Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

189ème dîner de wine-dinners au restaurant Bernard Loiseau jeudi, 4 juin 2015

Après cette belle visite, je retourne à Saulieu où aura lieu demain le 189ème dîner. Le relais Bernard Loiseau étant fermé les mardis et mercredis, je loge à l’hostellerie qui est en face, La tour d’Auxois. Le confort est assez limité. Le dîner, pris sans vin, est honnête sans plus. Un vilain rhume m’a laissé peu de temps pour me reposer. Il faudra de toute façon être en forme demain.

Le 189ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Bernard Loiseau à Saulieu. Depuis des années, je rêvais de faire un dîner en ce lieu, du fait du vif souvenir que j’avais de Bernard, lorsque nous avions partagé une brillante dégustation filmée pour la télévision et racontée dans Paris-Match. Nous avions dîné ensuite chez un restaurateur ami, et ce fut un grand moment d’amitié. J’avais fait part de de cette envie à Dominique Loiseau.

Le hasard fait bien les choses, car un tour opérateur spécialisé dans la visite de vignobles souhaitait que j’organise pour eux un dîner qui serait le point final d’un voyage de quatre jours en Bourgogne pour neuf amateurs de vin qui ont exprimé le désir de trouver à leur table une Romanée Conti et une Tâche. Le programme s’est mis en place avec la collaboration d’Eric Rousseau, le directeur du groupe Bernard Loiseau, qui est un homonyme du vigneron qui est déjà venu aux dîners de vignerons que j’organise chaque année. Le dialogue s’est instauré aussi avec le chef Patrick Bertron.

Les bouteilles avaient été livrées la veille, avant ma visite au Clos des Lambrays. L’hôtel étant fermé mardi et mercredi, j’ai dû coucher à l’hôtel La Tour d’Auxois, au confort qui n’a rien à voir avec celui de l’hôtel Bernard Loiseau. Selon mes instructions les bouteilles ont été mises verticales dans la cave dite des Bordeaux, bien fraîche.

Je me présente à l’hôtel Bernard Loiseau un peu avant midi, et d’emblée, ce qui frappe, c’est que tout le monde applique une réelle politique de service. Les réceptionnistes sont compétentes, Eric Goettelmann le chef sommelier est très attentif à mes demandes. Ma chambre est prête et j’y pose mes affaires. La confort est de haut niveau.

Pour le déjeuner, je souhaite goûter des recettes qui seront mises en œuvre au dîner. Mais les pigeons du dîner n’ont pas encore été livrés et ceux qui sont en cuisine sont traités selon une autre recette. Je goûterai donc la féra du dîner ainsi que le dessert au chocolat, après discussion avec le chef. Le déjeuner se fait à l’eau.

Avant cela on me sert les célèbres cuisses de grenouille au beurre aillé, plat délicieux et gourmand, qui conviendrait aussi bien à un grand blanc bien gras qu’à un rouge charpenté. C’est tellement bon que j’aimerais incorporer ce plat dans notre dîner mais le menu de ce soir est imposant. Le poisson est superbe. Le dessert est un construction complexe autour du chocolat. Je fais enlever la base en nougatine dont le goût me semble trop fort pour le vin prévu. Le chef est d’accord.

A 16h30 j’ouvre les vins dans la cave en présence du sommelier. Il fait tellement chaud en cet après-midi avec des températures avoisinant les 30° que je préfère officier en cave. Deux vins ont des odeurs ingrates qui pourraient signifier qu’ils sont morts, mais contrairement à Eric, j’ai l’espoir d’un retour à la vie. Les parfums des deux vins de la Romanée Conti sont superbes, promettant de beaux moments.

A 20 h, le groupe de neuf arrive, en provenance de Beaune. Il y a parmi eux, un couple de canadiens originaires de Hong-Kong, un Hongkongais, un couple de newyorkais, un californien, un couple de Virginie, et l’accompagnateur, correspondant du voyagiste américain.

Nous prenons l’apéritif dans un salon à cheminée monumentale et je présente l’esprit général des dîners et leur déroulement. Chacun se présente ensuite.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est généreux, facile à comprendre, joyeux, évoquant un miel délicat. Tout le monde l’apprécie.

Nous passons à table. Le menu composé par Patrick Bertron est : belles langoustines rôties duo d’asperges terre de Saône et Lubéron, crémeux yaourt, corail langoustines / dos de féra du lac Léman, étuvée de girolles « têtes de clous » jus amer vin blanc / pavé de veau et Ris, jardin de jeunes légumes et mousseline de pomme de terre Ratte, jus tranché / suprême et cuisse de pigeon au serpolet, petit épeautre crémeux et oignon nouveau farci des abats / Cîteaux de L’abbaye affiné par nos soins servi à la cuillère, noix torréfiées, pain croustillant / osmose de griotte et yaourt Bio, cube de chocolat Taïnori et son moelleux de cerise.

Le Chablis Chauvot-Labaume 1966 avait, lorsque j’ai empaqueté les bouteilles dans ma cave, un bouchon qui était descendu de deux centimètres dans le goulot. Imaginant que ce vin n’arriverait pas indemne en fin de voyage, je l’avais enlevé de la liste des vins, le remplaçant par un Chablis Grand Cru Moutonne Long-Dépaquit Bichot magnum 2002. Le bouchon du 1966 ayant tenu j’ai décidé que les deux vins seraient servis sur les langoustines.

Le Chablis Chauvot-Labaume 1966 se présente assez fatigué mais va amorcer une remontée impressionnante. Et le contraste avec l’autre chablis est spectaculaire. Le Chablis Grand Cru Moutonne Long-Dépaquit Bichot magnum 2002 est un vin jeune mais déjà assemblé et ce qui frappe c’est sa cohérence. Il est incroyablement équilibré, juteux, de grand plaisir. C’est un grand vin cohérent. Le 1966 est beaucoup plus complexe et typé. Il n’est pas tout-à-fait parfait mais ces amateurs éclairés l’aiment. Il n’était pas inscrit sur la liste sur laquelle les convives devaient voter. Il n’a eu qu’un vote. S’il avait figuré sur la liste, il en aurait récolté beaucoup plus.

Les deux meursaults qui accompagnent le délicieux poisson, avec la peau cuite à la perfection, sont tous les deux ambrés. Mais ils ont un caractère incroyable. Ils sont très différents. Le Meursault-Charmes Brunet-Bussy 1957 est salin, sans concession, typé et déroutant. Un bonheur de le boire. Au contraire, le Meursault Château De Meursault Comte De Moucheron 1947 est beaucoup plus civilisé, cohérent, vin de fort caractère et très plaisant. Tout le monde ne comprendrait pas des vins de cette maturité, mais mon groupe les adore.

Il y aura aussi deux vins pour le veau, aussi dissemblables que les deux blancs l’étaient. Le Savigny-Dominode Chanson Père & Fils 1955 a un charme fou. Il est très séduisant. C’est un vin riche d’une année que j’adore pour sa générosité.

Le Gevrey Chambertin Bouchard Aîné 1953 est salin, et évoque par certains aspects les vins du domaine de la Romanée Conti. Les deux sont dissemblables et j’aime autant le vin riche et civilisé et l’original très bourguignon.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983 est un vin que j’ai bu plusieurs fois, d’une année considérée comme faible, mais où les qualités de la Romanée Conti se montrent avec subtilité. Le nez est raffiné, suggestif. La bouche est de fruits rouges un peu acides. Il y a énormément de charme dans ce vin, mais si le vin est grand, il n’est pas aussi grand que d’autres 1983 que j’ai bus, ce qui n’enlève rien à la subtilité particulière de ce vin légendaire. Le pigeon crée un bel accord avec ce grand vin.

Guillaume, le sommelier qui a accompagné avec talent notre parcours m’avait dit qu’Eric Goettelmann me réservait une surprise. Il m’apporte deux vins. L’un est superbe, d’un charme hors du commun. L’autre est moins cohérent et de moindre émotion. Occupé que je suis par mes convives, je n’ai pas le temps d’essayer de deviner.

J’avais peur de l’accord avec le fromage, mais le Cîteaux est exceptionnel. Il va à merveille avec les deux vins du programme. Le Chambertin Camus Père & Fils 1989 est pour moi la grande surprise de la soirée. Il est magnifique de charme, de complexité, d’ampleur et de râpe. Un grand vin que je n’attendais pas à ce niveau. A côté de lui, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1988 me déçoit un peu par rapport à ce que j’attendrais. C’est un beau vin, mais qui manque d’équilibre et d’énergie. Il aura des partisans parmi mes convives. A l’ouverture je l’avais trouvé superbe au nez, mais je ressens un manque.

Le Maury La Coume du Roy 1925 est doté d’une palette gustative quasi infinie il est tout en douceur, avec du café, du chocolat, un peu d’alcool et surtout un charme fou, magnifié par le chocolat et les griottes.

Nous allons passer à la traditionnelle séance des votes. Les femmes sont moins à l’aise que les hommes face à cet exercice, car il n’est sans doute pas dans leur habitude de classer les vins qu’elles boivent. Nous sommes dix et nous votons pour quatre vins sur onze. Il faut se souvenir qu’à l’ouverture deux vins paraissaient très faibles. Or les onze vins figurent tous dans au moins un vote, ce qui veut dire qu’il y a au moins quelqu’un qui a estimé que chaque vin devrait figurer dans les quatre premiers. Aussi surprenant, alors qu’il y a deux vins du domaine de la Romanée Conti, six vins sur onze ont été nommés premiers, ce qui est fou. La Romanée Conti a été votée quatre fois première, le Meursault 1947 deux fois et le champagne 1996, le Gevrey 1953, La Tâche 1988 et le Maury 1925 ont chacun eu un votre de premier. Alors que ce groupe avait décidé de venir à ce dîner pour la Romanée Conti, six sur neuf ont choisi un autre vin comme premier, sans se laisser impressionner par le prestige de l’étiquette.

Le classement du consensus serait : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Meursault Château De Meursault Comte De Moucheron 1947, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1988, 4 – Savigny-Dominode Chanson Père & Fils 1955 , 5 – Chambertin Camus Père & Fils 1989.

Mon classement est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chambertin Camus Père & Fils 1989, 3 – Savigny-Dominode Chanson Père & Fils 1955 , 4 – Meursault Château De Meursault Comte De Moucheron 1947.

C’est alors qu’arrive à notre table Thibaut Liger-Belair qui dinait dans une autre salle avec des amis. C’est lui qui m’a fait porter les deux verres. L’un est un Richebourg Marey & Liger-Belair 1934 superbe et émouvant. Le second, moins réussi est un Mazoyères Chambertin Marey & Liger-Belair 1936. Je suis le seul de notre table à les avoirs bus et j’aurais volontiers mis le 1934 dans les tout premiers de mon classement.

Les amateurs de vins de notre table, de toutes origines et qui se sont liés d’amitié au cours de leurs quatre jours en Bourgogne ont été conquis par les vins anciens de ce dîner. Les plus belles surprises ont été surtout du côté des vins inconnus, moins emblématiques que les vins attendus du dîner. Bien sûr intrinsèquement ceux-ci sont plus grands, mais comme on en attendait beaucoup, les surprises sont venues là où on ne les attendait pas.

Le restaurant a fait beaucoup d’efforts pour que ce repas soit une réussite. Ce fut un grand repas, la cuisine étant parfaitement exécutée, le service attentif, et tous les vins de grand intérêt.

 

le déjeuner « d’essai » du midi

2015-06-04 12.29.00 2015-06-04 12.53.01 2015-06-04 13.05.17 2015-06-04 13.25.15 2015-06-04 13.35.28

les vins du dîner

DSC01478

DSC01480

on peut voir la crainte que j’avais du bouchon descendu de ce chablis, avant le départ vers la Bourgogne

DSC01482 DSC01483DSC01484DSC02012

DSC01485 DSC01486DSC02000

DSC01487 DSC01488

DSC01489 DSC01490DSC02003

DSC01495 DSC01496DSC02008

DSC01501 DSC01502DSC02004 DSC02006

DSC01491 DSC01492

DSC01497 DSC01499DSC02009

DSC01503 DSC01504DSC02013

les vins, présentés dans ma cave

DSC01548

les vins rangés dans la cave de Bernard Loiseau

DSC01999

DSC02015

DSC02018

les bouchons mis dans la salle à manger

DSC02020

les plats

DSC02022 DSC02023 DSC02025 DSC02026 DSC02029 DSC02037 DSC02038

les apports de Thibaud Liger-Belair qui dînait dans une salle voisine

DSC02032 DSC02033

DSC02034

les votes

RANKING WINES DINNER 189th LOISEAU

la table en fin de soirée

DSC02042 DSC02043

MENU BERNARD LOISEAU 150604 001 MENU BERNARD LOISEAU 150604 002 MENU BERNARD LOISEAU 150604 005

188ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 28 mai 2015

Le 188ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Nous serons six, en groupe restreint, et notre table est installée au rez-de-chaussée. En ce jour où l’on a panthéonisé quatre résistants en respectant la parité, notre table s’est mise au diapason puisqu’il y aura autant d’hommes que de femmes, pour un dîner républicain, oserais-je dire citoyen.

J’ouvre les bouteilles à partir de 17 heures. Les bouchons sont de belle qualité même s’ils se brisent, ce qui est normal pour des vins de plus d’un demi-siècle. Les parfums des vins à l’ouverture sont prometteurs. Celui du Coutet 1924 est un bonheur.

Les convives arrivent et je donne les dernières consignes avant l’envol du repas.

Le menu composé par Alain Solivérès est : langoustines croustillantes en aigre-doux / foie gras de canard des Landes, gelée au verjus / homard bleu en cocotte lutée / selle d’agneau de l’Aveyron, côtes et feuilles de blettes / pigeon de Racan aux girolles / alliance amandes et cerises.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1992 est classique, confortable, sans folie. On pourrait lui reprocher un certain manque d’extravagance, mais son millésime le conduit à avoir ce classicisme. Il accompagne dignement les gougères et le jambon Pata Negra.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est mon chouchou. C’est, à mon sens, la plus belle année pour les Dom Pérignon des années postérieures à 1950. Dans le palais, le goût joue au ricochet. Ça commence par des fleurs roses et blanches, puis des fruits roses et rouges et ça finit par des fruits confits. Le vin au pétillant présent supporté par une bulle fine et discrète est fou de complexité. Il est charmeur. C’est un régal.

Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1992 est servi avant le plat, ce que je ne souhaite normalement pas, car le vin doit se boire avec son plat et non pas avec en bouche la mémoire du plat précédent. Il est discret, sérieux, d’un jaune clair magnifique. Dès que le plat est servi, c’est le jour et la nuit. Le parfum est profond, collant au fumet du plat et le vin s’anime. Il forme avec le homard un accord exceptionnel. Le homard étant lui-même délicieux et fortement goûteux, on nage dans la luxure.

Les deux bordeaux rouges sont servis ensemble. Le Château Margaux 1945 a un nez sublime. Tout en ce parfum est élégant, féminin, racé. Le nez du Château Latour 1947 est plus profond, plus lourd et plus riche. Et c’est confirmé en bouche. La Margaux a un charme, une séduction et une longueur qui sont extrêmes et il y a aussi une charpente de grand vin.

Le Latour est plus guerrier, riche, profond, porté vers la truffe, et sa longueur est infinie. Nous sommes face à deux expressions très différentes du grand vin de Bordeaux, au sommet de son art. Les deux sont de grande race, formant une juxtaposition féminin – masculin exactement comme au Panthéon nouvelle manière et à notre table. J’adore voir les airs surpris des nouveaux convives, qui n’imaginaient jamais que des vins « aussi vieux » pouvaient dégager tant de complexités et de grandeur. Bien malin celui qui pourrait dire lequel est le meilleur, tant ils sont au sommet de leur art dans des expressions opposées.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 est un petit bijou de douceur. Rond, équilibré, serein, il est adorable. Je l’attendais pour donner la réplique aux bordeaux, mais après tant de grandeur et de complexité, il a un peu de mal à se situer au même niveau. J’avais un bel espoir de confrontation, car j’aime ce 1962 qui n’a pas l’ombre d’un défaut, mais les Margaux et Latour sont trop exceptionnels. Pourtant, le pigeon superbe a donné un grand coup de fouet à ce bel Hermitage.

Le Château Coutet Barsac 1924 est d’une couleur ambrée très sombre. Dans le verre, cela devient de l’or. Le nez est complexe, avec les évocations de tous les fruits exotiques que l’on pourrait imaginer. Le vin est glorieux, au sucre intact, au gras certain, et, ce qui est agréable avec les liquoreux, c’est qu’on ne leur trouve pas un seul défaut.

Les yeux brillent à notre table, car les vins ont fait un sans-faute total. Il est temps de voter, à six convives pour quatre vins préférés sur les sept du programme. Six vins sur sept ont des votes, le Bollinger passé en premier ayant joué son rôle d’ouvreur.

Trois vins ont été déclarés premier, le Margaux trois fois, le Latour deux fois et le Dom Pérignon une fois. Influencé par les places de premier, j’ai déclaré le Margaux 1945 vainqueur mais en faisant le calcul, c’est le Coutet qui obtient la première place car il est le seul à figurer dans les six feuilles de votes, dont cinq fois en seconde place.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Coutet Barsac 1924, 2 – Château Margaux 1945, 3 – Château Latour 1947, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962.

Mon vote est : 1 – Château Latour 1947, 2 – Château Coutet Barsac 1924, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 4 – Château Margaux 1945.

Un repas à six est agréable car tout le monde converse avec tous. Deux plats émergent, le homard et le pigeon. Le service est toujours aussi prévenant. Pour nous faire plaisir, Jean-Marie Ancher nous a fait servir un Armagnac Comte de Boisséson 1947 très joyeux et fort de ses 44°. Une fois de plus la démonstration a été faite de la vivacité et de la grandeur des vins anciens.

DSC01454

DSC01452

DSC01456

DSC01458 DSC01461

la couleur de la capsule du Latour varie selon l’éclairage

DSC01462 DSC01466 DSC01813

DSC01467

DSC01472 DSC01475

DSC01477 DSC01806

DSC01810 DSC01816 DSC01818 DSC01822 DSC01825

DSC01826 DSC01828 DSC01831 DSC01832 DSC01835 DSC01837

DSC01838 DSC01839

DSC01841 DSC01842

M27052015 P1 M27052015 P2 M27052015 P3 VOTE 27052015

Conférence dégustation à Sup de Luxe mercredi, 29 avril 2015

Une nouvelle fois, je suis invité à faire une conférence dégustation pour des élèves de l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe qui a une liaison étroite avec la Maison Cartier. C’est d’ailleurs au siège de la fondation que se tient la conférence. Je parle devant huit élèves et deux dirigeants de l’école. On peut difficilement imaginer plus cosmopolite car j’ai devant moi : une espagnole, une suissesse, une hongroise, une turque, deux indiennes, une brésilienne et un zimbabwéen. Tous ces élèves qui ont déjà une expérience professionnelle dans le domaine du luxe se destinent à de brillantes carrières dans leurs pays ou à l’international. Thibaut de la Rivière, le directeur de l’école, voit en eux des ambassadeurs de l’excellence française. C’est donc une bonne occasion de parler de ce patrimoine français unique, celui des vins anciens.

Rien ne vaut une expérience ludique, aussi nous allons comparer deux vins du Jura, un jeune et un vieux, puis deux Maury.

Le Vin Jaune d’Arbois le grand Curoulet Robert Aviet 1992 a un nez de marc ou de grappa tant l’alcool paraît fort. Le nez évoque la noix. En bouche, il est fort, assez percutant, porté par sa noix.

Le Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1955 paraît beaucoup plus doux. Son nez floral est d’un charme rare. Ce vin est romantique. On lui trouvera des fruits rouges et des fleurs fraîches.

L’exercice qui vient ensuite est de voir comment les vins changent lorsqu’on les associe à un comté affiné de 18 mois. Le vin jaune resplendit avec le fromage. Il gagne en séduction, au point que l’on ne sait plus si la trace en bouche vient du vin ou du fromage. Le vin perd sa sensation d’alcool fort et se domestique.

L’association du 1955 avec le 1992 ne profite pas tant au 1955 plus frêle et dont la discrétion est accentuée par ce voisinage. Et le vin ne profite pas tant que cela de l’association avec le comté. En fait, pour le comté, il faut un vin qui a de la râpe, un vin jaune vif. Lorsque le 1955 est bu sans comté, on retrouve son romantisme et le côté fruit-fleur. Il est charmant, printanier. En fin de dégustation, le 1992 s’est considérablement assagi. Il n’y a pas de gagnant entre les deux vins, mais la combinaison gagnante est avec le 1992.

Le deuxième exercice est de goûter deux Maury puis de les associer avec trois chocolats.

Le Maury Cuvée Agnès, domaine de la Coume du Roy 1998 est d’une couleur très foncée. Le nez est profond, incisif et ce vin évoque le pruneau. Il est riche, juteux, joyeux.

Le Maury domaine de la Coume du Roy 1939 vieilli en foudres de chêne est beaucoup plus clair. Il est délicieusement doux. J’adore ce vin délicat où l’on retrouve des traces de café. La cohabitation des deux est intéressante car aucun ne nuit à l’autre. Le 1998 a la fougue de la jeunesse, le 1939 a la jouissance sensuelle et discrète.

Nous avons devant nous un chocolat Quito, ganache au chocolat noir mi-amer, un chocolat Akosombo ganache au chocolat noir avec un cacao du Ghana et l’Extrême Chocolat, ganache au chocolat noir de cacao pur.

Tout le monde constate que le chocolat apporte beaucoup au Maury, et beaucoup plus au 1998 qui s’assouplit qu’au 1939 qui varie peu de sa trajectoire. Chacun a ses préférences. J’ai trouvé que c’est l’Extrême qui convient le mieux au 1998 et l’Akosombo qui se marie le mieux au 1939.

Ce qui est intéressant dans ces deux expériences, c’est que l’influence du mets est beaucoup plus grande sur le vin le plus jeune, en le rendant beaucoup plus civilisé et en l’arrondissant. Le plus vieux vin est moins influencé, car il a déjà trouvé son équilibre. Et ce que je retiens, c’est que jeune et vieux ont chacun leur intérêt dans les accords.

J’ai répondu à mille questions posées par ces élèves très motivés. Certains feront de belles carrières. Ils en montrent tous les signes.

DSC00239 DSC00240

DSC00235 DSC00237 DSC00238

DSC00234

DSC00242

DSC01437

Ci-dessus dans l’ordre au deuxième plan : Zimbabwéen, hongroise/allemande, indienne, indienne, brésilienne, espagnole, suissesse, français (Michel Guten), turque. Au premier plan Thibaut de la Rivière.

DSC01439

187ème dîner de wine-dinners à l’Atelier Robuchon de Londres dimanche, 26 avril 2015

Je quitte mon petit groupe, après la dégustation des cognacs Martell, pour aller ouvrir les bouteilles du dîner. Elles ont été mises verticales hier pour que les sédiments reposent au fond des bouteilles. Une jeune sommelière efficace m’aide avec motivation. Des bouchons me résistent, mais j’arrive à bout de tous. Les odeurs sont engageantes sauf peut-être celle du Château Chalon qui me semble un peu fatigué.

De retour à mon hôtel, je réponds à des questions d’un journaliste qui fera partie des convives du dîner. Il est temps d’aller au restaurant Atelier Robuchon où va se tenir le 187ème dîner de wine-dinners. Dans l’immeuble, l’atelier comptoir est au rez-de-chaussée, le restaurant où nous avons notre table est au premier étage et le bar est au troisième étage. Arrivé à l’heure pile, j’attends avec le journaliste les convives et personne ne vient, ce qui me surprend car tout le monde connaît l’heure du ralliement. Je descends avec le journaliste pour sortir et recevoir les invités sur le trottoir. Et là, nous attendons encore ce qui me semble de plus en plus suspect. En fait par une erreur qui m’a agacé, on a fait monter tous les convives directement au bar du troisième étage, par l’ascenseur, sans me prévenir des arrivées. De leur côté les convives s’inquiétaient de mon retard. Ils ont senti que je n’étais pas content.

Alexander m’avait proposé d’insérer dans le programme du dîner un champagne jeune car par un hasard particulier les deux champagnes de ce soir sont des champagnes du groupe Pernod Ricard ce qui a justifié l’inscription d’Alexander.

Le Champagne Perrier Jouët Cuvée Belle Epoque 2006 est vif, peu complexe et réagit bien à des tranches fines d’un jambon Pata Negra bien gras. Cet apéritif impromptu pris au bar me permet de donner les consignes d’usage pour les convives dont un seul a participé à l’un de mes dîners. Nous sommes neuf, dont Tom, le journaliste, Alban chez qui je dînais hier avec Hugh Johnson, la présidente d’un Tour Opérateur new-yorkais avec lequel je vais organiser un dîner prochainement, Alexander qui a organisé la dégustation de cognacs, une amie française vivant à Londres et son mari et ma collaboratrice et son mari.

Le menu découverte de l’Atelier, revu hier avec le directeur en fonction des vins est : Le foie gras frais de canard au naturel / Le caviar de Sologne impérial en symphonie de saumon en tartare / Les noix de Saint-Jacques poêlées, asperges vertes du Vaucluse / L’œuf coque sans coque sur une émulsion de morilles / Le homard d’Ecosse rôti à l’estragon, gnocchi et sauce Château Chalon / Cabillaud sur une purée de petits pois / La joue de veau confite, jus Thaï épicé et légumes croquants / Comté affiné 24 mois / La perle bulle au litchi rose, surprise pétillante et son sorbet framboise / Le citron au granité cachaca, crumble et mousse légère au citron vert.

Le Champagne Perrier Jouët Cuvée Belle Epoque 1982 donne une démonstration spectaculaire. Il est d’une jeunesse folle et d’une vivacité exemplaire et le saut qualitatif par rapport au 2006 est tel que l’on imagine volontiers qu’il est absurde de boire des champagnes aussi jeunes que le 2006 dont l’intérêt est à peine un dixième de ce qu’offre le 1982. On pourrait dire que ce champagne est glorieux, au fruit bien campé, généreux et comblant nos désirs. La démonstration est percutante.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 qui n’a que trois ans d’écart avec le 1982 donne l’impression d’en avoir vingt de plus. Certains convives préfèrent le 1982 mais très rapidement ils mesurent à quel point ce champagne est plus profond et plus racé que le 1982. C’est un champagne à la personnalité conquérante. Vif, cinglant, il est guerrier. Sa noblesse est impressionnante. L’accord avec le caviar, dont la qualité est faible, s’est trouvé grâce au tartare.

Le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985 explose dans nos narines. Il a un parfum incroyablement puissant et généreux. Ce vin au jaune d’or clair est dans un épanouissement incroyable. Il a une foi à déplacer les montagnes. Il n’emplit pas la bouche, il l’envahit. Sa trace est infinie. C’est un vin à la maturité rayonnante, juteux comme un fruit mûr.

Les deux bordeaux vont être servis côte-à-côte pour deux plats. D’emblée on mesure à quel point l’oxygénation lente, obtenue en ouvrant les vins longtemps à l’avance, donne aux vins une plénitude extrême. Le Château Tertre-Daugay Saint-Emilion 1961 est dans un état de grâce absolu. L’année 1961 est une des plus grandes du siècle et l’on sent que ce vin a atteint sa plénitude. Rond, charmant racé, c’est le gendre idéal. Quelle gourmandise.

Le Château Malartic Lagravière 1928 qui évoque la truffe noire est encore plus spectaculaire. Si l’on disait qu’il est de 1953, personne ne serait étonné. Il a l’assise solide des Graves et un épanouissement qui me ravit. Ces deux bordeaux sont dans l’idéal de ce qu’on pourrait en attendre. Le 1928 a atteint une forme d’éternité car j’imagine aisément que dans trente ans, il se présenterait de la même façon. On a souvent cette impression avec les vins de 1928.

Le Chambolle-Musigny Jean Bouchard 1959 est annoncé par certains convives comme ayant un goût d’écurie, ce que je n’ai pas perçu sur la première goutte dont je fus servi. Je m’en aperçois lorsque je suis resservi mais ce n’est pas autrement gênant. Le vin est bourguignon, très doux, et le goût d’écurie, dans le final, virilise le message sans le détruire.

Le Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949 servi en même temps que le bourgogne n’en paraît que meilleur. Son message est facile à lire, serein, mais comme pour le 1928, il paraît éternel, ayant atteint une forme d’ultime accomplissement. J’avais apporté hier chez Alban un chambertin et un Châteauneuf du Pape et le chambertin avait surclassé de son charme le vin du Rhône moins complet. Ici c’est l’inverse, c’est le rhodanien dont le message a une cohérence aboutie, vin gourmand et intense au final très long.

Dès qu’on me sert la première goutte du F. Lung vin d’Algérie 1947, j’ai un large sourire. Je vais pouvoir montrer à mes convives pour lesquels ce vin est une inconnue, que l’Algérie a fait des vins de première grandeur dans les années 30 et 40. Et ce vin en est une glorieuse démonstration. Il a à la fois la complexité des grands bordeaux, le charme des grands bourgognes, et un je ne sais quoi de prestance de plus. Je suis aux anges, et mes convives aussi. Il y a du café dans ce vin et une force contenue qui trace une piste gustative très inhabituelle. L’accord avec la joue de veau est superbe.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1942 est très convenable et délivre bien les intonations d’un vin jaune, mais il est un peu plat, comme affadi, sans blessure réelle. Fort heureusement, le délicieux comté lui permet de rattraper un peu de la vigueur qu’il devrait avoir car 1942 est une grande année.

Le Château Filhot Sauternes 1935 est un vin que j’ai bu de nombreuses fois et que j’adore. Celui-ci a objectivement mangé son sucre mais cela n’enlève rien à son charme si l’on sait apprécier les sauternes devenus plus secs. Et c’est même un avantage avec les desserts légers et très bons du menu.

Globalement, le bilan des vins est très positif avec plusieurs vins qui se sont présentés dans un état de grâce exceptionnel. J’avais annoncé à mes convives avant le repas que les votes pour les meilleurs vins sont toujours des surprises, car la diversité des votes est quasiment inexplicable. Ce dîner en apporte la confirmation.

Les votes des meilleurs vins de la soirée sont faits par chacun selon des critères qui lui sont propres. Pour neuf votants six vins sur dix ont été classés premiers. C’est assez incroyable : Le vin d’Algérie 1947 et le Malartic Lagravière 1928 ont été chacun deux fois premiers, et le Châteauneuf 1949, le Chevalier Montrachet 1985, le Perrier Jouët 1982 et le Mumm 1979 ont été classés une fois premier. Un tir aussi dispersé est assez fou. Et ce qui me ravit profondément, c’est que sur les dix vins que j’ai mis dans ce dîner, les dix figurent au moins une fois dans la feuille de vote des quatre meilleurs vins. C’est une satisfaction immense : mes « enfants » ont été présents au rendez-vous que notre table leur avait donné.

Le vote du consensus serait : 1 – F. Lung vin d’Algérie 1947, 2 – Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 3 – Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979, 4 – Château Malartic Lagravière 1928, 5 – Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985.

Mon vote est : 1 – F. Lung vin d’Algérie 1947, 2 – Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 3 – Château Malartic Lagravière 1928, 4 – Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985.

Nous sommes partis du menu découverte de l’Atelier Robuchon, remanié pour certaines présentations, et cela a fonctionné de façon pertinente, sauf peut-être pour les petits pois du cabillaud qui n’ont rien apporté aux vins. Nous avons félicité le chef venu nous saluer. Le plus bel accord fut la joue de veau sur le F. Lung 1947, suivi du homard avec le Malartic 1928. Le service fut attentif, prévenant et professionnel.

Pour beaucoup de convives, cette entrée dans le monde des vins anciens fut une découverte et aussi une heureuse surprise. Beaucoup des londoniens présents prédisent des suites à ce dîner. Est-ce que la conquête de Londres est sur les rails ? L’atmosphère londonienne me plait, au point que j’en ai envie.

DSC00164 DSC00165

DSC00166 DSC00167

DSC00170 DSC00171

DSC00178 DSC00179

DSC00176 DSC00177

DSC00182 DSC00183

DSC00180 DSC00181

DSC00168 DSC00169

DSC00174 DSC00175

DSC00172 DSC00173

DSC00186

DSC01410 DSC01411 DSC01414

DSC01415 DSC01416

DSC01417

DSC01419 DSC01420 DSC01421 DSC01422 DSC01425 DSC01426 DSC01428 DSC01429

les mêmes plats, mais photographiés par le restaurateur lui-même

image001 image002 image004 image015 image019 image022 image024

la table en fin de repas

DSC01433

menu Joël Robuchon 150414 001

25042015

Déjeuner au restaurant Paloma à Mougins jeudi, 2 avril 2015

Cela fait presque douze ans qu’un journaliste, Patrick Flet, avait fait un article sur l’un de mes dîners auquel il avait participé et qu’il avait apprécié. Entre autres activités, il travaille avec l’office de tourisme de Mougins pour l’organisation d’une grande fête populaire : « les Etoiles de Mougins, festival international de la gastronomie ». Pendant trois jours, Mougins devient une capitale de la gastronomie, avec des animations, des événements, des stands de dégustation à tous les coins de rue et la présence de nombreux grands chefs. Par certains côtés, cela ressemble à la Percée du Vin Jaune, fête populaire que j’adore, mais centrée ici sur les mets, les saveurs et la gastronomie.

L’idée est née que j’organise un dîner à Mougins pendant « les Etoiles de Mougins » qui se tiendra les 18, 19 et 20 septembre 2015.

Considérant cela comme une nouvelle aventure, je me rends à Mougins pour rencontrer les responsables de l’office de tourisme de Mougins et étudier avec eux la cuisine du chef du restaurant Paloma, où devrait se tenir l’un de mes dîners le vendredi 18 septembre. Nicolas Decherchi, jeune chef de 32 ans, a été très rapidement couronné d’une étoile.

J’arrive dans la vieille ville de Mougins par un beau soleil et le panorama est saisissant, car d’un côté on peut voir la baie de Cannes et de l’autre les Alpes aux sommets encore couverts de neige.

Je choisis trois plats différents pour juger non pas le talent du chef, car je ne suis pas là pour ça, mais pour vérifier que sa cuisine peut être compatible avec les vins anciens. Il y aura : langoustines en deux façons, tartare de langoustines à l’orange et citron vert accompagné d’une langoustine rôtie au kumquat et carpaccio d’orange au poivre / noix de coquilles Saint-Jacques label rouge rôties au beurre demi-sel fumé, saupoudré d’orange confite, accompagnées d’une fine mousseline de topinambour à la truffe et gnocchi de pomme ratte / pomme de ris de veau du Sud-Ouest surmontée d’un craquelin de parmesan, accompagnée d’une mijotée de riz aux olives vertes et speck fumé et de sa pomme de terre confite aux oignons caramélisés et reblochon fermier / tarte citron yuzu, tartelette sablée garnie d’une dacquoise amande et d’un confit citron, rehaussée d’une mousse au yuzu..

Les intitulés indiquent que chaque plat est une addition de saveurs qui pourraient se contrarier, d’où l’intérêt de vérifier.

Les trois beurres Bordier sont une invitation à la gourmandise ! L’amuse-bouche commence par une barbe à papa de foie gras (si ma mémoire est bonne) qui est ludique, amusante et évocatrice de souvenirs d’enfance, revisités. C’est bon. Les trois petits amuse-bouche sont délicieux et goûteux. Comme dans tous les restaurants, cela plante le décor et permet de se dire qu’on va se régaler.

La mise en bouche est une agréable gelée très cohérente, qui conviendrait parfaitement lors d’un dîner de vins anciens.

Le tartare de langoustine ne met pas assez en valeur la chair, masquée par ce qui l’entoure. La langoustine est superbement cuite et de grande qualité, mais la sauce au kumquat, généreusement servie, étouffe la chair brillante. Il faudrait ne garder que la langoustine, avec une suggestion infime de l’agrume.

Les Saint-Jacques sont de grande qualité et le plat est excellent. La purée de topinambour est cohérente avec le plat mais devrait être un peu plus discrète. Voici un plat que les vins anciens comprendraient.

Le ris de veau apporte la troisième preuve que le chef se fournit de produits de qualité. Il faudrait alléger la lourde sauce et les à-côtés qui ont, comme pour le premier plat, un peu tendance à étouffer le produit principal.

Le dessert est très bon, et pourrait convenir à d’antiques liquoreux.

Le Champagne Bollinger Grande Année 2004 est toujours aussi solide, brillant, confortable et sans problème. Il n’a aucune difficulté de message, car il est franc, emplit bien la bouche et se boit avec plaisir.

J’avais lu sur la carte des vins que l’on propose un Beaucastel Œnothèque 2000. Je connais le Beaucastel normal et le fameux hommage à Jacques Perrin, mais d’œnothèque, je n’en ai aucune idée. En fait l’étiquette porte la mention « Œnothèque famille Perrin » mais qui ne correspond à aucune différence par rapport au Châteauneuf-du-Pape traditionnel. Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 2000 est une magnifique surprise. Je n’aurais pas imaginé qu’il ait atteint un tel stade de maturité. Il est riche. Tout en lui est brillant, l’équilibre, la mâche, la persuasion, la longueur. C’est un vin de grand caractère, et pour mon goût, c’est sa sérénité qui est son atout de séduction. Avec le ris de veau, c’est une merveille. C’est un très grand Châteauneuf-du-Pape.

Pour les desserts un verre de Champagne rosé de blancs Pierre Gimonnet & Fils Brut est franc, superbe, goûteux comme il convient.

Le repas est superbe et j’ai félicité le chef. Mais les plats tels qu’ils sont, doivent être retravaillés pour des dîners de vins anciens. Le chef a parfaitement compris ma demande et nous trouverons sans difficulté les plats qui feront apprécier son talent tout en se montrant « à l’écoute » des vins anciens.

La vue de la salle du restaurant est magnifique. La décoration est chargée mais elle a un style. Le service est attentionné mais commet de petites erreurs comme de carafer le vin sans me l’avoir demandé. On sent une équipe qui veut bien faire et un chef talentueux et ambitieux. Ce sera un plaisir de faire un de mes dîners dans ce bel écrin.

la barbe à papa

DSC01128

les beurres Bordier

DSC01130

DSC01126 DSC01131 DSC01132 DSC01133 DSC01136 DSC01138 DSC01142 DSC01144

DSC01152

DSC01150 DSC01151

DSC01153

14ème dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent samedi, 13 décembre 2014

Le quatorzième dîner de vignerons que j’organise chaque année depuis 2001 en l’honneur de Bipin Desai, grand collectionneur américain, se tient au restaurant Laurent. C’est un grand honneur pour moi et un grand plaisir pour les participants qui sont des habitués. Tous les présents sont déjà venus à au moins l’un de ces dîners. Notre groupe de ce soir compte : Caroline Frey – Bérénice Lurton – Didier Depond – Louis-Michel Liger-Belair – Jean-Charles de la Morinière – Egon Müller – Jean-Luc Pépin – Sylvain Pitiot – Jean Trimbach – Aubert de Villaine – Bipin Desai – François Audouze. Chacun des présents apporte un ou deux vins sauf Bipin Desai qui nous invite. Richard Geoffroy qui ne peut pas être avec nous sera représenté par un vin.

Sur les conseils de Jean-Luc Pépin, le Musigny Comte de Vogüé 1990 a été ouvert ce matin à 10 heures. Je commence l’ouverture des autres vins à 17 heures. Le seul bouchon qui vient en charpie est celui du magnum de Lanessan 1914 que j’ai apporté. La seule odeur qui pourrait poser question est celle du Clos de Tart 1940, car le vin sent le champignon et la serpillière.

Didier Depond est le premier arrivé aussi pouvons-nous trinquer tous les deux puisque le premier vin à servir est le sien. C’est le Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum. Didier en profite pour ouvrir le Salon 1964 et les premières gouttes que nous partageons du même verre nous font sourire : il sera grand.

La première gorgée du Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum que je connais bien me paraît manquer d’étoffe. Mais le champagne est froid et dès qu’il s’épanouit, on retrouve l’ampleur naturelle de ce beau blanc de blancs vif, claquant sur la langue à la belle longueur. Des gougères et une friture d’éperlans animent ce beau champagne confortable d’acidité mesurée.

Le menu conçu par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon dont j’avais reçu le projet m’était apparu d’une rare intelligence. J’ai juste demandé d’inverser deux plats pour rendre plus pertinent l’ordre des vins. Ce menu est un modèle du genre : terrine de gibiers et foie gras en croûte, moutarde de Crémone / champignons sauvages dans une nage beurrée iodée / homard servi à la façon d’une bourride / joues de veau fondantes et moelle / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, pommes soufflées / pâté farci d’un lièvre à la royale / risotto à la truffe blanche / crème glacée aux marrons / salade de mangues fraîches.

Le Champagne Salon 1964 est dans une forme éblouissante. Le nez commence par avoir quelques traces amères mais qui disparaissent et en bouche, c’est un festival de complexités. Je perçois beaucoup de petits fruits roses et rouges, en bouquet frais, mais aussi du miel et des amandes. Il est tellement varié qu’on pourrait l’analyser à l’infini. Il a une joie de vivre qui est communicative. C’est un très grand Salon riche et persuasif.

Sur les champignons nous avons deux vins très dissemblables. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1989 est d’un charme féminin de première grandeur. Il est précis, ample, et joue sur sa grâce. A côté de lui, le Musigny Blanc Comte de Vogüé 1989 est un rouleau compresseur. C’est Attila, roi des Huns, qui conquiert et envahit. Il a une force de persuasion gigantesque tout en étant gourmand. Les femmes de notre table préfèrent le Corton-Charlemagne. Les hommes seraient plus volontiers partisans de l’envahisseur, ce Musigny si étonnant de richesse et de puissance. C’est le Musigny qui trouve le meilleur écho avec les champignons.

Sur le homard aussi apparaissent deux vins dissemblables. Il le sont déjà par la couleur puisque le Riesling Cuvée Frédéric Emile Maison Trimbach magnum 1976 est très ambré, ce qui indique, ainsi que le goût, la présence d’un botrytis assez marqué. Ce vin est splendide, gourmand, avec des notes fumées, des notes de botrytis et une longueur rare.

Le Riesling Scharzhofberger Kabinett Egon Müller 1990 est très différent. Sa couleur est claire et blanche comme un vin de l’année. Le vin avec une petite pointe sucrée est d’un charme et d’une élégance rares. Il est frais, avec des petites notes de fruits blancs et de lacté, et s’efface un peu à côté du Trimbach très conquérant. Jean Trimbach est très fier de la performance de son vin qui correspond à ce qu’il attendait ou espérait.

Le Château Lanessan Haut-Médoc Delbos Bouteiller magnum 1914 avait un bouchon d’origine dont je montre les miettes à toute la table, et un niveau quasiment dans le goulot ce qui est rare. Le nez n’est pas d’une grande précision, mais tout se rattrape en bouche dont Sylvain Pitiot dit que c’est elle qui a la plus grande énergie des trois vins servis ensemble. Ce vin est plein en bouche, évoque la truffe noire, et me ravit par son équilibre et une présence encore jeune pour un vin de cent ans. Seul Aubert de Villaine ne le trouve pas à son goût. Le vin profite bien des délicieuses joues de veau.

Le Clos de Tart 1940 dont le nez était incertain à l’ouverture n’a plus de défaut. Ce qui frappe c’est son charme. Sylvain Pitiot ne l’avait jamais bu. Il s’agit d’un achat qu’il a fait et non pas d’un vin qui a vieilli dans la cave du Clos. Le vin est très élégant, un peu frêle mais porteur de grand plaisir. Le mot qui lui convient est « charme ».

L’Echézeaux Château de Corton André 1934 a été apporté par Caroline Frey comme un clin d’œil, car sa famille vient d’acheter le Corton André. Elle est sans illusion sur l’intérêt de ce vin mais il se présente très équilibré, agréable à boire, même si l’alcool se met un peu trop en avant. Ce n’est pas un vin très complexe mais plaisant. Des trois vins qui accompagnent la joue, le Clos de Tart est le plus charmeur, le Lanessan est le plus vif et charpenté. La joue de veau se marie bien avec les trois, avantageant l’Echézeaux.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1966 fait une impression forte immédiate. Tout en ce vin est idéal. Le parfum est intense, avec le sel que j’aime tant dans les vins du domaine. En bouche, il est d’une rare puissance alors qu’il est élégant et racé. Son final prend possession du palais. C’est un très grand vin, très vineux, le meilleur pour moi de la soirée. Aussi, la partie est difficile pour la Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1990 qui est servie en même temps que le Richebourg. Elle paraît discrète, sans grande vibration, mais il suffit d’attendre, car son réveil est spectaculaire. Elle va progressivement s’affirmer, s’élargir, montrer des signes de grandeur, mais elle est quand même dans l’ombre du Richebourg. Louis-Michel Liger-Belair aurait préféré que l’on tente une confrontation avec le Musigny 1990 qui va suivre.

Il faut bien la richesse du pâté farci d’un lièvre à la royale pour contenir la fougue des deux vins puissants qui sont servis maintenant. Le Musigny « Vieilles Vignes » Comte de Vogüé 1990 est un jeune chien fou débordant d’énergie. Je comprends mieux l’avertissement que nous avait fait Freddy Vifian au Tan Dinh lorsque nous avons commandé ce vin il y a peu de temps dans son restaurant. Mais j’adore ce vin dans sa fougue. Il est extrêmement poivré, riche, au final qui rebondit comme un ricochet. C’est un vin qui promet de la grandeur dans une vingtaine d’années mais qui est un bonheur aujourd’hui.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1991 est magnifique. C’est un vin riche, joyeux, accompli et ce qui me frappe au plus haut point, c’est la parenté qu’il a avec le sublime Hermitage La Chapelle 1947 que j’ai bu il y a une semaine. Alors que le 1990 est encensé de toutes parts, je trouve ce 1991 très au-dessus en ce moment. Le bois se sent fort. Bien malin celui qui pourrait départager les deux vins qui accompagnent le lièvre à la royale, car ils sont très différents, le Musigny pénétrant, tranchant comme un couteau, et large de fruits noirs, l’Hermitage serein, riche d’une palette aromatique de vin du sud. Les deux vins sont remarquables.

Nous portons un toast en l’honneur de Richard Geoffroy qui n’a pas pu se joindre à nous. Il est représenté par un Champagne Dom Pérignon P3 1990 qui est servi sur le risotto. C’est sans doute l’accord le moins pertinent car le risotto donne des notes lactées au champagne qui devient plat et n’a pas la vigueur qu’il devrait avoir. Je suis sûr que le champagne eût brillé si Richard avait été là.

Le Scharzhofberger Auslese Egon Müller 1959 est un vin de conversation. Il n’a pas besoin du dessert. Il est d’une rare élégance. Chacun essaie de décrire ce que ce vin suggère et cela varie pour chacun. Mon image est celle de litchis avec des ananas. C’est un vin délicat au message précis de grand charme. On le déguste en se recueillant. C’est du bonheur.

Le Château Climens Barsac 1942 provient de la cave Nicolas et a été rebouché en 1995. Cela se sent au goût car il n’a pas la vigueur qu’aurait un Climens au bouchon d’origine, car 1942 est une année qui a fait des sauternes gracieux et élégants, tout en suggestion. Le vin est très agréable et colle bien au dessert. Je le bois en le savourant avec ma voisine de table, Bérénice Lurton. Ses tons d’agrumes avec un sucre un peu discret en font un sauternes de plaisir pur.

Le Cognac Gourry de Chadeville 1914 provient d’alcools d’avant 1914, mis en fût en 1914, transférés en dame-jeanne en 1946 et mis en bouteilles en 2001. C’est ce que dit le certificat de cet alcool que j’ai choisi dans ma cave pour que mon apport soit de vins de cent ans. Il est magnifique, sans impression de boisé, fluide, parfumé, très cohérent du fait de l’âge. Il est vif et parfait.

A la fin du repas, tout le monde ressentait une grande joie d’être ensemble et d’avoir partagé un moment unique. Le menu a été superbe, les confrontations de vins sur chaque plat furent audacieuses mais pertinentes. On ne classe pas les vins dans ce dîner qui comptera, comme les précédents comme un dîner de wine-dinners puisque j’en suis l’organisateur et portera le numéro 186. Mais quelques vins ressortent de ce repas comme exceptionnels. Le Champagne Salon 1964 dans un état de vigueur et de richesse aromatique rare, le Richebourg 1966 qui est une expression aboutie des vins du domaine de la Romanée Conti, le Riesling Trimbach 1976 dans un épanouissement idéal et le cognac magnifié et idéalisé par son âge. On pourrait ajouter des réussites superbes comme les vins de Vogüé, d’Egon Müller, et d’autres, mais les quatre vins que j’ai cités sont à mes yeux les plus remarquables ce soir.

Aubert de Villaine a pris la parole pour remercier chaudement Bipin Desai sans qui ces dîners n’auraient pas existé. Chacun a fermement l’intention de revenir pour la quinzième édition de ce dîner d’amitié.

DSC09714DSC09785

DSC09729 DSC09731

DSC09713DSC09737 DSC09738

DSC09712DSC09741

DSC09710 DSC09711DSC09743

DSC09709DSC09742

les bouchons des quatre blancs

DSC09745

DSC09718DSC09765 DSC09767

le bouchon du Clos de Tart 1940 est un peu descendu

DSC09707 DSC09708DSC09769 DSC09772 DSC09774 DSC09775

DSC09706DSC09777

DSC00074DSC09760 DSC09762

DSC00077DSC09759

DSC09705DSC09739 DSC09740

DSC09704DSC09763 DSC09764

DSC09703

le bouchon du Egon Mûller 1959 est un peu remonté

DSC09702DSC09747 DSC09748 DSC09749 DSC09750

DSC09701DSC09752 DSC09756

DSC09720 DSC09721

cognac 1914 001

les bouchons des quatre blancs secs et des deux liquoreux

DSC09757

tous les bouchons

DSC09779 DSC09787

tous les vins

DSC09728

DSC09732 DSC09733 DSC09734

le menu et les plats

menu 1411212 B 001 menu 1411212 A 001

DSC09790 DSC09791 DSC09793 DSC09796 DSC09798 DSC09800 DSC09802 DSC09804 DSC09806

la couleur plus foncée du Trimbach par rapport au Egon Müller 1990

DSC09794 DSC09795

DSC09736

DSC09809 DSC09813 DSC09817

DSC09819 DSC09823

185ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Le Bristol mercredi, 15 octobre 2014

Le 185ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Le Bristol. Les participants sont huit russes, deux allemands et un italien que j’ai accompagnés lors de leur visite de la Champagne, ainsi que la représentante de l’agence de voyage russe qui a organisé avec une agence française leur périple. Nous sommes treize, dont la charmante fille de dix ans du commanditaire de ces événements, ce qui fait douze buveurs. Tous mes convives participent pour la première fois à l’un de mes dîners.

La direction de l’hôtel nous a réservé le salon Castellane, ce si joli salon lambrissé de forme ovale qui servait naguère de restaurant d’hiver. L’espace, réservé pour nous seuls, est magnifique. Nathalie, Kenza, Richard sont en train de préparer la jolie table.

J’ouvre les vins. Les deux Haut-Brion blanc 1996 ont des nez généreux, le nez du magnum de Pétrus 1979 est superbe et prometteur. Le nez du magnum de Léoville Las Cazes 1926 évoque une serviette mouillée. C’est un parfum fadasse qui indique que très probablement le vin ne reviendra pas à la vie. Le Canon 1955 en magnum a un nez incertain qui ne me plait pas vraiment aussi est-ce raisonnable d’ouvrir le vin de réserve, un magnum de Gazin 1983 dont le nez truffé est aussi pomerol que le Pétrus. Le Chambertin magnum 1976 a un nez superbe, l’Hermitage 1990 en magnum a un nez encore réservé mais prometteur. Ma main est fatigué, car ouvrir des magnums, c’est plus de deux fois plus dur que d’ouvrir des bouteilles.

Vient maintenant l’instant majeur, celui d’ouvrir deux bouteilles mythiques d’Yquem 1893. J’ai acheté ces bouteilles lorsque j’ai eu la conviction profonde que les bouchons sont d’origine et les bouteilles authentiques. Lorsque l’on s’intéresse à des vins légendaires, les faux sont aujourd’hui une pollution terrible, qui oblige à redoubler de précautions. En l’occurrence, alors que l’on n’est jamais sûr, j’ai une confiance totale en ces deux bouteilles qui ont chacune un niveau mi-épaule, ce qui pour des bouteilles qui ont gardé le bouchon d’origine pendant 121 ans est de bon augure.

Le premier bouchon est recouvert de gras sur la moitié supérieure et le bas du bouchon est très sain. Classiquement le bouchon s’est brisé en deux dans le goulot mais remonte entier grâce à la mêche longue que j’utilise. Le parfum est envoûtant où je perçois du pamplemousse rose, de la mangue et des arômes de complexités infinies.

Lorsque je veux relever le deuxième bouchon, rien ne vient. J’ai beau tirer de toutes mes forces, je ne déchire que des miettes. Le bouchon viendra tout en miettes. C’est totalement étonnant car à travers le verre, le bas du bouchon est d’un beau liège bien sain. En déchiquetant ainsi le bouchon des miettes sont tombées dans le liquide et avec patience et le manche d’une cuiller, j’ai pu extirper la myriade de petits morceaux de bouchon. J’ai compris ce qui s’était passé en mettant mon doigt dans le goulot de la bouteille. Le haut du goulot a une surépaisseur, non seulement sur l’arête externe du goulot, mais aussi sur l’arête interne. Ce qui fait que le haut du goulot a une section deux fois plus petite que la section du bas du goulot. De ce fait, il était impossible que le bouchon sorte sans se déchirer.

Les parfums des Yquem des deux bouteilles sont très proches, majestueusement capiteux. Je sens que nous allons nous régaler.

J’attends sagement l’arrivée des convives après avoir donné au personnel qui sera attaché à notre dîner les consignes de service.

Tous les convives résidant à l’hôtel Bristol, il leur est assez facile d’être présents à l’heure dite. Après un court speech d’introduction à ce dîner, nous prenons l’apéritif debout.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est toujours aussi rassurant. Champagne solide, classique, porteur de beaux fruits gourmands, c’est le partenaire idéal d’un apéritif tranquille.

Nous passons à table. Le menu conçu sous la responsabilité d’Eric Fréchon : langoustine royale juste raidie et caviar, servie froide, goût de céleri-branche et yuzu / poireau « d’Ile de France » cuit entier au grill, beurre aux algues, tartare d’huîtres « perle blanche », cébette et citron / rouget de roche et aubergine rôtis dans une fleur de courgette, jus de poivron jaune à l’huile d’argan / ris de veau braisé aux feuilles de tabac, purée de topinambour, jus au café réglisse / selle d’agneau rôti en croûte de nori, gnocchis aux herbes, purée de colrave / pigeon de Bresse laqué au miel épicé, compotée de fenouil au cumin, jus à la diable / mangue « Kent » a la plancha, meringue légère à la poudre de noisette torréfiée.

Le Champagne Cristal Roederer magnum 1977 montre une complexité beaucoup plus marquée que le champagne précédent. Mais les vocations des deux champagnes ne sont pas les mêmes. Ce champagne élégant joue sur les fruits roses, les suggestions délicates et une acidité bien orientée. C’est un moment de classe. Comme son année n’est pas opulente, il se place sur des registres de séduction raffinés. Qu’on n’attende pas de lui des messages tonitruants, car il récite des madrigaux charmants. J’aime beaucoup ce champagne car il fait apparaître ses caractéristiques sur un mode élégant. Les fruits sont frais. La langoustine est de petite taille, car il s’agit d’un amuse-bouche, mais ce sera le plus bel accord de la soirée, la fraîcheur du yuzu collant exactement à l’acidité du Cristal.

Le plat de poireau, plat signature d’Eric Fréchon d’une rare originalité accueille le Château Haut-Brion blanc 1996. Deux bouteilles sont servies, l’une de couleur très claire et l’autre de couleur plus ambrée. Le plus clair est fringant, joyeux, riche, alors que le plus ambré est plus engoncé, peu expansif. Comme nous ne sommes que douze, chacun pourra goûter le premier vin et oublier majoritairement le second. Le plus clair a un nez impérieux, une force de caractère extrême, et une richesse de fruits jaunes particulière. Il est noble, conquérant, et c’est le poireau qui s’associe le mieux avec le Haut-Brion, formant un accord plus intense que les excellentes huîtres.

Lors du projet de menu, j’avais demandé que le Pétrus Pomerol magnum 1979 soit accompagné d’un rouget. Puis j’ai eu l’envie de créer une confrontation sur le plat avec le Haut-Brion blanc. Mais faire une cohabitation entre blanc et rouge quand le Haut-Brion est si puissant, eût été un risque à ne pas prendre. Aussi le Pétrus sera-t-il seul sur le rouget. C’est sur des années comme 1979 que j’aime boire Pétrus, car c’est ainsi que l’on profite mieux des subtilités de ce grand vin. Il est profond et ce qui me frappe, c’est son velouté, sa trame très riche et un goût de truffe prononcé. Il est au sommet de son art. Avec la chair du rouget, j’ai toujours autant de plaisir. Il faut éviter la sauce qui dérange l’accord pur du rouget et de ce grand pomerol.

Sur le ris de veau nous aurons trois vins, trois magnums de bordeaux. Il n’y aura pas de match, car les deux premiers sont bien fatigués. Le Château Léoville Las Cases magnum 1926 que je bois en premier me frappe par un goût de bouchon qui n’existait pas à l’ouverture. Il faut dire que je suis servi des premières gouttes, qui lèchent le goulot plus que les autres et emportent avec elles dans mon verre d’éventuelles traces liégeuses. Malgré ce défaut, qui disparaît après quelque minutes, je sens un très joli fruit rose car le vin est très fruité, mais sur un message trop imprécis pour qu’on l’aime.

Le Château Canon magnum 1955 est un peu fatigué. Il a une légère trace torréfiée. Il va nettement s’améliorer avec le temps, mais notre intérêt sera ailleurs.

La place est donc occupée par le vin que j’ai rajouté, Château Gazin Pomerol magnum 1983 qui est un vin très franc, relativement peu exubérant, mais très convaincant par son message de pomerol très proche de celui du Pétrus. C’est une beau vin de distinction plus que de charme. Le jus de réglisse trop prononcé n’est pas l’ami du vin alors que la chair du ris de veau est d’une qualité extrême.

Le Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976 est un vin admirable. C’est le chambertin à pleine maturité car il a un beau fruit, une mâche gourmande, et il est « encore jeune » malgré ses 38 ans. Il a la cohérence et l’équilibre de son âge. Le chef de groupe de mes convives adore ce vin d’une plénitude joyeuse et facile à comprendre. La croûte de nori, algue japonaise, sur la selle d’agneau, a joué un rôle de repoussoir. Heureusement la chair de la selle, superbe, a permis de jouir du vin.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné magnum 1990 est une icône. Pour ce vin si changeant selon les années, les maillons incontournables sont 1961, le plus grand vin rouge que j’aie bu, 1978 et 1990. Mais, si le vin est grand, je n’ai pas l’émotion au niveau que j’attendrais. Il faut dire que le miel épicé du pigeon n’aide pas beaucoup à faire briller le vin. Les convives ayant un rythme de consommation qui s’atténue, il est resté un bon quart de la bouteille que j’ai partagé le lendemain avec des amis et là, j’ai retrouvé l’excellence que j’attendais pour ce dîner. C’est un vin gourmand, puissant et élégant de beau fruits noirs et bruns, avec un équilibre parfait.

Le moment le plus important du dîner est maintenant. Ce sont deux bouteilles de Château d’Yquem 1893 qui avaient la particularité d’avoir des bouchons d’origine. Et cette particularité est fondamentale. Et ça se sent. Les deux vins sont à la fois deux frères jumeaux et deux vins différents. L’un est plus charpenté, solide, l’autre est plus subtil, en charme pur. Mon voisin allemand préfèrera le plus solide. Je préférerai celui au charme pur. Ce qui les rapproche, ce sont les saveurs et les arômes. Il y a du caramel, un peu de café, surtout du pamplemousse rose, et de la mangue, exacerbée avec pertinence par la mangue du dessert. Ces deux vins sont d’une pertinence absolue, d’une longueur infinie, d’une richesse incroyable et d’une mâche ample. Je jouis de ce vin qui est l’Yquem que je chéris le plus. J’ai écrit dans la revue Vigneron un article sur cet Yquem 1893 où je soutiens que c’est le plus emblématique de la représentation du goût historique d’Yquem. Et j’en ai la démonstration ce soir. Je dis « je », car autour de la table, je suis le seul qui ait le référentiel pour situer cet Yquem dans sa trajectoire historique. Mais le classement montrera que mes convives ont senti qu’ils approchaient un monument de l’élite du goût des liquoreux. L’un des convives l’a exprimé ainsi : « comment voulez-vous qu’ensuite, nous buvions de jeunes sauternes ? ». Je suis au nirvana et je reviens sans cesse à cet Yquem transcendantal.

Mes convives se prêtent de bon gré à l’exercice des votes. Le Château Gazin 1983 ne figurant pas sur les menus sera oublié dans les votes qui vont se concentrer sur sept vins, deux vins étant oubliés, dont le Léoville-Las-Cases 1926 ce qui est logique. Nous votons pour les quatre préférés. Cinq vins auront l’honneur d’être nommés premiers par les douze votants, l’Yquem 1893 sept fois ce qui est un score de république bananière, le Pétrus deux fois et trois autres vins une fois, le Cristal Roederer, le Chambertin et l’Hermitage La Chapelle.

Le classement du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1893, 2 – Pétrus Pomerol magnum 1979, 3 – Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné magnum 1990, 5 – Champagne Cristal Roederer magnum 1977.

Mon classement est : 1 – Château d’Yquem 1893, 2 – Pétrus Pomerol magnum 1979, 3 – Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976, 4 – Champagne Cristal Roederer magnum 1977.

Ayant conduit mes convives sur un long périple en Champagne, j’ai appris à les connaître et surtout celui qui finançait ses agapes. La sûreté de son jugement sur les vins m’a fait plaisir et a justifié tout ce que nous avons fait ensemble. Ayant été contrarié par des accords mis à mal par des sauces ou ingrédients envahissants, j’ai voulu offrir à Andrei que nous goûtions un alcool que j’avais apporté dans ma musette. Andrei a préféré rester sur le goût de l’Yquem, ce qui m’a conforté, une fois de plus, sur les qualités d’amateur de cet entrepreneur curieux du vin.

Le service du restaurant affecté à notre table a été extrêmement efficace et attentif à nos désirs. Ce 185ème dîner, illuminé par deux immenses Yquem 1893 restera un très grand souvenir.

DSC09273 DSC09284

DSC09048

DSC09075 DSC09073 DSC09074 DSC09286

DSC09066 DSC09067 DSC09262

DSC09079 DSC09078 DSC09264

DSC09070 DSC09268

DSC09071 DSC09068 DSC09266

DSC09088 DSC09265

DSC09064 DSC09063 DSC09269

DSC09271 DSC09083

les deux Yquem 1893

DSC09085 - Copie

DSC09051 DSC09057

DSC09059 DSC09058 DSC09056 DSC09052

sur la photo qui suit, on voit qu’ayant enfoncé le tirebouchon, il est remonté en déchirant le bouchon sans le lever, car le goulot, rétréci en haut, empêche le bouchon de remonter. Le bouchon est ressorti en miettes

DSC09280

le seul bouchon sorti presque entier

DSC09278 DSC09277

DSC09085

DSC09287 DSC09290 DSC09292 DSC09293 DSC09296 DSC09297 DSC09300 DSC09302 DSC09304

DSC09305

DSC09306 DSC09307

votes 185è dîner 141012 001

DINER 141012 LE BRISTOL 2 001 DINER 141012 LE BRISTOL 1 001

Dîner au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reims samedi, 11 octobre 2014

J’avais dîné la veille de mon côté à l’Assiette Champenoise. Au retour à l’hôtel, Andrei m’avait dit qu’il m’inviterait à me joindre à son groupe qui dîne ce soir au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reims. Nous sommes douze, dont la si mignonne fille d’Andrei, de dix ans, qui dormira, la tête penchée sur l’accoudoir de son fauteuil, adouci par des couvertures, pendant la quasi-totalité du repas. C’est Andrei qui a fait le choix de presque tous les vins, avec une sûreté de connaisseur.

Le menu à douze mains est une originalité qui est servie pendant un mois. Il a été composé par six chefs. Leurs noms figurent devant leurs plats : Philippe Labbé, langoustines royales en habit vert, beurre de champagne au caviar osciètre impérial / Vincent Thierry, lasagne de homard breton, contrepoint de giroles et noix de ris de veau, mouillée d’une bisque légère / Philippe Mille (le chef des Crayères), blanquette de cèpes et truffes blanches, cuisses de grenouilles meunières / Alain Passard, turbot grillé, béarnaise au vin jaune, gratin dauphinois au céleri-rave / Gérard Boyer (ancien chef historique des Crayères), le feuilleté de pigeonneau au foie gras, émincé de choux, son jus au fumet de truffes / Philippe Mille, brie farci de fruits secs à la fève de tonka, pain de campagne aux sarments de vignes / Arthur Fèvre, soufflé chaud praliné fruité, crème glacée au café torréfié.

Nous commençons par le Champagne Billecart-Salmon magnum 1961, dégorgé très probablement dans les années 80, comme nous le déduirons de l’examen que j’ai fait avec le sommelier. La couleur est de miel. La bulle est extrêmement active. Le nez est superbe et élégant, amplifié par les superbes verres dessinés par Philippe Jamesse, le célèbre sommelier du restaurant, qui nous accompagnera ce soir dans un parcours riche de vins extrêmes.

Le vin a tout pour lui. Le fruit est puissant, suave, complexe et élégant. Ce vin est extraordinaire, jeune, noble, avec une arrière-bouche de liqueur de fruit et de miel. C’est un champagne exceptionnel qui est d’un niveau qualitatif hors du commun. Il pourrait figurer dans mon Panthéon.

Pendant ce temps, ma charmante voisine et son voisin sirotent un Cognac Cuvée Louis XIII, sans se soucier du choc que cet alcool aura sur les mets et les vins. J’ai eu l’occasion en fin de repas de demander à ma voisine de tremper mes lèvres dans son verre. Ce cognac aux eaux-de-vie centenaires est magique de concentration et de maturité.

Le vin suivant, dont nous boirons trois magnums, excusez du peu, est un Auxey-Duresses Les Clous, Domaine d’Auvenay, Lalou Bize-Leroy magnum 2006. Le nez est très riche, très prononcé, très intense et profond. La bouche est douce, suave, contrastant avec le nez. On sent du lait, de la crème, une matière onctueuse. Le final est salin, minéral. La douceur est surtout dans l’attaque. La précision est dans le final. C’est un vin éblouissant. Je ne le connaissais pas, et je suis très impressionné. Ça commence au nez comme la puissance d’un Coche-Dury et ça finit avec la grâce d’un Bonneau du Martray. Il ne passe pas en force mais convainc en douceur, avec un final incroyable. Je trouve ce vin absolument magnifique. Sur un homard exceptionnel et qui ne surjoue pas, il crée un accord de première grandeur. J’ai trouvé le ris de veau trop cuit et m’en ouvrant à Philippe, il m’a dit que c’est la volonté du chef qui a créé le plat du homard avec la volonté que le ris ait ce croquant. Question de goût.

Andrei me demande de trouver un vin pour le turbot, mais après ce blanc transcendantal, comment choisir un vin qui ne soit pas écrasé ? Alors, j’en choisis deux pour que nous puissions les comparer.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Maison Trimbach 2003 est parfait avec la chair du turbot, alors que l’Hermitage domaine Jean-Louis Chave blanc 2006 est parfait avec le céleri. Pour Andrei, le riesling après l’Auxey-Duresses a du mal. Mais Andrei n’a pas de penchant pour les rieslings. Le Chave a une douceur sucrée. La douceur d’un céleri exceptionnel adoucit les deux vins. La mission que j’avais donnée à ces deux vins après le bourgogne était quasiment impossible alors que ces deux vins sont grands.

L’Ermitage Cuvée Cathelin domaine Jean-Louis Chave 2009 est de couleur noire. Le nez est riche. C’est une concoction de fruits rouges et noirs. C’est un jus élégant. Il crée un bel accord sur le pigeon emblématique. Il est très beau sur la truffe, simple dans son expression et complexe dans son énergie. Si jeune, le Cathelin ne montre pas vraiment sa singularité.

Je suis content qu’Andrei, après le repas, m’ait dit qu’il n’aurait pas dû commander les deux bouteilles de Cathelin, car le vin, trop jeune, ne s’exprimait pas comme il faut. On donne tellement aux russes l’image de rustres dépensant sans compter et sans savoir, que cette remarque conforte mon impression d’un homme généreux qui dépense car il peut, mais lucide et connaisseur. Quand on commande un magnum de Billecart-Salmon 1961, trois sublimes vins d’Auvenay et quand on regrette deux Cathelin trop jeunes, on ne peut pas être ce que dit la caricature.

J’ai voulu offrir un vin en fin de repas mais Andrei a refusé, pour retourner au plus vite à l’hôtel. Le repas que nous avons eu, ainsi que le service exceptionnel poussent à considérer que si les recettes provenaient d’un seul chef et non de six, ce repas donnerait, haut la main trois étoiles aux Crayères.

DSC09230 DSC09229

DSC09231 DSC09232 DSC09239

DSC09237 DSC09236 DSC09238

DSC09234 DSC09233

DSC09212 DSC09215 DSC09217 DSC09220 DSC09221 DSC09225 DSC09226 DSC09228

DSC09241 DSC09240

MENU CRAYERES 141009 A 001 MENU CRAYERES 141009 001