Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner au restaurant Taillevent avec des demi-bouteilles mercredi, 25 mai 2022

Dans une semaine, je vais faire le dernier grand repas de mon année « scolaire » au restaurant Taillevent. Je vais livrer les vins du dîner et j’en profite pour venir déjeuner en invitant quelqu’un qui a une grande expertise des vins, mais des vins jeunes.

Il se trouve que j’ai acheté récemment des vins anciens en demi-bouteilles. C’est l’occasion de vérifier si la petitesse du format a une influence sur la longévité des vins. Je suis arrivé au restaurant avec très peu d’avance. On peut donc considérer que les vins sont ouverts au dernier moment. Aux quatre flacons apportés, j’ai ajouté le reliquat de deux vins bus au Yacht Club de France qui pourraient ainsi composer un programme excitant.

Le restaurant propose un repas à trois plats qui me paraît insuffisant pour la variété des vins que j’ai choisis. Le menu Héritage Taillevent à quatre plats me semble beaucoup plus conforme à la diversité des vins. Il comporte : langoustines, boudin « Tradition Taillevent », fenouil confit, sauce choron, graines de courges, Brocciu / filet de bœuf façon Wellington, morilles au sarrasin, asperges blanches gratinées au vieux Comté, pomme purée / plateau de fromages / Chocolat, chocolat, chocolat.

Le Champagne Pol Roger ½ bouteille 1969 a une belle couleur d’un ambre jeune. En bouche même si le champagne n’a pas de bulles il a un beau pétillant. Le champagne est large, riche et agréable à boire.

Le Champagne Ayala ½ bouteille 1979 est beaucoup plus fluide et frais que le Pol Roger. L’un, le 1969 est dans la force et la puissance et l’autre, le 1979 est dans la fraîcheur féminine. Aucun des deux ne semble avoir eu une évolution différente de celle qu’il aurait eue en bouteille.

Si les champagnes ont idéalement accompagné les subtils amuse-bouches et la langoustine, il me semble que les deux vins liquoreux vont accompagner idéalement le boudin.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 ouvert il y a deux jours a une belle fraîcheur qui m’évoque un peu les vins de glace autrichiens mais il est plus consistant qu’eux.

Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est absolument magique. Avec deux jours de plus il est d’une largeur incroyable. C’est un vin glorieux, souriant, riche et accompli. Il va trouver un étage supplémentaire de sa fusée avec les morilles qui sont à se damner.

Le filet de bœuf en croûte est copieux. Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes ½ bouteille 1971 lui aussi ne laisse pas penser qu’il aurait évolué différemment en bouteille. Il est riche et joyeux, subtil et entraînant et montre que son année est grande.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné ½ bouteille 1962 est un vin que j’adore et que je considère comme très proche du légendaire 1961. Celui-ci est merveilleux. Il a tout pour lui. Sa complexité est infinie et son épanouissement est parfait. C’est un très grand vin, idéal sur la viande.

Nous avons essayé les vins doux sur les fromages et pour le dessert au chocolat plus que copieux, c’est le Zind Humbrecht qui s’est montré le plus cohérent même si le Clos des Papes était possible.

Le classement que nous avons fait avec mon invité en retenant le meilleur de chaque série est : 1 – Hermitage 1962, 2 – Rangen de Thann 1994, 3 – Pol Roger 1969. Je suis très heureux d’avoir assemblé des vins d’une telle diversité.

La cuisine du chef Giuliano Sperandio est remarquable et devra être couronnée rapidement par des étoiles. J’ai retrouvé le Taillevent que j’aime, dans sa splendeur. C’est réconfortant.

Nous avons ensuite travaillé, le chef et moi, à la composition du menu du 265ème dîner. Je pense que nous allons nous régaler.

Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France lundi, 23 mai 2022

C’est à mon tour d’inviter mes amis du club dont nous sommes, sauf un, tous des conscrits. Etant sensible aux efforts et aux soins du gérant de la cuisine et la salle à manger du Yacht Club de France, Thierry Le Luc et du chef de cuisine Benoît Fleury, j’ai invité mes amis à déjeuner en ce lieu.

Nous aurons à l’apéritif des huîtres de Marennes et des bulots. Le menu sera : assiette de langoustines / filets de rougets français et noix de Saint-Jacques rôties, courgettes, mini giroles, pommes gaufrettes et sauce crustacés / fromages / tarte Tatin aux pommes et mangues.

Nous commençons par le Champagne Moët & Chandon Vintage 2002 que je trouve un peu épais et lourd, mais c’est parce que ma bouche n’est pas prête à le déguster. Il devient plus courtois sur les huîtres d’une fraîcheur marine rare.

C’est surtout le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007 que j’attendais sur les huîtres car le blanc de blancs est fouetté par les brises marines de ces huîtres. Les bulots parfaits parce que frais s’expriment bien avec le Moët.

L’assiette de langoustines est impressionnante de générosité. J’avais envisagé que pour le plat de poisson nous pourrions examiner comment fonctionnent les accords avec des vins secs et des vins plus doux. Dans ce programme, j’avais imaginé que le magnum d’Altenberg de Bergheim Marcel Deiss 1994 représenterait les vins secs. Erreur absolue. Ce vin à la couleur presque orangée est résolument doux et délicieux. Il est parfait avec les langoustines si douces.

Le plat de rouget mêle des saveurs distinctes mais cohérentes et la sauce va créer l’accord entre le poisson et les vins doux. Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est d’une grande délicatesse associée à une force plus grande que celle du vin de Marcel Deiss. C’est ce pinot gris qui profite le mieux de la sauce.

Une remarque au passage. Alexandre de Lur Saluces a toujours défendu l’accord des sauternes avec les asperges. J’ai pu constater que les vins d’Alsace de vendanges tardives se sont mariés avec bonheur aux asperges du plat de poisson.

J’avais apporté trois vins rouges qui avaient été servis hier au déjeuner d’anniversaire de ma fille et dont il restait de quoi déguster. Chacun de ces vins a gardé une belle solidité. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano 1967 est solide et parfait pour les fromages. Le Château Trotte Vieille 1967 est toujours aussi gracieux et le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est toujours aussi noble et puissant. Ils sont tous les trois adaptés aux beaux fromages.

J’ai tenté un Munster fort sur le vin de Deiss et cela a marché.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 nous emmène dans le territoire du Grüner Veltliner. Le vin est profond, riche, avec des notes de miel. Ce vin est frais et idéal pour la délicieuse tarte Tatin.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge années 60 est d’une grande élégance de champagne ancien. Il a agréablement créé le point final d’un repas réussi.

Nous avons parlé de tout et de rien et beaucoup moins de politique qu’en certains repas.

quelle taille !

Anniversaire chez ma fille aînée dimanche, 22 mai 2022

C’est l’anniversaire de ma fille aînée et je suis invité chez elle comme un peu plus d’une quinzaine de ses amis. J’ai décidé de contribuer au programme des vins. J’arrive vers 11 heures pour ouvrir mes vins. Avant l’arrivée des convives nous trinquons en famille sur un Champagne Billecart-Salmon Brut sans année qui est fort agréable à boire, frais et tonique.

Lorsque presque tout le monde est là je propose que nous buvions un Byrrh en bouteille d’un litre pour s’éclaircir le palais et le préparer aux champagnes. Ce vin doux est d’une douceur charmeuse extrême accompagnée d’une belle amertume de fruits orangés et leurs zestes, mais aussi de quinine et autres ingrédients. C’est tellement agréable qu’on en reprendrait mais le breuvage est comme les sirènes sur la mer, il est envoûtant et perfide. Je n’avais pas remarqué qu’il y avait écrit à la main sur l’étiquette « Mars 1938 ». J’aurais volontiers dit que ce Byrrh est des années 50. Il est probablement d’avant-guerre, ce qui ajoute à son charme.

J’ai apporté deux bouteilles de Champagne Pommery Brut Royal sans année. Je n’imaginais pas qu’ils soient aussi vieux car en retirant les bouchons et en voyant la couleur ambrée et l’absence de bulle, on est de plain-pied dans les années 60. Pour beaucoup, c’est une découverte car l’idée que les champagnes ne vieillissent pas a la peau dure et subsiste encore. Ce champagne est délicieux, rond et presque doux.

Le Château Brane Cantenac 1978 est d’une construction parfaite. Il est épanoui et serein. Le Château Trotte Vieille 1967 a une jeunesse qui surprend aussi les amis de ma fille. Il est d’un charme subtil.

Au contraire, le Château de Sales Pomerol 1985 est un solide guerrier droit et carré, vin conquérant. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano en Italie 1967 m’est totalement inconnu. Il est agréable à boire même si nous n’avons pas beaucoup de repères. Il est bien construit et aussi solide. Une belle découverte d’un vin simple.

Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 est une merveille de charme. Toute la Bourgogne se trouve dans ce vin charmeur, subtil et réussi. Un grand moment.

Le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est costaud. Conquérant il sait être accessible, il a des façons de toreros. C’est un vin noble et puissant et gouleyant.

Sur un délicieux roquefort nous avons bu deux bouteilles de 50 cl de Tokaji Escenzia Aszu 1988 toujours aussi doucereux et convivial. Un vrai bonheur.

La vraie curiosité, c’est le Champagne Vve Laurent Perrier Medium Demi Sec qui doit être très vieux, peut-être des années d’avant-guerre, que j’attendais doux et qui se révèle sec, dry, avec des saveurs énigmatiques, lançant nos papilles sur des pistes trompeuses, chargées d’énigmes. Plusieurs convives ont plébiscité ce champagne que je trouve inclassable tant il déroute. J’ai appris par la suite en me renseignant que le mot « Vve » (veuve) a disparu en 1948 sur les étiquettes. L’hypothèse avant-guerre est donc bonne.

Ma fille avait préparé des tas de petits fours d’apéritifs et des plats originaux délicieux. Ma petite-fille a réalisé un fraisier réussi d’un talent fou.

Dans une ambiance amicale et affectueuse, nous avons voyagé dans les saveurs des plats et dans l’éclectisme des vins. Chacun est reparti heureux d’avoir retrouvé des amis ou des parents pour un événement d’une grande sensibilité.

avant et après

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur jeudi, 19 mai 2022

Nous sommes quatre camarades de la même promotion de notre école à nous retrouver au restaurant Le Sergent Recruteur du chef Alain Pégouret. Sans qu’on me l’ai demandé, j’ai apporté trois vins. Nous n’en boirons que deux.

Les plats que nous prendrons sont : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / cabillaud dans l’inspiration d’un bœuf carotte épicé. C’est le sommelier Aurélien qui ouvre les bouteilles quand mes amis sont arrivés car je ne savais pas combien viendraient et j’ai attendu que nous soyons au complet.

L’Hermitage Blanc Chante Alouette Chapoutier n’a pas de millésime lisible et il n’a pas dû en avoir car les autres bouteilles que j’ai en cave ont la même absence d’année. Au vu du bouchon et à la couleur, je penserais à un vin des années 60. Il est agréable mais je suis un peu gêné par sa sécheresse. On imaginerait que l’on est en train de sucer des tiges de blé. Heureusement le tourteau le rend plus agréable.

Le vin rouge que j’ai apporté est un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1985 au beau niveau. Aurélien me dit qu’il n’est pas satisfait de l’odeur de ce vin. Il est vrai qu’il n’a pas bénéficié de l’oxygénation lente. Mais je suis moins critique et assez rapidement le vin va s’arrondir sur le très goûteux cabillaud. Il deviendra même très confortable.

La cuisine d’Alain Pégouret est bien faite et explore des accords audacieux pertinents. Ce fut un bon déjeuner amical. Nous avons beaucoup parlé de démographie, le sujet le plus préoccupant pour la planète. C’est agréable de bavarder avec des amis de plus de soixante ans.

Dîner au restaurant Ôrtensia mercredi, 18 mai 2022

Un ami a découvert un nouveau restaurant qu’il tient absolument à nous faire essayer. Il s’agit du restaurant Ôrtensia qui a pris la succession de l’Astrance où avait officié Pascal Barbot avec qui j’avais organisé des dîners mémorables. Le chef Terumitsu Saito et son associé ont réussi une décoration de grand talent. Le sommelier Romain me reconnait et bien sûr nous bavardons.

Etant avec ma femme en avance j’ai le temps de consulter la carte des vins et mon œil est attiré par la première page, celle des bières, où le nom de Cantillon est cité près de dix fois. Il se trouve que j’ai été extrêmement impressionné par cette brasserie que j’ai visitée il y a douze ans et qui m’a permis de goûter des bières hors norme remontant sur quarante ans. Il est impossible que je laisse passer l’occasion de boire des bières de cette qualité. Je vois d’autres vins qui me tentent mais il faudra les valider avec mon ami qui a la gentillesse de nous inviter.

Le menu sera fait de daurade, asperges, turbot, Wagyu et langue de wagyu. Seul le dessert est optionnel. Mes trois convives prendront un millefeuille et je prendrai des fraises des bois à la meringue.

Les amuse-bouches plantent le décor. Ils sont le fait d’un cuisinier de grand talent. Les saveurs sont subtiles, précises et complexes. De l’art pur. La Bière Cantillon Gueuze « Le Plaisir » est récente. Elle est marquée par une acidité très présente, qui élargit le goût en bouche. Elle est large, profonde et tellement déroutante. Elle s’accorde à toutes les myriades de saveurs d’une invention généreuse comme une aile de poulet qui cohabite avec du homard et de complexités aventureuses réussies.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Roussanne Vieilles Vignes 2019 est dans une période heureuse. Il est jeune mais on ne le sent pas tant son fruit est plein et joyeux. C’est un vin souriant qui va accompagner les deux poissons cuits à la perfection. Il connaîtra sans doute une période de calme et deviendra brillant dans vingt ans. Mais à ce stade de sa vie, il a toutes les qualités d’une belle jeunesse ensoleillée.

Entre les deux poissons il y a un plat à base d’asperge qui est accompagné par la Bière Cantillon Gueuze 2003. Elle est beaucoup plus sauvage que la bière « le plaisir » et elle explore des saveurs où le sel et les blés sont présents. Ce voyage dans l’inconnu ravit mon ami et son épouse. Et la cuisine française revue par un japonais talentueux est idéale pour cette bière énigmatique.

Le bœuf Wagyu est superbement cuit et forme un accord doctrinal avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2009 riche, vif, plein et si sereinement complexe. Un bijou. Ma femme est la seule qui a reconnu que le deuxième morceau de wagyu est la langue de l’animal. Le plat et l’accord sont un rêve.

Il est évidemment quasi impossible de hiérarchiser deux vins et deux bières, mais la prime à l’originalité ira aux deux bières et la prime à la noblesse ira au Rayas 2009.

La probabilité que Romain et moi connaissions la même brasserie était infime. Je suis content d’avoir saisi cette opportunité de découvrir ces bières irréelles. La cuisine du chef est inventive, subtile et remarquablement exécutée. Notre ami a eu raison de nous inviter car ce fut une magnifique expérience. A recommencer bien sûr.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 15 mai 2022

Ma femme voulait inviter deux de nos petites-filles au restaurant l’Ecu de France. Je décide au dernier moment de me joindre à ce groupe dont l’absence de parité est évidente. Sur le parking il y a deux gigantesques limousines blanches que l’on voit plus fréquemment à Las Vegas que dans les banlieues parisiennes. L’Ecu de France est connu pour accueillir les repas de mariages ou de grands événements.

Dans la carte des vins je choisis un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle et je demande à Hervé Brousse, le directeur du restaurant, qu’il choisisse la plus vieille bouteille qu’il a en cave. Le deuxième vin sera un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 pour lequel je souhaite qu’il ne soit ouvert que lorsque le plat qu’il accompagne sera servi sur table.

Les plats que j’ai choisis sont : ravioles de coquilles Saint-Jacques et viande de bœuf.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est élégant. Mais la bouteille la plus ancienne est malgré tout très jeune. C’est un champagne que l’on doit absolument laisser vieillir en cave. Malgré sa jeunesse, il accompagne subtilement l’amuse-bouche et le premier plat. C’est un champagne dont j’apprécie le romantisme.

Au restaurant, je demande qu’on ouvre les vins rouges jeunes au dernier moment pour profiter de l’éclosion de la fraîcheur des vins. Cette sensation dure environ pour la moitié de la bouteille puisqu’après, le vin ayant eu une aération plus grande, devient plus serein et moins fragile. Il est agréable de constater que boire le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 n’est pas un infanticide. Il a déjà une très belle personnalité, et la délicate fragilité qu’il montre au premier contact est un bonheur rare. Le vin est riche, plein d’énergie mais ce sont ses frémissements que j’adore.

Le vin devenu plus civilisé et plus carré accompagne la viande puis du fromage.

Le cadre hors du temps du restaurant, la gestion familiale et la cave si intelligemment gérée font de ce restaurant un havre de bonheur.

Week-end pascal au Croisic jeudi, 21 avril 2022

Le fils d’un ami de mon père est le premier adjoint du maire du Croisic, adorable petit port que l’on peut rejoindre de nos jours en trois heures de TGV. Jacques, que je connais depuis des lustres m’invite à faire une conférence sur ma vision du vin. L’idée de revoir mon ami en cette si belle région bretonne me plait beaucoup. Avec ma femme nous prenons le TGV qui nous amène à la petite gare du Croisic. Jacques nous attend et nous conduit chez lui pour une petite collation. Sa maison est à l’extrémité du port et de son jardin on peut voir tout le port en enfilade.

Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel L’Estacade situé le long du port, nous nous rendons à la salle Jeanne d’Arc où se tiendra la conférence. Une annonce de ma venue a été faite dans le journal Ouest France et dans le journal de La Baule. Jacques comptera 65 participants à ma conférence. Il attendait plus et n’avait pas anticipé qu’il s’agit du week-end de Pâques qui pousse certains à quitter leur région.

Le nombre de 65 ne me pose pas de problème mais il m’interdisait d’apporter des vins que l’on aurait dégustés pendant mon exposé. Bien sûr, beaucoup de personnes n’ont jamais bu de vins très anciens mais j’ai pu mesurer aux questions qui m’ont été posées la volonté de comprendre ce monde et l’intérêt qu’ils ont porté à mes explications. Les échos que Jacques a pu recueillir vont dans ce sens.

Nous dînons le soir même au restaurant de l’hôtel L’Estacade. Nous sommes invités bien sûr, mais voulant participer je décide d’offrir un vin. Ce sera un Champagne Dom Ruinart 2004 qui va accompagner avec bonheur des huîtres fraîches, iodées, délicieuses. Pour le turbot cuit avec pertinence nous buvons un Muscadet Sèvre et Maine le Fief du Breil de Jo Landron 2016. Franc et sans histoire ce Muscadet se boit avec le plaisir d’être ensemble.

Le lendemain matin, Jacques nous conduit sur un lieu de pèlerinage, la villa que mes grands-parents louaient dans les années 30 et ont reloué dans les années 60 pour les vacances de mon enfance. La région de la Baule, le Pouliguen et Pornichet s’est incroyablement peuplée, chaque décimètre carré devant être occupé par de l’immobilier. Mais le quartier Bonne Source de Pornichet a gardé son caractère calme et humain. J’ai cherché longtemps la villa « Roche aux Mouettes » qui a changé de façade et de nom. Des millions de souvenirs heureux me sont revenus en mémoire.

Nous déjeunons chez Jacques et Brigitte et j’ai apporté un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964. La couleur est d’un bel ambre doré. Il n’y a pas eu de pschitt. Le champagne est divin, rond et fruité et d’une longueur inextinguible. Il est merveilleux et nos hôtes se rendent compte à quel point le monde des champagnes anciens est irréel et inconnu. Sur des palourdes apportées par un pécheur et sur un bar pêché par Jacques la veille, le champagne est brillant.

Avec Jacques nous avons fait une promenade dans la ville élégante, authentique et qui plus est d’une propreté à signaler. L’église du Croisic est imposante pour une si petite ville, et pousse au recueillement.

Le soir nous invitons Jacques et Brigitte au restaurant le Lenigo situé à la pointe du port qui ouvre sur la mer, que nous fréquentions ma femme et moi lorsque nous étions fiancés. Le restaurant a bonne réputation, mais nous allons assister à un festival de tout ce qu’il ne faudrait pas faire dans la restauration. Nous sommes placés et nous attendons. Une jeune serveuse moldave nous apporte des amuse-bouches et l’on comprend que son champ d’initiative est limité à cette seule fonction. Le temps qui passe me fait penser que le restaurant a perdu par sa lenteur la possibilité de nous vendre un vin de plus. La commande de l’eau est irréelle. Nous demandons de l’eau que nous nommons. Quelques minutes plus tard on nous demande si nous avons commandé de l’eau. Puis quelques minutes plus tard, on nous apporte une eau qui n’est pas celle que nous avons commandée.

Derrière le comptoir il y a un homme qui s’occupe des boissons. Il gesticule avec une absence de cohérence. Les verres vides s’amoncellent sur le comptoir au point qu’un client, venant payer sa note, en a renversé un. Le désordre sur le comptoir est disgracieux. Nous avons contemplé comme au théâtre le spectacle d’une inefficacité majeure.

A côté de cela, les langoustines sont délicieuses et le cabillaud que j’ai pris est fort honnête. Le Chablis Premier Cru Les Fourneaux Dampt Frères 2017 n’est pas aussi brillant que ce que j’attendais, mais il se boit.

Nous sommes repartis le lendemain, heureux d’avoir revu cette si charmante ville portuaire et d’avoir retrouvé des amis attentionnés.

déjeuner chez mon ami

en ville, avec Notre-Dame des Vents

le dîner au Lénigo

déjeuner de conscrits au restaurant du Yacht Club de France mercredi, 13 avril 2022

Nous sommes sept à notre traditionnel déjeuner de conscrits au restaurant du Yacht Club de France. L’ami qui invite a mis au point avec le directeur Thierry Le Luc et le chef de cuisine Benoît Fleury le menu, ainsi rédigé : variété de charcuteries en apéritif / langoustines / asperges tièdes et mousseline au citron / joues de Charolais, cuisson de sept heures, mini légumes vapeur et pieds bleus / fromages affinés d’Éric Lefebvre / Baba au rhum citronné.

Le Champagne Taittinger Brut sans année est une agréable surprise car sa rondeur est parfaite. Mais quand nous est servi le Champagne Charles Heidsieck Brut Réserve sans année on trouve dans ce dernier un fruit gourmand qui apporte plus de plaisir.

Le Meursault Vieilles Vignes Buisson-Charles 2016 joue son rôle sur les délicieuses langoustines, sans nous transporter toutefois dans des pâmoisons que nous n’attendions pas.

Le Châteauneuf-du-Pape Les Olivets Roger Sabon 2018 est un solide Châteauneuf d’un bel équilibre et d’une belle joie de vivre qui accompagne bien la joue de bœuf que j’aurais aimée un peu plus fondante.

Le baba au rhum est d’une belle légèreté, qu’accompagne aimablement un nouveau Taittinger.

Alors que nous sommes tous du même âge et de conditions sociales identiques, nos commentaires sur le premier tour de l’élection présidentielle montrent des opinions résolument opposées. Le ton est même monté ainsi que les décibels en un lieu où tout propos se devrait d’être feutré. Ces joutes montrent à quel point nous sommes restés de jeunes gamins.

Sublime La Tâche des années 50 lundi, 11 avril 2022

Récemment j’ai acheté sept bouteilles de La Tâche des années 50 avec plusieurs bouteilles de bas niveaux. Le prix tenait compte de l’état des bouteilles. L’idée est d’ouvrir ces vins en famille, puisque mes enfants sont habitués à boire des bouteilles qui sortent des sentiers battus.

L’une des bouteilles a une étiquette où il est quasiment impossible de lire si c’est La Tâche, mais on voit bien que le vin est du domaine de la Romanée Conti et le millésime n’est pas lisible non plus, seuls apparaissant les chiffres 1, 9 et 5. C’est elle que je choisis d’ouvrir pour un déjeuner de dimanche en famille avec ma fille cadette, son compagnon et trois petits-enfants. Elle a un très beau niveau pour des vins du domaine de cette époque.

J’ouvre la bouteille de bon matin et le bouchon se brise en quelques morceaux et je peux lire 195, mais pas le dernier chiffre qui pourrait être un quatre. Le parfum est absolument superbe, avec le sel et la rose si représentatifs des vins du domaine. Je pense que dans cinq heures nous allons boire une merveille.

Ce vin mérite d’être accompagné par un grand champagne. Le Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette crème est un champagne très noble, très expressif et intense. A plus de 30 ans il a atteint un état de perfection. Il est extrêmement vineux et vif. Sa couleur est ambrée d’or rose. La bulle est rare mais le pétillant est fort. Sur du jambon Pata Negra, du chorizo et des chips à la truffe le champagne vibre bien mais c’est surtout sur une tarte à l’oignon au goût légèrement sucré que le Krug est impérial.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti vers 1950/1955 est une immense surprise. Le parfum est à 100% ce qu’un vin parfait de la Romanée Conti doit être. Et en bouche, c’est spectaculaire. Avec ma fille nous nous sommes mis d’accord sur le fait que c’est l’un des plus grands vins du domaine que nous n’ayons jamais bu. Une telle énergie, une telle vivacité sont extrêmement rares. Il n’a pas la rondeur des plus anciens comme 1929, mais il a une énergie et une authenticité sans pareil. C’est ce que la Romanée Conti a fait de mieux. L’émotion est totale. Sur un poulet cuit à l’ail accompagné de fenouil et de pommes de terre à l’huile d’olive, l’accord est idéal.

L’accord se poursuit sur un Cantal et un saint-nectaire. La noblesse de ce vin subtil et prenant est impressionnante. Un tel vin illumine ma vie et me fait penser que les autres vins du lot acheté pourraient être grands. Bel espoir.

je vous laisse le soin de déterminer si c’est 1952 ou 1954.

Déjeuner au restaurant Anne et bar dimanche, 10 avril 2022

Il y a sur la place des Vosges un hôtel qui est un des plus charmants de Paris, le Pavillon de la Reine. En traversant le petit jardin mais grand pour le lieu il y a le restaurant Anne et bar. La décoration appelle au calme et au bonheur de vivre à un rythme ralenti, loin des trépidantes tendances actuelles. L’accueil est charmant.

Je demande la carte des vins qui est peu fournie et d’une présentation erratique. Lorsque je demande au très aimable directeur pourquoi la présentation n’est pas faite par région il me dit que la cave étant petite, il n’ose pas classer par région car il y en aurait certaines dont il n’a qu’un seul vin. Au détour d’une page je vois un Pauillac Château Latour 2011 présenté à un prix anormalement bas. Je commande la bouteille, mais, me méfiant, je demande qu’on me montre la bouteille avant de l’ouvrir.

Quand la bouteille arrive je vois marqué en gros le mot « Pauillac » et il n’y a aucune mention de Château Latour. Il s’agit sans doute d’un énième vin de château Latour. Je ne donne pas suite et j’ai senti que j’avais un peu vexé le directeur en imaginant qu’un Latour puisse être à un prix aussi bas. Mais comme dit le dicton « qui ne tente rien n’a rien ».

Je jette mon dévolu sur un Nuits-Saint-Georges Premier Cru Les Murgers Lignier-Michelot 2017. Le nez du vin est d’une jeunesse folle. Il va falloir que je m’habitue.

Je commande des asperges vertes de Mallemort, mimosa au caviar golden, velouté Argenteuil et l’agneau de lait, épaule confite au paprika fumé, semoule de chou-fleur et jus corsé. Pour les asperges je demande que tous les accompagnements soient mis de côté car les asperges seules se marieront au vin et c’est le cas. J’adore l’amertume des asperges avec un vin jeune. Par curiosité, j’ai essayé le caviar délicieux et bien gras avec le vin rouge et à ma grande surprise, l’accord se trouve. Cela me donnera envie d’explorer des accords vin rouge jeune et caviar, ce qui est loin d’être évident.

L’agneau de lait est fondant et gourmand ce qui met en valeur le vin jeune bien sûr mais avec une belle énergie. Un plateau de fromages permettra de continuer à profiter du vin.

Le service est agréable, le directeur est attentionné. On ne peut que recommander ce restaurant d’hôtel au charme certain.