Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Dîner de 4 chefs japonais au restaurant Pages jeudi, 6 avril 2017

Pourquoi ne pas faire la présentation façon camelot : mesdames et messieurs, ce soir vous n’aurez pas un dîner avec un chef, ni même avec deux chefs. Mesdames et messieurs, ce soir vous n’aurez pas un dîner avec trois chefs, je vous le dis bien, ce soir ce sera un dîner avec quatre chefs, oui, mesdames et messieurs ce sera un dîner à huit mains.

Au restaurant Pages, le chef Teshi reçoit trois chefs japonais dont un qui a obtenu une étoile dans son restaurant de sushis, un autre qui pratique la cuisine chinoise et un autre qui a semble-t-il une renommée très importante au Japon et une cave aussi importante, spécialisé comme Teshi dans les viandes les plus rares, qui exerce son activité sous un nom pour le moins original, Wagyumafia.

Ce soir nous serons une table de sept dont mon ami Tomo qui a rassemblé notre petit groupe, un de ses amis, un couple d’amis que je retrouverai demain à un dîner de wine-dinners et un autre ami fidèle de mes dîners venu avec sa femme dont je fais la connaissance. Les quatre chefs avaient fait un dîner hier en ce lieu. Nous participons donc au deuxième et dernier dîner à huit mains.

Laure vient nous proposer l’option du menu, celle du caviar pour laquelle nous acquiesçons. Voici le menu, avec entre parenthèse l’auteur du plat : bœuf séché (Wagyumafia) / Temaki au thon rouge de wakayama (chef Sato) / soupe Syantan (chef Shinohara) / cromesquis de foie gras (chef Teshi) / caviar à l’avocat et au gras de bœuf wagyu (Wagyumafia) / asperge verte à l’œuf mariné (chef Teshi) / duo de tartare de thon et d’ormeaux à la vapeur (chef Sato) / mérou à la vapeur, purée de tofu (chef Shinohara) / sushi de thon, chinchard, oursin, congre (chef Sato) / wagyu wassant (Wagyumafia) / pigeon de Pornic grillé sauce salmis (chef Teshi) / bœuf Shabu Shabu façon carbonara (Wagyumafia) / « Shiogama » chateaubriand de bœuf de Kobe en croûte de sel (Wagyumafia) / dessert cinq saveurs (chef Shinohara) / Paris banana (chef Teshi) / chocolat au tofu et thé vert Gyokuro de Yame (Wagyumafia) / mousse Sakura, chocolat blanc, chartreuse (chef Teshi).

Il y a dans la cuisine japonaise une inventivité qui est spectaculaire. Tout est fait avec grâce, élégance, sens artistique. Nous somme embarqués sur un petit nuage de perfection gastronomique dont nous ne descendrons pas pendant cinq heures. Car tout ceci prend du temps. Cela explique aussi la quantité astronomique de vins que nous avons bus.

J’étais arrivé en avance, un peu après 19h pour ouvrir des bouteilles de notre table. Tomo était déjà là et me propose de partager avec lui une demi-bouteille de Champagne Krug Grande Cuvée très ancienne, probablement du début des années 70. A l’ouverture le vin est très ambré, et le nez fait très madérisé. Il est assez désagréable à boire, mais le temps est un magicien et l’on assiste à une éclosion rapide qui rend ce champagne un peu fatigué mais extrêmement séduisant. J’ouvre le Château Chalon Jean Bourdy 1947 que j’ai apporté et le Château Chalon Jean Bourdy 1937 de Tomo. Le 1947 a un bouchon qui doit dater des années 60 et se brise car imbibé dans sa partie basse. Son parfum a l’ouverture est aussi madérisé et ressemble étrangement au parfum du Krug. Le 1937 a un bouchon récent, de moins de vingt ans et son parfum qui évoque la noix est beaucoup plus prometteur. J’ouvre aussi l’Yquem 1961 de Tomo à la belle couleur orangée.

Nous passons à table et chaque chef va servir lui-même le plat qu’il a exécuté. On nous sert le Champagne Jacques Selosse Les Carelles à Mesnil-sur-Oger et le Champagne Jacques Selosse Le Bout du Clos à Ambonnay. Le premier est un blanc de blancs et le second un blanc de noirs. Le Carelles est un beau champagne très précis et très vif, mais je préfère le Bout du Clos plus large, plus charmeur, et de mâche plus agréable. Mais ce sont deux magnifiques champagnes. Sur le sushi au thon rouge, la séduction du blanc de noirs s’exprime divinement.

C’est volontairement que nous avons apporté deux magnums de champagne de 1998, pour comparer le Champagne Dom Ruinart magnum 1998 que j’ai fourni et le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1998 fourni par l’ami champenois qui œuvre dans le groupe Moët-Hennessy. Le parfum du Dom Ruinart me prend par surprise et me fait un choc majeur. Jamais je ne pouvais imaginer que ce champagne puisse avoir un nez d’une telle séduction. C’est d’une folie extrême et c’est ce parfum qui donne la palme au Dom Ruinart alors que le Veuve Clicquot a une majesté et une matière exemplaires. On dira pour faire consensus que les deux champagnes se valent mais le souvenir le plus éclatant est le diabolique parfum du Dom Ruinart.

L’apparition de l’asperge donne envie de passer aux deux Château Chalon. Le temps est de nouveau un magicien, car le Château Chalon Jean Bourdy 1947 que j’imaginais mort se révèle vivant, manquant un peu de vivacité mais très pur alors que le Château Chalon Jean Bourdy 1937 est plus guerrier. Mais c’est le 1947 qui, contre toute attente, est le plus gastronomique. C’est lui qui va le mieux avec l’asperge et lui aussi avec les ormeaux d’une chair magique. Quel beau plat du chef Sato, le prince des sushis, mais pas seulement des sushis.

Le Champagne Krug Collection magnum 1985 de Tomo est une merveille de race et de distinction. Quel grand champagne plein, qui s’accorde bien à tous les plats. A côté de lui, le Champagne Veuve Clicquot 1989 est une très belle réussite du millésime 1989, jouant sur sa féminité à côté du Krug.

Le Champagne Salon 2004 est lui aussi une valeur sûre, avec une longueur inextinguible et une personnalité marquée de grand Salon.

Pour les viandes il est quand même préférable d’aller vers le Pommard Clos des Épeneaux Monopole Domaine Comte Armand 2005 offert par un ami, vin qui est bien épanoui et de bonne mâche avec un beau velours.

Le Château d’Yquem 1961 est un bel Yquem par son gras et sa mâche joyeuse, mais je suis un peu gêné par le côté glycériné un peu insistant qui limite le plaisir. Il est grand, mais la trace me rebute au point de ne pas insister.

Dans cette profusion de vins apportés par les uns ou choisis sur la carte des vins du restaurant, il est assez difficile de faire les classements. Les deux Selosse très différents sont de grands champagnes avec une petite préférence pour le Bout du Clos. Les deux 1998 sont à un beau moment de leur vie où la jeunesse très vive n’a pas laissé la place aux signes de maturité. Les deux vins jaunes sont excellents et c’est le plus blessé à l’ouverture qui se montre le plus gastronomique. Ensuite, nous sommes partis dans plusieurs directions, le Krug Collection 1985 dominant, alors que Tomo avait peur qu’il ne soit pas brillant, peur injustifiée. Le Pommard a bien tenu sa place de seul rouge dans ce panel. On ne peut qu’être satisfait de ce joli programme.

Pour les plats, nous sommes allés d’enchantement en émerveillement. J’ai un faible pour la cuisine du chef Teshi et j’ai trouvé que globalement ses plats sont plus aboutis que certains autres plats comme par exemple l’association caviar, avocat et gras de bœuf wagyu qui manquait un peu de cohérence dans la mâche. Le chef Sato a fait des plats extrêmement brillants comme le tartare de thon associé aux ormeaux, le sushi de thon avec le congre. Les viandes furent superbes, le bœuf cuit sous croûte de sel est fondant, le pigeon est fondant lui aussi avec une belle personnalité et une présence folle. Il serait impossible de classer des plats si disparates. Je garde en souvenir le goût du premier sushi de thon, de la confiture de rhubarbe qui met en valeur le foie gras du cromesquis, l’œuf qui se marie à l’asperge, l’ormeau si goûteux avec le Château Chalon 1937, le congre bien gras, le pigeon et sa sauce, le bœuf de Kobe. Quel festival.

En fin de service on peut parler avec les chefs et avec les tables voisines qui ont vécu ce même moment de grâce.

Je ne renierai évidemment pas mon amour pour la cuisine française traditionnelle et inventive mais il y a dans la cuisine japonaise un supplément d’âme et supplément d’art qui m’enchantent. L’ambiance entre les chefs, les sourires mais aussi le sérieux au moment de servir ont fait de ce dîner à huit mains un très grand moment de plaisir gastronomique. Merci aux amis et surtout à Tomo pour leurs générosités.

Et dire que demain soir j’ai un dîner de wine-dinners ! Vite sous la couette.

les chefs à l’oeuvre

les plats

ce sont des petits pains qui vont lever (voir avec le pigeon)

Déjeuner au restaurant Archeste mercredi, 5 avril 2017

Une journaliste japonaise a déjà assisté à deux dîners de wine-dinners et va participer au prochain dîner au restaurant Guy Savoy. Je vais déjeuner avec elle au restaurant Archeste. Ce restaurant très récent vient d’obtenir une première étoile grâce à son chef Yoshiaki Ito, un ex de Hiramatsu. Nous prenons le menu dégustation en cinq étapes (le soir, c’est sept étapes) avec l’option truffe, dont il faut profiter car c’est la fin de saison. Benoît Vayssade directeur de salle m’a envoyé juste après mon départ le menu par mail.

Le voici : chips de riz et encre de seiche, mousseline de haddock / seiche de Méditerranée, foie gras, betterave noire, Castel Franco et sauce gribiche à la truffe noire / velouté de topinambour, huile d’oseille, curry madras, huître Utah Beach no1 pochée / rouget de Bretagne, tombée d’épinards et shungiku, coques de Normandie, basilic et émulsion à la livèche / filet de cochon Kintoa, chou de Bruxelles, asperge verte du Domaine de Roques Hautes, émincé de champignon rose, graines de moutarde, jus au beurre d’anchois de Guéthary et romarin / fraises Dely et hibiscus de Gascogne, crème de mascarpone, meringue et sorbet litchi.

Il est indéniable que les chefs japonais ont envahi Paris, et ils ont bien raison car leur approche de la restauration est artistique, esthétique et éthique puisqu’on mange léger. Si je voulais comparer avec le chef Teshi du restaurant Pages dont j’adore la cuisine, je dirais que Teshi est beaucoup plus sur le produit alors que Yoshiaki est encore sur l’addition des goûts comme le montre le premier plat qui additionne la seiche, le foie gras, la betterave et la sauce gribiche. C’est délicieux, mais dans la démarche qui est la mienne, de créer des accords mets et vins, un tel plat est une difficulté. Le chips est très goûteux, la mousseline étant très prononcée pour notre plaisir, les huîtres sont excellentes sous un velouté un peu marqué, le rouget est superbe, on y reviendra, le cochon est un peu ferme et un peu gras mais le plat est excellent. Le dessert est aérien et subtil. Globalement c’est un repas de haute tenue et de saveurs superbes, dont je suis très satisfait. Une évolution vers le produit pur irait plus vers mes préférences.

Le Champagne William Deutz 2006 est d’un bel or. Le premier contact est sur le beurre. Ensuite les saveurs vont s’élargir au fur et à mesure des plats et l’on aura un peu de noix, et une largeur convaincante. C’est manifestement un grand champagne mais qui souffre d’un petit manque d’émotion. Il faut dire que je mets la barre très haut, car il fait un sans-faute montrant une matière précise qu’aucun plat ne mettra en défaut.

J’ai apporté une Côte-Rôtie La Mordorée M. Chapoutier 1991. Le niveau est à moins de cinq millimètres sous le bas de la capsule. Le bouchon est superbe et le premier parfum est comme l’apparition d’un ange. En sentant ce vin on est incapable d’analyser mais on se dit : « c’est ce vin là que je veux ». Il a tout pour lui. Ne connaissant pas le menu, je ne sais pas quand apparaîtra le vin rouge mais quand je vois arriver le rouget, d’instinct je sens que le vin ira sur le rouget seul, sans accompagnement. Et c’est divin. Le mot qui caractérise ce vin, c’est « velours ». Ce vin est velours. Il est riche, gourmand, équilibré, vin facile à comprendre, direct sans aucune énigme. Il est bon et on l’aime. Son grain est de bonne mâche. La truffe qui accompagne le cochon Kintoa lui sied à merveille. Comme avec le rouget il faut chasser les saveurs parasites, qui se justifient par ailleurs, si l’on veut créer un accord de pureté. Nous demandons du fromage pour finir le vin et le champagne.

Dans une ambiance très agréable, avec un service compétent mais un peu trop juste pour autant de couverts, nous avons passé un déjeuner de très haute qualité. La Côte-Rôtie est dans un état de grâce absolue, la cuisine est de très haut niveau. Ce restaurant a tout pour réussir et l’étoile qui couronne le chef n’est peut-être que la première. Benoît Vayssade est bien d’accord qu’il faudra un peu étoffer la carte en vins de haut niveau. Ce déjeuner fut un grand plaisir.

Déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 29 mars 2017

La vie est un éternel recommencement. Notre club de conscrits se réunit à nouveau au Yacht Club de France et de nouveau Thierry Le Luc n’en finit pas de nous éblouir. Une habitude vient de se créer de faire de l’apéritif que nous prenons dans la bibliothèque une gargantuesque débauche. Si c’est agréable sur le moment, la balance à l’aurore suivant nous dit « j’accuse ».

Aujourd’hui de délicieuses cochonnailles typées, des huîtres, des bulots et des praires, quatre sortes de saumons fumés sur blinis, d’Ecosse, d’Alaska et de mer Baltique sont autant de tentations et de plaisirs. Le Champagne Delamotte Brut est toujours aussi agréable et vif, l’archétype du champagne direct et franc, de bonne soif.

A sa suite, un Champagne Besserat de Bellefond Brut Réserve, s’il se boit aisément, n’a pas la tension et la salinité du Delamotte sur les fruits de mer. Delamotte et huître, c’est un pur bonheur.

Le menu composé par Thierry Le Luc et le chef Benoît Fleury est : petit couscous de langoustines / filet de bœuf Wellington, pommes château, jus de viande / fromages d’Éric Lefebvre MOF / éclair à l’orange et mini-meringue.

Pour la première fois, Thierry, stimulé par le représentant en vins qui le livre, veut nous faire essayer un Riesling dont je n’ai mémorisé le nom. Quelle déception. Ce vin très jeune n’a pas la moindre évocation de riesling et l’un de nous dit même que cela lui fait penser à du cidre plus qu’à du vin.

Thierry va donc lui substituer un Clos Poggiale Jean-François Renucci Vin Corse 2016 de cépage Vermentino. Ce doit être le premier 2016 que je bois. Il est vif, précis et charmeur. C’est un vin jeune bien sûr mais qui a du caractère et qui se boira bien quand il fera chaud sur les côtes de la Méditerranée. Avec le couscous, il est idéal.

Evidemment, quand on sert le Meursault Domaine du Château de Meursault 2013, le fruit du bourgogne emporte la mise tant il est gourmand. C’est un vin qui n’est pas très complexe, mais qui est joyeux et bien large en bouche.

Les choses deviennent plus sérieuses sur la délicieuse viande servie avec une farce fourrée dans la croûte de cuisson. C’est la préparation en croûte et farce qui justifie l’appellation de la recette et non la victoire de Waterloo. Sur le plat, nous goûtons deux vins de 1989.

Le Château Figeac Saint-Emilion 1989 est d’une richesse de truffe. En le buvant on croit croquer une truffe noire bien parfumée. Le vin est solide, riche, charpenté. C’est un fonceur.

Le Château Beychevelle Saint-Julien 1989 est très séducteur. Sa palette de saveurs est plus large. Il est moins incisif que le Figeac mais il est d’une grande séduction par sa longueur et sa joie de vivre. Je préfère le Beychevelle mais les deux vins sont au sommet de leur art, provenant d’une très grande année. Les temps ont bien changé sur l’appréciation de la vie des vins, car ces vins ont 27 ans et il paraît tout à fait normal aujourd’hui de les trouver jeunes. Que de chemin parcouru !

Les deux rouges accompagnent les délicieux fromages et le champagne Besserat de Bellefond échange sa fraîcheur avec le délicat dessert. La charmante Marie- Chrisline qui a fait un service de qualité nous tente avec un Rhum Vieux Agricole Clément relativement jeune mais qui a déjà une belle profondeur de joli caramel. Voilà un alcool bien sensuel.

L’ambiance au Yacht Club de France, grâce à une équipe motivée et des produits splendides fait de ces repas pantagruéliques des rites que nous ne manquerions pour rien au monde.

Déjeuner au restaurant de Guy Savoy mercredi, 22 mars 2017

Des amis du sud ont envie de découvrir le restaurant de Guy Savoy à l’hôtel de la Monnaie. Nous sommes quatre à déjeuner. Devant organiser un dîner dans une dizaine de jours en ce même lieu, j’arrive avec ma femme un peu plus tôt pour discuter du menu avec Guy Savoy. Il a déjà réfléchi au menu avec Sylvain le très compétent sommelier et nous discutons de façon très ouverte, les propositions de changer l’ordre des vins donnant lieu à des échanges passionnants. Guy suggère que nous goûtions à midi des plats prévus pour le prochain dîner.

Etant en avance je discute avec Sylvain des vins de ce déjeuner et nous tombons facilement d’accord. Les amis arrivent alors que tout est déjà en route mais ils me font confiance.

Le menu sera : surprise de homard / un morceau d’énorme turbot cuisiné tout simplement / soupe d’artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée champignons et truffes / pigeon grillé au barbecue, les petits pois, jus aux abats, à la manière de Léonie / saint-nectaire, la croûte et le champagne en gelée / miel d’ici.

En attendant les amis, je bois un Champagne Jacquesson Cuvée 740 extra-brut qui est d’une belle tension, vif, un peu acide mais très agréable à boire dans sa vivacité. Les toasts au foie gras, que les serveurs piquent avant de les donner, pour les présenter sur des sticks, sont d’un confort extrême et idéaux pour le champagne.

Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2006 a un parfum d’une intensité rare. En bouche il est d’un charme incroyable. Il combine une puissance extrême avec un romantisme délicat. Cette juxtaposition de force et de grâce est passionnante. Il est d’une longueur racée et d’une présence imposante. C’est un très grand champagne pour lequel la question ne se pose pas de savoir comment il vieillira. Il est parfait maintenant, tant mieux.

Le Meursault Luchets Domaine Roulot 2009 se présente de façon assez timide. On sent la pureté et la précision, mais il manque de présence. Il fallait tout simplement attendre le turbot pour que ce vin devienne extrêmement joyeux, plein, riant, avec une précision qui vaut celle des rieslings. Quel beau vin ! Le homard est d’une grande délicatesse, avec des évocations raffinées. Le turbot est un bonheur. L’oignon qui l’accompagne est un bijou. Ce plat révèle le vin blanc comme aucun autre plat ne le ferait.

La soupe aux truffes et artichaut fait partie de ces plats emblématiques où tout est dosé au milliardième de millimètre. On ne conçoit pas ce plat autrement. La brioche est un péché mortel.

La Côte Rôtie Stéphane Ogier 2007 est exemplaire car le vin est d’un velours rare et son finale exprime de la menthe lui donnant une fraîcheur qui est parfaite pour aller avec le pigeon. Le saint-nectaire tel qu’il est traité se marie merveilleusement avec le champagne Taittinger.

Le mangue au miel provenant des ruches posées sur le toit de l’hôtel de la Monnaie accompagne avec une pertinence totale le Château Coutet Barsac 2007. Ce dessert est prévu aussi pour le prochain dîner et je me demande s’il sera aussi pertinent sur un sauternes vieux d’un siècle. Sylvain a noté les deux ou trois remarques d’ajustements à faire pour le prochain dîner.

Il règne en ce lieu, à la décoration moderne superbe, une atmosphère de bonheur. On se sent chez soi. L’accueil est souriant et attentif et Guy Savoy est l’hôte le plus agréable que l’on puisse imaginer. A l’écoute de nos désirs, prévenant, son empathie rejaillit sur toute son équipe. Sylvain nous a conseillé des vins judicieux. Le fait d’être avec des amis qui sont des esthètes a enrichi un peu plus ce repas. En sortant du restaurant on se dit qu’il existe peu de restaurants dans le monde dont on repart avec le sentiment d’avoir passé un moment exceptionnel. Il y a Anne-Sophie Pic à Valence et Guy Savoy à Paris.

Ce repas est un moment de grâce sur un beau nuage gastronomique.

Dîner dominical dimanche, 12 mars 2017

Un dimanche soir, ma fille cadette vient dîner avec ses enfants. Le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2004 de la veille a pris de l’ampleur en vingt-quatre heures et expose encore plus son fruit agréable. J’ouvre ensuite un Champagne Egérie de Pannier Extra-Brut 2006. Le repas sera de coquilles Saint-Jacques juste poêlées avec du riz noir. Le champagne agréable et de belle composition m’inspire une impression de « déjà-vu ». Il a tout pour lui mais il manque la petite étincelle qui va créer l’émotion. Il faudrait sans doute que je le revisite dans un autre contexte, mais après une semaine de champagnes au fort caractère, ce champagne trop consensuel n’a pas su me toucher.

Trois repas au champagne samedi, 11 mars 2017

C’est le dernier dîner en commun du court séjour de mon fils. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. Ce champagne est d’un confort spectaculaire. On se sent bien avec lui. Il est mesuré, a un fruit rassurant. Ce n’est que du plaisir à boire avec de jolis fruits bruns. On grignote encore du jambon et des fromages et il se révèle que le camembert Lepetit est meilleur que le Cœur de Lion car il est plus typé et plus vif.

J’ouvre ensuite un Champagne Salon 1988. Quand je dis « j’ouvre », c’est un bien grand mot. Car je n’arrive pas à faire remonter le bouchon. Mon fils s’en saisit et n’arrive pas non plus, même avec un casse-noix qui sert de clé anglaise. Je reprends sa suite et au bout de longues minutes le bouchon vient, plus long d’au moins un centimètre que celui du Henriot. Le Salon est très différent du Henriot. Il y a une noblesse dans le Salon qui est difficile à appréhender. Il est comme un message à tiroirs. Le Henriot est la joie de vivre et la simplicité. Le Salon nous emmène en montgolfière sur des altitudes parnassiennes qui exigent écoute et attention. Il y a des subtilités extrêmes qu’il faut savoir lire. On n’est pas dans la spontanéité mais dans le recueillement. C’est un très grand Salon qui est entre jeunesse et maturité, dans une phase mystique. Le plaisir est grand pour celui qui sait l’écouter. Je quitte mon fils qui va partir aux aurores sur la mémoire de ce grand champagne.

Le lendemain, il reste l’équivalent de deux verres du Salon 1988 que je vais partager avec une de mes nièces venue séjourner chez nous. Le Champagne Salon 1988 a considérablement évolué. Il s’est élargi, émancipé et son fruit a pris une puissance évidente. Il est devenu beaucoup plus charmeur et reste à un niveau olympien. En fait, il faudrait boire les Salon le lendemain ! Au programme il y a un poulet avec une purée à la truffe, et à la suite des fromages.

J’ouvre un Champagne Selosse Substance dégorgé le 20 mars 2007 comme par hasard un jour d’équinoxe. Ce n’est pas la première fois que je bois des vins de Selosse dégorgés des jours d’équinoxe. Il a un charme immédiat, avec un beau fruit souriant et une belle complexité. Il est vif, de forte personnalité et de belle persistance en bouche. Mais si l’on fait la comparaison en prenant l’image des tapis, le nombre de points du Salon est plus important que celui du Selosse. Malgré cela on se régale avec ce champagne typé. Il est très gastronomique, dans un registre très différent du Salon. C’est un bonheur de boire ces grands champagnes avec tant de caractère.

Le jour suivant, le repas n’est pas prévu pour du vin car il y a une soupe aux herbes vertes. Mais après, un saumon fumé me donne envie d’ouvrir un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2004. Le bouchon ne vient pas facilement, décidément et dès qu’il sort du goulot, il prend un ventre d’une taille au moins égale à celle du chapeau du bouchon. La bulle est active et grosse, la couleur est très claire et immédiatement, on se sent bien avec ce champagne comme avec l’Henriot Enchanteleur récent. Ce que donnait l’Enchanteleur, c’était plénitude et joie de vivre. Le Delamotte s’inscrit dans vivacité et fluidité. Il est vif, claque sur la langue mais donne aussi beaucoup de plaisir. C’est un champagne qui s’ouvre en toute occasion.

la différence de longueur explique sans doute la difficulté pour ouvrir le Salon 1988

Dîner avec mon fils et avec Winston Churchill … enfin … le champagne ! jeudi, 9 mars 2017

Lorsque nous retournons à Paris, notre fils venu de Miami était déjà là depuis deux jours. Il organise le dîner selon la tradition : cœur de filet de saumon fumé, tarama, jambon Pata Negra et un grand nombre de fromages dont deux camemberts à comparer. A cela s’ajoute la rituelle meringue sphérique aux pépites de chocolat dont le nom n’a pas eu son permis de séjour. Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002 a un bouchon qui résiste et qui va fortement s’élargir lorsqu’il sera extirpé devenant bedonnant et bombé puisque la lunule de bas de bouchon ne s’étend pas comme le ventre du bouchon. La bulle est très active et grosse. La couleur du vin est très claire. Le vin est noble, fluide, de belle construction. On sent que l’on est en présence d’un champagne aristocratique. Mais ce qui lui manque, c’est une petite pointe d’émotion. On sait qu’il est grand, mais il n’émeut pas. Ce qui est probable, c’est qu’il lui manque une bonne dizaine d’années pour être en possession de ses moyens. Il aura alors un charme qui n’est que trop discret aujourd’hui. Il a le potentiel, mais il nous a laissé un peu sur notre faim, même s’il a brillamment réagi sur le jambon, le saumon et les deux camemberts.

Il faut vite le laisser reposer comme une belle au bois dormant.

 

Déjeuner chez des amis dans le sud avec un beau vin argentin dimanche, 5 mars 2017

Dans le sud, nous allons déjeuner chez des amis avec qui nous partageons souvent de belles bouteilles en été notamment au grand dîner du 15 août et en hiver au réveillon de fin d’année. Nous serons quatre. Je cherche quel vin apporter et je trouve dans une armoire à vins une bouteille qui m’interpelle. Il s’agit d’un Bramare, Appellation Lujan de Cuyo Cabernet Sauvignon Viña Cobos Argentine 2013. Qui m’a apporté ce vin ? J’ai une petite idée et, de toute façon, ce doit être un amateur de vin. Alors, pourquoi ne pas l’essayer.

Chez les amis, l’apéritif est copieux et l’ami inaugure un cadeau de son fils, une guillotine à découper non pas du jambon mais de l’andouille. Il y a du jambon, des noix, de l’artichaut en crème à tartiner et du chèvre cuit au miel sur un toast entre autres ouvreurs d’appétit. Le Champagne G.H. Mumm Le Rosé sans année se boit mais n’arrive pas à nous émouvoir.

Le Champagne Brut Réserve Bérêche & Fils est à base de 2012 et 2013 et a été dégorgé en décembre 2015. Après le Mumm, sa vivacité est sensible. Le champagne fait des trois cépages à égalité, pinot noir, pinot meunier et chardonnay, a une belle acidité, mais il est quand même peu séducteur et un peu trop strict. Il est probable qu’il deviendra plus avenant avec quelques années de plus. Faiblement dosé, il se boit malgré cela avec plaisir.

Le menu composé par notre amie est : foie gras poêlé sur une purée de butternut / joue de bœuf avec des pommes de terre et une crème de carottes / fromages / fruits exotiques avec crème fraîche et chocolat fondu.

Le Domaine de Trévallon rouge Vin de Pays des Bouches-du-Rhône 2005 est absolument passionnant car son attaque est multiforme présentant plusieurs facettes d’un beau fruit qui varie et, à peine a-t-il délivré son message charmeur qu’il s’arrête et la bouche n’en garde aucune trace. J’ai rarement bu un vin aussi charmeur qui n’a aucun finale.

Ça donne envie d’essayer en même temps l’autre vin ouvert par mon ami, le Château de Pibarnon Bandol rouge 2000 car nous sommes sûrs qu’il aura une longueur remarquable. Le Pibarnon a moins de fruit, moins de largeur dans l’attaque que le Trévallon, mais sa longueur paraît quasi infinie à côté de celle du Trévallon et cela donne plus de charme au Bandol car la persistance en bouche est vive. Le Pibarnon a peu de fruit et expose plus de riches tannins, avec une évocation de café très plaisante.

Ayant servi le deuxième rouge il est tentant d’essayer maintenant le troisième vin. Le Bramare, Appellation Lujan de Cuyo Cabernet Sauvignon Viña Cobos Argentine 2013 titre 15° contre 13° pour Trévallon. Aussi, dès l’attaque, on sent un vin moderne comme il en existe beaucoup. Mais à peine le vin fait-il son entrée en bouche que le miracle se produit. Le finale est d’une fraîcheur mentholée incroyable, qui donne au vin élégance et caractère. Immédiatement je pense à Penfolds Grange et à Vega Sicilia Unico, superbes vins qui ont une telle fraîcheur.

La joue de bœuf de notre amie est d’une légèreté extrême. Elle n’a pas la douceur sensuelle qu’elle peut avoir mais plutôt une rare fraîcheur. La bouche est fraîche après avoir pris une bouchée de joue et avec le vin argentin, cela crée un accord de première grandeur. Ce vin est savoureux, riche bien sûr, avec de beaux fruits rouges et noirs, mais plus encore c’est un vin à la longueur sans limite d’une exquise fraîcheur. L’ami qui m’avait offert ce vin en me demandant de l’essayer m’avait donc fait un très beau cadeau car ce vin boxe dans la cour des grands. Il est le meilleur des trois rouges aussi bien sur le foie gras poêlé que sur la joue de bœuf et que sur un fromage à pâte molle dont j’ai oublié le nom.

Nous avons picoré les fruits exotiques présentés en dés sans les tremper dans le chocolat, en buvant le champagne rosé qui s’est montré plus civil en fin de repas.

 

61 Krug mag, 98 DRC Montrachet, 43 Romanée Conti, 37 DRC Richebourg samedi, 25 février 2017

My friend Tomo and I receive offers from the same wine supplier. He sends us very frequent emails proposing us beautiful bottles. He has become more than a supplier since we have shared very fine wines together at friends’ meals. It is thanks to his findings that we could taste a mythical bottle, Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929. A few months ago I see a mail proposing a bottle of Romanée Conti 1943. I drank several times La Tâche 1943 and the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti 1943 but never the Romanée Conti of my year of birth. The price proposed is such that I class this message without following. Shortly after, I meet Tomo who asks me if I received this offer. I tell him that I did not follow it and he tells me: « we buy it the two together ? « . I answer yes. We inform the supplier who answers us with a question: « Do you agree that we drink it at three? « . We accept without hesitation.

The decor is planted. Tomo takes delivery of the bottle, each proposes to add a bottle to the program. The wines are delivered a few days before the dinner at the restaurant Taillevent. Tomo joined me at 5:30 pm for the opening of the bottles. I first open my complementary contribution, a Montrachet from the Domaine de la Romanée Conti 1998. The cork is splendid and the smell that emanates from the bottle is imperial and glorious. This wine promises wonders.

The bottle of Romanée Conti 1943 has an illegible label but fortunately one reads « ti » at the place where Conti can only appear if it is a Romanée Conti. The wax at the top of the neck is very cracked and non-existent on the top of the cork but the age of the cork makes it possible to think that the bottle has not been unclogged and plugged. Through the glass, one reads clearly the year and in big letter the indication Romanée Conti. I very slowly lift a nice long cork and the inscriptions are very legible. The first smell is engaging. Feeling more intensely I think the perfume is that of a Romanée Conti who would have a very light start of roasting. We are therefore oriented towards suggestions of truffle. Tomo is less reserved than me but the bottle that follows will justify my remark.

The bottle of the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti 1937 has a very beautiful level as that of Romanée Conti. The color is more sustained but this is normal for a Richebourg. The label is very readable with the year torn but reprinted, and a counter-label indicates a bottling by Joseph Drouhin, as was done at that time. The cork is almost impossible to lift because the glass of the neck is not cylindrical but constricted, which prevents the cork from rising easily. It breaks into three or four large pieces and many small pieces. The perfume is enchanting. It has a magisterial fruit. These scents are promising of a great rich wine. We therefore have two very distinct perfumes, the Romanée Conti tending towards a discrete truffle, a fine distinction but no fruit and the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti generously distributing beautiful red fruits.

Once the bottles are opened, we discuss the menu with Jean-Marie Ancher the restaurant manager. For Romanée Conti, I would like to go to truffle as pure as possible and I suggest truffles under pastry. Jean-Marie will check the supplies in the kitchen and reserve three truffles of 50 grams each which will be cooked under the crust. For the Richebourg, I ask for a pigeon. Jean-Marie suggests to us for the Montrachet a lobster cooked in cocotte lutée (hermetically closed with pastry) and for the champagne I ask for scallops just pan-fried « turn and return ». Jean-Marie asks me what accompaniment and I answer: « nothing. »

Two hours later our friend who had added the bottle of 1937 arrived. Stéphane Jan the chief sommelier of the Taillevent opens in front of us the Champagne Krug Vintage magnum 1961, wine offered by Tomo. The cork breaks and Stéphane pulls out the bottom with a corkscrew. We do not hear a pschitt. The bottle is amazing because the label has the mention « Champagne Vintage » which is not followed by the year which is just indicated by a typewriter inscription, very small on the bottom left corner of the label. And, even more surprising, the bottle top collar says basically « Vintage », but the year is not mentioned. It is very curious and fortunately the year is clearly legible on the cork.

The color of the champagne is very clear. The bubble is weak but the bubbly is there. The attack is joyful, clear and it is between the middle and the end of the mouth that one feels a bit of bitterness and a little dust that cuts the final. This impression where the attack is splendid and the final dusty will last a long time but I indicate that for me, everything will go back into order when we eat the appetizers because what is lacking in this champagne is dishes, which would correct its dusty side. We go to the table. The gougeres of Taillevent are legendary and round the champagne. A plate of ham very tasty and greedy will appear on table as by a turn of an illusionist. Our wine seller friend is impressed by the fact that champagne does not show any trace of dosage. The scallops arrive, just pan-fried and without any accompaniment and the agreement with the champagne is sublime because the sweetness of the shell almost completely erases the impression of dust. The champagne is good at this point and we will keep the rest of the magnum for dessert.

On the very rich lobster, the Montrachet of the Domaine de la Romanée Conti 1998 has the unforgettable perfume of the great montrachets with a breadth and opulence of dream. In the mouth it combines a nice minerality, a good fat aloi but what impresses me most is the sensation of total perfection. This wine is built according to the number of gold, giving on all its perspectives perfect architectures. Full, rich, round, deep, infinitely long, it is one of the biggest montrachets I have ever had. I am delighted, carried by the ultimate gluttony of this wine.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1943 appears now. The color is beautiful, of an intense pink. The nose is rather discreet but very pleasant. The tasting will be done in a very intellectual way because all three we want to find in this wine what makes the charm and exclusivity of Romanée Conti. I look, and like when you make a puzzle, you always find pieces to place. There is saline in this Romanée Conti, but I do not see the rose faded. I notice the truffle side which is not unpleasant at all. But I lack that extra soul that creates the extreme emotion that one expects. What I also miss is the typical character of prephylloxeric wines, but afterwards I think that it was in what I considered to be roasted that the prephylloxeric roots of wine were found. I had the last glass with the dregs which gives a richer, more coherent wine and closer to what I expected. The truffle superb and pure under its crust is a remarkable dish that matches wine very well.

When the Richebourg of Domaine de la Romanée Conti 1937 is served to us a smile illuminates our faces because the scent of red fruits is superb. A wine of superior essence is held there, thanks to this fruit so expressive. The wine is full, rich and full of happiness. But something totally unexpected is going to happen. For the pigeon, the sauce is too reduced and the dish is too salty. And this excess of salt to which I am sensitive will inhibit, for me, the Richebourg which is then more coarse or heavy. And the unbelievable happens: by tasting the Richebourg, then, after her, the Romanée Conti, it is she who suddenly becomes sublime and romantic, just as I love the Romanée Conti. This wine of 1943 whose limits I saw, followed by a triumphant Richebourg at its entrance, becomes divine, the true Romanée Conti as I love it. I returned at least a dozen times on the chain Richebourg then Romanée Conti and I realized that the Richebourg so triumphant was inhibited by the salt of the dish and Romanée Conti on the contrary became without the slightest defect. This incredible feeling left me in deep astonishment. How is such a reversal possible?

For me, the Richebourg had its moment of glory before the dish did not hinder it and conversely the Romanée Conti had her moment of glory when she already had in our plans left the scene.
We finished the Krug on the dessert, showing good qualities but also small traces of dust, weaker than at the beginning.

Discussions were going on and what is unbelievable is the lack of consensus. Each has his favorite wine and defends it tooth and nail. For the supplier friend, it was the Richebourg 1937 that he brought by far the best. For Tomo, it is the Romanée Conti 1943 which is his favorite wine because he did not feel the reserves that I could have. For me it is the Montrachet 1998, with its absolute perfection, which is my hero. As often everyone has the eyes of Chimene for the wines he brought. The main thing is that we wanted to taste legendary wines together. And we all agree that we drank very fine wines. If I have pointed out here or there small weaknesses, each of the wines has brought us happiness. Tasting a Romanée Conti 1943 is a privilege and the emotions she has given us are considerable. The Richebourg, valiant warrior has offered us fruits of great wealth. This is a dinner that we can be proud of, because finding that a wine is not totally perfect does not prevent intense emotion.

I asked Jean-Marie Ancher to print the menu. As he likes to make jokes, here is how he called it: scallops grilled according to Audouze fashion / blue lobster lentil, chestnuts, apples and olives Taggiasches / black truffle puff, fried duck foie gras Roasted Racan pigeon, truffle sauce, soufflé potatoes / ripened cheeses / caramelized apple, creamy acacia honey, spiced bread ice cream.
The service of the Taillevent is exemplary and the complicity with the extravagant meals that I ask them to do is total. Overall the food was perfect. We lived at three a meal that will count in our memories.

(pictures of this dinner are in the article just below)

Romanée Conti 1943 et autres grands vins au Taillevent samedi, 25 février 2017

Mon ami Tomo et moi recevons les offres d’un même fournisseur de vins. Il nous envoie de très fréquents emails nous proposant de belles bouteilles. Il est devenu plus qu’un fournisseur puisque nous avons partagé ensemble de très beaux vins lors de repas d’amis. C’est grâce à ses trouvailles que nous avions pu goûter une bouteille mythique, Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929. Il y a quelques mois, je vois passer un mail proposant une bouteille de Romanée Conti 1943. J’ai bu plusieurs fois La Tâche 1943 et le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1943 mais jamais la Romanée Conti de mon année de naissance. Le prix proposé est tel que je classe ce message sans suite. Peu de temps après, je croise Tomo qui me demande si j’ai reçu cette offre. Je lui indique que je ne l’ai pas suivie et il me lance : « on l’achète à deux ? ». Je réponds oui. Nous informons le fournisseur qui nous répond par une question : « acceptez-vous qu’on la boive à trois ? ». Nous acceptons sans hésiter. Le décor est planté. Tomo prend livraison de la bouteille, chacun propose d’ajouter une bouteille au programme. Les vins sont livrés quelques jours avant au restaurant Taillevent. Tomo me rejoint à 17h30 pour l’ouverture des bouteilles. J’ouvre d’abord mon apport complémentaire, un Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 1998. Le bouchon est splendide et l’odeur qui se dégage de la bouteille est impériale et glorieuse. Ce vin promet des merveilles.

La bouteille de Romanée Conti 1943 a une étiquette illisible mais fort heureusement on lit bien « ti » à l’endroit où Conti ne peut figurer que si c’est une Romanée Conti. La cire du haut du goulot est très craquelée et inexistante sur le haut du bouchon mais la vétusté du bouchon permet de penser que la bouteille n’a pas été débouchée et rebouchée. A travers le verre, on lit nettement l’année et en grosses lettre l’indication Romanée Conti. Je soulève très lentement un beau bouchon assez long et les inscriptions sont très lisibles. La première odeur est engageante. En sentant plus intensément je pense que le parfum est celui d’une Romanée Conti qui aurait un très léger début de torréfaction. On s’oriente donc vers des suggestions de truffe. Tomo est moins réservé que moi mais la bouteille qui suit va justifier ma réserve.

La bouteille du Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1937 a un très beau niveau comme celle de la Romanée Conti. La couleur est plus soutenue mais c’est normal pour un Richebourg. L’étiquette est très lisible avec l’année déchirée mais réimprimée, et une contre-étiquette indique une mise en bouteille par Joseph Drouhin, comme cela se faisait à l’époque. Le bouchon est quasi impossible à lever car le verre du goulot n’est pas cylindrique mais resserré, ce qui empêche le bouchon de se lever aisément. Il se brise en trois ou quatre gros morceaux et beaucoup de petits morceaux. Le parfum est enchanteur. Il a un fruit magistral. Ces senteurs sont prometteuses d’un grand vin riche. On a donc deux parfums très distincts, la Romanée Conti tendant vers une truffe discrète, une belle distinction mais aucun fruit et le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti distribuant généreusement de beaux fruits rouges.

Une fois les bouteilles ouvertes, nous discutons du menu avec Jean-Marie Ancher le directeur du restaurant. Pour la Romanée Conti, j’aimerais que l’on aille vers la truffe la plus pure possible et je suggère des truffes sous croute. Jean-Marie va vérifier en cuisine les approvisionnements et nous réserve trois truffes de 50 grammes chacune qui seront cuites sous la croûte. Pour le Richebourg, je demande un pigeon. Jean-Marie nous suggère pour le Montrachet un homard cuit en cocotte lutée et pour le champagne je demande des coquilles Saint-Jacques juste poêlées « tourne et retourne ». Jean-Marie me demande quel accompagnement et je réponds : « rien ».

Deux heures plus tard notre ami fournisseur qui avait ajouté la bouteille de 1937 arrive. Stéphane Jan le sommelier chef du Taillevent ouvre devant nous le Champagne Krug Vintage magnum 1961, vin offert par Tomo. Le bouchon se sectionne et Stéphane extirpe le bas avec un tirebouchon. Nous n’entendons pas de pschitt. La bouteille est étonnante car l’étiquette a la mention « Champagne Vintage » qui n’est pas suivie de l’année qui est juste indiquée par une inscription à la machine à écrire, en tout petit sur le coin en bas à gauche de l’étiquette. Et, plus surprenant encore, la collerette de haut de bouteille indique en gros « Vintage », mais l’année n’est pas mentionnée. C’est très curieux et fort heureusement l’année est clairement lisible sur le bouchon.

La couleur du champagne est bien claire. La bulle est faible mais le pétillant est là. L’attaque est joyeuse, claire et c’est entre le milieu et la fin de bouche que l’on ressent une amertume et un peu de poussière qui coupe le finale. Cette impression où l’attaque est splendide et le finale poussiéreux va perdurer longtemps mais j’indique que pour moi, tout va rentrer dans l’ordre lorsque nous mangerons les amuse-bouche car ce qui manque à ce champagne, c’est des mets qui corrigent son côté poussiéreux. Nous passons à table. Les gougères de Taillevent sont légendaires et arrondissent le champagne. Une assiette de jambon très goûteux et gourmand apparaîtra sur table comme par un tour de prestidigitateur. Notre ami vendeur de vins est impressionné par le fait que champagne ne montre aucune trace de dosage. Les coquilles Saint-Jacques arrivent, juste poêlées et sans aucun accompagnement et l’accord avec le champagne est sublime car le sucré de la coquille gomme presque complètement l’impression de poussière. Le champagne est bon à ce stade et nous garderons le reste du magnum pour le dessert.

Sur le homard très riche, le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 1998 a le parfum inoubliable des grands montrachets avec une largeur et une opulence de rêve. En bouche il combine une belle minéralité, un gras de bon aloi mais ce qui m’impressionne le plus, c’est la sensation de totale perfection. Ce vin est construit selon le nombre d’or, donnant sur toutes ses perspectives des architectures parfaites. Plein, riche, rond, profond, à la longueur infinie, il fait partie des plus grands montrachets que j’aie bus. Je suis aux anges, porté par la gourmandise ultime de ce vin.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1943 apparaît maintenant. La couleur est belle, d’un rose soutenu. Le nez est assez discret mais très agréable. La dégustation va se faire d’une façon toute intellectuelle car tous les trois nous avons envie de trouver en ce vin ce qui fait le charme et l’exclusivité de la Romanée Conti. Je cherche, et comme lorsqu’on fait un puzzle, on trouve toujours des pièces à placer. Il y a le salin dans cette Romanée Conti, mais je ne vois pas la rose fanée. Je constate le côté truffé qui n’est pas désagréable du tout. Mais il me manque ce supplément d’âme qui crée l’émotion extrême que l’on attend. Ce qui me manque aussi, c’est le caractère typique des vins préphylloxériques mais après coup, je me dis que c’était dans ce que je considérais comme torréfié que se trouvaient les racines préphylloxériques du vin. J’ai eu le dernier verre avec la lie qui donne un vin plus riche, plus cohérent et plus proche de ce que j’attendais. La truffe superbe et pure sous sa croûte est un plat remarquable qui s’accorde très bien au vin.

Lorsque le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1937 nous est servi un sourire illumine nos visages car le parfum de fruits rouges est superbe. On tient là un vin d’essence supérieure, grâce à ce fruit si expressif. Le vin est plein, riche et porteur de bonheur. Mais il va se passer quelque chose de totalement inattendu. Pour le pigeon, la sauce est trop réduite et le plat est trop salé. Et cet excès de sel auquel je suis sensible va inhiber, pour moi, le Richebourg qui se montre alors plus grossier ou lourd. Et l’incroyable se produit : en goûtant le Richebourg puis, à sa suite, la Romanée Conti, c’est elle qui devient tout-à-coup sublime et romantique, exactement comme j’aime les Romanée Conti. Ce vin de 1943 dont je voyais les limites, suivi par un Richebourg triomphal à son entrée en scène, devient divin, la vraie Romanée Conti comme je l’aime. Je suis revenu au moins une dizaine de fois sur l’enchaînement Richebourg puis Romanée Conti et je me suis rendu compte que le Richebourg si triomphal était inhibé par le salin du plat et la Romanée Conti au contraire devenait sans le moindre défaut. Cette sensation incroyable m’a laissé dans un étonnement profond. Comment un tel retournement est-il possible ?

Pour moi, le Richebourg a eu son moment de gloire avant que le plat ne l’entrave et à l’inverse la Romanée Conti a eu son  moment de gloire alors qu’elle avait déjà dans nos plans quitté la scène.

Nous avons fini le Krug sur le dessert, montrant de belles qualités mais aussi des petites traces de poussières, plus faibles qu’au début.

Les discussions allaient bon train et ce qui est incroyable c’est l’absence de consensus. Chacun a son vin préféré et le défend bec et ongle. Pour l’ami fournisseur, c’est le Richebourg 1937 qu’il a apporté qui est de loin le plus grand. Pour Tomo, c’est la Romanée Conti 1943 qui est son vin préféré car il n’a pas ressenti les réserves que je pouvais avoir. Pour moi c’est le Montrachet 1998, avec sa perfection absolue, qui est mon héros. Comme souvent chacun a les yeux de Chimène pour les vins qu’il a apportés. L’important c’est surtout que nous voulions goûter ensemble des vins de légende. Et nous sommes tous d’accord sur le fait que nous avons bu de très grands vins. Si j’en ai signalé ici ou là de petites faiblesses, chacun des vins nous a apporté du bonheur. Goûter une Romanée Conti 1943 est un privilège et les émotions qu’elle nous a données sont considérables. Le Richebourg, vaillant guerrier nous a offert des fruits de grande richesse. C’est donc un dîner dont nous pouvons être fiers, car constater qu’un vin n’est pas totalement parfait n’empêche pas l’émotion intense.

J’ai demandé à Jean-marie Ancher de nous imprimer le menu. Taquin comme il sait l’être, voici comment il l’a intitulé : noix de coquilles Saint-Jacques poêlées façon Audouze / homard bleu en cocotte lutée, châtaignes, pommes grenailles et olives Taggiasches / truffe noire en feuilletage, foie gras de canard poêlé / pigeon de Racan rôti, sauce à la truffe, pommes de terre soufflées / fromages affinés / pomme caramélisée, crémeux au miel d’acacia, glace au pain d’épices.

Le service du Taillevent est exemplaire et la complicité avec les repas extravagants que je leur demande de faire est totale. Globalement la cuisine fut parfaite. Nous avons vécu à trois un repas qui comptera dans nos mémoires.

voici les coquilles Saint-Jacques « façon Audouze »

elles ont créé ce qui est peut-être le meilleur accord du repas. Qui sait ?