, prince des goûts, autant je ferais volontiers l’impasse sur les extravagances de service. Mais je peux imaginer que l’on ne soit pas d’accord avec moi. Restons ronchon jusqu’au bout, j’éprouve une certaine répulsion quand on me parle de « plat signature du chef ». Imaginons que l’on ait vingt tableaux de Van Gogh dans une salle de musée. A quoi sert qu’on nous dise que ce tableau est le tableau signature du peintre ?

Le service du vin a été parfait, avec un sommelier compétent. Le service des plats est attentif, il n’y a qu’à s’en féliciter. De ce repas je plébisciterai les amuse-bouche même s’ils ne sont pas faciles à manger, le céleri absolument bien traité, et cet extravagant brie fondant et sa glace à l’oseille. Le Grand Restaurant est une belle table qui mérite qu’on retienne plus les compliments que mes remarques à la marge.

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203ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages vendredi, 23 septembre 2016

Le 203ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Pour ce dîner de rentrée, nous serons seulement huit, avec un éclectisme rare : une indienne qui organise des événements où le vin joue un rôle et promeut toutes formes de gastronomie, indienne et européennes, une américaine représentante pour l’Europe d’une grande maison de vente de vins américaine, le directeur propriétaire d’un des grands guides gastronomiques, le gagnant de l’énigme d’un des récents bulletins (n° 695), une spécialiste de thés qui organise des dégustations et veut connaître mes dîners, le réalisateur des films du 200ème dîner et un habitué mordu de mes dîners, qui est le seul à avoir déjà assisté à un de mes dîners.

J’arrive peu avant 17 heures au restaurant pour ouvrir les bouteilles. La proportion de bouchons qui viennent en charpie est très élevée. Y a-t-il un phénomène saisonnier, la question pourrait se poser car des périodes de forte chaleur sèche et des périodes de pluie se sont succédé avec des rythmes brusques. Les deux blancs ont des nez très engageants comme le Lynch Bages 1955 au lourd parfum de truffe. Le Rausan-Ségla 1948 est bouchonné et je crois que j’ai une explication plausible. La maison Hannapier Peyrelongue qui diffuse ce vin l’a reconditionné il y a plus de trente ans et c’est cette opération qui a fait apparaître ce nez de bouchon qui me semble indélébile. Les deux hermitages ont des parfums très différents mais prometteurs. L’Yquem 1935 est impérial, avec toute la palettes des sophistications d’Yquem alors que le Rayne Vigneau 1942 a besoin de s’aérer. La proportion de vins bouchonnés dans mes dîners est très proche de zéro. Comme nous avons dix vins pour huit, nous ne serons pas en manque.

Il me reste deux heures avant le repas. Comme le veut la tradition, je vais au bistrot 116 qui jouxte le restaurant prendre une bière japonaise en grignotant des haricots edamame qui sont un « pousse à la consommation », car on croque les fèves en les retirant avec ses dents de la gousse saupoudrée de sel. Comme il est prévisible j’ai redemandé une autre bière !

Les convives sont tous à l’heure. Pour ne pas déranger les personnes qui dînent nous commençons l’apéritif sur le trottoir, pour que j’aie le temps de donner les consignes habituelles des dîners. Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1994 est un champagne agréable, solide et équilibré. C’est une valeur sûre, même si son message n’est pas très complexe.

Nous passons à table et continuons les amuse-bouche avec le Taittinger et nous passons ensuite au Champagne Salon 1990. Le saut qualitatif est manifeste. Ce qu’il y a de bien avec ce Salon, c’est qu’on sent tout de suite qu’il est très complexe mais il est aussi très accueillant. Il ne nous embarrasse pas car son message est limpide. Il est fluide, long en bouche et ne manque pas de grâce.

Les amuse-bouche sont très variés. Laure nous les présente mais on oublie vite – du moins moi – ce qu’elle nous a expliqué. Ce n’est pas grave car tout est délicieux et adapté aux champagnes.

Le menu composé par le chef Ryuji Teshima dit Teshi est : Amuse-bouche de saison / Caviar de Sologne / Homard bleu de Bretagne et risotto de riz sauvage croustillant / Agneau de lait, sauce figue et balsamique blanc / Trio de bœuf (bœuf de maturation et bœuf Ozaki) / Stilton affiné / Tarte à la mangue, pétales de mangue et sauce ananas.

Le Salon 1990 continue sur le caviar de Sologne posé sur une crêpe ou sur des dés de pomme de terre. Ce caviar bien iodé excite divinement le champagne. Je le préfère sur la crêpe.

Le homard bleu accueille deux vins blancs. Le Sylvaner Vin D’Alsace Trimbach 1962 avait à l’ouverture un parfum riche et franc. Ce vin est une belle surprise car il a une présence que je n’attendais pas aussi belle. Il est cohérent, ramassé, et très souple pour accompagner le homard, avec des notes très douces.

Le Château d’Arlay Côtes du Jura 1969 qui sentait la noix à plein nez à l’ouverture est un vin de puissance. Il est conquérant. L’accord se trouve mieux avec le Sylvaner car le vin du Jura est trop dominant, mais il est sacrément bon comme le montreront les votes. Sa personnalité est convaincante. Le risotto au riz sauvage n’ajoute pas grand-chose au homard et perturbe un peu l’accord naturel des vins avec le petit homard intense et goûteux.

Le Château Rausan-Ségla Hannapier Peyrelongue 1948 est définitivement bouchonné. Nous l’écartons. Le Château Lynch-Bages Pauillac 1955 accompagne le délicieux agneau de lait. Il avait un nez de truffe à l’ouverture qu’il a conservé. Il est riche, plein, cohérent, avec une affirmation de bon aloi. C’est un vin de satisfaction qu’on pourrait boire éternellement sans se lasser. Il crée un accord parfait avec l’agneau qui le met en valeur. Ce serait bien difficile de lui donner un âge.

Les morceaux de bœufs sont absolument délicieux et très différents, le bœuf allemand étant le plus racé et le Wagyu fondant comme un bonbon. Si les bœufs sont dissemblables, il en est de même des deux hermitages. Le Grand Hermitage Chapoutier 1953 est tout en douceur. Il est suave tout en ayant une belle vibration. Il est confortable. Il l’est tellement qu’il sera désigné premier par le consensus des votes.

L’Hermitage Cuvée Marquise de la Tourette Delas 1978 est beaucoup plus vif, tranchant, imprégnant. Le Chapoutier convient plus au Wagyu et le Delas convient mieux au bœuf normand et au bœuf allemand. Ce qui est amusant c’est qu’au moins un hermitage est premier ou second dans les votes de chacun. Et deux convives ont mis les deux hermitages dans leurs bulletins de vote. Ils trustent les deux premières places.

Le Château Rayne Vigneau 1942 est beaucoup plus sombre, acajou foncé, que le Château d’Yquem 1935 qui est assez clair. Il accompagne un très beau stilton. Il est riche, fort, et trouve sa place, même s’il ne peut pas faire oublier l’autre sauternes.

L’Yquem 1935 est d’une décennie froide dont beaucoup d’Yquem ont « mangé leur sucre » à l’exception du 1937 d’une rare richesse. Et là, ce 1935 me surprend car, sans être une bombe, il est d’une belle présence avec une sucrosité que je n’attendais pas aussi belle. Cet Yquem très complexe et varié évoque tous les fruits exotiques qui ont sa couleur. C’est un grand Yquem que je mettrai premier de mon vote.

Nous sommes huit à voter pour dix vins. Huit vins sur dix ont reçu des votes, mais compte tenu du vin bouchonné, ce sont huit vins sur neuf qui ont été placés dans les quatre premiers d’au moins un convive. Quatre vins ont été nommés premiers, le Grand Hermitage Chapoutier 1953 trois fois, l’ Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978 et l’Yquem 1935 deux fois premiers, et le Château d’Arlay Côtes du Jura 1969 a été nommé une fois premier. Mon classement diffère sensiblement du classement général.

Le vote du consensus serait : 1 – Grand Hermitage Chapoutier 1953, 2 – Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978, 3 – Château d’Arlay Côtes du Jura 1969, 4 – Château d’Yquem 1935, 5 – Champagne Salon 1990, 6 – Château Lynch Bages Pauillac 1955.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1935, 2 – Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978, 3 – Château Lynch Bages Pauillac 1955, 4 – Champagne Salon 1990.

L’atmosphère d’un dîner à huit est beaucoup plus intimiste. Les discussions ont été riches. Le chef Teshi a fait un menu très équilibré avec une élégance qui mérite tous les compliments. Vincent a fait un service du vin exemplaire. Ce fut un grand dîner.

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le bouchon du Lynch Bages est de la charpie !

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il est étonnant que le Delas 1978 ait un bouchon qui paraît aussi vieux

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on note la différence d’état entre le bouchon du Rayne Vigneau à gauche sur la photo ci-dessous et celui de l’Yquem pourtant plus vieux

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les vins en cave, puis ouverts, au restaurant. le chef est en cuisine

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j’ai oublié de photographier les morceaux de boeufs !!!

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la table en fin de repas

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les votes

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202ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent samedi, 18 juin 2016

Le 202ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Le fils d’un ami belge que je connais depuis plus de quarante ans quand il était adolescent m’a demandé de faire un repas pour fêter un anniversaire et un événement familial. Nous serons sept, dont trois femmes.

Je me présente au restaurant à 17h30 pour ouvrir les vins. Parmi les neuf vins, deux sont apportés par mon ami, l’Ausone 1937 au niveau bas et le Ducru-Beaucaillou 1961 mis en bouteille par un négociant belge. La majorité des parfums sont superbes, à l’exception de l’Ausone 1937 qui a des odeurs inamicales, fatiguées, qui rendent peu probable un retour à la vie. Le parfum le plus exceptionnel est celui du sauternes Bastor-Lamontagne 1929 et les senteurs que dégagent le Ducru et le Pétrus sont le jour et la nuit, chacun ayant du charme.

L’apéritif associe des amuse-bouche aux saveurs très disparates avec un Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 dont la bouteille est d’une grande beauté. Le champagne est bien ambré et la bulle est inexistante. Le pétillant est toujours sensible et le vin me semble plus évolué que les 1979 de Mumm que j’ai déjà bus. Il y a des notes d’agrumes, de l’amertume, et de fortes impressions de liquoreux. Le champagne s’adapte très biens aux saveurs variées. Malgré l’évolution tout le monde est satisfait de ce champagne.

Nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret : « la carotte » en salade fraîchement râpée, le jus concentré  et assaisonné à la pomme épicée / pince de tourteau décortiquée et sa bisque / pigeon à peine fumé et rôti, navets fondants au foie gras relevés au gingembre acidulé, croustilles de légumes / pièce de bœuf poêlée, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / Stilton / Merveilleux à la vanille.

Le Champagne Salon 1990 est puissant et même très puissant. Il est vineux sur des notes de miel. Il est très opulent, plus encore que le Salon 1990 que j’ai bu il y a une semaine. J’étais venu il y a quelques jours essayer la recette de l’entrée à la carotte qui constituait pour moi une énigme. Alain Pégouret m’avait dit que ce plat marche très bien avec le champagne. J’ai donc accepté de l’essayer et c’est absolument superbe, le champagne gagnant en largeur et en volume en bouche. C’est un grand champagne.

Le Bâtard Montrachet Grand Cru Veuve Henri Moroni 1991 est à peine ambré. Son parfum était agréable à l’ouverture et continue de l’être. La bisque épicée le met en valeur. Le vin est agréable et lisible. Sa complexité n’est pas extrême mais il se montre très au-dessus de ce qu’on attendrait de 1991. Je l’apprécie pour sa franchise.

Le Château Ausone 1937 a nettement progressé depuis l’ouverture, mais je sens encore beaucoup de défauts. Il avait été ajouté par mon ami sans aucune illusion. Comme il y a trois bordeaux prévus sur le pigeon, je ne m’attarde pas mais il convient de faire une remarque. Une jeune femme de notre table a préféré le Mumm au Salon, préférant le champagne plus évolué. Et elle a placé dans le vote final cet Ausone comme premier de son choix. Un tel amour des vins évolués mérite d’être signalé, d’autant que cette charmante personne assume complètement ses choix. J’apprendrai plus tard que l’Ausone 1937 de mon ami est en fait un cadeau que je lui avais fait il y a 21 ans.

Le Château Ducru-Beaucaillou 1961 mis en bouteille par un négociant belge qui porte le doux nom de Lafite est un vin au parfum très fort et conquérant. Il y a de la truffe dans ce vin très riche. Il est guerrier. Il va créer une association passionnante avec le pomerol.

Le Pétrus 1976 a un nez très raffiné, subtil et profond. Pendant que le Ducru est conquérant, le Pétrus est romantique. Il n’y a aucune recherche de passage en force mais plutôt un discours délicat, les complexités étant suggérées plus qu’exposées. Il y a de la truffe dans ce vin, mais plus raffinée que celle du Ducru. Il serait facile de passer à côté du message du vin mais le Pétrus a une telle cohérence que chacun s’en complait. Rien n’est plus dissemblable que ce couple Ducru Pétrus et les deux s’accordent avec les très goûteux pigeons dont les navets ne sont pas nécessaires.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Réservée 1985 est un hymne à l’amour. Le parfum est totalement sensuel, de garrigue, de tapenade, de grillons qui chantent l’été. Ce vin séducteur est toute luxure. Il est d’une grand équilibre, d’une belle puissance en bouche. C’est Don Juan, Roger Federer et Fred Astaire. Il sera la vedette des votes.

Le Château d’Yquem 1983 est bien ambré. Son parfum est assez retenu mais profond. C’est un grand Yquem qui forme un accord majeur sur le stilton assez salé. Lui aussi sera couronné dans les votes.

Le Château Bastor-Lamontagne 1929 est un rêve absolu. Son parfum est incroyablement riche d’agrumes et de fruits confits. Plus complexe, on ne trouverait pas. En bouche, c’est de l’or fondu. Il a tout pour lui et le dessert va former un accord extraordinaire de fraîcheur. Je trouvais ce dessert, le Merveilleux à la vanille, très osé, et son originalité m’a conquis. Un accord de génie, car chaque bouchée du dessert rafraîchit le vin et lui donne un coup de fouet.

Il est temps de voter. Sur neuf vins du dîner huit sont dans les votes. Celui qui n’y est pas, le Bâtard-Montrachet est un bon vin, mais n’apporte pas beaucoup de surprise. Pour sept votants, quatre vins ont eu des votes de premier, l’Yquem trois fois, le Châteauneuf deux fois, Le Bastor-Lamontagne une fois et l’Ausone 1937 a miraculeusement un vote de premier. Un des convives a le même vote que le consensus.

Le classement de consensus serait : 1 – Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Réservée 1985, 2 – Château d’Yquem 1983, 3 – Pétrus 1976, 4 – Château Bastor-Lamontagne 1929, 5 – Château Ducru-Beaucaillou 1961.

Mon classement est : 1 – Château Bastor-Lamontagne 1929, 2 – Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Réservée 1985, 3 – Pétrus 1976, 4 – Champagne Salon 1990.

Mon ami avait souhaité conclure sur un alcool. J’ai apporté un Bas-Armagnac Domaine Boingnières 1970. Il apparaît après les votes et je dois dire que s’il avait été servi avant, je l’aurais mis premier. Cet armagnac qui titre 48° est incroyable. Jeune, puissant, ciselé avec une précision rare, il est tout en fraîcheur. Je suis envoûté par cet alcool frais qui n’a aucune patine du temps, mais se montre glorieux, imprégnant, persuasif.

L’ambiance amicale et familiale du dîner a créé une atmosphère particulièrement joyeuse qui fait que personne ne veut quitter la table. La cuisine du Laurent a été éblouissante, la palme allant au dessert le Merveilleux, mais tous les plats ont été réussis, le bœuf rendant le Châteauneuf encore plus sensuel. Le service une fois de plus a été impeccable et attentionné. Nous nous sommes promis de nous revoir bien vite pour jouir à nouveau de tels plaisirs.

Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979

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Champagne Salon 1990

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Bâtard Montrachet Grand Cru Veuve Henri Moroni 1991

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Château Ducru-Beaucaillou 1961

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Château Ausone 1937

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Pétrus 1976

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Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Réservée 1985

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Château d’Yquem 1983

Château Bastor Lamontagne 1929

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Bas Armagnac Boingnères 1970

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la table en fin de repas

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classement et votes du 202ème dîner au Laurent 160618

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201ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages vendredi, 3 juin 2016

Le 201ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Après le 200ème dîner j’ai l’impression que c’est une nouvelle aventure qui démarre. Je viens un peu avant 17 heures pour ouvrir les vins. Aucune odeur ne me paraît problématique et les bouchons ne me posent pas de grandes difficultés. Le parfum le plus extraordinaire est celui du Coutet 1922, un parfum de mille et une nuits, et je suis agréablement surpris par les nez des deux blancs secs de 1938 et 1946.

Ayant terminé assez rapidement l’ouverture des vins, je vais prendre une bière au bistrot 116 qui gravite dans la sphère du chef. Revenant au restaurant, qui vois-je, mon ami Tomo qui est très en avance et vient bavarder avec moi. Il me demande si j’ai soif et je dis oui alors que ce soir nous aurons onze vins pour neuf convives. Tomo commande un Champagne Louis Roederer Cuvée Cristal 2007. L’attaque de ce champagne est riche, et le vin imprègne bien la bouche. Il est un peu dosé, mais cela ne limite pas le plaisir. Nous parlons, nous parlons encore et au bout d’un certain temps, le champagne nous paraît plus monotone, avec un discours un peu trop répétitif. Il est bien sûr agréable mais nous laisse un peu sur notre faim.

Les convives sont tous à l’heure malgré un Paris handicapé par les grèves et les inondations. Nous sommes neuf dont quatre femmes. Il y a des habitués et quatre nouveaux, deux hommes et deux femmes. Après les consignes aux nouveaux, nous passons à table.

Le menu conçu par le chef Ryuji Teshima dit Teshi est : Amuse-Bouche : Percébès / Veau de lait / Bonite / Ceviche / Chips / Pain soufflé crème oseille. Plats : Caviar de Sologne / Carpaccio de bœuf Ozaki / Carpaccio de bar Ikéjimé / Terrine d’agneau de pré-salé / Pigeon de Nièvre de Manuel Michel, sauce salmis / Trio de Bœuf : Simmenthal 40 jours, normande 30 jours de maturation et bœuf Ozaki poêlé sur la fonte et sur le Bincho / Roquefort papillon sur brioche / Baba à la banane, raisin et noisette.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1985 a une magnifique attaque d’une grande vivacité. Nous nous regardons Tomo et moi car ce champagne confirme notre impression sur le Cristal Roederer. Ce Bollinger encore jeune malgré ses trente ans est serein, épanoui et vif, à une étape de sa vie qui constitue un sommet de plénitude.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964 nous emmène dans le monde des vins anciens et c’est pour tous une très heureuse surprise. Le champagne combine un joli pétillant calme avec les saveurs d’un vin liquoreux. On sent des fruits orangés et de la pâtisserie. Ce champagne n’est que douceur et charme. Un régal qui est joliment titillé par les poissons crus. Sa persistance aromatique est forte.

Les deux bordeaux blancs plus anciens sont servis ensemble. Leurs couleurs sont très acajou clair et cela pourrait signifier une madérisation qui m’a poussé à inclure un jeune bordeaux blanc. Mais en fait aucun des deux vins n’a ce défaut. Le Château Laville Haut Brion 1938 est un guerrier, solide dans son armure et conquérant, alors que le Château Carbonnieux blanc 1946 est la sérénité même. Ils sont le jour et la nuit, le Laville voulant briller et convaincre alors que le Carbonnieux est serein, sûr de son équilibre rassurant. Autour de la table, nous allons avoir des avis divergents, chacun des vins étant préféré à l’autre, dans les deux sens. J’ai un faible pour la sérénité assumée et l’équilibre riche du Carbonnieux, même si la vigueur conquérante du Laville a aussi beaucoup d’intérêt. Il serait impossible de donner un âge à chacun des deux vins, car ils sont intemporels. Ils sont très gastronomiques et sont aidés par le caviar en blinis comme par le carpaccio de bœuf Ozaki.

Le Château Haut Brion blanc 1998 a 60 ans de moins que le Laville et 52 ans de moins que le Carbonnieux et malgré ces écarts, il n’y a pas de rupture brutale. Curieusement, c’est le Haut-Brion qui fait plus vieux que son âge, non pas parce que ce serait un défaut, mais plutôt par un tropisme qui lui fait se présenter dans la ligne tracée par les deux précédents. On sent que le Haut-Brion est noble, d’une couleur très claire et d’une acidité sympathique. Le carpaccio de bar très goûteux crée avec lui un accord magnifique. C’est un grand blanc mais dans un tel dîner, le cœur penche vers les plus anciens.

Le Château La Mission Haut Brion 1934 avait un bouchon dont tout le haut était devenu une lourde poussière noire comme de la terre. Heureusement, le bas du bouchon n’était pas affecté. Le vin est agréable, avec des petites notes de truffe, assez calme, mais suffisamment bon pour être couronné d’un vote de premier par l’un des convives. Personnellement, c’est le vin qui est servi avec lui qui attire mon attention.

Le Château Tertre Daugay 1961 a tous les attraits d’un grand 1961. Très beau Saint-Emilion, il est d’un équilibre rare, alliant vivacité et profondeur, je le trouve parfait. C’est un très grand vin qui m’évoque volontiers les grands succès d’un Clos Fourtet. Les deux bordeaux rouges profitent de la terrine très gourmande.

Le Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959 est un superbe bourgogne, très doux. On serait en mal de lui donner un âge. C’est une expression très agréable d’un beau bourgogne calme.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 est d’une toute autre trempe, car c’est le bourgogne sauvage comme je les aime. C’est la 12ème fois que je le mets dans un dîner et c’est chaque fois une bonne surprise. Il a une forte personnalité, plus typé que le Lamarche et une râpe que j’adore. C’est le compagnon idéal du pigeon et des délicieuses viandes, y compris les plus grasses.

C’est au dernier moment, en arrivant pour l’ouverture des vins, que j’ai demandé qu’on ajoute une crème de roquefort sur une petite brioche pour le Château d’Yquem 1970 car j’avais oublié de demander un Stilton. L’accord est superbe et l’Yquem est une très heureuse surprise. C’est un Yquem assez doux, plutôt léger et romantique. Il se boit avec bonheur.

Le Château Coutet Barsac 1922 avait à l’ouverture un parfum inouï et inextinguible de pâtes de fruit que j’ai fait sentir à Dorian, le pâtissier pour qu’il s’en imprègne en réalisant le baba sans alcool à la banane. Ce vin est un miracle. Il a une complexité extrême, explorant des myriades de fruits exotiques et sa douceur est une promesse de luxure. Il est à la fois épais et aérien ce qui est un tour de force. Les votes le sacreront.

Nous sommes neuf à voter pour quatre vins préférés sur les onze du repas. Neuf vins sur onze ont eu des votes, ce qui est particulièrement plaisant. Le Bollinger pourtant excellent n’a pas eu de vote mais il arrive souvent que les vins du début sont oubliés, et le Haut-Brion blanc 1998 certainement parce qu’il est beaucoup plus jeune que les autres vins. Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premier, le Coutet 1922 quatre fois, le Chambertin 1961 deux fois, et une fois pour La Mission 1934, le Vosne Romanée 1959 et l’Yquem 1970.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Coutet Barsac 1922, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959, 4 – Champagne Dom Ruinart 1964, 5 – Château d’Yquem 1970, 6 – Château Carbonnieux blanc 1946.

Mon vote est : 1 – Château Coutet Barsac 1922, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959, 4 – Château Carbonnieux blanc 1946.

La forme de la table assez resserrée a permis que tout le monde parle avec tout le monde, et c’est extrêmement agréable. L’atmosphère a été enjouée, rieuse, ensoleillant ce dîner. Teshi avec son équipe a réalisé un repas très adapté aux vins. Les viandes sont un des points culminants du repas avec le superbe caviar. Des pousse-pied ajoutés aux amuse-bouche se sont révélés les meilleurs que j’aie jamais mangés. Les vins ont fait un « sans faute », les plats ont été pertinents et goûteux, les rires fusaient. Tout cela fait un beau 201ème dîner.

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le bouchon du chambertin est en bas de la photo

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tous les bouchons

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les vins photographiés dans ma cave

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et photographiés au restaurant

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la table en fin de repas

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votes du 201è dîner