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dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 7 septembre 2006

Après la longue pause estivale, dîner au restaurant Taillevent est certainement le meilleur moyen d’arriver à retrouver le Paris qu’on aime. Car la pollution très nette, les voies urbaines coupées en deux par la Delanoëisation, engorgées et bloquées d’un côté et désespérément vides de l’autre, ce n’est pas un accueil digne de la Ville Lumière. J’arrive à 16h30 pour ouvrir les bouteilles. Je suis accueilli par un Jean-Claude Vrinat rayonnant mais toujours modeste, car le guide Zagat vient de le confirmer au rang de numéro un parmi tous les restaurants. Il va s’échapper peu après pour recevoir cet honneur.

Tout a été préparé par Alexandre, jeune aide-sommelier qui contemple avec envie les vins que nous allons boire ce soir. Les bouchons sont généralement très sains, sauf celui du Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963 qui sent classiquement la terre de la cave de la Romanée Conti dans sa partie supérieure. Il est mangé de terre sur une moitié, l’autre étant noire et relativement peu grasse, aspect que l’on comprendrait mieux d’un vin de trente ans de plus. Quelques odeurs sont fatiguées mais ne sont pas inquiétantes, car l’oxygène va jouer son rôle de Docteur Miracle.

La table a été composée par un des plus fidèles convives des dîners de wine-dinners. Il s’agit de membres de sa famille qui veulent honorer un futur gendre de mon ami. Je découvre avec curiosité que nous serons neuf mâles et j’apprendrai que les épouses se sont regroupées à l’Angle, le deuxième restaurant de Taillevent. Les couples se reformeront dans quelques heures, à Taillevent, autour d’un verre.

Le menu composé par l’équipe de Jean-Claude Vrinat est le suivant : Amuse bouche / Rémoulade de tourteaux aux fines herbes / Raviolis aux champignons du moment / Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (premier service) / Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (second service, la cuisse) / Fourme d’Ambert à la cuillère / Gelée d’agrumes, œuf-neige à la mangue. Belle intelligence culinaire dans une stricte orthodoxie.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1985 à la magnifique couleur d’un jaune à peine doré, à la bulle active, affiche sur des gougères un goût de fruits à peine confits. Ce champagne porte son âge avec élégance. Sur un merveilleux et complexe velouté aux tons et saveurs d’automne, le Bollinger prend un caractère citronné, s’anime et rajeunit. Trois convives ont une analyse inverse et trouvent qu’il s’arrondit. Le Bollinger « GA » 1985, moins pétulant que le « RD » (récemment dégorgé) du même âge, est rassurant, charmant, très plaisant.

Une jolie présentation de tourteaux accueille deux vins de 1959 un Niersteiner Königskerze Rheinessen 1959 et un Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959. Ce sont deux vins qui ont dépassé depuis longtemps leur période de maturité. C’est pourquoi j’explique comment aborder ces vins pour lesquels les repères des vins actuels ne comptent plus. Le Puligny est absolument délicieux, légèrement doucereux et livre « entre les lignes » un message de Puligny. Avec la chair du tourteau, l’accord est naturel. La crème auréolée d’un pointillé « à la Robuchon » n’est pas l’amie des blancs, mais elle passe assez bien avec le vin allemand qu’une petite amertume gêne à peine. La très belle complexité faite de mangue, de rhubarbe, et surtout de morilles a du charme à revendre. Dès qu’on arrive à la deuxième moitié de la bouteille, l’amertume disparait complètement, ce qui embellit définitivement ce beau vin germanique.

Les champignons ont un goût très affirmé. Le Château Mouton-Rothschild 1950 à la couleur très foncée a un nez fortement acide qui me fait grimacer. Mais en bouche, si on accepte cette acidité sensible, on sent tout le velouté délicieux de ce vin que je considère comme très beau. Mon ami fait grise mine de façon insistante, aussi je fais ouvrir le Château Ausone 1975 que j’avais en réserve. Mais je continue à défendre Mouton. Et j’ai raison ! Car son final en bouche est pur et magistral. Quand l’oxygène a joué son rôle dans le verre, le vin devient parfait, beau, velouté, délicieux. L’accord est évidemment possible, mais les champignons envahissent trop l’espace du vin.

Le Château Ausone 1975 sera servi avec le Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet sur le premier service du poulet de Bresse. Cette cohabitation impromptue est intéressante. L’Ausone a une élégance et une qualité de construction qui impressionnent. Mais le Chassagne rouge a une séduction éblouissante. Lorsque j’avais mis au point les vins pour le dîner de mon ami, il avait fait la moue pour ce vin qu’il jugeait bien ordinaire. Un Chassagne rouge, qu’est-ce que ça peut donner ? Or le fantassin joue les généraux. Charmeur, envoûtant, je l’ai trouvé remarquable de jeunesse et d’expression bourguignonne. Les deux vins ne rivalisent pas, montrant deux facettes éclairantes de la magie des rouges.

La page suivante de ce dîner allait nous faire monter d’un étage. Le Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963 au bouchon si vilain montre toute la complexité de la belle Bourgogne. Sans séquelles des impuretés odorantes qu’il avait à l’ouverture, je lui ai trouvé un petit côté salin que j’aime bien chez les vins du Domaine. Et la divine surprise est venue de l’Aloxe Corton 1947. Je dis à l’un de mes voisins : « c’est un vin comme cela qui justifie toute ma démarche de collectionneur ». Car ce vin de négoce ayant perdu son étiquette, une main malhabile avait confectionné une naïve étiquette avec ces seules mentions : « Aloxe Corton 1947 ». J’avais ainsi acheté chat en poche. Et voici que ce vin est éblouissant. Le Grands Echézeaux a une couleur d’un rubis fatigué alors que l’Aloxe offre un rouge sang d’une jeunesse insolente. En bouche il jubile de perfection. Toute la table vacille, car aucun convive hormis mon fidèle ami ne peut imaginer qu’un 1947 ait cette verve là.

La fourme parfaite avec un pruneau fourré va donner de la noblesse au Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928. Nous sommes aux anges. Le Loubens est expressif, chaleureux, d’une couleur divinement dorée. Mais ce vin est très simple. Et le Château d’Yquem 1983 montre encore plus l’écart qu’il peut y avoir entre leurs deux structures. Ce 1983 est au sommet de son art, complexe, épanoui, de pur plaisir. Il est aidé par un dessert merveilleux, véritable propulseur de l’Yquem.

La séance des votes allait être passionnante, car pour beaucoup de convives, ces vins sont d’un monde nouveau. Ma fierté est de constater que neuf vins sur dix ont figuré dans les quartés des neuf votants. Seul le Mouton 1950 est resté sur le bord des votes, à cause de cette acidité que l’on n’arrive à ignorer qu’avec un expérience déjà certaine. Cinq vins sur dix ont bénéficié d’un vote de premier, ce qui est une autre fierté. La plus grande fierté est que l’Aloxe Corton 1947 soit le plus couronné avec quatre votes de premier, l’Yquem 1983 a eu deux votes de premier, le Grands Echézeaux, le Chassagne Montrachet et le Puligny Montracet recueillant chacun un vote de premier. Le vote du consensus serait : Aloxe Corton 1947, Yquem 1983, Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959, Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963. Mon vote a été : Aloxe Corton 1947, Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet, Yquem 1983, Champagne Bollinger Grande Année 1985.

Le service de Taillevent est légendaire. Il fut exceptionnel ce soir. Si l’on veut analyser ce que l’on pourrait améliorer, je vois deux pistes. La première est de faire remplir les verres à l’avance pour certains vins, avant d’être mis sur table, car on a vu que le Niersteiner et le Mouton se sont nettement améliorés dans la deuxième partie de la bouteille. Sept à huit minutes d’épanouissement dans le verre leur aurait fait du bien. M’en étant ouvert à Jean-Claude Vrinat, celui-ci m’a suggéré de le définir dès la séance d’ouverture des vins. Le deuxième sujet d’amélioration serait que le chef vienne sentir les vins une heure avant de passer à table. On pourrait ajuster des sauces ou des condiments à ce que l’on constate. Car la belle cuisine de Taillevent aurait été encore plus émouvante avec un ou deux ajustements. Faire un repas au restaurant Taillevent est un régal. Réaliser un tel repas avec une équipe aussi réceptive, attentive et motivée est un vrai plaisir.

dîner au restaurant Taillevent jeudi, 7 septembre 2006

Les vins de la collection wine-dinners

Champagne Bollinger Grande Année 1985

Niersteiner Königskerze Rheinessen 1959

Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959

Château Mouton-Rothschild 1950

Château Ausone 1975

Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet

Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963

Aloxe Corton 1947

Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928

Château d’Yquem 1983

Le menu créé par l’équipe de Jean-Claude Vrinat

Amuse bouche

Rémoulade de tourteaux aux fines herbes

Raviolis aux champignons du moment

Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (premier service)

Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (second service, la cuisse)

Fourme d’Ambert à la cuillère

Gelée d’agrumes, oeuf-neige à la mangue

dîner de wine-dinners à la Grande Cascade jeudi, 15 juin 2006

En juin, la tentation est grande de faire un dîner de wine-dinners au restaurant de la Grande Cascade. Dans cette petite bonbonnière logée dans un parc aux arbres centenaires, notre table donne sur le jardin, et nous aurons, presque pendant tout le dîner, une vision d’un beau soir annonçant l’été, oubliant les nuages d’un ciel porteur d’ondées. Je suis venu à 17 heures pour ouvrir les vins, accueilli par une belle et attentive Noémie, apprentie sommelière qui promet beaucoup. Pour quatre bouteilles je rencontrerai des bouchons qui partent en charpie, avec des combats difficiles comme avec ce Smith Haut Lafitte au bouchon indéfectiblement collé au verre. Le niveau de ce vin est exemplaire, dans le goulot, ce qui est rare pour un 1949. A l’inverse, le Gruaud Larose 1928 a un niveau de basse épaule et son nez est acide. Tout cela ne me paraît pas trop grave (j’ai tort). L’odeur du Filhot 1924 est magnifique, comme celles des deux blancs secs.

Du fait de la Delanoëisation des transports urbains, la ponctualité n’est pas le fort de cette 73ème promotion des dîners de wine-dinners. Mais la proportion de jolies femmes interdit tout commentaire. Comme il fait beau, deviser devant l’entrée est un plaisir. Des convives se reconnaissent. Il y a pour ce dernier dîner de l’année scolaire une majorité d’habitués, ce qui me réjouit.

Le menu, créé par M. Menut et Richard Mebkhout est le suivant : Gressins et allumettes / Feuilleté de bulots, jus au naturel / Truffes d’été cuites et crues en marmelade / Pavé de bar saisi à la plancha, épinards au beurre noisette / Longe de veau en cocotte, poêlée de girolles nature, un jus gras / Stilton et rôtie de fruits secs / Compotée d’agrumes et crumble, meringue vanillée, cappuccino au lait de poule. Le chef a magnifiquement épuré ses plats pour qu’ils soient au service du vin, sans que cela enlève à leur intérêt strictement gustatif.

Le Champagne Besserat de Bellefon non millésimé arrive un peu chaud, ce qui gêne pour les deux premières gorgées. C’est un champagne assez simple, au message linéaire, que le jambon espagnol titille gentiment. C’est une mise en condition, un échauffement. La partie commence vraiment avec le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1985 dégorgé en 1999 qui est une véritable splendeur. Ce champagne est d’une élégance extraordinaire. J’y vois des roses, des fleurs. Chacun autour de la table rivalise d’évocations colorées et plaisantes. Je viens de goûter il y a peu de jours le champagne Salon 1985. Ces deux champagnes sont délicieux. Très opposés, ils ont chacun leur place. Le Dom Pérignon est charmeur et délicat. Sur le bulot, c’est un rêve. Mais surtout sur la mousse très virile, il se met à chanter. L’accord est beau.

Le Château Bouscaut blanc 1953 à la couleur irréellement jeune accompagne le Chassagne Montrachet Georges Pollet 1964 d’un or majestueux autour de la truffe  d’été. Ce fut certainement le moment le plus intense de la soirée. Le Chassagne a tant de charme que chacun y succombe instantanément, alors que dans mon silence intérieur, je trouve au moins autant d’atouts à ce Bordeaux d’une précision rare. Quel grand bordeaux blanc ! Sa trace citronnée excite agréablement la pomme de terre presque crue et croquante. Le Chassagne est à l’aise avec la truffe toute en suggestion fragile et virginale. Lourd, expressif, il chante comme Luis Mariano une ode à sa belle. Tout à cet instant est magique, le plat suggestif en nuances, le bordeaux subtil et d’une trame expressive, et le Chassagne conquérant, Fanfan la Tulipe de l’instant.

Le Château Smith Haut-Lafitte Graves Martillac 1949 est renversant. Sa couleur est d’une jeunesse rare, son nez raconte des milliers de poésies. Et en bouche, quelle belle personnalité. C’est certainement le Smith Haut-Lafitte le plus intelligent que j’aie jamais bu. A côté, le pauvre Château Gruaud Larose Sarget 1928 au nez désagréable nous fait vinaigre. Si une lueur s’allume, elle s’éteint aussitôt. Le vin est mort. La gloire du 1949 permet de l’oublier. L’accord sur la chair du turbot seule est d’une grande justesse. L’épinard se mange séparément, et il a la politesse de ne pas biaiser le palais.

A la table, un ami au verbe péremptoire va acclamer le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 quand il va décapiter le Vosne Romanée Leroy 1959. C’est un peu excessif. Le Vosne Romanée porte évidemment des traces de fatigue qui le handicapent. Mais contrairement au Gruaud Larose, il a gardé quelque chose à dire, à demi-mot. Le nez du Richebourg est sauvage, cheval fougueux indompté. Il est salin, de fruits rouges écrasés. En bouche, tout le domaine de la Romanée Conti se rappelle à ma mémoire. Et tout le monde aime ce vin splendide que vante le vigneron bourguignon de notre table, le jugeant immense (il le classera premier de son vote). C’est un vin du domaine particulièrement émouvant, qui remet le curseur de la DRC au niveau d’excellence qu’il ne doit plus quitter dans ma mémoire, après les hésitations que j’ai connues dans le récent déjeuner familial avec deux vins fatigués.

Le Château de Fargues 1989 sur un  stilton au goût parfait, c’est tellement facile, sans complication. C’est incroyable de constater que le plaisir est immédiat, sans complexe, pur. Ce vin emplit la bouche de bonheur simple. Ce vin, c’est le vote des congés payés en 1936, c’est un dimanche au bord de l’eau, c’est la mélodie du bonheur. Il est d’une puissance rare, d’une force inébranlable. Un sauternes parfait de prime jeunesse.

C’est un vrai délice de pouvoir faire suivre le généreux Fargues par Château Filhot 1924 d’une qualité rare. Très peu botrytisé, il décline une myriade de sensations exotiques fines. On reconnait immédiatement la parenté directe avec le Filhot 1858 que j’avais bu au château de Beaune, à l’initiative de Bouchard Père & Fils. La filiation (comme son nom l’indique) est spectaculaire. Une tranche fine d’orange et sa peau confites forment avec le Filhot un accord miraculeux. L’extase est là. C’est du plaisir pur.

Les classements me plaisent, car sur ces dix vins dont un mort et un fatigué, sept vins vont être dans les votes (de quatre vins seulement pour chaque convive), et six vins vont recueillir un vote de premier. Ça, c’est spectaculaire. Les plus présents dans les votes sont d’abord le Chassagne Montrachet puis le Dom Pérignon. Les plus votés en place de numéro un sont le Filhot 1928 avec trois places de premier et le Fargues 1989 avec trois votes de premier. Ce fut, ce soir, surtout le couronnement des vins blancs.

Mon vote, qu’un fidèle convive fit à l’identique est : 1 – Château Filhot 1924, 2 – Smith Haut-Lafitte 1947, 3 – Dom Pérignon Oenothèque 1985, 4 – Chassagne Montrachet Georges Pollet 1964.

Trois accords magistraux : la truffe blanche et surtout sa pomme de terre sur les deux blancs magnifiques, la tranche confite d’orange sur le Filhot 1924 et le crémeux Stilton sur le Fargues 1989. Mais la mousse forte sur le Dom Pérignon a beaucoup de charme aussi.

La forme de la table, trop étirée, n’encourage pas les discussions de groupe, ce qui n’empêcha pas les rires de fuser, dans une ambiance chaudement amicale. Cela me tente de définir un format de table comme j’ai défini un format de dîner. Ce 73ème dîner avec Filhot 1924 et Smith Haut-Lafitte 1949 fut un des plus plaisants.

Wines of 1915 and 1913 in restaurant Laurent lundi, 12 juin 2006

Robert Parker’s forum was one of the excuses for my trip to the United States, with two organized tastings of the wines of Trimbach and Lynch Bages. This forum is led by Mark Squires, who openly professes his doubts about ancient wines. I wanted to change his opinion, as I had done for members of another forum. This was also an excuse for bringing to Paris a Belgian friend from Antwerp, an Englishman, a Frenchman and an American. A friendly and joyful gathering at the Laurent restaurant, where wines of all origins are there to be enjoyed. Table in the beautiful garden by a beautiful spring evening, always perfect service, quality menu, everything was assembled for Mark Squires to be bewitched by the old wines.

We start with a Meursault Les Narvaux Domaine d’Auvenay 2000 Lalou Bize Leroy. A nose of a unique intensity. A deep wine, of rare length.

The 1964 Riesling Spätlese Niersteiner Kranzberg Franz Karl Rheinhessen is corked. The Trimbach Frederic Emile 1983 I tasted in California is perfectly suited to giant shrimp.

The Château de Beaucastel 1962 Châteauneuf du Pape should not have been opened. He had suffered from the journey to London.

Then come my wines: Nuits Saint Georges Les Cailles Morin Père et Fils 1915, which I have already used widely when I want to convince, is by far the star of the wines of the evening. His youth astonishes everyone. Mark Squires, who obviously has a palate made for other wines had the honesty to say that he liked.

And the nail was going to be hit by my second wine, the Chambertin Jules Regnier 1913 which is of an implausible structure and a youth similar to that of 1915. The Chambertin is obviously a bigger wine, but the Nuits Cailles gives more pleasure. I had taken my chances with two wines over 90 years old. And I won. Mark squires had the elegance to give the testimony on the site of the forum of Robert Parker. I know it will not change his habits. But a milestone had just been laid.

The Marcassin 2001 Pinot noir immediately shows it is of another world: pepper, star anise as in modern wines. In the context of the evening, I liked, like this absolute bomb incensed by Robert Parker, the Domaine du Pégau, Châteauneuf du Pape cuvée da Capo 1998 which has the bagatelle of 16 °.

The Domaine de la Janasse old vines Chateauneuf du Pape 1998 is also very interesting, but a little less than the solid Pegau. We finish with the White Riesling Navarro Late Harvest 2002 which is far too sweet for my taste.

Exciting discussions with great wine lovers. Tastes too resolutely modern are not for me. The idea of this challenge had seduced me. I succeeded with real ancestors. My journey of promoting the value of ancient wines continues. Moreover, my method of opening the wines, now known by a large number of amateurs, has proved its worth that evening.

It seems almost banal to open a wine of 1915 and to find that it seduces the most skeptical. When you think about it … .. What a questioning of all received ideas!
It is the object of my crusade.

Vins de 1915 et 1913 en vedette au restaurant Laurent lundi, 12 juin 2006

Le forum de Robert Parker avait été l’une des excuses de mon voyage aux Etats-Unis, avec les deux dégustations organisées des vins de Trimbach et de Lynch Bages. Ce forum est dirigé par Mark Squires, qui professe ouvertement ses doutes sur les vins anciens. J’avais envie de modifier son avis, comme je l’avais fait pour des membres d’un autre forum. C’était là aussi une excuse pour faire venir à Paris un ami belge de l’équipée d’Anvers racontée récemment, un anglais, un français, un américain. Assemblée amicale et joyeuse au restaurant Laurent, où des vins de toutes origines ont adroitement réjoui nos papilles. Table dans le magnifique jardin par une belle soirée de printemps, service toujours parfait, menu de qualité, tout était réuni pour que Mark Squires se fasse ensorceler par les vins anciens.

Nous commençons par un Meursault les Narvaux Domaine d’Auvenay 2000 Lalou Bize Leroy. Un nez d’une intensité unique. Un vin profond, d’une longueur rare. Le 1964 Riesling Spätlese
Niersteiner Kranzberg Franz Karl Rheinhessen est bouchonné. Le Frederic Emile 1983 Trimbach que j’avais dégusté en Californie est parfaitement adapté aux crevettes géantes. Le Château de Beaucastel 1962 Châteauneuf du Pape n’aurait pas dû être ouvert. Il avait souffert du voyage de Londres. Arrivent alors mes vins : Nuits Saint Georges Les Cailles Morin Père et Fils 1915, que j’ai déjà largement utilisé quand je veux convaincre, est de loin la vedette des vins de la soirée. Sa jeunesse étonne tout le monde. Mark Squires, qui a manifestement le palais fait pour d’autres vins a eu l’honnêteté de dire qu’il a aimé. Et le clou allait être enfoncé par mon deuxième vin, le Chambertin Jules Régnier 1913 qui est d’une invraisemblable structure et d’une jeunesse similaire à celle du 1915. Le Chambertin est manifestement un plus grand vin, mais le Nuits Cailles donne plus de plaisir. J’avais pris mes risques avec deux vins de plus de 90 ans. Et j’ai gagné. Mark squires eut l’élégance d’en donner le témoignage sur le site du forum de Robert Parker. Je sais bien que je ne changerai pas ses habitudes. Mais un jalon venait d’être posé.

Le Marcassin 2001 Pinot noir fait tout de suite changer de monde : du poivre, de l’anis étoilé comme dans les vins modernes. Dans le contexte de la soirée, j’ai aimé, comme cette bombe absolue encensée par Robert Parker, le Domaine du Pégau, Châteauneuf du Pape cuvée da Capo 1998 qui titre la bagatelle de 16°. Le Domaine de la
Janasse vieilles vignes Châteauneuf du Pape 1998 est aussi très intéressant, mais un peu moins que le solide Pégau.
Nous finissons avec le White Riesling Navarro Late Harvest 2002 qui est be
aucoup trop sucré pour mon goût
.

Discussions passionnantes avec de grands amateurs de vins. Les goûts trop résolument modernes ne sont pas pour moi. L’idée de ce challenge m’avait séduit. Je l’ai réussi avec de vrais ancêtres. Mon parcours de promotion de la valeur des vins anciens se poursuit. De plus, ma méthode d’ouverture des vins, connue maintenant d’un grand nombre d’amateurs, a fait ses preuves ce soir là.

À noter, cher lecteur, que cela paraît presque banal d’ouvrir un vin de 1915 et de constater qu’il séduit les plus sceptiques. Quand on y pense ….. Quelle remise en cause de toutes les idées reçues !

C’est l’objet de ma croisade.

dîner de wine-dinners au restaurant Le Divellec jeudi, 18 mai 2006

Cela faisait longtemps qu’on le bichonnait ce dîner avec Jacques Le Divellec. Des essais de plats, des mises au point, autant de prétexte pour se retrouver et parler de gastronomie. Lorsque j’arrive pour ouvrir les bouteilles, je sens l’équipe totalement motivée. Olivier, sommelier attentif, se réjouit de servir des flacons rares. Jacques Le Divellec est comme un jeune étudiant qui attend de passer un concours. C’est en effet un événement de création et d’amitié qui se prépare.

L’ouverture des bouteilles se passe sans aucune difficulté, comme par routine, mais j’ai une très grande surprise. J’avais annoncé Château Latour 1934 reconditionné en 2001. Or en enlevant la capsule, le bouchon est tout noir. Et en piquant le tirebouchon, je constate que le bouchon se brise en mille morceaux. Il s’agit manifestement du bouchon d’origine. Je lis l’étiquette, et je m’aperçois que j’avais fait un contresens. L’étiquette du château annonce bien Latour 1934 mais indique : « cette bouteille a été rhabillée au château en 2001 sous le numéro … ». Ce qui semble indiquer que l’on n’a touché à rien, ni au liquide de beau niveau ni au bouchon. On a seulement changé l’étiquette et la capsule. J’ai commis une erreur en lisant trop rapidement. Et c’est tant mieux, car une bouteille au bouchon d’origine a toujours un goût plus authentique qu’une bouteille rebouchée.

Mes convives sont cinq couples de jeunes et entreprenants résidents suisses dont les origines couvrent toute l’Europe. Les cinq femmes sont ravissantes et je m’en plains. Car concentrer sur un seul dîner autant de beautés merveilleuses est de la gourmandise. Ils arrivent tous ensemble et comme il fait beau, c’est sous les arbres de l’esplanade des Invalides que je donne les consignes habituelles, les femmes frémissant en silence sous la fraîche bise du soir.

Nous passons à table et pouvons lire sur un parchemin le menu créé par Jacques Le Divellec : Pieds de cheval de pleine mer / Carpaccio de turbot du pays breton / Bouquet printanier à la fricassée de casserons et coquillages / Grosses langoustines, au foie gras de canard poele / Mammifère rôti, échalotes confites, ail en chemise / Bar sur peau sauce lie de vin à la grenaille de Noirmoutier / Cassolette de homard à la nage de truffes / Bécasse rôtie sur canapé, purée de ratte /  Comté affiné /  Stilton / Composition fruitière d’agrumes. Jacques Le Divellec a brillamment simplifié les recettes, épuré les présentations, s’appliquant au goût pur de produits beaux et rares. Ce fut brillant.

Le Champagne Pommery 1987 ne me déçoit jamais. Facile à comprendre, frais, champagne de soif au beau message, il accompagne divinement de lourdes huîtres plates au parfum prononcé. Pour de si belles frêles bouches, il eut fallu des pieds de poulain plutôt que de cheval. L’association fut parfaite dans sa simplicité. Ce qui était spectaculaire, c’est que le goût du champagne faisait un prolongement, sans aucune rupture, avec la belle salinité des huîtres.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 est seigneurial. Quelle profondeur de trame. Le Pommery était évidemment destiné à le mettre en valeur, pour qu’on constate sa richesse et sa perfection. Le turbot est la chair la plus élégante des chairs crues, car on profite de la personnalité du poisson sans subir la signature typée du carpaccio. La trace en bouche de ce merveilleux champagne est indélébile, marquée de fruits rouges confits, de fumé, de fleurs odorantes.

Les casserons sont de petites seiches à la chair délicate. Le Laville Haut-Brion blanc 1958 a pris une couleur dorée, son nez est magistral, et en bouche son élégance se découvre progressivement. Il s’épanouit, s’élargit, et c’est surtout avec les bulots que l’accord est intense. Beau vin de Bordeaux qui est nettement moins long que le Laville 1955 éblouissant, bu avec mon ami californien.

Le Bâtard Montrachet Domaine Ramonet 1992 est infiniment plus facile à comprendre, car le Laville fait « vin ancien », quand le Ramonet fait fringant jeune homme en pleine force de l’âge. Quelle puissance ! Un mariage à trois va se former, qui permet de constater que l’on peut passer de la langoustine au foie gras et inversement avec une facilité et un confort gustatif étonnants. Même si le Bâtard est éblouissant de générosité, il ne peut pas voler la vedette à la magistrale langoustine dont la chair est gourmande, joyeuse.

Le mammifère marin – pensez à Moby Dick – a une chair intense, prononcée. Et c’est manifestement de la viande, pas de la chair de poisson. Avec lui, le Château Margaux 1962 va se montrer éblouissant. Velouté, doucereux, presque sucré tant il joue la douceur, il décline aussi des subtilités rares. Un vin de forte séduction. Comme par un mimétisme, le Château Latour 1934 rhabillé en 2001 va jouer sur le même registre avec le bar dont le goût fort sera particulièrement apprécié de ma jeune tablée. Un peu plus dense que le Margaux, on serait bien en peine de déclarer lequel des deux est le plus jeune, alors que 28 ans les séparent ! Belle longueur, densité, le vin de 1928, épanoui, n’a pas d’âge, étant naturellement brillant. Comme son année le laisse imaginer, le 1962 ne brille pas par sa force, préférant le registre serein et structuré.

C’est le Cahors Clos de Gamot (Jouffreau) 1929 qui va voler la vedette aux Bordeaux rouges. Quel grand vin ! Sa couleur est d’une jeunesse surprenante, d’un grenat rayonnant, son nez est agréable, mais c’est surtout en bouche que sa clarté s’affirme. Il ne joue pas sur la puissance, il est léger, aérien, mais ses 77 ans l’ont équilibré, épanoui au-delà du prévisible. Et le goût puissant du homard, amplifié par la truffe était exactement ce qu’il fallait pour que le vin brille plus encore.

On va finir par me suspecter de parti pris. Car La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 est pour moi, mais aussi pour mes convives, absolument éblouissant. Je goûte pour la première fois ce minuscule volatile que prisait François Mitterand, que certaines de mes ravissantes voisines mangeront avec de jolies grimaces, mais plus de courage que certains de leurs chevaliers servants. La bécasse goûteuse parle bien à La Tâche dont la profondeur de goût, la variété sur tons d’automne, sont éblouissantes. Plus que d’autres, je vibre aux accents raffinés des vins sublimes de ce domaine.

Avec un Comté élégamment discret pour ne pas biaiser l’expérience, le Château Chalon Jean Bourdy 1928 généreux, chantant, va ravir toute notre table de ses accents joyeux. Que cela parait naturel. Je l’avais rajouté au programme, pour le plaisir. J’ai bien fait.

Le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1926 a époustouflé toute la table. Comme pour le dîner chez Gérard Besson où j’avais inclus Loubens 1943, personne n’attendrait un Sainte Croix du Mont à ce niveau de perfection et d’intensité. Les fruits exotiques, le thé forment avec élégance un goût profond et envoûtant. Une réussite rare, qui place le Château d’Yquem 1988 en situation de challenger. Malgré ses qualités, sa jeunesse parait facile à côté de la complexité du Loubens. Le dessert fort intelligemment simplifié convient à l’Yquem.

Malgré les rires et les propos débridés d’amis heureux d’être ensemble, il fallait voter. Huit vins sur les onze ont reçu au moins un vote, et cinq vins recueillirent un vote de numéro un, ce qui me plait beaucoup. Le Château Loubens 1926 a obtenu trois votes de premier, comme le Château Chalon 1928. Le Château Latour 1934 a recueilli deux voix de premier, et le Krug 1982 et La Tâche 1992 ont eu chacun un vote de premier. Le vote du consensus serait Loubens 1926 (deux Loubens de suite en première place dans deux dîners, c’est rare), Château Chalon 1928, Château Latour 193 et La Tâche 1992. Mon vote : 1- La Tâche DRC 1992, 2- Cahors Clos de Gamot 1929, 3- Loubens 1926, 4- Château Chalon Bourdy 1928.

Au niveau des goûts, je ne fis pas voter. J’ai surtout noté la chair de la grosse langoustine, et la tendreté des casserons. L’accord le plus beau fut celui du homard avec le Cahors 1929. Mais le bulot avec le Laville 1958, c’est aussi très beau.

Que retenir de ce dîner. D’abord l’extrême générosité de Jacques Le Divellec qui nous a fait goûter des fruits défendus. Ensuite, son engagement, son enthousiasme d’enfant, lui qui a connu tant d’occasions de faire des dîners de rêve. Le challenge lui plaisait, il l’a pris et il l’a réussi. L’équipe motivée, attentive, consciente de l’événement qui se créait. Les vins qui brillent naturellement, facilement, sans qu’on ait besoin de se poser la moindre question sur leur état de forme. Ce 72ème dîner de wine-dinners souriant fut une grande réussite. Kiri, Hubert, Delphine, Marc-Antonio, Monica, Aymar, Isabelle, Stanislas, Jean-Christophe et Tatiana se sont forgé des souvenirs pour une vie.

dîner de wine-dinners chez Jacques Le Divellec jeudi, 18 mai 2006

Dîner n° 73 – jeudi 18 mai 2006

  1. Champagne Pommery 1987
  2. Champagne Krug Clos du Mesnil 1982
  3. Laville Haut-Brion blanc 1958
  4. Bâtard Montrachet Ramonet 1992
  5. Château Margaux 1962
  6. Château Latour 1934 reconditionné en 2001
  7. Cahors Clos de Gamot (Jouffreau) 1929
  8. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992
  9. Château Loubens Sainte Croix du Mont 1926
  10. Château d’Yquem 1988

J’ai rajouté un Chateau Chalon Jean Bourdy 1928.

Le menu composé par Jacques Le Divellec

Pieds de cheval de pleine mer

Carpaccio de turbot du pays breton

Bouquet printanier à la fricassée de casserons et coquillages

Grosses langoustines, au foie gras de canard poele

Mammifère rôti, échalotes confites, ail en chemise

Bar sur peau sauce lie de vin à la grenaille de Noirmoutier

Cassolette de homard à la nage de truffes

Bécasse rôtie sur canapé, purée de ratte

Comté affiné

Stilton

Composition fruitière d’agrumes

dîner de wine-dinners chez Gérard Besson mardi, 16 mai 2006

Dîner n° 76 – mardi 16 mai 2006

  1. Champagne Ayala très vieux, années 50
  2. Champagne Besserat de Bellefon rosé 1966
  3. Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit 1959
  4. Bâtard Montrachet veuve Moroni 1992
  5. Chassagne Montrachet rouge Boudriottes Marcel Toinet 1972
  6. Beaune Perrières Léon Villard 1950
  7. Nuits Saint Georges Bouchard Père et fils 1947
  8. Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1958
  9. Château Loubens Sainte Croix du Mont 1943
  10. Château Rayne-Vigneau Sauternes 1880 ? (le dernier chiffre sera lu sur le bouchon)

L’année du Rayne Vigneau est 1880.

J’ai ajouté

Château Chalon Le Puy Saint Pierre 1959 Vichot Girod

Château Lafite-Rothschild 1963

Le menu composé par Gérard Besson

Superposition de foie gras et aiguillette de bœuf truffée,

Brochette de ris de veau, truffe et Pompadour,

Huîtres juste pochées sur un tartare d’algues,

Filet de sole braisé au fumet de Saint Jacques,  infusion de homard bleu,

Une asperge, une morille,

Médaillon de langouste au macaroni fourré duxelles,

Rouget sauce rouget,

Carré de veau de lait d’Aurillac cuit rosé, jus et petits pois à la Française,

Cœur de côte de bœuf de Salers servi à point, ragoût d’artichaut vigneronne,

Noisette d’agneau du Limousin en chevreuil, navet et oignon fane en chapelure de pain d’épices,

Double Brie,

Composition d’agrumes "pomelos, clémentine", et inspiration du moment.

dîner de wine-dinners au restaurant Gérard Besson mardi, 16 mai 2006

J’aime faire des dîners avec Gérard Besson. Je me souviens être allé le même jour déjeuner chez Guy Savoy qui venait juste de décrocher sa troisième étoile, au sein d’une brigade en folie, pleine de sourires et de joie, et dîner chez Gérard Besson qui venait de perdre sa deuxième étoile. Cœur solide malgré la blessure, il a rajeuni la décoration de son restaurant mais gardé la finesse de sa cuisine. Paradoxalement, c’est la perte de cette étoile qui m’a attaché à lui, car je crois en son talent authentique. Nous en avons eu une démonstration exceptionnelle hier à l’occasion du 71ème dîner de wine-dinners. Car Gérard Besson, comme très peu de grands chefs, comprend les vins anciens. Il a donc adapté des recettes à leur seul profit. Et ce fut grand.

J’ouvre les bouteilles à 17 heures sans aucun problème pour celles de ma cave. Le bouchon d’une Lafite-Rothschild 1963 qui m’avait été offerte pour ce dîner tombe dans la bouteille, ce qui nous oblige à décanter. Il reste dans la bouteille un lourd dépôt. Le bouchon que nous extirperons avec Alain, sommelier de talent, est totalement imbibé.

Il y a autour de la table trois habitués, un couple d’alsaciens qui ont reçu ce dîner en cadeau, un couple de fidèles lecteurs de mes bulletins, le couple qui m’a aidé à créer le blog, et le rédacteur en chef de Bloomberg News à qui je dois un article élogieux dans sa revue mais aussi dans une revue américaine de forte diffusion. Au-delà des propos enjoués et décontractés, chacun se rend bien compte que nous vivons un moment intense de haute gastronomie où les accords sont ciselés au milligramme près. Car Gérard Besson a goûté tous les vins dans leur stade ultime d’épanouissement pour ajuster le poids de chaque sauce. Voici son menu :

Superposition de foie gras et aiguillette de bœuf truffée / Brochette de ris de veau, truffe et Pompadour / Huître juste pochée sur un tartare d’algues / Filet de sole braisé au fumet de Saint Jacques,  infusion de homard bleu / Une asperge, une morille / Médaillon de langouste au macaroni fourré duxelles / Rouget sauce rouget / Carré de veau de lait d’Aurillac cuit rosé, jus et petits pois à la Française / Cœur de côte de bœuf de Salers servi à point, ragoût d’artichaut vigneronne / Noisette d’agneau du Limousin en chevreuil, navet et oignon fane en chapelure de pain d’épices / Double Brie / Composition d’agrumes "pomelos, clémentine", et inspiration du moment. C’est impressionnant et particulièrement bien choisi.

Le Champagne Ayala que j’avais annoncé : très vieux, année 50 est plutôt un Champagne Ayala Brut # 1978. Car le bouchon indique un vin beaucoup plus jeune que les années 50. Il est étonnamment doux, sans grande longueur, mais joyeux en bouche, et c’est la truffe qui le rend agréable.

Le Champagne Besserat de Bellefon rosé 1966 me fait glousser de plaisir. Sa couleur de pêche jaune est joyeuse. Son nez est éblouissant, et en bouche, l’acidité qui forme l’ossature s’installe sur le centre de la langue et montre une noblesse rare. Coloré, remarquablement construit, ce champagne est un des plus grands rosés que j’aie jamais bus. Immense champagne qui joue avec le ris de veau, mais surtout les dés de champignons, un duo d’amour. Je me tortillais sur ma chaise comme le gamin qui n’en peut plus de joie.

Le Chablis Moutonne Grand Cru  1959 Long Dépaquit époustoufle le journaliste américain. C’est en effet un immense Chablis, au nez minéral et à la bouche de Meursault. Lourd, gras, il s’installe en bouche avec une insistance de bon aloi. L’huître n’est pas du tout adaptée à ce divin breuvage mais ce n’est pas grave, car on peut en jouir après avoir goûté le délicieux fruit de mer. Beau Chablis qui a intégré toute sa beauté, chantant, riche et réjouissant le palais.

Le Bâtard Montrachet 1992 Veuve Morini ramène sur des terres beaucoup plus connues. Puissant, évoquant pour certains des fleurs, alors que je pense à noix et amandes, ce vin est adapté à une sole particulièrement brillante. Mais le vin est plus simple que le Chablis complexe.

Il était évident que le Château Chalon Le Puy Saint Pierre 1959 Vichot Girod allait former avec asperge et morille un accord absolu. C’était prévisible. Ce fut démontré. Et, ce qui est amusant, c’est que chaque composante du plat fait ressortir un aspect différent du vin jaune. La morille est classique, l’asperge rend le Château Chalon canaille, sauvage, et c’est cela que j’ai aimé. Long vin qui reste en bouche éternellement. Je suis amoureux de ce vin.

Le Château Loubens 1943 Sainte Croix du Mont a brillé comme sans doute il ne brillera jamais, car l’accord avec la sauce de la langouste est absolument légendaire. Chacun autour de la table se pâme. Chacun commente son orgasme culinaire. Une telle perfection transporte au-delà de tout. Alors, l’accord a évidemment bénéficié au vin qui a bloqué le compteur à plein régime au moment des votes. Le Loubens est élégant, discrètement fumé, agrumes raffinés. Ce Loubens, c’est la tahitienne de Gauguin aux seins nus sur un plateau.

Le Chassagne Montrachet rouge Boudriottes 1972 Marcel Toinet surprend forcément, car on n’attend normalement pas un rouge de cette appellation. Je connaissais ce vin, et l’année 1972 lui va bien. Avec le rouget, l’accord allait se faire tout naturellement. Que la Bourgogne est belle dans ces vins sans histoire.

Le Beaune Perrières 1950 Léon Violland  avait été senti par Gérard Besson peu après l’ouverture. Il avait un doute que je n’avais pas. Cette bouteille à l’étiquette désuète avait un niveau à un centimètre du bouchon, ce qui est exceptionnel. La couleur est d’une jeunesse rare. En bouche et au nez, c’est complètement bourguignon charmant. Pour Alain et Jean François, sommeliers qui nous suivirent et servirent avec talent, c’est ce Beaune qui est la vraie surprise de la soirée tant on ne l’attendrait pas à ce niveau de qualité.

Le Nuits Saint Georges 1947 Bouchard Père et Fils a beaucoup moins de traces d’âge que ce que je pouvais craindre d’un niveau moyen dans la bouteille. Bien puissant, riche, appuyé, ce vin profite à fond du bœuf de Salers qui semble fait pour lui. C’est judicieux, juteux, joyeux.

Le Richebourg 1958 Domaine de la Romanée Conti m’émeut instantanément. Le niveau dans la bouteille était parfait, le beau bouchon souple ayant parfaitement joué son rôle. Quel grand vin ! Je ne me lasse pas d’en chercher toutes les subtilités cachées dans les pans de sa robe chamarrée. Mon Dieu que j’aime ce vin là. Le décrire serait quasi impossible, car j’y trouve du vieux parchemin d’alchimiste, des fruits au sirop de grand-mère, du fumé, mais aussi du fruit joyeux, un rayon de soleil sur une allée forestière, un champignon furtif, une biche aux abois. Un volet qui claque au vent salé d’une côte bretonne, une couverture au coin du feu. Ce vin peut être associé à tous les moments de confort de la vie. J’y trouve cela, parce que j’aime cette délicatesse suggérée qui signe les vins du domaine.

Le vin qui avait été rajouté, Château Lafite-Rothschild 1963 au bouchon tombé est mort. Paix à son âme.

Arrive enfin le Château Rayne-Vigneau  annoncé 1880 ? Sauternes. La capsule cachait le dernier chiffre. C’est en ouvrant que j’allais le découvrir. C’est Château Rayne-Vigneau  Sauternes 1880. Ce vin a été rebouché au château en 2001. Aucune étiquette n’a été rajoutée, celle d’origine n’étant pas plus grande qu’un timbre poste. La couleur est très foncée, le liquide est bien fluide. Le nez est puissant, de bel agrume. En bouche, c’est un sauternes qui a mangé son sucre, influence sans doute d’un botrytis faible. Le vin est donc presque sec, ce qui n’altère en rien son pouvoir d’évocation. Il raconte des milliers d’histoires de fruits exotiques, d’îles inviolées ; Ce vin est magique, à la longueur immense, dessert à lui seul, même si les ajoutes de Gérard Besson, intelligentes de compréhension des vieux sauternes, l’accompagnent de façon pressante et adaptée.

Je me suis amusé à regarder le travail du chef avec plaisir. Il ne fait pas un plat pour aller avec un vin, il fait du Gérard Besson. A chaque plat, c’est sa personnalité que l’on lit. Et comme il sait ce qu’est le vin ancien, il se place chaque fois à l’endroit juste, se plantant comme le policier au centre du carrefour en affichant : le policier, c’est moi. Et j’aime cela. Car mes dîners sont faits pour qu’un chef agisse en artiste et donne sa patte au dîner, s’il a compris le message des vins. Toute la table n’a pas cessé de vanter les accords, le plus époustouflant étant la sauce de la langouste avec le Loubens. Et cela influença les votes.

Sur les 12 vins dont j’exclurai le Lafite, ce qui fait onze, neuf vins ont eu un vote, ce qui me plait beaucoup. Et quatre vins ont eu un vote de premier ce qui me plait aussi énormément Le plus applaudi est le Loubens 1943 avec six votes de premier, puis le Richebourg 1958 avec trois votes de premier, le Chablis 1959, le Château Chalon 1959 recueillant chacun un vote de premier.

Le vote du consensus serait : Loubens, Richebourg, Nuits Saint Georges, Rayne-Vigneau, Besserat de Bellefon. Mon vote a été : 1- Richebourg  DRC 1958, 2- Rayne-Vigneau 1880, 3- Besserat de Bellefon 1966, 4- Chablis Moutonne 1959.

L’ambiance était si belle que personne ne voulait quitter la table. Gérard Besson a fait ce soir un dîner de talent. Les vins étaient éblouissants, l’atmosphère joyeuse. Ce 71ème dîner fut un moment de pure gastronomie.

Great tasting of old Californian wines in San Francisco lundi, 1 mai 2006

After sixteen hours of restful sleep, it’s time to revisit San Francisco. On the first of May, in the USA, we work, but we also manifest. It is a day of parades for the regularization of illegal immigration. Here, it is gentle, folkloric. Small groups are formed of the same tendency of skin, behind placards illegible to five meters. The important thing is to show up. The policemen barred the streets to let those meager groups express themselves with smiles. Being very close to this agitation since the epicenter is at Market Street and Union Square where I am wandering, I will have an impression contrary to what I will read the next day in the newspapers, where one evokes the most important parades since the Protest against the war in Vietnam. Who is right ? The passing tourist? The journalist ? Probably the newspaper, since it is written.

I am pleased when strolling through the American streets, which are living galleries of portraits. All that one can imagine more typified, marked, even deformed, walks. The socially excluded are shown. A young alcohol-eating white boy scratches his gray legs that have not seen water for ten years. A policeman on duty took up his position to read his newspaper on a firemen post by engulfing a huge sandwich. At the lunch break young executives go into tiny stalls hideously decorated, nibbling obese foods. Conversely, ladies with multiple lifted faces walk dogs wrapped in rose clothes in the places where it is necessary to be seen. I would dream of having a concealed camera to capture these incredible faces of creative beauty. One cannot frankly say of this multicolored crowd that it is « fashion addict » as it is multiforme. I go shopping, I notice that the « cable car » that I had used more than forty years ago has not changed, I exhausted myself to instinctively seek Lombard Street, that serpentine street that I have already trampled from bottom to top and from top to bottom. A pleasant outdoor restaurant in a pedestrian street tempts me. I lunch in this little bistro to the sound of an accordionist who passes from the Beatles to the Third Man and from Freddy Mercury to Edith Piaf with the same forced smile.

Ken picks me up at my hotel and we go to Jack Falsatff, a restaurant that has decided to show up as a bunker or an abandoned building after the Armageddon invasion. In this place not far from the Giants Stadium that has match tonight (they will lose), we will be outdoors. The sirens, the rumbling trucks will enhance our dinner without disturbing it. I come to open the bottles at 4 pm, and many guests are there to see « the Audouze method » for opening and oxygenation. According to a well-American tradition, the 28 we have brought nearly 70 different wines. The particularity is that these are wines that are hardly found in these tastings: Californian wines before 1980. When this group had invited me to join them, I was asked to propose a theme. I chose the ancient Californian wines, without assuming that the prohibition broke a chain of continuity. There is practically no old wine from before 1960.

The oldest wine of this evening will be a Martin Ray 1953 from Saratoga, Cabernet Sauvignon, a real relic long presented by Paul who brought it and broods it as his child. This delicious wine, with the flavors reminiscent of the rather complex burgundy, pleased me enormously.

The bottles are opened long in advance. Also, with a legitimate pride, Ken opens a half-bottle of Krug Grande Cuvée, very tasty, simple of message, promising of the great event that is being built. New guests arrive, bringing Riedel glasses and wines in their arms. At 7 pm we went to the table. I take the floor to thank the organizers of which Christine, the group’s effective leader, and I give some advice on the tasting of old wines, which will be as unknown for them as for me, because some wines do not come from the cellar of the participants. Quite often, they have done research to find these wines. As soon as we are seated, the glasses fill at a mad speed, for each wants to make others try his contributions. I’m a little worried that we drink so many wines while the meal is not started. I am right, because the soup greatly improves some red or white wines. It is a smiling but total disorder, for while drinking a wine, I am often unable to say which it is. When I am asked which one I prefer from a filling of the moment, I am quite incapable.

The menu is very nice : Maine lobster consumes, lobster ravioli / smoked quail stuffed with foie gras, roasted pear and wild aragula salad / Maine lobster Thermidor, catalan style spinach, lobster juice / baked Alaska , Chocolate ice cream, fruit compote.

I found that the whites aged differently, a Chardonnay 1977 Stony Hill Napa Valley pleasing me much, with the expressive nose of Burgundy, but more sweet on the palate. In the very large sample of wines we brought, I found the same proportion of tired wines and shiny wines as we would have found in France. A Gamay 1970 Joseph Swan marveled everyone because no one was expecting this grape at this level of youth. Many wines were splendid and appreciated as appropriate. There was no corky wine, some being weakly on the nose but not on the palate. All this allows me to declare this test conclusive, proof of the aging capacity of Californian wines, contrary to what many thought when coming to attend this rare meeting, since so many wines before 1980 have hardly ever been gathered to an evening. Many thank me for having been the pretext. They appreciate my statement on the aging ability of the wines of their country.

There were many vintages of Beaulieu Vineyards, Ridge Montebello, Heitz Cellar, Inglenook, names that count in the Californian landscape. I loved a Heitz cellar 1968, a Ridge Montebello 1970, a Beaulieu 1966, an Inglenook 1965. An American would cite the grape varieties by announcing these wines. I did not notice them. A wine that was classified in 1976 as the greatest wine in the world in front of all French wines (Paris 1976 judgment), the Stag’s Leap, which I drink from 1973, seems good to me. But from there to make it a champion is another story …

I brought a Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 which was for many their first wine of the DRC. Tired by the transport and temperature variations, with the cork abnormally tired for this age, while Californians of the same vintage sported early ear corks, often weighted with heavy sediments, it is for me of a variable pleasure, when my neighbors « Is it for politeness? » – find it extremely pleasant. Its complexity is indeed greater than that of the wines of here. On the other hand, the Château d’Yquem 1953 of my cellar, at the perfect level, with a very healthy, orange-colored cork holds its promises. A magic wine of great pleasure. The Americans are great children, for while I savor the Yquem religiously, they start off again on the reds, erasing at once the trace so subtle of this sweet wine. In this disparate group animated by the same passion, a face is known to me, but where? When he said, « I have attended two of your dinners, » I look in vain. It was the boss of a group of companies who had in fact ordered me several dinners.

Everyone is delighted, convinced of having participated in a unique event, where the politically correct of « the Californian wine does not age » has just been severely dehorned. The palm goes tonight to the two wines of 1953, the Martin Ray taste so young and so fruity and Yquem, in his absolute glory. Great moment of friendship in an attentive, smiling, and joyfully disorderly atmosphere. The air of nothing, we have just made, without saying it, a session of the Academy of Ancient Wines on the Pacific Coast. And, why not say it, my method of opening has once again demonstrated its effectiveness.

some pictures of my promenade in SF