Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Dîner de préparation au restaurant Paul Bocuse vendredi, 5 mai 2023

Un ami fidèle de mes dîners va fêter ses quarante ans avec quelques amis chez Bocuse. Il a rassemblé des vins parmi les plus prestigieux du millésime 1983. Il m’a demandé d’organiser la liste des vins du repas et de mettre au point le menu avec le directeur général du restaurant Bocuse, Vincent Le Roux.

Il est prévu que je dîne au restaurant la veille pour appréhender la cuisine du chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF. Ce sera un dîner à trois avec celui qui sera fêté demain et un ami lyonnais amateur de vin que je connais de longue date. Je vais saluer le chef et son équipe en cuisine en lui disant que je serai heureux de bavarder avec lui après le service.

Vincent Le Roux me suggère de prendre des plats qui ne seront pas au menu demain, mais je préfère étudier deux des plats du dîner à venir. Mon programme sera donc : omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / canette des Dombes en deux services.

Mon ami a apporté un Champagne Philipponnat Réserve Millésimée Extra-Brut L.V. 1982, L.V. signifiant Long Vieillissement. D’un parfum légèrement lacté, ce champagne est agréable mais manque un peu d’émotion. Il est rond, aimable, et s’accorde bien aux amuse-bouches délicats.

Lorsque l’omble est servi il me paraît évident qu’il faut qu’entre en scène le vin que j’ai apporté, un Moulin-à-Vent des Hospices Civils de Romanèche-Thorins 1959. Je souhaitais qu’un vin de la région vinicole la plus proche de Lyon soir mis à l’honneur. Le fait que le vin soit servi par Maxime Valéry chef sommelier du lieu, me fait plaisir, car pendant huit ans j’ai pu apprécier ce sommelier brillant à la Vague d’Or de Saint-Tropez.

Comme les coïncidences surviennent généralement en groupe, j’apprends que le grand-père de mon ami lyonnais a été maire de Romanèche-Thorins. Le vin est donc doublement bienvenu. A signaler une anecdote amusante qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour la compréhension des vins anciens, aussi bien le directeur que le sommelier ont utilisé le mot ‘encore’ en se demandant : ce beaujolais sera-t-il ‘encore’ bon ?

L’omble est un plat superbe et c’est le jus d’arêtes qui forme avec le vin un accord magistral. Le Moulin-à-Vent qui avait un niveau exceptionnel, le liquide touchant presque le bouchon, nous avait gratifié d’un parfum idéal, riche et percutant. En bouche, c’est un vin noble et puissant, qui pourrait lutter avec bien des plus grands vins de Bourgogne. Il est d’une personnalité qui me plait car sous la cuirasse on sent un cœur qui bat. Je suis ému qu’il se montre si convaincant.

C’est Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique, qui découpe devant nous la canette. Le plat est superbe, merveille de la cuisine bourgeoise traditionnelle et la seconde partie, pâtisserie complexe au mille saveurs est à manger religieusement. Avec le plat, ce vin riche est superbe et intense. C’est un régal.

Nous n’avons mangé ‘que’ deux plats et nous sommes rassasiés alors que pour demain, j’avais bâti un menu beaucoup plus complexe et multiple. Il faut donc retravailler le menu que le directeur lui-même jugeait trop copieux, sans nous l’avoir dit. En jouant sur le nombre des plats et sur la taille des portions, nous avons refait un programme.

J’ai voulu saluer le chef exécutif et le directeur général mais ils étaient partis. J’ai fait deux ou trois remarques légères au directeur de salle, qui les a parfaitement intégrées. Le dîner de demain devrait être un succès.

Nous avons très bien mangé. Cette cuisine riche traditionnelle est remarquablement exécutée. Le service aussi bien des plats que des vins est idéal. Il y avait deux tables où l’on célébrait un anniversaire. Daniel Abdallah, le groom souriant, a joué de l’orgue de barbarie pour l’hymne d’anniversaire. Quelle charmante tradition !

Daniel nous a photographiés sur le banc où un Paul Bocuse en bronze est assis. Tout fut superbe et émouvant dans ce temple de la bonne cuisine.

La Tâche est pour demain et le Banyuls est mon cadeau pour Thomas

Avec Thomas … et Monsieur Paul

Déjeuner à mon domicile mercredi, 3 mai 2023

Une dame coréenne m’avait invité à déjeuner à l’hôtel Saint-James pour discuter de possibles repas à Séoul. Elle avait conclu notre réunion par : je voudrais visiter votre cave et vous me ferez une proposition.

Le jour venu elle visite ma cave avec un coréen qui vend du vin en France et se met au service de cette dame, le frère du coréen qui fait de la restauration de parchemins antiques, la personne qui a créé le contact et son assistant. Les appareils photos n’ont cessé de mitrailler mes vins, avec des oh et des ah tant cette découverte de ma cave va très au-delà de ce qu’ils imaginaient.

Pour de telles visites suivies d’un repas j’organise normalement en cave un repas sommaire arrosé de mes vins. Ma secrétaire est en vacances aussi ma femme me suggère que nous recevions ces visiteurs à la maison. J’ai choisi des vins en voulant qu’ils ne soient pas conventionnels et ma femme a conçu un menu pour les vins.

Le menu est : gougères, gouda au pesto / foie gras mi- cuit à la vapeur / joue de bœuf aux carottes / Brillat-Savarin, Comté et chèvre / tarte au chocolat et caviar.

Dans notre salon la dame coréenne reconnaît un peintre dont nous avons des toiles car il a réalisé pour elle a New York une table façon Yves Klein, beau-père du peintre.

Le Champagne Krug Grand Cuvée 1ère édition a été commercialisé de 1979 à 1981 avec sa jolie étiquette crème et a des vins des années 60 et 70. Lorsque j’avais ouvert le champagne vers 8 heures ce matin, la cape cachait une trace graisseuse. Le niveau était assez bas et aucun pschitt n’était apparu. Le bouchon s’était brisé à la torsion d’ouverture. A travers le verre foncé la couleur était peu plaisante aussi avais-je un doute. Or en servant le champagne sa couleur dorée jaune me rassure. Quelques bulles sont visibles. Le nez est engageant et en bouche ce champagne est solaire et souriant. Il est extrêmement cohérent, vif et brillant. Avec les gougères, c’est un régal. Voilà une heureuse surprise.

J’ai choisi le Graves Blanc Barton & Guestier 1959 comme un challenge. La couleur à travers le verre est splendide et le niveau est parfait. Lorsque j’ouvre la bouteille vers 8 heures le bouchon vient sans problème et le parfum est engageant. Servi à table, il forme avec le foie gras un accord idéal. Ce qui me fascine, c’est son acidité si élégante et magnifiée par le gras du foie. Je suis aux anges et mes convives sont stupéfaits qu’un vin de négociant d’une appellation générique procure un tel plaisir. Bien sûr le vin n’a pas la complexité riche d’un Grand Cru, mais il a un tel charme qu’il nous convainc.

Lorsque j’ai ouvert le Vieux Château Certan 1955, j’ai constaté que la bouteille a eu un nouveau bouchon mis au domaine en 1995, soit 40 ans après. Ceci explique le niveau parfait. Dès l’ouverture le parfum est conquérant et guerrier. En bouche, immédiatement, on sent que l’on est en face d’un vin parfait. Il serait en effet impossible de lui trouver le moindre défaut. Sa mâche de truffe est forte. Quel vin impressionnant. Pour rire, j’ai dit à mes convives qu’un clone de Robert Parker, en 1957, nous aurait dit : à boire avant 1990. Nous en avons ri.

La délicieuse et fondante joue de bœuf donne encore plus de charme au conquérant pomerol.

Le Châteauneuf du Pape Saint-Préfert 1949 avait un niveau superbe pour son âge et me tentait. Le nez très discret n’avait rien de négatif. Sa couleur dans le verre est beaucoup plus pâle que la couleur noire du bordeaux. Il est très difficile pour ce vin de passer après le 1955. J’en attendais beaucoup mais il lui est impossible de nous séduire après le miracle du Vieux Château Certan. De plus il n’est pas totalement précis.

J’avais servi le Malaga 1872 lors du déjeuner au restaurant Plénitude et j’avais dit à ma femme que ce vin est un Fregoli qui passe du sucré au salé quasiment à chaque gorgée. Ma femme a eu l’idée de faire une tarte au chocolat et au caviar selon une recette d’une amie cuisinière. L’accord entre ce dessert et le lourd vin riche de 151 ans est magique, car à tout moment le vin change de registre, en avant, en arrière, comme un danseur de tango. Ce vin aux complexités infinies et à la couleur qui change à tout moment comme un bijou, est magique.

Mon classement des vins serait : 1 – Vieux Château Certan 1955, 2 – Graves Blanc Barton & Guestier 1959, 3 – Malaga 1872, 4 – Krug Grande Cuvée, 5 – Saint-Préfert 1949.

L’ambiance fut amicale et mes convives émerveillés. L’éventualité de faire dans quelques mois des dîners à Séoul m’excite beaucoup.

Dîner avec un brillant Roumier 1971 dimanche, 30 avril 2023

Mon fils vient dîner chez ma femme et moi avec son fils. J’aime choisir des vins assez originaux quand je les partage avec lui. Cinq heures avant le dîner j’ouvre un Montrachet Bichot Négociant 1945 au niveau très acceptable. Le bouchon est sale et difficile à tirer car le haut du goulot a une surépaisseur qui empêche le bouchon de monter.

L’odeur est très désagréable de vilaine mixture, mais je sens en arrière-plan un fruité qui pourrait donner espoir.

A l’inverse, le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 au niveau moyen, qui a un bouchon très sec qui vient entier, a un parfum à se damner. Quelle noblesse, quelle prestance ! Il est tellement prometteur que je mets un bouchon de verre au-dessous du goulot pour que ce parfum magique ne disparaisse pas.

Mon fils arrive et ma femme a préparé de délicieuses gougères. C’est l’occasion de vérifier si le Pommery 1973 servi il y a une semaine est encore vivant. Il avait été servi en Salmanazar et j’avais versé le reste dans une aiguière. La couleur est encore très claire alors qu’il y a un abondant sédiment dans la carafe, heureusement resté au fond. Le champagne est encore buvable mais il montre rapidement des signes de fatigue.

Je verse le Montrachet Bichot Négociant 1945 et la couleur grise est vraiment peu engageante. Le parfum a perdu les senteurs désagréables. Nous sommes en face d’un vin fatigué, qui n’a plus grand-chose qui évoque un montrachet, mais qui est buvable. Et les gougères gomment les imperfections.

Un gouda au cumin jouera le même rôle d’effaceur de défauts, mais si l’on veut être objectif, ce montrachet est mort. J’avais visité la cave où il reposait qui ne me plaisait pas et c’est un accident de cave qui peut expliquer cet état.

Nous passons à table et ma femme a préparé une épaule d’agneau avec de l’ail et des pommes de terre passées au four. Le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 offre comme à l’ouverture un parfum noble et racé. Le vin est divin. Il est vif, tranchant, dynamique et ne cherche pas à plaire. En lui, aucune rondeur, mais une force de persuasion extrême. Son acidité lui donne la vivacité d’un vin jeune. Et quelle longueur ! Nous sommes ravis et le plat forme un accord majeur.

Nous parlions, nous parlions et il apparait que je devrais chercher une bouteille en cave, que l’on puisse ouvrir au dernier moment. Je choisis un Château Mouton-Rothschild 1964 qui devrait faire l’affaire. Effectivement il est tout de suite prêt à être bu. L’année 1964 fait des vins solides et un peu rigides mais je suis très favorablement surpris de voir ce Mouton aussi souple, tout en velours. C’est un grand vin intense et goûteux, au-dessus de l’idée que j’en avais.

Un Brillat-Savarin et un saint-nectaire ont cohabité avec ce vin. Le dessert de mangue et d’ananas a été mangé à l’eau. Je suis heureux de partager de telles bouteilles avec mon fils. Peu importe la faiblesse du montrachet, c’est le partage qui compte.

Déjeuner dans ma cave avec une journaliste de Singapour mardi, 25 avril 2023

(text in English is after the pictures)

Je reçois dans ma cave un organisateur d’événements pour des voyageurs en quête de raretés et une écrivain et journaliste vivant à Singapour. L’idée est qu’elle écrive un reportage sur ce que je fais dans des revues pour globetrotters. Elle est dans la quarantaine et a annoncé des restrictions alimentaires qui orientent le choix du repas.

A 9 heures j’ouvre le champagne que j’ai prévu, un Dom Pérignon 1985 qui a un bouchon superbe et un pschitt discret mais réel. La feuille qui entoure le bouchon est désagréable car elle s’émiette, ce qui a été fréquent sur de nombreux millésimes.

La bouteille du Meursault Faiveley Négociant 1959 est d’un verre bleu comme les bouteilles des années de la deuxième guerre mondiale. Je ne pense pas qu’il s’agit d’un réemploi. Le niveau est très haut. Le bouchon est de belle qualité. Je sens le goulot et une odeur affreuse de bouchon est insupportable. Par curiosité je sens le bouchon et la surprise est grande, car le bouchon ne sent absolument pas le bouchon. Comment est-ce possible ? Je sens plusieurs fois pour confirmer mes impressions.

Deux heures plus tard, le nez de bouchon s’est très atténué. Trois heures après, je ne sens presque plus rien et il me semble plausible de donner une chance à ce vin. Il y a dans ma cave de quoi réagir.

Le menu très simple et froid sera : chips à la truffe, saucisson, caviar pain et beurre, sushis et sashimis, fromages de chèvre et de brebis, tarte aux pommes.

Le Champagne Dom Pérignon 1985 a une belle robe dorée et une bulle présente. Il est dans un stade de sa vie qui est parfait car il est encore jeune mais présente aussi des signes de belle maturité. Il est tellement serein. Je le trouve idéal à cet âge. Avec le caviar osciètre prestige Kaviari, il confirme à quel point l’accord caviar et Dom Pérignon est pertinent.

Lorsque le Meursault Faiveley Négociant 1959 est servi, le nez de bouchon réapparait, très faible. En bouche il n’est pas vraiment gênant et au bout de quelques minutes, le nez de bouchon ainsi que le goût de bouchon ont complètement disparu. On dispose alors d’un vin très rond, fluide et d’un joli fruit. C’est un vin qui n’est pas puissant, pas très complexe que j’aime beaucoup et d’autant plus que c’est un rescapé, car le nez de bouchon était si fort à l’ouverture qu’il aurait pu être condamné. Avec les sushis et fromages le vin se comporte agréablement.

J’ai fait gouter à mes convives quelques gouttes d’une bouteille de Sherry du Cap 1862 déjà ouverte depuis des mois. L’élégance est certaine mais on sent un vin un peu éventé.

Ce déjeuner fort agréable aura-t-il des suites à Singapour ? Faisons un rêve.

le Bordeaux ne sera pas bu.

I receive in my cellar an event organizer for travelers in search of rarities and a writer and journalist living in Singapore. The idea is that she writes a report on what I do in magazines for globetrotters. She is in her 40s and has announced dietary restrictions that guide meal choice.

At 9 a.m. I open the champagne I have planned, a Champagne Dom Pérignon 1985 which has a superb cork and a discreet but real pschitt. The leaf that surrounds the cork is unpleasant because it crumbles, which has been common in many vintages of Dom Pérignon.

The bottle of Meursault Faiveley Négociant 1959 is made of blue glass like the bottles from the years of the Second World War. I do not think it is a reuse. The level is very high. The cap is of good quality. I smell the bottleneck and a terrible cork odor is unbearable. Out of curiosity, I smell the cork and the surprise is great, because the cork absolutely does not smell like the cork. How is it possible? I smell several times to confirm my impressions.

Two hours later, the cork nose has greatly diminished. Three hours later, I hardly smell anything and it seems plausible to me to give this wine a chance. There is something in my cellar to react in case.

The very simple and cold menu will be: truffle crisps, sausage, bread and butter caviar, sushi and sashimi, goat and sheep cheese, apple pie.

Champagne Dom Pérignon 1985 has a beautiful golden color and a present bubble. It is in a stage of its life which is perfect because it is still young but also shows signs of good maturity. It is so serene. I find it ideal at this age. With the Kaviari Prestige Ossetra caviar, it confirms how relevant the caviar and Dom Pérignon pairing is.

When the Meursault Faiveley Négociant 1959 is served, the nose of the cork reappears, very weak. In mouth it is not really bothersome and after a few minutes, the nose of cork as well as the taste of cork have completely disappeared. We then have a very round, fluid wine with lovely fruit. It is a wine which is not powerful, not very complex which I like a lot and all the more so since it is a survivor, because the nose of the cork was so strong when it was opened that it could have been sentenced. With sushi and cheese, wine behaves pleasantly.

I made my guests taste a few drops of a bottle of Sherry du Cap 1862 that had already been opened for months. The elegance is certain but we feel a slightly stale wine.

Will this very pleasant lunch have consequences in Singapore? Let’s have a dream.

Déjeuner du ‘vrai’ jour de mon anniversaire dimanche, 23 avril 2023

Le 23 avril 2023 m’assène au réveil une dure vérité : les 80 ans, j’y pensais. Aujourd’hui c’est une réalité. Je vais vite ouvrir les vins du déjeuner avec mes enfants. Les vins sont récents il n’y a donc aucun problème et les parfums sont tous engageants.

L’apéritif se fait avec le Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2008 bu en partie la veille et ouvert dans la nuit de l’avant-veille. Je l’aime encore plus qu’hier car la bulle est devenue plus calme et le champagne s’arrondit avec des saveurs plus que plaisantes. Il y a un gouda et des restes des petits fours d’hier. Tout se passe bien.

Ma femme a prévu du wagyu qu’elle achète en Belgique. Le fournisseur ajoute toujours à sa livraison un beau morceau d’Angus. Nous aurons donc le déjeuner en trois parties de viandes : wagyu puis intermède Angus et retour au wagyu.

C’est amusant car le wagyu généreux et bien gras est tout en douceur. L’Angus semble animé par un coup de fouet d’énergie, avec des saveurs viriles, et le retour au wagyu rend cette viande encore plus agréable puisque sa douceur est encore plus mise en valeur.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 est tout en douceur. Quel vin élégant qui, à 27 ans, n’a plus besoin de montrer sa puissance. Elle est là et naturelle. Ce vin est charmant, agréable et bon compagnon des viandes. On se régale de ce vin juteux comme la viande.

Le Vega Sicilia Unico 1989 a la démarche hautaine et fière d’un torero. Quelle richesse, quelle stature et ce qui me fascine c’est son finale qui est envoûtant, avec des tonnes de cassis et une signature mentholée. Et l’on voit que les deux vins sont très différents, le premier naturel, complet et complexe et facile à appréhender et le second dense, intense, fier, et finissant par une pirouette ensorceleuse. Les deux sont les meilleurs de leurs appellations et ne se confrontent pas. Il n’y a pas de vainqueur mais deux amis.

Le champagne est idéal sur une tarte au citron meringuée de grand plaisir.

pour le mathématicien que je fus, fêter 80 ans avec 7 bougies est une nouveauté mathématique…

Apéritif dinatoire après le déjeuner à l’Ecu de France samedi, 22 avril 2023

Juste après le déjeuner, un petit groupe s’est retrouvé chez moi pour un apéritif dinatoire. J’avais ouvert hier un Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2008. J’avais dû batailler avec le bouchon pendant plus de dix minutes, tant il était serré. Mon casse-noix est trop lisse pour faire tourner efficacement le bouchon. Le pschitt avait été tonitruant et le parfum d’une force étonnante.

Au service, le parfum est aussi puissant, imprégnant et la bulle est active. Le champagne est un conquérant. Il impose une trace en bouche à la façon d’un Attila ou d’un Tamerlan. Il a des qualités sans limite. Il est extrêmement complexe et plaisant. C’est un vrai grand champagne. A mon goût il gagnera en patientant en cave encore dix ans. Mais quel champagne !

Nous avons grignoté. Mon fils est allé dans sa cave et a ouvert des bouteilles partagées avec ses amis de toujours.

Après cette journée chargée, je suis allé me coucher, sachant que dans quelques minutes j’allais changer de décennie. Ça ne laisse pas indifférent.

déjeuner au restaurant L’Ecu de France pour mes 80 ans samedi, 22 avril 2023

Cela fait plusieurs mois que j’ai lancé les invitations pour fêter mes quatre-vingts ans. Ce sera au restaurant L’Ecu de France que je connais depuis plus de soixante ans car il accueillait des fêtes familiales. La recherche de vins à ouvrir pour plus de cinquante personnes est assez excitante. Je choisirai en priorité des grands flacons dont certains ont été achetés pour de grandes fêtes. Ce sera le cas du Salmanazar de Pommery 1973 et du Mathusalem d’Ermitage de Chapoutier 2009. Ça fait déjà vingt bouteilles avec ces deux flacons.

Viennent ensuite des jéroboams ou doubles magnums, des magnums et des bouteilles. Nous aurons donc presque tous les volumes possibles. J’ai voulu aussi présenter des appellations originales, peu fréquentes dans des repas. Cela donne le programme qui n’a cessé de changer de semaine en semaine :

Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973 / Bouteilles d’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987 / Double magnum Château d’Arlay Côtes du Jura rouge 1989 / Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 / Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 / Magnums Coteaux du Layon Château du Breuil 1985 / Jéroboam « la Géante » Maury Mas Amiel 1963.

Ce n’est qu’au moment des ouvertures que je me suis rendu compte que j’avais créé un programme pour plus de cinquante personnes, sans Bordeaux et sans Bourgogne. C’est assez original.

En accord avec le restaurant, j’ai apporté tous mes vins la veille à 17 heures pour ouvrir les plus grands formats afin qu’ils puissent profiter d’une oxygénation lente. J’ai prévu beaucoup plus de flacons que ce qui est nécessaire, car je ne veux pas avoir de mauvaises surprises et aussi parce que je ne sais pas bien apprécier combien 55 personnes boiront d’un même vin.

Je commence par ouvrir le Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973, dont le bouchon vient sans effort. Du fait du pincement du verre de l’intérieur du goulot, de petites brisures de liège sont repêchées avec les outils adéquats. Le parfum me plait. Si j’ai voulu ouvrir ce flacon en premier c’était aussi pour vérifier que le vin n’est pas mort, car il eût fallu au plus vite trouver une solution de rechange pour l’équivalent de douze bouteilles. Je suis rassuré.

J’ouvre ensuite le Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 qui ne pose aucun problème et offre un parfum conquérant. Ensuite ce sera le Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 qu’il est bon d’ouvrir maintenant car la cire très dure demande un temps extrêmement long. Le parfum est plus encourageant que ce que j’attendais. Tout va donc très bien.

Pendant que j’officiais, un restaurateur d’une ville voisine avait déjeuné avec un ami ce midi et avait asséché deux Rayas et un troisième vin. Il ne cessait de me dire que les vins anciens devraient être ouverts au dernier moment et que mes vins étaient forcément morts. Il n’est ni le premier ni le dernier à avoir ces fausses idées.

Je reviendrai demain pour poursuivre les ouvertures et recevoir mes invités à déjeuner à midi. Le dîner ce soir sera léger.

C’est à 10 heures que je me présente pour ouvrir les autres flacons. Il pleut à torrent. L’apéritif sur la terrasse au bord de la Marne a peu de chances de se réaliser.

Le restaurateur assez « collant » m’avait quasiment obligé hier d’ouvrir une bouteille d’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987. J’en ouvre cinq autres. Le Double magnum Château d’Arlay Côtes Du Jura rouge 1989 a une cire difficile à enlever. Il faut en permanence essuyer le goulot pour qu’aucune poussière ne chute dans le goulot. Le parfum est délicat et sensible.

Les magnums de Coteaux du Layon Château du Breuil 1985 ont de vilains bouchons qui se brisent en morceaux alors que le vin est jeune. Son parfum est subtil.

L’étonnement vient maintenant. Le Jéroboam « la Géante » Maury Mas Amiel 1963 est une bouteille qui doit être unique. La cire est très épaisse et je cherche à cisailler la cire en suivant une nervure régulière qui cerne le goulot. Le bouchon sort et soudain, avec lenteur, un gros morceau de verre épais du goulot tombe. Puis quelques secondes plus tard un autre morceau de verre tombe. Immédiatement Hervé Brousse, le fils des propriétaires des lieux, qui dirige l’établissement, a le bon réflexe : on entoure la bouteille d’un film sur plusieurs épaisseurs pour qu’elle soit plus solide. Il va falloir carafer le vin et le filtrer. Lors de ces opérations le parfum du Maury embaume la salle de sa douceur.

Tout est fini de mon côté et la salle du restaurant est en pleine mise en place. On sent que les gestes sont précis et les méthodes rodées. On surveille la météo qui annonce que la pluie pourrait cesser vers 11 heures ou 11h30 ce qui pourrait permettre, si on essore les tables et le carrelage, de prendre l’apéritif sur la terrasse. Ce sera le cas.

Les premiers arrivants, venant de loin, sont très en avance. Tout le monde est à l’heure sauf deux américaines qui nous rejoindront en cours de route, ayant prévenu de leur retard.

Nous nous rendons tous sur la terrasse et c’est le moment de mon discours. Je le rumine depuis deux mois car j’ai envie de citer des anecdotes qui ont jalonné les relations avec chacun des convives, afin que chacun soit cité sans que mon discours ne ressemble à ceux de Fidel Castro qui pouvaient durer six heures. Ceux qui sont cités sont heureux des souvenirs que j’évoque. On peut donc servir le Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973, dont la couleur est ambrée mais assez claire, car, comme je le constaterai le lendemain, le fond est beaucoup plus sombre.

Ce champagne est enchanteur. Il a des saveurs idéales de champagnes anciens et je vois avec satisfaction que mes invités l’aiment. Il combine complexité et charme, étant doux comme un vin doux, mais avec une acidité noble. C’est un champagne très plaisant. J’avais prévu un jéroboam de champagne Montebello 1973 pour le cas où, mais nous n’arriverons même pas à finir ce grand Salmanazar.

Nous passons à table dans la salle de restaurant que nous occupons entièrement en sept tables de huit. Le menu préparé par le restaurant et mis au point avec moi est : tartare de bar au citron confit, œuf de truite et estragon / ravioles d’escargots et gambas, persillade et sauce à l’Arbois / filet de bœuf, sauce périgourdine et crème de foie gras / saint-nectaire / Pavlova aux pommes et ananas, chantilly mascarpone / chocolats / café et mignardises.

Tout le monde est surpris que l’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987 soit aussi fruité, large et généreux. C’est en effet un Hermitage en pleine maturité joyeuse. L’accord avec le bar et l’œuf est réussi.

Le Double Magnum Château d’Arlay Côtes du Jura rouge 1989 est une divine surprise. Le vin rouge est d’une délicatesse élégante, subtile. C’est un vin noble et charmant tout en ayant une belle puissance. Il est très au-dessus de ce que j’attendais. L’accord avec les escargots et la persillade est un des plus jolis du repas. Quel vin élégant !

Le Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 est lui aussi particulièrement surprenant, car il y a en ce vin une noblesse que ne pourrait jamais avoir un vin intitulé « Villages ». C’est il y a vingt ans que j’avais visité le domaine de Rivesaltes Cazes, car j’avais tissé une relation amicale avec Bernard Cazes. J’avais bu alors de ce vin les millésimes 1982 et 1979. Enthousiasmé, j’avais alors acheté deux doubles magnum de 1989. Mon choix était bon car ce vin est exceptionnel.

Le Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 est un très grand vin, mais comme je le connais et comme il est jeune, j’ai beaucoup moins de surprise et d’émotion avec ce grand vin superbe qu’avec les deux rouges précédents qui m’ont subjugué. La viande bœuf est de très grande qualité et le saint-nectaire assouplit l’Ermitage à la perfection.

La surprise la plus forte sera pour mes amis offerte par les Magnums Coteaux du Layon Château du Breuil 1985. L’accord avec la Pavlova est immense. Il y a du litchi, des fruits doux, des subtilités qui partent dans tous les sens, et c’est surtout cette douceur lascive de l’odalisque d’Ingres. On est sur un petit nuage de félicité.

C’est maintenant au tour du Maury Mas Amiel en Jéroboam « la Géante » 1963 de parvenir en carafes sur les tables. Le parfum fort est envoûtant et en bouche c’est un feu d’artifice de douceurs, mais conquérantes alors que le Coteaux du Layon jouait sur la douceur.

J’avais demandé à Hervé Brousse que les recettes soient de la plus grande simplicité et de totale lisibilité. Ce fut une réussite complète.

Comment classer des vins si disparates ? les plus complexes et envoûtants sont le champagne Pommery et le Maury. Tous ont de l’intérêt. Mon classement sera : Mas Amiel 1963, Pommery 1973, Coteaux du Layon 1985, Château d’Arlay 1989, et ensuite tous les autres.

Je suis allé parler à chacune des tables. Des amis de longue date ou des membres de la famille se retrouvaient après des années d’absence. L’ambiance était joyeuse. J’entre dans une nouvelle décennie avec un joli paquet d’émotions.


Le Salmanazar est mis à côté d’un format encore plus grand de Pol Roger qui ne sera pas servi

cette photo ci-dessous est juste pour donner des idées sur les tailles des bouteilles

les bouteilles prévues

le Montebello ne sera pas servi

il n’y a pas toutes les bouteilles, mais une de chaque :

déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur vendredi, 21 avril 2023

Un ami du monde du vin qui a changé de trajectoire professionnelle suggère que nous déjeunions ensemble. Ce sera avec joie. L’ancienne directrice d’un restaurant que je pratique fréquemment a changé de carrière et s’oriente vers la pâtisserie. Elle voulait me voir lors de la séance d’ouverture des vins d’un de mes prochains repas. Les dates ne convenaient pas, mais hier je reçois un message : ‘je peux venir vous voir demain’. Si elle vient pour voir l’ouverture des vins je trouve opportun de l’inviter au déjeuner, car mon ami acceptera sa présence.

Le déjeuner se tiendra au restaurant Le Sergent Recruteur. Je dis à Lumi que je commencerai les ouvertures à 11h30. Je suis arrivé à 11h10 aussi vais-je me promener le long de la Seine dans l’île Saint-Louis en attendant qu’elle arrive.

Il se trouve que j’ai prévu un vin blanc de 1957 de bas niveau, qui nécessite absolument un long temps d’aération. A 11h45, je bous, car elle n’est pas là. A 11h50 je fulmine et j’envisage de ne plus la convier à déjeuner. A 12h je suis au bord de l’apoplexie et elle se présente, confuse, car elle voit ma mine. Ma colère est à son niveau ultime mais je n’ai pas le courage de la priver du déjuner. Mon humeur s’améliorera lentement comme celle d’un vin qui reçoit une oxygénation lente.

Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère Henri Boillot 1957 au bas niveau et à la belle couleur a un bouchon qui se déchire mais vient sans incident et offre un parfum où la fatigue n’exclut pas l’espoir. Le Richebourg Jaboulet-Vercherre 1978 a un parfum de toute beauté. Il promet énormément.

Le soleil est revenu dans ma tête lorsque mon ami, ponctuel, passe la porte. Nous discutons avec Gaëtan de la composition du menu car j’aimerais qu’on commence par le vin rouge pour laisser au vin blanc plus de temps pour qu’il se recompose. Nous aurons donc un foie gras poché que j’ai demandé de recevoir sans rien d’autre, un plat d’asperges vertes et un ris de veau à l’artichaut.

La goûteuse rillette avec des toasts est le premier grignotage. Avec le Richebourg Jaboulet-Vercherre 1978 si riche et franc, si facile à vivre, c’est un bonheur.

Gaëtan nous apporte l’amuse-bouche qui est une sorte de crème de petits pois. Ça me fait sourire car j’avais bien dit qu’on commencerait par le rouge et il est inenvisageable que le vin puisse s’accommoder de ce plat.

Le foie gras poché sans aucun accompagnement pourrait sembler curieux mais j’ai tant organisé de repas avec Alain Pégouret qu’il ne s’agit pas d’un choix extraordinaire. Le foie est superbe et le Richebourg montre sa largeur et sa noblesse. C’est un grand vin même si la puissance n’est pas extrême. Oserais-je dire que je le préfère comme cela ?

Les asperges sont excellentes, mais les accompagnements de pamplemousse et de fruits acides vont être difficiles pour le vin blanc. Il faut aborder le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère Henri Boillot 1957 sans attendre de lui qu’il ressemble à un Puligny-Montrachet. C’est un vin blanc qui aurait des accents de vin jaune, avec une belle acidité. Il est très agréable et il fait du hors-piste. Il n’est pas dans son appellation mais peu importe. Il a un fruit généreux et large, une belle acidité et on peut vraiment l’aimer et lui trouver du plaisir. Ceci ne peut exister que si on ne juge pas le vin avec des critères d’expert et si on l’accepte tel qu’il est. Je l’ai fait goûter en fin de repas à Gaëtan et à Aurélien le souriant sommelier, qui en sont convenus.

Le ris de veau est excellent mais copieux et pesant. Il forme un bel accord avec le Richebourg toujours aussi élégant et fringant. L’artichaut joue bien son rôle apaisant.

Lumi et Alex se sont trouvé des intérêts communs. Nous avons bavardé en amis. Ce fut un beau déjeuner et un vin difficile d’aspect nous a offert un beau message. C’est la magie du vin.

Dîner à l’Auberge Nicolas Flamel avec de talentueux jeunes connaisseurs mardi, 18 avril 2023

Deux étudiants d’une grande école sont des fidèles de l’Académie des Vins Anciens. L’un d’entre eux travaillant pour obtenir un poste prestigieux dans l’Administration Française m’avait dit que s’il l’obtenait, il m’inviterait à dîner pour célébrer sa nomination.

Nous nous retrouvons à quatre à l’Auberge Nicolas Flamel, la plus vieille auberge de Paris, aux pierres et boiseries ancestrales et à la décoration d’une rare beauté.

Lorsque j’arrive pour ouvrir les vins, la brigade est active pour tout préparer, d’autant plus que le restaurant va recevoir ce soir le chef d’un restaurant trois étoiles historique de Paris. Tout doit donc être parfait. Le sommelier Claude qui a vécu longtemps à San Francisco me reçoit comme un prince et nous bavardons pendant que j’ouvre un vin et un champagne.

Il se trouve que les trois normaliens participent à tous les concours de dégustation proposés aux écoles européennes les plus prestigieuses. La dégustation à l’aveugle n’est pas un souci pour eux tant leur connaissance des cépages et des appellations est grande. J’ai choisi un vin qui sera caché par une housse pour qu’ils le découvrent sans savoir et j’espère bien qu’ils ne trouveront pas.

J’ai ouvert un champagne qui fera le début de repas mais il est opportun de commencer par un champagne au verre proposé par le restaurant : le Champagne Lallier Réflexion R.019. La couleur est extrêmement pâle comme celle d’une eau claire. La bulle est active et le champagne est un peu serré. On sent sa belle subtilité et son élégance, mais un peu timides.

Les amuse-bouches sont : ormeaux et crème de citron et yuzu, millefeuille de topinambour avec crème de raifort et poudre de laurier, bouchée de filet de bœuf en pastrami et caviar osciètre. Ils donnent un aperçu convaincant du talent du chef Grégory Garimbay que l’on voit dans sa cuisine, actif, attentif et souriant.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1982 a une couleur d’un or clair qui contraste avec la pâleur du jeune Lallier. C’est un champagne large, souriant, ample, d’une complexité vive et, ce qui me fait particulièrement plaisir, c’est qu’il « féconde » le Lallier en lui donnant une belle largeur. Constater que des vins se fécondent est un de mes plaisirs.

Le menu est ainsi rédigé : langoustine, herbes et fleurs, caviar Kristal / asperge blanche, cacahuète, moutarde / homard bleu, morilles, moelle, algue poivrée / poularde Culoiselle, romaine grillée, lard de Colonnata / kiwi, salicorne, piment fumé / artichaut, vanille, tonka / chocolat, algue nori, criste marine.

Les mignardises sont : crème fraiche de chèvre et fruits des bois, financier à la noisette et sucette meringuée au citron.

A côté du Mumm, Claude nous sert le Chablis 1er cru Vaillons Vincent Dauvissat 1996 que je bois sans connaître l’année. La couleur est très rose. C’est un magnifique chablis puissant et déroutant, car il varie ses messages selon les plats et les accompagnements. Sur la langoustine, à laquelle le caviar donne un sacré coup de fouet, c’est un régal absolu. Son millésime est beaucoup plus jeune que ce que j’attendais, car sa faculté adaptative est celle d’un vin d’une grande maturité.

L’asperge blanche va permettre l’entrée en scène d’un vin qui n’a aucune étiquette ni signe dont le cépage César m’est inconnu, un Côtes d’Auxerre César domaine Sorin 1969. J’ai proposé comme millésime 1986 car sa fraîcheur, et son intensité sont ceux d’un vin très jeune. Ce vin franc et direct est une belle surprise. Il emmène sur des pistes élégantes et subtiles que j’aurais placées dans d’autres régions.

Mon vin arrive masqué et mes jeunes amis cherchent sur quelle rive bordelaise il se situerait. J’ai donc réussi à les égarer, car il s’agit d’un Mas de Daumas Gassac vin de pays de l’Hérault 1980. Je suis moi-même surpris que le vin au parfum noble soit aussi éblouissant. Car l’hypothèse qu’il soit un Grand Cru Classé de Bordeaux n’est pas une hérésie. Aimé Guibert, fondateur de ce domaine, dont je fus l’ami, aurait été heureux des propositions de mes convives qui pratiquent avec succès les dégustations à l’aveugle.

Le vin est noble, solide, expressif, conquérant mais serein et il est évident que l’âge lui apporte une cohérence qui souligne sa grandeur.

La poularde est divine, fondante en bouche et met en valeur le Barolo Giacomo Borgogno 1943. A son contact, j’ai un petit frisson car on entre dans un monde de vins anciens qui est luxe, calme et volupté. On imagine des nymphes au front ceint de fleurs roses et qui pincent un luth en chantant. Car tout est délicat dans ce Barolo expressif. C’est un grand bonheur de le goûter.

La cuisine du chef est très talentueuse. Notre table est une corne d’abondance où chaque serveur vient ajouter de nouvelles saveurs au plat déposé devant nous. Ça n’arrête pas et je pense que cette forme de cuisine où la surenchère d’accompagnements est sans fin connaîtra un frein lorsque le pouvoir tyrannique du Guide Michelin s’affaiblira. Ce qui n’empêche pas que nous ayons apprécié la cuisine imaginative et talentueuse du chef.

Le sommelier Claude a le cœur sur la main. Il est d’une grande sensibilité. Le service des plats est parfait et les serveurs sont souriants. C’est une expérience gastronomique marquée par l’abondance et très réussie.

Au moment des votes, le vin à classer premier est soit le Mas de Daumas Gassac 1980, soit le Chablis 1996. Viennent ensuite le Barolo, puis le si curieux Côtes d’Auxerre et le champagne Mumm.

Quand je me suis rendu compte que deux des trois convives sont des mêmes âges que mes petits-enfants, j’ai pu mesurer comme le temps passe. Mais s’il passe avec de tels convives si charmants, ce n’est que du bonheur.

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Nous avons tellement bavardé que je n’ai pas photographié les vins de mes amis

 

le chef trois étoiles de l’Ambroisie en cuisine avec l’équipe du restaurant Nicolas Flamel

avec mes amis qui, entretemps, on gagné le concours européen de dégustation ouvert aux grands écoles de tous les pays européens.

Déjeuner au restaurant Pages avec un ami vendredi, 14 avril 2023

J’invite à déjeuner un ami gastronome raffiné que je n’avais pas vu depuis des années. Le restaurant choisi est le restaurant Pages. Un peu avant 11 heures je suis présent au restaurant où l’aspirateur fait un bruit de gros avion.

L’ouverture des vins commence par un Chablis 1er Cru A. Bichot négociant 1947. C’est un des vins acquis de la cave de l’Institut de France. La bouteille n’est pas très belle, la capsule est d’origine et le niveau est légèrement bas. Le haut du bouchon est très sale. Le bouchon se brise et j’utilise une seconde mèche pour sortir le reste du bouchon en entier. Le bouchon est très imbibé au point qu’en plantant la mèche avant de tirer, j’avais vu de petites bulles soulevant du liquide au point haut de la mèche. L’odeur du vin n’est pas repoussante ni désagréable mais semble plate, faible et paresseuse.

Le Châteauneuf-du-Pape Paul Jaboulet Aîné 1953 a perdu sa collerette d’année et je n’ai l’indication du millésime que parce que j’avais acheté trois bouteilles de ce vin. Le niveau dans la bouteille est très haut, parfait. Le bouchon vient bien même s’il se brise en deux et le parfum est divinement séduisant.

Pendant que j’officie, je mets au point le menu avec le chef Ken. Il a prévu des asperges blanches avec des morceaux de homard et une sauce pour homard. Je lui demande de servir les asperges en deux fois, le premier service étant des asperges, cuites à la poêle, seules, puis le plat tel qu’il l’a prévu.

Il annonce ensuite un turbot et des côtes d’agneau. Cela me convient. L’excellent pâtissier a prévu aujourd’hui un dessert léger au chocolat. Très bien. Pierre-Alexandre directeur de salle et sommelier me fait goûter un Rivesaltes Cazes 2014 qui serait un accompagnement judicieux, aux saveurs caléidoscopiques mais fortes. Nous verrons.

Selon la tradition, dès que la séance d’ouverture est finie, je vais boire une bière japonaise à la brasserie 116 qui appartient aux propriétaires de Pages et l’on m’offre de grignoter des édamamés qui forment avec la bière un accord parfait.

Mon ami arrive. Il n’a pas changé depuis notre dernière rencontre et me réciproque le compliment. Yacine nous décrit les amuse-bouches et je suis toujours impressionné quand les serveurs arrivent à décrire sans faute toutes ces complexes préparations.

Horreur, le Chablis 1er Cru A. Bichot négociant 1947 est servi et sa couleur est grise, d’un gris sale, peu avenant. Mais je ressens dans ses difficiles parfums un possible retour à la vie. Après de lourdes averses, mon grand-père avait l’habitude de dire, s’il voyait un petit peu de ciel bleu : il y a assez de bleu pour faire une culotte de gendarme. Le premier contact difficile avec le vin me donne le même espoir et je dis à Jean-Philippe : « je pense que le vin va s’élargir ».

Pour les asperges blanches, nues, le Châteauneuf-du-Pape Paul Jaboulet Aîné 1953 est impérial. L’amertume des asperges excite le vin qui devient rayonnant. Ce vin direct, franc, a tout pour lui et se comprend instantanément.

Avec la sauce pour le homard du plat suivant, le vin blanc s’élargit. La sauce efface ses faiblesses et ses imprécisions. Nous savons que nous buvons un vin fatigué, mais il se met à exprimer de belles complexités.
Le délicieux turbot s’accorde avec les deux, le vin du Rhône recevant la douceur du poisson pour exposer des grâces subtiles.

Pour les côtes d’agneau, le vin rouge est à son aise mais il est intéressant qu’à chaque moment du repas nous allons d’un vin à l’autre pour voir comment les choses se passent et nous avons d’agréables surprises car le vin blanc se met à briller là où on ne l’attend pas. Ce n’est pas un grand vin bien sûr, mais ses fulgurances inattendues sont agréables à vivre.

Nous ne sommes pas en situation d’aborder un vin doux naturel aussi le délicieux dessert au chocolat se déguste à l’eau.

Le vin doit être une surprise. Comme au repas avec ma fille, un vin que beaucoup rejetteraient offre des instants de bonheur. Ça n’en fait pas un grand vin mais une belle découverte.

Manger chez Pages est toujours un grand plaisir. La cuisine est directe, faite de beaux produits aux cuissons idéales. Le service est attentif. J’ai revu avec plaisir un ami gastronome. De nouvelles aventures s’annoncent. C’est le plaisir de la vie.

édamamés et bière