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267ème repas au restaurant Maison Rostang jeudi, 20 octobre 2022

Le 267ème repas est un déjeuner au restaurant Maison Rostang organisé par un ami de longue date qui réunit chaque année des amis à l’un de mes repas. Ce sont tous des hommes qui réussissent dans les affaires, majoritairement dans la cinquantaine, bons vivants de province, connaisseurs et amateurs de grands vins.

Je suis venu au restaurant à 9h30 pour ouvrir les vins qui avaient été livrés il y a plusieurs jours et avaient été redressés debout en caisse la veille par Jérémie, le sommelier qui a accompagné ce déjeuner avec talent.

Lorsque l’atmosphère extérieure est assez humide et chaude comme depuis quelques jours, les bouchons sont venus facilement même si souvent ils ont été extirpés en morceaux. Les parfums les plus engageants sont ceux du Champagne Lanson 1949 et du Château Filhot 1935. Le parfum du Châteauneuf-du-Pape 1949 est de vinasse, avec une acidité vinaigrée, avec un bouchon totalement imbibé mais beau.

Le Chablis 1971 me semble bouchonné. Je le fais sentir à Jérémie qui le trouve convenable. Je ressens et effectivement, l’odeur est moins marquée que la première approche. Nous verrons.

J’ai eu une frayeur en ouvrant le Lafite 1971. La capsule paraît authentique, tout semble normal, mais en levant le bouchon, je vois qu’il n’a aucune inscription. L’idée d’un faux est évidente, et je sens le vin avec Jérémie. Tout indique que ce puisse être Lafite et que 1971 soit probable. En regardant à nouveau le bouchon, je vois des traces d’écriture qui pourraient faire penser à Lafite. Mais le doute existe. A vérifier. Le parfum du Fleurie 1938 me paraît engageant et je le verrais bien faire des prouesses.

Il y a du bon et de l’incertain. A suivre.

Nous serons dix. Le menu qui a été mis au point avec le chef Nicolas Beaumann se présente ainsi : canapés / amuse-bouche / les langoustines pochées dans un consommé puis rôties, coques au bouillon et fruit de la passion, sarrasin soufflé, bouillon de langoustines mousseux / le homard rôti, céleri cuit en croûte de sel et jus de la presse au vin de syrah / le pigeon cuit à l’étouffée, artichaut braisé aux saveurs de noix et olives, jus de pigeon / le lièvre à la royale / stilton / palet de mangue fraîche, crème légère à l’agastache et gavottes à la cervoise / le soufflé chaud au chocolat, noisettes torréfiées.

Le Champagne Dom Pérignon 1988 avait fait un beau pschitt à l’ouverture, libérant des petites bulles sympathiques. La couleur est d’un bel ambre. Le champagne est délicieux, cohérent, charmant et noble. Il est tellement accompli qu’on en ferait volontiers son ordinaire.

Lorsque le Champagne Lanson 1949 apparaît, je suis aux anges. Son bouchon s’était brisé à l’ouverture, retiré sans pschitt. Son parfum était d’une délicatesse infinie. Il l’est encore et en bouche c’est du bonheur pur. Il a une acidité magnifiquement dosée. C’est un champagne noble, sans âge car il ne paraît pas plus vieux que le Dom Pérignon de 39 ans plus jeune. Un pur régal.

Les langoustines dont d’une subtilité absolue, cuites à la perfection. Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1979 est puissant, vif et tranchant, affuté et de beau plaisir. Il est noble.

Hélas, le Chablis Grand Cru Les Vaudésirs Domaine Albert Long-Dépaquit 1971 est fortement bouchonné. J’ai espéré que cela n’affecte pas son goût et j’ai cherché à le croire, mais force est de constater que ce vin n’est pas à la hauteur. C’est dommage.

Le homard est puissant et le Château Ausone Saint-Emilion 1959 le lui rend bien. Quel grand vin racé, vif. Tout le monde convient qu’une telle réussite serait impossible à trouver avec un Ausone jeune. On a là un Ausone épanoui et prêt à braver l’éternité. Il est majestueux. Il sera couronné par les votes et il le mérite.

Lorsque Jérémie me verse un verre de Château Lafite Rothschild Pauillac 1971 je le vois clairet et pas du tout Lafite, à l’œil. Mais un convive a un verre extrêmement sombre avec de la lie noire. Je lui propose d’échanger nos verres, ce qui est fait. L’ami est beaucoup plus heureux avec ce verre. J’entends que certains aiment ce vin, même s’il est loin de l’Ausone, et que certains reconnaissent Lafite. Je ne reconnais pas Lafite mais la bouteille a peut-être vécu des périodes difficiles avec une dépigmentation du vin dans le haut de la bouteille. La capsule, l’âge du bouchon, tout montre que la bouteille est authentique même sans écritures visibles de Lafite. Mais le vin ne facilite pas qu’on le trouve authentique. La capsule m’interdit de dire que c’est un faux. Le liquide m’y conduit. Laissons cette énigme dans cet état. Il suffit de se souvenir que l’Ausone 1959 est une merveille.

Sur le délicieux pigeon il y a un seul vin et je suis fort marri, car le Fleurie Etienne Maraux 1938 est loin d’avoir le corps que son parfum initial suggérait. Il n’est pas mauvais, mais il n’a rien. Pas assez pour avoir envie de l’aimer. C’est dommage car j’adore les vieux beaujolais.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 est une merveille de La Tâche car il a le sel que j’aime tant. Il est tellement typé que je suis aux anges. Ce sera mon chouchou dans les votes. Des amis trouvent que le lièvre à la royale est trop épicé. Un des convives est restaurateur. Il a été étoilé et a réalisé un de mes dîners il y a quelques années. Il est comme moi heureux de cette présentation du lièvre qui permet de beaux accords.

Le Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949 est un solide gaillard, puissant, carré, d’un charme naturel serein. Et c’est bien que le bourguignon et le rhodanien aient été mis ensemble car ils sont tellement différents qu’ils se complètent. Un régal d’avoir ces deux vins si grands ensemble.

Le Château Filhot Sauternes 1935 est une merveille ensoleillée. Il a la puissance – qui n’est pas la qualité principale qu’on lui reconnait – et une étonnante fraîcheur. Ce sauternes est un de mes chouchous dans ce millésime particulièrement attrayant par sa subtilité.

Ne sachant pas ce que ce vin serait, j’avais goûté le Pinot-Gris Ai-Danil Collection Massandra 1938 vers 10 heures ce matin. Le nez m’évoquait du marc, alors que la bouche est toute doucereuse. C’est un dandy élégant qui dégage un charme particulier. Je l’aime d’autant plus qu’il offre un goût qui m’est inconnu. Un ami dit qu’il évoque le café, mais c’est beaucoup plus la figue qui apparaît. Suave et noble, il crée un très bel accord avec le délicieux soufflé.

Il y a eu des performances très diverses, mais les belles performances nous ont enthousiasmé. Nous votons pour nos cinq vins préférés. Quatre vins ont été nommés premiers. La Tâche 1956 a été nommée quatre fois premier, l’Ausone 1959 trois fois, Le Châteauneuf 1959 deux fois et le Lanson 1949 une fois. Les seuls vins sans vote sont le chablis et le Fleurie.

Le classement du consensus serait : 1 – Château Ausone Saint-Emilion 1959, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 3 – Champagne Lanson 1949, 4 – Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 5 – Château Filhot Sauternes 1935, 6 – Château Lafite Rothschild Pauillac 1971.

Mon classement est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Lanson 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1959, 4 – Pinot-Gris Ai-Danil Collection Massandra 1938, 5 – Château Filhot Sauternes 1935.

Si je n’ai pas mis le Châteauneuf dans mon vote c’est parce que je le connais très bien et je n’ai pas eu la surprise d’autres vins. La cuisine a été d’une grande qualité, les plats créant de beaux accords. Le service est efficace et Jérémie a bien géré les cent verres qui formaient une forêt sur la table.

J’ai offert en fin de repas une Chartreuse verte de 54° mise en bouteille en 2021 qui a marqué par sa fraîcheur étonnante le beau point final d’un repas amical et réussi.

vraie ou fausse ?

Mise au point d’un repas à Plénitude vendredi, 14 octobre 2022

J’ai en programme un déjeuner extravagant avec des vins rarissimes pour un groupe qui s’est formé à la suite de précédents dîners. Ce déjeuner se fera au restaurant Plénitude avec le chef ‘sextuplement’ étoilé Arnaud Donckele. Nous avons une réunion de travail pour mettre au point le menu avec Arnaud, avec Bertrand Noeureuil le chef attaché au restaurant et Alexandre Larvoir, directeur du restaurant. Le sommelier Emmanuel Cadieu est retenu par d’autres obligations.

Chaque fois que nous faisons cet exercice d’élaboration d’un menu j’apporte un vin pour que les participants goûtent des vins qu’ils n’ont pas l’habitude de boire. Cette fois-ci, c’est un Constantia Red d’Afrique du Sud vers 1862 que j’ai apporté, qui avait été ouvert avant les vacances. Le fond de bouteille est épais, presque marron noir, et s’est enflé. Le parfum est saisissant et j’y vois de la rose, ce qui explique peut-être que je demande souvent pour ce vin des financiers à la rose qu’Arnaud, pour me taquiner, appelle les financiers Audouze, comme le fait la charmante Yuki, ancienne pâtissière du restaurant Pages, qui a gardé cette recette qu’elle appelle : financier François. Elle a une pâtisserie nouvellement nommée Rayonnance.

Le Constantia a une attaque très suave avec des accents de caramel. Ce qui est fascinant, c’est que le finale est étonnamment frais, presque mentholé. Une belle énigme.

Je suis très impressionné par la complicité qui existe entre les deux chefs. Ils se comprennent à demi-mot, et les plats s’imaginent dans la bonne humeur. Si le repas a lieu, il sera extraordinaire.

Rendez-vous à l’appartement M-H et déjeuner au restaurant Pages mercredi, 21 septembre 2022

Stanislas est en charge de la relation avec les grands clients particuliers de Moët Hennessy. Il m’avait fait visiter un bel appartement au centre de Paris où l’on reçoit ces importantes personnes et l’idée de faire un repas en ce lieu était lancée. Il s’agirait d’un déjeuner avec le chef Teshi propriétaire du restaurant Pages et avec son épouse Naoko qui composeraient le menu pour mes vins. Nous avons fait ensemble plus d’une quinzaine de repas aussi le courant passera facilement.

A l’heure du déjeuner je me présente à cet appartement où Stanislas nous fait goûter un Champagne Dom Pérignon P2 2003. Il y a un jeune ami fidèle de mes repas, une chanteuse qui a aussi des activités financières, de jeunes personnes dynamiques dont un qui s’occupe de cryptomonnaies et de métavers. Ils trinquent avec nous. Je trouve le champagne un peu sec et serré, qui n’a pas trouvé la largeur qu’il pourrait avoir. Peut-être un effet de stockage.

Teshi et Naoko travaillent avec moi sur le menu et le directeur du lieu évoque les sujets matériels de verrerie et d’autres questions. Stanislas nous sert maintenant un Champagne Dom Pérignon rosé 2008 absolument excellent et promis à un bel avenir. Il est souriant et charmant.

Nous nous rendons à pied au restaurant Pages où Stanislas a retenu une table. Un notaire et un président de fondation nous rejoignent. On nous sert le Champagne Dom Ruinart 2010 tout jeune mais qui a déjà un corps bien affirmé. Il promet. Les amuse-bouche sont raffinés.

J’ouvre le vin que j’ai apporté, un Vega Sicilia Unico 1991 au parfum à se damner. Il évoque des grains de cassis que l’on croque joyeusement. On nous sert un cabillaud surmonté d’une coque et entouré d’une sauce légèrement vinaigrée et fortement teintée d’herbes vertes fortes. J’ai alors une intuition. Sans avoir goûté le plat, je pense que le vin espagnol trouvera un bel écho avec ce cabillaud, ce qui est assez paradoxal. J’essaie et c’est d’un raffinement subtil, les herbes vertes excitant le juteux Vega. Je partage cet essai avec quelques convives qui approuvent cet accord ‘hors piste’.

Vient ensuite le Champagne La Grande Dame de Veuve Clicquot 2012 à la forte personnalité qui se marie bien à une viande blanche aux haricots blancs et carottes.

On nous sert un Charmes-Chambertin Vieilles Vignes Dominique Laurent 2010 qui est absolument charmant et subtil, vin de grande émotion et un Latricières-Chambertin Grand Cru David Duband 2017 qui me parle beaucoup moins, trop jeune pour être émouvant.

Vient ensuite un Termanthia Numenthia Bodega 2015 vin espagnol qui appartient au groupe Moët Hennessy. C’est un vin lourd et puissant qui aurait pu attirer mon attention, mais le Vega Sicilia Unico 1991 est tellement extraordinaire que je succombe à son charme. Quel vin juteux, joyeux et racé.

Des figues fraîches avec une crème à la noix s’accorde délicieusement avec le Tokaji Escenzia Aszu 1988 que j’ai apporté qui est d’une douceur incomparable. Le restaurant Pages a évolué dans sa cuisine. Le nouveau pâtissier a envie de réussir ce qui est motivant et le chef Ken est toujours aussi créatif. Ce déjeuner d’amitié fut fort agréable. Maintenant, c’est à Teshi, Naoko et moi de préparer le grand repas programmé.

Great lunch with friends amateurs lundi, 25 juillet 2022

Justin participated in the Ultimate lunch at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant. He wants to organize a meal of this caliber and tells me that he is staying in Saint-Tropez. I invite him to lunch at our house in the south. He comes with his wife, a friend Craig and Craig’s daughter Olympia. We had long discussions with my wife to set up a menu and I chose the wines after doing several programs.

The menu will be: aperitif with gouda with pesto, anchoïade, rillette / comparison of two caviars, osciètra prestige and Baeri, with baguette and butter / smoked salmon heart / potatoes and Baeri caviar / onion tart / fruit tart summer.

I opened the wines at nine in the morning. Both champagnes have corks that sheared off when I tried to remove them. Chevalier-Montrachet has an extraordinary nose of fruity generosity. The Vega Sicilia Unico has a glorious nose and a beautiful youth. I do not open more wines. We will advise when the time comes because it is very hot.

Our friends are punctual. It is scorching hot.

Champagne Dom Pérignon 1971 has a beautiful amber color, almost the same as the apple juice served for Olympia. The bubble is present and a nice pschitt had accompanied the opening when my corkscrew had pulled the lunula from the bottom of the cork. From the first sip, we know we are in front of a sumptuous champagne. What grace, what presence, what intensity. A great, charming and noble champagne. We happened to drink a Moët & Chandon Brut Impérial 1971 not long ago. Despite the performance of Dom Pérignon, I have a preference for the broader, more generous and richer Moët. It must also be said that my heart swings towards the one we did not expect at this level.

Gouda is absolutely perfect for champagne with its delicious fatness. But it is the rillette which is the best accomplice.

Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle non vintage is probably from the beginning of the 1970s or the end of the 60s. Its color is very close to the color of Dom Pérignon. I like this champagne because it is the most convincing testimony to the considerable contribution of aging to the quality and emotion of a champagne. If the Dom Pérignon is glorious, the Grand Siècle is more romantic and subtle. The two caviars make the delicate champagne shine.

The Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1995 has an incredible fragrance. That’s what strikes me the most. This perfume is indefinable based on unknown fruits. On the palate, what is striking is the richness of this full, broad and complex wine. A real treat. With salmon, it is ideal. Its color is a beautiful light gold and Justin tells me that unfortunately, in the United States it is difficult to have such perfect wines from this period.

I had considered for the red wine to have a sirloin of beef but due to the heat, my wife preferred to make an onion tart which goes wonderfully with the Vega Sicilia Unico 1989. The level in the bottle was less than half a centimeter from the bottom of the cork, which is perfect, like the quality of the cork. The nose at the opening was of a beautiful richness and a great youth despite its 33 years, rich in blackcurrant and black fruits. On the palate, this wine is glorious, remarkably natural. What could be more pleasant than this juicy, easy-going wine? But it is noble, complex, and flamboyant.

For dessert, I fetch a Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 from a refrigerator. Open, the pleasure was there. This champagne has a lovely sparkle and the pinkish color is engaging. With fruit tart, this champagne is ideal, and what is amazing is that it has no signs of age. He is expressive, gentle, friendly and very pleasant, without asking the slightest question. It is quite significant that Olympia, authorized by her father to taste the wines, made this rosé her favorite. This proves that he is frank and charming.

Justin prefers the 1971 Dom Pérignon and I prefer the 1995 Chevalier Montrachet, but what is interesting is that all five wines were perfect. And I’m happy with the choice of wines I made, to put three very different old champagnes and a white wine and a red wine from the aristocracy of pure pleasure wines.

The lunch atmosphere was very friendly and promises new adventures to come.

Some rests of wines remained. The next day, the perfume of Chevalier Montrachet was still captivating, magical and enigmatic. Immense. And the wine was still pleasant.

Déjeuner avec des amis et des vins éclectiques dimanche, 24 juillet 2022

Justin a participé au déjeuner Ultimate au restaurant Plénitude Arnaud Donckele. Il souhaite organiser un repas de ce calibre et m’annonce qu’il séjourne à Saint-Tropez. Je l’invite à déjeuner dans notre maison du sud. Il vient avec son épouse, un ami Craig et Olympia la fille de Craig. Nous avons eu de longs échanges avec ma femme pour mettre en place un menu et j’ai choisi les vins après avoir fait plusieurs programmes.

Le menu sera : apéritif avec gouda au pesto, anchoïade, rillette / comparaison de deux caviars, osciètre prestige et Baeri, avec baguette et beurre / cœur de saumon fumé / pommes de terre et caviar Baeri / tarte aux oignons / tarte aux fruits d’été.

J’ai ouvert les vins à neuf heures du matin. Les deux champagnes ont des bouchons qui se sont cisaillés lorsque j’ai essayé de les retirer. Le Chevalier-Montrachet a un nez extraordinaire de générosité fruitée. Le Vega Sicilia Unico a un nez glorieux et d’une belle jeunesse. Je n’ouvre pas plus de vins. Nous aviserons le moment venu car il fait très chaud.

Nos amis sont ponctuels. Il fait une chaleur caniculaire.

Le Champagne Dom Pérignon 1971 a une belle couleur ambrée, presque la même que celle du jus de pomme servi à Olympia. La bulle est présente et un gentil pschitt avait accompagné l’ouverture lorsque mon tirebouchon avait tiré la lunule du bas de bouchon. Dès la première gorgée, on sait qu’on est en face d’un somptueux champagne. Quelle grâce, quelle présence, quelle intensité. Un grand champagne charmeur et noble. Il se trouve que nous avons bu un Moët & Chandon Brut Impérial 1971 il y a peu. Malgré la prestation du Dom Pérignon, j’ai une préférence pour le Moët plus large, plus généreux et plus riche. Il faut dire aussi que mon cœur balance vers celui que l’on n’attendait pas à ce niveau.

Le gouda est absolument parfait pour le champagne avec son gras délicieux. Mais c’est la rillette qui est le meilleur complice.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle sans année est probablement du début des années 1970 ou de la fin des années 60. Sa couleur est très proche de la couleur du Dom Pérignon. J’aime ce champagne parce qu’il est le témoignage le plus convaincant de l’apport considérable du vieillissement à la qualité et l’émotion d’un champagne. Si le Dom Pérignon est glorieux, le Grand Siècle est plus romantique et subtil. Les deux caviars font briller le délicat champagne.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1995 a un parfum inouï. C’est ce qui me marque le plus. Ce parfum est indéfinissable à base de fruits inconnus. En bouche, ce qui frappe c’est la richesse de ce vin plein, large et complexe. Un véritable régal. Avec le saumon, il est idéal. Sa robe est d’un bel or clair et Justin me dit qu’hélas, aux Etats-Unis il est difficile d’avoir des vins aussi parfaits de cette époque.

J’avais envisagé pour le vin rouge d’avoir un faux-filet de bœuf mais du fait de la chaleur, ma femme a préféré faire une tarte à l’oignon qui côtoie merveilleusement le Vega Sicilia Unico 1989. Le niveau dans la bouteille était à moins d’un demi-centimètre du bas du bouchon ce qui est parfait, comme la qualité du bouchon. Le nez à l’ouverture était d’une belle richesse et d’une grande jeunesse malgré ses 33 ans, riche de cassis et de fruits noirs. En bouche ce vin est glorieux, d’un naturel remarquable. Quoi de plus agréable que ce vin juteux facile à vivre. Mais il est noble, complexe, et flamboyant.

Pour le dessert je vais chercher dans un réfrigérateur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966. J’ai acheté il y a plus de trente ans une belle quantité de ce rosé et aussi de l’année 1969. Et chaque fois que j’en ai ouvert, le plaisir était au rendez-vous. Ce champagne a un beau pétillant et la couleur rosée est engageante. Avec la tarte aux fruits, ce champagne est idéal, et ce qui est étonnant, c’est qu’il n’a aucun signe d’âge. Il est expressif, doux, aimable et très plaisant, sans qu’on se pose la moindre question. Il est assez significatif qu’Olympia, autorisée par son père à goûter les vins, ait fait de ce rosé son préféré. Cela prouve qu’il est franc et charmeur.

Justin préfère le Dom Pérignon 1971 et je préfère le Chevalier Montrachet 1995, mais ce qui est intéressant, c’est que les cinq vins ont été parfaits. Et je suis content du choix de vins que j’ai fait, de mettre trois champagnes anciens très différents et un vin blanc et un vin rouge de l’aristocratie des vins de pur plaisir.

L’ambiance du déjeuner a été très amicale et promet de nouvelles aventures prochaines.

Des vins restaient. Le lendemain, le parfum du Chevalier Montrachet était encore envoûtant, magique et énigmatique. Immense. Et le vin était encore plaisant.

Déjeuner d’amitié au caviar lundi, 27 juin 2022

Quatre amis belges qui ont participé à plusieurs de mes dîners m’ont invité à les rejoindre pour un déjeuner à Monaco. Lorsque je suis dans le sud, j’évite le plus possible de me déplacer sur de longues distances aussi je les invite à déjeuner chez moi. Ils me répondent qu’ils sont d’accord et qu’ils prendraient en charge un déjeuner léger à base, par exemple, de caviar. Il n’est pas question qu’ils financent quoi que ce soit aussi avec mon épouse nous allons organiser un repas au caviar. Nous y avons mis tant de soin que j’ai envie de compter ce repas comme le 266ème repas de wine-dinners car il le mérite (et aussi parce que j’arriverai plus vite au 300ème dîner).

Nous avons prévu le repas de cette façon : caviar Baeri et caviar Osciètre de la maison Kaviari avec du pain et du beurre / caviar Osciètre et coquilles Saint-Jacques crues / caviar Osciètre et daurade crue en dés / caviar Baeri avec des pommes de terre tièdes / camembert Jort / Morbier et caviar osciètre / gâteau au chocolat et caviar osciètre.

Ma femme est allée acheter une vaisselle adaptée à chaque plat et chaque vaisselle a été marquée d’un post-it qui indique le nom du plat. L’implication de ma femme a été essentielle pour la réussite de ce repas.

Ayant reçu le mail d’invitation de mes amis avant mon départ de Paris, j’avais pris avec moi des flacons d’alcools que j’avais utilisés pour un dîner de caviar. C’était le 224ème à la Manufacture Kaviari.

A dix heures du matin le jour venu, j’ouvre les vins et champagnes. Les amis arrivent, chevauchant de splendides voitures. Après une visite des lieux, nous prenons l’apéritif, avec du gouda au pesto, des chips à la truffe, de l’anchoïade avec des gressins. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 avait offert un beau pschitt. La couleur est d’un or clair, la bulle est très active et ce champagne offre une sérénité et une plénitude qui le rendent confortable et joyeux. C’est une réussite de champagne équilibré. La maison Henriot a arrêté de faire cette cuvée et je la regrette tant j’ai eu de plaisirs avec elle, dont notamment des 1959 et 1964 légendaires.

Contrairement à ce que je pensais, le caviar Baeri est plus foncé que le caviar Osciètre. Et ce Baeri me fait forte impression même si l’Osciètre a des complexités plus profondes.

Le Chablis Premier Cru Vaillon Robert Vocoret 1988 est parfaitement adapté au caviar, mieux même que le champagne ce que je n’aurais jamais parié. Le chablis est vif et fortement minéral. Il est intense et conquérant.

L’Eau-de-vie Kummel 1943 m’avait été offerte par Jean Hugel et avait figuré au 224ème dîner. L’accord est très pertinent avec le caviar même si l’alcool est dominateur. L’eau-de-vie est limpide comme de l’eau, sans aucune couleur.

Le Serbian Slivovitz Macedonian fruit 1867 était aussi du même dîner mais cet alcool est plus fatigué aujourd’hui que lors de sa première manifestation. Il a des accents médicinaux qui nuisent au plaisir.

Les plats se succèdent avec des accords qui vont crescendo de coquille Saint Jacques à daurade crue et à pomme de terre, la gagnante des trois associations.

Le Champagne Salon 2007 avait eu un beau pschitt et j’avais pu retirer le bouchon sans les immenses efforts qu’il faut pour d’autres millésimes. La bulle est intense et le goût me surprend tant le champagne est devenu grandiose. Je le buvais jeune bambin et le voici devenu jeune premier. Un des amis qui l’a bu récemment a la même réaction que moi, ne comprenant pas l’écart avec le 2007 qu’il a bu. Bravo pour cette éclosion.

Il fait chaud et nous buvons bien aussi est-ce le moment d’ouvrir un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle des années 60. Le bouchon se brise à la torsion et je dois l’ôter avec un tirebouchon. Pas de pschitt. La couleur est très ambrée et la bulle est présente. Ce champagne est sans doute celui qui permet le mieux de montrer la pertinence des champagnes anciens, car il est rond, accompli, solaire et joyeux. Il y a un tel écart de plaisir avec un jeune Grand Siècle. Celui-ci est un régal.

Je voulais boire le Salon 2007 sur le camembert mais c’est le Grand Siècle qui va s’associer moins bien. Le morbier ne crée pas de réel accord avec le caviar, mais il fallait essayer. Le gâteau au chocolat est saupoudré de grains de caviar et l’association est réussie.

Le classement des vins serait : 1 – Salon 2007, 2 – Grand Siècle des années 60, 3, Chablis 1988, 4 – Enchanteleurs Henriot 1996.

L’accord plébiscité par tous est celui de la pomme de terre avec le caviar. La pertinence des plats et celle des accords font que ce repas mérite d’être enregistré comme un joyeux et amical 266ème repas.

265th wine-dinner in restaurant Taillevent vendredi, 3 juin 2022

If we consider the calendar as determined by National Education, the 265th wine-dinner will be the last of my « school » year. I will have to hold the 36th session of the Academy of Ancient Wines and then my horizon will be that of the waves of the Mediterranean.

I came a week ago to deliver the wines to the Taillevent restaurant and to compose the dinner menu with chef Giuliano Sperandio. I arrive at 4 p.m. at the restaurant to open the wines with Antonin, the sommelier who will serve the wines for our evening. He smells the wines I open.

The two dry whites have promising aromas, diagnosis shared. The cork of the 1964 Carbonnieux blanc breaks into multiple pieces, like that of the 1934 Cheval Blanc and the 1983 Romanée Conti. The nose of the Cheval Blanc and the nose of the 1945 Fleurie are exciting. The capsule of the Coutet 1958 is a pink orange of rare beauty and the perfume of this wine, of a rare sweetness, is also pink orange. The Madeira 1890 does not have a capsule but a hat braided with reed stems of the most beautiful effect. All the perfumes seemed reassuring to me, ready to blossom due to the slow oxygenation.

A newly loyal friend from my diners came to meet me around 5 p.m. when the reds opened. He gave me a very nice present so I planned to share with him a ½ bottle of Champagne Pol Roger 1969. This champagne is delicious. My friend recognizes in him the soul of Pol Roger, which pleases me. This is how we chat until the punctual arrival of all the participants.

There are ten of us, four of whom I know and five of whom I don’t, registered thanks to Instagram. There are two English, two Americans and one American, one Australian, one Swiss and only three French, of which my daughter is one.

In the magnificent wood-paneled lounge of the Taillevent restaurant, we toast standing with the Champagne Jacques Selosse Cuvée Substance disgorged in 2008. This powerful champagne with strong acidity is of great nobility. He challenges as he is conquering. Gougères calm his energy.

The menu prepared by chef Giuliano Sperandio is: amuse-bouche / red tuna and caviar / langoustine, squid ink risotto / veal sweetbreads with cloves / pigeon with cherries / Stilton / mango / all chocolate.

Champagne Krug Vintage 1982 is of exemplary delicacy. It is soft, calm, subtle, but its apparent calm hides a beautiful power and an imperial complexity. I am won over by this easy-going champagne and to my surprise the Selosse will receive more votes than the Krug, which makes me happy because it proves that my guests were not put off by the wild character of the Selosse. And so it is. The amuse-bouche with pieces of squid is delicious with the Krug.

The beautifully balanced tuna with caviar is eaten with the Pavillon blanc de Château Margaux 1979 and the Château Carbonnieux blanc 1964. I am served with both wines and it is a storm under my head. The Margaux smells of glycerine and the Graves smells of petroleum and camphor. How is it possible that these wines that Antonin the sommelier and I felt were perfect have become that? And I say to myself: « it’s going badly ». The only explanation I see is this: after opening, I asked the sommelier to keep the opened white wines upright in a cool fridge. But some time later, I saw in the refrigerator the two wines lying horizontal and closed by corks that were not theirs. Is it possible that these corks had such an influence on the wines? It sounds amazing, but the difference in flavors is just as amazing. My guests were charming because none expressed a rejection of these two frankly unpleasant wines, even if behind the veil of their impurities one could feel what they could have been. Fortunately, the sequel will fulfill our desires.

The risotto that accompanies the langoustine is divine. This dish is in vogue with Auxey-Duresses Bégin Clonet 1967 and Fleurie Albert Bichot & Cie 1945. The Burgundian is one of the infantrymen who fight valiantly alongside the seasoned officers and this Auxey has a delicate flavor and a pleasant freshness even if its complexity is not extreme. The surprise is immense for my guests to see that a Beaujolais can age so beautifully. Its perfume is charming and the wine expresses itself with elegance. Who would say Beaujolais while drinking it blind? It really is an ideal balance.

Château Cheval Blanc 1934 is a step into the world of ‘real’ great wines. What emotion. I like it because it is soft, full of charm with such a refined fine texture. A real happiness that dazzles each guest. The wine is 88 years old and he is a dashing and seductive young man. The sweetbread is perfectly cooked and the pairing is ideal. Finally we feel on Olympus.

A loyal guest reader remarks that this is the first time that I have put two Romanée Conti wines from the same year in a dinner. If I took this initiative, it is more to associate them than to compare them. Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 has for my nose and my palate everything that makes the soul of Romanée Conti, the rose but here especially the salt. And I love. The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983 is beautifully balanced, with a rare consistency, but it lacks a little salt despite its elegant rose. Both wines are a perfect accomplishment. Some find Romanée Conti richer and more complex and we will see this Romanée Conti receive the crowning glory of a banana republic. I like both wines but I have a soft spot for the slender subtlety of Saint-Vivant.

The Stilton is of good quality and forms a very good pairing with the Château Coutet Barsac 1958. The wine is extremely sweet, pink and fresh. It is with mango that the agreement is absolutely perfect. It is the greatest instantaneous emotion of this meal that this anthology agreement. The wine is just lovely. The sorbet is not in continuity with the pure flesh of the mango. The meringue by its sweet character creates a beautiful excitement of the Barsac.

The Madeira Isidro Goncalves 1890 must have been bottled in the 1950s. It has a nice energy combining sweetness and a nice aspect of dry wine. Such wines are pure pleasures. The variations on the chocolate are very nice. A friend will tell me that it is a Sercial.

The cooking was of high quality. The most beautiful pairing is probably that of Cheval Blanc with sweetbread. All the dishes were well done.

It’s time for the votes. La Romanée Conti cannibalized the votes with eight first votes. The other two first votes are the Romanée Saint-Vivant and the Selosse champagne.

The overall vote of the table is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Champagne Jacques Selosse Cuvée Substance disgorged in 2008, 5 – Fleurie Albert Bichot & Cie 1945, 6 – Champagne Krug Vintage 1982.

My vote is: 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Château Cheval Blanc 1934, 4 – Fleurie Albert Bichot & Cie 1945, 5 – Champagne Krug Vintage 1982.

The atmosphere was particularly warm. Many did not know anyone but in front of high quality wines everyone was collected with pleasure. I appreciated the open attitude of everyone in front of the dry white wines with unexpected deviations. We are called to meet again.

265ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Taillevent jeudi, 2 juin 2022

Si l’on considère le calendrier comme le détermine l’Education Nationale, le 265ème dîner de wine-dinners sera le dernier de mon année « scolaire ». Il me restera à tenir la 36ème séance de l’Académie des Vins Anciens et ensuite mon horizon sera celui des vagues de la Méditerranée.

J’étais venu il y a une semaine livrer les vins au restaurant Taillevent et composer avec le chef Giuliano Sperandio le menu du dîner. J’arrive à 16 heures au restaurant pour ouvrir les vins avec Antonin, le sommelier qui servira les vins de notre soirée. Il sent les vins que j’ouvre.

Les deux blancs secs ont des parfums prometteurs, diagnostic partagé. Le bouchon du Carbonnieux blanc 1964 se brise en de multiples morceaux, comme celui du Cheval Blanc 1934 et de la Romanée Conti 1983. Le nez du Cheval Blanc et le nez du Fleurie 1945 sont enthousiasmants. La capsule du Coutet 1958 est d’un rose orange d’une rare beauté et le parfum de ce vin, d’une douceur rare, est aussi rose orange. Le Madère 1890 n’a pas de capsule mais un chapeau tressé de tiges de roseaux du plus bel effet. Tous les parfums me sont apparus rassurants, prêts à s’épanouir du fait de l’oxygénation lente.

Un ami nouvellement fidèle de mes dîners est venu me rencontrer vers 17 heures au moment de l’ouverture des rouges. Il m’avait fait un très joli cadeau aussi ai-je prévu de partager avec lui une ½ bouteille de Champagne Pol Roger 1969. Ce champagne est délicieux. Mon ami reconnaît en lui l’âme de Pol Roger, ce qui me fait plaisir. C’est ainsi que nous bavardons jusqu’à l’arrivée ponctuelle de tous les participants.

Nous sommes dix dont quatre que je connais et cinq que je ne connais pas, inscrits grâce à Instagram. Il y a deux anglais, deux américains et une américaine, un australien, un suisse et seulement trois français dont ma fille fait partie.

Dans le magnifique salon lambrissé du restaurant Taillevent, nous trinquons debout avec le Champagne Jacques Selosse Cuvée Substance dégorgé en 2008. Ce champagne puissant à la forte acidité est d’une grande noblesse. Il interpelle tant il est conquérant. Les gougères calment son énergie.

Le menu préparé par le chef Giuliano Sperandio est : amuse-bouche / thon rouge et caviar / langoustine, risotto à l’encre de seiche / ris de veau aux giroles / pigeon aux cerises / Stilton / mangue / tout chocolat.

Le Champagne Krug Vintage 1982 est d’une délicatesse exemplaire. Il est doux, calme, subtil, mais son calme apparent cache une belle puissance et une impériale complexité. Je suis conquis par ce champagne facile à vivre et à ma grande surprise le Selosse recevra beaucoup plus de votes que le Krug, ce qui me rend heureux car cela prouve que mes convives n’ont pas été rebutés par le caractère sauvage du Selosse. Et c’est bien ainsi. L’amuse-bouche avec des morceaux de seiche est délicieux avec le Krug.

Le thon au caviar d’un bel équilibre se mange avec le Pavillon blanc de Château Margaux 1979 et le Château Carbonnieux blanc 1964. Je suis servi des deux vins et c’est une tempête sous mon crâne. Le margaux sent la glycérine et le Graves sent le pétrole et le camphre. Comment est-il possible que ces vins qu’Antonin le sommelier et moi-même avons sentis comme parfaits soient devenus cela ? Et je me dis : « ça part mal ». La seule explication que je vois est la suivante : après ouverture, j’ai demandé au sommelier de garder les vins blancs ouverts debout dans un réfrigérateur frais. Or quelque temps après, j’ai vu dans le réfrigérateur les deux vins couchés et fermés par des bouchons qui n’étaient pas les leurs. Est-il possible que ces bouchons aient eu une telle influence sur les vins ? Cela paraît étonnant, mais l’écart de parfums est tout aussi étonnant. Mes convives ont été charmants car aucun n’a exprimé un rejet de ces deux vins franchement désagréables, même si derrière le voile de leurs impuretés on sentait ce qu’ils auraient pu être. Fort heureusement la suite va combler nos désirs.

Le risotto qui accompagne la langoustine est divin. Ce plat vogue avec l’Auxey-Duresses Bégin Clonet 1967 et le Fleurie Albert Bichot & Cie 1945. Le bourguignon fait partie des fantassins qui luttent vaillamment à côté des gradés chevronnés et cet Auxey a un parfum délicat et une fraîcheur plaisante même si sa complexité n’est pas extrême. La surprise est immense pour mes convives de voir qu’un beaujolais peut vieillir de si belle façon. Son parfum est charmeur et le vin s’exprime avec élégance. Qui dirait beaujolais en le buvant à l’aveugle ? Il est vraiment d’un équilibre idéal.

Le Château Cheval Blanc 1934 fait entrer de plain-pied dans le monde des ‘vrais’ grands vins. Quelle émotion. Je l’aime car il est doux, plein de charme avec une texture fine si raffinée. Un vrai bonheur qui éblouit chaque convive. Le vin a 88 ans et c’est un jeune homme fringant et séducteur. Le ris de veau est d’une cuisson parfaite et l’accord est idéal. Enfin on se sent sur l’Olympe.

Un convive fidèle lecteur fait remarquer que c’est la première fois que je mets deux vins de la Romanée Conti de la même année dans un dîner. Si j’ai pris cette initiative, c’est plus pour les associer que les comparer. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 a pour mon nez et mon palais tout ce qui fait l’âme de la Romanée Conti, la rose mais ici surtout le sel. Et j’adore. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983 est de bel équilibre, d’une cohérence rare, mais le sel lui manque un peu malgré sa rose si élégante. Les deux vins sont d’un accomplissement parfait. Certains trouvent la Romanée Conti plus riche et plus complexe et l’on verra cette Romanée Conti recevoir un couronnement de république bananière. J’aime les deux vins mais j’ai un petit faible pour la subtilité gracile de la Saint-Vivant.

Le Stilton est de belle qualité et forme avec le Château Coutet Barsac 1958 un très bel accord. Le vin est d’une douceur extrême, rose et fraîche. C’est avec la mangue que l’accord est absolument parfait. C’est la plus grande émotion instantanée de ce repas que cet accord d’anthologie. Le vin est tout simplement charmant. Le sorbet n’est pas en continuité avec la chair pure de la mangue. La meringue par son caractère sucré crée une belle excitation du Barsac.

Le Madère Isidro Goncalves 1890 a dû être mis en bouteille dans les années 50. Il est d’une belle énergie combinant la douceur et un bel aspect de vin sec. De tels vins sont des plaisirs purs. Les variations sur le chocolat sont très agréables. Un ami me dira qu’il s’agit d’un Sercial.

La cuisine a été de haute qualité. L’accord le plus beau est probablement celui du Cheval Blanc avec le ris de veau. Tous les plats ont été de belle réalisation.

C’est le moment des votes. La Romanée Conti a cannibalisé les votes avec huit votes de premier. Les deux autres votes de premier sont la Romanée Saint-Vivant et le champagne Selosse.

Le vote global de la table est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Champagne Jacques Selosse Cuvée Substance dégorgé en 2008, 5 – Fleurie Albert Bichot & Cie 1945, 6 – Champagne Krug Vintage 1982.

Mon vote est : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Château Cheval Blanc 1934, 4 – Fleurie Albert Bichot & Cie 1945, 5 – Champagne Krug Vintage 1982.

L’ambiance a été particulièrement chaleureuse. Beaucoup ne connaissaient personne mais devant des vins de haute qualité chacun se recueillait avec plaisir. J’ai apprécié l’attitude ouverte de tous devant les vins blancs secs aux déviations inattendues. Nous sommes appelés à nous revoir.


la table du dîner

bu avec un ami venu en avance

les vins

la capsule du Coutet est de toute beauté

au restaurant Maison Rostang un sublime Lafite 1900 samedi, 7 mai 2022

Un ami américain, grand connaisseur de vins, m’annonce sa venue à Paris car il va visiter plusieurs grands vignobles. Il propose de m’inviter et me demande de fournir quelques vins. Sachant qu’il boit des vins prestigieux, j’ai préparé pour ce repas au restaurant Maison Rostang des vins dont je suis sûr qu’il ne les a jamais bus. Sa réaction me fait comprendre qu’il voudrait plus prestigieux, ce qui ne me gêne pas.

J’arrive au restaurant à 17 heures. J’ai dans ma besace six bouteilles. Je n’en ouvrirai que deux. Le parfum du Château Lafite 1900 est à se damner tant il est d’une perfection absolue. Riche, fruité, rond, séducteur, ce parfum devrait être inscrit au Guinness Book of Records, si on arrivait à conserver les parfums. Il est tellement puissant que je décide de mettre un bouchon neutre pour le conserver intact jusqu’à l’heure du repas.

A 18h30 j’ouvre un Champagne Gonet Père & Fils 1962 dont les arômes indiquent un âge certain mais une belle pureté. Je fais mettre au frais un vin blanc et j’attendrai l’arrivée de mon ami pour que l’on décide ce qui sera ouvert.

Mon ami arrive avec un autre ami que je connais et que je n’attendais pas. Il va falloir ouvrir d’autres vins. Je suggère le menu : asperges pour le champagne, langoustines pour le vin blanc que j’ai apporté et pigeon pour le Lafite.

La délicieuse amertume des asperges est idéale pour le Champagne Gonet Père & Fils 1962 à la couleur ambrée. La bulle est absente et le pétillant est très faible, donnant à ce champagne plus un goût de vin que de champagne. On s’aperçoit que le vin de base de ce champagne est noble et bien fait. Le vin est complexe avec des suggestions de saveurs alanguies et joliment vieillies. Il est agréable mais un peu plus âgé qu’il ne devrait.

La suite du repas se fera en dégustation à l’aveugle. L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin que j’ai acheté récemment, fasciné par sa magnifique couleur. Dans le verre, le vin est d’un or resplendissant très clair. Le nez est impressionnant de complexité et en bouche il est phénoménal. Je le rangerais volontiers parmi les plus grands blancs qui soient. Mes convives ont hésité entre Bourgogne et Rhône et ont cité des années autour de 1978. Ce vin riche, complexe, puissant et affirmé est exceptionnel.

Le Château Lafite 1900 a son nom et l’année gravés dans un écusson en verre collé à la bouteille. La bouteille a été soufflée manuellement et une irrégularité dans le goulot avait déchiré le bouchon à sa remontée. Le parfum est luxuriant, riche et séduisant. En bouche c’est la perfection absolue du bordeaux. J’avais acheté plusieurs bouteilles d’un même lot, et chaque fois que je l’ai bu, je l’ai trouvé parfait. Celui-ci est particulièrement percutant, alors qu’il a 122 ans. Mes amis ont évoqué les années trente ou quarante et ont été surpris qu’il soit aussi fringant. L’accord avec le pigeon est superbe.

Mon ami a tenu à nous faire boire une bouteille qu’il commande en cachette sur la carte du restaurant. Je vais donc maintenant devoir goûter à l’aveugle. L’idée d’un Bourgogne est assez évidente. Pour le domaine j’ai suggéré Rousseau et pour l’année, considérant que c’est un vin jeune, j’ai cité 1990 ce qui veut dire – pour moi – que c’est très jeune. Il s’agit en fait d’un Richebourg domaine Méo- Camuzet 2002. Nous prenons des fromages ce qui permet de boire ce vin et aussi le reste du vin blanc.

Le Richebourg est noble. On sent que c’est un Grand Cru. Il a déjà un bel accomplissement qui le rend très agréable à boire, mais après avoir bu le Lafite, on se rend compte qu’il faudra au moins 20 ans pour qu’on puisse le goûter à maturité.

La cuisine est superbe et le restaurant a gardé cette ambiance familiale qui fait son charme. Le service est très attentif. Mon classement des vins de ce repas est : 1 – Lafite 1900, 2 – Hermitage blanc 1959, 3 – Richebourg 2002, 4 – Gonet 1962.

Je suis content d’avoir revu ces amis et d’avoir ouvert un Lafite 1900 au sommet absolu de son art.

déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages vendredi, 6 mai 2022

J’ai de temps à autre présenté une énigme dans un mail d’envoi de mes bulletins. Et la récompense de ces énigmes est de déjeuner avec moi avec de belles bouteilles. L’idée m’est venue de tenter la même incitation à trouver une énigme sur Instagram où je jouis d’une écoute extrêmement amicale et bienveillante. Le sujet de l’énigme était de trouver le point commun qui existe entre deux vins algériens, le Royal Kebir de Frédéric Lung et un autre vin, le Sidi Brahim d’André Vigna. L’enjeu était de boire un vin du domaine de la Romanée Conti avec moi. Plusieurs personnes ont trouvé l’énigme et j’ai choisi deux gagnants, les plus rapides, car ils étaient difficiles à départager. La solution de l’énigme est que sur les étiquettes les mots Kebir et Vigna, qui ont chacun cinq lettres, sont représentés comme une croix, le mot étant à la fois horizontal et vertical, la lettre centrale, le B ou le G étant au centre de la croix. La récompense est un déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages. La gagnante est italienne vivant et travaillant à Toulouse. Le gagnant est américain de New York profitant de cette occasion pour faire un voyage à Paris avec sa fiancée. Les deux sont du même âge, de moins de trente ans.

Le jour venu je me présente à onze heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins. Les parfums sont prometteurs et celui de La Tâche 1954 est absolument typique avec la rose et le sel. J’ai composé le menu avec le chef Ken qui sera asperge, poisson cru, poisson cuit, agneau suivi par trois bœufs différents. Et nous ajouterons fromage et dessert aux fruits rouges.

Le Champagne Krug Private Cuvée est très probablement des années 50. Son bouchon est en effet venu sans la moindre résistance. La couleur est d’un acajou clair, les bulles ont disparu mais le pétillant en bouche est intact. Nous sommes dans un monde de champagnes que mes jeunes convives ne connaissent pas. Il y a du miel, des agrumes, une complexité extrême et une longueur qui n’en finit pas. Un amuse- bouche au poisson fort donne une énergie superbe au champagne.

J’avais demandé que les asperges n’aient aucun accompagnement pour que leur amertume excite le champagne et ce fut le cas. Le poisson cru servi avec de l’huile convient au champagne mais j’ai demandé qu’on nous donne le même poisson cru sans accompagnement pour l’essayer avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954. C’est une coquetterie, mais ça marche !

Ce La Tâche a tout ce qui fait un grand vin. Il est complexe, long, avec un sel persistant. Il est parfait sur l’agneau.

J’ai aussi apporté un Beaune Hospices de Beaune Cuvée des Dames Hospitalières P. Perret 1943. Sa couleur est beaucoup plus jeune que celle de La Tâche. Le nez est généreux et en bouche, le vin est large et d’une belle jeunesse. C’est un pur bonheur, franc.

La Tâche a très bien réagi sur le wagyu délicieux et fondant. Les fromages ont accompagné les deux rouges que l’on peut boire ensemble sans qu’ils se nuisent.

Le dessert a accueilli un Champagne Billecart Salmon rosé sans année très pertinent.

Nous avons classé le Beaune 1943 devant La Tâche 1954 malgré sa grande authenticité car il faisait un peu plus fatigué que le fringant 1943. J’ai rencontré deux jeunes personnes extrêmement sympathiques que je n’aurais eu aucune chance de rencontrer s’il n’y avait eu cette énigme Enigma. Je pense qu’ils garderont un souvenir heureux de cet agréable déjeuner. La réponse du restaurant Pages à mes désirs est exceptionnelle.