Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Bistrot du sommelier vendredi, 2 mars 2007

Avec deux amis, nous allons dîner au Bistrot du Sommelier qu’anime l’excellent Philippe Faure-Brac avec une belle sérénité. Sa carte des vins est intelligente, ce qui ne surprendra personne. Si nous n’avons pas eu de vins dans un état irréprochable, ce n’est qu’un manque de chance, car je ne peux que me féliciter de ce que j’ai bu jusqu’alors chez Philippe. Le champagne Charles Heidsieck brut blanc des millénaires 1995 doucereux, dosé, manque un peu de souffle. Le Château Laville Haut-Brion 1983 dont j’attendais beaucoup porte plus que son âge, avec un fumé prononcé. L’Hermitage Chave rouge 1998 aurait dû trompeter de joie mais il était en RTT, le Volnay Les Caillerets La Pousse d’Or 1969 offert par Philippe ne manquait pas de charme mais souffrait un peu. Et mon Coteaux du Layon Les Aunis de Chaume R. Dubreil 1947 au niveau très bas et à la couleur fatiguée faisait presque meilleure figure dès qu’il s’est ouvert par son élégance évocatrice. Tout ça n’est pas très grave, mais j’attendais plus du Laville et du Chave. La cuisine simple et directe est fort agréable. Il faudra que je revienne prendre une belle pépite choisie par ce meilleur sommelier du monde et écrivain du vin et de la gastronomie.

Guy Savoy éblouissant mercredi, 28 février 2007

Il y avait bien longtemps que je n’étais pas allé au restaurant Guy Savoy. Quelle erreur. Y aller le jour de la parution du guide qui fait la piste aux étoiles, cela ne manque pas de sel, car je me souviens de la liesse chez Guy le jour de la troisième. Constater que le restaurant Laurent et celui de Patrick Pignol perdent une étoile me fait mal. Car un ami, écrivain du vin, est venu avec le guide qui ne paraîtra que demain et nous informe de ce que nous ne savions déjà. Et nous constatons les joies et les peines que le soubresaut du Michelin va créer. C’est le prix à payer pour que cette institution, toujours critiquée, mais toujours écoutée, prouve qu’elle est vivante.

Nous sommes quatre, cet ami écrivain, le cuisinier fétiche de dîners privés et de plus ami, et un correspondant de forum qui devient réel, de chair et d’os. Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1989 a été ouvert à notre arrivée. J’implore quelque chose à manger, car la première gorgée, sur la bouche du matin, paraît pâle. Le délicieux foie gras qu’un jeune garçon étage sur une pique fait vivre le champagne. Le 1988 bu récemment est plus monumental. Le 1989 est plus subtil et romantique. C’est un grand champagne.

Nous prenons le menu prestige dont voici l’intitulé : mini millefeuille d’hiver / Coquilles Saint-jacques « crues-cuites », pommes de terre et poireaux / saumon à la vapeur, jus « anis-réglisse », brochette de légumes en côtes / veau cuit lentement en bouillon, chou farci, quelques racines en compote / soupe d’artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée aux champignons et truffes / pigeon « poché-grillé »,  salsifis et saveurs d’agrumes / fromages affinés / exotique / fondant chocolat au pralin feuilleté et crème chicorée.

 Je préfère annoncer la couleur, je persiste et signe, Guy Savoy est le chef avec lequel je suis en totale harmonie. Cela ne veut pas dire amour aveugle, car le veau, dont il nous avait annoncé l’originalité avant qu’il ne soit servi, ne m’a pas convaincu. Mais il y a des plats d’une telle grandeur, d’une telle sensibilité, que je suis anesthésié de bonheur. Le millefeuille d’hiver où des chips de betterave s’entrelacent de truffes est d’un équilibre absolu. C’est aussi parfait qu’un vin extraordinaire dont on vante la sérénité. La soupe d’artichaut est aussi un plat d’un équilibre parfait. Dans ces deux plats, pas une virgule ne pourrait être changée. Et puis il y a l’homme. Aucun chef ne dégage une telle empathie. J’ai fait vœu, en écrivant mes aventures de ne jamais être objectif et de ne suivre que mes sentiments. Ce chef est mon préféré. Je n’en ferai jamais mystère.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1997, au moment où il se présente, est un vin intellectuel. Il faut en effet faire appel à des codes pour entrer dans sa logique. Et les coquilles Saint-jacques s’empressent de me le faire aimer. C’est assez extraordinaire comme sur la coquille crue ce Corton est sucré, et comme sur la coquille cuite il devient profond, long, sec et précieux. L’adaptabilité de ce vin remarquable est un immense plaisir. Je dois avoir un sixième sens, car c’est d’instinct que j’ai commandé Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 2001. Ce vin « est » réglisse. Vous avez sans doute déjà éprouvé l’usage du verbe être : Marion Cotillard « est » Edith Piaf, ou Sandrine Bonnaire « est » Jeanne d’Arc. Là, le Rayas « est » réglisse, ce qui crée un accord phénoménal avec le saumon qui ne vit que pour s’accoupler avec cette saveur. Ce qui est particulièrement étonnant, c’est que le Rayas restera réglisse même après le plat, sur le veau au bouillon rural et agreste.

Le vin qui suit est une suggestion d’Eric Mancio : Nuits-Saint-Georges Clos des Forêts Saint Georges Domaine de l’Arlot 1989. Il apparaît sur la fameuse soupe, mais reste sur son strapontin. Ce vin est une belle définition du Nuits-Saint-Georges, mais il n’est que cela. Trop scolaire, trop bon élève, il joue son rôle, mais ne m’entraîne pas, comme il devrait, dans une farandole. Sur le pigeon subtil, il n’est que le gardien de square.

Le Jurançon Clos Uroulat Charles Hours 1996 est une fantaisie de mes deux jeunes amis. C’est une gymnopédie destinée à délier le palais. On a de tout, du litchi, du kiwi, de la mangue, et des agrumes à profusion. C’est évidemment plaisant mais c’est une récréation. Cela excite les papilles pour les faire chanter. Et c’est bien agréable. Mais j’attendrais à ce moment du pastel plus que du flamboyant. La profusion des desserts crée une confusion mentale dont on ne se remet pas.

Guy Savoy est venu bavarder à notre table, car je prépare un dîner redoutable dont il sera le dompteur. Ce fut l’occasion de parler des plats car il est à l’écoute de tout. Grand moment de partage de sensations.

Le service est toujours précis, parfois amusant car il y a aussi de l’humour dans cette brigade. Les propos d’Hubert se dégustent comme des bonbons tant son accent est charmant, avec le même décalage désuet que la présentation du homard chez Jacques Le Divellec. Et moi, bon public, je marche. Le nouvel ami dira qu’en ce déjeuner il a connu plus d’accords merveilleux qu’en des dizaines d’autres. Des repas comme celui-ci sont des moments précieux de la vie.

 

Le mini millefeuille d’hiver est éblouissant. Regardez à gauche du saumon ces trois petites traces. C’est une poudre à base de réglisse qui donne au Rayas une puissance émotionnelle extrême.

Mouton 2001 ????? mardi, 27 février 2007

De retour à Paris, je vais chez Jacques Le Divellec le lendemain de la parution du bulletin 216. C’est un peu comme le joueur de foot qui vient de marquer un but : je peux courir dans la salle de restaurant en ouvrant les bras, la tête cachée par mon maillot, je peux me dépoitrailler en hurlant de façon hystérique, car je suis dans mon camp. Sur une brouillade d’oursins fort goûteuse, le Champagne Bollinger Grande Année 1997 est agréable. Encore très vert, il expose sa race avec élégance. Le numéro du homard à l’américaine est gentiment désuet. L’argumentaire, mille fois rôdé, est charmant dans son exposé décalé. J’adore ce retour aux valeurs qui datent au moins d’un demi-siècle. Et l’on peut se le permettre, car la sauce est redoutablement bonne, juste dosée mais pénétrante. Olivier m’a trahi, car lui posant la question de Mouton 2001, il acquiesça. Or Château Mouton-Rothschild 2001, c’est un vin que je n’aime pas. Il m’est plus facile de le dire car je suis amoureux de Mouton, qui peut être grandiose dans des années de rêve. Mais franchement, ce 2001 est raté. Il n’est que bois. Il ne raconte rien. Quel dommage que la belle étiquette couvre un vin qui ne donnera rien de bien. A oublier bien vite tant il existe de grands Mouton.

Il fait beau dans le Sud samedi, 24 février 2007

Les hirondelles volètent au mois de février dans le Sud de la France. Les pulls s’enlèvent. Il fait fort beau. C’est l’occasion d’aller déjeuner à la table d’hôte d’Yvan Roux. Un champagne Laurent-Perrier cuvée Grand Siècle est fort gouleyant sur des tranches de pata negra. Des montagnes d’oursins pêchés de la veille sont confrontés à un Vin Jaune Victor Richard 1990. Il faut prendre une infime gorgée de ce vin au lourd parfum pour ne pas écraser l’oursin. Le plus subjuguant, c’est que malgré la présence extrême de ce vin profond de 13°, la dégustation des langues d’oursin n’est pas altérée. C’est le goût pur qui est mis en valeur par ce vin typé qui ne dévie pas le palais. Je sens que la brouillade d’oursins appelle un rouge, ce qui, convenons-en, est assez peu orthodoxe. Et le Château Lynch-Bages 1978, qui a entamé sa période de maturité avant l’heure, a l’intelligence de s’effacer pour respecter le fumet intense et délicat à la fois. Les beignets d’anémones de mer repoussent le rouge de leur acidité finale en bouche et c’est le champagne qui leur convient. Nous revenons au rouge pour des fritures de crevettes, petites seiches et petits crabes que l’on croque. Les cigalons, préparés dans leur plus grande pureté, sont d’un goût passionnant où apparaissent les noisettes et le pain d’épices. Avec eux, le vin jaune chante à tue-tête. Un risotto à l’encre de seiche et jus de cigalons permet de finir joyeusement le Lynch Bages 1978, vin de grand confort, expressif même s’il s’est assagi. Sur un sofa profond mis au soleil d’une journée annonciatrice du printemps, les yeux clos, il m’apparaît que la vie est belle.

 

Saint-Valentin à l’Astrance mercredi, 14 février 2007

Obtenir une table à l’Astrance le jour de la Saint-Valentin est un privilège rare. Christophe Rohat et Pascal Barbot sont tout sourire mais disent : « ce n’est pas encore officiel, ça pourrait ne pas se faire ». C’est de la 3ème étoile qu’il s’agit bien sûr. Nous sommes quatre, ma femme mon fils, son épouse et moi. Nous bénéficions d’une table en étage où nous sommes seuls, alors qu’une table de plus aurait pu être mise. C’est la stratégie de la maison : 25 couverts et pas plus. Ce n’est pas la recherche du profit à tout prix, mais celle de la qualité.

Le menu, qui restera (presque) secret pendant toute la soirée est à base de truffe : Brioche tiède, beurre à la truffe noire / Parmesan fondu au thym-citron / Purée de morue, yaourt au thym, truffe noire / Langoustines et ormeau avec une salade de mâche, truffe noire / Cabillaud caramélisé, fondue de chou pointu  à la truffe noire, jus de persil / Brandade de morue à la truffe noire, beurre de homard / Velouté de céleri, coulis de truffe noire, parmesan / Poulet de la Bresse cuit au sautoir, poireau et truffe noire / Chocolat au lait sur un sâblé / Sabayon au sirop d’érable, poire et pistache, truffe noire / Praliné noisette, lait d’amande, glace au lait d’amande / Mignardises / Lait de poule au jasmin. C’est un festin réalisé avec une extrême sensibilité qui nous retiendra fort tard dans la nuit.

Nous commençons par un champagne Substance de Jacques Sélosse dont le choix est approuvé par Alexandre, fin sommelier. Ce champagne dégorgé en 2004 est composé comme une Solera, c’est-à-dire que l’on rajoute dans des foudres de bois le vin de l’année qui se mélange à ce qui reste des récoltes précédentes. Le champagne arrive trop frais. Il faut attendre pour qu’il s’épanouisse et délivre un aspect fumé, crème brûlée, pain d’épices. C’est manifestement un champagne de gastronomie, très original. J’ai ressenti moins d’émotion que lorsque nous avions goûté ce champagne au délicieux restaurant de Jongieux en Savoie. Je l’ai trouvé ici plus monolithique, salin, manquant un peu d’étoffe. Mais c’est un grand champagne, la critique ne concernant que l’écume des sentiments.

Le Château Chalon Auguste Macle 1959 a une robe d’un or épanoui. Le nez à l’ouverture est une bombe. Rien ne peut égaler la perfection de ce parfum enivrant. En bouche, c’est du plaisir pur. Je ne connais pas de vin blanc qui pourrait rivaliser avec la perfection gustative de ce vin du Jura. Un grand Montrachet trompettera plus fort. Mais il n’aura pas cette trace en bouche. Et l’on a une fois de plus la démonstration que ces vins doivent se boire âgés. Car ce vin jaune a gagné une plénitude, une cohérence qu’aucun vin jeune ne pourrait offrir. Ce vin est un miracle. La noix est présente bien sûr. Mais c’est la personnalité, la longueur immense, qui frappent. Par certains aspects, il me rappelle les vins de Chypre, envoûtants et entêtants en bouche. Par d’autres il me fait penser aux plus beaux des Clos Sainte Hune de Trimbach par les gymnopédies gustatives fringantes qu’ils pianotent tous les deux.

Le Château Rayne-Vigneau Sauternes 1942 a une couleur d’un beau cuivre doré. Le nez est noble. En bouche, la précision de ce Sauternes est exemplaire. Mon fils vient à la même conclusion que moi : ce vin est « la » définition du Sauternes. Il évoque la tarte Tatin, les coings, les fruits d’automne discrètement caramélisés. Je lui trouve du thé que mon fils ne trouve pas. Sur la chair blanche de la poularde d’une tendresse rare, c’est un régal. Sur la profusion de desserts aux goûts kaléidoscopiques, il est moins à l’aise car il n’est pas Fregoli.

La vedette de la soirée, c’est le Château Chalon 1959. Mais la cuisine d’une sensibilité extrême est un grand bonheur. La truffe était explosive sur la brioche, ce que la truffe doit être. J’aurais sans doute prévu un plat de plus où la truffe serait vedette et non Monsieur Loyal. Car même lorsqu’elle fut abondante, elle fut discrète. Le velouté de céleri est éblouissant car il y a un goût, la poularde est magique car il y a une chair. Contrairement aux habitués du lieu, je ne mords pas à la sauce de homard car j’aime la brandade dans sa pureté originelle. La palme de l’accord revient à la feuille de chou avec le vin jaune. C’est à se pâmer. Mon inclination pour les vins anciens me pousserait à simplifier encore certains plats, car je jouis plus des goûts purs que des petites faveurs. Mais je suis en symbiose totale avec les choix de Pascal Barbot, dont les orientations, la sensibilité, la subtilité me plaisent depuis le premier jour où j’y suis allé, à l’époque où l’on disait encore : « l’Astrance ? C’est quoi ? ». Nous avons passé une magnifique soirée dans une ambiance amicale que savent créer Christophe, Pascal et Alexandre. Ce Château Chalon, quelle grandeur !

dégustation de Châteauneuf-du-Pape à Mechelen (Belgique) mardi, 30 janvier 2007

Voici les photos de l’un des participants de ce dîner :

http://www.pixagogo.be/7870934100

Voici mon compte rendu :

Un habitué du forum de Robert Parker lance l’idée d’un dîner avec de vieux Châteauneuf-du-Pape. L’idée m’excite. Nous échangeons des mails. Je sais que je vais rencontrer deux ou trois personnes qui assistaient au très agréable dîner organisé à Anvers où j’avais apporté un Chypre 1845. Les mails s’échangent. Je ne lis pas beaucoup toutes ces mises au point. Je capte au passage un mail où l’un des participants annonce un vin du 19ème siècle dont il ne veut pas dévoiler le nom. Tout cela sent bon.

En fait, la notion de « vieux » n’est pas la même pour tout le monde, et celui qui avait proposé une bouteille du 19ème siècle ne vint pas. La définition n’était plus la même. Ce qui n’empêcha pas que je passe une bien agréable soirée avec des passionnés.

Arrivant en avance, j’ouvre les vins dans le restaurant Folliez à Mechelen au nord de Bruxelles, restaurant à la délicieuse décoration comme seuls les belges savent le faire, et doté d’une étoile Michelin qui sera confirmée dans l’assiette intelligente.

Nous démarrons par le champagne Dom Pérignon 1998 qui est parfait, fait de fleurs et fruits frais. Le Condrieu La Bonnette Rostaing 2005 est fait d’épices, de bacon, de litchi et de légume vert sec comme l’artichaut. Le Condrieu Les Terrasses de l’Empire de Georges Vernay 2005 est plus souple, doté d’une fin poivrée. Il est très différent, et sent la fleur d’oranger. Le Rostaing est plus brutal, le Vernay plus fluide. Je préfère le plus brutal mais le fluide est joli. Le Vernay s’ouvre sur le thon presque cru, s’épanouit. Ce sont deux grands vins à qui un peu d’âge ira bien.

Nous avons ensuite des rouges par séries de trois. Un Châteauneuf-du-Pape Arthur Barolet négociant à Beaune 1979, un Châteauneuf-du-Pape Raymond Usseglio 1986 et un Châteauneuf-du-Pape Château de la Gardine 1973. Le 1986 a un nez de pétrole. Le 1979 fait bourguignon ancien, avec des pruneaux, des fruits rouges brûlés. Son alcool est fort. Le 1973 que j’ai apporté est déjà un vin ancien. Je l’aime beaucoup sur le flétan. Je classe en tête le 1979, puis le 1973 et enfin le 1986 dans cette série peu convaincante.

Viennent ensuite un Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier vers 1960 (année illisible), le Châteauneuf-du-Pape J. Mommessin 1933 que j’ai apporté (il s’agit de la maison bourguignonne fondée en 1865, célèbre pour son Clos de Tart) et un Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaucastel rouge 1954 dont la bouteille soufflée à la main et lourde est très ancienne. Le Chapoutier est très beau. Toute cette série est vraiment très belle. On attend très longtemps que le plat arrive, et le 1933 est éblouissant, nettement plus jeune que le 1954. Son niveau parfait et son bouchon remarquablement intact impressionnent mes convives.

Nous avons ensuite trois Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes, le 1988, le 1983 et le 1985. Le 1988 est un peu strict, limité, sévère. Le 1983 est brillant. Le 1985 est entre les deux, puis me plait plus. Les trois sont assez âpres, au goût de poivre et de tabac. Ils représentent le Châteauneuf-du-Pape dans sa maturité.

Nous suivons avec trois Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Laurence, le 1983, le 1995 et le 2001. Ce Châteauneuf-du-Pape est extrêmement célèbre et à la mode sur tous les forums. J’avais eu extrêmement de mal avec son da Capo 2003, vraiment loin de tout vin habituel. La densité du 1983 est superbe. C’est beau, dense, franc, fait de poivre, de cassis, de tabac et de bois. Le 1995 est strictement identique avec simplement un peu plus de fruit rouge. Le 2001 est une promesse de grand vin, mais pour mon palais, c’est encore trop jeune. Le 1983 est éblouissant sur la viande de veau.

La dernière série est : Châteauneuf-du-Pape Bonneau 1996, Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 1989 et Châteauneuf-du-Pape Clos du Caillou 1998. Le 1996 est un peu coincé, le 1989 n’est pas encore ouvert et le 1998 est magnifique, d’une structure précise. C’est un beau vin. Quand le 1989 s’ouvre, il prend le pas sur les deux autres. Je fais mon classement et l’un des convives demande qu’on fasse notre tiercé.

Le 1933 Mommessin obtient 3 places de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 2001 Pegau emporte 3 places de premier et 1 place de troisième. Le 1983 Pégau reçoit 1 place de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 1989 Beaucastel gagne 1 place de premier, 1 place de second et 1 place de troisième. Le classement final des huit convives dont deux britanniques, cinq belges et un français est : Mommessin 1933, 2001 Pégau et 1983 Pégau. Je suis assez content que mon vin, le plus ancien de la soirée, ait été apprécié par des palais plus enclins à boire des vins jeunes, et placé en vainqueur. Le plus ancien et le plus jeune ont été couronnés. Une belle prestation de vins de Châteauneuf-du-Pape de grand talent qui démentrent qu’ils savent braver le temps. On était loinde ma définition des vins « vieux ». L’ambiance fut amicale, décontractée, sans étalage d’érudition. Une soirée épuisante, car il me fallait rentrer à Paris, mais réussie, dans un restaurant qui mérite le détour.

J’ajouterai deux remarques : le Mommessin 1933 plaisait tellement à tous que nous avons dit, à titre de plaisanterie : "il doit y avoir du bourgogne dans ce Chateauneuf pour qu’il soit si bon !", ce qui est amusant, car à l’époque, les baptêmes se faisaient plutôt dans l’autre sens. Et la deuxième est que je pensais que dans l’engouement pour Pégau, il y avait un peu un effet de mode ou un effet Parker. Or, si un 1983 est aussi bon, c’est la preuve irréfutable que ce domaine a une grande valeur, au delà des effets de mode. Et ça m’a plu.

de beaux vins en famille samedi, 27 janvier 2007

Nous allons déjeuner chez ma fille cadette. Le niveau des vins est sérieux. Un Château Laville Haut-Brion 1979 est absolument serein. L’image qui me vient en goûtant ce plaisir si naturel, c’est l’échauffement de champions de tennis. Sans le moindre mouvement apparent ils sont sur la balle, la propulsent avec force sans avoir l’air d’y toucher, et elle arrive là où il faut pour que le futur adversaire enchaîne dans une belle fluidité. Le Laville c’est ça. Il a du citronné, il a du miel et du beurré, et ça s’emboîte comme par magie. Qu’on lui présente du parmesan, du jambon espagnol ou du céleri, il est là, et renvoie des goûts qui font mouche. Le Château Léoville Poyferré 1967 est beaucoup moins détendu. Il arrive assez froid, tendu, et il faut la belle chair de la lotte aux morilles pour qu’il prenne des couleurs et devienne sociable. Il devient confortable, plaisant, sans grande complexité. Le Château Gilette crème de tête 1982 est le croupier du casino : tout passe par lui et il ramasse la mise. Malgré sa jeunesse il a une belle assise, et comble joyeusement nos papilles. Le lendemain mon fils vient déjeuner. Nous descendons en cave pour dénicher des vins qu’il faudrait boire. Un Corton Charlemagne Paul Bouchard 1971 a mauvaise mine. Malheur, le bouchon est tombé dans le vin. Anormal pour un 1971. Notre esprit de sacrifice cesse en voyant une bouteille de Vega Sicilia Unico 1991 que j’avais oublié de ranger. Elle n’était pas en casier. Elle n’ira pas.

Nous goûtons le Corton Charlemagne très foncé, et pendant quatre à cinq secondes, c’est assez plaisant. Puis c’est horrible. Nous n’irons pas plus loin que deux gorgées, la deuxième pour vérifier. C’est trop tard. Sur un filet de biche, le vin espagnol est éblouissant. De belles évocations nous viennent. Mon fils pense à la violette. Je vois des fruits rouges pâles comme la framboise ou la groseille. Ce vin est naturel, franc, simple dans l’expression, étonnamment porteur de bonheur. Il a la finesse des grands vins de Bordeaux et le sourire ensoleillé des grands vins du Rhône. C’est peut-être une synthèse parfaite des vins de plaisir. L’accord avec la biche est extraordinaire, car le vin s’amuse à imiter les petites baies de montagne qu’on ajoute parfois à cette chair. Nous nous regardions, mon fils et moi, conscients de la grandeur de ce vin quasiment idéal.

My friend Steve makes a great dinner lundi, 22 janvier 2007

My friend Steve will come to meet me in Paris for a great dinner.

We met last year once in Paris and once in San Francisco. See reports by clicking on :

dîner Paris

dîner San Francisco

Another friend sent me an email about one fabulous dinner that Steve organised on Januray 20th. I do not resist to the pleasure of letting you know how it was :

Last night four people joined Steve Wolking for a dinner he hosted in San Francisco. The five of us met at the same hotel, where we dined with you last May (2006). Your name was mentioned, many times throughout the evening, François. This evening was so full of surprises we all told Steve that we are expecting François to appear to us as the crescendo of all crescendos. As you know, you did not appear to us, yesterday evening, in human form, but the mysteries of life were so revealed that we believe that the angel Gabriel might have presented himself to us and given the message, from the One above. I say this remark as by the end of the evening we were kneeling reverently with the utmost of humility.
 
Your friend, Steve Wolking, present one bottle at a time and did not tell us (not producer, region, vintage, grape varietal) what it was until after we enjoyed the wine with a coarse of very fine cuisine. The chef, for the evening, was from Hamburg and understood what was necessary in his role. He understood what great chefs rarely realize and I can say that not a single dish interfered with the wines we enjoyed, double blind. Yes double blind throughout the meal. Steve compelled us to sip and enjoy each wine. We could make guesses for the wine after enjoing them for awhile. So four out of five could first sip, think and enjoy the experience. No comments about the wine were made aloud. The music played for each wine and its course and toward the end of each course our thoughts were requested as to what we thought was in the glass. This method was torturous, in a way, but the wines were so magnificent it was an unusual thrill. 
 
There were ten bottles (750 ml) in total. Normally, this would be too much wine. Three smaller glasses where also shared with our private sommelier (the Chinese-American gentleman sommelier you met in May) and the chef and in-house sommelier.
 
The cuisine: hors d’ouerves — Cavier, smoked salmon, oysters; With the courses: hokaido scallop crudo with white asparagus and blood orange salad; pan-seared foie gras with cippolino onions and cherry confit; veal loin with sweetbread croquette and a natural veal reduction; roasted rack of venison with beet spaetzle; stuffed lamb saddle with Israeli couscous; beef zauton and braised kobe beef shortribs with smoked potato puree and daikon redish jus. Blue d’auvergine for the cheese course.
 
The wines:
 
1979 Krug then 1959 Krug
1959 Ygrec
1924 Vouvray Gaston Huet Le Haut-Lieu
1974 Chateau Lafite Rothschild
1949 Chateau Lafite Rothschild
1924 Chateau Lafite Rothschild
1899 Chateau Lafite Rothschild
1874 Chateau Lafite Rothschild
1924 Yquem
 
The Krugs were as you would know them to be. I guessed the first champagne correctly and correctly guess the year of the 1959 Krug, given its color and weightiness. I do not believe in the quick guesses as the wines take time to show themselves as they are from the terroir. A great start as I love Krug with great intimacy.
 
The Ygrec 1959 was an enigma. It was flora and petrolly on the nose. It was sweet, no wait, it is dry. It was complex with all sorts of nuances that would not end. It was elegant and balanced and galloped with perfection with a multitudes of fruitiness. What a lovely wine. It was magic itself and I could have gone home, at this point, "happy as a clam". We had scallops, so maybe I should say happy as a scallop. When it was time to say what this wine was we thought about German riesling, but said, "no". Alsatian…not from Steve. Dry Sauternes we guessed, but went no further.
 
Steve Started with the 1974 Lafite because this wine was produced during the "low-point" in Bordeaux. We had this wine alone. What we found was a well balanced, nicely fruited wine. It was not dry-out, but offered a nice pleasure. A great luncheon claret that did not show its age of 33 years. It would be great with a cold lamb sandwich with grilled onions and grilled red bell peppers. This wine was used as a launching pad into a realm of Lafite none of us expected as our group shuns these verticals. From this point, Steve goes back every 25 years to reveal Lafite over a 100 year period. It was an highly intellectual, highly hedonistic as the wines were superb, every last one.
 
The 1949 and 1924 Lafites showed very well. These wines were regal and very complete — the 24 was concentrated and dense, the 49 a little lighter in taste and a little sweeter than the 24. I am sure you have enjoyed both these wines. What made the experience so nice the match with the cuisine.
 
When the 1899 was enjoyed, and the next wine was to follow. We did not imagine Steve would pull out another, older wine. By the time this unkonown wine was poured in each person’s glass we were exhausted playing Steve’s adventuresome game. We were overwhelmed with the shear pleasure of these wines and could not imagine where he would go from an 1899 Lafite. Would he pull out another Lafite? It must be a younger wine or a fragile vintage not an older wine.
 
The 1899 and 1874 Lafites were unreal and unbelievably fresh. As great as the 1949 and 1924 were the last two wines towered over them.  The 1899 and 1874 was simply more of everything, compared to the two younger Lafites. They had an unimaginable vibrancy and were both plush and precise, with great minerality. In the mouth these wines were like liquid cashmere. Even still, the 1874 was denser, sweeter, rounder and more fragrant. Could this be due to it was a pre-phylloxera vintage? I do not know.
 
All I could do was enjoy the experience and stop thinking — I was simply experiencing a remarkable moment amongst friends.
 
The Yquem 1924 was marvelous. This was a rather sweet wine with great fruit and complexity. It was glorious.
 
What a great Saturday evening.
 
I hope you are well François!
 
James

People live well on the Pacific Coast !

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge 1972 dimanche, 21 janvier 2007

Voici l’étiquette et la contre étiquette de cette Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1972.

D’abord, c’est la première fois que je fais attention à cette mention « Marey-Monge », dont une description est donnée ci-après.

Ce qu’on remarque sur l’étiquette, c’est que la signature est de Lalou Leroy Bize et de Aubert de Villaine. Sur la contre étiquette, c’est H. de Villaine qui signe, de la même écriture, et le H et le A ne peuvent être confondus. Henri certifie 20.772 bouteilles, comme Aubert signe qu’il y en a eu 20.772. Celle que nous buvons ce soir a le n° 07896.

Plusieurs choses sont étranges. D’abord la bouteille est bleue comme les bouteilles de guerre. C’est probablement une bouteille récupérée. Ensuite, l’étiquette au dos est en anglais, et dit : « I certify that the vineyards and the wine cellars of the Domaine Marey-Monge have operated under my control in the 1972 vintage and produced 20.772 bottles Romanée-St-Vivant Grand Cru red wine bottles at the Domaine ». Et c’est signé H. de Villaine avec strictement le même graphisme que pour Aubert (qui n’a pris les rênes après son père qu’en 1974).

Pour rendre les choses encore plus simples, voici une autre étiquette du même vin : étiquette

Le niveau de la bouteille est bas. Quand j’ouvre la capsule, le haut du bouchon a une odeur épouvantable. Le bouchon a baissé dans le goulot, et je suis obligé de piquer doucement pour qu’il ne tombe pas. Il tourne dans le goulot sous mes efforts. Je retire un bouchon en lambeaux comme s’il s’agissait d’un vin des années 30. Ce vieillissement tout à fait anormal est-il dû au fait que la bouteille serait allée à l’étranger, y aurait subi des traumatismes thermiques, et serait revenue en France pour y trouver un client naïf ?

Le premier contact est intéressant, car c’est une bouteille que tout le monde refuserait. Mais mon fils et moi, nous avons l’habitude. Et sous le voile de défauts, nous savons lire. Et l’on peut deviner que ce vin a un fort potentiel. Nous sommes dans la même situation que le touriste qui voit le viaduc de Millau dans sa voiture sous la pluie. On sait que c’est beau, mais le pare-brise est mouillé. Alors, on imagine. Et ce qu’on imagine est grand. J’ai eu peur d’un début d’évanouissement du vin (ouvert depuis trop peu de temps) aux deux tiers de la bouteille. Tout est reparti dans l’ordre et le fond de bouteille m’a donné le plaisir d’un grand vin virtuel, puisque seule l’imagination permettait d’en jouir.

Voici le texte que j’ai trouvé sur « Marey-Monge ».

Le monastère de Saint Vivant occupe une place importante dans l’histoire de la vigne et du vin. Il en est de même du chapitre collégial de Saint-Denis, à quelques centaines de mètres du monastère sur la colline de Vergy : il est notamment à l’origine du Clos Saint-Denis à Morey Saint-Denis.

Saint Vivant reçoit du duc de Bourgogne Hugues 11, le 13 novembre 1131, les biens qu’il possédait dans toute la terre inculte de Flagey et de Vosne, en bois et en champs. S’agit-il de la confirmation des donations antérieures de Manassès et d’Ermengeard ? Peut-être. Ce finage semble être resté auparavant dans un état d’abandon. Au nord, l’expansion des communautés religieuses ne dépasse guère Gevrey-Chambertin. L’abbaye de Cîteaux est fondée en 1098 et elle prend pied aussitôt dans la Côte (le futur Clos de Vougeot en particulier). Il est probable que Cluny souhaite affirmer sa présence face à cette vague conquérante.

L’histoire de Saint Vivant sera liée pendant quelque 650 ans à celle du vignoble de Vosne-Romanée, à celle de ses terroirs et de ses crus, à celle du pinot noir. Ce domaine demeure assez stable en superficie au fil du temps et les acquisitions ou échanges seront peu nombreux après 1131. Il existe ici la maison du prieur, des installations viti-vinicoles-cuverie et caves, le vendangeoir qui subsiste aujourd’hui encore rue du Temps perdu – auprès des " Cloux de Saint Vivant " (Cloux signifiant Clos, mais ce concept signifie en Bourgogne et au Moyen Age une entité foncière qui n’est pas nécessairement ceinte de murs).

On sait qu’au début du XVI’ siècle Saint Vivant possède ici, outre quelques pièces de vigne éparses sur Vosne et Flagey, le Clos des Neuf Journaux, le Clos du Moytan (cinq journaux), le Clos des Quatre journaux et le Clos des Cinq journaux. Le journal est une unité de superficie (34 ares environ). Le Clos des Cinq journaux, cédé en 1584, deviendra La Romanée-Conti.

La Romanée de Saint Vivant (ce nom apparaît pour la première fois en 1765, mais était d’usage sans doute courant depuis longtemps) forme une seule pièce de dix-huit journaux (les anciens Clos du Moytan, des Neuf Journaux et des Quatre journaux) vendue par la Nation (les " Biens nationaux ") le 22 janvier 1791 à Nicolas Joseph Marey, conventionnel nuiton et gendre de Gaspard Monge. Le Clos des Quatre journaux sera acquis en 1898 par la famille Latour. D’autres divisions ont lieu mais La Romanée Saint Vivant conserve son unité de grand cru. Monopole Marey-Monge jusqu’en 1898, elle appartient de nos jours à une douzaine de domaines bourguignons, sur 9 ha 43 a 74 ca, dont 5 ha 28 a 58 ca ainsi que le vendangeoir appartiennent au Domaine de la Romanée-Conti, pour une production totale de 35.000 à 40.000 bouteilles par an.

Le monastère de Saint Vivant valorisait sa Romanée que l’on trouve citée aux côtés des Chambertin, Richebourg et Clos de Vougeot sur le livre de cave de Louis XVI à la fin du XVIlI° siècle. En revanche, l’anecdote de ce vin prescrit par Fagon à Louis XIV est dépourvue de fondement historique. Saint Vivant possédait d’autres vignes, notamment dans les Hautes Côtes, les vinifiant au monastère qui disposait d’un pressoir et de vastes caves. Ces caves du monastère à Vergy ont encore servi au XII siècle, malgré l’abandon des bâtiments. La Maison Liger-Belair y élevait ses vins, estimant qu’ils vieillissaient en paix sur la colline plutôt qu’à Nuits-Saint-Georges dans le bruit incessant des… voitures tirées alors par des chevaux, On a recueilli les souvenirs d’un vieux vigneron de Bévy, Emile Devedeux né en 1888. Mon grand-père, disait-il, était le jardinier des moines de Saint Vivant.

Quand ils sont partis, à la Révolution, ils lui ont dit Tiens, si on ne revient pas, tout cela est à toi. Mais d’autres sont venus et on a tout vendu..

jolie histoire de ce « Marey-Monge » vinifié et vieilli à la Romanée Conti

Un champagne Salon 1982 absolument fantastique mardi, 16 janvier 2007

De plus en plus, je considère le restaurant Ledoyen, le trois étoiles de Christian Le Squer comme l’une des grandes tables de Paris. Devant organiser le 81ème dîner de wine-dinners à cet endroit pour la deuxième fois, j’ai trouvé de mon devoir, suivant mon esprit de sacrifice, d’aller goûter quelques plats pour vérifier l’adéquation avec les vins prévus. Et, considérant que mon sens du devoir nécessitait une abnégation totale, je choisis dans la carte des vins : champagne Salon 1982, l’une des plus grandes réussites de Salon.

Les petits amuse-bouche plantent le décor du talent du lieu. Ici l’on est marin, breton et raffiné. Cela permet à un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1995 offert par Géraud au verre de briller et de s’exciter de ces saveurs marines et terriennes. Les plats que mon épouse et moi avons pris ce jour là ne furent pas choisis pour les vins du dîner prochain, mais me remirent en mémoire le talent du chef. Sa langoustine en deux préparations est exceptionnellement bien cuite, ni trop ni trop peu, et son anguille est chaque fois pour moi un vrai bonheur. Les oursins que je goûtai dans l’assiette de ma femme sont éblouissants sur le Salon 1982, qui est un champagne d’une formidable personnalité. Il se présente poliment, et m’annonce comme dans le film « les visiteurs du soir », qu’il s’invite dans mon palais qu’il va investir et dominer. Le message est réellement envahisseur. Il sait accepter un plat ou le combattre, coupe la parole à toutes mes sensations. C’est à peu près Georges Marchais acceptant de participer à un dialogue à la condition d’être le seul à parler. Conquis, j’ai cédé à son invasion et à son incursion dans mon subconscient. Il m’a totalement dominé.