Archives de catégorie : vins et vignerons

Grand Tasting Master Class les rosés de Taittinger vendredi, 10 décembre 2010

La Master Class suivante présente les rosés de Taittinger. Même sans boire, je viendrais pour écouter Pierre Emmanuel Taittinger qui est un orateur brillant, charmeur comme ses vins. Il est accompagné par Damien Lesueur son directeur, et comme tous les grands patrons charismatiques, il dit : "Damien vous dirait que …" et il continue. Le rosé de Taittinger est fait de pinot noir rouge auquel on ajoute du vin blanc. Le rosé de saignée est fait en laissant la peau du raisin noir. Ici, le rosé est le fruit d’un mélange de deux vins. La méthode est plus coûteuse mais donne une couleur persistante et des fragrances plus prononcées.

Damien cite les acidités des quatre champagnes : 7 gr pour le 2004, 10 gr pour le 1996, 9 gr pour le 1995 et 8 gr pour le 1993. Les quatre champagnes ont été dégorgés il y a un an. Ils sont tous les quatre dosés à 9 grammes.

Le Champagne Taittinger rosé 2004 est d’un rose peu saumoné d’une rare élégance. On parle de couleur œil de perdrix ou gorge de pigeon. Pierre Emmanuel dit que cette couleur est la couleur originelle des champagnes du 18ème siècle qui n’avaient pas le blanc d’aujourd’hui. La couleur est très belle et lumineuse. Le nez est doucereux. Le goût est très doux, sensuel, délicat. Pierre-Emmanuel Taittinger parle de "seamless", sans couture, pour désigner un grand assemblage, quand on ne peut différencier les composants, trop imbriqués entre eux. Il ya des fruits roses confits et un final élégant plein de fraîcheur.

Le Champagne Taittinger rosé 1996 est d’une couleur rosée plus jeune. Le goût est fluide. Le vin pulse, coule en bouche. Il est extrêmement délicat, chaleureux. C’est la perfection dit Pierre-Emmanuel Taittinger. Ce 1996 est exceptionnel. Il n’est que charme et douceur. Le vin est souple et son nez délicat.

Le Champagne Taittinger rosé 1995 a une couleur plus rose que le 1996. Il est moins séducteur, plus strict. Plus janséniste, plus intellectuel. Et à mon grand étonnement Michel Bettane dit que le 1995 est plus rond que le 1996. Dans le 1995, le vin rouge ressort plus que le blanc.

Le Champagne Taittinger rosé 1993 est d’un rose très élégant, ni rose ni jaune ni blanc, mais un peu des trois. Le nez est subtil. Le champagne est magnifique, très joli, intéressant. Je le trouve déroutant, insaisissable. J’adore son côté très gastronomique. Il est très grand.

Alors, est-ce le charme de Pierre-Emmanuel Taittinger qui m’a fait aimer ces champagnes rosés ? Le charme était dans les mots et dans les verres.

Grand Tasting Master Class Les étoiles de Pomerol vendredi, 10 décembre 2010

La Master Class suivante est consacrée aux "étoiles de Pomerol". Pétrus 1947 est le vin qui a été servi au mariage d’Elizabeth II., ce qui a aidé à la notoriété du pomerol, qui a démarré après la deuxième guerre mondiale. Michel Bettane dit que le pomerol a des arômes de violette qu’on ne trouve que dans les grands pomerols, qui évolue ensuite vers des arômes de truffes. Il dit que 2001 est meilleur que 2000, alors qu’en rive gauche, c’est le contraire.

Le Château Le gay 2008 est présenté par Catherine Péré Vergé, d’un volontarisme qui force l’admiration. Le vin a un nez chaleureux. On le sent moderne mais bien assumé. La bouche est évidemment moderne, mais ça tient la route. Pour moi, ce vin est un peu trop formaté. Attendons de voir, car il a été mis en bouteilles en juin 2010.

Le Château l’Evangile 2005 n’est pas venu, ce qui contrarie beaucoup de participants. Le Château La Conseillante 2005 est présenté par Jean Valmy Nicolas. Le nez n’est pas très équilibré et la couleur est très noire. Le nez est un peu trop puissant. En bouche le vin est chaleureux, presque trop doucereux. Il s’ouvre dans le verre et s’organise mieux. Dès qu’il s’est ébroué, c’est un vin hyper puissant, à l’image des 2005, mais moins dans la ligne des Conseillante que j’aime.

Le Château Gazin 2001 a un nez discret et élégant. En bouche, le vin est élégant, très truffe, mais plus que truffe car il est très soyeux. Nicolas de Bailliencourt peut être fier de son enfant.

Grand Tasting au delà des Master Class vendredi, 10 décembre 2010

Au-delà des Master Class, le Grand Tasting offre la possibilité de participer à des expériences de cuisine et de vins. J’y suis allé entre deux classes. Xavier Thunet a présenté de magnifiques fromages avec des accords judicieux dont un m’a interloqué. Associer un vin rosé du Château Roubine, Côtes de Provence rosé 2009 à un roquefort est particulièrement osé et contre toute attente, ça marche avec une légèreté judicieuse.

Dans un autre atelier le chef Jean-Jacques Daumy a présenté une délicieuse crème de lentilles aux truffes qui a fait exploser de joie un Château Bourgneuf-Vayron Pomerol 2008. Un autre accord de belle intelligence s’est trouvé entre une tartelette au combawa de la pâtisserie Hugo et Victor avec un Vouvray du domaine de la Taille aux Loups 2009. L’accord est frais, jouant sur les acidités légères de la crème pâtissière et du vin. J’ai retrouvé avec plaisir Hugues Pouget, que j’ai connu pâtissier chez Guy Savoy et qui a réalisé des desserts merveilleux pour mes vins.

Comme si les Master Class et les ateliers gourmands n’avaient pas suffi, je me suis promené de stand en stand, sans but précis, car acheter les vins actuels n’est pas dans mon programme. J’ai préféré saluer des domaines que je connais et où j’ai des amis. Nicolas Henriot étant présent, j’ai goûté les beaujolais de la Villa Ponciago, dont un Fleurie 2006 au juteux réjouissant, un autre beaujolais riche splendide, plein, grand beaujolais de garde, et un vin qui n’est pas commercialisé, "le livre de messe", car sa parcelle a la forme d’un livre ouvert. Ce vin est sacrément bon, juteux, joyeux et confondant de générosité. Un futur trésor de cave.

Le Château Gilette 1989 est le dernier commercialisé de cette maison qui est la dernière à offrir chaque millésime. C’est un très beau sauternes encore jeune, plus jeune que ses pairs. Déjà riche et élégant, il promet d’être grand.

Le Château Palmer 1996 m’a été servi trop chaud. Mais on sent que c’est un vin de très belle construction, racé et déjà prêt à être bu.

Le Château Raymond Lafon 2005 est d’une maison que j’apprécie beaucoup. Il est agréable et sans prétention, ce qui ne veut pas dire sans qualité, et joli à boire dès maintenant.

Au stand de William Fèvre, le Chablis Grand cru Les Clos William Fèvre 2005 est un joli modèle de superbe chablis.

Chez Charles Heidsieck le Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 1995 est un très beau champagne de très forte personnalité. Je l’avais bu au Carré des Feuillants la veille du Grand Tasting et il confirme. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 est d’un très grand épanouissement. J’adore son style. Le Champagne Cristal Roederer 2004 est encore bien jeune mais bien fait.

Le champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1999 est superbe et tout à fait à mon goût. Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999 est brillant, rond et joyeux. Le Champagne Veuve Clicquot Cuvée Privée 1990 est très orthodoxe et bien dessiné. On peut dire qu’il était possible de goûter un nombre de champagnes d’exception assez impressionnant.

J’ai sympathisé avec un sympathique vigneron qui fait La Croix Saint Jean Minervois dont j’ai goûté les 2008, 2006 et 2004. De trois expressions très différentes, ces vins sont en recherche d’excellence et cela m’a bien plu.

Au stand de Mas Amiel j’ai goûté le Maury Mas Amiel 1969 qui est magnifique et nettement meilleur que le Maury 1929 que j’ai présenté aux élèves de Sciences Po lors de la présentation de Climens par Bérénice Lurton.

Croisant Pierre-Emmanuel Taittinger au hasard d’une allée, il m’a fait goûter des vins de Savoie dont il est propriétaire. J’y ai retrouvé l’élégance raffinée que j’avais décelée dans ses champagnes rosés.

Le Grand Tasting permet, selon mon analyse, d’aborder des grands vins de trois façons. Soit dans des Master Class où ce sont les vignerons eux-mêmes qui présentent leurs vins avec une rare générosité, soit dans des ateliers culinaires où des accords vibrants et intelligents sont proposés, soit aux stands où la disponibilité des uns et des autres permet de mieux approcher un producteur ou une région. Au bout de deux jours, j’étais épuisé, mais j’avais participé à un grand moment de partage de la connaissance du vin.

présentation de Climens à Sciences Po jeudi, 9 décembre 2010

Prenons les choses dans l’ordre. L’académie des vins anciens s’est terminée hier ou plutôt, tôt ce matin. Ce soir, le groupe "in vino veritas" des élèves de Sciences Po reçoit Bérénice Lurton qui va présenter Château Climens. Je serai à ses côtés comme je l’avais été à la récente présentation d’Yquem par Pierre Lurton. David, l’organisateur m’a proposé de me joindre au dîner qui suivra cette conférence-dégustation. Fatigué par l’académie et contrarié par la neige qui paralyse les banlieues, je décline son invitation.

Je rends visite à son bureau à un ami, Michel, qui me dit : "un de mes amis, vigneron italien, vient de m’expédier une magnifique truffe blanche. Je dînerai ce soir avec un vigneron allemand et son épouse. Alain Dutournier va cuisiner autour de ma truffe. Veux-tu te joindre à nous ?". Et pour me tenter un peu plus, il me conduit à sa voiture où une boîte en bois, écrin de trois belles truffes blanches, embaume l’atmosphère.

A cet instant, plus de fatigue, plus de neige. Je dis oui. Il est probable que je serai en retard du fait de la présentation de vin. Je demande à Michel que le repas commence sans moi.

A Sciences Po, à 19 heures, c’est une intense fourmilière. Toutes les salles disponibles sont encore prises d’assaut pour des cours ou pour des activités ludiques comme celle de la notre. Pas moins de quarante élèves et d’étudiants d’autres écoles viennent écouter Bérénice Lurton qui présente l’histoire de sa propriété qui n’a pas changé de territoire depuis deux siècles. Son père l’a achetée en 1971. Propriétaire de Brane-Cantenac et père de dix enfants dont Bérénice est la cadette, il a voulu que chacun de ses enfants soit à la tête d’un domaine viticole. On comprend que le nom de Lurton soit aussi présent dans le paysage bordelais. Bérénice Lurton explique les spécificités du terroir de Barsac, très différent du reste du sauternais.

Nous goûtons Cyprès de Climens 2008, le deuxième vin de Château Climens, fait pour être agréable très jeune. On sent les fruits confits, un bel équilibre et une présence en bouche certaine. Le Château Climens 2007 est beaucoup plus gracile, frais, élégant. C’est encore un enfant. Très prometteur et porteur du style Climens.

Le Château Climens 2005 est un vin puissant, riche et l’on sent qu’il faudra beaucoup attendre avant de jouir de toutes ses qualités. Le Château Climens 2002 est calme, élégant, et beaucoup plus prêt à boire que le 2005. J’aime beaucoup ce vin moins tonitruant.

Le Château Climens 1990 a tous les attributs d’un grand Climens. La juxtaposition avec le Château Climens 1976 est très intéressante, car ils sont très différents. Le 1990 est le colosse qui n’a pas fini de grandir. Le 1976 est racé, moins doté par la nature que le 1990 mais joue sur son charme pour séduire.

Ces vins très différents ont une constante, c’est d’être très bien faits. Ils ont des fruits confits très ronds et équilibrés, dont l’insistance varie selon les millésimes. Tous sont d’une grande fraîcheur. On imagine aisément les richesses qu’ils offriront à leur maturité.

Les élèves ont acheté à ma demande des chocolats qui sont bons mais hélas, fantaisie. Il y a des crèmes ou des parfums qui vont limiter la démonstration que je veux faire de la pertinence de l’accord du chocolat avec un Maury 1929. L’accord est là, mais pourrait être plus spectaculaire. Le Maury a passé plus de 70 ans en fût et a été mis en bouteille il y a environ dix ans. Ce qui est souhaité, c’est de montrer à quel point l’âge arrondit les saveurs. Et c’est probant, car les saveurs de pruneaux se sont apaisées. Et l’on peut percevoir combien le chocolat arrondit encore plus le vin.

Bérénice Lurton a fait une présentation aussi élégante que son vin. L’expérience Maury et chocolat a été divertissante. Je quitte cette assemblée intéressée et compétente car le devoir (une truffe blanche) m’appelle.

Les élèves attentifs

les vins dégustés

Bérénice Lurton présentant ses vins

Fouguerolles 1900 mercredi, 20 octobre 2010

Lors d’une dégustation avec des membres d’un Rotary Club, j’ai ouvert un vin de 1900 sur lequel je ne connais rien.

Voici une information sur la bouteille de Fouguerolles 1900 envoyée par un lecteur de mes bulletins :

Cette information est tirée de l’ouvrage d’Edouard Guillon, Les Châteaux historiques et vinicoles de la Gironde avec la description des communes, la nature de leurs vins et la désignation des principaux crus, tome premier, Bordeaux, chez Coderc, Degréteau & Poujol (Maison Lafargue), rue du Pas Saint-Georges, 28. 1866.

«Fouguerolles, située à l’extrémité Nord de la commune de Bordeaux, dans le pays d’Entre-deux-Jalles; c’est une construction du dernier siècle, avec cour, double façade et terrasse. A côté, sont quatre pavillons contigus formant un corps de bâtisse, où était jadis une fabrique de faïence fondée par M. Rateau, et qui n’existe plus; le tout est entouré par des jardins et des parterres, et le long de la Garonne existe un bosquet délicieux. La propriété de Fouguerolles s’étend jusqu’à la Jalle; il s’y récolte 75 à 80 tonneaux de vins de palus.

Entre Fouguerolles et Bacalan, sont d’autres villas moins belles : La Hinx, située à la fin des terres de Bordeaux, qui est à M. Godart. — La maison de M. Lacaze, qui possède un vignoble; celle de M. Arnaut, qui a de beaux ombrages; d’autres qui n’ont de rema rquable que de belles allées d’arbres, et la villa italienne de M. Charlut, avec sa terrasse. La plupart de ces propriétés récoltent des vins rouges dits de Bacalan, qui sont classés dans les «troisièmes palus»

Ces vins de palus étaient très prisés à l’époque et se rattachent aux vins de Graves.

Par ailleurs, un autre personne m’a transmis ce message :

Il se trouve que je viens d’avoir une bouteille très vieille, probablement des années 20 voire 30, sur laquelle ne figurent que 2 inscriptions, "Fougueyrolles (Dordogne)" et…….."Haut-Montravel" !
Un indice, peut-être ? Sûrement !

J’irais plus volontiers vers la première piste.

Champagne Selosse aux caves Legrand mardi, 19 octobre 2010

Les Caves Legrand organisent de façon régulière de belles dégustations avec de grands vignerons. Je n’allais pas manquer la présentation de champagnes Selosse par Anselme Selosse, vigneron atypique et emblématique de sa région.

Il commence son propos en nous disant que nous allons "travailler" en atelier, pour participer à des questions qui se posent. Il rappelle que les caves Legrand ont été le premier caviste qui a cru en Selosse. Il indique qu’ayant été en biodynamie de 1995 à 2001, il a pris un peu de distance par rapport à cette vision. Il dit que parfois on est enfermé dans un système, et l’on ne se pose plus la question de faire ou ne pas faire. Anselme réfléchit chaque année et à chaque instant à ce qu’on doit faire, et faut-il le faire ? Sa volonté est d’adopter le "juste geste". Il estime que le vin ne doit pas être le concept d’un homme. Les hommes passent et le terroir reste. Il veut que l’on voie l’originalité du lieu dans le vin et non pas un concept humain. Originalité et singularité sont dans sa recherche.

Six vins sont versés dans nos verres avec un petit décalage dans le temps, pendant qu’Anselme Selosse parle. Nous dégustons à l’aveugle et je n’ai pas modifié d’un iota ce que j’ai écrit.

Le vin n° 1 a un nez assez extraordinaire de complexité. Le premier contact est toujours très significatif et il est normal que je le magnifie. La couleur est celle du coing, que l’on retrouve aussi dans le nez. En bouche, le vin est très original, de coing, de thé, légèrement fumé, mais pas trop. Le vin est délicat, tout en finesse, avec un fruit jaune et brun. J’aime beaucoup. Pendant ce temps, Anselme parle pour une deuxième fois de "geste juste".

Le vin n° 2 a une couleur plus claire. La bulle est très présente car le vin est servi un peu chaud. Le nez est plus intense mais moins large. Le vin est un peu aqueux, toujours dans les fruits jaunes et bruns; il a un final rêche et un peu moins d’ampleur.

Le vin n° 3 a une couleur plus dorée que le n° 2. La bulle est active, le nez est plus doucereux. Là aussi, le vin est aqueux, fluide, minéral, plus vin que fruit. Le final est plus imposant.

Le vin n° 4 a une couleur de pêche dorée; le nez est plus discret de fruits jaunes. Le goût est beaucoup plus plaisant, affirmé et puissant. Il n’est plus du tout aqueux mais riche. Je l’adore. C’est un vin de belle puissance.

Le vin n° 5 est d’un or cuivré. Le nez n’est pas très affirmé. En bouche il y a de l’ascétisme. Il est un peu rêche. Pendant ce temps, Anselme nous dit qu’il fait le vin selon son goût. Il ne veut pas mettre sa griffe, mais laisser son empreinte. Il essaie de donner au vin une texture qui ressemble à la craie du sol qui le fait. Anselme dit que dans le compagnonnage on ne donne pas la réponse aux questions, mais on donne les clés pour trouver la réponse. C’est ce qu’il essaie de faire.

Le vin n° 6 a une or cuivré (il est à noter qu’avec l’éclairage ambiant, il est assez difficile de juger des couleurs, car il n’y a aucun fond blanc qui permettrait de le faire avec précision) Le nez est très riche, opulent. La bulle est fine. C’est un beau champagne, un peu rêche mais au fruit plein. Son final est très pur.

Dans mon examen, je classe le 4 puis le 6 puis le 1. Anselme nous donne la clef. Il s’agit du même vin, venant de Mesnil sur Oger, tout en 2003. Les seules variations sont celles du dosage, qui sont en centilitres et dans l’ordre : 0,00 – 0,06 – 0,12 – 0,18 – 0,24 – 0,30. Et Anselme nous annonce que le vin qu’il a retenu pour faire son 2003 est celui dosé à 0,18 cl, c’est-à-dire le n° 4 que j’ai préféré. Et, comme moi, il préfère ensuite le n° 6 plus dosé et le n° 1 non dosé. Je suis content de cette similitude de vues. J’ai remarqué que si la variation d’un vin à l’autre est constante : 0,06 cl, le saut gustatif entre le non dosé et le premier est beaucoup plus fort que les variations entre deux autres vins voisins.

Anselme dit qu’il attend de son équipe qu’ils aient de l’enthousiasme et la notion du beau. Il dit qu’un terroir, c’est une société harmonieuse. Il fait une jolie digression sur la comparaison étymologique entre saveur et sagesse.

Nous avons maintenant cinq vins, servis décalés et à l’aveugle.

Le n° 7 est un vin très clair, blanc. Le nez est discret mais profond. Le goût est radicalement différent des six premiers. Il est très pur, très strict, "sans concession", à la Selosse.

Le n° 8 a un nez très intense. Il est de couleur plus foncée. C’est un champagne plus riche, plus rond et je note pour moi : attention, je mange du parmesan, ce qui change évidemment l’appréciation. Si le 7è est droit le 8è est rond, riche et ample.

Le n° 9 est d’un or léger, au nez fermé. La bulle est active. C’est un très beau champagne épanoui, très élégant. Pour mon goût, c’est un très grand champagne.

Le n° 10 est jaune clair, au nez vineux et puissant. C’est un beau champagne évolué déjà. Il est plein et grand. J’aime beaucoup ce champagne qui coule bien en bouche, fluide, clair et grand.

Le n° 11 a un nez puissant. Comment imaginer qu’il n’est pas dosé (car Anselme a levé un coin de la solution) avec ce nez riche et cette bouche de vin riche, beau, plein et épanoui.

Il s’agit de cinq Selosse millésimés des années 2005 – 2003 – 2002 – 1999 – 1998. Ils ont tous été dégorgés hier et sont tous non dosés. Comme le dernier millésime commercialisé de Selosse est 1999, les plus jeunes sont en vieillissement. Ils viennent tous de deux parcelles d’Avize.

Je préfère le 1999 et le 2002 mais d’autres amateurs dans la salle préfèrent le 2005. Anselme explique que dans ses vins il y a de l’amertume qui provient d’un pressurage lent. Il trouve le 1999 plus facile à comprendre. Il pense que le 2005 a des arômes qui vont lui permettre de grandir encore, le 2003 étant plus strict et le 2002 très vivace.

Anselme Selosse est passionnant. C’est intéressant de l’entendre exposer ses interrogations, ses réflexions. Il a une vision du champagne qu’il essaie de pousser le plus loin possible avec humilité et conviction. Les champagnes que nous avons bus sont convaincants, rendus encore meilleur par le dosage intense de sa passion.

cognac Hine – photos vendredi, 15 octobre 2010

Les tables de dégustation dans une belle salle de l’hôtel Burgundy

Les verres prêts pour la dégustation

Les cognacs que nous goûtons

Le Carabas Chardonnay Vin de Pays d’Oc Baron Philippe de Rothschild 2007 et le Carabas rouge Vin de Pays d’Oc Baron Philippe de Rothschild 2007

Le très agréable saumon fumé

un regard sur le Cognac Hine jeudi, 14 octobre 2010

Le Cognac Hine fait une présentation de ses cognacs à l’hôtel Burgundy récemment inauguré, qui est d’une décoration particulièrement élégante. Dans une jolie salle de réception aux couleurs raffinées nous avons devant nous six verres de Cognac Hine à goûter. Pendant qu’Eric Forget, maître de chai nous explique l’histoire, je sens les cognacs. Le 1988 a un nez très boisé, riche, onctueux et doucereux. Le 1983 ‘early landed’ a un nez très sec et raffiné. Le 1983 a un nez plus riche et aussi raffiné. Le 1975 ‘early landed’ a un nez plus féminin, doucereux, très raffiné, le 1975 a un nez équilibré qui manque un peu de complexité. Le 1960 a un nez plus évolué que j’adore, car le cognac commence à s’intégrer. L’impression générale est très raffinée. C’est le 1988 qui est le plus boisé. Les millésimés ne représentent que 1,5% des ventes des cognacs Hine. Les millésimés ne sont faits que du meilleur lot de la grande champagne. Quand on estime qu’un millésimé est prêt, généralement après 20/22 ans de fût, il est conservé en cuves inox.

Eric nous explique le "early landed". C’est strictement le même cognac, dans les même fûts, mais qui font leur vieillissement en Angleterre, car les anglais aiment que les cognacs qu’ils apprécient vieillissent chez eux. Hine est la seule maison qui perpétue cette tradition.

Nous passons à la dégustation, du plus vieux au plus jeune, selon le conseil d’Eric Forget. Voici mes notes, sachant que c’est sans doute la première fois que je goûte en continu des alcools.

Le Cognac Hine 1960 a un nez doucereux, élégant. En bouche son attaque est belle, très équilibrée. Il y a un final de bonbon anglais, avec de l’anis et de la pêche. La rémanence est un peu faible. Mais quand je le goûte après le tour complet, le final est nettement meilleur.

Le Cognac Hine 1975 a un nez très doucereux, assez discret. En bouche, les fruits jaunes s’imposent. L’attaque est boisée et l’alcool manque un peu d’ampleur. Il y a du litchi dans le final et des fruits blancs. Il est très élégant et ne passe pas en force.

Le Cognac Hine 1975 ‘early landed’ a un nez très délicat, fin et racé. En bouche, il est nettement plus "cognac" que les autres, et son final est très "cognac". Ça c’est du cognac pour moi !

Le Cognac Hine 1983 a une couleur plus foncée. Le nez est très élégant. C’est un joli cognac au final un peu court. La personnalité est plus discrète et l’alcool plus fort. Il est un peu rêche et n’a pas beaucoup de fruits.

Le Cognac Hine 1983 ‘early landed’ a une couleur plus claire que le 1983. Le nez est élégant. Comme pour le 1975, cette version ‘early landed’ est très cognac au final fruité. Pour mon goût c’est un beau jeune cognac.

Le Cognac Hine 1988 a un nez très doucereux, de sucre et de bois parfumé. Il a une belle présence en bouche et une belle assise. Il est très bien fait et doté d’un beau final. J’aime beaucoup ce cognac qui promet.

Je retiens le 1988, le plus typé, le 1975 ‘early landed’ qui est le plus authentique, et le 1960 qui se présente déjà comme un cognac ancien, pour lequel je vibre plus, quand le temps harmonise toutes choses. Cette dégustation est très convaincante.

François le Grelle, directeur général de Hine nous retient à déjeuner sur place dans le restaurant du Burgundy à la belle décoration. On sent qu’on essuie les plâtres, car le service devra se rôder. Nous goûtons deux vins du même nom, du pays d’Oc, en blanc puis en rouge. Il s’agit du Carabas, Vin du Pays d’Oc Baron Philippe de Rothschild 2007. Le blanc est un chardonnay à l’imagination réduite. Le rouge est flatteur, très tendance moderne et passe-partout. En cours de route, nous avons essayé des cognacs sur des plats. Mais il est rare que le cognac ne soit pas dominant ou écrasant. C’est hors repas que la démonstration du cognac Hine est convaincante. Son élégance est remarquable.

Chaire UNESCO « Culture et Tradition du Vin » vendredi, 1 octobre 2010

Lors d’un grand dîner de l’Ordre des Coteaux de Champagne, j’avais rencontré une femme qui est responsable de la Chaire UNESCO « Culture et Tradition du Vin ». Nous avions bavardé et l’idée que je fasse une conférence lors de la session annuelle de cette Chaire a pris de la consistance.

Le jour venu, ou plutôt le lendemain du début de programme, je me présente au Château de Clos Vougeot, la magnifique bâtisse du 15ème siècle qui accueille les célèbres réunions des chevaliers du Tastevin, pour écouter des conférences d’un grand intérêt. Les conférences couvrent de multiples sujets, comme un musée du vin dans le Valais, l’émergence d’une viticulture dans des zones tropicales du Brésil, avec trois récoltes par an, le rôle du tonneau de bois dans la personnalité du vin, le rôle du consultant auprès des vignerons, ces deux sujets contribuant à réfléchir sur la notion de terroir. Nous avons eu une conférence de Jacky Rigaut sur la dégustation géo-sensorielle et des contributions scientifiques sur le goût en liaison avec nos organes sensoriels, avec la variation des réactions, selon que l’on est professionnel ou dégustateur amateur. J’ai donné envie aux participants en parlant de vins anciens et en parlant de la façon de comprendre et mettre en valeur les vins anciens, et l’envie s’est carrément transformée en faim quand un grand chef a donné des exemples de menus dans lesquels les recettes font appel au vin dans leur mise en œuvre.

Nous avons eu deux déjeuners dans une salle du château de Clos Vougeot avec une très convaincante cuisine. Un maître d’hôtel m’ayant pris en amitié, trouvait le temps de venir me raconter les vins anciens qu’il avait adorés. L’un des dîners se fit au restaurant Chez Guy où la cuisine est bonne, et un autre au château de Gilly où la cuisine n’est pas du même niveau, compensée fort heureusement de grands vins de bordeaux apportés par le présentateur de l’ouvrage "Grands Crus Classés – Grands Chefs Etoilés" que j’avais déjà lu puisqu’il a été couronné par le prix Edmond de Rothschild, dont je suis membre du jury. Nous avons pu boire des vins différents disséminés à chaque table, dont un convaincant Palmer 2001, un joli Léoville-Poyferré 2004 et un beau Rauzan-Ségla 2003. J’ai quitté le groupe sympathique de chercheurs, d’universitaires, d’historiens et de philosophes passionnants, car un rendez-vous urgent, dont le programme a fait saliver mon auditoire, m’attendait à Lyon.