Archives de catégorie : vins et vignerons

Dîner au restaurant de Lauzun et verticale de 27 mas de Daumas Gassac vendredi, 21 juin 2024

Probablement en 2003 j’ai rencontré, lors d’un dîner autour du vin, Aimé Guibert le créateur du Mas de Daumas Gassac qui avec l’appui de l’œnologue Emile Peynaud a eu l’idée de faire du vin en utilisant le cabernet-sauvignon, ce que personne n’avait fait avant lui. Nous avions bavardé et une amitié épistolaire est née car Aimé, qui lisait chacun de mes bulletins, les commentait dans des lettres dithyrambiques, m’inondant de compliments que je ne méritais sans doute pas. J’en cite un, juste pour que l’on situe : « quel talent d’écrivain, comme un mélange de Colette et de Dumas. Vos phrases sautent au visage ou à la bouche, mais d’abord à l’esprit ».

C’est cette amitié sans doute qui a fait que je suis invité, avec la fine fleur des experts en vins et journalistes du vin à une dégustation de 27 millésimes du Mas de Daumas Gassac à Aniane.

Ayant ouvert il y a plus de dix ans toutes les bouteilles d’une mythique dégustation de 56 millésimes du Clos de Tart, j’ai proposé de participer à l’ouverture des bouteilles, mais en fait Roman Guibert, l’un des quatre enfants d’Aimé qui travaillent au domaine, a préféré utiliser sa méthode et j’ai compris lors de l’événement les raisons de ce choix. Les bouteilles sont ouvertes la veille à partir de 17 heures et rebouchées avec un bouchon spécial et un Coravin qui permet de faire le vide dans le goulot. Les bouteilles sont rouvertes le jour de la dégustation à 8 heures, versées dans les verres que l’on recouvre d’une coiffe en carton. La dégustation démarre à 9 heures.

Je suis invité à assister à l’ouverture des vins et à valider des bouteilles, soit en sentant les vins, soit en goûtant s’il y a un doute. Compte tenu du nombre de dégustateurs il y aura trois bouteilles par millésime, ce qui veut dire que les résultats de la dégustation pourront varier. Mais on saura à qui chaque bouteille est attribuée ce qui permettra de recouper les avis. Une quatrième bouteille de chaque millésime sera en réserve, non ouverte, pour le cas où.

Il y a cinq ou six ouvreurs et cela va très vite. Les millésimes après 1991 sont ouverts au tirebouchon classique et les millésimes de 1991 à 1978, date du premier millésime du domaine sont ouverts soit au bilame soit au Durand. Je demande de pouvoir faire une expérience, celle d’ouvrir l’un des vins selon ma méthode et de comparer le lendemain entre la bouteille officielle et celle que j’ai ouverte. Ce sera un vin de 1986.

Avec Roman nous nous rendons à l’hôtel Restaurant de Lauzun au prieuré Saint-Jean de Bébian à Pézenas, tenu par le chef étoilé Matthieu de Lauzun. Comme nous sommes arrivés en avance, nous buvons un Champagne Larmandier-Bernier Vieille Vigne du Levant Grand Cru 2008. C’est un blanc de blancs extra brut. Il a une personnalité impressionnante et une longueur quasi infinie. C’est un grand blanc de blancs très expressif.

Les invités arrivent et notre table est très cosmopolite. Il y a des journalistes connus qui écrivent sur le vin dans les revues les plus lues, une critique du vin anglaise, une Master of Wine chinoise, un français Master of Wine qui officie en Chine, un autre Master of Wine allemand, d’autres professionnels anglais, un homme du vin de Nouvelle-Zélande et un Instagrammeur français très actif. Ils sont tous experts en vins.

Le menu préparé pour les vins est : saumon de fontaine de la ferme aquacole de Condax, concombre, cacahuète et pulpe d’échalote confite / cabillaud de ligne de Bretagne sur l’idée d’une tielle, safran tomate et poulpe en beignet / le faux-filet de pure race Aubrac grillé, gâteau d’aubergine et condiment menthe, feta, crispy tandoori. Le jus simple / pêches et brugnons d’ici comme une tarte, amandes amères et financier à la pâte d’amande.

Le chef a du talent et de beaux produits. On sent que les plats ont été étudiés pour se marier avec les vins, mais bien souvent une palette d’ingrédients trop vaste rend l’accord moins lisible, sauf pour le dessert qui épouse les complexités du vin.

Nous commençons par un Mas de Daumas Gassac rosé Frizant 2022 qui est pétillant et de belle fraîcheur, un agréable début de repas. Le service des vins est fait par Matthieu Baas, sommelier très compétent.

Le Mas de Daumas Gassac blanc 2021 est d’une grande richesse et d’un équilibre parfait. En le buvant, j’ai pensé que si ce vin était présenté sur les tables des restaurants de la Côte d’Azur il ferait un tabac, car à cet âge, il a une maturité qui surpasse tous les blancs de Côtes de Provence. Je m’en suis ouvert à Roman qui m’a dit qu’il aurait du mal à fournir les quantités nécessaires pour s’imposer dans cette région. Le saumon est superbe et colle bien au vin blanc

Le Mas de Daumas Gassac blanc 2004 se marie divinement au cabillaud parfait. Alors que le 2004 a 20 ans quand le 2021 a 2 ans, je trouve des maturités très proches, vins solides et riches. Les deux sont excellents, l’accomplissement du 2021 étant étonnante.

L’Aubrac est brillant et le Mas de Daumas Gassac rouge Cuvée Emile Peynaud 2015 est éblouissant. Quelle richesse. L’étiquette indique que ce vin est du cabernet-sauvignon de la parcelle la plus pauvre du Mas de Daumas Gassac, la vigne de Peyrafioc, en hommage à Emile Peynaud. Une fois de plus je suis enthousiaste pour la sérénité et l’équilibre de ce vin riche et gourmand. A ce stade, je n’ai que des avis plus que positifs.

Le Mas de Daumas Gassac vin de Laurence 2021 est un de ces vins de liqueur aux vendanges en surmaturité que les vignerons aiment à ajouter à leur gamme de vins. Il est charmant, aimable, combinant amertumes et douceurs, et se marie totalement aux amers et douceurs du dessert.

Après une nuit dans un hôtel de Pézenas, nous nous rendons au Mas de Daumas Gassac pour la dégustation verticale de 27 millésimes des rouges du domaine, depuis le premier vin de 1978. La préparation est impressionnante, chacun ayant 27 verres devant lui, posés sur des ronds dessinés à la dimension des pieds de verre, avec le numéro du millésime inscrit devant le verre, et un chapeau de carton couvrant les verres. C’est une très belle organisation.

L’un des fils Guibert explique qu’une fois tous les dix ans le Mas de Daumas Gassac veut vérifier où il en est de sa démarche en faisant goûter les vins rouges par des experts. C’est une remise en question. Plusieurs experts ont assisté à la précédente verticale d’il y a dix ans et certains ont fait plus d’une verticale. Nous avons deux heures pour jauger ces vins et fournir en fin de session les cinq préférés.

Les années goûtées sont :

22 21 20 18 16 15 12 11 10 09 08 07 05 03 01 98 97 95 94 91 88 86 85 84 82 81 78.

J’ai bu les vins du plus jeune au plus ancien.

Ma façon de juger est très différente de celle des experts comme je le constaterai en écoutant leurs explications très sérieuses, documentées et compétentes. J’ai personnellement analysé en fonction de cette question : « aimerais-je boire ce vin maintenant ? ». C’est donc une approche très différente puisque les experts jugent sur le potentiel du vin quand je regarde ce que le vin m’offre à l’instant. De ce fait, comme il est arrivé lorsque je passais les examens du baccalauréat et les concours des grandes écoles, j’ai remis ma copie le premier. Ce n’est pas un signe de compétence évidemment.

D’une façon générale j’ai trouvé que l’effet d’épanouissement d’un vin par l’âge joue très peu. Le vin prend très vite sa structure et la garde au fil des années. La solidité est là très vite, comme j’ai pu le constater au dîner d’hier. Ma réponse à la question « comment qualifiez-vous ces vins ? » a été : « vins de caractère, solides, très droits, vins de gastronomie ». Je pense que la bonification par l’âge arrivera plus tard, car les vins, même le 1978 sont encore dans une belle éclosion.

J’ai fait un premier tri de ceux que je préfère : il s’agit de 16 12 09 03 94 91 86 85 84 82.

Voici mes commentaires sur les cinq premiers de mon vote, dans l’ordre :

1985 : nez intense, très beau vin qui a tout pour lui. Large, équilibré, grand. Très grand équilibre.

1982 : attaque très plaisante, vin agréable et joyeux. Joli nez élégant. Très agréable et accompli

1991 : nez assez riche, belle fluidité, élégant. Bouche équilibrée. Vin très agréable, plus original que les précédents

1994 : nez beaucoup plus plaisant, vin accueillant, agréable et d’un beau final. Vin différent, pas typique et séduisant peut-être par ses petits défauts

2003 : nez très vert. Belle fluidité, belle personnalité. Beau final.

Lorsque j’ai goûté le 1986, j’ai demandé qu’on m’apporte celui que j’avais ouvert moi-même et laissé dehors sans rebouchage. Il est beaucoup plus ouvert et large que le 1986 officiel et j’ai alors compris pourquoi Roman Guibert tenait à sa méthode, parce que les experts jugent la structure et l’avenir de chaque vin et non pas sa prestation du moment. Ma méthode ne correspond pas à l’objectif du jour.

Les nombreux experts ont présenté leurs visions des vins et ont été extrêmement laudatifs. La singularité du Mas de Daumas Gassac impressionne beaucoup d’entre eux.

Chacun a donné ses préférés, je pense que plus d’une vingtaine des vins figurent dans les votes très différents. Les années qui sont présentes le plus souvent dans les votes sont 1982, 1988, 1986, 2011, 2012, 2020. Je recevrai le résultat final dans quelques jours.

J’ai eu la chance de bavarder avec la femme d’Aimé, mère de cinq garçons dont quatre travaillent au domaine. Un repas était prévu ainsi qu’une visite des vignes. J’ai présenté mes excuses car mon fils venait nous rendre visite dans ma maison du sud. Je me devais de le rejoindre.

Accueil charmant, organisation parfaite de la dégustation, grands vins. Tout amateur se doit d’inclure Mas de Daumas Gassac dans sa sélection de grands vins.

Dégustation de Trévallon avec des passionnés dimanche, 28 janvier 2024

Un amateur de vin, Arnaud, qui me suit sur Instagram, m’informe qu’une dégustation aura lieu non loin d’Avignon lors d’un déjeuner autour des vins du domaine de Trévallon, avec les héritiers d’Eloi Dürrbach et peut-être Emmanuel Reynaud. Après avoir échangé des mails, je donne mon accord. Pour me rendre au lieu du rendez-vous, je peux constater qu’un grand nombre d’agriculteurs ont bloqué une sortie d’autoroute, et quand j’arrive à l’adresse indiquée, je me sens perdu car je ne trouve pas le restaurant Le 7 dont le chef est Laurent Guillaumond. Fort heureusement des participants du déjeuner viennent à mon secours.

Le restaurant est haut perché et de sa terrasse on voit les magnifiques structures de pierre d’Avignon. Nous sommes reçus par Marion, aimable et souriante.

Avant que tous les participants ne soient arrivés j’ai le temps d’ouvrir mes deux apports, un Château Chalon Clément 1906 et un vin de Chypre 1870.

Je suis surpris de voir des participants aussi jeunes car je pourrais être le grand-père de plusieurs d’entre eux, mais je constaterai au fil du repas qu’il s’agit d’amateurs particulièrement connaisseurs de vins. Nous sommes quatorze dont dix seulement sont des buveurs. Isoline et Antoine Dürrbach nous font l’honneur de participer à la dégustation des vins de leur domaine de Trévallon.

L’ordre de service des vins se met en place et nous allons commencer par un champagne jeune dont on me dit que le jeune viticulteur est devenu en un temps très court une vedette de la Champagne. Nous buvons un Champagne Pascal Hénin l’Appel de la Forêt non millésimé à majorité de pinot noir et j’avoue que je reste sur ma faim, car ce champagne est très court et son fruit manque de cohésion. On peut supposer que c’est cette bouteille qui n’est pas au rendez-vous.

On verra tout au long du repas que les premiers contacts avec des vins ne sont pas définitifs et que la première impression peut ne pas représenter le vin lorsqu’il est épanoui dans le verre.

L’apéritif consiste en un tartare d’huître de Camargue, friture de jols, saumon gravlax, crème acidulée aux œufs de truite. Il est accompagné de deux champagnes porteurs d’un label du Club des Viticulteurs Champenois (Spécial Club).

Le Champagne Pierre Gimonnet 1982 marque un tel saut gustatif par rapport au champagne précédent qu’on prend conscience de la richesse d’un vin de plus de quarante ans. Le parfum est magique et le champagne est généreux et accompli. Un bonheur.

Le Champagne Edmond Bonville Blanc de Blancs 1979 a un nez moins joyeux et une structure plus tranchante. Ce champagne est strict et émeut beaucoup moins que le 1982, mais il aurait été plus apprécié s’il n’y avait pas le 1982 à côté de lui.

Le menu préparé par le chef est : carpaccio de Saint-Jacques et truffe / magrets de sarcelle de Camargue rôtis, purée de panais et épinards frais, petit jus / cromesquis d’agneau sur houmous en une bouchée / palombe confite aux lentilles vertes du Puy / fromages en deux services / salade d’orange et clémentine corse, sorbet orange sanguine légèrement arrosé.

Je suis allé de surprise en surprise tant la qualité des produits est parfaite et la « façon » intelligente et cohérente avec les vins. Le chef a fait un repas de très haute qualité.

Quand je porte mon nez au Champagne Selosse Lieux-Dits Les Carelles Blanc de Blancs d’une base de vins de 2016 et dégorgé en 2023, j’ai l’impression que je m’envole sur un nuage de félicité. Ce parfum est diabolique. En bouche c’est un champagne solide, percutant, de haute intensité. Mes voisins de table – qui savent tout – me disent que Les Carelles est le plus grand des champagnes parcellaires de Selosse.

Nous passons maintenant aux vins du domaine de Trévallon qui sont l’objet du repas. Plusieurs bouteilles du même millésime ont été servies ce qui fait que les impressions des uns et des autres peuvent avoir divergé.

Apparaissent le Trévallon blanc 1998 et le Trévallon blanc 1996. Les couleurs des deux vins sont d’un bel or. Le 1998 est délicat, subtil, émouvant alors que le 1996 est plus solide, conquérant et large. Autour de moi et même Antoine Dürrbach préfèrent le 1996 mais je préfère le 1998 gracieux dans sa délicatesse alors que la puissance du 1996 ne me semble pas avoir atteint la précision et la maturité que l’on attendrait. On aurait beaucoup de mal à l’aveugle à trouver la région de ces deux vins délicieux.

Je suis assez déçu par le Trévallon rouge 1985 et le Trévallon rouge 1988 car ils me semblent plus vieux qu’ils ne devraient et souffrent, même si c’est légèrement, de petits problèmes de bouchon. Mais j’ai pu remarquer qu’avec le temps, le 1988 a retrouvé une partie de sa grandeur.

Un phénomène similaire va se produire avec le tant attendu Trévallon rouge 2001. Il apparaît timide, fade, un peu coincé, mais il va prendre une ampleur telle qu’il va progressivement corriger ses incertitudes.

Les choses vont devenir infiniment plus positives avec le Trévallon rouge 1995 et le Trévallon rouge 1990. Le 1995 est grand et le 1990 est une merveille. On a avec ce 1990 tout ce qui a fait la réputation et la gloire de ce vin exceptionnel. Tout y est, le parfum enivrant de subtilité et la force de caractère d’un vin inébranlable. Un régal.

Quand on sent le 1990 et quand on sent ensuite la palombe à la divine cuisson, on ne sait pas qui est le vin et qui est l’oiseau. Leur symbiose est magistrale.

Pour les fromages sont servis le Trévallon blanc 2014 et le Trévallon blanc 2007. Après ces belles et nombreuses séries, j’ai moins d’attention pour ces deux blancs car le souvenir des 1998 et 1996 si brillants m’empêche d’être passionné par ces deux blancs jeunes.

Ceux qui avaient vanté les mérites du jeune vigneron champenois essaient de m’intéresser au Chenin Richard Leroy Les Noëls de Montberault 2017 et je suis assez dubitatif. Je vois mal qu’on puisse aduler ce vin. Mais je suis peut-être trop critique.

On sert maintenant sur un fromage adapté (eh oui, un camembert affiné au calvados peut ne pas être un sacrilège) le Château Chalon Clément 1906 dont la bouteille me semble beaucoup plus vieille et d’un format de 75 centilitres voire plus. On pourrait dire que ce vin est un peu trop discret et peut-être un peu trop aqueux, mais si on cherche à lire ses complexités, on a un vin très attachant. Je n’aurais probablement pas dit Château Chalon à l’aveugle, mais c’est un témoignage intéressant aux complexités séduisantes.

Le Vouvray Le Haut Lieu Moelleux Huet 1990 est exactement ce qu’on peut attendre de ce vin joyeux, équilibré, généreux, de pur plaisir. Sa fraîcheur est magique.

Le Château de Tastes Sainte Croix du Mont 1924 a été offert par un participant qui voulait que nous buvions un vin de juste cent ans. Il est d’un niveau magnifique, d’une couleur presque noire. Son parfum est dense et en bouche, on le situerait au niveau de grands sauternes. Il est parfait comme eux et irréprochable comme eux.

Le Vin de Chypre 1870 avait à l’ouverture un nez moins puissant que celui du château de Tastes mais plus profond. Ce vin où l’on peut trouver du café, du balsamique et mille autres évocations est intense, riche, tout en gardant une fraîcheur extrême. Il a une longueur infinie. J’avais demandé à Marion des pastilles de chocolat qui ont accompagné le vin comme il convient, alors que le dessert aux agrumes était évidemment exclu.

Le programme était déraisonnable, mais nous avons réussi à tout boire grâce à la cuisine idéalement appropriée. J’ai été impressionné par la culture de ces amateurs fous de toutes régions qui sont venus pour cet événement, certains d’entre eux poursuivant le soir avec un dîner à l’Oustau de Baumanière. Passion, quand tu nous tiens…

Il est difficile de classer des vins aussi disparates mais je choisirai : 1 – Selosse, 2 – Trévallon 1990, 3 – Chypre 1870 et peut-être en quatrième soit le vin de 1924 soit le Trévallon blanc 1998, soit le champagne de 1982. Il y a eu tant de grands vins.

Antoine et Isoline Dürrbach ont su apporter tout au long du repas des anecdotes et les préférences de leur père. Le chef a fait un repas de haut niveau. L’ambiance joyeuse et décontractée a fait de ce repas un événement mémorable. Merci Arnaud de l’avoir organisé avec ces généreux passionnés.

Penfolds Grange à Miami vendredi, 15 décembre 2023

Dans un beau restaurant Doma à la cuisine italienne nous buvons un Penfolds Grange Bin 95 2003 apporté par mon fils. J’adore ce vin comme j’adore Vega Sicila Unico, car les deux combinent puissance, fluidité et charme, avec un finale mentholé. C’est le point final de ce beau séjour américain.

Déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte jeudi, 30 novembre 2023

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte reçoit de temps à autre des amis amateurs de ses champagnes pour un déjeuner appelé : « entre privilégiés ». Je reconnais des participants avec qui j’ai déjà fait de belles dégustations. Nous serons nombreux car il y a quatre jeunes personnes de Chine ou du Japon et des têtes nouvelles puisque nous sommes plus nombreux que d’habitude, autour de vingt personnes.

J’avais vu sur Instagram que le compte du champagne Salon a parlé plusieurs fois du millésime 1905. Cela a attiré ma curiosité et, sans savoir si je l’ouvrirais, j’ai pris avec moi une bouteille d’alcool de 1905 sans aucune autre indication que la date.

Lorsque j’arrive au domaine, je demande à Didier à quoi correspond 1905. Il me dit que c’est le premier millésime fait par Aimé Salon. La réponse est claire et m’invite à ouvrir l’alcool 1905. Didier pense que c’est un alcool de prune. Je suis plus circonspect car je sens l’alcool mais je ne vois pas un fruit précis.

Nous allons en salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs Delamotte sans année. Ce champagne est une très belle expression précise et ciselée de ce que doit être un blanc de blancs.

Avant de passer à table Didier fait dégorger dans la cour deux magnums dont il ne donne aucune idée d’âge.

Nous passons à table. Comme chaque fois il y aura des vins à deviner. Les trois premiers champagnes sont servis dans des verres différents. Nous cherchons tous des différences et il est assez consensuel de classer le 2ème puis le 3ème et le 1er. On se torture en conjectures et nous sommes bien attrapés car les trois champagnes sont les mêmes, le Champagne Delamotte 2018. Il est délicieux dans sa jeunesse et on voit l’importance des verres dans la dégustation, puisqu’ils créent des écarts très sensibles.

Didier Depond est très fier car le millésime 2018 est le premier où il a pu inclure dans le vin les six grands crus de la Côte des Blancs, alors qu’il n’y en avait que quatre jusqu’alors.

La deuxième série d’énigmes est une comparaison de deux Delamotte 2007, le Champagne Delamotte 2007 dégorgé d’origine et le Champagne Delamotte 2007 dégorgé il y a six mois. Le dégorgé récent est tout en fraîcheur alors que le champagne initial a plus d’assise et de complexité.

Le menu conçu par un restaurateur célèbre de la Champagne est ainsi rédigé : Langoustine marinée caviar / le saumon de Normandie, mi-cuit, tiède, sauce champagne, émulsion de pomme de terre fumée et caviar / bar de ligne « ikejimé » de pêche artisanale de Vendée, fondu de fenouil et huîtres Gillardeau, sauce champagne / filet de cerf d’Alsace rôti, sauce cassis / bouillon clair de pot au feu / fromage frais et affinés / fine tarte aux pommes, glace vanille / café et mignardises.

Ce menu est raffiné et très bien exécuté. Le plat qui m’a enthousiasmé est celui du saumon.

Trois champagnes sont bus sans énigme, le Champagne Salon 2013 qui promet énormément et qui est déjà parfaitement expressif et équilibré, le Champagne Salon 2002 dégorgé ce matin dans la cour et le Champagne Salon 1996. Le 1996 est un seigneur éblouissant alors que le 2002 est beaucoup plus sentimental. Si le 1996 m’impressionne, le 2002 m’émeut.

Suivent deux vins rouges à boire à l’aveugle. Beaucoup de réponses allaient vers le bordelais. J’ai été le seul à suggérer l’Espagne pour le premier et j’ai visé juste. Le premier est un Priorat Terrasse Espagne 2007 et le second que j’avais déjà gouté est un vin argentin de 2013 qui est fait en collaboration par Didier Depond et un de ses amis présents que j’apprécie beaucoup.

Le champagne suivant est un Magnum Champagne Delamotte Collection 1983 et j’ai été le premier à donner le bon millésime (si je cite mes prouesses, c’est parce qu’il y en a peu). Ce champagne délicat est absolument charmant et montre à quel point l’âge est un facteur positif.

Nous poursuivons avec deux magnums de Champagne Delamotte Rosé base 1993 que j’adore car il explore des pistes de goûts irréels et énigmatiques. Et je suis conquis par ses subtilités joyeuses.

Le suivant est un magnum de Champagne Salon 1976 dont la couleur est assez proche de la couleur du rosé. Quel grand champagne racé et vif, d’une jeunesse que seuls les grands champagnes peuvent garder.

Sans que j’aie été prévenu huit bougies allumées arrivent devant moi. Quelle gentille attention que de fêter mes dix fois plus d’années que de bougies.

C’est alors que j’explique pourquoi j’ai apporté un alcool de 1905. En le sentant, le parfum m’indique la possibilité d’un armagnac, plus qu’une prune. Et en bouche je suis surpris par un sucre très présent. Et cela me semble une évidence : c’est un Rhum 1905 absolument splendide, d’une force qu’on n’attendrait pas de 118 ans ! Un régal rare.

Didier réussit à créer une ambiance extrêmement amicale qui aide à la dégustation. A part le Rhum sublime, mon cœur ira vers le Salon 1976 et le brillantissime rosé 1983 de Delamotte.

Quelle belle journée d’amitié !

Dégustation et dîner à la maison de famille de la maison Krug jeudi, 19 octobre 2023

Avec mon club de conscrits, nous avions longuement débattu sur la façon de célébrer nos 80 ans. Plusieurs programmes ont été envisagés et à un moment j’ai demandé à Olivier Krug s’il serait possible de dîner dans la maison familiale Krug, dont Olivier m’avait dit tant de bien. Cette maison est celle où il a passé toute sa jeunesse.

Olivier me répond qu’il ne sera pas là le jour que nous souhaitions, mais que nous serions reçus avec plaisir. J’ai fait réserver des chambres à l’Assiette Champenoise et nous avons prévu avec Arnaud Lallement de déjeuner le lendemain du dîner à la maison Krug.

Le jour dit, je me présente à l’Assiette Champenoise avec le secret espoir qu’Arnaud soit présent pour que nous bâtissions le menu du déjeuner du lendemain. Nous nous connaissons bien aussi les échanges sont immédiatement constructifs. Arnaud propose des plats, je regarde quel vin conviendrait et nous bâtissons l’ordre dans lequel les plats doivent être servis.

Plusieurs fois les ordres des plats changeront, certains plats étant remplacés par d’autres et à un moment nous estimons que le projet est cohérent.

Je regarderai le lendemain le programme des vins. C’est un plaisir de construire dans cette ambiance amicale.

Je me rends à la piscine de l’hôtel pour faire quelques longueurs. C’est reposant. A 18 heures j’ai rendez-vous avec mes amis conscrits pour que nous nous rendions à la maison familiale de Krug.

Nous sommes accueillis dans la maison familiale Krug. Cette maison de réception est tenue par une équipe qui s’occupe d’accueillir les invités et d’organiser la visite des caves, la dégustation qui est suivie par un repas. L’histoire de la maison Krug nous est expliquée clairement. Elle est passionnante. Pendant que mes amis font la visite de cave, je vais en cuisine saluer le chef Olivier Mirgalet et ouvrir le vin que j’ai apporté, un Vin Jaune d’Arbois Henri Maire 1943, de notre année de naissance.

Nous entrons dans la salle de dégustation accueillis par Julie Cavil, chef de cave de la maison Krug. Elle explique que sa vie dans le monde du vin n’est apparue que tardivement, après une carrière dans des secteurs bien différents. Elle a suivi des cours d’œnologie, elle a appris à goûter avec un succès tel qu’elle est devenue chef de cave, celle qui dirige les assemblages. Un grand mur expose des centaines de bouteilles de couleurs variées qui symbolisent l’assemblage, la fierté de la maison Krug.

Nous allons goûter quatre champagnes dont la base essentielle est le millésime 2006. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2006 est magnifique. Il est frais, de belle complexité. Il a beaucoup de charme et ce que je ressens, c’est sa fraîcheur raffinée.

Le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 2006 est puissant, magique. Quelle personnalité persuasive. C’est la virilité du pinot noir avec une prestance rare.

Le Champagne Krug 2006 est le plus franc, le plus direct. Il est rond. Je l’adore car il représente l’idéal du champagne. Julie nous dit qu’en interne on nomme chaque champagne avec seulement deux mots. Le 2006 est ‘gourmandise capricieuse’ alors que le 2004 est ‘fraîcheur lumineuse’.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 162ème édition est le champagne dont la maison Krug est la plus fière, car tout est dans l’assemblage qui peut conduire à mélanger plus de 130 échantillons. Il est manifestement très complexe, mais je le trouve trop jeune, car pour moi les Grande Cuvée s’expriment mieux avec au moins dix ans de plus. Si j’ai bien compris, si on ajoute 162 à 1844 date de départ des Grande Cuvée ou Private Cuvée on obtient 2006 qui est le vin de base de cette édition. On ajoute 7 ans de mûrissement et on a 2013, date de la mise sur le marché de cette édition.

Mon classement de cette dégustation est : 1 – le 2006, 2 – Ambonnay, 3 – Clos du Mesnil, 4 – Private Cuvée. Mes amis ont mis l’Ambonnay en premier et je serais prêt à me ranger à leur choix.

Julie Cavil est passionnante et naturelle. Ce qui nous a impressionné c’est qu’elle crée une atmosphère de compréhension mutuelle et c’est très agréable.

Nous passons dans la magnifique salle à manger à la décoration raffinée. L’apéritif démarre de façon tonitruante : Champagne Krug magnum 1973. J’ai une amitié particulière pour le millésime 1973 en Champagne, au point de lui avoir consacré le dernier article que je viens de remettre à la revue Vigneron, l’une des plus belles publications pour parler du monde du vin. Ce Krug est d’une délicatesse rare, subtil, d’une longueur infinie toute en suggestion. Un régal de finesse.

Le menu, créé par Arnaud Lallement, chef de l’Assiette Champenoise et réalisé par Olivier Mirgalet est : potée champenoise / carabinero / ravioles végétales / poularde / citron.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 171ème édition est plus jeune de neuf ans que celui que nous avons bu en salle de dégustation, mais se montre plus expressif car il est face à un plat qui lui convient, la délicieuse potée.

J’aime beaucoup le Champagne Krug magnum 2003 car il a une forte personnalité. C’est un poète. Il offre des goûts hors des sentiers battus.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 159ème édition montre une belle complexité et j’adore le Champagne Krug Rosé 27ème édition très généreux et élégant.

C’est sur la poularde qu’apparaît mon vin, le Vin Jaune d’Arbois Henri Maire 1943. Il est très brun et offre un beau parfum. On s’attendrait à un vin lourd mais en fait il est presque aérien et très long. Il cohabite très bien avec le Grande Cuvée 159ème. Il est gourmand sur la poularde.

Alors que Krug a fait de 2023 l’année du citron, je trouve que le dessert, un citron recomposé, ne trouve aucun répondant avec aucun Krug, du fait d’une acidité trop prononcée.

La vedette incontestée de ce repas, c’est le Krug 1973 fabuleusement subtil. Tout a été réuni pour nous faire plaisir. Le service impeccable, les attentions permanentes et les échanges passionnants avec Julie Cavil, hôtesse idéale de cette soirée.

Merci Olivier Krug d’avoir permis une soirée aussi généreuse et chaleureuse.


mes apports (l’Hermitage est pour demain)

la mise au point du menu de demain est faite avec Arnaud Lallement

la belle charpente de la maison Krug. Au centre du panneau au dessus de la cheminée, il y a la photo d’Arnaud Lallement, ami inconditionnel de Krug.

dans la salle de dégustation

dans la salle à manger

les vins

visite de la maison Niepoort à Porto samedi, 7 octobre 2023

(commencer la lecture trois sujets plus bas et remonter ensuite)

Le troisième jour de mon séjour à Portugal est une visite de la maison Niepoort l’une des plus prestigieuses maisons de porto. Carlos de Jesus vient me chercher à mon hôtel et étant un peu en avance nous allons regarder la ville de Porto par les fenêtres d’un salon haut perché de l’hôtel Hilton. Nous allons ensuite rencontrer Dirk Niepoort de la cinquième ou sixième génération de cette maison fondée au milieu du 19ème siècle. C’est un homme de haute taille, dynamique et entreprenant. Il a tenu à ce que sa cave reste dans l’esprit de ce que ces ancêtres ont voulu. Lorsque nous visitons sa cave aux trésors, je lui dis que bien souvent, j’ai l’impression que c’est une bouteille qui me demande de la choisir plutôt que mon choix. Il me répond qu’il a la même impression.

Il me demande ma date de naissance et après la visite de cave, nous commençons à boire un Porto Niepoort 1943. C’est à mon sens la définition archétypale du porto, tout en douceur, cohérent et riche d’émotion. Il est charme et plaisir. Dirk ouvre ensuite un porto de 1900 qui n’est pas de son domaine, vin plus sec et fluide.

En un mouvement de générosité infinie Dirk ouvre un Porto Niepoort 1863 qui a été considéré comme le plus grand du monde. En ce porto, tout est exponentiel. Il est plus frais que tout, plus vif que tout, plus expressif, plus long, plus riche. C’est la forme la plus absolue du porto. Quel aboutissement.

J’avais évoqué lors de nos discussions le 2017, que j’avais bu il y a quelque temps et qui m’avait subjugué par sa perfection et sa fraîcheur. Dirk m’a dit qu’il considère 2017 comme le millésime qu’il a le plus réussi et me propose de goûter une cuvée spéciale encore meilleure que celle que j’avais bue. Il s’agit du Porto Niepoort Bioma 2017. Il est effectivement riche et idéal pour un jeune porto, mais je pense que celui que j’avais bu il y a quelques années était plus frais et mentholé que celui-ci. Et le boire après le 1863 est difficile.

Un groupe de six personnes travaillant pour une société suisse de produits de luxe vient déjeuner sur la grande table et nous nous joignons à eux. Des huîtres et des tranches de jambon seront accompagnées d’un Vinho Branco Gonçalves Faria 2013 et d’un autre vin blanc. Les plats que l’on grignote sont délicieux mais mon esprit est encore sous le charme du porto 1863 qui m’a subjugué.

Antonio Amorim vient nous rejoindre ce qui me fait un grand plaisir. J’aurai eu la chance de rencontrer ce grand dirigeant trois jours de suite. C’est un grand privilège.

Je rejoins l’aéroport de Porto l’esprit joyeux, impressionné par la générosité et la gentillesse de toutes les personnes que j’ai rencontrées. Ces trois jours ont été très enrichissants.

Interviews sur ma collection de bouchons et dîner chez Antonio Amorim samedi, 7 octobre 2023

L’heure est venue des contacts avec des journalistes qui vont m’interviewer dans la salle où sont exposés les bouchons. Antonio Amorim est avec moi et répond lui aussi aux questions. L’ambiance est agréable et les journalistes compétents.

Je retourne à l’hôtel et à l’heure dite Carlos de Jesus me conduit dans la maison d’Antonio Amorim. Les murs extérieurs font au moins six mètre de haut. Le large portail a la même hauteur et le jardin luxuriant de plantes exotiques est d’une grande beauté. Nous arrivons au seuil d’une grande maison construite en 1605. La salle d’accueil a des azulejos très similaires à l’azulejos qui existe dans ma maison.

Antonio Amorim a invité trois des plus grands experts du porto. Un anglais expert en porto et deux propriétaires ou maîtres de chais de maisons de porto. Ce qui est fascinant c’est que dès les premiers mots, nous nous comprenons comme si nous étions amis depuis des décennies. Quel plaisir de discuter avec des experts si compétents.

La salle à manger est d’une décoration raffinée avec une table en acajou d’une grande beauté. Les fleurs et l’agencement sont d’un goût certain. Nous commençons par un Champagne Dom Ruinart 2010 dont Antonio nous dit qu’il a été gardé avec un élevage sur liège au lieu de capsule comme on le fait généralement. Il estime que si ce champagne a été désigné meilleur champagne de 2010, c’est à cause de l’élevage sur liège.

Les petits fours sont délicieux et le chef cuisinier attaché à la maison d’Antonio a un talent certain qui atteindra son point culminant avec un canard présenté sous une cloche en pâtisserie.

Le menu tel qu’il est écrit : le pétoncle poêlé aux trois caviars (jaune, noir rouge) (citron, esturgeon, tomate / soupe au melon et jambon croustillant / la salade russe aux crevettes / le canard sous une cloche de pain / deux fromages portugais et toasts, le S. Jorge – Azorès : affinage 7 mois, lait de vache et le Serra Estrela Nord : affinage 40 mois, lait de brebis / mousse au citron jaune / kaki de saison / café et chocolats.

Nous buvons deux vins blancs, un Morgado de Santa Catherina Bucelas 2003 et un autre blanc de 1995. Pour un plat de crevettes aux crèmes complexes, Antonio a prévu un Ribeiro & Ferreira Vinho Tinto 1955, croyant que j’aimais le vin rouge sur les crevettes, et je suis obligé de corriger en rappelant que j’avais parlé de langouste et non de crevettes. L’accord n’est pas là mais qu’importe, la richesse de nos discussions dépasse ce détail.

Nous avons ensuite un Vinho de Collares dont j’ai oublié l’année et un Vinho Pera-Manca Tinto 1995 et un Ferreirinha Tinto Barca Velha 1985. Ces vins pour lesquels je n’ai pas de repères montre que le vin rouge du Portugal a de grandes qualités. Celui qui me plait le plus est le 1955 qui montre que ces vins rouges vieillissent bien.

Tout dans ce repas est fluide et élégant. Vient maintenant l’heure des vins doux. Le Taylor’s Vintage Port 1994 bottled in 1996 est un pur plaisir raffiné. Quelle élégance dans cette jeunesse. C’est David, mon voisin de table qui a fait ce vin de plaisir.

Mon autre voisin de table, ancien rugbyman, n’a pas fait le Porto Van Zellers & Co 1888, mais ce sont ses ancêtres. Ce porto est d’un charme infini et d’un raffinement subtil inimitable.

J’ai apporté un Vin de Chypre 1870 pour honorer Antonio. Il est sec et profond, d’une rémanence infinie. Mais mon cœur ira vers le 1888 beaucoup plus riche et joyeux.

Nous avons bavardé jusqu’à une heure du matin. Ce fut une rencontre passionnante avec des experts du porto et une réception de haute qualité.

Visite au domaine Rimauresq vendredi, 11 août 2023

Lors d’un récent déjeuner j’avais ouvert un Rimauresq 1983 superbe. Un ami présent a eu envie d’acheter des vins de ce domaine. Il me propose d’aller au domaine avec lui. Un rendez-vous est pris. Ayant plusieurs fois parlé de ce domaine sur Instagram, je sais que je suis suivi. L’ami ayant annoncé ma venue, je suis reçu comme un Messie. Pierre Duffort le régisseur est tout sourire comme Jérémy qui reçoit les clients de passage.

Pierre Duffort nous explique le domaine et les choix pertinents qu’il a eus dans la gestion du terroir. Son discours est simple et pertinent. Nous passons ensuite à la dégustation et nous sommes traités comme des rois, car une telle dégustation n’a pas été faite depuis plus de quinze ans. Voici les notes prises à la volée. Nous n’avons goûté que les rouges.

R. de Rimauresq 2020 : nez joliment fuité, bouche agréable mais légère. Manque de force, mais beau finale de garrigue.

R. de Rimauresq 2919 : nez moins flatteur, plus austère et pour moi, moins Rimauresq mais Pierre pense le contraire.

Rimauresq 2018 : nez magnifique, le vin est tout en douceur et manque un peu de longueur.

Rimauresq 2017 : nez discret. La bouche est joyeuse. La râpe du vin est géniale. Le vin est typé et gourmand (il va briller ce soir).

Rimauresq 2016 : son nez de café rend le vin beaucoup moins plaisant. Sans doute problème de bouteille.

R. de Rimauresq 2001 : nez peu épanoui, vin trop tranchant virant vers le porto. Un peu fatigué (lui aussi va briller ce soir).

Rimauresq 1990 : nez frais, bouche fraîche. Superbe, bouche ronde. Vin très complet, accompli et garrigue. Pierre avait convié Jérémy et deux collaboratrices à participer à la dégustation. Jeanne n’avait pas aimé le 1990 que j’adore aussi je lui ai expliqué pourquoi. Voir Jeanne émue en buvant ces vins et si heureuse de participer à nos commentaires est un bonheur absolu. Je l’ai sentie heureuse.

Rimauresq 1988 : nez légèrement café. Le vin est très viril et j’aime cette expression tranchante.

Rimauresq 1986 : la couleur n’est pas belle. Le vin est discret. La bouche n’est pas parfaite mais plaisante. C’est un vin assez gourmand dont la structure n’est pas parfaite.

Rimauresq 1985 : nez subtil. La bouche est gourmande et le vin est joyeux.

J’ai retenu trois vins de cette dégustation : le 2017 très prometteur, le 1990 fabuleux, d’une grande élégance, le gagnant et le 1985 solide.

Je demande à Pierre : que faire de ces bouteilles ? Pierre est surpris de ma demande et me dit : « vous gardez tout ». Je lui réponds : « gardez au moins le 1990 qui est le plus grand ». Pierre fait mine d’acquiescer, mais en fait il aura mis toutes les bouteilles dans une caisse sauf les plus jeunes. Quelle générosité.

La dégustation s’est faite dans une ambiance chaleureuse et souriante. Pierre est un hôte parfait, car il ne cherche pas à imposer sa vision. L’équipe était heureuse de participer à ce grand moment.

Nous avons prévu de nous revoir car cette visite fut vraiment amicale et émouvante, un grand bonheur.

Nous avons acheté quelques bouteilles. Nous avons emporté les bouteilles entamées. Avant de revenir à la maison nous avons fait quelques courses pour préparer un dîner impromptu sur le thème de Rimauresq.

Je suis sûr que Jeanne, Jérémy et l’autre collaboratrice auront fait de beaux rêves.


une bouteille signée par une équipe sportive

l’offre de vins et de whiskies

les vins que nous allons déguster

une relique

avec Pierre Duffort

les vins bus

Dîner à Saint-Tropez avec Moët Hennessy mercredi, 19 juillet 2023

Moët Hennessy possède un appartement à Paris pour recevoir leurs clients les plus importants. J’ai déjà organisé deux repas en ce lieu, les n°s 268 et 271. Pour une partie du mois de juillet, Moët Hennessy a loué une gigantesque villa au centre de Saint-Tropez pour recevoir sa clientèle internationale. Je suis invité à venir dîner en ce lieu et j’aurai l’honneur de rencontrer le président de Moët Hennessy et des membres de la direction.

Venir de ma maison du sud à Saint-Tropez est une punition en voiture, car la circulation est d’une densité extrême. Lorsque l’on doit suivre une voie, des énormes voitures de toutes nationalités viennent doubler les voitures disciplinées, car leurs conducteurs se croient tout permis.

Par manque d’indications sur cette villa, j’ai marché plus d’une heure en tournant en rond sur la Place des Lices, alors que la villa était à moins de dix mètres du parking où j’avais garé ma voiture.

Stanislas, qui a eu la gentillesse de m’inviter, vient me secourir et enfin j’entre dans cette imposante bâtisse sur quatre étages et des sous-sols, dont l’architecture des escaliers est très originale mais coûteuse en volume. Dans un des sous-sols, dans une salle immense, trône une de ces voitures de luxe dont le prix se compte en millions d’euros et dont l’une des principales fonctions pour le propriétaire est de se montrer en garant sa voiture devant le casino de Monte-Carlo.

Lorsque j’arrive, je rencontre Bill, le maître distillateur du whisky Glenmorangie. Immédiatement le contact se crée tant cet homme est passionnant. On me propose de descendre dans une salle au sous-sol où je peux déguster des whiskys Glenmorangie. J’en goûte deux résolument différents. L’un est chaleureux comme un Bourbon et accueillant. L’autre est plus strict et distingué. Tous les deux sont complexes et de longueurs infinies. On mesure l’importance des barriques de vieillissement qui ont servi à faire mûrir des bordeaux, des chardonnays, des portos et autres. Ce sont ces barriques qui créent le goût.

Pour le plaisir, j’ai apporté avec moi un Champagne Dom Pérignon 1962, d’une année que j’adore. Je pensais le boire en petit comité après le repas, mais le président de Moët Hennessy qui venait d’arriver me suggère qu’on le boive dans la salle où j’avais goûté les whiskys. Nous sommes cinq et serons rejoints par deux autres invités.

Il me faut de gros efforts pour dévisser le fil de fer de trop grosse épaisseur et lorsque le fil se détache un peu je vois apparaître des petites bulles entre le bouchon et le goulot, ce qui me semble être un signe très positif. Le bouchon s’enlève sans la lunule du bas, qui viendra avec un tirebouchon. Il n’y a pas de pschitt ou à peine. Le nez est expressif et superbe et la couleur est beaucoup plus claire que ce que j’attendais, signe de jeunesse.

Le champagne est délicieux, rond, cohérent plein d’énergie et de grandeur. Je le sens gastronomique et gourmand. Certains des participants de cette dégustation non prévue ont peu d’expérience des champagnes anciens et comprennent qu’il s’agit d’un autre monde que les champagnes jeunes. Ils perçoivent l’intérêt de ce monde, qui donne envie de recommencer.

Une grande table d’une trentaine de personnes accueille des professionnels et des amateurs de vins de plusieurs nationalités, Allemagne, Italie, Royaume Uni, et même Russie et d’autres. Le menu qui a été réalisé par le traiteur Potel & Chabot est : poulpe grillé, salade de pommes de terre nouvelles à la vinaigrette citrique et ciboulette ciselée / suprême de canard légèrement fumé, ananas carbonisé, kale rôti, purée de poivrons rouges rôtis au feu, gingembre et citronnelle / tarte à la cassonade avec raisins pochés, glace au gingembre tige et garniture d’amandes fumées en dés.

Ma grande surprise est de découvrir que c’est un repas au whisky, ce dont je n’avais pas été prévenu. Il y aura quatre whiskys et l’intarissable Bill, pétri d’humour, nous présentera chaque whisky en nous donnant envie. Nous aurons le Glenmorangie Tuiga, chaleureux et doucereux, le Glenmorangie édition n° 9 plus droit, subtil, qui ne devient ample qu’en fin de bouche. Je constate que les essais de mariage de whisky avec des plats est une gageure, car ces whiskys sont des alcools de méditation. Ils avaient plus de longueur lorsque je les ai bus sans manger, alors que les plats raccourcissent leur discours.

Le premier plat a été servi avec le premier whisky et avec un Cloudy Bay Chardonnay 2021 que j’ai trouvé délicieusement précis et bien fait, mais que l’on ne devrait pas trouver sur le marché avant qu’il ait acquis une certaine maturité.

Le deuxième plat a accueilli un Termanthia 2015 vin espagnol de la région de Toro fait de Tinta de Toro et Tempranillo qui titre 14,5°. Après avoir bu le Vega Sicilia Unico 1995, l’écart qualitatif paraît considérable, mais nous serons plusieurs à constater qu’après quelque temps, le vin s’épanouit et délivre des saveurs qu’il avait cachées jusqu’alors et apporte du plaisir.

Le problème des traiteurs, c’est qu’ils ont envie de faire plaisir en offrant de multiples talents. Mais lorsqu’on essaie de marier le vin espagnol avec le canard et qu’on croque un peu de l’ananas, le palais devient comme le parachutiste qui a oublié son parachute, c’est la chute libre.

C’est alors qu’arrive un de ces moments d’émotion que je chéris. Avec le dessert on verse un whisky Ardberg 25 ans d’âge dont le parfum de tourbe est intense et allume un souvenir fort. J’avais acquis en 2006 un whisky de la cave parisienne du Duc de Windsor au parfum tourbé impressionnant. Je retrouve le même. C’était, comme l’indique l’étiquette un « the finest scotch whisky, very great age, John Dewar and sons ltd, Perth rs » que j’avais situé vers 1860. L’odeur qualifiée volontiers de punaise est un bonheur parfait. Quelle émotion de retrouver le même.

Nous avons fini le repas avec un Ardberg Islay Single Malt plus jeune offrant un agréable parfum tourbé mais moins extrême que le précédent, qui a créé un très bel accord avec du roquefort.

Autant un cognac trouve une place naturelle en fin de repas car il peut être un point final savoureux, autant le whisky a du mal à prendre sa place dans un repas, et je pense que ce doit être un alcool de méditation qui se déguste pour lui-même. Mais rien n’empêche de tenter.

Nous sommes montés au dernier étage sur une belle terrasse. Je n’ai pas pu résister au plaisir de goûter un excellent cigare en devisant avec des gens sympathiques. Je reverrai très probablement Bill, le distillateur passionnant de Glenmorangie car nous avons des visions communes sur la gastronomie.

Ce fut une belle et originale soirée.


les photos sont nombreuses pour montrer l’orateur de talent, maître de chais de Glenmorangie

une voiture dans le sous-sol de la villa

mon cadeau aux organisateurs

la terrasse où l’on peut deviser en buvant un beau whisky et en fumant un grand cigare

Un Champagne Krug Private Cuvée années 60 éblouissant lundi, 5 juin 2023

Après une visite chez un vigneron d’Ambonnay, je retourne à l’Assiette Champenoise pour goûter un champagne avec Arnaud Lallement. Il s’agit d’un Champagne Krug Private Cuvée années 60. J’avais dit à Arnaud, avant ouverture, que je considère ce champagne comme une synthèse de la perfection du champagne. Il faut être courageux ou intrépide pour dire une telle chose.

Sébastien, le sommelier chef du restaurant apporte la bouteille à la table située dans la cuisine immense du restaurant. Je retire des morceaux de la fine cape du bouchon et tout-à-coup le bouchon me saute des mains et monte de quelques centimètres et retombe. Quelle surprise de voir qu’un champagne de plus de 60 ans a gardé une telle pression.

Dans les verres, le vin a gardé de belles bulles et sa couleur est d’un jaune doré. Le nez est impressionnant d’énergie. En bouche, le miracle est là. Ce champagne est d’une ampleur extrême. Il est tellement cohérent. Je confirme mon propos initial : ce vin est la synthèse de ce que l’on souhaite d’un champagne parfait. Il dépasse tous les critères possibles.

Arnaud me dit que du fait de son amitié avec la maison Krug, il a pratiquement tout bu de la production de cette belle maison, mais jamais il n’a jamais bu un champagne comme celui-ci. Sébastien est ému et dit qu’il n’a jamais bu un Krug aussi parfait. Je sens qu’il est impressionné.

Malgré l’apéritif dînatoire de la famille Coutier à Ambonnay, je souhaite quelque chose de plus complexe que le gourmand comté de 36 mois et Arnaud fait réchauffer un pigeon à se damner, l’un de ses plats emblématiques. Et je vis un moment de bonheur pur avec ce Krug aux qualités infinies.