Archives de catégorie : vins et vignerons

Grand Tasting – Master Class « Le Génie de Meursault » dimanche, 2 décembre 2012

La 7ème session du Grand Tasting, dirigé par Michel Bettane et Thierry Desseauve, se tient au Carrousel du Louvre. Il y a de très nombreux stands de vignerons où l’on peut goûter leurs productions récentes et parfois une bouteille un peu exceptionnelle et il y a des "Master Class" à thèmes, des séances de l’Ecole des Terroirs, et des ateliers gourmets.

La foule est nombreuse, fait la queue à l’entrée, fait de même pour le vestiaire et pour les stands où l’o, se restaure, d’huîtres, de cochonnailles, de fromages ou de pâtisserie. On peut y passer un ou deux jours sans craindre de manquer de nourriture ou de boisson. Les visiteurs du deuxième jour, le samedi, sont beaucoup plus jeunes, manifestement peu au fait du vin et certains viennent faire un "before", où l’on se prépare à s’aviner le soir. Ils vont même grappiller les bouteilles pleines ou à moitié pleines sur les stands lorsque l’on crie "on ferme", et l’on verra plus loin que moi aussi, je suis jeune.

La première Master Class à laquelle j’assiste est : "Le Génie de Meursault".

Le Meursault Clos des Ambres Arnaud Ente 2009 est présenté par le vigneron lui-même. Il a créé ce domaine en 1992, mais le nom n’existe que depuis 2002. Il a des vignes de 60 ans. Le nez du vin est très pur, intense. En bouche il y a beaucoup de densité. On ressent la pureté, la fraîcheur et la netteté. Il a une belle acidité qui n’empêche pas de sentir un gras qui commence à se montrer. Il évoque les fleurs blanches et la pêche.

Le Meursault 1er Cru Genévrières Latour-Giraud 2010 a un nez discret. Son goût est classique, de forte minéralité. Il est assez joli mais surtout discret. Quand il s’épanouit, il devient très archétypal, avec un final un peu rêche. Il montre la pureté et l’acidité d’un vrai meursault.

Le Meursault 1er Cru Poruzot domaine Roulot 2009 est présenté par Jean Marc Roulot. Le nez est intense de minéralité. Il y a une belle attaque citronnée, mais le beurre apparait aussi. Le final est plus rêche et plus court que celui du Ente. Au deuxième essai, sa longueur apparaît ainsi que sa complexité. Le charme agit. Le final est assez rêche et montre du poivre. C’est un vin intense.

Le Meursault 1er Cru Clos des Perrières Albert Grivault 2004 est présenté par Michel Bardet. Il sent la pierre à fusil. Il est beaucoup plus rond que les autres, il a moins de tension, plus de gras. S’il est plus généreux, cela tient au millésime dégusté. Il y a de la pâtisserie, de le noisette et du beurre, des fleurs blanches. Je suis conquis par sa pureté et son goût de noisette.

Le Meursault 1er Cru Les Charmes Louis Jadot 2003 est présenté par Jacques Lardière, au discours captivant. Le nez est très charmeur. Le vin est puissant. C’est le plus lourd de tous. Tout est généreux dans ce vin. Je préfère la pureté du 2004 précédent.

la générosité des vignerons de Châteauneuf dimanche, 25 novembre 2012

Il y a des choses qui ne s’inventent pas. Une vingtaine de vignerons de Chateauneuf-du-Pape présentent leurs vins au restaurant Macéo qu’ils ont privatisé. Quoi de plus naturel de commencer la dégustation par le stand n° 1 ? C’est le domaine du Banneret et Jean-Claude Vidal me dit qu’il lit mes bulletins avec plaisir et qu’il imaginait bien que je viendrais. Il sort de ses bagages un Chateauneuf-du-Pape domaine du Banneret 1989 et me le donne en disant : "votre séance de l’académie des vins anciens se tiendra ici dans une semaine. J’aimerais que vous y partagiez ce vin". J’avais naguère pu mesurer la générosité des vignerons de Châteauneuf. Elle se vérifie toujours.

Verticale de Cristal Roederer de 2005 à 1989 mercredi, 21 novembre 2012

Il est très rare pour moi de boire deux millésimes de Cristal Roederer dans la même soirée – et quand je dis rare, c’est une litote – et les périodes sans en boire sont suffisamment longues pour que toute volonté de comparaison soit vouée à l’imprécision. Aussi, c’eût été difficile de rater la première dégustation verticale de Cristal Roederer qui se tient en dehors du siège de cette honorable maison. C’est aux caves Legrand, grâce à l’entreprenant Gérard Sibourd-Baudry. Frédéric Rouzeaud, de la septième génération de la famille propriétaire de ce domaine fondé en 1776 et qui s’appelle Louis Roederer depuis 1832, présente le domaine et Jean-Baptiste Lécaillon, DGA et chef de caves, présente les vins. Voici les notes telles que je les ai prises, au fil de la plume d’un champagne dont le nom "Cristal", date de 1876.

Le Champagne Cristal Roederer 2005 a un nez racé, de poudre à canon et de tabac. Il n’évoque pas le fruit mais le minéral. L’attaque est délicate, envoûtante. Le vin entoure et envoûte comme un boa. Le final est moins brillant que le passage en palais. C’est un champagne très séduisant car énigmatique. Je l’adore. Le final s’assemble et délivre du fruit confit. Il est très charmeur car interpellant. Pour moi, c’est magnifique. Je ne suis pas sûr qu’il gardera cette troublante séduction avec des années de plus, car il deviendra plus compréhensible, mais pour l’instant, c’est magique, avec beaucoup de fruits exotiques et d’épices. Il est d’un grand équilibre, et lorsqu’il s’échauffe dans le verre, ce sont les fruits confits qui dominent.

Le Champagne Cristal Roederer 2002 au un nez aussi minéral, plus prononcé. L’attaque est belle, plus charmeuse. Le vin veut charmer, contrairement au 2005. Il y a du poivre, du thé, des épices. C’est délicieux, mais il n’y a pas l’énigme du 2005. Il y a quand même une assise très forte, une tension extrême. C’est un grand champagne.

Jean-Baptiste nous parle des années océaniques, qui sont des années à chardonnay et des années continentales qui sont des années à pinot noir. Parmi les années que nous goûterons, les 2005, 1999 et 1995 sont océaniques et les 2002, 1996 et 1989 sont continentales.

Les vins sont issus des vignes en propre. Il n’y a pas d’achat de vins à l’extérieur de la propriété. Les parcelles sont des dorsales calcaires, car c’était la volonté de Louis Roederer, pour exprimer les qualités qu’il voulait. Il y a une majorité de pinots noirs : deux tiers, contre un tiers au chardonnay et selon les années, le pourcentage variera en faveur de l’un ou de l’autre, compte tenu de leurs performances.

Le Champagne Cristal Roederer 1999 a un nez difficile à définir. Il est fermé et m’évoque l’ardoise. L’attaque est très retenue. C’est un champagne discret au final très fort. On sent qu’il reste sur son quant-à-soi. Quand il se réveille, il reste retenu. Le 2002 plus chaud développe des accents de miel. Je pense que le 1999 vieillira très bien et qu’il dévoilera sa profondeur. Le 2002, c’est le charme et le 1999 c’est la profondeur.

Jean-Baptiste dit qu’il met des vins d’Avize pour l’élégance, de Cramant pour l’exubérance, et de Mesnil-sur-Oger pour avoir un goût de Corton. Chez Roederer, le dégorgement est à date unique, cinq à six ans après la récolte. Dans le cas du 2005, on est au-delà de six ans.

Nous allons maintenant comparer le 1996 en bouteille et en magnum. Le Champagne Cristal Roederer 1996 en bouteille a un nez lacté. L’attaque est superbe et le vin est complexe. Il se boit bien et sa bulle est très forte. Le message du vin s’est un peu simplifié. C’est un grand vin. Il ne faut même pas une seconde pour prendre conscience de l’ampleur et du volume du Champagne Cristal Roederer magnum 1996. C’est spectaculaire. Il "écrase" l’autre en bouteille. Tout en lui est facile. C’est Fred Astaire ! Je ne m’attendais pas à un tel écart. L’épanouissement du 96 en magnum est spectaculaire. Il faut dire que toutes les bouteilles ont été ouvertes une heure et demie avant notre arrivée. Avec ce vin, au top, on nage dans le bonheur.

Le Champagne Cristal Roederer 1995 a un nez subtil, très droit. Il y a beaucoup de fruits et de fruits confits. Il est de belle race. C’est un Cristal archétypal. Il est très bon, très pur. Le 1996 est génial et le 1995 est solide et grand. Très vineux. Le 1995 à une personnalité très forte, chantante et puissante. Je préfère la tension du 1995 au charme du 1996, même si le magnum est d’un charme total. Pendant ce temps, le fond de verre du 2002 est superbe.

Le Champagne Cristal Roederer rosé 1996 a une couleur tellement blanche que je me demande s’il n’y a pas eu une confusion de bouteille. On croirait un blanc. Mais le nez est de rosé. Le Cristal rosé n’existe que depuis 1974. En bouche, même si l’on peut percevoir des goûts de rosé, la balance penche vers les goûts de blanc. Il est très beau, étonnant, atypique, car il transcende la notion de rosé. C’est un grand vin de gastronomie.

Le Champagne Cristal Roederer 1989 a un nez renversant de complexité et de finesse. En bouche, c’est du vin plus que du champagne. Il est vineux et doux. On entre dans le monde des vins doux et racés. C’était une année de chaleur. Il est miellé. Pour moi, il y a d’autres champagnes de 1989 plus tendus que celui-ci.

Si je devais classer les impressions qui sont bien personnelles, c’est le 2005 qui m’a le plus ému par son étrangeté. Le plus grand est le 1995 suivi du 1996 en magnum. Mais ce qui compte le plus, c’est que j’ai une nouvelle approche de Cristal Roederer, auquel je mordais relativement peu, d’une part à cause du prix, car je ne suis pas rappeur, mais aussi à cause du goût. L’image de Cristal a changé pour moi ce soir. J’en suis ravi.

Dégustation originale des champagnes Henriot au BAL mercredi, 21 novembre 2012

La maison de champagne Henriot invite au BAL, une salle dans le 18ème arrondissement qui se compose d’un bar avec terrasse et d’une galerie où expose un photographe. Situé dans une impasse, ce lieu est tonique, moderne, plaisant. On commence par goûter un Champagne Henriot blanc de blancs servi de la bouteille, puis le même, servi après avoir été carafé. Et les organisateurs de la réunion guettent nos réactions. Au moment où l’on tente l’expérience, le champagne carafé, dont la bulle est assagie par cette agitation, développe plus de complexité aromatique, plus de vigueur, et l’avantage est sans conteste en faveur du champagne carafé. Mais lorsque l’expérience se prolonge de cinq minutes, lorsque les champagnes se sont épanouis dans leurs verres, le non carafé a beaucoup plus de vigueur et de tension que le carafé qui s’assoupit un peu. Alors, selon que l’on boit vite ou lentement, on préférera le carafé ou le non carafé. L’expérience est de bel intérêt.

Dans la salle, un personnage, une sorte de magicien, veut nous initier à une expérience qui se présente ainsi. Trois cabines, comme des cabines téléphoniques, sont opaques. L’idée est de s’y introduire dans le noir avec un champagne, d’avoir sur les oreilles des casques de silence, un crayon luminescent qui permettra, lorsqu’on aura goûté un vin, de noter trois mots sur un papier dans l’obscurité totale. Les trois feuilles avec trois mots seront mises dans une urne qui ne sert pas au vote d’un chef de parti politique mais permettra aux équipes d’Henriot de connaître ce que ressent le public de leurs trois vins.

Il s’agit de Champagne Henriot rosé 1988, Champagne Henriot rosé 1989, Champagne Henriot rosé 1990.

N’ayant pas le temps de me soumettre à ce protocole qui me semble assez excitant, je goûte les trois rosés, et je remplis les trois cartons de trois mots chacun, sans être passé par les trois isoloirs.

Les trois rosés sont disparates, de personnalités variées. Je préfère le 1989 pour son charme et son élégance, le 1990 pour sa force de conviction et le 1988 pour son caractère atypique.

La présentation est originale, l’organisateur des séances dans le noir est passionnant. Les champagnes sont bons. Voilà une bien heureuse idée pour s’imprégner de trois rosés divers et convaincants.

la bouteille et la carafe posée sur un support conçu par Henriot

Dîner de vins en « 2 » au château de Beaune samedi, 17 novembre 2012

Après la dégustation des vins de 2011 de la maison Bouchard Père & Fils, nous nous rendons au château de Beaune en traversant la rue, accueillis par Joseph et Thomas Henriot. Dans le très joli salon nous buvons un Champagne Henriot cuvée des Enchanteleurs 1998 d’une très grande personnalité. C’est un champagne "qui cause". De plus, il promet, car on l’imagine avec un futur glorieux.

Nous nous rendons dans la salle à manger de l’orangerie. Le menu a ainsi été conçu : velouté de potimarron au café / galette de cèpes aux crustacés, jus au foie gras / bar de ligne poêlé, pralin de zestes, beurre d’agrumes, mousse de fenouil / veau de lait cuit à basse température, ris en Chartreuse, pommes de terre au pain d’épices / plateau de fromages / crémeux au chocolat, gavotte à la fleur de sel, coulis de mangue.

Le Beaune Clos Saint-Landry 1er Cru Monopole Domaine Bouchard Père & Fils 2002 a un bel équilibre, mais une palette aromatique un peu limitée à mon goût.

Le Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 1992 est un vin superbe, éblouissant, fabuleux. Sa complexité est confondante. On sent de l’orange amère, divinement mise en valeur par le plat et de la truffe. Ce vin est une récompense car c’est vraiment à cet âge là que l’on devrait boire ce vin. C’est un plaisir sans mélange. Géraud Aussendou à côté de qui j’ai fait la dégustation des 2011 m’avait annoncé la grande similitude entre le 2011 et le 1992. Il a parfaitement raison.

Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Bouchard Père & Fils 1982 est un très beau vin, très pur, très riche. Il pèse lourd en force alcoolique. Il est pénétrant et envahissant. Il est encore d’une jeunesse folle. J’aime beaucoup sa force et sa personnalité.

Le Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 1962 a beaucoup de similitudes avec le vin précédent de 1982. L’alcool est présent. Alors que l’année 1962 a donné de plus grandes belles surprises que 1982, je préfère ce soir le 1982. Le Caillerets est assez chaleureux, charnu et opulent. Mais le 1982 a plus de vivacité.

La réception par la maison Bouchard Père et Fils est toujours bien organisée et généreuse. Joseph Henriot a insisté sur la recherche de l’excellence à tous les échelons pendant la naissance et l’élevage des vins de la gamme étendue de la première maison de Bourgogne. Ce que nous avons goûté cet après-midi et ce soir confirme que cette politique porte ses fruits. L’équipe est compétente et motivée. C’est un plaisir de participer à ces dégustations.

dégustation de quinze vins de 2011 de Bouchard Père & Fils samedi, 17 novembre 2012

Chaque année, au moment de la vente aux enchères des Hospices de Beaune, la maison Bouchard Père & Fils reçoit des journalistes pour une dégustation de vins récents, suivie d’un dîner à l’orangerie du château de Beaune. Dans une atmosphère studieuse, nous allons goûter quinze vins de 2011, sept rouges et huit blancs. Quelqu’un fait remarquer que l’on goûte par temps froid et humide, avec du brouillard, ce qui fait que les vins sont fermés.

Savigny-lès-Beaune Village Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est d’un rouge sombre, le nez est profond, très engageant. L’attaque est un peu sévère. Il y a de la matière. Le vin est assez riche. Le final est pur. Au deuxième passage, le vin est fluide et paraît plus léger.

Beaune Clos de la Mousse 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est plus rouge et moins violacée que le Savigny. Le nez est riche, capiteux. L’alcool est présent, mais pas au premier plan. J’ai une petite impression de manque. Au deuxième tour, le vin est meilleur, plus généreux.

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1er Cru Monopole Bouchard Père & Fils 2011 : sa couleur est belle. Le nez est profond, pur et noble. L’attaque est très fraîche. C’est un vin désaltérant doté d’un très bel équilibre. Le final est en coup de fouet. C’est un vin gourmand, de pâtes de fruits, qui promet. Il devient encore plus charmeur par la suite.

Volnay Clos des Chênes 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le rouge est un peu violacé. Le nez est assez discret. L’attaque est un peu imprécise, pas encore assemblée. Le final est un peu rêche, mais plus prometteur que le milieu de bouche. Ce sera un grand vin malgré le caractère austère actuel. Au deuxième tour, il est très prometteur, avec beaucoup de caractère.

Le Corton Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils rouge 2011 : la couleur est plus rouge. Le nez est distingué, équilibré. En bouche, il est encore sur la réserve. On sent la matière, mais il ne se livre pas encore. Il a un beau final charnu. Au deuxième essai, il est plus ouvert et montre que c’est un vin très pur, au beau final.

Nuits Saint Georges Les Cailles 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : la couleur est d’un beau rouge de grande clarté. Le nez est fermé. L’attaque est généreuse, chantante. Il y a du fruit. C’est un beau vin. Le final est un peu rêche. Au second tour, il est plus fermé que le Corton. C’est un vin à attendre longtemps.

Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Bouchard Père & Fils 2011 : la couleur rouge est très rouge. Le nez est intense mais maîtrisé. On pressent une belle matière. La bouche est de fraîcheur, de race et de noblesse. Il y a déjà l’équilibre et le charme. C’est le plus grand de tous les rouges. Le final est un peu rêche mais gourmand. Je note au deuxième passage des notes salines. Ce sera un grand vin.

Nous passons maintenant aux vins blancs.

Bourgogne Réserve Coteaux des Moines blanc Bouchard Père & Fils 2011 : le jaune clair est plaisant. Le nez est assez simple. La bouche est plaisante dans son côté franc et simple. C’est plutôt une bonne surprise, sauf au final très vert.

Beaune Clos Saint-Landry 1er Cru Monopole Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est trop discret. La bouche est assez claire, mentholée. C’est frais, c’est plaisant voire gourmand. Le vin est agréable à boire, au final très frais.

Meursault Les Clous Village Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est plus expressif, mais pas totalement précis. L’attaque est franche, généreuse. Le vin est fluide et l’on note un certain manque de matière. Le final est très expressif et claque en bouche. Quelqu’un parle de guimauve et de tarte aux citrons.

Meursault Perrières 1er Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très charmeur, intense, de fruits confits. L’attaque est superbe. Ce vin est vivant ! Le milieu de bouche est plus calme, mais le final est tonitruant. Il a tout du bonbon anglais. Astringent, avec quelques notes de litchi, il fait forte impression.

On passe maintenant aux quatre poids lourds !

Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très citron. L’attaque est celle d’un vin très jeune, très vert et le final est aussi très vert. Le vin se présente trop fermé ce qui empêche de vraiment l’apprécier.

Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très fin, fluide. L’attaque est généreuse, plus opulente, tout en ayant la fraîcheur du litchi. C’est un vin de grande classe, extrêmement plaisant, au final très frais.

Chevalier Montrachet La Cabotte Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est très fin, discret. Ce vin a mis le turbo par rapport à tous les autres jusqu’alors. C’est Rambo ! Il est expressif, vivant. Je l’adore. Le final est frais, de bonbon acidulé, mais avec une matière de fruits. C’est un très grand vin de grande fraîcheur.

Montrachet Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2011 : le nez est d’une puissance extrême. Il est opulent. L’attaque est sereine, grande. La bouche est assise, riche. Le final est très beau. C’est un vin très réussi.

Alors que j’ai souvent tendance à préférer la Cabotte au Montrachet, je mettrais volontiers sur 2011 le Montrachet avant la Cabotte et j’accorderais une mention spéciale au Chevalier.

Cette dégustation conduite avec intelligence par Philippe Prost, maître de chais, montre des vins bien faits, du haut en bas de la hiérarchie des classifications, mais quatre vins sortent du lot, montrant déjà une classe extrême : le Chambertin Clos de Bèze, le Chevalier Montrachet, La Cabotte et le Montrachet. Les choix ont été expliqués avec clarté, et l’on n’a pas pu ne pas aborder 2012, année totalement atypique et de très petites quantités, dont la maison Bouchard semble particulièrement fière, compte tenu des difficultés rencontrées.

Dîner de Gala de l’Académie du Vin de France mardi, 13 novembre 2012

L’Académie du Vin de France a son siège au restaurant Laurent. A 17 heures, l’assemblée des membres de l’académie tient ses travaux. A 19 heures, au premier étage du restaurant, les vignerons membres offrent à déguster leurs 2010 ou 2011 et parfois quelques autres années en une sympathique Paulée à la bourguignonne. Le groupe s’étoffe d’amis et invités par les membres de l’académie. La foule étant nombreuse, il faut savoir se faufiler aussi la première étape de mon chemin de choix sera La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2009, au parfum tétanisant. Je suis revenu plusieurs fois goûter ce vin au charme diabolique. Il est parfait à ce stade de sa vie. Il va certainement se refermer dans quelque temps, pour s’épanouir à nouveau et devenir un vin immense. A côté de lui un vin de Dujac de 2010 dont je n’ai pas noté l’appellation (on en prend pas de notes dans ce cénacle) est extrêmement gourmand et généreux alors qu’un Volnay de Montille est d’une grâce d’une distinction remarquables. Il y a un quarantaine de vins présentés. Le Meursault Charmes Comtes Lafon est goûteux, que j’ai préféré au Meursault Genévrières. J’aime l’Hermitage blanc de Chave et le Château Simone blanc. Les bordeaux sont servis beaucoup trop froids au moment où je viens les goûter. Le Jurançon Cauhapé Quintessence du Petit Manseng est une merveille ainsi que le Château de Fargues, subtil tout en étant d’une belle puissance. Pris dans le mouvement, je ne suis pas sûr des millésimes.

Bien sûr on bavarde avec les vignerons présents, et l’on redescend pour un apéritif debout dans la salle ronde qui est l’antichambre du restaurant. Le Champagne Pol Roger 2002 se boit bien, mais il n’a pas la vibration qu’il pourrait avoir.

Le dîner est placé et je suis à une table où Gérard Chave et Jean-Louis Chave sont présents comme Hubert de Montille et sa fille Isabelle. A côté de moi Elizabeth Graillot et Olivier Jullien. Un ou deux amis des vignerons complètent le tour de table.

Le président Jean-Robert Pitte salue l’assemblée et confirme la nomination d’Olivier Bernard, impétrant l’an dernier et membre cette année. Celui qui le suit d’un an, impétrant aujourd’hui, est Olivier Jullien. Il est venu en tenue de vigneron et ça ne gêne personne tant son sourire lui ouvre toutes les portes. J’aurai au cours du repas de longues conversations passionnantes avec lui sur l’histoire et la longévité des vins.

Le menu mis au point par Philippe Bourguignon avec Alain Pégouret est un chef-d’œuvre de pertinence des accords mets et vins. Il faut dire qu’il a donné lieu avec quelques académiciens à des essais en vraie grandeur. Que ne ferait-on pas pour satisfaire cette docte assemblée. Voici le menu : homard en bouillabaisse froide / trompettes de la mort juste rissolées, crémeux d’œuf et jaune coulant sur un fin sablé au parmesan / tronçon de turbot poché, champignons de couche, sauce hollandaise / joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba / Saint-nectaire, l’un d la ferme du Puy de la Bade et l’autre de la ferme Guillaume / gaufrette aux litchis, crème de châtaignes.

Mes trois plats préférés sont les joues de bœuf, le homard et les trompettes de la mort.

Le Palette, Château Simone blanc 2005 a une belle structure, d’une construction solide. Mais le vin est dans une phase où il n’est pas encore parfaitement épanoui et assemblé. Il est agréable, mais on sent qu’il faudrait l’attendre encore. Le homard délicieux lui va bien.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2005 a un nez qui explose de soufre ou qui donne cette impression de soufre. Extrêmement minéral, il paraît d’une jeunesse folle. Il me met un peu mal à l’aise, car lui aussi paraît ne pas être arrivé à un point d’équilibre. Il se confirme que 2005 est une année qu’il faut attendre. Les trompettes de la mort donnent de l’ampleur au vin et le rééquilibrent.

Le Puligny-Montrachet "les Pucelles" Domaine Leflaive 2005 se présente dans des bouteilles dont les évolutions sont différentes. Certaines bouteilles, selon ce que j’entends, ont une oxydation sensible. Daniel, le fidèle sommelier complice de mes dîners m’a servi du vin d’une bouteille parfaite. C’est un vin joyeux, fonceur, charmant et épanoui que j’ai la chance de déguster. C’est avec la chair du turbot qu’il faut en profiter, sans la sauce hollandaise bien sûr.

Si les blancs avaient tous, de façon plus ou moins prononcée, un problème de puberté, le Domaine de Chevalier rouge 2005 arrive comme d’Artagnan avec une assurance insolente. A ce stade de sa vie, ce vin ne pourrait pas être plus parfait. Et comme il est accompagné d’un plat d’une gourmandise invraisemblable, il en profite au mieux. C’est surtout avec la moelle que le vin s’exprime le mieux. Il est goûteux, charnu. C’est un vin de plaisir.

Le Château Branaire-Ducru 2005 a un parfum qui dénote lui aussi que le vin n’a pas trouvé son équilibre. S’il est plus profond que le Domaine de Chevalier, il n’a pas d’épanouissement. On boit un vin en devenir, qu’il faut avoir la patience d’attendre.

Le Château Corbin-Michotte 2005 a un nez d’une forte personnalité. Ce vin n’est pas charmeur, il interpelle. L’image qui me vient est la chanteuse Barbara. On ne peut pas dire qu’elle était belle, mais sa présence était d’une force extrême. Ce vin est ainsi, il a des choses à dire, il raconte, sans orthodoxie, mais avec intérêt.

Le Gewurztraminer Vendange Tardive Clos Windsbuhl domaine Zind-Humbrecht 2005 a un nez de litchi et de douceurs, si bien que le dessert lui est indissociable, d’une pertinence absolue. C’est un grand vin, d’un grand charme, mais je ne lui ai pas trouvé l’extrême justesse qui caractérise les vins de Zind-Humbrecht. C’est un grand vin.

Jacques Puisais, selon une solide tradition, a fait une analyse des vins et des accords. Poétique, déroutant souvent, attentif à des détails auxquels on ne songe, Jacques a été brillant comme il sait l’être, malicieux, nous entraînant dans l’irréel , dans l’inattendu, voire dans le surprenant. Lors de précédents dîners, il ajoutait parfois des suggestions érotiques voire grivoises. Ici, son discours a été marqué par l’amour. Souvent il a fini l’analyse d’un plat et d’un vin par un "ils s’aiment" déterminé. Il s’aiment. Circulez, il n’y a rien à voir !

Bavardant après le repas avec des amis d’autres tables, j’ai pu constater que nos analyses des performances des vins sont toutes différentes. Le Corton Charlemagne fut le seul à déclencher l’applaudimètre, et Philippe Bourguignon m’a dit que pour lui c’est un signe fort. Michel Bettane n’a pas vibré autant que moi sur le Corbin-Michotte.

Mon classement personnel est : 1 – Corbin Michotte 2005, 2 – Domaine de Chevalier 2005, 3 – Gewurztraminer Vendange Tardive Clos Windsbuhl domaine Zind-Humbrecht 2005, 4 – Puligny-Montrachet "les Pucelles" Domaine Leflaive 2005.

Ce qui est marquant, à mon point de vue, dans un tel dîner, c’est la gentillesse des vignerons, leur générosité aussi, de faire connaissance avec le brillant vigneron du Mas Jullien, la pertinence des accords mets et vins et pour finir, La Tâche 2009 qui sera un monument dans quelques années.

Bastor Lamontagne et de beaux accords au Jaja lundi, 17 septembre 2012

Le château Bastor Lamontagne, sauternes délicieux, a eu l’heureuse idée de lancer une invitation à goûter un nouveau sauternes sur des accords audacieux. C’est l’éternelle question de sortir les liquoreux des accords convenus dont celui de "sauternes et foie gras", qui est une anomalie gastronomique, puisque l’on joue gras sur gras. Le programme annoncé est osé, ce qui éveille mon intérêt. Le lieu est le restaurant Le Jaja, situé au fond d’une petite cour d’un immeuble du 4ème arrondissement. Le lieu est sympathique, le personnel est accueillant. Le restaurant a été privatisé pour la circonstance. Le sauternes qui est l’objet de la dégustation est le SO de Bastor Lamontagne 2010, différent du sauternes Bastor Lamontagne classique, et vinifié sur les premières manifestations du botrytis.

Le vin est un très joli sauternes, expressif, avec de délicates notes de fruits confits et une mâche agréable. Il se boit bien à cet âge de bambin. Sur un saumon presque cru, le SO domine et finit sur une mauvaise amertume, mais à la deuxième gorgée, l’amertume disparait. Je remarquerai, au long de ces dégustations, qu’un accord improbable au premier essai se domestique au second, le palais s’accoutumant à l’audace. J’essaie le même saumon avec des algues salées et l’accord est pertinent, car le sel fait apparaître le sucré du sauternes sans l’alourdir.

Dans l’essai avec le céviche à l’orange en zestes, c’est de loin l’orange qui domine. A la première gorgée, le sauternes est effacé. A la deuxième, l’accord devient assez joli. Bien sûr, le vin est transpercé par le zeste mais ça lui va bien. Avec la Ricotta et œufs de saumon, l’accord n’est pas naturel. Il ne se trouve pas.

Arrive alors le Château Bastor Lamontagne 2009, superbe de générosité, promis à un vieillissement magnifique. Même avec cette bête de concours, l’accord ne se trouve pas avec la ricotta. Avec l’aubergine au contraire, le sauternes domine, mais il est mis en valeur. Quelle idée d’avoir flanqué le stilton de légumes fortement vinaigrés ! Il faut goûter le stilton seul, qui produit un accord classique, moins multiplicateur que l’aubergine et surtout que des œufs brouillés à l’oursin, absolument en phase avec le vin. Couleur sur couleur, une fois de plus !

Un canard servi façon gravlax irait bien avec le SO si l’on enlevait la sauce et les herbes vertes qui gâchent le tout. Dans une coque de fruit de la passion, une crème de kiwi et fruit de la passion crée un accord fabuleux avec le 2009. C’est l’accord le plus gourmand. Au contraire, le sorbet à l’orange sanguine ne va pas. Michel Garat, directeur de ce beau château envisage de formaliser un repas au sauternes sur la base de ces accords à affiner encore, mais dans ce bel esprit. Si ceci se met en place, on peut supposer qu’il connaîtra un beau succès et rajeunira l’image du sauternes à table. C’est tant mieux !

Roederer à l’hôtel Champs Elysées Plaza vendredi, 7 septembre 2012

A l’hôtel Champs Elysées Plaza, à la décoration exquisément raffinée, le champagne Roederer est proposé à des amateurs avec quelques toasts d’accompagnement.

Le Champagne Louis Roederer rosé 2007 est un très joli rosé, serein et goûteux, qui trouve un bel écho avec un thon cru en dés.

Le Champagne Louis Roederer sans année de dégorgement récent est une heureuse surprise, car il est plus accompli que ce que j’attendais.

Avec le Champagne Cristal Roederer 2004, je suis en terrain de connaissance. Il est encore jeune mais il promet. Il est racé et gastronomique.

Dans l’agréable bar de l’hôtel j’ai discuté avec le propriétaire des lieux. Sa démarche d’excellence mérite d’être signalée.

(très jolie photo © Silencio)

dégustation de champagnes Delamotte au Purgatoire vendredi, 7 septembre 2012

De retour à Paris, la première manifestation est la présentation des nouveaux habits des bouteilles des champagnes Delamotte. Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte nous reçoit dans un espace très accueillant qui s’appelle le Purgatoire. On y accède par la rue de Paradis, ce qui est un cheminement qui n’est pas très catholique.

Le Champagne Delamotte brut sans année se boit bien, mais il n’est pas dans mes recherches actuelles.

Le Champagne Delamotte blanc de blancs sans année est beaucoup plus dans mes goûts. Il a une vivacité rare.

Bien sûr, le Champagne Delamotte 2002 est d’une classe supérieure, mais je trouve que la tension du blanc de blancs le rend plus gastronomique. Didier Depond préfère le champagne sur des huîtres plates alors que je le préfère sur des huîtres creuses. Sur un Pata Negra Belota très peu salé, l’accord du 2002 est merveilleux.

Delamotte lance la commercialisation de bouteilles anciennes de ses caves, « collection ». En voici deux exemples :