Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner au restaurant Pages avec un Châteauneuf 1949 samedi, 3 décembre 2016

Nous serons trois à déjeuner au restaurant Pages. Je suis la puissance invitante. Au Grand Tasting, j’avais préféré le Krug 2003 au Krug 2002 aussi ai-je envie de prendre sur la carte du restaurant le Champagne Krug 2003 pour vérifier si l’impression se confirme. Par ailleurs j’ai apporté un vin pour essayer de montrer par l’exemple en quoi les vins anciens représentent un monde fascinant de saveurs inégalables à mes deux convives peu familiers de ces vins. C’est pour cela que je suis arrivé peu après onze heures, pour ouvrir mon vin. L’un des convives étant retenu à son bureau nous n’avons commencé le repas qu’à 13h30, ce qui m’a donné le temps de méditer sur le sort de notre planète et toutes ces autres sortes de choses comme on dit en anglais.

Lors du choix du menu qui n’est pas communiqué, Laure nous propose trois options : caviar ou non, truffe ou non et viande de bœuf Ozaki ou non. Le jeu est pipé car je me vois mal refuser ces trois options à mes deux complices. Nous partons donc vers le grand menu du chef Teshi qui est : pain soufflé, crème parmesan / céviche de cabillaud / cromesquis de potimarron / encornet grillé, vinaigre de Xérès / caviar de Sologne, crêpe et ciboulette / carpaccio de bœuf Ozaki / raviole de foie gras, légumes racines d’automne, truffes / bonite fumée au foin, sauce œuf mollet et brie de Meaux / cabillaud caramélisé, sauce aux champignons et truffes / veau laitier grillé, déclinaison de choux aux coques, truffes / dégustation de bœufs maturés : salers 7 semaines, normand 4 semaines et bœuf Wagyu Ozaki / tarte au citron déconstruite, glace aux panais et sauce d’huile d’olive citron / mont-blanc à la clémentine.

Il me semble que ce repas est probablement le plus grand que j’aie expérimenté au restaurant Pages. Il y a des plats nouveaux délicieux, des inventions comme des coques dans des feuilles de choux ou la bonite et un brie. Ce repas est remarquable en tous points.

Le Champagne Krug 2003 est noble et se boit beaucoup mieux en situation de gastronomie. Il n’a peut-être pas la largeur de quelques autres Krug mais il a une sensibilité qui m’émeut. Il est grand, complexe mais il est aussi fluide et incroyablement buvable. Ce n’est que du bonheur surtout sur des saveur typées comme l’encornet au vinaigre de Xérès, comme le carpaccio de bœuf et comme la bonite au brie. Sur le caviar que j’adore, un champagne plus lourd aurait été plus approprié.

Le vin que j’ai apporté est un Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Domaine M. Chapoutier 1949. J’ai estimé que ce vin tout en rondeur et d’une magnifique année serait le bon passeport pour faire voyager mes amis dans le paradis des vins anciens. Le niveau dans la bouteille est à deux centimètres sous le bouchon ce qui est remarquable. A l’ouverture de la capsule j’ai vu que le haut du bouchon est légèrement imbibé. Le bouchon est très difficile à enlever car il y a une surépaisseur au milieu du goulot ce qui demande des efforts énormes pour tirer sans point d’appui avec la longue mèche, et le bouchon se sectionne mais vient entier.

La première odeur à l’ouverture avait de l’acidité ce qui m’a fait craindre que ma démonstration ne serait pas complète mais au moment du service, le vin a perdu toute trace d’acidité. Ce vin a une attaque toute en velours et ensuite, en milieu de bouche la puissance s’affirme, le vin devient lourd et finit par une glorieuse évocation de truffe. Il combine la puissance conquérante avec la douceur du velours. C’est un vin de charme mais aussi d’affirmation. Avec le bœuf Ozaki bien gras, l’accord est divin, douceur sur douceur.

L’atmosphère est à la gaieté aussi ai-je commandé un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007, tranchant comme un blanc de blancs, expressif mais accueillant qui a parfaitement convenu aux très jolis desserts aériens.

Le restaurant Pages est décidément l’une des plus grandes tables de Paris.

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Champagne dominical mardi, 29 novembre 2016

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison avec ses enfants. Ma femme a prévu une potée aux choux et saucisses fumées. Je verrais bien un Hermitage blanc mais comme ma fille conduira après le repas nous nous en tenons au champagne de l’apéritif qui est un Champagne Dom Pérignon 1993. Alors que l’année n’est pas rangée dans les plus grandes, ce champagne est en ce moment dans une période de bel épanouissement. Les notes de noisettes et de pâtisserie abondent et tout est enveloppé dans beaucoup de grâce. Ma fille adore et c’est le principal.

L’âge sied aux champagnes bien faits, d’années dites petites.

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Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France jeudi, 17 novembre 2016

Lorsque c’est à mon tour d’inviter mes conscrits, j’essaie généralement de choisir des restaurants différents de ceux proposés par mes amis. Mais le directeur Thierry Le Luc et le chef font de tels efforts pour nous gâter et nous choyer que j’ai décidé de faire le déjeuner dont je suis le responsable au Yacht Club de France.

Pour les amuse-bouche d’apéritif, j’ai laissé libre cours à la débordante créativité de Thierry et du chef et cela donne ceci : duel entre l’andouille fumée de Ploeuc et la Langouille Espelette de Saint-Nazaire / toasts rillettes de pigeon, foie gras d’Éric Guérin de la Mare aux Oiseaux / sucettes de mascarpone et saumon fumé à la feuille d’huître.

Pour le menu j’ai indiqué des lignes directrices en fonction de mes vins et j’ai demandé que les recettes soient simplifiées à l’extrême pour que le produit sont mis en valeur. Cela donne : sole normande, jus de coquillages et potimarron / ris de veau aux cèpes et lard Belotta / filet de bœuf de Galice, pommes de terre « fin de siècle » en purée / fromages d’Éric Lefebvre MOF / sorbets artisanaux aux pamplemousses.

La qualité des produits recherchés avec amour a fait de ce repas une merveille. La seule remarque que je ferais est que le potimarron n’était pas nécessaire pour la sole. Sinon, le reste est un « sans faute ».

Le Champagne Diebolt Vallois magnum Brut sans année est un champagne qui combine vivacité et gourmandise. Sa richesse le fait aimer immédiatement. Il en impose par sa structure et sa convivialité. Ce champagne de Cramant dans la Côte des Blancs est un grand champagne.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 paraît nettement plus vieux que le précédent. J’ai peur qu’il ait vieilli plus vite qu’il n’aurait dû mais en fait, dès qu’il s’ébroue et sur les goûteux amuse-bouche, il s’anime, se montre vif et très plaisant. Champagne moins spontané il mérite sa place par sa typicité.

Le Coteaux Champenois Pol Roger Blanc de Blancs sans année doit dater des années 70. Il se présente comme très évolué et pourrait rebuter mais la sole va lui permettre de montrer ce qu’il peut offrir. Ce vin tranquille, c’est-à-dire non effervescent, a une belle matière et de belles complexités mais il ne pourra pas faire oublier qu’il est un peu fatigué.

Le Mercurey Clos des Myglands Faiveley magnum 1980 est absolument superbe. Il profite de son âge à bon escient. Il a beaucoup de puissance mais c’est surtout son élégance raffinée, aussi bien au nez qu’en bouche qui me séduit. Les deux rouges étant servis ensemble, c’est le Mercurey qui s’accordera le mieux avec le ris de veau.

Le Pommard Hospices de Beaune Cuvée Cyrot-Chaudron magnum 1990 fait nettement plus jeune que le Mercurey mais paraît moins complexe. Je préfère le Mercurey à ce stade, mais le Pommard va se montrer le plus vif sur la pièce de bœuf. Thierry Le Luc qui avait ouvert les deux magnums deux heures avant le repas, car j’avais livré les vins la veille, m’avait accueilli à mon arrivée en disant : « les deux rouges sont parfaits » et c’est vrai qu’ils n’ont aucun défaut et se dégustent avec plaisir, le Mercurey très subtil jouant de l’élégance que lui donne l’âge et le pommard plus spontané, direct et disposant d’un joli fruit.

Le Barsac Bouchard Père et fils négociant à Bordeaux 1953 a une magnifique bouteille et une couleur d’un or épanoui, encore clair. Le vin est brillant. Que demander de mieux d’un liquoreux que cette joie de s’exprimer dans des tons de fruits confits, de pâtes de fruits généreuses mais retenues. Ce vin est un bonheur car c’est un « sans grade » qui brille avec distinction et retenue.

Une nouvelle bouteille de Henriot Cuvée des Enchanteleurs a permis de terminer joyeusement ce repas d’amis. La pièce de bœuf superbe et les amuse-bouche sont les gagnants de ce repas ainsi que les surprenants sorbets très complexes. Pour les vins mes préférences iront au Mercurey et au Barsac, suivis par le champagne Diebolt-Vallois.

Ce fut un grand repas d’amitié et de talent de l’équipe du Yacht Club de France.

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Déjeuner de famille dimanche, 13 novembre 2016

Ma fille cadette vient avec ses enfants déjeuner à la maison. Sur des pâtes parfumées par un fromage à la truffe, j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Dès la première gorgée on sent que l’on est en face d’un grand champagne. Et on le ressent comme dans une phase d’épanouissement total. Il est charnu. On n’est pas dans une tendance romantique mais plutôt de plénitude. Il évoque noix et noisette. Il est insistant et plein. Son finale est glorieux. C’est un très grand champagne gourmand. Il vibre sur un délicieux camembert et avec le fromage à la truffe qui avait accompagné les pâtes et se mange seul maintenant.

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Déjeuner au restaurant l’Ami Louis vendredi, 11 novembre 2016

J’ai un frère aîné et une sœur cadette et chacun invite à son tour. C’est le mien. Choisir le restaurant l’Ami Louis, c’est accepter l’excommunication puisque le péché de gourmandise est un péché mortel, malgré l’adresse faite au Pape par Lionel Poilâne, dont je suis un signataire.

J’arrive vers 11 heures alors que le rendez-vous est à 12h30 car j’ai apporté une bouteille que j’aimerais faire goûter. A cette heure, le restaurant est en pleine effervescence pour préparer les tables. J’ouvre ma bouteille et je m’éclipse pour que la ruche fasse son travail. Un café crème peuplera ma solitude dans un café dont la serveuse est née pour faire du bruit. C’est assez drôle de constater que chacun de ses gestes doit faire du bruit, le plus spectaculaire étant celui de la manette qui contient le café, qu’elle tape avec vigueur sur une planche pour que tombe le marc. Elle fait partie de cette secte où l’on retrouve les bricoleurs du dimanche pour qui une perceuse ne peut fonctionner que le dimanche matin à 8 heures, pour que les voisins s’en souviennent.

A l’heure dite nous nous retrouvons, avec une ponctualité militaire. La surabondance des plats invite à partager avec ses convives aussi profiterons nous de : foie gras / coquille Saint-Jacques / escargots / pour l’entrée. Ensuite les parcours se séparent entre les tenants du poulet, du faisan ou du civet de lièvre. Le dessert sera aussi individuel, le mien étant pruneau à l’Armagnac qui m’a plus été imposé par Louis Gadby que consenti.

Nous commençons par un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle non millésimé
qui a besoin d’être frais pour être réellement vibrant. C’est un grand champagne dont le romantisme est moins évident sur cette bouteille. Le foie gras est d’une exactitude parfaite, la coquille est à se damner et l’escargot appartient à la catégorie « no limit » car il est si bon qu’on voudrait en redemander encore et encore. Son ail en impose. Le Chablis 1er cru Forest Dauvissat 2014 est une petite merveille de gourmandise. Il joue juste. Un détail à signaler : le corail des coquilles est joint, ce qui est apprécié.

A noter que lorsque ma femme cuisine, la coquille est servie avec un vin blanc et le corail avec un vin rouge, ce qui justifie qu’on les présente en deux services.

Le Château Haut-Brion rouge magnum 1992 est servi maintenant sur le poulet, le faisan et le civet. On sent immédiatement une matière lourde et noble. Le nez est d’une grande noblesse. Le vin est un peu plus âgé que le même bu à la maison avec mes enfants il y a peu mais on est manifestement en face d’un grand vin, noble. C’est d’Artagnan. Et on sait que d’Artagnan est d’Artagnan. Il n’a pas besoin de surjouer. Haut-Brion est dans ce cas.

A l’Ami Louis, toutes les barrières diététiques ont fondu plus vite que celles de corail. Alors les desserts sont baba au Rhum, framboises (hypocrites) noyées sous un déluge de crème fraîche, et pour moi prune à l’Armagnac. Et lorsque le dessert est fini, ce sont Quetsche, calvados, chartreuse verte ou chartreuse jaune. Et le temps nécessaire pour vérifier si on préfère la verte ou la jaune nous permet d’atteindre des niveaux qui dépassent les graduations des alcooltests.

Au restaurant l’Ami Louis, on dirait que le temps s’est arrêté en 1925, lorsque le mot diététique n’était pas au dictionnaire. Si Joséphine Baker avait à cette époque deux amours, son pays et Paris, elle aurait pu ajouter l’Ami Louis. Nous sommes hors du temps, avec des saveurs de bon aloi. La montagne de frites est changée en cours de route pour que les frites soient chaudes ce qui est un B.A. BA de la gourmandise. Louis Gadby est un hôte charmant. Si l’on est prêt à faire jeûne pendant les trois jours qui suivront, il faut vite aller à l’Ami Louis.

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Dîner chez une amie vendredi, 11 novembre 2016

Avec ma femme je vais dîner chez une amie qui a invité des amis que nous n’avons pas revus depuis plus de vingt ans. C’est un grand plaisir de voir ressurgir des souvenirs comme s’ils étaient d’hier. Mais bien sûr on constate que la marche du temps change significativement les corps et beaucoup moins les esprits, car nous avons ri comme jadis.

Notre amie a ouvert deux bouteilles de son défunt mari de Château L’Angélus 1984. La première a une belle matière, mais des traces de poussières gustatives empêchent de l’aimer. La seconde est beaucoup plus pure et montre que même de 1984, des vins peuvent avoir une belle structure, lourde et charpentée. C’est un vin qui évoque la truffe et la mine de crayon. Il est fort agréable sur la cuisine bourgeoise succulente de notre amie.

J’ai apporté une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997 car je ne voulais pas prendre une année trop puissante pour notre amie habituée aux vins de Bordeaux. Le vin est tout en discrétion, même presque trop, comme s’il souffrait de timidité. Mais le finale de grande fraîcheur en fait un vin sympathique et gourmand qui nous a séduits.

Casual Friday de folie au 67 Pall Mall Club de Londres lundi, 7 novembre 2016

Lorsqu’en 2011 Moët & Chandon a fait une importante opération de communication sur le Moët 1911 vendu le 11 novembre à 11 heures dans 11 capitales de la planète, j’avais rencontré Peter, un jeune écossais fou de champagne que j’ai revu quelques fois pour partager de belles bouteilles. Il organise une dégustation verticale du champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill à Londres et la veille de cet événement, un dîner amical à thème avec apport de bouteilles des participants.

Je vais profiter de ce voyage pour apporter au 67 Pall Mall Club les bouteilles de l’un des trois dîners que je ferai en décembre dans ce club. Arrivé à la gare de Saint Pancrace, je me rends directement au club avec mes deux lourdes valises pour donner les vins à Terry, le chef sommelier. Passant par le bar je suis salué par quelqu’un qui devine qui je suis. Il me montre des bouteilles ouvertes de barolos aux années très anciennes et me dit qu’il va les boire ce midi en petit comité avec des amis grands collectionneurs de vins. Je ne sais pas par quel miracle je me trouve invité à me joindre à eux.

Julian qui a apporté les barolos est rejoint par Grant Ashton, gérant du club et deux de ses associés puis par deux autres amateurs. Nous serons sept pour un déjeuner qui est strictement dans le format qui préside aux Casual Friday que nous organisions à Paris avec quelques amis. Grant fait ouvrir par Terry un Champagne Dom Pérignon rosé 1990. Le nez de ce champagne de forte réputation est fantastique. Le goût est un peu serré. Mais lorsque le champagne s’étend dans le verre, il est glorieux. C’est un grand champagne de plaisir conforme à sa réputation.

Nous passons à table. Sur des huîtres bien goûteuses, Terry sert un Puligny-Montrachet Les Folatières Bachelet-Monnot 2011 qui a un très joli fruit et me fait une très bonne impression. Il est plein en bouche. Nous avons ensuite trois terrines, l’une au saumon, une autre à la grouse et une autre de gibier, qui s’expliquent par le fait que Grant et un de ses associés sont chasseurs. Le Château Gruaud-Larose 1959 a un nez fantastique. La couleur est un peu trouble mais le goût est superbe. L’attaque est parfaite et le finale est un peu amer mais cela s’arrange avec la grouse, le finale devenant très beau.

Le Château Latour 1962 est frais et fait beaucoup plus jeune que le 1959. Il est absolument équilibré mais il est trop « attendu », trop « bon élève » aussi est-ce le 1959 qui retient plus l’attention. Nous allons maintenant boire les cinq barolos de Julian.

Le Barolo Fontanafredda 1945 a un nez incroyable. On dirait un madère. L’alcool ressort. La couleur est très claire. Le goût est celui d’un vin fort en alcool et de café.

Le Barolo Borgogno Riserva 1937 a une couleur plus tuilée. Le nez est discret. J’adore ce vin doucereux, tout en velours. Il est plus vieux mais plein de charme. Le 1945 est plus vif, plus complet mais j’ai un petit faible pour le 1937 qui a des goûts qui évoquent des vins beaucoup plus vieux comme ceux des années 1910.

Le Barolo Cappellano 1935 a été « coraviné » depuis plusieurs mois car ici, ces amateurs ouvrent un grand nombre de bouteilles en utilisant le « Coravin » cet outil qui permet de prélever du vin dans la bouteille avec une seringue et de le remplacer par un gaz inerte. Ce mode de consommation n’entre pas dans ma philosophie mais mes convives n’ont pas mes réserves peut-être trop prudentes. Le vin est très subtil en bouche, élégant et un peu sec dans le final. La plus belle couleur est celle de 1945 et la plus vieille celle du 1937. Sur les giroles, le 1935 devient très vivant et je classe 1935 / 1945 / 1937 car le 1935 est celui qui colle le plus au goût des giroles.

Les deux barolos suivants sont servis sur un risotto à la truffe car dans ce club, apparemment, on ne se prive pas. Le Barolo Ceretto Riserva 1964 est parfait, sa couleur est belle et il a tout pour lui. Le Barolo Oddero 1967 est plus tuilé que le 1945 ce qui est étonnant. Des cinq barolos c’est le 1964 qui gagne, le tiercé étant 1964 / 1935 / 1945. Lorsque Julian me dit qu’il a plus de cinq mille barolos dans sa cave, j’ai l’impression d’être sur une autre planète.

Le Vega Sicilia Unico 1948 est réputé pour être l’un des plus grands Unico qui aient été faits et cette bouteille va conforter cette réputation. Le nez suggère des petits fruits rouges comme le font des bourgognes du début du 20ème siècle. Il est extrêmement délicat. Il allie puissance et velours, c’est un des très grands Unico.

Le Valbuena 5 Bodega Vega Sicilia 1977 a un nez de café et fait vraiment plus vieux que son âge. Il va se réveiller sur la viande. Il n’est pas aussi noble que l’Unico mais il est bon.

Le Château Léoville-Poyferré 1982 est superbe, magnifique, dans un état glorieux. C’est une très belle bouteille. Le Château Gruaud-Larose 1982 est bon, mais je préfère le Poyferré.

Le Château Haut-Brion rouge 1998 est un grand vin avec un très joli fruit, mais son finale est trop jeune aussi ne brille-t-il pas autant que cela en face des 1982 alors qu’il est d’une plus noble matière.

Le vin est un être vivant puisque par la suite, sur l’excellente viande, je préfère le Gruaud-Larose au Poyferré. Grant Ashton ajoute un vin mystère à découvrir . L’un des convives le trouve. Il s’agit du Château Haut-Brion rouge 1995 que j’aurais imaginé beaucoup plus vieux notamment à cause de la lie dans le verre.

L’ambiance de ce petit groupe est amicale et généreuse. L’usage du Coravin permet de multiplier les vins puisque ceux qui sont ouverts pourront être bus une nouvelle fois. La nourriture est excellente, le vin du repas, c’est le Vega Sicilia Unico 1948. Dans l’ambiance communicative de ce genre d’évènements nous avons pris date pour une revanche où j’aurai l’occasion d’apporter du vin. Londres est la patrie des amateurs de grands vins.

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Dîner à l’Ecu de France à Chennevières mercredi, 26 octobre 2016

Nous allons dîner, ma femme, mon fils et moi à l’Ecu de France à Chennevières. Nous sommes accueillis par la famille Brousse comme en famille. Mon choix de menu sera : fraîcheur de homard en habit rouge, crémeux de Bufala à l’huile de pistache / filet de bar, beurre aux algues et Combawa, mousseline de poire, céleri au curry. Ma femme et mon fils ont pris des plats différents qui pourront accompagner un vin blanc.

J’ai envie de prendre un Meursault-Perrières Domaine des Comtes Lafon 1992 d’une année que j’adore. Hervé Brousse qui dirige l’établissement m’indique que ce vin commence à truffer un peu, mais je confirme mon intention. Le vin est effectivement ambré mais d’un bel ambre. Le nez est superbe avec des évocations très nettes de pierre à fusil ou l’odeur de poudre d’un pétard qui vient juste de claquer, mêlées à des senteurs de fruits jaunes. En bouche, le vin est effectivement évolué et l’on n’est plus dans la gamme de goûts d’un vin jeune, mais le goût n’a aucune perte de précision et son finale exulte, avec une belle fraîcheur. Nous nous faisons plaisir mais j’aurais sans doute préféré un vin plus jeune.

J’ai apporté avec moi le reste du supposé Porto blanc des années 20 et je le fais goûter à mon fils et à Hervé Brousse qui nous raconte qu’après le pillage des éléments de décoration et de la cave du restaurant lors de guerres précédentes, son grand-père avait tout enterré ou muré au moment de la deuxième guerre mondiale, et à l’occasion de rénovations son père et lui avaient découvert des bouteilles cachées dont des cognacs du début du 19ème siècle et de très vieux portos. Alors, il va discrètement chercher un Porto Constantino dont il pense qu’il date de 1926. Il cherche aussi un porto blanc récent et nous pouvons vérifier deux choses. La première est que la supposition d’un porto blanc a toutes les chances d’être exacte car le finale du jeune porto blanc a beaucoup de similitude avec celui du vieux vin. La deuxième est que le porto blanc que nous avons supposé être des années 20 est très certainement beaucoup plus ancien, d’au moins trente ans, car le Porto 1926 paraît très jeune à côté de lui. Ma première impression sur le bouchon me conduisait vers 1890. On reviendrait donc à ma première impression.

Le Porto blanc vers 1890 a un parfum éblouissant qui subsiste encore, avec des notes de confiture de fraise et de douceur. Son goût évolue encore et lorsque je verse les ultimes gouttes qui n’ont aucune lie, c’est une explosion de douceur, comme le plus moelleux des sofas. C’est presque de la luxure. C’est un dessert au chocolat aux mille saveurs qui a conclu le repas.

Dans le calme d’une salle sans musique (quel bonheur !) le balancier de l’horloge rythmait doucement nos plaisirs et son carillon chaque heure faisait tinter des souvenirs d’enfance. On se sent bien à l’Ecu de France.

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Visite de ma cave et casse-croûte sur place mercredi, 26 octobre 2016

Lors du déjeuner à Apicius avec les rhums La Mauny, j’ai rencontré un journaliste et écrivain spécialiste en alcools, dont whiskys et rhums. Au cours de la conversation j’avais suggéré qu’il vienne voir les alcools de ma cave et rendez-vous fut pris pour visiter et déjeuner sur place. Il est en charge des victuailles et je fournis le liquide, puisqu’il y en a. Alexandre se présente à l’endroit de ma cave et tombe en arrêt devant les milliers de bouteilles vides alignées dans un grand salon. Nous allons ensuite dans la cave pour visiter les alcools, tous stockés debout sur des étagères à hauteur des yeux. Il n’y a aucun ordre de rangement et un foisonnement d’alcools de tous types, myrtille, cumin, gentiane, goudron, absinthe, mandarine, cherry, calvados, prune, pastis, Byrrh, Mandarin, Clacquesin, noyau de Poissy, prunelle, j’en passe et des meilleurs et bien sûr, des marcs, whiskys, whiskeys, bourbons, eaux de vie, armagnacs, cognacs, chartreuses, auxquels s’ajoutent les vins de Chypre, les malvoisies, les madères, les rancios, les samos, les portos, les Xérès et autres vins doux. Beaucoup mieux que moi Alexandre sait ce qui est rare et ce qu’il ne l’est pas. Il y a des bouteilles qu’il n’a jamais vues, des très rares et des très banales. Au cours de la visite je repère une bouteille dont le niveau a baissé, d’une forme qui évoque un madère ou un vin du sud de l’Espagne, très vieille et sans la moindre indication. Elle me tente et je propose que nous la goûtions.

Nous remontons pour déjeuner. Alexandre a apporté trois types de jambons, une tapenade qui flirte avec un pesto, trois fromages et deux tartelettes. Il a bien fait les choses.

Je débouche la bouteille. Le bouchon se casse en deux car à l’intérieur du goulot le verre resserré en milieu de bouchon l’empêche de sortir. L’aspect du bouchon me fait penser qu’il a plus de cent ans. Le parfum du vin est inimaginable. Il est d’une douceur et d’un charme incommensurable. C’est un parfum caressant de confiture de fraise. Mais il est captivant et envoûtant. La bouche est plus calme, plus tranquille, doucereuse et légèrement sucrée. Du fait de la forme de la bouteille, j’ai encore en tête l’idée d’un madère qui aurait évaporé son alcool, mais fort justement Alexandre m’oriente vers un porto blanc. Et cette idée est plus réaliste car elle colle avec la douceur agréable de ce que nous buvons. Disons que c’est probablement un Porto blanc années 1920 ou un vin de la péninsule ibérique qui aurait un peu perdu de son alcool. Si le vin va bien avec le jambon, un champagne serait plus adapté à la suite du repas. J’ouvre un Champagne Salon 1997. Je dis « j’ouvre », mais le bouchon me résiste tellement qu’il me faut une clef anglaise pour faire tourner suffisamment le bouchon pour qu’à la fin il daigne remonter. Très naturel, facile, gourmand, le Salon 1997 est à son aise sur la tapenade que sur un fromage bio à peine affiné que j’ai apporté. Nous bavardons de mille anecdotes et une idée me vient. Alexandre réunit parfois des amis pour des dégustations d’alcools à thème. Pourquoi ne pas composer un dîner sur la structure de mes dîners qui exclut les thèmes et choisir des alcools très disparates pour créer des associations avec des plats les plus osés possibles.

Alexandre a pris des centaines de photos dans ma cave. Des idées s’échafaudent. J’adore ces casse-croûtes improvisés.

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Nouveau dîner caviar à la maison mercredi, 26 octobre 2016

Dans ma famille les traditions ont du poids. Comme chaque fois qu’il vient en France, mon fils passe chez un de ses traiteurs favoris et achète du caviar pour ma femme et moi, à manger en son absence pour penser à lui. Mais ma femme veut casser la tradition et ouvre les deux boîtes, à partager avec notre fils. Lequel, lorsqu’il voit cela, fronce les sourcils et dit : « c’était pour vous deux ». Mais le mâle dominant dans la famille, c’est ma femme et on ne lui résiste pas. Aussi, les deux boîtes sont partagées en trois. Il s’agit pour une fois d’un caviar Prunier boîte noire. Pour le caviar il faut un champagne jeune et je choisis un Champagne Deutz Cuvée William Deutz 1999. La bulle est belle, la couleur est celle de blé d’été, et on retrouve en bouche ce que les yeux perçoivent, la joie d’un blé d’été. Si la Chine est l’Empire du Milieu, on pourrait dire que ce champagne est le « juste milieu ». Il est l’archétype du champagne de plaisir, celui que l’on pourrait déposer au Pavillon de Breteuil pour désigner l’étalon du champagne, celui auquel tout champagne devrait ressembler. On pourrait ajouter étalon du champagne jeune, car évidemment aucun champagne ancien ne lui ressemblerait. Ce champagne est bon, distribuant avec justesse ses subtilités. Il est convenable, valable, bien sous tous rapports. Il n’est pas extravagant et ce n’est pas ce qu’on lui demande pour accompagner ce caviar agréable mais moins vibrant que le malossol que nous avons goûté il y a peu avec Salon 2002. Nous poursuivons avec des filets d’anguille fumée fort gras qui ont un peu de mal avec le champagne qui ne s’adapte pas aussi bien qu’avec le caviar.

J’ouvre ensuite pour le fromage et le dessert un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964. Je suis un adorateur des Brut Impérial de Moët anciens, qui révèlent des qualités exceptionnelles. Le bouchon ne libère aucun pschitt. La couleur est ambrée rose, le pétillant est très faible aussi est-on plus en présence d’un vin que d’un champagne. Mais ce qui coule dans notre gosier est une ébauche de paradis, car c’est destination « nowhere ». On ne sait pas où on va. C’est l’énigme avec mille saveurs. Et mon fils et moi allons diverger sur les appréciations. Il est aux anges. Je le suis moins, car ce n’est pas un des plus grands Brut Impérial que je connais. Il y a une petite fatigue qui limite l’enthousiasme. Mais même ainsi, ce voyage dans des saveurs qui n’existent dans aucun champagne est quand même fascinant. Il y a des fruits, mais esquissés, des acidités légères, des amertumes raffinées, c’est comme la palette de peintre d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Le camembert converse gentiment avec le Moët et une délicieuse tartelette aux fruits aigrelets joue avec les fruits variés du champagne.

Un aimable caviar et deux jolis champagnes nous ont comblés.

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