Archives de catégorie : vins et vignerons

Dîner au restaurant Caves Madeleine à Beaune mercredi, 4 septembre 2013

De retour à l’hôtel le Cep, je bois une bière blanche de la Brasserie de Vézelay en attendant Ray Walker avec lequel je dois dîner. Ray me conduit au restaurant Caves Madeleine dont l’animateur est Laurent Brelin que j’avais déjà rencontré lors d’un déjeuner avec des vignerons bourguignons lors de la présentation des vins des domaines familiaux de Bourgogne à Paris. C’est un bistrot bar à vins dont l’éclectisme est certain. Laurent est très orienté vers les vins naturels et les vins de vignerons. Mais il a aussi des vins plus traditionnels.

Le menu que nous choisissons sur l’ardoise murale est : terrine de campagne maison /Collier d’agneau fermier du Quercy confit. Ray qui a faim y ajoute une joue de bœuf.

Nous commençons par un Champagne Jacques Lassaigne Brut nature Blanc de Blancs de Montgueux 2004. J’ai eu des expériences nettement meilleures avec des champagnes de ce vigneron. Ce vin est assez déstructuré, et joue au vin nature en oubliant d’être plaisant.

Le Musigny Grand Cru Jacques-Frédéric Mugnier 2004 dont j’ai un peu influencé le choix a fait peur à Ray car ses expériences avec des vins de 2004 ne lui ont pas laissé un bon souvenir. Le vin à l’ouverture est plein d’un fruit rouge généreux tout-à-fait étonnant, aussi bien pour le millésime que pour le domaine. Lorsque le vin s’installe dans le verre il devient plus Musigny, plus bourguignon, et Ray constate avec plaisir que l’on oublie aisément qu’il est de 2004, car il a une force de persuasion qui est très affirmée. Nous sommes maintenant en présence d’un grand vin, subtil et émouvant, bien mis en valeur par le collier.

Le chef et Laurent Brelin viennent discuter avec nous quand toutes les tables sont vides et nous bavardons à bâtons rompus, évoquant de grands souvenirs. Laurent fait goûter à l’aveugle un Bugey Cerdon méthode ancestrale Récolte Cécile – Balivet Mérignat vignerons. D’emblée je dis que ce vin pétillant qui ressemble à un sirop de groseilles n’est pas du tout dans mes recherches. Mais le temps passant, je constate ses propriétés digestives. Il remplace efficacement un dessert car il en gomme la nécessité.

Chaque séjour en Bourgogne donne lieu à de belles rencontres.

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la terrine était déjà bien entamée quand j’ai pris la photo !

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Dégustation des vins de la Maison Ilan à Nuits Saint Georges mardi, 3 septembre 2013

Ray Walker est un jeune américain issu de la finance qui a décidé de faire du vin en Bourgogne. Hasard et chance se sont conjugués pour qu’il réussisse à obtenir des grappes de grands crus qu’il vinifie lui-même sous le nom « maison Ilan« , nom qui provient de morceaux du prénom de sa fille. La maison est au cœur de Nuits-Saint-Georges. Cette aventure est si extraordinaire que Ray a écrit un livre qui la raconte « the road to Burgundy » qui rencontre à ce jour un très grand succès.

Nous avions conversé sur un forum de vin et une sympathie est née qui a conduit au désir de se rencontrer. L’horaire de la dégustation est très dépendant des contraintes de repas et d’école de ses enfants, car Ray est un père attentionné.

Passant le porche qui ouvre sur une petite cour assez désordonnée, il faut écarquiller ses yeux pour comprendre que la minuscule salle dont le portes sont entrouvertes est la salle de vinification. Ray me donne un verre et nous descendons en cave de vieillissement pour déguster un panel de ses vins. Les 2010 seront bus de bouteilles et les 2011 de fûts. Avant cela, je fais goûter à Ray le reste du Musigny Comte de Vogüé 1989 de la veille. Même si le vin a été chahuté et en a souffert ce qui reste est la signature d’un vin d’exception.

C’est le tour des vins de Maison Ilan. Le Morey-Saint-Denis Les Monts Luisants 1er cru 2010 a une belle attaque généreuse et fruitée de fruits rouges et noirs. Le final est assez court. On sent qu’il faut que le vin s’assemble. C’est une promesse de grand vin.

Le Morey-Saint-Denis 1er cru les Chaffots 2010 me plait beaucoup plus car ce vin est typiquement l’expression de la Bourgogne comme je l’aime, mêlant des aspects énigmatiques et stricts sur un fond très cohérent. Je préfère les Chaffots

Le Morey-Saint-Denis Les Monts Luisants 1er cru 2011 est beaucoup plus charmeur et structuré que le 2010, alors que le Morey-Saint-Denis 1er cru les Chaffots 2011 est moins assemblé que le 2010. Pour ce millésime, je préfère les Luisants. N’ayant pas pris de notes, j’écris ce texte de mémoire. Ce qui m’a frappé à ce stade, c’est la cohérence de la vinification, même si les résultats varient d’une année sur l’autre.

Le Volnay 1er les Robardelles 2011 est d’une très jolie expression. C’est un vin précis qui raconte beaucoup de choses.

Nous passons maintenant aux grands crus. Le Mazoyères-Chambertin Grand Cru 2011 se caractérise par un seul mot : la générosité. Il brille comme le soleil à ce stade de sa vie. Pour tous ces grands crus, je goûterai de deux fûts différents, généralement du premier et du dernier tiré et les écarts sont sensibles. Ce qui me fait plaisir c’est que nos préférences sont presque toujours les mêmes.

Le Charmes-Chambertin Grand Cru 2011 qui provient d’une parcelle de Charmes Haut a, comme son nom l’indique, beaucoup de charme. J’ai toutefois un penchant pour le Mazoyères.

Ray intercale un vin qu’il ne commercialise pas, un Gevrey-Chambertin les Feusselottes 2011 dont le passage est très difficile après le Charmes.

Le Chambertin Grand Cru 2011 a le velours caractéristique des chambertins, mais il faudra attendre avant de l’apprécier car il est très fermé.

Ray me fait goûter un Mazoyères-Chambertin Grand Cru 2012 qui a un improbable goût de café. Il est trop jeune pour moi.

Un blanc m’est servi maintenant, un Mazoyères  blanc 2011 très curieux, car je n’ai aucun repère. Ray a voulu que nous finissions par un marc de Bourgogne fait uniquement avec des grands crus. Alors que je suis un fan du marc, celui-ci est trop jeune pour moi.

Ce qui est intéressant, c’est que les vins de Maison Ilan sont d’une grande pureté et d’une grande précision. Et ceci concerne tous ses vins. Les Grands Crus sont très grands. Ray s’efface volontiers, par une humilité qui paraît sincère, minimisant son travail, puisqu’il estime que de terroir est le seul acteur dans cette affaire. Il a bien tort, car sa volonté de faire les vins de façon artisanale et traditionnelle est couronnée de succès.

Longue vie à cette jeune maison atypique promise à un bel avenir.

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Dégustation de vins au domaine Coche-Dury mardi, 3 septembre 2013

Je quitte Ray Walker pour une sieste réparatrice à l’hôtel le Cep à Beaune à la décoration boisée d’une imagination débridée et désuète mais de souriante intention. A 18 heures je me présente au domaine Jean-François Coche-Dury où le maître des lieux revient des funérailles d’un vigneron de 92 ans connu de Meursault. Nous discutons de divers sujets et le vigneron me propose d’aller déguster quelques vins en cave. J’admire la qualité des caves construites en 1982, dont Jean François est fier. Certains vins sont à température de cave et d’autres, prélevés ailleurs, sont un peu plus chauds. Je n’ai pris aucune note pendant la dégustation. La mémoire retient seulement quelques éléments.

Le Meursault Villages Domaine Jean-François Coche-Dury 2011 a une belle attaque citronnée. Il est très frais.

Le Meursault Villages Domaine Jean-François Coche-Dury 2010 est très différent. Il est plus assis. Il a perdu l’aspect citronné. Il est plus gastronomique.

Un autre Meursault Villages Domaine Jean-François Coche-Dury 2010 est plus vivace à mon goût et plus proche du 2011 que du 2010 précédent et j’ai tendance à le préférer. Mais Jean-François parie plus sur la capacité de vieillissement de celui-ci.

Le vin suivant est un Puligny-Montrachet les Enseignères Domaine Jean-François Coche-Dury 2010. Plus opulent, plus gras du fait de la chaleur, je lui trouve un peu moins de tension que n’en ont les meursaults.

Chaque vin m’est servi avant que le nom ne me soit donné. Au moment où je prends contact avec le vin qui arrive, je fais : « wow ». Je ne me suis pas trompé, car c’est le Corton-Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury 2011. C’est un merveille car il est dans une forme éblouissante. Il va probablement se refermer mais il est éclatant maintenant. Jean François me dit qu’il ne l’avait pas goûté depuis un an et qu’il est comme moi très favorablement impressionné par son équilibre et son accomplissement actuels.

Le Corton-Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury 2010 est aussi un très grand vin, plus conforme déjà aux Corton-Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury que j’ai l’habitude de boire. Il est plus assis, plus riche, plus taillé pour la route, mais il n’a pas cette étincelle de grâce.

Le Meursault les Rougeots Domaine Jean-François Coche-Dury 2005 est assez chaud, gras, avec des aspects beurrés. Mais le passage après les deux Corton-Charlemagne est plus difficile.

Quand Jean-François me demande si je veux reprendre l’un des vins, ma réponse fuse : le Corton-Charlemagne 2011.

Nous avons longuement parlé de vins anciens dont il est friand. Nous avons un grand dîner en vue. Cette visite amicale m’a ravi.

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Dîner à Pommard avec un mythique Musigny lundi, 2 septembre 2013

La rentrée devait être marquée par un événement majeur : un déjeuner à Meursault avec Jean François Coche-Dury, propriétaire du prestigieux domaine éponyme et Richard Geoffroy maître de caves de Dom Pérignon qui m’avait demandé d’organiser cette rencontre de deux grands vignerons. Depuis deux mois j’avais bichonné une bouteille rarissime pour faire découvrir à ces deux personnages des saveurs qu’ils n’ont probablement jamais rencontrées.

Je pars de ma maison du sud et quelques heures après mon départ, Jean-François Coche-Dury m’annonce qu’il est obligé d’annuler notre rencontre pour cause de funérailles. Richard Geoffroy que j’informe m’annonce qu’il ne viendra pas à Meursault. Je m’y rends déçu et dépité car cette rencontre m’excitait au plus haut point.

Mon étape à Meursault est au château de Cîteaux, demeure du 19ème siècle posée sur des caves plus vieilles d’au moins trois cents ans. Le propriétaire m’accueille et va religieusement déposer en cave les bouteilles que j’avais prévues. J’avais pris une chambre pour être sûr d’être à l’heure au rendez-vous de demain, qui tombe à l’eau. De dépit, je vais dîner au restaurant « Auprès du Clocher » à Pommard, tenu par Jean-Christophe Moutet, avec la ferme intention de prendre un grand vin.

La carte des vins est superbe, avec quelques belles pioches. J’en repère une de première grandeur : Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte Georges de Vogüé 1989. Pour l’accompagner, ma commande est : escalope de foie gras de canard poêlée, oignons et asperges vertes en croûte de sésame / pigeonneau élevage de monsieur Bernard rôti aux morilles et purée de petits pois.

Au premier contact, le vin est une ouverture vers le paradis. En lui, tout est velours. Puis il déploie une râpe bourguignonne comme je l’aime. Son éclosion est excitante comme une danse des sept voiles. L’amuse-bouche n’est pas fait pour le vin aussi le pain beurré corrige le tir. Sur des escargots à peine aillés, le vin prend un envol spectaculaire. Il a tout pour lui, le velours, la longueur, la puissance. Il est encore très jeune pour ses 24 ans, et il a une belle étoffe.

Le vin, normalement, c’est le partage. Je suis seul à dîner et je constate qu’étant seul, j’observe infiniment plus de détails que lorsque l’on discute en buvant. Dans ce vin, il y a un peu de quetsche, de feu de cheminée, quelques champignons. Mais c’est surtout sa rondeur, son velours, sa délicatesse et sa complexité qui me ravissent.

Les deux plats sont bons, mais trop compliqués et chargés pour que le Musigny y trouve son compte. Il faut un Brillat-Savarin pour que le vin revive. Je l’ai trouvé beaucoup plus intéressant au début de son éclosion que lorsqu’il devient assis, notable. C’est un vin de grande race, qui, comme les grands vins bourguignons, demande qu’on le comprenne, car il ne se livre pas. On le conquiert. Ce vin aura permis de soigner la plaie ouverte par une rencontre qui ne se fera pas avec deux grands vignerons français.

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Un 1929 de l’Etoile pour un déjeuner avec deux vignerons dimanche, 1 septembre 2013

Chaque année j’organise un diner de vignerons qui s’appelle « le dîner des amis de Bipin Desai ».

Cette année, Jean-François Coche-Dury nous fait le plaisir et l’honneur de se joindre à nous.

Lorsque Richard Geoffroy a su que JFCD venait, il m’a demandé d’organiser une rencontre au domaine Coche-Dury, avec JFCD.

Avec ces deux vignerons de domaines prestigieux, que puis-je apporter pour le déjeuner ?

Il ne faut pas que ce soit un vin qui entre en compétition avec des vins des deux vignerons.

Ce serait bien d’apporter un vin qui pourrait intéresser les deux vignerons, avec des saveurs qu’ils ne connaîtraient pas, si possible.

Alors, j’ai choisi un Vin du Jura de l’Etoile de la Coopérative Vinicole de l’Etoile 1929. C’est une rareté, car de très vieux vins de l’Etoile se trouvent difficilement.

Je pense que ce vin pourrait créer un choc intéressant avec les champagnes de Richard Geoffroy et avec les vins blancs de Jean-François Coche-Dury.

A suivre !

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Ajoute, quelques jours plus tard:

J’étais heureux d’apporter cette bouteille. Le déjeuner ayant été annulé pour cause de funérailles, la bouteille attendra pour une autre occasion avec les mêmes convives.

Belles verticales de blancs et de rouges au domaine d’Ott vendredi, 12 juillet 2013

Frédéric Rouzaud, dirigeant des champagnes Louis Roederer a créé un lien avec Christian Ott, qui dirige avec son cousin Jean-François le vignoble éponyme. Par une chaude journée d’été, Christian m’accueille au Clos Mireille l’une des trois implantations du domaine d’Ott, qui fait un célèbre Blanc de Blancs. Nous visitons le domaine de 175 hectares constitué par son arrière-grand-père en 1896 qui possède l’insigne avantage d’avancer jusqu’à la mer, sur une jolie plage de sable fin. Christian a des souvenirs d’enfance dans ce petit paradis. Il ne doit pas être difficile de faire des embauches, car au moment de la pause déjeuner, l’hôtesse de la salle de dégustation et une autre employée partent à pied pour se baigner dans l’anse de Brégançon.

Nous visitons les installations techniques et nous rejoignons une ravissante maison de réception flanquée d’une chapelle, dont la décoration a été faite avec un goût certain. Des chambres de grand confort peuvent accueillir des hôtes de passage.

Dans la très spacieuse salle à manger un buffet d’été a été dressé, avec saumon mariné, purée de courgette, divers carpaccios, tarte aux asperges et tarte aux poivrons ainsi que quelques fromages et d’autres salades.

Nous délaissons pour l’instant ces plats tentateurs pour faire la dégustation de quelques blancs. Il s’agit des Clos Mireille Blanc de Blancs domaine d’Ott 2012, 2009, 2005, 1994 et 1980. Les trois premiers sont à 70% sémillon et 30% rolle alors que les deux plus anciens sont à 60% sémillon et 40% ugni blanc. Les vins étant alignés dans l’ordre croissant des âges on peut constater que les couleurs suivent le même ordre, le 1980 étant joliment doré.

Le 2012 a un parfum qui m’évoque immédiatement Ott. Christian me demande en quoi ce vin m’évoque Ott et je lui réponds que je serais bien incapable de dire pourquoi, mais pour chaque vin ou chaque domaine, je me fais une représentation dans ma mémoire et lorsque ce que je ressens colle exactement avec ce que j’attends, j’ai l’impression que je suis dans le cœur du domaine que je bois. Par comparaison le 1980 ne me donnera pas cette sensation d’être Ott. Le 2012 en bouche a une belle acidité et il est déjà buvable, mais il est encore trop jeune et n’est pas assez assemblé. C’est un patchwork de promesses de grand vin.

Le 2009 a un nez plus discret, plus cohérent. Le vin s’est assemblé, il est plus fluide. Il a du charme et le finale est très imprégnant. L’acidité est bien intégrée. C’est un joli vin.

Le 2005 a un nez discret un peu timide. La bouche a de beaux fruits comme la groseille à maquereaux ou la groseille blanche. Il est un peu plus discret, plus féminin, délicat et subtil. C’est au moment du repas qu’il affirmera sa forte personnalité. Il combine jeunesse et maturité. C’est un vin de gastronomie.

Le 1994 est trop bouchonné pour être essayé et Christian part en cave pour le remplacer, mais il revient aussi avec une rareté. Le second 1994 a aussi un léger goût de bouchon qui ne gâche pas trop la dégustation, même si l’amertume de fin de bouche signe le vin bouchonné. On peut quand même imaginer qu’il serait très gastronomique.

Le 1980 a un nez époustouflant. Il est miraculeux et je sens le pomelos. Il est gourmand. Il lui faudrait du veau ou du ris de veau car il appelle une belle cuisine. Equilibré, serein, glorieux, c’est de loin le gagnant de cette série des Clos Mireille dont mon classement suivrait exactement l’ordre des années si le 1994 n’avait pas son petit défaut : plus il est âgé, meilleur est Clos Mireille. Ce 1980 est tellement excitant que j’ai envie de le confronter à l’Yquem que j’ai apporté. Nous le ferons en fin de repas.

Le Château de la Selle domaine d’Ott blanc 1968 a une belle couleur dorée. Le nez sent un peu la terre. En bouche il est voluptueux. Il est intéressant à découvrir, même si le finale est marqué par un peu de poussière et de terre. C’est un joli vin car il raconte des histoires.

Les blancs sont repris à table en accompagnement des plats du buffet et le 2005 s’étoffe. Quand on revient au 2012, c’est un peu dur, car il est vraiment trop jeune, même si beaucoup d’amateurs l’aimeraient déjà.

Christian tient à ce que nous goûtions un rosé avant les rouges et c’est le Clos Mireille domaine d’Ott rosé 2009 qui se présente maintenant. Le nez est très fluide, de galet mouillé avec des zestes de citron. La bouche est très gourmande, riche et joyeuse. Le vin est d’une grande fraîcheur, signe de qualité. Je le placerais volontiers juste après le blanc de 1980 dans mon classement. C’est une belle surprise et Christian est content qu’il me plaise, car j’avais avoué être un amoureux peu transi des vins rosés.

C’est le tour des rouges Domaine d’Ott rouge Bandol 2008, 2001, 1993, 1985 et 1967. A l’examen des nez, c’est le 1985 qui est de loin le plus brillant, comme l’était le 1980 pour les blancs.

Le 2008 a beaucoup d’énergie mais manque un peu de volume. C’est un vin extrêmement plaisant. Le 2001 est un peu frustrant, car même s’il est bon, on sent qu’il manque quelque chose pour qu’il fasse passer de l’émotion. Christian a une jolie expression : c’est de la confiture de vieux garçon.

Le 1993 est déjà plus mûr. Il raconte des choses, mais lui aussi manque de quelque chose pour faire un grand vin. Il faut dire que par cette chaleur qui avoisine les trente degrés, les vins font ressortir leur alcool ce qui gêne la dégustation.

Le 1985 est superbe. Il a tout pour lui. Il est soyeux, presque sucré, avec une belle acidité. Le 1967 est un peu affaibli, mais nous aimons tous son témoignage, car il a du raffinement et une belle vivacité malgré l’âge qui se sent un peu. Des rouges, je classe 1985, 2008, 2001 et 1967, mais par cette chaleur, c’est le 2008 qui est le plus adapté au repas.

Nous passons alors à la confrontation entre le Clos Mireille 1980 et le Château d’Yquem 1991. Je découpe des tranches d’abricot pour que l’on puisse passer d’un vin à l’autre. Et c’est très intéressant de créer un pont entre ces deux vins. Car l’Ott met en valeur l’immense longueur du vin chatoyant qu’est Yquem. Mais l’Yquem renvoie l’ascenseur en donnant à l’Ott une largeur et une opulence plus marquée. J’adore ces correspondances. Dans ce contexte, ce 1991 brille beaucoup plus que ce qu’on attendrait de son année.

Christian et Jean-François sont des hôtes charmants, heureux de travailler pour un domaine familial repris par le groupe Roederer qui leur fait confiance. Ils œuvrent à la qualité de leurs vins et ils peuvent en être fiers. Cette exploration de leurs vins est passionnante et instructive. Il faut absolument promouvoir la dégustation tardive de ces vins qui gagnent tant avec les années. Les deux vins de la décennie 80, le 80 blanc et le 85 rouge en ont été la démonstration brillante en surclassant les plus jeunes. Ce domaine est non seulement un paradis, mais il porte des fruits, ses vins, qui sont de haute qualité.

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les formes historiques des bouteilles

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Vins tranquilles et de beaux Cristal à la maison Louis Roederer mardi, 14 mai 2013

La maison de champagne Louis Roederer reçoit quelques clients importants et m’a incorporé à ce groupe. Ayant mal lu la lettre d’invitation, c’est avec plus d’une heure de retard que je me joins à eux. D’aimables hôtesses m’aident à retrouver mon groupe de visite avec une gentillesse évidente.

La visite des caves est terminée mais j’ai le temps de voir les chaînes d’embouteillages du Brut Premier. Jean-Baptiste Lécaillon, DGA et chef de caves nous propose de faire une mini-verticale de vins tranquilles qui proviennent des parcelles du Cristal Roederer. Ces vins vieillissent en foudres et serviront soit au Cristal, soit à enrichir le Brut Premier, car il sont une sorte de bibliothèque du Cristal.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2012 nous est apporté dans une bouteille, car il est prélevé non pas dans une cuve bois mais dans une cuve inox. Ce vin est à 60 % pinot noir et 40% chardonnay. Il a un nez de miel et évoque aussi le pamplemousse. Il est très vert, très citron vert et offre beaucoup de matière. Le final est celui d’un bonbon acidulé. Il est caractérisé par son acidité et son fruit vert. Jean-Baptiste Lécaillon est très fier de son 2012.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2011, comme les suivants, est prélevé d’un fût bois. Il est plus buvable, un peu laiteux, évoquant la crème de lait. Il a une belle acidité et une belle matière. Ce qui me frappe, c’est la continuité entre les deux vins, même si leurs personnalités sont distinctes.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2009 est d’une belle acidité, avec cette même continuité. Il est toujours bonbon acidulé, mais il est plus vineux. Il est plus massif, un peu fermé et ne demande qu’à s’ouvrir.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2008 a beaucoup moins d’acidité. Il est plus fruité. Il a une belle longueur. Je le trouve très beau. Il est droit et précis.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2007 a un nez qui m’évoque la liqueur de framboise que l’on retrouve dans les bourgognes anciens. C’est le premier qui soit très paisible. Il est raffiné. Il évoque les fruits rouges et le végétal. Il est élégant et plaisant.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2006 est plus massif, plus solide mais aussi plus passe-partout. Son côté rassurant bride l’émotion.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2005 est élégant et raffiné. Il est magnifique. J’adore son fruit doré très joli. Lorsque je dis que son final évoque le roudoudou que l’on lèche, beaucoup ne connaissent pas ce coquillage empli d’une pâte de fruit solide comme celle d’une sucette. Seule, la jolie hôtesse qui nous guide est confondue par la pertinence de cette comparaison, car ce 2005 « est » vraiment roudoudou ! Nous en rions tous.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2002 est solide, carré, accompli. C’est un très grand vin. Je sens la noisette. Il est très frais, long, superbe.

Le Vin tranquille Cristal Roederer 2000 a une belle acidité. Je ressens l’ananas et les fruits exotiques. Le final est un peu court, mais c’est un vin charmant, car il « cause ».

Cette dégustation des vins tranquilles qui seront utilisés pour garder la mémoire du goût du Cristal, pour faire les futurs Cristal et pour enrichir des Louis Roederer est extrêmement intéressante, car nous suivons l’évolution de l’âme de Cristal Roederer.

Nous nous rendons dans la demeure de Frédéric Rouzaud pour déjeuner avec lui. Cette demeure date des années 1860 et Frédéric y a vécu dès l’âge de trois mois. Les souvenirs familiaux abondent, puisque Frédéric est de la sixième génération de cette maison familiale. La décoration est très bourgeoise raffinée du milieu du 19ème siècle. Il n’y a aucune faute de goût.

Dans le beau salon, nous goûtons le Champagne Louis Roederer Brut Premier magnum dégorgé en 2006. La dégustation des vins tranquilles assez austères a préparé notre palais au charme de ce vin. Il s’étale voluptueusement dans notre bouche. Il est très plaisant à boire, de belle maturité.

Nous passons à table et Frédéric Rouzaud avait prévu que nous ferions un piquenique informel dans le jardin. Mais le ciel ne l’avait pas prévu. Des brochettes de crevettes et coquilles Saint-Jacques accompagnent un Clos Mireille domaine d’Ott 2011. Ce vin a un nez très vert. C’est un bambin qui est mis en valeur par les champagnes qui précèdent. Il a une belle tension et une minéralité sensible.

Le Château de Pez 2000 est très tannique. Il a le côté carré des vins de 2000. S’il est plaisant, s’il remplit bien la bouche, il manque quand même un peu de complexité. Il est très probable qu’il l’obtiendra avec quelques années de plus.

Frédéric Rouzaud voulait que nous prenions le dessert avec un porto d’une des propriétés de son groupe, mais contre tout savoir-vivre j’ai suggéré que nous revenions au champagne pour ne pas handicaper la suite de notre programme. Et j’ai bien fait d’être impertinent, car le Champagne Louis Roederer rosé 2007 à la couleur élégante de rose pâle est agréable et délicat et accompagne le dessert avec une pertinence absolue.

Après ce déjeuner qui se voulait sur l’herbe mais fut indoor, nous avons visité un pressoir et des vignes pour mieux connaître la recherche d’excellence de la maison Roederer dans les moindres détails. Rejoignant notre hôtel, je suis tombé dans les bras de Morphée car un grand dîner nous attend.

Le dîner se tient au même endroit que le déjeuner et c’est Jean-Baptiste Lécaillon qui nous reçoit.

L’apéritif se construit autour du Champagne Cristal Roederer magnum 2002 qui a une belle matière et un final un peu court. Le vin me semble un peu épais et on sent qu’il appelle des mets. Il est peut-être dans une phase ingrate.

Nous passons à table. Le Champagne Cristal Roederer 1996 est géant. Ça, c’est du champagne. Il a une fraîcheur et une jeunesse extrêmes et ce qui me frappe, c’est sa vivacité. Comme la bouteille s’assèche très vite, le deuxième Champagne Cristal Roederer 1996 est l’opposé du premier. Il est plus consensuel, plus assis, moins tendu. Bien évidemment, c’est le premier que je préfère du fait de sa vivacité. Mais comme le dit à juste titre Jean-Baptiste, c’est probablement le second qui est le plus gastronomique. Le homard dont la chair est délicieuse est un peu assoupi par une purée qui eût gagné à être dissociée du crustacé. Le risotto du chef est diabolique pour mettre en valeur les vins.

Le Champagne Cristal Roederer 1993 est la délicatesse incarnée. Sur un veau aux morilles il crée un accord d’une sensibilité à se pâmer. C’est un accord de première grandeur et le champagne dans cette fragilité superbe est d’un charme infini.

Le Champagne Cristal Roederer 1995 entraîne ce commentaire d’un des convives : « ça sent le printemps » et Jean-Baptiste adore ce compliment. C’est un champagne superbe, avec beaucoup de fruits blancs et de fleurs. Il est assez vineux. A côté de lui, le 1993 est plus calme.

Le Champagne Cristal Roederer rosé 1995 a une couleur d’un rose tellement pâle qu’on douterait qu’il s’agisse d’un rosé. Et le doute continue en bouche puisqu’il est plus champagne que champagne rosé. C’est un vin fascinant qui est magique, insaisissable et intemporel.

Si je devais classer les vins de ce dîner, ce serait le 1995 rosé, le 1993, le 1995 et le 1996. C’est donc un classement qui ne correspond pas à la hiérarchie des millésimes. Mais Cristal Roederer a tant de ressources qu’il aime brouiller les pistes.

Nous avons bénéficié d’un accueil remarquable et généreux. Après une journée aussi riche, Cristal Roederer garde pour moi encore beaucoup de mystères. Il va falloir que je revienne, pour en savoir un peu plus sur ce champagne diablement attachant.

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embouteillage et muselets

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piquenique

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la vigne

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le dîner

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couverts en vermeil, quel plaisir !

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Jean Sulpice et Stéphane Rossillon jouent à quatre mains sur les champagnes Selosse aux Avisés mardi, 7 mai 2013

Lorsqu’Anselme
Selosse a décidé de se lancer dans l’hôtellerie et la restauration, on pouvait se demander : que va-t-il faire dans cette galère ? Force est de constater que c’est un plein succès. Jean-Philippe m’avait dit il y a quelques semaines : il y aura un dîner à quatre mains à l’hôtel les Avisés d’Anselme avec le jeune chef Jean Sulpice, le chef étoilé le plus haut du monde, puisque son restaurant L’Oxalys est à Val Thorens. Sans réfléchir je réponds instantanément : nous venons, mon épouse et moi.

A 17 heures nous nous présentons aux Avizés ou Avisés selon les orthographes possibles, et Anselme nous accueille. Notre chambre est ravissante, d’une décoration raffinée réalisée par Corinne Selosse. Jean Philippe nous rejoint et nous allons serrer les quatre mains, celles du chef Stéphane Rossillon et celles de Jean Sulpice, mais aussi celles des commis, celles de Nathalie, l’épouse de Stéphane, celles de Magali, l’épouse de Jean, celles de Coralie, directrice de salle de l’Oxalys, que nous avons connue à Casa del Mar.

Assez rapidement, je déclare une grande soif et Anselme va chercher en cave un Champagne Selosse magnum 1997. Ce champagne qui claque sur la langue m’évoque le feu et Anselme me demande : quel feu ? Je réponds : la cendre et Anselme sourit, car la cendre fait partie de ce qu’il cherche à exprimer dans ses champagnes. Ce champagne est très agréable à boire et nous picorons des petits dés de féra fumée du lac Léman. Je lui trouve un petit manque de longueur et on dirait qu’Anselme a lu dans mes pensées car il va chercher un Champagne Selosse 1990. Comme dans les films de science-fiction nous changeons de dimension, car la première caractéristique de ce 1990 est l’insondable profondeur. Il est riche, plus large que le 1997 mais incroyablement plus profond. C’est une magnifique réussite.

Si Anselme ouvre un Champagne Selosse 1999, ne croyez surtout pas que c’est pour boire. Non, non, c’est seulement pour la science : c’est pour comparer avec les deux précédents. Et comme nous buvons tout cela en cuisine, on notera bien que seul nous guide l’impératif didactique. Ce qui est étonnant, c’est l’abondance du fruit dans ce 1999. J’en fais la remarque à Anselme en suggérant que ce n’est peut-être pas la direction qu’il recherche. Mais Anselme me dit que cette voie fait partie de celles qu’il explore. Dans la cuisine, ce ne sont que rires, joie, remarques aimables et le travail se fait, dans le calme, sans stress. Alors que Stéphane et Jean vont jouer ce soir une partition à quatre mains importante, c’est la sérénité qui règne.

Sur la terrasse face à la colline, les premiers participants au dîner arrivent. Il y a un fort contingent de Vertus, commune voisine, dont deux ou trois vignerons et leurs épouses. Nous bavardons en portant des toasts avec un Champagne Selosse 2000 très pur, équilibré, carré et droit. Le tempura de grenouille, ail et persil de Jean plante le décor : c’est raffiné et parfait.

Le menu mis au point par les deux chefs est ainsi composé : œuf de cailles poché dans un sirop, fine gelée de concombre, féra fumée, fleurs de bourrache et feuilles d’oxalis / l’asperge et la queue de langoustine à l’anis vert grillé à la plancha, jus des pinces émulsionné à l’huile d’olive Taggiasca / filets de perche du lac Léman, crémeux pistache et émulsion citronnelle et gingembre / râble de lapin infusé au serpolet, jus de moules au chorizo / le pigeon en croûte de sel à la verveine purée de petits pois et légumes de printemps / la selle d’agneau de lait des Pyrénées roulé au chèvre et menthe fraiche, datte medjoul et pilaf de quinoa au citron confit / rhubarbe pochée dans un sirop d’épices, blanc-manger au lait d’amande et miel de montagne / millefeuille craquant de chocolat noir, ganache à la confiture de cassis, sorbet persil / la Chartreuse flambée sur coque de chocolat, sorbet mure.

Etant placé à côté de Jean-Philippe et en face d’Anselme, de Corinne et de leur fils Guillaume, il est certain que j’ai été captivé par nos discussions, ce qui m’a conduit à accumuler des impressions plus que des analyses. De ce repas, je retiens l’œuf, absolument superbe, le râble de lapin très équilibré et très propice aux accords mets et vins, le pigeon remarquable, avec la verveine qui excite le champagne, la très belle selle d’agneau, le blanc-manger aérien, et les desserts de haut niveau. Mais le charme venait surtout de l’ambiance en cuisine, avec le sourire des deux chefs, leur complicité et l’engagement de tous y compris des jeunes commis.

Les champagnes, tous de Selosse, ont particulièrement collé aux plats et comme je buvais les paroles d’Anselme, je me suis laissé bercer par les vins marqués par une grande pureté. Champagne Selosse 2000, Champagne Version Originale Selosse, Champagne Selosse 2003 que j’aime particulièrement, Champagne Les Carelles Selosse 2003, Champagne Selosse 2002 promis à un grand futur, Champagne Selosse 1999 très original, Champagne Lubie rosé Selosse très agréable et subtil, Champagne Exquise Selosse et enfin le ratafia « Il était une fois » de Selosse.

La passion d’Anselme est assez fascinante. Il sait mettre des mots sur le rythme des saisons, l’influence de tel ou tel événement climatique, de tel ou tel élément minéral sur le futur et le présent d’un vin. Il est en permanence en réflexion et en interrogation. Il le fait avec beaucoup de sagesse et de gentillesse. Corinne est aussi passionnée que lui, décoratrice hors paire de ce lieu charmant.

Jean est un chef formé par Marc Veyrat qui est en pleine ascension, ce qui n’est pas le jeu de mots facile, mais une réalité. On le sent prêt à assumer une cuisine de haute création. Magali parle des vins avec des commentaires judicieux. Stéphane fait une cuisine solide de haute sécurité et Nathalie tient la maison avec discrétion et efficacité.

Si je devais tirer quatre fleurs de ce bouquet flamboyant, ce serait le râble, le Selosse 1990, le sourire de Jean, mais surtout l’atmosphère de félicité et de complicité qui a marqué cette soirée.

Après trois expériences de dîners à quatre mains, il semble évident que cette formule est extrêmement féconde pour les chefs mais aussi pour ceux qui profitent de leur cuisine.

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Jean-Georges Klein et Philippe Mille, menu à quatre mains aux Crayères mardi, 16 avril 2013

Chaque mois au restaurant de l’hôtel Les Crayères, se tient un dîner à quatre mains et cinq étoiles. Philippe Mille, le chef doublement étoilé du lieu invite un chef trois étoiles à composer un menu partagé. Ce soir c’est Jean-Georges Klein de l’Arnsbourg. Le lundi étant un jour de fermeture de la cuisine de l’hôtel, les participants présents ne viennent que pour cet événement. La maison Ruinart est venue en force.

Par un beau soleil couchant, devant le grand parc qui s’étend à nos pieds nous prenons l’apéritif avec un Champagne Ruinart Blanc de Blancs brut sans année qui a du mal à me communiquer une émotion après les champagnes de la veille dont l’iconique Ambonnay. Ce n’est pas le champagne qui est à critiquer, c’est mon palais qui n’est pas réceptif.

Dans la belle salle à manger nous avons la chance, ma femme et moi d’être assis aux côtés de Laurent et Florence Gardinier, propriétaires des lieux et de Jean Miot, brillant et truculent observateur des mœurs du temps.

Le menu « partition à quatre mains » est : tel un Tacos, la langoustine, le caviar et sa garniture, par Jean-Georges Klein / dos de sole de l’île d’Yeu à la livèche, huîtres spéciales Vollet n° 4 tiédies au champagne par Philippe Mille / canard croisé de Mme Burgaud rôti à la fièvre de tonka, asperge verte gratinée au pralin de morilles par Philippe Mille / fraises, pistache, yuzu, betterave crapaudine par Jean-Georges Klein.

Le plat de langoustine plante le décor. C’est un plat de trois étoiles. D’une rare subtilité, goûteux et original il est accompagné par le Champagne Dom Ruinart magnum 2002. Présenté dans des verres conçus par Philippe Jamesse, chef sommelier des Crayères, il exhale une profusion d’arômes comme aucun autre verre ne le ferait. Ce champagne est grand, très grand tel qu’il est là, marquant un saut qualitatif impressionnant après le Ruinart. C’est un très grand champagne et un très grand 2002.

Le plat de sole est merveilleux. L’association avec la livèche est magique, créant des émotions fascinantes. Deux visions vont s’opposer. Pour les deux femmes de la table, les huîtres sont un intermède agréable dans le déroulement du plat. Mon optique est différente : pensant aux accords mets et vins, j’aurais volontiers oublié les huîtres, car je préfèrerais m’imprégner continument de la sole fourrée et de la livèche, pour atteindre une plénitude créée par la répétition prégnante des saveurs. Le Champagne « Minéral » extra-brut blanc de blancs Agrapart 2006 est un champagne de haute tension. Il est noble, guerrier, d’une personnalité conquérante. Curieusement, un verre plus petit freine un peu ses arômes, mais le champagne a une telle ressource qu’il s’en sort très bien. L’accord avec la sole est pertinent, mais moins naturel que l’accord précédent.

Lorsque Philippe Mille est venu à notre table bavarder avec son associé d’un jour, je lui ai dit que la cassolette à la fève de tonka est tellement forte qu’elle écrase un peu le canard très subtil et lui vole la vedette. Mais le plat tel qu’il a été présenté est un très beau plat, les asperges étant divinement cuites et croquantes à souhait. Le Champagne « Vénus » brut nature blanc de blancs Agrapart 2006 est un peu moins claquant que le « Minéral », mais il crée un accord plus adapté au joli plat de Philippe Mille. C’est un champagne de belle tension, qui cause.

Le dessert conçu par Jean-Georges Klein a été réalisé par un jeune chef pâtissier des Crayères de seulement 22 ans, qui a gagné des concours à des âges où l’on est normalement sur les bancs de l’école. C’est, à mon sens, le plus grand plat de ce repas. Car on est face à une sublimation de la betterave, à un niveau insoupçonnable. Le Champagne Ruinart rosé sans année est un compagnon naturel de ce plat, agréable sans nous pâmer.

Lorsque j’avais profité d’une cuisine à quatre mains au Petit Verdot qui avait invité Davide Bisetto, je n’avais pas cherché à savoir quel était l’auteur de chaque plat. Ici il était impossible de l’ignorer puisque c’est écrit sur le menu. Je me demande si je ne préfèrerais pas une cuisine dont chaque plat serait un travail commun. La recette initiale serait celle d’un chef, mais revisitée avec son compère. Je ne sais pas si c’est possible, mais ce pourrait être intéressant.

Le menu de ce soir fut d’une très haute qualité, les exécutions étant parfaites. Je classerais dans l’ordre de mes préférences, sans me soucier de qui l’a fait, car je respecte le talent des deux chefs : le dessert à la betterave, la sole à la livèche, la langoustine et le canard.

Les accords ont été pertinents, sans toutefois, sauf le premier, créer l’émotion qui résulte d’un accord parfait. Les champagnes sont bons et c’est un grand plaisir de voir que le champagne Agrapart est associé à ces agapes. Pascal Agrapart était présent, ce qui donné le plaisir de bavarder avec lui comme nous l’avions fait lors d’une réunion des rencontres Henri Jayer.

Le service est impeccable, mais il faudra corriger la désagréable impression qu’il n’y a pas assez de bouteilles à servir pour l’ensemble des convives. Il vaut mieux gérer l’opulence que la pénurie. C’est d’ailleurs uniquement une question de service, car la générosité des vignerons présents les a poussés à faire sauter des bouchons dans le calme d’une nuit de printemps sous le péristyle du château où s’élevaient des volutes de fumées de cigares et cigarettes.

Cette expérience est incontestablement une grande réussite et on ne peut que féliciter Hervé Fort et Philippe Mille d’en avoir eu l’initiative. Les deux chefs étaient épanouis, heureux de travailler ensemble. C’est la cuisine française qui sort grandie de l’addition de tels talents. Vive les partitions à quatre mains !

de grosses bébêtes sur le gazon

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les chefs se font photographier devant le château

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en blanc :Jean-Georges Klein, Philippe Mille et le jeune et brillant chef pâtissier

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Seppi Landmann au Bistrot du Sommelier vendredi, 5 avril 2013

Les vendredis du Bistrot du Sommelier ont toujours autant de succès. Aujourd’hui, c’est Seppi Landmann qui présente ses vins. Nous sommes 23 dans le beau caveau et Philippe Faure-Brac présente le truculent vigneron qui fait goûter le Crémant d’Alsace Cuvée Erotique Seppi Landmann magnum 1999. Ce crémant n’est normalement pas millésimé même si Seppi ne mélange pas les millésimes. Il sait que les magnums que nous buvons sont de 1999. Avec le palais calibré au champagne, on a tendance à faire un peu la fine bouche, de trouver que le final est très court, mais si l’on ne pense pas champagne, il est plutôt agréable à boire.

Le menu est : tartelette croustillante de volaille, asperges et foie gras / gigue d’agneau confite au vin rouge et spätzle / fruits frais et confites en coque caramel, zestes de citron verte et sorbet mangue.

Le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle Seppi Landmann 2010 a un beau nez pur. C’est un vin strict, vert, très acide, mais c’est un beau riesling. Il est rafraîchissant, avec un goût de bonbon acidulé. Le Crémant bu après le riesling devient plus rond et civilisé.

Le Sylvaner Cuvée Z Seppi Landmann 2009 a un très beau nez parfumé de fruits exotiques. Il est très doux à l’attaque mais sec et astringent sur le finale, ce qui est étrange.

Le Tokay Pinot Gris Noble Vallée Seppi Landmann 2002 a une couleur déjà ambrée. Le nez combine le pétrole et le gibier, traduisant une possible imprécision. Il évoque un peu la pomme blette. Par certains côtés, dont l’étrangeté, il me plait et par d’autres il me dérange. Le pinot gris est en bonne intelligence avec la tartelette.

Le Pinot Noir Jardin des Délices Seppi Landmann 2009 a un joli nez vineux. Il sent le vin ! En bouche, avant le plat, il est très astringent. Il mange les joues. Mais avec la gigue d’agneau, la transformation est spectaculaire. Ce vin est fait pour un plat et il vit, devenant pénétrant. J’adore ce vin qui ne cherche ni charme ni palette aromatique large, mais qui est convaincant.

Le Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepfle Seppi Landmann 2001 a un nez avec une légère trace de gibier. La bouche est superbe, de grande richesse aromatique, avec des litchis, des fruits jaunes et blancs. Il est très plaisant.

Le Sylvaner Vin de Glace Seppi Landmann 2007 est d’une grande finesse et très agréable pour un vin de glace. Il n’a aucune pourriture noble puisque les grains touchés ont été cueillis pour faire les vendanges tardives, longtemps avant que l’on ne cueille ceux-ci. J’aime beaucoup ce vin. Alors que le dessert est parfaitement calibré pour les deux derniers blancs, je ne sens pas la vibration cherchée pour deux raisons, le sorbet, qui anesthésie le palais, et le côté « ton sur ton », qui bride la créativité des vins. Ce qui n’empêche pas le dessert d’être délicieux.

Seppi Landmann est un homme truculent qui ne mâche pas ses mots et ne bride pas ses convictions. Parmi les vins que j’ai dégustés, c’est le pinot noir qui m’a le plus convaincu, qui est tout sauf séducteur, mais tient bien son rôle en gastronomie. C’est ensuite le vin de glace, beaucoup plus charmant que d’autres vins de glace. Ce vin qui ne peut exister que si on cueille les grains à moins sept degrés ne m’a pas laissé de glace. Philippe Faure Brac est un hôte charmant. La cuisine est simple et cohérente. Ce fut une belle expérience.

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