Archives de catégorie : vins et vignerons

Les vins des quatre propriétaires de Chateau Guiraud jeudi, 10 mai 2012

Le Château Guiraud organise un déjeuner de presse au restaurant de l’hôtel Shangri La, le Shang Palace, dirigé par Frank Xu. Les invités avaient le choix entre déjeuner ou dîner. Je serai du déjeuner.

Guiraud, c’est quatre compères, Robert Peugeot, majoritaire grâce à son holding familial, Xavier Planty, qui fait les vins du domaine, Olivier Bernard du Domaine de Chevalier et Stephan von Neipperg de Canon La Gaffelière, La Mondotte et autres vignobles. Le déjeuner est consacré aux vins de Guiraud, mais c’est l’occasion d’élargir aux vins des copropriétaires.

Le menu conçu par le chef est : Ha Kao, Siu Mai, ravioli aux Saint-Jacques, « buns » de porc laqué sucré-salé /saumon Le Hei / canard laqué façon pékinoise, premier service peau croustillante servie avec des crêpes à la farine de riz, concombre, cébette émincée / Assortiments de spécialités rôties façon cantonaise, poêlée de pois gourmands aux champignons, taro et patate douce / canard laqué façon pékinoise, deuxième service chair de canard émincée et sautée au wok, en feuilles de laitue / bœuf sauté aux pleurotes, sauce barbecue, riz sauté à la façon du chef / boules moelleuses à la crème montée et fruits frais.

Nous sommes dans un salon double, répartis en deux tables. La décoration résolument chinoise plait sans doute aux chinois, mais je ne mords pas du tout à cette présentation assez hétéroclite et un peu banale à mon goût. Sur les deux tables rondes, un plateau tournant reçoit les mets. Il faut donc être attentif à ce qui tourne, ce qui fait qu’à la fin, on ne sait pas vraiment ce qu’on a mangé. La qualité des plats est superbe, les chairs sont goûteuses. C’est assez dépaysant, mais j’aime. L’association avec les vins n’est pas toujours évidente. Le service est impeccable.

Le G de Guiraud 2011 est évidemment très vert, mais il se boit bien. Son acidité est maîtrisée, et il est vraiment prometteur. Il est surtout très gastronomique et se marie avec ces cuisines complexes.

Le Château Lespault-Martillac Pessac-Léognan 2009 est géré par Olivier Bernard. Il est un peu pataud, et souffre d’être présenté à côté des trois autres rouges superbes.

La Mondotte 2001 est d’un spectaculaire finesse. C’est la pureté et l’élégance qui s’imposent, avec une évocation de truffe charmante. On est loin d’un vin moderne, chapeau.

Le Château Canon-La-Gaffelière 2000 est fortement boisé et tannique. On est surpris de le voir si jeune et tout fou. Il a un potentiel énorme et je le vois bien devenir dans quinze ans un vin de très grande qualité, quand il aura gommé ses aspérités. Il se boit bien.

Le Domaine de Chevalier 1990 est un très beau vin épanoui. C’est un Domaine de Chevalier généreux et serein. Mais il manque un peu de coffre et de final et ne ressemble pas au superbe 1990 que j’avais bu il y a un an au domaine, servi en magnum.

Le Château Guiraud 1988 est d’une belle couleur d’un or intense. Il est épanoui, plaisant, gourmand. Le Château Guiraud 2001 est d’une étoffe plus noble. Mais il sert de faire-valoir au 1988, dont le côté plus équilibré, plus recentré, apparaît encore mieux quand il est bu après son cadet. Ce sont deux vins superbes dont Xavier est légitimement fier. J’apprends que l’étiquette est devenue noire l’année de la mort de Napoléon 1er, en 1821.

Que retenir de ce déjeuner ? Les vins des quatre mousquetaires sont de beaux fleurons du vignoble bordelais. Mon classement, purement anecdotique, puisque les millésimes sont différents, c’est Mondotte, Canon-La-Gaffelière, Domaine de Chevalier et pour Guiraud, 2001 devant 1988 pour le futur, mais 1988 devant 2001 pour le plaisir immédiat. Ce que je retiens le plus de ce repas, c’est la chaude amitié qui réunit ces quatre grands acteurs des vignobles bordelais, avec un sens de l’humour aiguisé et de francs sourires.

Olivier Bernard, Xavier Planty et Robert Peugeot

Pétrus aide les acheteurs jeudi, 5 avril 2012

Pétrus fait des efforts importants pour traquer les faux et remonter les filières des fabricants de faux.

C’est pour cela que des détails changent chaque année, afin de tromper les fraudeurs.

Ce que j’avais pris pour une absence de cohérence est en fait le fruit de leur volonté. Et Pétrus ne souhaite pas que l’on donne des indices aux fraudeurs.

BON A SAVOIR : Pétrus répond en moins de 24 heures à tout acheteur qui souhaiterait vérifier si la bouteille qu’on lui propose est une vraie. Il suffit d’adresser des photos de la bouteille, de l’étiquette, de la capsule et du cul de la bouteille, ainsi que toute inscription sur le verre.

Les 2011 des vins conseillés par Derenoncourt Consultants mercredi, 28 mars 2012

A la table du Royal Monceau où nous dégustions le Chateau Guadet saint-émilion, on parlait du rendez-vous qui allait suivre au George V, la présentation des 2011 conseillés par Derenoncourt Consultants. La curiosité me poussant je me rends dans les salons de l’hôtel George V et je suis époustouflé de rencontrer tant de vins qui ont Stéphane Derenoncourt comme conseiller. Quel succès pour ce brillant œnologue dont j’ai connu les débuts lorsqu’il est venu présenter avec son franc-parler les vins qu’ils suivait au Salon des Grands Vins au tout début des années 2000. Plus de 80 domaines sont présents.

Comme il est exclu que je les goûte tous, je vais déguster ceux que je connais. J’ai particulièrement aimé deux vins, le Château La Gaffelière 2011 d’une grâce extrême et le Château Smith Haut-Lafitte 2011 remarquablement fait. J’ai bien aimé des valeurs sûres comme le Domaine de Chevalier rouge 2011, le Château Petit-Village 2011, le Château Canon-la-Gaffelière 2011 présenté par Stephan von Neipperg souriant et pince sans rire, et La Mondotte 2011 du même.

J’ai rencontré avec plaisir Louis Gadby l’animateur de l’Ami Louis qui présente le Château Louis, ex Rol de Fombrauge, et Olivier Decelle qui présente ses vins de Bordeaux dont le Château Jean Faure. S’il est conseillé par Stéphane, c’est parce qu’il veut pouvoir discuter des choix à prendre.

Je suis impressionné de voir tant de grands vins dans « l’écurie Derenoncourt » et je suis aussi impressionné de constater que chacun garde sa personnalité, sans que l’on perçoive un style qui s’imposerait. Chaque vin a son âme, et c’est tant mieux.

Quelle réussite pour ce brillant œnologue !

Présentation du Chateau Guadet au Royal Monceau mercredi, 28 mars 2012

Un déjeuner de presse est organisé par le Château Guadet, un Saint-Emilion. Guy-Pétrus Lignac dirige le domaine avec son épouse et son fils Vincent qui a pris la direction de la vinification. Il a engagé la démarche en biodynamie et profite de son expérience acquise dans les vignobles des quatre coins de notre planète.

Nous sommes reçus dans un minuscule jardin niché dans l’hôtel Royal Monceau maintenant Raffles. La presse du vin est représentée par des français bien sûr mais aussi par des chinois, belges, japonais et des coréens. On trinque sur le Château Guadet 2011 très plaisant, très pur et authentique. C’est la pureté qui est la qualité principale de ce vin. Le Château Guadet 2010 est un joli vin, qui a pris un peu de muscle. Même si l’année 2010 est plus étoffée aujourd’hui, je préfère la pureté du 2011.

Deux carafes nous sont annoncées comme recelant de plus vieux vins. Le premier qui est servi trahit une certaine fatigue. L’amertume est trop prégnante et le bois n’est plus maîtrisé. Je le dis aimablement à madame Lignac qui en convient. Voulant imaginer le millésime je pense aux années quarante, mais Nicolas de Rabaudy lance 1964 qui est la bonne réponse. L’idée des années quarante correspond à la fatigue excessive du vin. Heureusement la deuxième carafe du Château Guadet 1964 est nettement meilleure. L’attaque est belle, fruitée. L’amertume est toujours là, ainsi que l’astringence, mais elles sont mesurées. Je demande à Manuel Peyrondet, le sympathique sommelier du lieu, de me garder quelques pincées de ce nectar.

Nous passons à table dans la magnifique salle à manger de l’hôtel, relookée par Philippe Starck avec une réussite certaine. Sous un plafond aux peintures très modernes et tendance, les décorations sont vives et rassurantes. On se sent bien. Nous sommes répartis en trois tables, ce qui est toujours frustrant, mais j’ai la chance d’être assis à côté de Guy-Pétrus qui est de la cinquième génération des propriétaires de Guadet.

Le menu mis au point par le chef Laurent André est : risotto aux morilles, jus de viande, fromage râpé de fromage « Primo sale » / selle d’agneau de Lozère rôtie, sacre de légumes de printemps / tarte feuilletée aux fraises, menthe fraîche (dessert de Pierre Hermé). On ne peut pas rêver de meilleurs plats pour mettre en valeur les vins.

Le Château Guadet 1998 a la même astringence que le 1964. On sent la continuité historique. C’est un vin « ancienne école » un peu serré.

Le Château Guadet 2001 est un peu trop strict. Le Château Guadet 2005 est un vin parfait. Il est charmant, équilibré, naturel, sans chichi, mais précis. J’adore.

Le Château Guadet 2006 est très riche, fruité, plus généreux que le 2005. Je me demande si je préfère le 2005 ou le 2006 plus dynamique. Mon cœur penchera pour le 2005.

Le Château Guadet 2007 a beaucoup de charme même si la matière est plus faible que celle des deux années qui précèdent. C’est à ce moment que Guy-Pétrus me dit que Stéphane Derenoncourt conseille le château depuis novembre 2005.

Le Château Guadet 2008 est bien fait mais un peu râpeux. Je ne le trouve pas totalement équilibré. Je suis assez surpris par la couleur noire du Château Guadet 2009. Pour moi ce vin n’est pas Guadet. Il est un peu trop moderne pour mon palais, alors que j’ai aimé le 2011. Il se peut que le 2009 soit dans une phase ingrate.

Je suis curieux de revenir au 1964. Le nez est somptueux. L’attaque est magistrale et exprime l’âme de Guadet. C’est un grand vin et il faut oublier l’astringence qui raccourcit le final.

De cette dégustation je retiens quatre vins : le 1964, splendide expression de l’âme de Guadet, malgré un final un peu restreint. Le 2005, le plus épanoui et brillant. Le 2006 très joyeux, et le 2011 dont la pureté m’a impressionné.

Le vin a évolué vers plus de précision. J’ai l’impression que sur quelques années on s’est un peu écarté de la trace historique, pour un travail mieux fait mais plus moderne. L’année 2011 avec Vincent marque sans doute une recherche de la trace historique de ce beau château.

Le1964 montre que tout existe pour tenir le ticket gagnant.

Nicolas de Rabaudy, le chef Laurent André, Guy Pétrus Lignac, Vincent Lignac et sur laphoto de droite, madame Lignac.

Domaines Familiaux de Tradition de Bourgogne mardi, 27 mars 2012

Les Domaines Familiaux de Tradition de Bourgogne présentent à chaque printemps le millésime qui a deux ans et demi. C’est certainement dans le monde du vin l’événement le plus prestigieux qui soit. Au Pavillon Ledoyen, les vignerons ont le sourire, car présenter le millésime 2009, c’est offrir des bijoux. Avec cette année, la réussite est au rendez-vous. Qui plus est, les 2009 sont en ce moment à un moment de grâce particulier. Ils ne se refermeront que dans quelques mois, espérant que nous les oubliions pour au moins vingt ans. Mais à notre époque où l’on veut tout tout de suite, qui sera raisonnable ? Comme tous les vins sont bons, le promeneur papillonnant que je suis va surtout obtenir confirmation que ses chouchous sont au rendez-vous. Voici ce que j’ai butiné :

Volnay Champans marquis d’Angerville 2009 charmant et délicat, Corton rouge Bonneau du Martray 2009 dont j’adore l’originalité, Grands Echézeaux Joseph Drouhin 2009 particulièrement réussi, Clos de la Roche Dujac 2009 superbe et racé, Corton Clos des Cortons Faiveley 2009 un solide gaillard imposant, Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 2009 dont j’aime la subtilité, Nuits-Saint-Georges les Vaucrains Henri Gouges 2009 très plaisant et subtil, Clos de Vougeot Méo-Camuzet 2009 de grande facture, Musigny Jacques Frédéric Mugnier 2009 mon chouchou de la journée tant il respire la gourmandise et la perfection, Bonnes Mares Georges Roumier 2009 prometteur de futures délices, Chambertin Armand Rousseau 2009, mon autre chouchou, à la séduction gourmande terriblement tentatrice, Corton Clos du Roi Comte Sénard 2009 d’une grande élégance de style, Latricières Chambertin Trapet 2009 adorable. En bref, que du bon.

Du côté des blancs, mon papillonnage fut plus court : Chablis Valmur Raveneau 2009 une merveille de chablis, Meursault Charmes Comtes Lafon 2009 à la solidité sans faille, Puligny Montrachet les Pucelles domaine Leflaive 2009 d’une puissance inégalable et mon chouchou du jour, le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2009, superbe de finesse.

Tant de grands vins rassemblés ainsi, c’est un cadeau pour les professionnels invités.

Verticale de PSI et Flor de Pingus à L.A. samedi, 3 mars 2012

Après la verticale de Pingus Amelia et celle de Pingus au restaurant Spago, j’ai retenu Peter Sisseck et Emanuel Berk son importateur, pour un verre de l’après-match. C’est sur un Dom Pérignon 2002 que nous avons trinqué au « The Boulevard » de l’hôtel Berverly Wilshire où j’avais dîné la veille. Nous avons bavardé de sujets de vins et l’heure du marchand de sable a sonné, car demain d’autres dégustations nous attendent.

A midi, notre groupe qui s’est un peu réduit se retrouve au restaurant Valentino de Santa Monica. Piero Selvaggio le propriétaire fort sympathique bavarde avec nous. Sa curiosité pour les vins est extrême. Il est enthousiaste et a fait beaucoup de dégustations avec Bipin Desai que nous attendons, car son taxi s’est trompé de chemin, avec un Champagne Deutz Brut Classic, très plaisant champagne de soif. Piero me montre une photo datant de trente ans où il est en compagnie de Bern Laxer, le fondateur du Bern’s Steak House à Tampa où j’étais allé en janvier.

La dégustation va porter sur deux vins de Peter Sisseck, le PSI et Flor de Pingus. Le projet de PSI est né en 2007. Peter avait constaté que depuis 1995, la superficie plantée en vignes était passée de neuf mille à vingt-deux mille hectares dans la Ribeira del Duero, et que parallèlement, la surface plantée en vieilles vignes s’était réduite de six mille à quatre mille hectares. Persuadé que ce sont les vieilles vignes qui font les meilleurs vins, il a convaincu ses voisins de lui vendre leurs grappes, pour faire un vin selon la méthode ancestrale. Il avait en effet remarqué que des vignerons faisaient des vins pour eux, non destinés à la consommation, et que ces vins ordinaires étaient très bons, et faits sans bois neuf, en cuves en ciment. L’idée est d’acheter des grappes, de montrer à ces vignerons que l’on peut faire de bons vins avec ces grappes et de les entraîner progressivement vers la biodynamie. Sur l’étiquette de PSI il y a un vieux cep qui a la forme de la lettre grecque. J’ai hasardé que PSI voulait dire « Peter Sisseck initiative ». Peter ne m’a pas contredit, mais je ne sais pas si c’est ça.

Flor de Pingus a démarré comme Pingus en 1995, mais si Pingus était en pleine propriété, Flor de Pingus a commencé avec des achats de raisins, comme PSI en 2007.

Le menu préparé par le chef Nico Chessa est : Stuzzichini dello chef / l’Ippoglosso in padella with medley of funghi and peperoncini / La carbonara di pasta oro con fonduta di parmigiano / Venison Chop with Tuscan marinade and fruit mostarda / il fromaggio : castelmagno, Buffalo blue cheese / La pannacotta.

La première série est PSI 2007, 2008, 2009, 2010. Ce sont des vins 100% vieilles vignes. Le 2010 n’est pas encore en bouteille. Nous buvons un prélèvement de fût.

Le 2010 a un nez d’une extrême pureté. Tout est élégant. Le 2009 a un nez un peu moins pur. On sent le fenouil sur un fond d’acidité. Le 2008 a beaucoup de charme et de douceur. Le 2007 a un parfum absolument charmant.

En bouche, le 2007 est fabuleux. Il y a du cassis, du fenouil et des tannins d’un équilibre énorme. Le 2008 est un peu plus strict. Le 2009 a légèreté et élégance, avec un très joli final. Le 2010 est encore plus élégant. Il se boit très facilement et prend conscience de l’effet « vieilles vignes ».

Le 2007 a un fort poivre. On sent que c’est un vin de gastronomie. Le 2008 est très élégant avec une fraîcheur mentholée. Les 2009 et 2010 sont plus légers et élégants que les 2007 et 2008. Le fruit de ces vins est spectaculaire. Mon classement : PSI 2007, 2010, 2009, 2008.

C’est difficile de juger lorsque les vins ne sont pas ensemble, mais j’aurais tendance à préférer les PSI aux Pingus. En goûtant à nouveau, je constate que les vins évoluent et s’améliorent. Mon classement final sera : PSI 2007, 2010, 2008, 2009. Mais cela pourrait changer encore.

Nous passons maintenant à Flor de Pingus. 1995 est la première année. Mais Peter ayant envoyé mille caisses aux USA, celles-ci se sont perdues, aussi le plus vieux que nous boirons est 1996. Peter a commencé à acheter des grappes, et en 1998, deuxième incident, le producteur principal lui annonce qu’il a tout vendu à un autre vigneron. Il n’y a donc pas de 1998. Depuis, il a sécurisé ses approvisionnements. Il achète de 18 parcelles différentes et intervient dans le contrôle de la croissance des vignes. Ses achats sont depuis 2004 à 100% de vieilles vignes. La production est d’environ 50.000 bouteilles et l’alcool est autour de 14°.

La deuxième série est Flor de Pingus 2007, 2008, 2009, 2010.

Le nez du 2010 est élégant et discret. Celui du 2009 est élégant mais plus strict. Le 2008 a un nez incroyablement fruité, presque trop. Il y a de la framboise et du fruit confit. Le 2007 est très élégant. Le 2008 me dérange par son parfum hors norme.

En bouche, le 2010 est un peu trop flatteur. Il est épais. Le 2009 est beaucoup plus élégant. Il a un joli fruit et de la légèreté. C’est un joli vin, pas très complexe. On sent le fenouil. Le 2008 est curieux. Il a beaucoup de menthe, de fenouil et de fruit en compote. C’est une curiosité sympathique mais qui n’est pas dans la ligne des vins de Peter. Le 2007, un peu comme le 2010 est très doux, inhabituel. En revenant sur le 2010, je le trouve trop doux. Le 2009 est élégant, le 2008 est en train de s’assembler. Peter adore le 2008 et pense qu’il vieillira bien. Le 2007 progresse aussi. Ces vins auraient dû être ouverts avant, car tous progressent. Je classe 2009, 2007, 2008, 2010. Mais quand le plat est là, qui fait disparaître tout aspect doucereux, je classe : Flor de Pingus 2009, 2008, 2010, 2007. Ces vins sont un peu lourdauds et trop « modernes » pour moi.

La troisième série est Flor de Pingus 2003, 2004, 2005, 2006.

Le nez du 2006 est élégant. Le 2005 est profond. Le 2004 est entre les deux, et le 2003 est plus doux. Après tout ce qu’on a bu depuis hier, mes commentaires deviennent de plus en plus succincts.

En bouche, le 2006 est bon, doux, mais un peu rêche. Le 2005 manque d’équilibre. Le 2004 a beaucoup plus d’équilibre et de grâce. Le 2003 est un peu râpeux. On a envie de les juger avec un plat. Les vins y gagnent énormément. Le 2006 est superbe, le 2005 est un peu moins intégré et plus lourd. Le 2004 est élégant et le 2003 très élégant. Mon classement : Flor de Pingus 2003, 2004, 2006, 2005.

Ces vins sont flatteurs, mais lourds et manquent de précision. Peter à qui je m’en ouvre dit que la raison pourrait être qu’il s’agit de vins de mélange, puisqu’il achète des grappes de plusieurs parcelles. Mon classement final est : Flor de Pingus 2004, 2003, 2006, 2005.

La quatrième série est Flor de Pingus 1996, 1999, 2000, 2001.

Le nez du 2001 est très fort et l’on sent l’alcool. Le 2000 est plus calme mais imparfait. On sent la structure imprécise. Le 1999 est plus civilisé. Le 1996 est très élégant.

En bouche, le 2001 n’est pas mal, assez calme et assez amer. Le 2000 a un côté vineux et une amertume apparaît. Il est assez dur. Mais il faut dire que je commence à saturer de toutes ces séries. Le 1999 est plus joyeux, plus équilibré. Le 1996 est encore meilleur. Elégant et pur, c’est le plus grand de tous les Flor de Pingus. Mon classement est : Flor de Pingus 1996, 1999, 2001, 2000.

Si l’on combine les trois séries de Flor de Pingus, je retiendrais Flor de Pingus 1996, 2009, 2004, 1999.

Nous finissons le repas avec un Torres Floralis Moscatel 2008 qui, malgré les 15° annoncés fait très fortifié. Il évoque le melon et la menthe traités en ratafia.

Ce qu’on peut retenir de cette dégustation en deux repas, c’est d’abord la grande modestie de Peter Sisseck, son envie permanente d’améliorer ce qu’il fait, et sa volonté d’aider les vignerons de sa région pour la mise en valeur des vins des vieilles vignes et pour l’extension de la biodynamie.

Pour Pingus et Flor de Pingus, les vins les meilleurs sont le plus souvent soit les plus anciens, soit les plus récents. Au début, il devait y avoir la flamme du démarrage auquel s’ajoute maintenant l’effet de l’âge. Pour les plus récents, c’est l’amélioration de la qualité du vin. Ce sont des vins qu’il faut boire soit très jeunes, soit avec une maturité affirmée. 1996 et 1999 sont de beaux millésimes anciens et 2009 et 2010 de beaux millésimes récents.

D’une façon générale c’est l’élégance, la fraîcheur et la précision qui caractérisent les vins de Peter. J’ai eu un faible particulier pour les vins que je ne connaissais pas, le très frais Pingus Amelia et le très original PSI. J’ai beaucoup appris sur ce domaine promis aux plus belles destinées grâce aux qualités d’ouverture d’un vigneron danois passionné de la Ribeira del Duero.

la salle

Peter Sisseck

15 millésimes de Pingus et 7 millésimes de Pingus Amelia samedi, 3 mars 2012

A 19h30, le groupe d’amis de Bipin Desai se rassemble au restaurant Spago de Beverly Hills pour la plus grande verticale jamais faite des vins de Peter Sisseck, vigneron danois installé dans la Ribeira del Duero. C’est Emanuel Berk, agent importateur des vins de Pingus qui a rassemblé tous les millésimes qui ont été faits de Pingus, de Flor de Pingus, le second vin, et de Amelia, cuvée extrêmement confidentielle créée en 2003. Arrivé en avance, j’ai la chance que Christian Navarro, sommelier ami de Bipin, me serve un verre de Champagne Dom Ruinart 1998. Ce champagne a une bulle très discrète, presque absente alors que la bouteille a été ouverte il y a seulement vingt minutes, et une forte personnalité. Wolfgang Puck le chef propriétaire des lieux vient nous saluer. Il est tout sourire. La cuisine ce soir est réalisée par Tetsu Yahagi, l’un des chefs de l’équipe du Spago.

De très nombreux amuse-bouche sont bus sur un Champagne R&L Legras blanc de blancs fort agréable: Spicy tuna tartare in sesame-miso tuille cones /fava bean hummus tarts with Zatar caviar / farmers market vegetable crudite / duck liver pastrami on rye crisp / sturgeon mousse on rye crisp Osetra caviar. Ils sont délicieux et copieux.

Nous sommes une petite vingtaine, répartis en trois tables pour avoir suffisamment de place pour les verres. J’ai gardé mes 22 verres, plus celui du champagne et de l’eau, ce que beaucoup n’ont pas fait, faisant retirer les verres après chaque série.

Le menu est : sautéed mushroom stuffed Maine Skate, red wine reduction and black trumpet mushrooms / Uova de Raviolo, hazelnut brown butter and black truffles / slow roasted carpenter’s ranch squab breast, confit leg « Pithiviers », sauve salmi ans sweet English peas / assorted artisanal cheese / chef sherry’s dessert by inspiration.

La première série est Pingus « Amelia » 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010. Le nom Pingus vient du surnom que donnaient ses parents à Peter lorsqu’il était petit. Il y avait un couple d’acteurs célèbres dont l’un était Ping. Peter était appelé Ping. Lorsque Peter a acheté la propriété de quatre hectares avec des vignes plantées en 1921, il a appelé sa propriété Pingus. Amelia est le nom de la fille de son importateur et le vin créé en 2003 représente une barrique par an. Il se distingue de Pingus par son alcool faible puisqu’il titre chaque année entre 12 et 13 degrés, et par son vieillissement en barriques usagées. Il n’y a pas de fût neuf. Il est fait essentiellement de vins de vieilles vignes. A noter que la récolte entière de la première année a été achetée par Emanuel Berk qui en est donc le seul propriétaire.

Le 2010 que je sens en premier est dans un verre qui sent la poussière. On pressent cependant un fruit très doux, de velours. Le 2009 a un nez beaucoup plus fermé. Le fruit est très sensible mais discret. Le nez du 2008 est moins net, l’alcool prenant le pas sur le fruit. Son parfum évoque un peu un vin vieux. Le 2007 a un nez profond, où l’alcool est aussi présent. Le 2006 a un nez très charmeur.

C’est à ce moment que le plat est servi, ce qui change complètement l’examen des parfums. Le 2005 a un nez charmeur, dense. C’est le plus beau à ce stade. Le 2003 a un nez plus strict mais on le sent très élégant.

Je commence l’examen des saveurs, en faisant bien attention, car la sauce réduite au vin rouge pourrait changer les conditions de l’exercice.

Le 2010, comme tous les 2010 que nous boirons, est un vin sorti de fût, car il n’a pas encore été mis en bouteilles. C’est un très joli vin où l’on sent la menthe et le cassis. Je le trouve superbe. Le 2009 a plus de râpe mais il est très élégant. Le 2010 est diabolique de séduction dans sa jeunesse. C’est le vin qui a tout pour lui. Le 2009, même s’il est plus strict, a une force énorme. Il est équilibre et distinction.

Le 2008 est plus léger. Il est élégant et fait très bordelais. Le 2007 est élégant, évoquant le fenouil, le fruit, avec un final imposant. Il est élégant et se boit avec gourmandise, même s’il est discret.

Le 2006 a du velours, de la menthe, de l’anis, du cassis et une élégance rare. C’est un vin de folie, au final un peu amer, mais c’est un grand vin. Avec le 2005, on sent pour la première fois un accomplissement lié à l’âge du vin. Il a une belle râpe. C’est un grand vin mais un peu plus strict. Le 2003 a une grande élégance. C’est le plus grand de la série. Il a tout pour lui. Il est comme un très grand bordeaux, et Peter dit qu’il a les tannins d’une année chaude.

Je goute une nouvelle fois. Le 2010 est tout en douceur, velouté. Le 2009 est grand, plus amer, avec beaucoup de caractère. Le 2008 est plus léger mais élégant, il fait très bordeaux. Le 2007 est d’une belle élégance mais manque un peu de coffre. Le 2006 est joli, de belle râpe, un vin intéressant. Le 2005 a un grand équilibre. Il est très élégant. Le 2003 est parfait. Il est complet, au sommet.

Mon classement : Pingus « Amelia » 2003, 2010, 2005, 2006.

En poursuivant la dégustation de cette série, on sent le dénominateur commun de ces vins : jolis tannins, beau fruit, belle râpe et de grandes aptitudes au vieillissement.

La deuxième série est Pingus 2006, 2007, 2008, 2009, 2010. Contrairement à Amelia, ces vins titrent entre 14 et 15,5°.

Le nez du 2010 montre un alcool fort. Celui du 2009 est plein de charme, avec un fruit discret. Le 2008 combine charme et élégance, le 2007 est discret et de 2006 encore serré.

En bouche, le 2010 est multiforme. Il combine puissance et douceur. Il est opulent mais discret. C’est un vin très original. Le 2009 a une belle râpe. Le bois est très fort ainsi que le poivre. On pourrait dire que c’est un vin intransigeant. Il a de l’anis et de la menthe dans le final.

Le 2008 est plus léger, plus doux, un peu aqueux. C’est un grand vin, mais pas un vin de plaisir. Le 2007 est léger, de belle élégance, mais manque un peu de charme. Le 2006 est d’une grande élégance, c’est le plus parfait, avec menthe, anis et poivre.

A ce stade, je classe : Pingus 2006, 2010, 2009, 2007, 2008. Peter nous dit que les progrès significatifs faits au domaine concernent surtout les deux années récentes. La plus grande élégance est celle de 2009, mais l’effet de l’âge avantage le 2006. Le 2008 est très élégant sur le plat. L’équilibre de ces vins est immense.

La troisième série est Pingus 2000, 2001, 2003, 2004, 2005. Le 2005 a un nez de bouchon. Le 2004 est discret, le 2003 a un nez très beau et élégant, le 2001 est difficile, moins précis. Le 2000 est difficile à définir, très renfermé.

En bouche, le 2005 a la sécheresse du goût de bouchon, mais on sent ce qu’il pourrait être. Peter nous dit que c’est normalement un très grand vin. Le 2004 est discret mais très élégant. Le 2003 est un vin très « confortable », pullman, accompli avec un final un peu rêche où l’on ressent l’alcool. Le 2001 n’a pas un équilibre suffisant. Le 2000 est assez strict, moins complet, mais pas désagréable du tout. Les deux seuls vins qui ressortent du lot sont le 2003 et le 2004. C’est à ce stade la série la plus faible. Mais c’est sans compter sur le plat qui change complètement les visions. Car le 2000 devient plaisant, le 2001 offre plus de charme. C’est le 2004 qui prend l’avantage sur le 2003 et je classe ainsi : Pingus 2004, 2003, 2000, 2001, 2005. Cette série avait vraiment besoin du plat pour s’exprimer.

Le 2000 qui progresse est le favori de Peter, mais je garde mon classement pour des vins qui n’arrêtent pas de progresser et de prendre du caractère sur la volaille.

La troisième série est Pingus 1995, 1996, 1997, 1998, 1999. Nous avons les cinq premiers millésimes de ce vin. La démarche en biodynamie, démarrée en 2001 est postérieure à cette série. Le nez du 1999 est élégant, de grand équilibre. Celui du 1998 montre moins d’équilibre. Celui du 1997 met en avant son alcool, celui du 1996 est fantastique et celui du 1995 est aussi fantastique et plus fruité.

En bouche, le 1999 est très confortable, il se boit bien. Le 1998 manque d’équilibre, le 1997 a un léger goût de bouchon, le 1996 est difficile a décrire, car il est parfait. Le 1995 est aussi très grand mais je préfère le 1996.

Le 1999 est dans une forme éblouissante, comme un grand bourgogne. Il a une élégance rare et ne montre pas sa force. Au fur et à mesure de la dégustation, le 1995 passe au dessus du 1996, ce qui fait plaisir à Peter quand je le lui dis, car il aime son premier millésime. Je classe cette série ainsi : Pingus 1999, 1995, 1996, 1998, 1997.

Il est assez difficile de classer les séries différentes entre elles, car il est plus facile de classer au sein d’une série que l’on boit en même temps. Mais je risque un classement : Pingus 1999, 2010, 1996, 2006, 1995. Pingus est un vin qui est grand dans sa prime jeunesse du fait des progrès techniques qui sont réalisés, il est grand quand il a de douze à seize ans, par l’effet bénéfique du vieillissement. Il est plus faible sur les âges intermédiaires, quand le vin a perdu sa folle jeunesse et se cherche encore.

Peter Sisseck est un homme d’une grande ouverture d’esprit, toujours à l’affut de nouveaux progrès. Il fait des vins modernes d’une grande précision, d’un grand équilibre et d’une belle fraîcheur. La renommée dont jouit son vin est justifiée.

Peter Sisseck et Bipin Desai

Emanuel Bert et Peter

Verticale du domaine Pingus à L.A. – jour 1 vendredi, 2 mars 2012

Le vol Paris Los Angeles dure près de douze heures. Lorsque l’on dispose de la possibilité de regarder des films dont on déclenche soi-même le début, le temps s’efface. Est-ce certain que le cinéma ne soit que le septième art ? Musset disait « vive le mélodrame où Margot a pleuré ». Comme Margot, j’ai eu ma grosse larme à la fin du film « Les Intouchables », film de bons sentiments qui ne s’est pas abîmé dans la mièvrerie. J’ai apprécié « The Artist » sans toutefois sauter en l’air car j’y étais. « The Happy Feet 2 » m’a montré que dans les films d’animation actuels, c’est la technique de l’ingénieur qui prend souvent le pas sur l’émotion.

C’est donc tout frais que j’arrive à Los Angeles où les formalités douanières et l’attente des bagages sont un long passage obligé. Il me faut à peu près vingt essais pour que mon chauffeur de taxi à l’accent que je suppose hongrois, au vu de son nom affiché obligatoirement à côté de lui, comprenne ma destination. Nous traversons un Los Angeles multiforme, bien loin de l’opulence de Miami, sauf au quartier où je me rends : Beverly Hills. J’arrive à l’hôtel Beverly Wilshire où j’avais déjà séjourné. Tout ici respire le luxe, mais on sent aussi l’hôtel vieillot qui aurait besoin d’un grand coup de pied d’un manager moderne. Le style de service ne correspond plus aux désirs d’une clientèle de plus en plus exigeante : bagages livrés avec retard, pas de réponse aux demandes de service, réponses imprécises. La seule bonne nouvelle est que l’on m’a surclassé. Ma chambre est celle d’un palace.

Dans Beverly Hills, Rodeo Drive pousse le luxe jusqu’à son expression caricaturale. On est dans l’extrême. Pour la première fois, j’ai vu stationnées le long des rues une Mac Laren lie de vin et une Bugatti jaune et noire qui est le superlatif de l’automobile. Elle appartient au propriétaire de l’une des boutiques de luxe dont, apparemment, les affaires semblent prospères et qui la gare tous les jours devant son magasin, m’a dit un vendeur émerveillé. La rue est peu fréquentée et les magasins aussi, sauf par des japonaises au look de gamines poussé à l’extrême, qui portent de lourds paquets griffés presque aussi grands qu’elles.

Je dîne dans un restaurant qui est dans l’emprise de l’hôtel, « The Boulevard » et quelques personnes dînent en extérieur sur le Wilshire Boulevard, réchauffées par des colonnes où brûle du gaz. La sono est assez bruyante, créant une atmosphère qui attire les jeunes. La cuisine internationale est très correcte et le service virevoltant en permanence est comme les mouettes en bord de mer : si on ne tient par fermement son assiette entre ses mains, elle est vite enlevée, même si l’on n’a pas fini. Après une journée dont je peux dire : « j’ai fait mes 35 heures », je me glisse dans l’immense lit avec des paupières qui se ferment pour que s’ouvrent de beaux rêves.

Verticale du domaine Pingus à L.A. – départ jeudi, 1 mars 2012

Pourquoi vais-je à Los Angeles pour une dégustation d’un vin très récent et moderne ? Il y a sans doute un faisceau de raisons. J’avais laissé passer la date de péremption de mon passeport, et l’idée d’être enfermé dans l’Hexagone m’était insupportable. J’ai prétexté d’un voyage absolument crucial pour faire accélérer les procédures. Et j’ai bénéficié de la gentillesse de beaucoup d’agents concernés par cette démarche administrative. La deuxième raison pourrait être le séjour récent en Floride qui m’avait enthousiasmé et nécessite une rapide piqure de rappel. La troisième pourrait être l’affligeante campagne électorale pour la présidence française. Le « riche » est jeté en pâture dans la campagne, alors, même si je ne suis pas concerné par toutes ces mesures folles, autant dépenser un argent que le fisc veut me prendre. Mais la raison la plus importante est sans doute la relation toute spéciale qui s’est créée avec Peter Sisseck, le vigneron propriétaire de Pingus, le vin de la Ribeira del Duero encensé par la critique. Lorsque je suis allé visiter son domaine qui paraît lilliputien à côté de Vega Sicilia Unico, le courant est passé avec force, et nous nous étions promis de nous revoir. Je donne corps à cet engagement en me rendant à une dégustation extensive des vins de son domaine, en deux repas dégustations organisés par Bipin Desai à Beverley Hills.

Je ne manque jamais de critiquer ce qui ne marche pas aussi est-ce de bon cœur que je signale le passage à l’aéroport de Roissy, où tout est d’une fluidité parfaite. Tout le monde est aimable. Je suis fasciné par la boutique de vins de l’aéroport. Il fut une époque où acheter du vin en zone détaxée était une aubaine. L’absence de pudeur dans les coefficients multiplicateurs de prix est inimaginable.

Je m’installe dans l’avion. Une jeune femme s’installe à la place voisine avec une petite fille de sept mois. Elle s’excuse par avance de la gêne possible. Au moins dix fois des hôtesses et stewards viennent me dire qu’une place est disponible ailleurs. Le multiple grand-père que je suis accepterait volontiers la proximité. De guerre lasse, tant on croyait me faire plaisir, j’ai changé de siège.

Le Champagne Billecart Salmon est fort urbain lorsqu’on vogue dans les airs et accompagne une cuisine assez moyenne. L’avion va bientôt atterrir. Je suis heureux de retrouver la Californie.

Visite à la maison Albert Bichot à Beaune avec un prodigieux 1923 jeudi, 16 février 2012

Albéric Bichot et son adjoint Michel Crestanello me reçoivent au siège de la maison Albert Bichot à Beaune. Michel brosse un historique succinct de cette maison multiséculaire et nous allons au domicile du grand-père d’Albéric, le long du boulevard circulaire de Beaune, pour ouvrir deux vins rouges prévus pour le déjeuner afin qu’ils profitent de l’oxygénation lente. Le Richebourg 1966 a un bouchon noirci sur sa partie supérieure mais magnifiquement sain sur les trois quarts de sa hauteur. Son parfum fruité est prometteur. Le vin sans étiquette dont je demande à Michel de me taire le nom a un bouchon assez irréel. Sur près d’un centimètre de profondeur, je creuse avec la pointe de mon Laguiole une terre charbonneuse, toute noire qui part en poussière ou en caillots. Je pique ensuite avec la mèche longue le reste du bouchon qui monte, lentement, extrêmement noir d’ébène et gras sur son pourtour. Ce que je tire, c’est de la charpie, s’émiettant et résistant à ma traction. C’est presque un miracle qu’aucune miette ne soit tombée dans le vin. L’odeur est très prometteuse.

Heureux des promesses des deux vins, nous allons visiter l’un des sites, celui de Pommard, avec une jolie vigne qui est un monopole, le Clos des Ursulines. Nous nous rendons ensuite à la cave Saint-Nicolas où la plus ancienne cave voûtée est dédiée aux dégustations. Visiter un domaine sans boire des vins récents, ça ne se conçoit pas.

Le Monthelie Château de Dracy Albert Bichot 2009 a un très beau nez fruité et une amertume sympathique. En bouche, il est gouleyant, généreux, doté d’un joli poivre. Très agréable et franc, il a une belle persistance aromatique. J’aime ce vin simple mais généreux.

Le Pommard Clos des Ursulines Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez plus discret. Il a plus de race, plus de matière. Il est plus tendu, au final bien rêche. C’est un joli vin très bourguignon.

L’Aloxe-Corton Clos des Maréchaudes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez élégant. On y sent beaucoup de fruit. Le message est très direct et le vin est plus gourmand. Il y a des notes de tabac. Le vin est très agréable et de beau caractère. Le tabac domine.

Le Vosne-Romanée Les Malconsorts Domaine du Clos Frantin Albert Bichot 2009 a un nez un peu gibier. La bouche est superbe, ample. C’est un vin qui glisse tout seul tant il est bon. D’une belle élégance, c’est le plus grand des vins, d’une rare gourmandise. Ce qu’il faut signaler c’est que les rouges de 2009 en février 2012 se boivent superbement, avec une générosité rare.

Le Bourgogne Chardonnay Secret de famille Albert Bichot 2010 a un nez difficile à saisir car le vin est froid. J’avoue que j’ai du mal à aimer ce vin trop simple qui ne me donne aucune émotion, même si tout indique que le travail a été bien fait.

Le Meursault Les Charmes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a aussi un parfum estompé par le froid. Il a beaucoup de fruit. C’est un vin généreux et floral, au final assez strict. Le vin se boit bien. Il est vivant, avec une évocation de noix.

Le Beaune Clos des Mouches Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez très délicat et un peu amer. A la première impression, il ne semble pas très structuré mais son joli final est élégant, riche et complexe. D’une belle minéralité, il se montre en définitive riche et beau.

Le Corton Charlemagne Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009, même si le bout de son nez est froid, indique un vin puissant et riche. La bouche est élégante, fine et complexe, mais beaucoup trop jeune. Sa fraîcheur vive signe un grand vin, mais beaucoup trop jeune. Manifestement, les blancs se sont bus beaucoup moins bien que les rouges.

Nous nous rendons de nouveau à la maison du grand-père, où Catherine a mitonné un repas sympathique. Le grand-père collectionnait les faïences et les taste-vins, et tout au salon où à la salle-à-manger est d’une décoration raffinée. Albéric nous rejoint pour un embryon d’apéritif avec un Crémant brut rosé Albert Bichot sans année. S’il n’a pas inventé la poudre, il a au moins le mérite de ne pas être déplaisant. Plus d’un se ferait piéger en dégustation à l’aveugle.

Nous passons à table. Sur une délicieuse tarte au saumon fumé d’une recette des grands-parents d’Albéric, nous allons goûter un Chablis Grand cru Moutonne Domaine Long-Dépaquit 2002. Mais avant de le faire, je sors de ma musette un Château Chalon Joseph Tissot 1942. Je l’ouvre à table, au risque de salir la belle nappe blanche, mais Catherine apporte une opportune serviette, car le bouchon brisé en deux risquait de faire des siennes, et je propose que nous buvions le chablis, puis le vin jaune, puis de nouveau le chablis, pour voir l’effet du vin du Jura sur le bourguignon.

Le chablis, que l’on sent grand est assez coincé, comme s’il avait serré d’un cran de trop sa ceinture. Le vin jaune d’une très grande année est impérial. C’est un atlante peint par Rubens. Il est chatoyant, coloré, à l’alcool fort. Et le chablis bu ensuite prend une ampleur, une dimension et une profondeur inimaginables. Albéric n’en revient pas. Le Château Chalon est un multiplicateur du chablis. La cohabitation des deux vins est confondante de plaisir.

C’est maintenant l’heure des rouges. Nous commençons par un Corton Grand Cru Clos des Maréchaudes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2006 au fruité doucereux et chaleureux assez surprenant. Plus charmeur, je ne vois pas.

Le Richebourg Albert Bichot 1966 a une couleur foncée au-delà de ce qu’il devrait. La première gorgée est sympathique même si le final fait très porto. Et puis le vin s’évanouit, à une vitesse surprenante. Alors que je n’ai quasiment jamais de vins qui trépassent à la suite d’une ouverture précoce, il faut que ce soit chez un vigneron qu’un tel incident se produise ! Quel impair.

A côté de lui, le vin que Michel m’avait annoncé plus âgé est d’une couleur d’un rubis birman. Un bonheur. Son nez est très bourguignon. En bouche, s’il est bourguignon, il a la confiture de framboise d’une grand raffinement. Quel grand vin. Il justifie pleinement mon amour des vins anciens. Je me risque à deviner l’année. Ma première idée est 1929, mais 1915 n’est pas exclu même si je ne crois pas que la bouteille puisse être de 1915. Albéric me dit que je ne suis pas tombé trop loin, car c’est un Pommard Rugiens Albert Bichot 1923. Ce vin est absolument splendide, de rondeur cardinalice. Par curiosité, j’ai bu un peu du 2006 pour voir quelle réaction se crée entre les deux. Le 2006, tout dans le fruit, ne fait pas d’ombre au 1923, éblouissant de cohérence.

La viande avec son gratin de pomme de terre est un aimable faire-valoir du 1923, alors que l’endive appelle le Château-Chalon.

La maison Bichot a toutes les qualités des maisons familiales à taille humaine. Les vins jeunes sont convaincants, le 1923 est magistral, et la chaleur de l’accueil est amicale. C’est une belle journée bourguignonne.

photos – à l’entrée, un arbre généalogique de la famille Bichot sur plus de 600 ans

je suis heureux d’ouvrir les deux bouteilles prévues pour le déjeuner

le bouchon du 1926 est quasiment explosé !

les jolies caves

mes yeux sont naturellement attirées vers cela !

la jolie salle à manger