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Réveillon de fin d’année samedi, 1 janvier 2022

Le réveillon de fin d’année se tiendra pour une fois à notre domicile de la région parisienne. Avec des amis et des membres de ma famille nous serons huit. Le choix des mets et des vins a été fait en collaboration avec mon épouse avec des ajustements progressifs.

Vers midi je décide d’ouvrir les deux magnums du repas pour qu’ils profitent d’une bonne aération. A 16 heures c’est le tour des bouteilles. Le parfum du Richebourg de la Romanée Conti est un miracle, tant il est l’idéal des parfums de ce domaine. Le sauternes a aussi un parfum généreux. Tous les bouchons viennent sans problème. Et c’est à 18 heures que j’ouvre le champagne de 1955 pour qu’il jouisse d’une aération qui l’épanouira.

Des amis qui dormiront à la maison sont arrivés vers 18 heures aussi pour attendre les autres invités j’ouvre un champagne non prévu au programme, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2007. Quelle belle surprise de voir ce champagne à ce niveau. Il est jeune mais offre une largeur généreuse du plus bel effet. Il est gourmand, ce qui est sympathique.

Lorsque tous les invités sont présents, je sers le Champagne Salon magnum 1995. Il a une bulle active, une couleur claire et l’on sent d’emblée que c’est un seigneur, plus complexe que le 2007 mais aussi plus serré. Il est vif et tranchant avec une belle longueur. J’attendais sans doute un peu plus de rondeur de ce champagne. Cela viendra avec le temps.

Nous grignotons des amandes au sel truffé, une gougère présentée en une couronne torique, une jolie préparation à base d’œufs de saumon de taille respectable, du jambon Pata Negra, de la mimolette bien douce, et surtout des tranches de boudin blanc poêlé qui créent le plus bel accord avec le beau champagne.

L’idée me vient d’essayer le boudin blanc sur le deuxième champagne d’apéritif, le Champagne Charles Heidsieck Royal 1955 qui se présente dans un flacon de toute beauté. Ce champagne est grandiose, large, épanoui et d’une complexité extrême qui montre à quel point l’âge profite aux champagnes, car ce 1955 est transcendant par rapport au 1995 qui devra attendre de longues années avant d’offrir autant de plaisir que celui-ci. En buvant, je me demande si ce Heidsieck ne se situerait dans le haut de la hiérarchie des champagnes que j’ai bus. Il est exceptionnel, rond et accueillant et forme avec le boudin blanc un accord magique.

Nous passons à table. Selon une tradition bien ancrée, chaque convive doit trouver sa place en résolvant une énigme qui donne son prénom. Comme chaque année c’est introuvable mais donne l’occasion de s’amuser. Chacun trouve sa place et selon la même tradition je fais un discours de moins de quatre minutes, pour le plaisir d’accueillir mes amis et parents.

Pour le caviar Osciètre Kaviari au lieu des habituels champagnes, j’ai prévu deux Chablis que l’on va s’amuser à comparer. Le Chablis Grand Cru Valmur Vocoret 1971 et le Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971. Il ne s’agit pas de décortiquer les avantages respectifs de Valmur et des Clos mais de voir si ces vins nous plaisent avec le caviar. Le Valmur est un vin vertical, droit, tranchant, alors que Les Clos est un vin horizontal ou plutôt rond. Autour de la table certains préfèreront le tranchant alors que d’autres dont moi préfèreront la rondeur des Clos. Mais le plus important est ailleurs, c’est que les deux chablis de 50 ans sont parfaits avec le caviar, et que les deux vins sont intemporels. Et c’est, à mon sens, lié à l’ouverture des vins longtemps à l’avance, ce qui les rend larges et équilibrés et dotés de leur vivacité originelle. Ces deux chablis sont superbes. Ils sont vifs et charmants.

Ils accompagnent aussi des cœurs de saumon particulièrement goûteux et le champagne de 1955 est presque supérieur dans l’accord avec le saumon.

A l’ouverture du Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1956 au niveau superbe, j’avais failli m’évanouir de plaisir tant le parfum était archétypal, ‘rose et sel’, si représentatif du domaine. Au service maintenant, le vin est un miracle. Il est clairet sur les premiers verres, et foncera au fur et à mesure jusqu’à devenir presque noir en fin de bouteille laissant une lie dont je me suis régalé. Tout en lui est finesse et subtilité. J’ai un amour particulier pour le millésime 1956, si difficile lorsqu’il a été fait, mais qui a trouvé avec l’âge une vraie résurrection. J’en ai bu 23 fois. Le Wagyu bien gras et goûteux met en valeur la subtilité du vin à la belle longueur. Je suis aux anges et mes invités aussi.

Le Vega Sicilia Unico Magnum 1998 ouvert à midi, donc bu plus de onze heures après, combine des contraires. Il est en effet extrêmement puissant et riche mais il est aussi frais, fluide, rafraîchissant. Il a même un finale qui a des accents mentholés. C’est un vin que j’adore pour ses contrastes. Le bœuf Angus est riche et sanguin et forme un accord plus que pertinent.

Le vin espagnol côtoie quelques fromages et nous allons associer un beau stilton sec et salé au Château d’Arche Sauternes 1955. Je l’ai choisi parce qu’il a la même année que le champagne Heidsieck et c’est un bon choix car ce sauternes précis, ample mais réservé est d’une belle élégance. L’accord est toujours parfait.

Ma femme a composé selon une recette de Valérie Costa un dessert au chocolat assorti de quelques grains de caviar ce qui excite joliment le dessert. Le Rivesaltes Collection Cazes 1935 provoque un bonheur gustatif inégalable car le goût du chocolat et le goût du vin sont strictement identiques. C’est impressionnant et j’adore lorsque cela se produit. C’est rare mais totalement gratifiant quand mets et vin se confondent. Certains amis ont associé le dessert à un Madère Sec João Marcello Gomes vers 1950. Ils n’ont pas vécu la même fulgurance sauf un convive qui a mis le Madère premier de son vote.

Nos votons et le temps passant, puisque nous avons changé d’année, j’ai mis quatrième le champagne 1955 que j’aurais dû mettre second. La mémoire oublie souvent les premiers vins.

Le classement global est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955, 3 ex aequo – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971 et Rivesaltes Cazes Collection 1935, 5 – Vega Sicilia Unico Magnum 1998.

Mon classement est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Rivesaltes Cazes Collection 1935, 3 – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971, 4 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955.

Ce repas parfait pour les accords, la cuisine et les vins mérite par sa conception d’être classé dans mes dîners. C’est le 258ème.

le 257ème dîner se tient au restaurant Maison Rostang dimanche, 12 décembre 2021

Un ami fidèle de mes dîners avait invité en 2018 des camarades de classe. C’était le 227ème dîner. Il avait voulu recommencer en 2020 mais c’est le Covid qui n’a pas voulu et a fait repousser ce dîner deux fois. La troisième tentative est la bonne et ce sera le 257ème dîner qui se tiendra au restaurant Maison Rostang.

Les vins ont été livrés il y a une semaine. Le jour venu, je prends la trousse avec mes outils d’ouverture. Il se trouve que j’ai deux trousses de même forme et de même couleur. Je soupèse l’une d’elles. Au poids, au toucher elle me semble la bonne. Un taxi me conduit jusqu’au restaurant où j’arrive à 16 heures. Jérémie, le sympathique sommelier va chercher la caisse des bouteilles qu’il a mises à la verticale la veille, comme je le lui avais demandé. J’ouvre la trousse. Catastrophe, ce n’est pas la trousse avec les longues mèches mais une autre avec des accessoires utiles, mais sans mèches. Je n’arriverais jamais à lever les bouchons déchirés. Fort heureusement j’ai pris un Durand, qui est un astucieux tirebouchon qui combine la mèche d’un tirebouchon avec un bilame, qui officient ensemble. Cet outil est extrêmement pratique mais il a un défaut : ses lames latérales blessent le bouchon, ce que je ne souhaite pas puisque je collectionne les bouchons.

Nécessité fait loi, j’utilise le Durand. L’avantage de cet outil, c’est que l’on va dix fois plus vite qu’avec mes mèches, mais l’on n’éprouve pas les mêmes sensations. J’ai un petit doute sur le nez du Puligny-Montrachet qui pourrait être bouchonné. Le nez du Rayne Vigneau est absent. Au moment d’ouvrir l’Yquem 1980, je me dis que ce vin étant jeune, je pourrais l’ouvrir avec un limonadier classique alors que j’ai utilisé le Durand pour tous les autres. Patatras ! La partie basse du bouchon toute humide et imprégnée ne monte pas avec le haut du bouchon. Impossible de la rattraper. Avec Jérémie nous transvaserons le vin dans une carafe, Jérémie extirpera le bouchon « à la ficelle », technique que j’ai utilisée de nombreuses fois, ce qui permet ensuite de remettre le vin dans sa bouteille. Pendant ces opérations le parfum de l’Yquem inonde la pièce. Il est divin. Parmi les parfums les plus engageants il y a celui du Brane-Cantenac 1928, du Chambertin Clos de Bèze 1961, du Château Rayas 1988 et du Paternina Rioja 1928.

J’ai fini les opérations d’ouvertures avant 17 heures. Il me reste trois heures avant l’arrivée des convives. Jérémie m’offre une bière blonde de la Parisienne, mais je n’ai pas grand-chose à faire. Aussi j’envoie un message à Charles, l’organisateur de ce repas, lui demandant de venir plus tôt s’il le peut. Très gentiment il le fera.

Nous bavardons sur les qualités potentielles des vins ouverts et je dis à Charles qu’il ne m’étonnerait pas que le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 soit dans les premiers ou premier, car chaque fois que je l’ai mis dans mes dîners, probablement une douzaine de fois, il a été dans les premiers ou premier.

Charles m’annonce que deux amis pourraient avoir un léger retard et suggère que l’on prenne un vin de la cave du restaurant malgré le fait que j’ai prévu quatorze vins pour onze convives. Charles commande un Champagne Jacques Selosse millésimé 2007 qui a été dégorgé en novembre 2019.

Il ne paraît pas choquant que nous le goûtions avant les premières arrivées. Le champagne a un ambre très léger, une bulle active. En bouche il est extrêmement atypique. Je lui trouve un goût de vieux parchemin. Il a le charme de la visite d’une vieille église. On est face à un champagne d’un autre temps, d’une autre planète.

Les invités qui arrivent goûtent ce champagne qui ne laisse pas indifférent tant il sort des sentiers battus. Les retardataires ne le sont pas tant que cela aussi nous nous asseyons pour prendre l’apéritif, Covid oblige. Nous sommes onze dont quatre femmes.

Le Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982 est d’un charme et d’un équilibre enthousiasmants. Il est mis en valeur par le 2007 car il rassure, fluide, large, et d’une belle sérénité. Les petits amuse-bouches de début de repas ont des goûts prononcés superbes.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964 a un nez légèrement imprécis qui va disparaître assez rapidement. J’avais ouvert les champagnes à 19 heures. J’aurais dû les ouvrir à 18 heures. Le goût de ce champagne est d’une personnalité extrême, un pur velours. Il est large et doux, calme et subtil. Un vrai bonheur qui trouble plusieurs convives car il leur est difficile d’imaginer qu’un champagne de 57 ans puisse avoir une aussi belle jeunesse.

Le menu composé par Nicolas Baumann est ainsi conçu : langoustines pochées dans un consommé puis rôties, coques au bouillon, sarrasin soufflé, bouillon de langoustines mousseux / homard bleu laqué au barbecue, coussins de céleri et chèvre frais de chez Fabre, jus de la presse lié au corail / dos de chevreuil rôti, la gigue confite, salsifis rafraîchis à la menthe, jus d’airelles au vin de syrah / suprême de pigeon, petit chou farci et jus d’un salmis / stilton / ananas rôti et en fines lanières à cru, sorbet ananas / mignardises.

Les deux blancs sont associés à la langoustine. Le Château Haut Brion blanc 1966 est d’une couleur claire, frais et riche. Il offre une densité forte et une belle longueur. C’est un grand vin blanc noble.

Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980 est aussi très clair et il n’a pas du tout le nez de bouchon que je redoutais. Il a même un parfum plus épanoui que celui du bordeaux. La juxtaposition montre que le vin bourguignon n’a pas le coffre et la densité du bordelais qui surclasse le Puligny, même s’il est agréable.

L’association homard et bordeaux rouge est un de mes plaisirs. Le crustacé aura trois compagnons que j’ai voulu de périodes distinctes. Le Château Haut-Brion 1980 est droit, classique, bien né et construit mais manquant un peu de folie pour mon goût.

Le Château La Gaffelière Naudes Saint-Emilion 1953 a une couleur presque noire et une richesse doublée d’une énergie peu commune. Il est puissant et conquérant.

Le Château Brane-Cantenac Margaux 1928 a le charme féminin des vins de Margaux et il ajoute l’équilibre et la prestance de l’année 1928. C’est un vin élégant qui ne fait pas son âge. Pour mon goût le classement de ces trois vins irait du plus ancien au plus récent. Les votes des convives ne diront pas la même chose.

Sur le chevreuil il y a un bourgogne et un vin du Rhône. Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a un nez d’une expressivité extrême. En bouche, son charme est infini. Il est délicat, racé, subtil. On n’arrêterait pas de boire un vin aussi équilibré et parfait. C’est un ange.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988 est d’un millésime que j’adore pour ce vin. Son parfum fait clairement la différence avec celui du chambertin en étant résolument rhodanien. Il a beaucoup de charme, il est solide et bien fait, mais ne peut pas lutter avec le chambertin.

L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin solide, bien construit, mais qui manque un peu de flamboyance. Il aura quelques votes de six convives mais le vin espagnol lui fait de l’ombre.

Le Rioja Ollauri Paternina 1928 a un nez d’une rare délicatesse et je ressens des fruits roses dans son parfum. En bouche il combine élégance et puissance dans un registre très affirmé. Comme pour le Brane Cantenac on peut constater qu’un vin de 93 ans peut avoir une énergie exceptionnelle. Ce vin aura les faveurs de mon vote.

Le Château d’Yquem 1980 est un sauternes magnifique dont le parfum est le plus exubérant de tous les vins tout en étant raffiné. Il est nettement plus riche et subtil que ce qu’on lit dans les livres pour son année. L’accord avec un beau stilton est un vrai bonheur.

Le Château Rayne Vigneau 1942 souffre hélas d’un nez bouchonné. Il se pourrait qu’il disparaisse mais à ce stade du repas nous n’avons pas le temps d’attendre.

J’ai apporté un Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40 dont la bouteille avait déjà été ouverte il y a quelques mois. Il est particulièrement fort mais dès qu’on s’est habitué à sa puissance on s’aperçoit qu’il est frais, fluide, fruité et joliment ensorceleur. C’est probablement l’un des meilleurs marcs que j’aie bus.

Nous sommes onze à voter pour nos cinq préférés de 13 vins, le Selosse et le Marc ne participant pas au concours. Cinq vins seront nommés premiers, le chambertin quatre fois, le Haut-Brion blanc deux fois, comme le Haut-Brion rouge ainsi que le Rioja 1928 et l’Yquem quant à lui aura un vote de premier.

Tous les vins auront eu au moins un vote sauf le Rayne-Vigneau et il est apparu une diversité des votes qui tient à la forme de la table. La table est en longueur, Charles est en face de moi, et il y a quatre convives à ma gauche et cinq convives à ma droite formant des groupes qui vont voter différemment. Ainsi, cinq votants à ma gauche ont glorifié le Haut-Brion 1980 alors que les cinq à ma droite ne lui ont donné aucun vote. Pour le Dom Ruinart 1964 les quatre votes sont tous à ma droite et rien à ma gauche. De même l’Hermitage 1959 a eu six votes dont cinq à ma droite et un à ma gauche. Il est certain que lorsqu’il y a une table en longueur, trois conversations se forment, à droite, à gauche et au centre, et dans chaque groupe il y a un convive qui va influencer la vision des autres. C’est une constatation que j’ai déjà faite, mais peut-être pas aussi nettement que ce soir.

Le vote global est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 2 – Château Haut-Brion 1980, 3 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 4 – Château d’Yquem 1980, 5 – Château Brane-Cantenac 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988.

Mon vote est : 1 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988, 4 – Château Brane-Cantenac 1928, 5 – Château d’Yquem 1980.

Ce n’était pas facile de servir tous ces nombreux vins à onze convives. Jérémie le sommelier s’en est très bien chargé après un démarrage un peu difficile, vite oublié. La cuisine a été pertinente et magnifiquement réalisée par un chef heureux de cuisiner et une équipe soudée. L’ambiance joyeuse créée par ce groupe d’amis a fait de ce repas un repas réussi.

Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982

Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964

Château Haut Brion blanc 1966

Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980

Château Haut-Brion 1980

Château La Gaffelière Naudes 1953

Château Brane-Cantenac 1928

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988

Hermitage de Boissieu 1959

Rioja Ollauri Paternina 1928

Château d’Yquem 1980

Château Rayne Vigneau 1942

Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40

le chef fait du repassage

256th dinner at the Pages restaurant dimanche, 5 décembre 2021

During the lunch that I was able to organize at the Plénitude restaurant in Cheval Blanc Paris, three days before the official opening of the restaurant, which was the 253rd of my meals, two Belgian participants, delighted with this meal, asked me to organize a dinner for themselves and some of their friends. We will therefore be seven for the 256th dinner at the Pages restaurant.

I show up shortly after 4 p.m. at the restaurant to open my wines. Matthieu, the excellent sommelier stayed by my side during this operation and it is pleasant for me to be able to discuss and smell the wines while sharing our impressions. There weren’t too many difficulties, but as often old bottles have a neck that is not cylindrical. If it is pinched, it is impossible to pull the cork out without it tearing into many pieces. This was the case for Haut-Bages Libéral 1928, the fragrance of which seduced me with its extreme complexity, almost as beautiful as the fragrance of Latour 1928. The fragrance of Romanée Conti 1967 is strictly what one would expect, with evocations of salt and rose. The most powerful nose is that of Meursault 1990. The Yquem 1906 has a stopper that was changed in the 1960s. The scent of this wine is quite discreet but very smooth.

Opening the bottles on the counter that separates the room from the kitchen, I see the cooks at work and I see Alice marinating mackerel fillets in two kinds of oils. And I feel like trying to combine a little mackerel with the Yquem 1906. Only a few drops will be taken. I am experimenting with Chef Ken and Alice at the same time, and it matches well with raw mackerel with dried traces of oil.

According to tradition when the opening ceremony is over, I go to Bistro 116 to drink a Japanese beer and munch on edamame, while the restaurant staff have their dinner.

At 6.30 p.m. I open the Krug Private Cuvée and I also open the Heidsieck 1907 champagne. It takes at least ten minutes and I see that the muselet is recent. I was told that the original cork had been preserved. It seems plausible to me, the stopper being a very beautiful cork.

The Belgian group of guests is punctual. There will be seven men with no parity and the funny thing is that a close table will be four women, as if gender separation is the rule tonight.

The menu designed by the Pages restaurant and its chef Ken is: parmesan gougères / pan-fried scallops / turbot, pointed cabbage, umami sauce, pork belly / pigeon salmis sauce, grilled Taglioni / Joshu-Wagyu / poached foie gras / stilton / exotic mango and passion fruit tart.

The Champagne Krug Private Cuvée years 60-70 has an active bubble which is a nice surprise. Its color is clear. It is very lively, noble and precise, and the gougères pleasantly calm its energy. I like its breadth and freshness.

Matthieu will serve two of the three whites on the Saint-Jacques and the three on the turbot. The Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 has a slightly corked nose with no real influence on the taste and this corky nose will disappear when we taste the fish. It is a rich wine of the finest decade for this wine classified by Curnonsky among the five greatest white wines of France. He would have been appreciated if he was alone but there is competition.

The Hermitage Chante Alouette Chapoutier white 1955 is very amber. The nose is very subtle and on the palate the wine is rich and opulent with great personality. He is greedy and charming, very distinctive. The Saint-Jacques are hearty and beautifully cooked. A delight.

The Meursault J.F. Coche Dury 1990 has by far the most beautiful scent of all the wines of the meal, or at least the most overwhelming. The wine is tall, maybe a bit monolithic but straight and rich. The flesh of the turbot is divine and the sauce is perhaps a little too strong even if it is refined.

The pigeon, pure wonder, welcomes two exceptional wines. My guests are amazed at the youthful colors of the two 1928 wines. The Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928 is a huge surprise because its fragrance is noble and refined and on the palate it is of rare mastery. If it weren’t for the other Pauillac, we’d make it a star.

But there is the 1928 Château Latour Pauillac which is a perfect wine. Can’t imagine it could be better. He has everything going for him, nobility, seduction, velvety, energy. This wine is a marvel. One thing that made me extremely happy was that one of the guests who had come to lunch at the Samaritaine was tearful, he was so moved by the perfection of the Latour. If we used Robert Parker’s hundred point scoring and gave 100 points to a 2009 Latour, we would have to give 500 points to a 1928 Latour of this impossible quality. The agreement with the pigeon, on the blood, is an incomparable happiness.

My neighbor who went to Kobe in Japan tells me that the Wagyu we eat is so much better than anything he has eaten there. It is true that this flesh is pure candy. And the Chambertin Louis Latour 1961, very representative of its appellation, rich, round, balanced, happy, is the ideal partner for meat. This solid and stable wine is a rock, a standard of Chambertin.

When I had built my wine program, the Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea was to be served just after the Krug and when we decided to put the Romanée Conti with the poached foie gras, I I imagined that the very sweet champagne would go well with foie gras. And so this dish welcomes both wines. But by tasting the champagne which has much less dosage than the previous 1907s that I drank, it seemed to me that the champagne could be detrimental to the Romanée Conti so I decided that the champagne would be drunk after the foie gras, on an emergency Saint-Nectaire.

On poached foie gras, the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 creates a beautiful accord. Its nose is archetypal, pink and salt and in the mouth we have the beautiful classicism of Romanée Conti in a subtle and discreet version. I’m so happy. She is a beautiful Romanée Conti who is not thunderous. Its length is refined.

The 1907 Heidsieck Monopole (American Taste) Champagne found in the Baltic Sea has a color which might be off-putting as it is a bit gray and the last glasses have a bit of deposit. There is still bubble which is amazing and the champagne has a great energy and a dosage that does not really « taste American ». What is immediately striking is its complexity. We travel into the subtle unknown. Like the average of the table, I give it second place in the classification of wines, because its enigmatic character is fascinating. He is unlike anything known, but he has charm and conviction.

Château d’Yquem 1906 has a beautiful amber color. Its scent is not thunderous but has all the complexity of a great Yquem. The accord with stilton is natural. Yuki, the young pastry chef, has made a delicious pie where the mango is refreshed with a passion fruit juice, which excites Yquem well. I told Ken that if we make this dish again we would have to remove the passion fruit kernels and just keep the juice.

My new friends are won over by Pages’ cuisine, which means that each dish goes straight to the essentials, without fuss, with quality products and exemplary cooking.

We are going to vote for our five favorite wines and what is quite astonishing is that five wines will be named first while there are only seven of us to vote. I personally put Romanée Conti first in my vote because I am a lover of this wine, but if I want to be objective it is Latour 1928 which is the greatest wine of this meal, because this wine is perfect .

All the wines were of interest, even the Coulée de Serrant, the only wine that did not receive a vote, because of its cork nose which subsequently disappeared.

The overall vote is: 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault JF Coche Dury 1990.

My vote is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée years 60-70, 5 – Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928.

The atmosphere with real wine lovers was extremely nice. It is highly likely that we will meet again. And undoubtedly at the Pages restaurant, which offers high-quality cuisine perfectly suited to the wines.

256ème dîner au restaurant Pages dimanche, 5 décembre 2021

Lors du déjeuner que j’ai pu organiser au restaurant Plénitude de Cheval Blanc Paris, trois jours avant l’ouverture officielle du restaurant, qui fut le 253ème de mes repas, deux participants belges, ravis de ce repas, m’ont demandé d’organiser pour eux-mêmes et certains de leurs amis un dîner. Nous serons donc sept pour le 256ème dîner au restaurant Pages.

Je me présente peu après 16 heures au restaurant pour ouvrir mes vins. Matthieu, l’excellent sommelier est resté à mes côtés pendant cette opération et c’est agréable pour moi de pouvoir discuter et sentir les vins en échangeant nos impressions. Il n’y a pas eu trop de difficultés, mais comme souvent les bouteilles anciennes ont un goulot qui n’est pas cylindrique. S’il est pincé, il est impossible de tirer le bouchon sans qu’il ne se déchire en de nombreux morceaux. Ce fut le cas pour le Haut-Bages Libéral 1928 dont le parfum m’a séduit par son extrême complexité, presque aussi beau que le parfum du Latour 1928. Le parfum de la Romanée Conti 1967 est strictement ce que l’on peut attendre, avec des évocations de sel et de rose. Le nez le plus puissant est celui du Meursault 1990. L’Yquem 1906 a un bouchon qui a été changé dans les années 60. Le parfum de ce vin est assez discret mais d’une grande suavité.

Ouvrant les bouteilles sur le comptoir qui sépare la salle de la cuisine, je vois les cuisiniers travailler et je vois Alice qui fait mariner des filets de maquereau dans deux sortes d’huiles. Et l’envie me prend d’essayer d’associer un peu de maquereau avec l’Yquem 1906. On ne prélèvera que quelques gouttes. Je fais l’expérience en même temps que Ken le chef de cuisine et Alice et l’accord est pertinent avec le maquereau cru dont on a séché les traces d’huile.

Selon la tradition lorsque la cérémonie d’ouverture est terminée, je vais au Bistrot 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés, pendant que le personnel du restaurant prend son dîner.

A 18h30 j’ouvre le Krug Private Cuvée et j’ouvre aussi le champagne Heidsieck 1907. La couche de cire qui recouvre le bouchon, mise après la sortie de l’eau de la bouteille en 1998, est tellement épaisse que l’opération me prend au moins dix minutes et je constate que le muselet est récent. On m’avait dit que le bouchon originel avait été conservé. Ça me paraît plausible, le bouchon étant d’un très beau liège.

Le groupe de convives belge est ponctuel. Nous serons sept hommes, sans aucune parité et ce qui est amusant c’est qu’une table proche sera de quatre femmes, comme si la séparation des sexes était la règle pour ce soir.

Le menu conçu par le restaurant Pages et son chef Ken est : gougères au parmesan / Saint-Jacques poêlées / turbot, chou pointu, sauce umami, ventrèche de porc / pigeon sauce salmis, Taglioni / Joshu-Wagyu grillé / foie gras poché / stilton / tarte exotique mangue et fruit de la passion.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60-70 a une bulle active ce qui est une belle surprise. Sa couleur est claire. Il est d’une grande vivacité, noble et précis et les gougères apaisent agréablement son énergie. J’aime son amplitude et sa fraîcheur.

Matthieu va servir deux des trois blancs sur les Saint-Jacques et les trois sur le turbot. Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 a un nez légèrement bouchonné sans vraie influence sur le goût et ce nez de bouchon disparaîtra au moment où l’on goûtera le poisson. C’est un vin riche de la plus belle décennie pour ce vin classé par Curnonsky parmi les cinq plus grands vins blancs de France. Il aurait été apprécié s’il était seul mais il y a de la concurrence.

L’Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955 est très ambré. Le nez est de grande subtilité et en bouche le vin est riche et opulent avec une grande personnalité. Il est gourmand et charmeur, très typé. Les Saint-Jacques sont copieuses et magnifiquement cuites. Un régal.

Le Meursault J.F. Coche Dury 1990 a de loin le plus beau parfum de tous les vins du repas ou du moins le plus envahissant. Le vin est grand, peut-être un peu monolithique mais droit et riche. La chair du turbot est divine et la sauce est peut-être un peu trop marquée même si elle est raffinée.

Le pigeon, pure merveille, accueille deux vins exceptionnels. Mes convives s’étonnent de la jeunesse des couleurs des deux vins de 1928. Le Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928 est une immense surprise car son parfum est noble et raffiné et en bouche il est d’une maîtrise rare. S’il n’y avait pas l’autre Pauillac, on en ferait une vedette.

Mais il y a le Château Latour Pauillac 1928 qui est un vin parfait. On ne peut pas concevoir qu’il puisse être meilleur. Il a tout pour lui, noblesse, séduction, velouté, énergie. Ce vin est une merveille. Une chose m’a fait un extrême plaisir c’est que l’un des convives qui était venu au déjeuner à la Samaritaine a eu la larme à l’œil, tant il a été ému par la perfection du Latour. Si l’on utilisait la notation sur cent points de Robert Parker et si l’on donnait 100 points à un Latour 2009, il faudrait donner 500 points à un Latour 1928 de cette impossible qualité. L’accord avec le pigeon, sur le sang, est un bonheur incomparable.

Mon voisin qui est allé à Kobé au Japon me dit que le Wagyu que nous mangeons est très nettement supérieur à tout ce qu’il a mangé sur place. C’est vrai que cette chair est un pur bonbon. Et le Chambertin Louis Latour 1961 très représentatif de son appellation, riche, rond, équilibré, joyeux est le partenaire idéal de la viande. Ce vin solide et stable est un roc, un étalon du chambertin.

Lorsque j’avais bâti mon programme de vin, le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique devait être servi juste après le Krug et lorsque l’on a décidé de mettre la Romanée Conti avec le foie gras poché, j’ai imaginé que le champagne très doux irait bien avec le foie gras. Et donc ce plat accueille les deux vins. Mais en goûtant le champagne qui a beaucoup moins de dosage que des précédents 1907 que j’ai bus, il m’apparaît que le champagne risque de porter préjudice à la Romanée Conti aussi ai-je décidé que le champagne serait bu après le foie gras, sur un Saint-Nectaire de secours.

Sur le foie gras poché, la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 crée un bel accord. Son nez est archétypal, rose et sel et en bouche on a le beau classicisme de la Romanée Conti sur une version subtile et discrète. Je suis aux anges. C’est une belle Romanée Conti qui n’est pas tonitruante. Sa longueur est raffinée.

Le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique est d’une couleur qui pourrait rebuter car elle est un peu grise et les derniers verres ont un peu de dépôt. Il y a encore de la bulle ce qui est étonnant et le champagne est d’une grande énergie et d’un dosage qui ne fait pas vraiment « goût américain ». Ce qui frappe immédiatement c’est sa complexité. On voyage dans l’inconnu subtil. Comme la moyenne de la table je lui donne la deuxième place au classement des vins, car son caractère énigmatique est passionnant. Il ne ressemble à rien de connu mais il a du charme et de la conviction.

Le Château d’Yquem 1906 est d’une belle couleur ambrée. Son parfum n’est pas tonitruant mais a toute la complexité d’un grand Yquem. L’accord avec le stilton est naturel. Yuki, la jeune pâtissière, a fait une délicieuse tarte où la mangue est rafraîchie par un jus de fruit de la passion, qui excite bien l’Yquem. J’ai dit à Ken que si l’on refait ce plat il faudrait enlever les grains de fruit de la passion pour ne conserver que le jus.

Mes nouveaux amis sont conquis par la cuisine de Pages qui fait que chaque plat va directement à l’essentiel, sans chichi, avec des produits de qualité et des cuissons exemplaires. Nous allons voter pour nos cinq vins préférés et ce qui assez étonnant, c’est que cinq vins seront nommés premiers alors que nous ne sommes que sept à voter. J’ai mis personnellement la Romanée Conti en premier de mon vote parce que je suis un amoureux de ce vin, mais si je veux être objectif c’est bien Latour 1928 qui est le plus grand vin de ce repas, car ce vin est parfait.

Tous les vins ont eu de l’intérêt, même la Coulée de Serrant, seul vin qui n’a pas eu de vote, à cause de son nez de bouchon qui a disparu par la suite.

Le vote global est : 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault J.F. Coche Dury 1990.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée années 60-70, 5 – Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928.

L’ambiance avec de vrais amateurs de vins a été extrêmement sympathique. Il est hautement probable que nous nous reverrons. Et sans doute au restaurant Pages qui a fait une cuisine de haute qualité parfaitement adaptée aux vins.

       

255ème dîner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot lundi, 22 novembre 2021

 

Le 196ème dîner de wine-dinners s’était tenu à l’hôtel du Marc demeure de réception du champagne Veuve Clicquot, car je souhaitais ouvrir un champagne Veuve Clicquot trouvé dans la mer Baltique et daté autour de 1840. Ayant maintenant envie d’ouvrir un champagne Juglar daté autour de 1820, qui est probablement le champagne le plus vieux que l’on puisse boire aujourd’hui, l’idée de l’ouvrir à l’hôtel du Marc puisque les deux champagnes étaient dans le même bateau m’est apparue intéressante. Je m’en suis ouvert à Didier Mariotti maître de chai de Veuve Clicquot qui a approuvé ce projet.

Les vins du repas ont été apportés il y a trois semaines. Le jour venu, c’est à 15h30 que je commence à ouvrir les vins du dîner. Je croyais pouvoir ouvrir le Bourgogne blanc de Vogüé 1995 avec un tirebouchon classique du fait de sa jeunesse, mais une moitié seulement est remontée, le bas du bouchon imbibé ne remontant qu’avec une longue mèche. Le parfum du vin est superbe. Par la suite, beaucoup de bouchons sont remontés en miettes, sauf le bouchon du Haut-Brion probablement de 1880 au liège parfait. Aucun parfum ne me semble rédhibitoire, celui du Haut-Brion me semblant très discret. Faut-il ouvrir le Juglar # 1820 aussi tôt ? Il me semble prudent de l’ouvrir en milieu de repas, juste après avoir bu les bordeaux. Le sympathique sommelier qui est à mes côtés remonte donner l’information en cuisine pour que le chef adapte ses temps de cuissons à cet intermède.

Nous serons douze au dîner dont Didier Mariotti qui nous reçoit avec un cadre de Moët-Hennessy, deux amies américaines fidèles de mes dîners et qui avec deux autres amis avaient participé au 196ème dîner tenu en ce lieu. Un seul convive participe à son premier dîner. Un chinois, deux chinoises et deux américaines font partie du groupe qui parlera le plus souvent en anglais.

A 19 heures, l’apéritif se prend avec un Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990. Le nez de ce champagne est sublime et racé et en bouche il montre une largeur et une énergie superbes. L’ampleur de ce champagne brillant me semble dû au format jéroboam qui lui donne un registre extrême. Mais Didier Mariotti dit que selon lui le format idéal est le magnum et que le jéroboam a moins d’effet. J’avoue avoir du mal à imaginer qu’un magnum offre plus de générosité que ce magistral jéroboam. Ce 1990 est exceptionnel. Les diverses mises en bouche sont variées et excellentes.

Le menu composé par le chef de cuisine Christophe Pannetier qui avait déjà fait le menu du précédent dîner est : le turbot, jus de rôti aux champignons sylvestres / le homard bleu en civet à la truffe / les ris de veau en pot au feu à la truffe / le pigeonneau royal en deux services, suprême rôti à la goutte de sang et salmis de cuisses en Parmentier / le chevreuil en noisettes et bois de salsifis / le foie gras poché dans un bouillon marin fumé / la mangue confite au naturel.

Sur le turbot, nous avons deux vins blancs. Le domaine de Vogüé fait un Musigny blanc qui est un grand cru. Il y a plus de trente ans, la vigne avait été replantée et le domaine avait estimé que le vin fait par de jeunes vignes ne méritait pas l’appellation du grand cru. Ils ont appelé leur vin « Bourgogne blanc ». Nous buvons donc un Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995. Il est absolument superbe, large, riche, opulent et mériterait bien d’avoir son appellation Musigny qui n’est réapparue que sur de récents millésimes, les vignes étant jugées de suffisante maturité.

Le Montrachet Domaine des Comtes Lafon 1978 est une mauvaise surprise, car il a une acidité qui le rétrécit. Le plaisir n’est pas là. C’est dommage car le millésime 1978 est une réussite exceptionnelle pour les montrachets.

Le homard bleu absolument délicieux accueille deux bordeaux rouges. Le Château Montrose L. Charmolüe 1918 est d’une couleur claire et d’un parfum très délicat. Il est expressif, racé, pur et n’a pas de trace d’âge alors qu’il a 103 ans. Il est très joyeux.

Pour l’autre vin, je suis très impressionné par l’ouverture d’esprit de mes convives. Je dis toujours : « on ne juge pas un vin, on essaie de le comprendre et plus on sera humble mieux on le comprendra ». Mes amis ont eu l’attitude qu’il fallait. Lorsque le sommelier me sert en premier le Château Haut-Brion probable 1880, je ressens une forte odeur de poussière, qui devrait gêner la dégustation, mais je sens derrière le rideau de poussière que le milieu de bouche et le finale sont d’une grande pureté et d’un grand intérêt. Le vin a un réel message et quelques minutes plus tard le rideau de poussière aura disparu, laissant la place à un goût profond et racé. Jamais nous n’aurions eu le plaisir de ce vin si nous avions refusé d’aller plus loin que le rideau de poussière.

La bouteille du Haut-Brion n’avait pas d’étiquette. A travers le verre foncé, j’avais pu entrevoir les deux « 8 » du millésime et la forme de la bouteille, probablement plus ancienne que 1880 corroborait la période. La capsule superbe indiquait le nom et le bouchon venu entier faisait son âge, ce qui signifie que le vin n’avait jamais été reconditionné.

Nous descendons en cave pour que j’ouvre le Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820 qui avait été vendu aux enchères en même temps que le Veuve Clicquot vers 1840. La date est estimée à 1820 car la maison Juglar a cessé de faire du champagne sous ce nom en 1829. Contrairement aux Heidsieck 1907 trouvés dans un bateau en mer baltique qui ont pu garder leur bouchon originel, les champagnes de cet autre bateau ont dû être rebouchés car hors de l’eau les bouchons allaient s’émietter. A l’occasion de ce rebouchage, l’expert mondial Richard Juhlin a goûté chacune des bouteilles et avait donné des notes, 94/100 au Veuve Clicquot vers 1840 et 86/100 au Juglar que nous allons boire. C’est pour cette raison que j’ai pensé ouvrir le champagne assez tard pour éviter qu’il ne se dégrade s’il est d’une moindre qualité.

L’odeur en cave du Juglar ressemble beaucoup à l’odeur du Veuve Clicquot de la Baltique. L’image qui me vient est du lait conservé dans une bouteille ouverte pendant plus d’un mois. C’est relativement désagréable, mais pas outrageusement rebutant.

Nous remontons de la cave pour la suite du repas et le Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952 accompagne un ris de veau curieusement trop peu cuit. Alors que le chef a fait des plats de grande qualité, ce ris de veau n’est pas plaisant. Est-ce ma faute car mes suggestions auraient été mal comprises ? Je ne l’exclus pas. Le champagne est d’une belle complexité, très riche mais je suis un peu gêné par la force de la bulle. Didier a une réaction d’une grande générosité. Il fait ouvrir un deuxième magnum de 1952 qui se montre différent. Le premier à la forte bulle a plus d’acidité et une plus grande longueur. Le second plus doux et plus large est plus facile à vivre. Je préfère en fait le premier du fait de sa longueur et sa vivacité plus complexe. Les deux montrent une belle personnalité et une belle fraîcheur.

Pour le pigeonneau servi en deux services nous avons deux bourgognes. Le Corton Bernard 1919 est absolument superbe, franc, riche, droit, facile à comprendre, un vin idéal. Alors qu’il y a dans ce dîner des vins prestigieux, c’est une belle surprise de constater qu’il sera nommé second dans le vote d’ensemble. A 102 ans, il est d’une énergie remarquable et sans le moindre défaut.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vigne Originelle Française non reconstituée 1937 est un vin préphylloxérique, provenant d’une parcelle vinifiée séparément, de vignes ancestrales. Ce vin est absolument sublime avec les marqueurs caractéristiques du domaine, la rose et le sel, mais avec une solidité de charpente que seuls les vins préphylloxériques sont capables d’offrir. Le plat est superbe et le vin est transcendant. C’est d’ailleurs lui qui sera nommé premier des vins du repas.

Il se trouve que Didier Mariotti est un membre de la famille Rousseau. C’est pour lui que j’ai inclus dans le dîner un Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948. Subtil, frais, élégant, ce vin est admirable. Il représente la Bourgogne qu’on aime, paysanne et terrienne. J’ai trouvé ce vin raffiné et aérien.

J’avais pris, comme je le fais parfois, un vin de secours dont nous n’avons pas besoin, tant il y a de vins au programme, mais dans l’ambiance de cette soirée, avec des convives amis que j’apprécie, j’ai ouvert un Chambolle-Musigny Les Amoureuses Comte Georges de Vogüé 1943, bouteille très rare. Ce vin a eu très peu de votes car il n’était pas inscrit sur les feuilles de vote, mais il aurait pu figurer dans les trois premiers du classement tant il représente une forme de perfection dans un millésime irréprochable. C’est un très grand vin.

Mes amis avaient su ne pas s’arrêter à l’attaque rebutante du Haut-Brion # 1880. Ils vont avoir la même attitude pour le Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820. Le parfum de lait tourné est désagréable mais comme le passage de l’ombre à la lumière, la bouche est un miracle. Le champagne est très dosé, plus que ne l’était le Veuve Clicquot du même bateau et son goût est un moment de pur bonheur. Nous avons en bouche le « goût américain » tel que les champenois le concevaient pour leurs clients et j’ai m’impression que ce goût est strictement le même que ce qu’il était il y a 200 ans. Je suis comme dans un rêve. C’est une telle récompense ! Et le parfum n’altère pas le goût. Alors que je suis amoureux du Richebourg préphylloxérique, j’ai mis le Juglar premier de mon vote, car le goût doucereux de ce champagne très dosé qui n’a pas une ride est unique et tellement authentique. L’association avec un foie gras poché, que je réserve habituellement aux Romanée Conti a créé un accord idéal.

Après tant d’émotions, le Château La Tour Blanche Sauternes 1928 particulièrement brillant, large, intense et ensoleillé n’a pas eu l’attention qu’il aurait dû avoir. Les sauternes de 1928 sont des réussites complètes. La Tour Blanche en est un exemple.

Nous aurons un champagne rosé pour conclure le dîner dans la jolie salle qui sert de bar aussi il est plus facile de procéder aux votes en étant assis, exercice particulièrement difficile ce soir. Quatre vins auront des votes de premier, le Richebourg 1937 quatre fois comme le Corton 1919, le champagne Juglar # 1820 a trois votes de premier et le Bourgogne blanc 1995 a un vote de premier

Le vote global est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique), 2 – Corton Bernard 1919, 3 – Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948, 4 – Champagne Juglar Mer Baltique # 1820, 5 – Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952, 6 – Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995.

Mon vote est : 1 – Champagne Juglar Mer Baltique # 1820, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique), 3 – Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948, 4 – Corton Bernard 1919, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990.

Nous nous sommes ensuite rendus au bar joliment décoré pour boire un Champagne Veuve Clicquot magnum rosé 1976, superbe conclusion, vin d’une belle richesse raffinée. Il y a dans ce bar un imposant baby-foot où l’on peut jouer à trois ou quatre de chaque côté. J’étais gardien de but de l’une des équipes. Il me semble que nous avons gagné, mais je n’en suis pas sûr.

J’ai particulièrement apprécié l’ouverture d’esprit de tous les convives qui n’ont pas été rebutés par le paravent de poussière du Haut-Brion # 1880 qui masquait un vin réellement complexe et par le parfum difficile du Juglar # 1820 qui était suivi par le « goût américain » très pur d’un champagne absolument splendide.

Le Richebourg est le plus grand vin de la soirée, mais nous avons eu tellement de saveurs inoubliables que ce repas restera comme un des plus beaux qui aient été faits. La maison Veuve Clicquot a participé généreusement au succès de ce repas, dont le chef de cuisine qui a réalisé des plats de grande qualité. Un champagne de 200 ans qui offre un goût inoubliable, trois vins de plus de cent ans dont un a été classé deuxième. En paraphrasant Isabelle d’Orléans, comtesse de Paris, nous pourrons dire : « tout nous est bonheur ».

Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990

Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995

Montrachet Domaine des Comtes Lafon 1978

Château Haut-Brion probable 1880

Château Montrose L Charmolue 1918

Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952

Corton Bernard 1919

Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique)

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948

Amoureuses Comte Georges de Vogüé 1943

Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820

Château La Tour Blanche Sauternes 1928

Champagne Veuve Clicquot magnum rosé 1976

les vins dans ma cave

les vins dans la cave de l’hôtel du Marc

la salle à manger

le repas

les verres

Dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris vendredi, 19 novembre 2021

Dans deux jours se tiendra à l’hôtel du Marc, demeure de réception du Champagne Veuve-Clicquot Ponsardin, l’un de mes dîners. Des participantes américaines sont parmi les plus fidèles de mes dîners et sont devenues des amies de ma femme et moi. Nous les invitons au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris. Le lieu est agréable, à la décoration riche et élégante. Notre table est grande pour quatre personnes mais nous verrons très vite pourquoi : chaque plat est accompagné d’assiettes ou de saucières ajoutant l’abondance à l’abondance.

Etant avec ma femme en avance, j’ai le temps de consulter le livre de cave qui est imposant. Alors que le Cheval Blanc et Yquem sont des vins du même groupe que la Samaritaine, j’ai du mal à comprendre pourquoi les prix sont si dissuasifs. Il y a dans cette carte des prix dans toutes les directions, de l’inaccessible au tentant. J’ai pu trouver pour le repas des vins de haute qualité.

Le Champagne Pierre Péters Cuvée les Chétillons 2013 va accompagner les canapés et les prémices, dont voici la description : Canapés : consommé Eugène, consommé de perdreau torréfié, infusion de sarriette, essence de bois de genévrier, whisky tourbé, échalote et fenouil sués, poivre Voatsiperifery / bouillon ‘chemin d’automne’ eau de châtaigne torréfiée. Prémices : vinaigrette ‘berlugane’, endocarpe de pamplemousse, mandarine et citron vert, gingembre, miel de fleur, infusion de marjolaine, mandarine Mikan, citron vert et orange sanguine pressée, huile de Bouteillan, huile d’olive infusée à la mandarine, poivre de Sancho.

Arnaud Donckele est le prince des sauces et des acidités. Chaque bouchée est un envol vers l’Olympe. Tout est si précis, mesuré et gourmand que l’on est pris dans un tourbillon de saveurs parfaites. Le champagne est très vif, précis et se met au service des goûts qu’il accompagne. On se régale.

Chacun a choisi son menu. Voici le mien : Sardine, brochet, poireaux, POUR crème Saint-Antoine / sandre, choux, bergamote, POUR soupe ‘songe de vigne’ / lièvre, céleri fane, passion, POUR jus ‘bois tison’ / Normandie affective, pomme, cannelle, pomeau.

Chaque intitulé de plat a le mot ‘POUR’, ce qui semblerait indiquer que le plat est fait pour la sauce et non l’inverse. D’ailleurs Arnaud Donckele nous recommande à tout instant de commencer par goûter la sauce. Voici le ‘POUR’ du sandre : Soupe ‘songe de vigne’ : fumet de sandre au vin rouge pinot noir, cognac, pastis, peau de bergamote, beurre d’écrevisse, cardamome noire, marjolaine, vinaigre de vieux vin, safran, infusion de bergamote, bois de fenouil, citronnelle et gingembre, huile d’olive bergamote, baie de genièvre.

On est dans la sophistication absolue avec un résultat d’une gourmandise idéale. Je fais servir par Emmanuel le compétent sommelier le vin blanc et le vin rouge pour qu’on puisse choisir lequel accompagnera les plats, au gré de chacun.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 2007 est la dernière de la cave. Le vin est époustouflant de générosité, d’ampleur et de largeur. Sa palette aromatique est infinie et cela convient parfaitement à la complexité des sauces et des acidités. Ce vin est au sommet de son art.

Nous allons faire le trou normand, qui n’en est pas un, en cuisine et mes amies américaines sont subjuguées. Le ballet de l’équipe de cuisine est calme et serein. Chacun sait ce qu’il doit faire et apporte une implication totale.

Le lièvre n’est pas à la royale, il explore d’autres voies tout aussi passionnantes. Le Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape rouge 2009 est dans un état de maturité absolue. Il est une heureuse surprise car je ne l’attendais pas aussi épanoui. Les trois vins se sont comportés au sommet de leur art et le Rayas blanc est au firmament.

Nous avons tous pris le dessert Normandie affective car c’est la région d’origine d’Arnaud Donckele. Il y a marqué sur le menu pour les desserts « harmonie de création et d’amusement entre Maxime et Arnaud » et cela résume bien ce que l’on ressent de la volonté d’Arnaud. Tout est joyeux et souriant. Arnaud vient fréquemment à notre table servir les sauces, ajouter un commentaire ou un conseil. Nous sommes au paradis.

Le service est attentionné, l’atmosphère est à la joie et au plaisir gustatif. C’est un sans-faute enthousiasmant.

254ème dîner au restaurant Pages vendredi, 15 octobre 2021

Le 254ème dîner se tient au restaurant Pages. Nous sommes dix et il est à signaler que six convives sont des nouveaux. C’est une bonne nouvelle qui montre l’intérêt pour ces diners. Deux femmes sont présentes dans un groupe où les mâles ne sont dominants que numériquement.

Je commence les ouvertures des vins à partir de 17 heures car Matthieu, le sommelier du restaurant, m’a déconseillé de venir à 16 heures du fait que des clients du service du midi risquaient d’être encore présents. Tous les bouchons sont venus entiers ou avec de faibles brisures. Est-ce un effet des conditions atmosphériques d’avoir des comportements de bouchons qui se ressemblent, c’est une énigme que je vais essayer de résoudre par l’expérience.

Les opérations d’ouverture étant rapidement menées je me rends au Bistrot 116 où l’équipe de cuisine du restaurant Pages prend son dîner. Selon la tradition, je viens pour boire une bière japonaise Asahi tout en grignotant des édamamés. Je suis rapidement rejoint par un ami, l’un des convives du repas.

Tout le monde est à l’heure, ce qui mérite d’être signalé. Je présente la philosophie de mes dîners, qui est importante pour bien profiter de cette expérience. Nous prenons l’apéritif avec un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 sur des gougères au parmesan. Le champagne ouvert vers 19 heures est très clair, solide, carré, grand champagne d’un bel équilibre. Il est large en bouche et joyeux. Il n’a pas d’âge tant il est fringant.

Le menu qui a été mis au point avec le chef Ken et son équipe est : sashimi de daurade / risotto de champignons, bouillon sous-bois / canard de Challans, sauce au vin rouge, panais / bœuf de maturation : Black Angus d’Irlande 5 semaines et filet de Normande 4 semaines, purée de pommes de terre / Joshu-Wagyu, gaufre de pommes de terre / Stilton / tarte au pamplemousse / financiers.

Le Champagne Moët et Chandon 1953 impressionne tout le monde par sa couleur ambrée. Il n’y a plus qu’une rare bulle mais le pétillant est présent et le champagne est d’un charme fou. Il a une longueur dix fois supérieure au Henriot. L’accord avec la daurade crue est éblouissant. Toute la table, majoritairement ignorante des champagnes anciens est émerveillée de découvrir à quel point les champagnes anciens sont porteurs de complexités beaucoup plus riches que les champagnes jeunes. Et le fait qu’un champagne de 31 ans puisse être considéré comme jeune est aussi troublant.

Le délicieux risotto accueille deux vins totalement différents. Le Pavillon blanc de Château Margaux 1979 est solide et construit et impressionne par le fait qu’il n’a pas d’âge. Si on disait qu’il est de 2005, personne ne le contredirait or ce vin blanc si jeune a 42 ans. Il est d’un bel équilibre expressif.

A côté de lui le Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976 doté d’une médaille d’or dans un concours à Macon en 1977 est d’une approche curieuse, car il combine un caractère sec avec le charme des vendanges tardives. Doté de saveurs d’une rare complexité, mêlant le salin, le minéral et le pétroleux des gewurztraminers, il est idéal avec le risotto alors que le bordeaux blanc a la solidité pour se marier aux champignons.

Le canard est associé à deux bordeaux, l’un de la rive gauche, Château Brane-Cantenac 1962 de l’appellation Margaux et l’autre de la rive droite, Château Clinet 1967 de l’appellation Pomerol. Le 1962 est d’une solide charpente, débordant de saveurs truffées. Le Clinet est plus discret, plus en suggestions. Il s’efface un peu devant le Margaux conquérant qui s’est approprié la belle chair du canard.

Pour les deux filets de bœuf il y a deux bourgognes. Le Morey-Saint-Denis Grivelet Père & Fils 1976 est très agréable, avec la finesse d’un bourgogne raffiné. Mais il ne peut rien faire face au Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959 qui occupe tout l’espace. Quel grand bourgogne qui combine richesse et ampleur avec une délicatesse et une noblesse remarquables. J’attendais beaucoup de ce 1959 et il tient ses promesses. C’est, à ce stade, mon vin préféré. L’Angus a une très forte personnalité et le chambertin s’en empare.

Le Wagyu est d’une extrême tendreté et le poivre parsemé avec une rare justesse permet un accord avec l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964 qui est de toute première grandeur. Et l’Hermitage est d’une noblesse extrême. C’est un immense vin du Rhône, avec un message extrêmement lisible et habile. Nous sommes tous conquis par ce vin resplendissant. Une merveille.

Jusqu’à présent, nous avons eu plusieurs fois deux vins pour un même plat. Pour le Château Filhot Sauternes 1972 nous allons faire le contraire et avoir deux plats pour un même vin. Avec le stilton parfaitement à point, le sauternes léger est d’une grâce extrême profitant de la salinité du fromage. Et le sauternes est Fregoli, puisqu’il arrive à trouver un accord complètement opposé avec le pamplemousse traité dans une belle pureté. Ce Filhot délicat est d’un rare plaisir que l’on n’attendrait pas de ce millésime souvent oublié.

Le Rivesaltes Collection Cazes 1935 ne peut pas être qualifié de délicat. C’est un fonceur, à l’alcool riche et au bouquet rayonnant. Les financiers sont idéaux pour adoucir la pétulance de ce 1935 qui paraît si jeune.

Ce qui est impressionnant c’est que nous avons progressé en allant crescendo et sans qu’apparaisse le moindre passage à vide. Tout le repas est une succession de réussites dans les accords mets et vins.

Il est temps de voter. Chacun désigne ses cinq vins préférés. Seuls trois vins ont eu l’honneur d’être désignés premiers. L’Hermitage 1964 a eu six votes de premier, le champagne Moët 1953 a eu trois votes de premier et le chambertin 1959 un vote de premier.

Le classement global est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964, 2 – Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959, 3 – Champagne Moët et Chandon 1953, 4 – Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976, 5 – Château Brane-Cantenac 1962, 6 – Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964, 2 – Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959, 3 – Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976, 4 – Champagne Moët et Chandon 1953, 5 – Château Brane-Cantenac 1962.

Voter pour les accords mets et vins n’a pas été envisagé mais pour mon goût le plus bel accord est celui du Wagyu avec l’Hermitage suivi du risotto avec le Gewurztraminer et de la daurade avec le Moët 1953.

Les conversations sont allées bon train, tant nous avions de choses à nous dire. Dans une ambiance enjouée et avec une cuisine brillante et un service des vins exemplaire, nous avons vécu l’un des plus beaux de mes dîners.

253ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude Arnaud Donckele mercredi, 8 septembre 2021

Le 253ème repas de wine-dinners a eu une longue gestation. Je connais depuis plus de dix ans Arnaud Donckele et lorsqu’il a été décidé qu’il dirigera le restaurant gastronomique de la Samaritaine, l’idée nous est venue de faire un grand repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Mais les dates de la fin des travaux pharaoniques dans ce gigantesque immeuble reculaient et reculaient sans cesse. De plus le Covid a mis une incertitude sur les possibilités de faire des repas.

L’horizon s’étant éclairci, la date d’ouverture officielle du restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris a été annoncée et la date du repas que nous ferions ensemble a été fixée à trois jours avant l’ouverture officielle. Nous avons travaillé à la mise au point du menu et nous avions déjà eu avec Arnaud des discussions sur la philosophie des repas. Les voies qu’explore Arnaud ne sont pas celles que j’explore, mais peuvent se rencontrer. Nous avons dû travailler pour en faire une synthèse. J’ai fixé des pistes telles que rouget pour un Pétrus, ris de veau pour un Corton-Charlemagne, pamplemousse pour un Yquem et Arnaud, en visionnaire, a tout de suite compris comment traduire ces pistes en plats cohérents. Et notre complicité a permis de faire un repas structuré.

Le génie des sauces du chef a conduit à des plats extraordinaires. Arnaud a privatisé pour nous le restaurant pour un déjeuner. Il a été omniprésent, servant les plats et servant lui-même les sauces dans nos assiettes, ce que je considère comme un privilège et un signe d’amitié.

Quand les convives sont arrivés, il les a salués en disant : « ce que vous allez manger, ce sont les plats de François Audouze. Moi, je n’y suis pour rien ». Nous avons ri. Et tout au long du repas les participants ont pu voir à quel point il s’est impliqué. Aucun plat n’est un plat de la carte. Ce sont des créations pour cet événement et ils ne sont pas reconductibles. C’est ce que le chef a expliqué au moment où dans le fumoir, nous avons fumé des cigares et bu un Rhum de la Martinique.

Les vins avaient été livrés deux jours avant le déjeuner et redressés la veille au soir. Le jour venu, je me présente à l’hôtel Cheval Blanc Paris un peu avant 9 heures. Emmanuel, le sommelier, me propose d’ouvrir les vins dans le fumoir. Le bouchon du Laville Haut-Brion vient entier comme presque tous les bouchons. Le nez du Laville est noble. Le parfum du riesling paraît fermé. Celui du Corton-Charlemagne de Coche-Dury n’est pas aussi tonitruant que ce que j’attendais mais il est subtil. Le parfum du Pétrus 1989 est miraculeux, celui de La Tâche très discret et celui de l’Yquem 1947 est la splendeur la plus absolue. Il est royal. Je devrais m’agenouiller devant le parfum du Constantia, réel chef d’œuvre. Son bouchon est le seul qui se brise en de nombreux morceaux, car ce minuscule bouchon s’est collé au verre et ne glisse pas dans son petit goulot.

Tout étant rondement mené j’ai le temps de regarder le site merveilleux de la Samaritaine et de saluer Arnaud Donckele, souriant et heureux que nous tentions cette expérience. A 11 heures j’ouvre les deux champagnes. Le bouchon du 1979 est étonnamment court et celui du 1981 libère une belle explosion gazeuse.

Les convives sont tous à l’heure. En trinquant avec un Champagne Krug 1979 je peux donner les « consignes » aux trois nouveaux. Nous sommes huit, avec une condamnable absence de parité.

Le Champagne Krug 1979 a une jolie couleur d’un ambre clair et le premier contact montre une acidité très présente mais je préviens mes convives que les amuse-bouches vont effacer cette acidité. Et c’est le cas, avec des huîtres merveilleuses et des bulots fumés comme je n’en ai jamais mangés. Le champagne est large et opulent, bien typé et c’est un des meilleurs 1979 que j’aie eu la chance de boire.

Voici le menu du repas. Le début de l’intitulé est souvent lié aux suggestions que j’ai faites, et à partir du mot « pour », c’est le génie du chef qui donne au plat une cohérence gustative et un supplément d’âme :

Sandre / chair d’araignée / caviar pour vinaigrette « berlugane »

Homard / choux brulés / pinces pour soupe  »vigne cardinale »

Ris de veau / carottes fondantes pour jus condimenté « dévoyé »

Rouget / céleri / crocus pour bouillon « bravade »

Pigeon / pomme de terre / Peranzane pour sauce « olive giboyeuse »

Bleu ciré dans le vaisselier lacté

Composition satinée pamplemousse / mangue / crème lactique / safran pour sauce « esquisse rose »

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1981 est très différent du Krug 1979. On le sent plus complexe, plus raffiné, plus noble. Le 1979 est un fonceur, le 1981 est un esthète. C’est d’ailleurs l’un des Clos du Mesnil que je préfère, après le légendaire 1979. Le plat gourmand est large et idéal pour ce fin champagne.

Le homard côtoie deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Blanc 1950 a une couleur très claire comme le plus souvent pour ce vin qui ne bronze pas avec l’âge. Le nez est impérial et riche et en bouche, le vin est un festival de saveurs riches et inhabituelles. On aurait du mal à dire que c’est un bordeaux blanc tant ses richesses ressemblent à celles d’un Hermitage blanc. Je suis conquis par l’originalité de ce vin qui me semble meilleur que ce qu’aurait donné un Haut-Brion blanc du même âge.

Le Riesling Léon Beyer vers 1950 a hélas un nez de bouchon. Même si le vin n’a pas de goût de bouchon, on est mal à l’aise avec son parfum. C’est pourtant un beau riesling cohérent et minéral, mais le cœur n’y est pas. Le homard est une merveille et embellit le Laville.

Le Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997 n’a pas l’approche tonitruante de certains millésimes riches de ce vin, mais il a la belle sophistication des Corton-Charlemagne d’un domaine qui porte cette appellation au firmament. L’association avec un ris de veau est mon idée et comme au rugby, c’est Arnaud Donckele qui a transformé l’essai avec une sauce à se damner. L’accord est parfait.

Le Pétrus 1989 a un nez impressionnant. Quelle richesse de truffe et de charbon ! En bouche il est tout simplement miraculeux. Un ami présent avait bu avec moi au Château de Saran un Pétrus 1990. Ce 1989 est transcendantal par rapport à son cadet. C’est un vin sublime qui justifie pleinement la réputation dont jouit Pétrus. On est au nirvana et le rouget traité par Arnaud est de la consistance qui fait le génie de cette association qui est une de mes coquetteries. Un rouget servi après un ris de veau n’est pas banal et ce fut réussi.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 est d’un des millésimes que je préfère pour La Tâche, le plus grand étant 1962. Le parfum de ce vin n’est pas aussi puissant que ce que j’attendais. C’est un grand vin, en possession de tous ses moyens, mais il a du mal à m’émouvoir après la prestation du Pétrus. Le pigeon est absolument magique, interprété de la plus belle façon. L’accord avec La Tâche est particulièrement réussi.

Le Château d’Yquem 1947 va accompagner deux services, celui du fromage bleu et celui du dessert. Arnaud Donckele a défendu son choix du fromage bleu ciré, mais ce choix qui a été fait par curiosité ne m’a pas fait changer d’idée : Stilton est le fromage qui convient aux vieux Yquem. Ce sera une occasion de nous revoir pour tester les deux. Il y a dans le bleu ciré du gras qui ne colle pas au sublime Yquem. Ce qui me fascine toujours avec ces Yquem légendaires c’est que tout en eux est parfait. Le dessert où le pamplemousse rose est le guide est une merveille.

Nous nous rendons dans le fumoir pour goûter le White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862. Arnaud est très fier de cette possibilité de fumoir et il a raison. Nous bavardons avec Arnaud Donckele et c’est un plaisir et un privilège de discuter avec lui de gastronomie. Le Constantia est dans son registre aussi parfait que ne l’est l’Yquem 1947 en lequel tout est dosé pour notre bonheur. Le gras de l’Yquem, sa sucrosité, sa longueur appartiennent aux plus grands des Yquem et à mon goût ce 1947 surpasse le 1921 si chéri des experts.

Le Constantia est tout en douceur, avec des saveurs et des odeurs de mille et une nuits. J’avais demandé des financiers nature et à la rose et ceux que le pâtissier a réalisés mettent en valeur la grâce de ce breuvage divin que Napoléon adorait.

Cela fait trente ans que je ne fume plus, mais j’ai gardé des boîtes à cigares. J’en ai apporté une pour que mes amis et moi fumions ces reliques qui les étonnent car les cigares sont loin d’être secs. J’ai aussi apporté un Rhum de la Martinique Nady années 50 / 60 absolument délicieux et typé avec des petites notes vanillées, qui est un bonheur pour déguster les cigares.

Dans le fumoir nous avons voté pour les vins sans inclure le Rhum. Trois vins seulement ont été classés premiers : Pétrus 1989 a eu quatre votes de premier, La Tâche a eu trois votes de premier et le Constantia a eu un seul vote de premier, le mien.

Le classement du consensus est : 1 – Pétrus 1989, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 4 – Château d’Yquem 1947, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1981, 6 – Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997.

Mon classement est : 1 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 2 – Pétrus 1989, 3 – Château d’Yquem 1947, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 5 – Château Laville Haut-Brion Blanc 1950.

Un tel repas avec la complicité d’un chef du talent d’Arnaud est la récompense de ma démarche gastronomique. C’est ce dont je rêve et nous l’avons fait. Arnaud est le prince des sauces mais pas seulement, car l’architecture du repas a été parfaite.

Les vins se sont montrés très grands. Les accords ont été pertinents. J’ai un petit faible pour rouget et Pétrus, pigeon et La Tâche, dessert et Yquem. Le service a été d’une grande justesse. Ce repas devrait être canonisé au Panthéon de la Gastronomie. C’est un immense bonheur. Merci Arnaud.

la lie de La Tâche

Constantia choisi dans la collection

les vins dans ma cave

les vins dans le fumoir du restaurant

l’entrée de l’hôtel

la salle à manger

la petite pièce où sont gardées des vaisselles de « grand-mère »

la vue sur la Seine

les plats

252ème repas dans la maison du sud lundi, 16 août 2021

Depuis une quinzaine d’années, le dîner du 15 août est un point culminant gastronomique de notre été. Deux amis ayant déménagé à plus d’une centaine de kilomètres, j’ai estimé plus prudent de faire ce repas non pas à dîner mais à déjeuner. Nous serons six dont cinq qui boivent du vin.

La mise au point du menu de ce repas ayant donné lieu à tellement de soins et fut une telle réussite qu’il me paraît justifié que ce repas soit compté comme un des dîners de wine-dinners. Ce sera donc le 252ème dîner.

Le repas va commencer après l’apéritif par un foie gras composé par ma femme, avec des gouttes de Porto Quinta do Noval 1964 et des gouttes d’un cognac millésimé 1925. Il y aura ensuite des langoustines cuites à la seconde près, avec une goutte d’huile d’olive associée à une trace de mandarine.

Le clou du repas sera le bœuf Wagyu qui accompagnera trois vins rouges. Du fromage suivra et les dessert sera une tarte Tatin. Le choix des plats a influencé le choix des vins mais l’inverse s’est produit en de nombreuses occasions.

Le matin du 15 août, à 8 heures commence la séance d’ouverture des vins. Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002 a un nez relativement fermé mais devrait s’épanouir. L’ami qui a apporté le Château Latour sans étiquette et de niveau entre mi et basse épaule avait suggéré qu’il s’agisse d’un 1972. En fait, en scrutant la capsule du Latour qui a toujours le millésime – belle tradition – on peut deviner 1953 et le bouchon de belle qualité confirme 1953. Le nez est lui aussi un peu fermé mais l’on sent un vin riche.

Le niveau dans le goulot de la Côte-Rôtie La Mouline 1984 est impressionnant, si proche du bouchon. Le nez du vin est subtil et délicat. A l’inverse, le nez du Penfolds Grange 1991 au niveau aussi exceptionnel est une bombe olfactive. Le nez de l’Yquem 2004 est d’un charme fou.

Un peu après 9 heures les vins sont ouverts et il me semble opportun d’ouvrir dès maintenant le magnum de champagne Salon 1999, dont le bouchon a failli m’échapper des mains, tant sa force d’explosion est grande. Le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 est le seul vin que j’ai ouvert à 11 heures.

Je me félicite d’avoir deux armoires à vins qui permettent de garder à bonne température les vins ouverts, 15 ° pour les vins rouges et les sauternes et 8 ° pour les vins blancs et champagnes. C’est absolument indispensable de garder les vins ainsi car nous sommes en pleine canicule avec un soleil étouffant. Il faut donc servir les verres et vite remettre les bouteilles au frais.

L’apéritif commence selon un tout nouveau rite : manger une ou deux fraises puis boire le champagne. Avec le Champagne Salon magnum 1999 cela marche à la perfection car le champagne s’imprègne de la fraîcheur de la fraise, alors qu’à mon grand étonnement, cela n’avait pas marché avec le magnum de Dom Pérignon 1992. Viennent ensuite des anchois, des sardines, de la poutargue, du jambon Jabugo, une crème d’artichaut tartinée sur du pain, une anchoïade, des chips à la truffe et une originale combinaison de burrata avec des coquilles Saint-Jacques crues. Ce qui est fascinant, c’est de voir l’adaptabilité du Salon, à l’aise sur toutes les saveurs. C’est un champagne encore jeune mais très solide et qui deviendra dans vingt ans une référence de Salon. Il avait commencé sa vie dans une timide discrétion et depuis il a acquis sérénité et solidité. C’est un grand champagne.

Avec le foie gras, le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 montre une personnalité affirmée. Très typé il me plait beaucoup et je le consacrerai dans mes votes. Avec le foie gras si doux il s’exprime de façon tonitruante. Il a acquis une maturité idéale et son expression est digne des meilleurs champagnes de Selosse, et le délai de dix ans entre dégorgement et dégustation me semble idéal.

Les langoustines sont idéalement cuites, à la seconde près et nous pensons tous que ma femme a réalisé un plat qui vaut trois étoiles. Une goutte d’huile parfumée de mandarine ajoute une petite touche qui colle parfaitement avec le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002. Au premier abord le vin est marqué par un goût de bouchon, qui ne se retrouve pas en bouche. Et ce nez de bouchon va disparaître très vite. Le vin est large, opulent, de belle mâche. J’ai un faible pour les Bâtard-Montrachet que je trouve guerriers. Le plat est absolument divin.

Nous avons acheté sur internet en Belgique deux fois 800 grammes de Wagyu. Ils seront servis en deux fois. Trois vins vont les accompagner. Le Château Latour 1953 a toutes les caractéristiques d’un Latour, avec cette profondeur, cette droiture et un côté incisif. Il est agréable, mais il a un peu souffert de la perte de volume dans la bouteille. Il est agréable mais n’est pas totalement grand.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984 est d’une couleur clairette. Le vin est tout en douceur, charmant et élégant. Ceux qui feraient des réserves sur le millésime 1984 en seront pour leurs frais, car cette Mouline est le compagnon idéal du Wagyu. L’osmose est parfaite et c’est ce qui pèsera dans la balance au moment des votes.

Le Penfolds Grange 1991 est une bombe olfactive d’une puissance infinie. J’adore un tel vin extrême qui va encore plus loin que Vega Sicilia Unico dans la richesse. Ce vin me passionne. C’est une réussite dans la richesse. Il sera mon chouchou mais il est évident qu’il joue sa partition sans se soucier du Wagyu. Il vit sa vie, parade, alors que La Mouline s’ajuste à la superbe viande fondante qui collaborerait avec beaucoup d’autres vins, dont des blancs et des liquoreux.

Les vins rouges s’accommodent maintenant de fromages divers dont un camembert Jort fait pour le vin australien et de divers chèvres plus amis du bordeaux.

La tarte Tatin accompagne un beau Château d’Yquem 2004 à la robe encore jeune, et l’on s’aperçoit que le choix d’un jeune Yquem est judicieux, car l’Yquem 1989 qui aurait pu être choisi aurait écrasé la tarte de sa puissance. L’Yquem 2004 me semble promis à un bel avenir.

Nous sommes tous aux anges, tant les accords ont été d’une pertinence totale. Nous sommes ravis de la qualité du Wagyu, qui nous poussera à en recommander.

Il est temps de voter. La Mouline Guigal 1984 a eu trois votes de premier et le Penfolds Grange 1991 deux places de premier.

Le classement final des cinq votants est : 1 – Mouline 1984, 2 – Penfolds 1991, 3 – yquem 2004, 4 Latour 1953, 5 – Initial Selosse, 6 – Bâtard-Montrachet 2002.

Mon classement est : 1 – Penfolds 1991, 2 – Initial Selosse, 3 – Mouline 1984, 4 – Salon 1999, 5 – Yquem 2004.

la bouteille du Latour n’a pas d’étiquette. Le millésime est visible sur la capsule et sur le bouchon