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251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur dimanche, 20 juin 2021

Il y a trois jours, j’avais livré les vins du 251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur, ce qui m’avait permis de renouer avec la cuisine d’Alain Pégouret, le chef avec lequel j’ai fait le plus grand nombre de mes dîners, car il était le chef du restaurant Laurent. De bon matin, vers 8 heures, j’ouvre dans ma cave neuf millésimes consécutifs du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion, de 2010 à 2018, car j’ai prévu pour les convives du déjeuner de faire ensuite avec moi la dégustation verticale de ce vin. Mes convives ne sont pas prévenus.

J’arrive ensuite vers 9h30 au Sergent Recruteur pour ouvrir les vins du déjeuner. Le Corton Grèves 1919 a été certainement reconditionné puisque l’étiquette porte « appellation contrôlée » mention qui n’existait pas à cette époque. Je pensais à un rebouchage du domaine Louis Latour dans les années soixante, mais le bouchon est venu en tellement de morceaux que le rebouchage est sans doute plus ancien. Le plus beau des bouchons est celui du Rota 1858, tout petit, d’un liège exceptionnel, la bouteille n’ayant rien perdu de son volume en 163 ans. Tous les parfums sont parfaits les plus beaux étant celui du Rota 1858, du Bâtard-Montrachet 1990 et du Porto 1872. Je fais sentir les vins à Norman le sommelier et à Benjamin chef de salle. J’ai apporté en cuisine le Rota 1858 et le Porto 1872 afin que le chef et son équipe voient comment orienter les sauces et les saveurs en fonction de ce qu’ils sentent.

Il se trouve que j’ai vécu deux ans dans l’île Saint-Louis, aussi, les ouvertures faites, j’ai flâné dans l’ile et j’ai pris une bière sur la terrasse d’un café en ayant Notre-Dame en face de moi. L’esprit « Ile Saint-Louis » est revenu me charmer. Un moment de grand bonheur.

Nous sommes six à déjeuner dont seulement cinq buveurs. Un seul est nouveau dans ce repas. Le menu mis au point il y a trois jours et créé par le chef Alain Pégouret est : rillettes de maquereau sur toast et bâtonnet de comté / tourteau en gelée de homard / turbot cuit à la nacre / homard rôti, sauce des sucs à peine caramélisés, panisse / bouillon de poule / volaille culoiselle rôtie à l’ail noir / pigeon rôti, jus de pigeon / la cerise gourmande, chantilly à la fleur de sakura.

J’avais ouvert les champagnes une heure trente avant le service et le 1973 m’avait offert un joli pschitt alors que le 1961, du fait d’un bouchon trop recroquevillé était resté muet. Le Champagne Dom Pérignon 1973 est dans un beau stade de son évolution. Il est expressif, suggérant plus qu’il n’affirme, avec de jolies subtilités. Les toasts aux rillettes excitent délicieusement ce champagne raffiné.

Le Champagne ‘Perfection’ Jacquesson 1961 est beaucoup plus marqué par l’âge. Il faut s’acclimater à ses goûts tertiaires et alors le miracle se produit grâce à la gelée du tourteau qui donne un coup de jeune au champagne qui devient délicieux. C’est, je crois, le plus bel accord du repas, Alain Pégouret étant depuis toujours le prince des tourteaux.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 a un nez irréel. D’une puissance incroyable, celle des grands Bâtards. Le turbot est cuit à la perfection et la pomme de terre comme la sauce forte auraient dû être mis en sourdine pour laisser la place à l’accord divin de la chair du poisson avec le vin puissant riche, au fruit généreux.

Le Rota vin d’Espagne 1858 est une apparition divine. Vif comme un madère, chaleureux comme un de mes vins de Chypre de 1845, ce vin est l’expression du bonheur absolu. Tout est en charme, mais un charme conquérant. Avec le homard, nous vivons une extase d’autant qu’il est copieux.

Après ce moment de grâce absolue, il fallait que le palais se repose. C’est Alexandre de Lur Saluces qui m’avait dit que lorsqu’un liquoreux apparaît en cours de repas, il faut boire une tasse de bouillon de poule et le palais est prêt à affronter les rouges. Ce fut fort judicieux et c’est ce que nous avons fait.

Le Château Branaire Saint-Julien 1947 est remarquable. Son nez est subtil et raffiné, sa bouche est pleine de charbon et de truffe laissant une belle empreinte avec un finale précis. La volaille a une mâche d’une douceur infinie qui convient au vin.

Le Corton Grèves Louis Latour 1919 est certainement la plus grosse surprise pour tout le monde. Comment un vin de cent deux ans peut-il avoir une telle prestance ? Il est vif, précis, charmeur et délicieusement bourguignon avec une belle râpe que j’aime dans le finale. Le pigeon est délicieux et l’accord, classique, se trouve idéalement. Ce vin est une vraie synthèse de l’esprit bourguignon.

Lorsque nous avions bâti le menu il y a trois jours, Alain Pégouret avait suggéré que nous utilisions son dessert à la cerise, ce qui me paraissait logique. A l’ouverture, le Nectar Do Douro J.A. Simoés 1872 sentait la cerise ce qui a réjoui l’équipe de cuisine. Le Porto servi dans les verres est clairet, d’un rose pâle, ce qu’on ne pouvait soupçonner car la bouteille est opaque. Il s’agit donc d’un porto blanc d’une douceur exaltante. Quel raffinement. Les cerises se marient avec le vin dont l’alcool est plus sensible que celui du Rota 1858, et la chantilly est plutôt une gêne pour l’accord. C’est sur la cerise pure que le vin de 149 ans s’épanouit.

Il est temps de voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de sept vins. Trois vins ont été nommés premiers, le Rota 1858 trois fois, le Dom Pérignon 1973 une fois et le Corton 1919 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 4 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon 1973, 6 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872.

Mon vote est : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872, 4 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 5 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961.

La suite du programme se fera dans ma cave. Le repas a été particulièrement brillant par la qualité des produits, des cuissons et des sauces et les vins ont été tous dans un état d’absolue perfection.

Après l’ouverture matinale des vins j’ai arpenté l’île Saint-Louis où j’ai vécu de 1965 à 1967. Période divine

dîner du 210618 SERGENT RECRUTEUR 251ème

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 16 juin 2021

Le 251ème repas, le dernier avant les vacances, était prévu sous forme d’un déjeuner dans ma cave. Mais les restaurants sont de nouveau ouverts et ne sont plus disponibles pour réaliser des repas privés. Les vins qui sont prévus méritent autre chose qu’une dinette aussi est-ce l’occasion de reprendre contact avec Alain Pégouret, le chef qui a fait la cuisine pour le plus grand nombre de mes dîners. C’était au restaurant Laurent. Il officie maintenant « chez lui » au restaurant Le Sergent Recruteur. Je vais apporter les vins du futur déjeuner et j’en profite pour inviter des personnes avec lesquelles j’envisage des événements pour le deuxième semestre 2021. Nous sommes quatre.

Alain Pégouret est tout souriant et nous allons voir dans sa façon de cuisiner à quel point il est heureux chez lui. Sur ma suggestion nous prenons tous le menu dégustation qui est ainsi rédigé : amuse-bouche / mise en bouche / truite irisée au goût légèrement fumé, crème fouettée au sirop d’érable, marmelade citron, cardamome et condiments / girolles juste saisies, lasagne et jaune d’œuf à peine coulant, relevé par une écume poulette Yuzu et craquelin / volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha / cerises gourmandes sur un biscuit moelleux, au pain d’épices, chantilly à la fleur de Sakura, glace au lait d’amande.

Le premier champagne est un Champagne l’Ame de la Terre Françoise Bedel 2002. Pour un champagne de femme, je le trouve sacrément musclé et incisif. C’est le pinot noir qui lui donne un côté cinglant. J’adore ce champagne sans concession et très gastronomique. Avec l’amuse-bouche où trône une moule sur une délicieuse salade crémée, le champagne fait des merveilles. Il a besoin de mets pour s’exprimer.

Le Champagne La Colline Inspirée Blanc de Blancs Jacques Lassaigne sans année est l’opposé du précédent, tout en charme et douceur. Heureusement les champagnes ont été servis dans cet ordre. La truite est divine et le vin brille. C’est un plat osé qui explore des saveurs abruptes et on sent à quel point le chef est libre. Les girolles s’accordent aussi mais pourquoi ne pas essayer aussi le Bandol Cabassaou Domaine Tempier 2006 ? Ce vin est une merveille d’équilibre, carré, droit et persuasif. Quel vin agréable. La volaille est divine. Nous sommes d’accord autour de la table de penser que ce restaurant doit avoir au plus vite deux étoiles. Le chef paraît tellement à son aise et heureux qu’il ose des saveurs passionnantes.

Il y a à notre table un chocolatier célèbre et un des objets du déjeuner est de voir comment nous pourrions faire des événements autour du chocolat et de vins antiques. Aussi ai-je apporté une bouteille entamée depuis des mois, un Tokaji des années 1860 et daté postérieurement avec Christie’s comme étant autour de 1840. Dans les mignardises il y a des palets au chocolat ce qui nous permet de vérifier que le doucereux si complexe de ce Tokaji est un bonheur sur du chocolat.

Je suis ravi d’avoir retrouvé Alain Pégouret dans ce restaurant. Il est heureux, il fait une cuisine de haute qualité. Nous avons bâti le menu du 251ème repas. Je pense que ce sera une réussite.

Déjeuner au siège du champagne Salon samedi, 22 mai 2021

Le lendemain du dîner au château de Saran, nous nous dirigeons vers Le Mesnil-sur-Oger pour déjeuner au siège du champagne Salon. Lorsque j’avais organisé le dîner à Saran, j’avais proposé à mes amis d’ajouter une suite avec ce déjeuner que Didier Depond, président de Salon et Delamotte avait accepté de tenir.

J’avais demandé à chacun d’apporter un grand vin et l’un des amis avait livré nos bouteilles une semaine avant. Didier Depond a accepté d’ouvrir nos vins aux aurores.

Il fait beau lorsque nous arrivons au siège de Salon aussi, après une succincte visite de cave au cours de laquelle Didier Depond a fait dégorger à la volée une bouteille de Salon 2012, vin qui sera commercialisé à l’automne 2021, nous buvons dans le jardin, dont les vignes sont de la parcelle historique de la propriété d’Aimé Salon, le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2014 qui lui aussi sera commercialisé prochainement.

Les Delamotte Blanc de blancs sont des champagnes très agréables et frais et ce 2014 promet d’être grand. Il est maintenant déjà très large et plaisant. De belles gougères mettent en valeur ce jeune et beau champagne.

Nous passons à table et le menu a été conçu et réalisé par le chef du restaurant Royal Champagne, Jean-Denis Rieubland : verrines de tourteau à l’avocat / turbot de ligne rôti aux asperges et agrumes / volaille de Bresse aux morilles / comté, parmesan, chaource et camembert / tarte sablée aux framboises, glace vanille.

On nous sert deux champagnes 2012. Le Champagne Salon 2012 dégorgé à la volée en cave il y a moins d’une heure est non dosé et doté d’une belle fraîcheur florale. Une amie chinoise qui est de notre groupe en raffole.

Le Champagne Salon 2012 dosé pour sa commercialisation, donc le 2012 tel qu’il sera proposé, montre déjà une maturité étonnante. Il est prêt à être bu tel qu’il est sans attendre. Son registre est romantique. Nous sommes plusieurs à le préférer au non dosé, mais l’avis de notre amie chinoise ne se conteste pas.

Le Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996 offre un parfum qui n’appartient qu’à ce domaine. Il est d’une puissance extrême, avec une explosion de pétrole tant il est minéral. En bouche il est beaucoup plus cohérent, construit, avec des complexités infinies. C’est un immense bourgogne blanc, de la race des géants. N’étaient ses prix stratosphériques, on en boirait tous les jours.

Le Pétrus 1990 est mon apport. Il est à la fois d’une belle maturité mais encore d’une belle jeunesse, tendu, tranchant et vif. Il évoque la truffe et a un grain d’une belle densité. Je l’aime beaucoup et il s’accorde bien au délicieux turbot.

Le Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970 est un grand champagne qui a été apprécié mais que j’ai trouvé un peu trop fort, trop affirmé.

Le Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994 apporté par l’amie chinoise est d’une grâce infinie, confirmant à quel point le talent d’Henri Jayer fait des prodiges d’élégance. C’est un vin magnifique qui s’accorde bien au poulet.

Le Champagne Salon 1996 est un très grand Salon, riche, puissant, d’un grand équilibre et d’une longueur infinie. Didier Depond nous dit, et cela est intéressant, que tout le monde s’extasie sur le 1996 et que le 1995 n’a pas la même faveur, alors que pour lui, le plus grand est le 1995. Il faudra vite vérifier.

Les fromages s’accordent avec les vins précédents, pour autant que l’on en ait gardé dans son verre. Le Corton Charlemagne reste impérial.

Le Champagne Salon 1964 ne vient pas de la cave de Salon mais de l’apport d’un ami fidèle de mes dîners. Le bouchon superbe laisse échapper une belle explosion gazeuse ce qui indique que ce 1964 a été admirablement conservé. Ce champagne est absolument divin, à la couleur ambrée et très belle, à la bulle active, et se montre d’un charme extrême. Il a des complexités qui n’appartiennent qu’aux champagnes anciens. Je suis aux anges.

La diversité des vins est telle que voter n’est pas facile. Nous sommes huit à voter et deux vins sont dans les huit votes : le Corton Charlemagne et le Salon 1996. Un vin a sept votes, celui d’Henri Jayer et le Pétrus a six votes. Ce qui est intéressant à signaler c’est que le Salon 1964 est celui qui a le plus de votes de premier, avec trois votes de premier mais n’a au total que quatre votes. Ce qui veut dire que les champagnes anciens ne sont pas encore compris par tous les amateurs.

Quatre vins ont été nommés premiers, le Salon 1964 trois fois, le Corton Charlemagne deux fois, tandis que Delamotte 1970, le Vosne-Romanée et le Salon 1996 ont eu chacun un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 – Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 2 – Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 – Champagne Salon 1996, 4 – Champagne Salon 1964, 5 – Pétrus 1990, 6 – Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970.

Mon vote est : 1 – Champagne Salon 1964, 2 – Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 – Pétrus 1990, 4 – Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 5 – Champagne Salon 1996.

Ce déjeuner amical avec Didier Depond dans une ambiance chaleureuse fait partie des moments impromptus, décidés par amitié, qui me vont droit au cœur.

la bouteille de Pétrus 1990 dans ma cave

la vigne primitive de Salon

Didier Depond devant la vigne initiale

la salle de dégustation

en cave. la case des 1964. celui que nous boirons ne vient pas de la cave de Salon

les vins

la couleur du 1964

Didier Depond heureux de ce repas

250ème dîner au château de Saran samedi, 22 mai 2021

Nous quittons Hautvillers, berceau de Pierre Dom Pérignon et nous nous rendons au château de Saran pour le 250ème diner. Du fait du confinement, nous devons respecter des règles de distanciation aussi serons-nous seulement sept à dîner. La table magistrale qui accueillerait volontiers des festins de rois Vikings va nous permettre d’avoir deux mètres de distance entre chacun des convives et ses voisins. Cela n’a gêné en rien l’atmosphère gaie et complice du dîner.

Avant cela, nous prenons l’apéritif au château. Vincent Chaperon maître de cave de Dom Pérignon nous rejoint. Nous buvons un Champagne Dom Pérignon magnum 2008. J’ai un amour particulier pour ce champagne promis au plus grand avenir. Les petits amuse-bouches composés par Marco Fadiga sont comme on peut l’imaginer parfaitement adaptés à ce champagne joyeux, solaire, accueillant.

Nous passons du château au bâtiment annexe où se trouve la grande salle à manger avec sa table imposante.

Le menu composé en collaboration avec le chef Marco Fadiga est : langoustines légèrement fumées et rôties, gel de fleurs d’hibiscus / mousseline de carottes au cumin, huître Sorlut n° 1 pochée / Maklouba d’agneau aux aubergines, coriandre et épices b’Har / pigeon en deux façons, les filets servis avec une sauce sang, mûre et truffe, les cuisses rôties au jus oriental / canard Apicius en deux services, purée de panais / foie gras poché dans un bouillon, sauce café / soufflé aux fruits exotiques, sorbet au pamplemousse, écorces d’oranges amères.

L’Y d’Yquem 1985 a une couleur très claire, à peine dorée et son nez est imposant. C’est un vin riche, avec de légères traces de botrytis qui font tout son charme. 1985 est une année de grande réussite pour Y. L’accord avec les langoustines divinement cuites, c’est-à-dire à peine, est parfait, mais on aurait pu éviter de fumer les langoustines car le fumé asséche l’accord. Ce Y est un grand vin, qui n’aura pas l’honneur des votes, mais on sait que dans des repas très longs, la mémoire oublie les vins du début.

Le Champagne Dom Pérignon P2 2002 est un champagne absolument superbe et épanoui, combinant sérénité et jeunesse. L’accord avec la carotte est particulièrement osé, mais il est réussi et l’imposante huître n° 1 est parfaite pour ce beau champagne.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 avait à l’ouverture un parfum plus discret que celui de l’Y. Il est encore discret mais on va prendre conscience des complexités infinies de ce grand vin. L’accord avec l’agneau est évidemment osé, mais j’adore casser les codes et c’est probablement le plus bel accord de ce repas. Le Montrachet solide et d’un équilibre parfait est un vin glorieux mais peut-être aujourd’hui plus discret que d’autres 2001 que j’ai bus.

Le pigeon en deux façons va accueillir deux vins. Le Château Haut-Bailly 1900 va subjuguer tout le monde. Il a 120 ans, mais aussi bien sa couleur que son goût sont d’une grande jeunesse. C’est un vin solide, construit, puissant et même entraînant tant il nous convainc. Il m’évoque Cary Grant, l’acteur qui fut séduisant et élégant à tous les âges de sa vie.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1966 est une splendeur absolue. La décennie des années 60 est certainement la plus belle décennie pour les champagnes et pour Dom Pérignon, et au sein de cette décennie, 1966 est l’année que je préfère. Quel grand champagne que j’adore, même si mon cœur a tendance à pencher vers les dégorgements d’origine. L’association d’un vin rouge et d’un champagne sur le même plat est inhabituelle. Ils ne se fécondent pas, mais leur association est plaisante.

Pour le canard Apicius, on a fait deux présentations puisque là aussi il y a un vin rouge et un champagne. Le Château Lafite-Rothschild 1961 est solide et carré, exhalant la truffe et le graphite, mais n’atteint pas le niveau des plus grands Lafite 1961 que j’ai eu l’occasion de boire.

Le Champagne Dom Pérignon Rosé P3 magnum 1988 est un grand cadeau que nous a fait Vincent Chaperon, comme le légendaire 1966 bu sur le pigeon. C’est un rosé abouti, complet, inspiré. Le canard l’épouse sans condition.

J’ai estimé un jour que le plat qui met idéalement en valeur une Romanée-Conti est un foie gras poché dans un bouillon de légumes, et servi sans son bouillon. Il se trouve que j’ai un amour particulier pour le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915. C’est un vin que j’ai bu treize fois et que j’ai mis dans mes dîners huit fois. Sept fois sur huit je l’ai mis dans les trois premiers de mon classement. Mon amour pour lui est donc justifié. Il méritait de bénéficier de l’association avec le plat que je réserve aux Romanée-Conti. Ce fut une bonne idée car le chef l’a remarquablement exécuté. Le vin est intemporel. Il est droit, carré mais en même temps subtil et complexe. C’est un bourgogne de plaisir. Il est raffiné. Je l’adore comme on le verra dans les votes.

Le Château Guiraud Sauternes 1893 est d’une bouteille ancienne superbe, n’a pas d’étiquette mais la capsule et le bouchon renseignaient sur son nom et sur son année. Le niveau dans la bouteille était presque dans le goulot. Sa couleur est plutôt claire, tendant vers le rose. Son parfum est infini. On peut dire que c’est un sauternes parfait, d’une année mythique. Le soufflé est absolument divin. Un détail est amusant. Lorsque j’étais venu il y a une semaine vérifier certains plats avec le chef, j’avais eu l’opportunité de goûter cet excellent soufflé. Mais il était copieux. Aussi avais-je demandé au chef de réduire la taille du soufflé. Ce qui fut fait. Mais un des convives ayant adoré ce plat a demandé s’il pouvait en avoir un peu plus et toute la table a eu un deuxième service du soufflé. Le chef avait donc vu juste lors de mon essai. L’accord Guiraud et soufflé est divin.

Vincent Chaperon a fait ajouter à notre programme un Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1975 d’une extrême élégance, ponctuant parfaitement ce repas.

Il est temps de voter, chacun désignant ses cinq vins préférés. Il est intéressant de constater que trois vins ont eu 7 votes des 7 participants, et ce sont les trois vins centenaires, le 1900, le 1915 et le 1893. Cette concentration de perfection pour des vins antiques a remis en cause beaucoup des repères de Vincent Chaperon qui n’imaginait pas de telles performances de la part des vins anciens. Les trois vins qui ont eu des votes de premier sont le Haut-Bailly 1900 trois fois, le Dom Pérignon 1966 deux fois, comme le Nuits Cailles 1915.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Haut-Bailly 1900, 2 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 3 – Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 – Château Guiraud Sauternes 1893, 5 – Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum, 6 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001.

Mon vote est : 1 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 2 – Château Haut-Bailly 1900, 3 – Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 – Château Guiraud Sauternes 1893, 5 – Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum.

Les accords mets et vins ont été extrêmement pertinents et comme l’un des fidèles participants l’a dit, il aime lorsque l’on casse les codes. Ainsi la mousseline de carottes au cumin avec le Dom Pérignon 2002, le foie gras poché avec le Nuits Cailles sont de belles tentatives. Le plus original et sans doute le plus bel accord est celui de l’agneau avec le Montrachet, mais la langoustine divine avec l’Y ou le soufflé avec le Guiraud pourraient relever le défi du plus bel accord.

L’ambiance chaleureuse et enjouée fut parfaite. Merci à Dom Pérignon d’avoir permis de faire ce dîner au château de Saran. Mon plus grand sujet de fierté est que les trois vins centenaires de ce dîner ont été au sommet de leur art au point qu’ils obtiennent au final les places de premier, deuxième et quatrième. Il fallait un 250ème dîner brillant. Il le fut.

Nous avons prévu de refaire un dîner au château de Saran avec un nombre plus important de convives. Appelons-le pour l’instant : le « 25ème déconfiné ».

Le chateau :

mes vins en cave

mes vins dans la cuisine du château de Saran

l’étiquette du Haut-Bailly 1900 faite pour une vente caritative au profit du sauvetage de Venise est identique à celle du Mouton 1918 dont l’étiquette figure en haut et à gauche de la première page de ce blog.

superbe bouteille de Nuits Cailles 1915

 

Ouverture des vins du 250ème dîner et dégustation à Hautvillers samedi, 22 mai 2021

J’arrive à 13h30 au château de Saran à Chouilly pour ouvrir les vins du dîner. Si je suis en avance, c’est parce qu’à 16 heures, nous aurons une dégustation de Dom Pérignon à Hautvillers. Je commence les ouvertures. Beaucoup de bouchons vont se sectionner, sans que des miettes ne tombent dans le liquide. Le parfum du Y d’Yquem 1985 et beaucoup plus intense que celui du Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 ce qui est inattendu.

L’objet de tous mes soins est le Château Haut-Bailly 1900. La bouteille vient de la cave de la maison Nicolas, qui a mis une étiquette spéciale pour une vente caritative organisée pour le sauvetage de Venise en 1972. Il est donc probable qu’elle ait été reconditionnée pour cette vente. Le niveau est beau et le parfum est superbe.

Le plus beau parfum est celui du Château Guiraud 1893, au bouchon d’origine, au niveau parfait et à la couleur rose orangée plutôt claire pour ce millésime, ce qui n’a pas atténué la puissance des fragrances infinies.

Marco Fadiga le chef du château m’a préparé un petit casse-croûte. Tout me semblant en ordre, je me dirige vers Hautvillers où nous serons reçus par Marie-Philomène qui nous fera visiter l’église d’Hautvillers, où reposent Dom Pérignon et Dom Ruinart et nous racontera des anecdotes de la vie du moine visionnaire, Dom Pérignon.

Daniel Carvajal Pérez est un jeune colombien qui travaille avec Vincent Chaperon, le chef de caves de Dom Pérignon. Il est responsable du patrimoine œnologique. Il va mener notre dégustation avec beaucoup de talent et d’empathie.

Le Champagne Dom Pérignon 2010 a un nez superbe et une bulle fine. Le nez est racé, salin, avec un peu de floral. Il se caractérise par sa grâce, sa finesse et sa générosité. Son finale est frais comme un bonbon anglais.

Nous avons côte à côte le Champagne Dom Pérignon 2002 d’origine et le Champagne Dom Pérignon P2 2002, dégorgé il y a environ cinq ans (P2 voulant dire deuxième plénitude, dégorgé généralement une quinzaine d’années après la version d’origine). Le 2002 d’origine, appelons-le P1 est fabuleux, plus que le P2. Le P1 est glorieux et le P2 est très élégant. Daniel estime que le P2 vieillira mieux ce qui donne lieu à des discussions passionnantes et souriantes, parce que je ne suis pas de son avis.

Ensuite le Champagne Dom Pérignon P1 2000 est associé au Champagne Dom Pérignon P2 2000. Celui d’origine évoque le miel et il est plus difficile à comprendre, alors que le P2 est plus frais, plus agréable. Daniel nous dit que 2000 est un millésime Janus, qui a deux visages et je préfère le P2 au P1, contrairement au millésime 2002. Le 2000 P1 est moins cohérent et le P2 gagne par sa fraîcheur.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1996 est très frais, floral, fait de fleurs blanches et de citron. En bouche des fruits exotiques apparaissent. C’est un vin fin et précis. C’est un très bon champagne.

Nous avons ensemble le Champagne Dom Pérignon rosé 2006 et le Champagne Dom Pérignon rosé 2005, les deux étant de dégorgement d’origine. Le 2006 est peut-être un peu fort pour un rosé. Le 2005 est plus salin plus timide et plus frais mais il manque un peu d’affirmation.

Le Champagne Dom Pérignon rosé P2 1996 a un nez très beau et un bel équilibre. C’est un vin élégant.

Nous goûtons maintenant à l’aveugle un champagne de belle bulle, ancien, ce doit être un P3. Il a du charme, des fleurs séchées et des agrumes frais. C’est un Champagne Dom Pérignon P3 1970 à la complexité parfaite.

Mon classement est : 1 – 1970 P3, 2 – 2002 P1, 3 – 1996 P2, 4 – 1996 rosé P2. Le plaisir a été grand et amplifié par la qualité des commentaires de Daniel, qui a une belle vision de ce grand champagne.

Il est temps de repartir au château de Saran pour le 250ème diner.

L’église d’Hautvillers :

la tombe de Dom Pierre Pérignon

Déjeuner préparatoire du 250ème dîner jeudi, 13 mai 2021

Les 100ème et 150ème dîners ont été organisés au château de Saran, demeure de réception du groupe Moët-Hennessy, grâce à l’amitié de, notamment, Jean Berchon et Richard Geoffroy chef de cave de Dom Pérignon. Nous aurions bien continué la série pour le 200ème mais le château a été en rénovation pendant quelques années.

J’étais venu au château en octobre dernier pour mettre sur les rails le 250ème dîner. Nous sortions de confinement, qui allait réapparaître peu après. J’avais eu l’occasion d’étudier la cuisine du chef Marco Fadiga lors du déjeuner avec Vincent Chaperon, le nouveau chef de cave de Dom Pérignon. A cette occasion j’avais apporté trois vins à boire. Nous n’en avions ouvert que deux. Un vin était resté pour la prochaine occasion de rencontrer le chef.

J’arrive au château pour apporter les vins du 250ème dîner une semaine à l’avance, pour qu’ils reposent sur place. Nous avions échangé des mails, le chef et moi et je vais vérifier quelques recettes avant le prochain dîner. En ce milieu de printemps, le jardin du château est une pure merveille.

Je suis accueilli chaleureusement avec une coupe de Champagne Dom Pérignon P2 2002. On me dit que le P2 est dégorgé normalement lorsqu’il a quinze à seize ans. Le bouchon que je vois, très resserré ne me semble pas correspondre à un dégorgement récent. Le champagne est frais, large, souriant. On sent un peu son dosage, et le plaisir est grand.

J’ouvre le Vino Rosato de la coopérative de Berchidda, vin de Sardaigne 1968 qui titre 14° que j’avais apporté il y a quelques mois. Sa couleur rose est très soutenue, le nez est profond et en bouche ce qui est impressionnant c’est la jeunesse de ce vin de 52 ans. Il est équilibré, solide, carré, et nous guetterons ses réactions sur les plats.

L’équipe de restauration du château me propose de goûter un vin qui a été ouvert hier pour un autre événement. C’est un Château Montrose Saint-Estèphe 1999. Le nez est puissant et profond mais en bouche ce vin me paraît imprécis, brouillon, manquant de tranchant. Il sera lui aussi utilisé pour voir ses réactions sur certains plats.

Marco Fadiga se posait la question d’utiliser pour ses sauces un Château Fourcas Hostein Listrac jéroboam 1975 ouvert il y a plusieurs jours. J’ai goûté le vin légèrement éventé mais sans défaut qui pourra effectivement être utilisé dans des sauces.

Nous avons analysé les plats dans un climat de grande compréhension. L’équipe de cuisine écoutait nos commentaires et l’ambiance était agréable. Les recettes me semblent convenir aux vins, ce qui devrait se traduire par un grand 250ème dîner.

la table du futur 250ème dîner

249ème dîner à la Maison Belle Époque samedi, 8 mai 2021

Lors du 247ème repas où nous avions pu goûter six vins du domaine de la Romanée Conti, deux participants qui font partie de la direction du groupe Pernod-Ricard ont lancé l’idée que l’on se retrouve dans la même formation pour un dîner à la Maison Belle Époque de la maison Perrier-Jouët.

J’avais déjà eu l’occasion de faire un dîner dans cette magnifique « maison », c’était le 236ème dîner. Les personnes de la Maison Belle Époque impliquées dans le dîner ont changé. Séverine est chef de cave, la huitième seulement en 210 ans et elle est la première femme à ce poste. C’est elle qui a choisi les champagnes que nous boirons ce soir. À l’accueil Annabelle remplace Thierry le sympathique maître des lieux pendant de longues années. En cuisine, le chef Sébastien Morellon fait suite à Joséphine Jonot.

Les règles sanitaires liées au Covid avaient failli rendre le dîner impossible mais en fin de compte nous serons dans une magnifique salle à manger décorée avec un goût certain, à une table qui respecte les règles de distance.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins que j’avais livrés il y a une semaine, ayant profité de la livraison pour tester les recettes élaborées par le chef. Annabelle a redressé hier soir les bouteilles couchées en caisse. Elle est auprès de moi pour les ouvertures. Les trois premiers vins que j’ouvre en cave ont des bouchons qui tournent dans le goulot extrêmement facilement. Cela est sans doute dû à la forte hygrométrie qui règne en cave faisant suinter de l’eau en certaines zones. Les deux vins blancs de 1962 ont de superbes parfums. Le moment fort de la soirée sera de juxtaposer trois Vosne-Romanée Cros Parantoux de trois vignerons différents, aussi mes soins pour ces vins sont tout particuliers. Le Méo-Camuzet a un parfum racé fort élégant, le Henri Jayer est fermé et ne sent rien et l’Emmanuel Rouget est d’une grande discrétion. Tous les bouchons, même quand ils se déchirent du fait des irrégularités du verre à l’intérieur du goulot, viennent sans réelle difficulté.

J’avais un doute sur la couleur de l’Yquem 1939 qui a été rebouché au château en 1989 mais je suis rassuré par son parfum et les fragrances que délivre la Romanée-Conti 1967 m’enthousiasment. C’est un chef-d’œuvre de subtilités.

Je vais saluer le chef Sébastien Morellon en cuisine et je suis heureux de saluer aussi Michel Nave, chef MOF qui est le bras droit de Pierre Gagnaire avec qui nous avions réalisé un dîner sublime dans son restaurant, le 222ème.

Les participants arrivent et se rendent dans leurs chambres puis, quand nous sommes tous prêts, nous avons une forte envie de boire du champagne, ce qui se comprend normalement lorsque l’on est dans une maison de champagne. Mais j’apprends que pour des raisons sanitaires, nous ne boirons pas au bar, distanciation oblige, et l’apéritif se prendra à table.

J’apprends aussi que Séverine préfère dîner dans une pièce voisine, car elle a peur de toute contamination, ce qui se comprend compte-tenu de sa fonction. Un maître de cave sans odorat, c’est impensable. Fort heureusement Séverine viendra nous présenter les champagnes que nous boirons.

Il y aura un seul nouveau à ce dîner, jeune entrepreneur gastronome et amoureux des grands vins.

Le menu mis au point avec le chef Sébastien Morellon et réalisé par lui avec l’aide de Michel Nave, est : sablé parmesan, pomme gaufrette, saumon fumé, gel citron-mélisse / langoustine au court-bouillon, mousseline de persil / sole de petit bateau pochée, farcie d’une duxelles de champignons, fondue de poireau / quasi de veau braisé parfumé de laurier, carottes / filet de bœuf sauce Périgueux, pommes Anna / gratin de macaronis au comté / foie gras poché dans une infusion de légumes / ris de veau croustillant, fondue d’oignons doux / déclinaison de mangue.

Annabelle nous sert le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1989 lorsque nous sommes assis. Le nez de ce champagne est incroyable tant il est plein, fort, guerrier. C’est un immense champagne de grande largeur. Il combine à la fois l’énergie d’une folle jeunesse avec la sérénité que donne la maturité. Très solaire, c’est un champagne royal. Les petits amuse-bouches le rendent gourmand.

Le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1988 est résolument différent. Si le premier est masculin, celui-ci est féminin, alors que ce n’est pas la caractéristique de ce millésime. Il est tout en grâce et bien malin celui qui dirait lequel il préfère, tant ils explorent des voies différentes. Ce 1988 trouve son envolée avec la divine langoustine superbe avec sa mousseline de persil.

Pour la sole riche et affirmée et arrondie par les champagnes les deux vins blancs de 1962 se montrent brillants. Le Traminer Trimbach 1962 est d’une palette de goûts inhabituels. J’adore son caractère sauvage et terrien. Son nez très minéral évoque les litchis lui donnant des tons exotiques fluides et charmants.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 au contraire est glorieux. C’est pour mon goût la plus grande année de la Coulée de Serrant avec le 1967, deux années réussies par Madame Joly. Il est serein, épanoui, calme et tout à son affaire. Mais j’ai tendance à penser que le Traminer est plus en phase avec le plat, porteur d’une grande émotion. J’ai toujours un petit faible pour les fantassins.

La raison principale de l’inscription à ce dîner est la curiosité de mes amis à goûter ensemble trois Cros Parantoux mythiques. Il ne s’agit pas de les juger mais de les juxtaposer. Et j’ai eu l’idée que l’on perçoive leurs comportements sur une viande blanche et sur une viande rouge. Nous commençons donc à les apprécier sur un veau fondant.

Très vite il apparaît que le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992 est très largement transcendant par rapport aux deux autres. Ce n’est pas que les deux autres seraient plus petits. C’est que le Henri Jayer dégage une émotion incommensurable. Et il n’y a pas d’auto-persuasion parce que nous aurions envie que le Henri Jayer soit le meilleur. Il l’est.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1991 au nez raffiné est le vin qui s’exprime le mieux avec le veau, alors que le Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996 plus affirmé est celui qui fait jeu égal avec la force du filet de bœuf que le chef a fait puissant, comme je le souhaitais.

Chacun des trois Vosne Romanée Cros Parantoux serait la vedette d’un repas s’il était seul, le Rouget dans l’affirmation puissante, le Méo dans un registre plus courtois, et le Jayer dans la transcendance. Ce groupe de trois vins est un moment d’une intensité rare. Alors qu’il s’agit de Premiers Crus et non de Grand Crus, on est au sommet du plaisir bourguignon.

Il m’était apparu opportun qu’un champagne précède la Romanée Conti en faisant une rupture gustative. Le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1982 est accompagné d’un gratin de macaronis absolument idéal pour gérer ce qui est plus qu’une parenthèse, un grand moment. Car ce 1982 est immense. J’ai de cette année l’image de romantisme. Tout est en grâce dans ce champagne. Sa longueur et sa justesse sont merveilleuses.

J’avais senti à l’ouverture que la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 serait toute en grâce. Le foie gras poché remarquablement exécuté est comme un coussin de velours qui fait admirer la brillance d’un joyau. Car c’est un accord extraordinaire. Le nez est subtil et en bouche toutes les suggestions se dessinent comme en une œuvre d’Albrecht Dürer. Tout y est. Il faut savoir lire ce vin. Je suis aux anges. Et je suis tellement content de trouver une Romanée Conti qui s’exprime naturellement de façon équilibrée et suggestive que je ne boude pas mon plaisir. Elle ne s’affiche pas, n’a rien d’ostentatoire, elle suggère et se livre si on l’écoute. Et l’accord divin la rend encore plus belle.

Le Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976 est d’une année que Jean Hugel considérait comme la plus réussie de celles qu’il avait dirigées. Le vin combine force et subtilité, d’un équilibre rare. Je me demandais si faire suivre un foie gras poché par un ris de veau était possible. L’accord s’est montré superbe.

Le Château d’Yquem 1939 est d’un ambre assez discret et je me suis rendu compte que le léger doute que j’avais sur sa couleur n’était dû qu’à une chose : la bouteille est d’un verre bleuté comme ce fut le cas pendant la guerre. Dans le verre la couleur du vin retrouve un or magnifique. Son nez est puissant. En bouche il combine élégamment le côté gras du botrytis avec une tendance sèche des sauternes ayant mangé leur sucre et cette combinaison le rend élégant. La mangue se montre le compagnon idéal de ce grand vin.

D’habitude, lorsque l’on vote dans mes dîners, même si mon vote diffère du vote du consensus, cela ne m’émeut pas. Mais dans ce cas, j’ai eu un temps de réaction qui n’est pas un refus, mais presque. J’étais tellement heureux de trouver une Romanée Conti qui soit dans l’expression la plus fine et subtile de la Romanée Conti que je l’ai mise première de mon vote. Or le gagnant, de loin, est le Cros Parantoux d’Henri Jayer qui a obtenu six votes de premier. Pourquoi ai-je été interrogatif, alors que le Henri Jayer a été sublime, je ne le sais pas aujourd’hui en rédigeant ce compte-rendu. C’est peut-être dû au fait que les marqueurs habituels de la Romanée Conti, la rose et le sel étaient moins marqués que d’habitude pour ce 1967. J’aurais aimé que mes amis aient mon enthousiasme mais je suis heureux qu’ils aient couronné le vin d’Henri Jayer. La Romanée Conti a eu trois votes de premier.

Le classement du consensus est : 1 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Époque 1982, 4 – Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996, 5 – Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976, 6 – Château d’Yquem 1939.

Mon classement est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992, 3 – Château d’Yquem 1939, 4 – Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Époque 1982, 5 – Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976.

Une mention particulière devrait être faite sur les accords mets et vins que j’ai suggérés ou bâtis avec le chef et qui ont été magnifiés par le talent du chef. L’accord le plus beau est celui du foie gras poché avec la Romanée Conti. Ensuite ce serait la sole et sa duxelles avec le Traminer, le ris de veau avec le Gewurztraminer, le bœuf avec le Vosne-Romanée d’Emmanuel Rouget et les macaronis avec le Perrier-Jouët 1982. Mais la langoustine avec le 1988 pourrait concourir aussi, car tout fut divinement bon.

L’ambiance très amicale, le service attentif et la cuisine d’un niveau exceptionnel ont fait de ce 249ème dîner un des plus mémorables qui soient.

La maison Belle Epoque et ma chambre. Une table vivante

mon lit et la vue de ma chambre

la table du repas

mes outils d’ouverture

Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1989

Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1988

Traminer Trimbach 1962

Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962

Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996

Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992

Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1991

Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967

Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976

Château d’Yquem 1939

Visite à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët jeudi, 29 avril 2021

La semaine prochaine, le 249ème dîner se tiendra à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët à Epernay où j’ai déjà eu la chance d’organiser le 236ème dîner. Ma visite de ce jour a deux objectifs : livrer les vins qui seront ouverts la semaine prochaine et mettre au point le menu avec le chef Sébastien Morellon.

Nous en avons déjà parlé au téléphone et Sébastien, qui a travaillé dans de grandes maisons et notamment avec Pierre Gagnaire, a préparé quelques plats dont je vais apprécier la pertinence avec les vins.

Avant de déjeuner avec Alexander, le responsable des opérations de prestige de son groupe, nous prenons, dans le bar joliment décoré, une (ou deux) coupes du Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 2013. Son attaque est extrêmement virile et puissante. Il devient beaucoup plus civil lorsque l’on croque de petites bouchées au parmesan. Il est encore trop jeune, mais promet de devenir un champagne expressif.

Nous déjeunons dans la cuisine pour pouvoir partager nos commentaires à tout moment avec le chef. Les langoustines sont superbes. La sole fourrée est d’une force extrême, comme je le souhaitais. Un des champagnes en intermezzo sera accompagné d’une galette de macaronis percutante. Le foie gras poché est remarquablement exécuté. Le ris de veau est gourmand.

Le repas a été accompagné aussi d’un Champagne Perrier-Jouët rosé 2013 dont le rose est particulièrement pâle. Sa jeunesse empêche de le trouver gourmand mais je pense qu’il le deviendra.

Dans une atmosphère extrêmement positive nous avons conçu un repas qui, je l’espère, mettra les vins en valeur. Sébastien m’a annoncé la venue « en renfort » d’un des chefs MOF qui seconde Pierre Gagnaire pour réaliser le repas. Quelle belle idée.

j’adore l’annotation d’Yvette Guilbert sur un tableau d’elle fait par Toulouse-Lautrec : « Petit monstre !! Mais vous avez fait une horreur !!  »

248ème repas de wine-dinners avec une Romanée Conti 1961 en jéroboam dimanche, 18 avril 2021

(il est conseillé de lire d’abord les deux articles ci-dessous en commençant par le sujet « achat d’une Romanée Conti 1961 en jéroboam »)

Le lendemain matin, après une nuit mouvementée, je vais vite m’occuper des vins à ouvrir pour le repas de midi, mais je vais d’abord sentir le jéroboam de Romanée Conti 1961. Alors qu’à minuit j’avais perçu un soupçon de sel, le vin est désespérément muet. Aucune odeur n’est perceptible. Je n’ai pas envie de goûter le vin, car j’agiterais le liquide dans la bouteille. Il est préférable d’attendre.

J’ouvre en premier le Champagne Pommery magnum 1959 car il me semble avoir souffert pendant sa vie. La cape est trouée et déchirée à l’endroit où le bouchon rejoint le haut du goulot, et cette zone est très sale. A ma grande surprise le bouchon saute dans ma main produisant une belle explosion de gaz, suivie d’un brouillard de gaz. C’est assez surprenant qu’un 1949 de dégorgement d’origine puisse avoir une telle explosion de gaz. Le nez est plutôt inexistant. Les ouvertures ne posent pas de problème particulier. Le Château Chalon Jean Macle 1982 a un bouchon avec des traces de moisissure qui anesthésient son parfum. Les senteurs du Clos Rougeard Le Bourg 1989 et du Château Filhot 1929 sont superbes.

Avant que les convives n’arrivent, je goûte le Pommery qui fait un peu plat. Le parfum de la Romanée Conti est toujours aussi fermé.

Les convives arrivent à l’heure dite. Ce déjeuner comptera pour le 248ème de mes repas. Nous commençons à trinquer sur le Champagne Pommery magnum 1959. Il est assez fermé et plat et l’on sent qu’il a besoin des amuse-bouches. C’est le Pata-Negra qui le fait revivre et il délivre un message beaucoup plus chaleureux. Les amuse-bouches sont : gougères, chips de céleri-rave et de panais / radis daïkon, truite fumée – œufs de saumon / Pata-Negra 36 mois. Le champagne Pommery se révèle assez grand et carré mais il ne peut pas cacher qu’il a un peu souffert dans sa vie. Sa personnalité le rend aimable.

Nous avons fait appel, Olivier et moi, aux conseils et suggestions d’un chef ami qui nous a envoyé du renfort en cuisine pour la préparation des plats. J’ai mis au point le menu avec le chef et des mains aimables sont venues concrétiser les plats. Le menu fruit de ces réflexions est : carpaccio de Saint-Jacques, coques, jus de coques monté au beurre / carpaccio de bar de ligne à l’huile d’olive / homard bleu breton sauce bisque / rouget barbet poêlé purée de carottes, sauce civet / pigeon de Vendée rôti, sauce salmis, purée de pommes de terre, pommes grenailles confites / foie gras poché dans un bouillon de légumes / comté 18 mois / mousse à la mangue / financiers à la rose. On peut dire que pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître.

J’ai ouvert le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990 au dernier moment. Porteur d’une belle bulle il se montre vif et délicat. Il est tout en finesse et suggestion. L’association coques et coquilles Saint-Jacques, mariant le salé et le sucré, est idéale pour mettre en valeur le champagne noble et romantique.

L’Y d’Yquem 1979 est un vin de grand plaisir. Il combine le côté sec d’un Graves avec le botrytis suggéré d’un Yquem et cela lui va bien. Le carpaccio de bar est un compagnon idéal de ce vin car il met en valeur le botrytis qui le lui rend bien. La fluidité fraîche de ce vin est superbe.

Olivier et quelques amis critiquent le vin d’Olivier, le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1998 qui se présente selon eux moins bien que le 1999 d’hier. Je les trouve sévères car le vin accompagne comme il convient le fort homard à la sauce guerrière. Cet accord me plait plus qu’à d’autres amis.

Le Clos Rougeard Le Bourg 1989 avait un parfum magique à l’ouverture. Il est d’une richesse et d’un accomplissement parfaits. Il a gagné une sérénité exceptionnelle depuis son ouverture. C’est un grand vin. L’accord, dont je me permets de dire que j’en suis fier, éblouit tous les convives car le rouget, comme avec Pétrus, met en valeur la vivacité du vin. La sauce civet est diabolique. Boire un tel vin dans son accomplissement total est un privilège.

L’heure est venue de faire entrer en scène la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti Jéroboam 1961. A ce stade j’ai encore en tête que ce vin a un parfum muet. Pour servir le vin je vais le verser en carafe que je remplirai au fur et à mesure des besoins. Il serait en effet difficile de verser le vin directement depuis un lourd jéroboam. Dès que je commence à verser, mes narines sont envahies d’un parfum qui me fait penser sur l’instant : « c’est gagné ». Car ce parfum est celui d’une grande Romanée Conti, marqué de sel. En versant, les premières gouttes du vin ont une couleur de terre, de tuile. Cette couleur devient plus acceptable ensuite mais le vin est un peu trouble.

Les amis étaient autour de moi lorsque j’ai rempli la carafe. Je verse le vin à table et nous le buvons. Quel plaisir, quelle richesse. Ce vin est plein. Il a une densité extrême et le sel et la vieille rose sont des composants du plaisir. Tous, nous sommes heureux car nous avions peur de ne pas trouver la Romanée Conti dont nous rêvions, mais elle est là. Il y a dans ce vin une densité supérieure à ce que j’attendais, peut-être due au fait que le vin a subi une forte évaporation. Je sens que le vin a souffert pendant son existence, peut-être avec des stockages malheureux, mais je l’aime encore plus de savoir qu’il a traversé les âges pour nous délivrer un beau message de noblesse et de complexité. C’est un vin complet qui a gardé toutes les subtilités d’une Romanée Conti, suggérant et affirmant et on le félicite comme un blessé qui marche pour la première fois depuis des mois.

Tout en ce vin paraît à la fois fragile et fort. Le pigeon est absolument parfait avec lui mais c’est surtout sur le foie gras poché que le vin délivre toutes ses finesses subtiles. Cet accord, qui est une de mes coquetteries, est un de ceux que je préfère car le foie gras est un révélateur du vin.

J’ai versé dans mon verre la lie, noire et dense et j’ai mangé la lie, concentré de l’excellence de ce grand vin.

Le Château Chalon Jean Macle 1982 m’avait interpelé à l’ouverture mais je constate que mes convives le boivent avec plaisir. Je trouve qu’il manque un peu de noix mais mes amis l’adoptent. Tant mieux.

Le Château Filhot 1929 avait il y a plus de cinq heures un parfum d’une richesse infinie. Cette bouteille superbe au bouchon d’origine avait un niveau dans le goulot. C’est pour cela que je l’avais choisie comme contribution. Sa couleur est très foncée. C’est un sauternes riche dont je suis amoureux. La mangue lui convient comme un gant. La fraîcheur de la mousse le rend souriant.

Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1973 ouvert sur l’instant a une couleur d’un rose superbe et raffiné. La bulle est présente et le champagne est d’un raffinement idéal. C’est le meilleur vin possible pour finir un repas, mis en valeur par les financiers délicieux.

Nous sommes tous heureux et surtout soulagés d’avoir bu une magnifique Romanée Conti. Il est temps de voter. La Romanée Conti et le Clos Rougeard seront les deux seuls à être nommés premiers. Seuls le Pommery et le Leflaive n’auront pas de votes. Sept vins ont eu des votes.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam, 2 – Clos Rougeard Le Bourg 1989, 3 – Y d’Yquem 1979, 4 – Château Filhot 1929, 5 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990, 6 – Château Chalon Jean Macle 1982.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam, 2 – Château Filhot 1929, 3 – Champagne Veuve Clicquot rosé 1973, 4 – Clos Rougeard Le Bourg 1989, 5 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990.

Que dire de ce repas ? Si la bouteille de Romanée Conti avait eu un beau niveau et belle allure, il est probable qu’aucun de nous ne l’aurait acheté dans le contexte actuel des prix. Alors, soyons heureux qu’elle ait tant souffert puisque nous avons pu en profiter et jouir des sensations uniques qu’offre ce vin mythique. J’ai pris le risque d’acheter cette bouteille et mes amis ont pris le risque de me suivre dans cette aventure.

Le repas a été superbe avec des accords inattendus et superbes comme la Romanée Conti avec un foie gras poché et le Clos Rougeard avec un rouget. Un grand moment pour moi a été le carpaccio de Saint-Jacques avec des coques et le jus de coque, créant une osmose sublime avec le Grand Siècle 1990. Merci à Olivier d’avoir accueilli notre repas chez lui. Merci à toute l’équipe qui a envahi sa cuisine pour l’aider à réaliser de beaux plats.

Je ne peux pas m’empêcher d’être heureux d’avoir cru en cette bouteille après les vérifications que j’ai pu faire. Les vins sont plus solides que ce qu’on imagine, et leur donner une chance est un de mes plus grands plaisirs. Et vérifier la pertinence de ma méthode d’ouverture des vins ne peut que me combler. L’ambiance du repas a été enjouée et amicale. Cherchons vite de nouvelles aventures !

Champagne Pommery 1959 magnum

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990

Y d’Yquem 1979

Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1998

Clos Rougeard Le Bourg 1989

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam

(voir les photos sur l’article relatant l’achat de ce jéroboam)

La lie que j’ai bue

Château Chalon Jean Macle 1982

Château Filhot 1929

Champagne Veuve Clicquot rosé 1973

en cuisine

les plats servis

les verres

à nouveau cette brochette unique de grands vins et ce mythique jéroboam de Romanée Conti 1961

Achat d’une Romanée Conti 1961 en jéroboam et ouverture dimanche, 18 avril 2021

Un de mes fournisseurs de vin, un peu fantasque et parfois imprévisible, me propose d’acheter un jéroboam de Romanée Conti 1961. La bouteille a beaucoup souffert avec une étiquette déchirée mais lisible et une cire qui a été recouverte d’une seconde cire, les deux étant absentes sur le haut du goulot, un reste de cire subsistant sur le bouchon.

Le niveau est bas, ce qui peut rebuter beaucoup d’acheteurs potentiels. Le prix est étonnant, d’environ le tiers de ce que qu’on attendrait pour une bouteille parfaite. Un tel prix est tentant et j’appelle deux amis pour leur proposer que nous achetions cette bouteille ensemble, à partager à six personnes, chacun invitant un ami.

L’un des amis cherche des références sur internet et trouve que la bouteille qu’on me propose a été vendue aux enchères tout récemment à un prix inférieur à la moitié du prix que mon fournisseur me propose. Mon ami me dit que si cette bouteille a été vendue aux enchères à un prix aussi bas, c’est qu’elle doit avoir un problème et il décide de ne pas s’associer. Cela remet en cause l’achat en commun. Je demande à mon fournisseur de voir la bouteille pour me faire ma propre religion. Il m’indique l’adresse du commissaire-priseur où se trouve la bouteille.

Me rendant sur place, je rencontre le commissaire-priseur que je connaissais déjà. Il me montre un mail d’Aubert de Villaine qui indique que l’examen qu’il a fait sur photos lui permet d’affirmer que le contenant paraît authentique et il ajoute qu’il ne peut se prononcer sur le contenu, qui ne pourra être vérifié qu’en ouvrant la bouteille. Je ne m’attendais pas à ce qu’Aubert de Villaine délivre un diagnostic et je trouve cela sympathique.

Il est très difficile de voir la couleur du vin à travers le verre très épais et opaque. Nous essayons d’éclairer sous tous les angles possibles, mais c’est quasi impossible. Je sens que le commissaire-priseur est convaincu de l’authenticité de cette bouteille. J’étais venu pour voir la bouteille et je suis prêt à quitter les lieux mais le commissaire-priseur me dit : vous pouvez la prendre puisque j’ai été payé.

Naïf comme un perdreau de l’année j’accepte de prendre la bouteille, ce qui m’évitera de revenir la chercher, sans penser que le fait de la prendre signifie que j’accepte de l’acheter. Mon fournisseur me dit qu’il aimerait participer au repas que je créerais pour que l’on boive ce vin. Cela semble impliquer qu’il a confiance dans la bouteille qu’il m’a vendue.

Je contacte des amis et des personnes que j’aimerais recevoir à mes repas. L’idée est d’organiser un repas à coûts totalement partagés, ce qui veut dire que chacun, y compris le fournisseur et moi, paie sa quote-part du prix total de la bouteille. Je demande à chacun d’apporter un vin et nous partagerons le coût des victuailles. Les restaurants étant fermés pour cause de Covid, un ami propose de nous recevoir pour ce repas. Nous trouvons une date et l’événement est sur les rails.

Il se trouve que mon ami et moi sommes de fidèles clients d’un restaurant que nous aimons. Je mets au point le menu avec le chef qui va prodiguer les conseils détaillés et utiles pour que cet ami réalise le menu. Beau challenge.

Les bouteilles complémentaires doivent être disponibles chez mon ami la veille du déjeuner, afin que je puisse les ouvrir de bon matin. Mais il me semble qu’il faut ouvrir le jéroboam la veille. Je demande à mon ami s’il accepterait que je vienne la veille afin d’ouvrir le vin et s’il consentirait à me loger pour la nuit. Mes désirs sont acceptés et Olivier, mon hôte, suggère que nous fassions un dîner léger auquel il inviterait un ami commun et ma fille aînée qu’il connaît bien. Il voudrait commander des plats à un chef connu mais je plaide pour un dîner léger, de sushis par exemple qui me permettraient d’apporter des champagnes.

La veille du déjeuner où la Romanée Conti 1961 serait à l’honneur, je me présente vers 17 heures à l’appartement d’Olivier. Vers 18 heures, en présence d’Olivier, j’ouvre le jéroboam de la Romanée Conti 1961. Le verre du goulot est très épais, aussi le diamètre du bouchon n’est pas différent de celui d’une simple bouteille. J’extrais le morceau de cire collé au bouchon et j’enfonce le tirebouchon limonadier. Le bouchon paraît fragile et je vois qu’il donne l’impression d’avoir été grignoté par un ver ou des parasites. Il faut dire que la cire ne couvrait plus la totalité du bouchon, ce qui pourrait expliquer qu’un ver eût envie de l’explorer.

Avec la mèche j’essaie de remonter le bouchon qui se déchire, se fractionne et je ne remonte qu’une partie du bouchon, collé à la mèche. Je prends une seconde mèche pour extirper ce qui reste. Quelques miettes collent encore que j’extraie calmement. En inspectant la bouteille, on voit qu’aucune miette n’est tombée dans le vin. Le bouchon est quasiment illisible mais je vois très distinctement les chiffres 1, 9 et 6 du millésime.

Le grand moment arrive, de sentir le vin. Le vin sent la terre, et exclusivement la terre. Ce n’est pas la première fois que je sens cette odeur de la part de vins du domaine de la Romanée Conti. Une chose est sûre : tout dans ce vin est authentique. La bouteille est authentique, le bouchon est d’époque et ne peut pas avoir été changé, et le vin dans la bouteille ne peut être que le 1961.

La seule question qui reste est : le vin sera-t-il bon ? Il est temps de passer à table. Nous le saurons demain.