Archives de catégorie : vins et vignerons

« les mots et les vins » avec Chateau Margaux mardi, 27 janvier 2009

Olivier Barrot et Eric Beaumard organisent un nouveau dîner sous l’enseigne « Les Mots et les Vins » au salon anglais de l’hôtel George V. De plus en plus, les participants sont des habitués, fiers de faire partie de ce cénacle. C’est Erik Orsenna qui nous parlera de son ouvrage « L’avenir de l’eau » et Paul Pontallier qui nous présentera les vins de Château Margaux. Le champagne Diebolt-Vallois brut sans année me paraît plus dosé que d’habitude, impression que partage un habitué amateur de vin. Les canapés qui sont proposés pendant l’apéritif pris debout sont délicats.

Je suis à côté de Béatrice Pontallier, épouse du directeur général de Margaux. A ma table, des amis de l’hôtel George V, d’Eric Beaumard, des amateurs de vins et Paul Pontallier qui nous explique qu’il est très rare qu’il présente ses vins en France, car il est beaucoup plus sollicité de le faire hors de nos frontières.

Eric Briffard a mis au point avec Eric Beaumard le menu : noix de Saint-Jacques normandes en tartare aux algues, bouillon de poule au foie gras, gingembre / truffe noire de Tricastin, mousseline de topinambours, copeaux de canard séché et artichauts / pavé de cabillaud nacré, sauve genevoise, chou fondant au carvi, nougatine de cèpe / épaule d’agneau du Limousin aux aromates, asperges vertes, gnocchi potiron, caillé de brebis / Viennetta glacé au café Blue Mountain, praliné croustillant.

Le Pavillon blanc du Château Margaux 2006 a un nez très citronné, mais on devine du fruit mûr sous le citron. Il m’évoque une groseille à maquereau. En bouche, l’attaque est calme, sans aucune acidité qu’annonçait le nez. Le vin est gras et fluide, avec un final de légume vert astringent. C’est un beau vin dont la beauté n’existe que parce que le vin est jeune. Quand le vin aura quelques années de plus il révèlera une autre beauté. L’ormeau qui voisine avec la coquille Saint-Jacques lui donne de l’émotion et c’est le bouillon de poule qui donne au vin blanc un charme merveilleux.

Le Pavillon rouge du Château Margaux 2004 est encore très jeune. Son nez est un peu amer. Le plat, trop subtil, ne le met pas en valeur. Il y a dans la truffe et l’artichaut trop de finesse pour un vin somme toute assez retenu. Il révèle une certaine astringence et s’exprime plus quand il est bu seul.

Le Château Margaux 1999 a un nez extrêmement subtil. On sent que ce vin a énormément de réserve et ne demande qu’à se livrer. Son fruité est particulièrement brillant. Le vin est merveilleux sur la chair du cabillaud, véritable exhausteur de goût. Le vin est d’une belle délicatesse.

Le Château Margaux 1989 est d’une grande puissance. Son parfum est gêné par mon verre qui sent le verre. Ce vin a une structure et un fruit qui nous font approcher de la perfection. Il y a un peu de râpe et de poivre qui sont des signes de jeunesse. Lorsque j’ai lu des comptes-rendus de dégustation, j’ai toujours hésité sur l’évocation de la mine de crayon, qui n’est pas un repère naturel pour moi. Et voici que je la sens dans  ce vin de grande verdeur. L’épaule d’agneau est sensuelle, d’un gras confortable qui permet au Margaux de s’exprimer dans la jouissance de la cuisine bourgeoise. Un dé de pastèque excite le vin, mais comme pour la truffe noire, c’est un exercice intellectuel plus que sensuel. L’astringence du vin annonce une longévité remarquable.

Erik Orsenna, brillant conteur, nous fascine par la simplicité de ses exposés. Paul Pontallier nous fait passer toute la flamme de sa recherche d’excellence. Eric folâtre dans le romantisme brillant des explications de ses accords. Eric Briffard a un talent consommé pour tirer la quintessence de plats simples. La délicatesse raffinée de ce beau dîner fut exemplaire.

Les Mots et les Vins au George V – les photos mardi, 27 janvier 2009

Le champagne Diebolt-Vallois brut sans année. De gauche à droite : Erik Orsenna, Olivier Barrot, Eric Beaumard, Paul Pontallier.

L’entrée : noix de Saint-Jacques normandes en tartare aux algues, bouillon de poule au foie gras, gingembre

La coquille d’ormeau. On note la beauté de la truffe noire de Tricastin, mousseline de topinambours, copeaux de canard séché et artichauts.

pavé de cabillaud nacré, sauve genevoise, chou fondant au carvi, nougatine de cèpe / épaule d’agneau du Limousin aux aromates, asperges vertes, gnocchi potiron, caillé de brebis

Viennetta glacé au café Blue Mountain, praliné croustillant. Et la beauté des arrangements floraux en l’honneur de Margaux.

Sigalas-Rabaud mercredi, 14 janvier 2009

Voici deux capsules

à gauche celle du 1896 bu le 31 décembre 2008, à droite celle du 1959 qui sera bu le 22 janvier 2009. On voit la continuité absolue du design de la capsule, avec les mêmes inscriptions et le même écusson coiffé d’une couronne. On voit aussi l’effet du temps en 63 ans.

dégustation des 7 vins de 2005 de la Romanée Conti et dîner chez Parick Pignol mercredi, 17 décembre 2008

La société Grains Nobles organise chaque année une dégustation des vins de la Romanée Conti en la présence d’Aubert de Villaine, copropriétaire et gérant du prestigieux domaine. Michel Bettane et Bernard Burtschy sont à ses côtés. La dégustation se tient dans une belle cave voûtée du Paris historique et le propriétaire des lieux et de Grains Nobles nous dit que cette cave doit dater des 12ème et 13ème siècles. Aubert dit qu’elle pourrait faire une belle cave bourguignonne même si la forme ronde n’est pas la forme anse de panier de la cave bourguignonne.

Cette année, on goûte les 2005, année prestigieuse s’il en est. Aubert qui est très occupé par beaucoup de projets prenants s’est muni de ses fiches de 2006 et pour lui, 2005 est déjà du passé. N’ayant pas beaucoup de données précises sur le 2005 qu’il commentera verre en main, il en profite pour donner des nouvelles de 2008. Année difficile dans sa gestation au point que l’on se demandait si elle serait millésimée, elle a été sauvée le 13 septembre par l’apparition d’un vent du nord qui a soufflé pendant un mois, a effacé le botrytis et a accéléré le mûrissement. Les baies ont vu leur volume réduit de deux tiers ce qui a entraîné une baisse de rendement mais une belle maturité. La vendange fut de la « haute couture » avec un écrémage important. Le rendement est de 15 à18 hectolitres à l’hectare ce qui est bas. Ce qui a été choisi sera très beau. Les blancs n’ont pas connu les mêmes problèmes.

Aubert de Villaine tient un propos très fort : « on ne doit plus parler de petites et grandes années. Il y a des années différentes, avec de gros écarts de personnalité, mais il n’y a plus de petites années. »

Il ajoute une phrase qui ne peut que me réjouir car elle épouse ce que je ressens : « ce n’est que depuis 1985 que l’on a les moyens de faire des vins du calibre de ce qui se faisait dans le passé ». Et il parle du « génie des anciens ». Ce grand vigneron, à la pointe de la recherche dans tous les domaines de ce qui peut améliorer la qualité du vin, au lieu de se croire au sommet de l’histoire, se place dans la continuité de l’expérience des anciens qui ne possédaient pas la science actuelle. Cette sagesse me touche beaucoup.

Aubert évoque l’année 2005 que nous allons boire et dit que les raisins avaient un état sanitaire parfait. Sur les tables de tri les raisins étaient magnifiques avec une maturité très homogène, ce qui a entraîné de forts rendements. Il dit que le tri est un élément essentiel mais n’est pas la clef unique. Une autre clé, c’est le rendement raisonné. Il répétera de nombreuses fois que ce qu’il cherche, c’est d’arriver à une « finesse de maturité ». Il indique que la biodynamie aide maintenant à cette finesse de maturité et Michel remarque que le réchauffement climatique est, pour le moment, favorable au vin de Bourgogne.

Les 2005 ont été mis en bouteilles en 2007, en période de lune descendante.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 qui nous est servi est d’un rouge assez clair, légèrement trouble. Le nez est extrêmement riche et charnu, très expressif de poivre, cassis et framboise. En bouche on note la fraîcheur, le caractère vert, astringent et une touche de framboise.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 a un rouge pur, aussi légèrement clair. Le nez est un peu plus strict mais très profond et l’on sent du poivre. En bouche, il est plus rond, plus charmeur, plus complet. Il y a de l’astringence, une belle longueur et une belle trace. L’Echézeaux est plus frais quand le Grands-Echézeaux est plus long. Le Grands-Echézeaux est plus tendu, avec une forte densité des tannins. D’une belle pureté, on sent un grand potentiel de garde. Michel Bettane s’extasie et il reviendra pour plusieurs vins sur la qualité des bois neufs. Le final du Grands-Echézeaux est fait de beaux fruits. On peut aimer ces deux vins sans forcément les hiérarchiser, même si le second est plus noble.

Le Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2005 est d’un rouge de même nature que celui du précédent. Le nez est discret et de poivre. En bouche, c’est le cassis et la framboise qui s’imposent. Je trouve ce vin d’une grande structure et d’une forte trace en bouche. Je suis assez sensible à sa perfection.

Les vignes de ce vin sont plus vieilles de dix ans que celles du Grands Echézeaux, cinquante contre quarante en moyenne. Il est merveilleux à boire maintenant, pur, frais, joyeux, fruité, au beau final frais. Ce beau vin est d’une élégance rare.

Il forme un grand contraste avec le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2005 qui est d’un rouge plus sanguin, d’un nez plus arrondi et plus cohérent mais qui en bouche fait strict, militaire. Il y a une force énorme dans ce vin qui est beaucoup moins prêt à boire que le Romanée Saint-Vivant. Michel parle de classicisme dans la densité. Ce vin solide plus minéral doit attendre. Il sera grand.

La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 2005 est d’un très beau rouge sombre. Le nez est très fin, complexe. Il y a du poivre, mais c’est un parfum quasi indéfinissable. L’attaque en bouche est spectaculaire. Le final est d’une race extrême. Ce vin est un vrai raffinement. Il provient de très vieilles vignes. Là aussi, c’est un vin qui devra attendre avant d’être bu. Aubert signale qu’il est dans une période fermée et qu’il s’ouvrira bientôt. Il dit qu’il aime boire les vins jeunes.

La Tâche a de l’astringence, du poivre, un côté minéral. Michel recommence à s’extasier sur la qualité du boisé. Son final est assez impressionnant mais je dois dire que je préfère aujourd’hui le Romanée Saint-Vivant qui est infiniment plus charmeur que ces deux vins fermés et prometteurs.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2005 qui nous est servie est un privilège extrême. Un peu plus de 5.500 bouteilles ont été faites. Ce vin est le plus cher de la planète. On ne peut pas ne pas ressentir la rareté de cet instant. La couleur est celle de La Tâche. Le nez est discret. L’attaque est délicieuse de fruits roses. Aubert nous dit que le secret de la Romanée-Conti, en général, c’est son côté légèrement vert. Il a un goût de pétale de rose, qui passe par la phase poivron vert.

En goûtant, je constate effectivement que le final est vert. Le vin claque. Il se caractérise par la finesse et la fraîcheur. Il est élégant et a aussi du corps. Le nez devient parfumé et très riche avec des accents de feuille de cassis. Il est très envoûtant. On sent que c’est un vin spécial. Il y a du rouge et du vert, du fruit et de la feuille. La verdeur signalée par Aubert est là. La fraîcheur impressionne.

La dernière gorgée est très intense, car je me demande si ce vin que j’ai dans ma cave, je le goûterai à nouveau de mon vivant.

Une surprise nous était réservée car le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2005 annoncé n’était pas inscrit sur nos feuilles de dégustation. Or il arrive dans sa splendeur. Aubert nous dit qu’il y a deux types de Montrachet. Ceux des années à botrytis, opulents mais de durée de vie assez faible, et ceux qui ont été épargnés par le botrytis, moins riches et plus minéraux, qui sont des vins de longue garde. Le 2005 est de la deuxième catégorie. Le nez est magique, incroyablement fort, minéral et riche. En bouche, il est minéral, tendu, pur, noble. Il a un fort picotement de poivre. Aubert dit qu’il a encore des ferments. Il rappelle qu’à la vendange, on cherche à recueillir les grains à maturité extrême. Michel s’extasie de son élégante fraîcheur sans une once de lourdeur.

Aubert signale qu’à l’aveugle total, c’est-à-dire sans voir le verre, presque personne ne sait reconnaître qu’il s’agit d’un vin blanc. Michel dit qu’aucun autre Montrachet n’arrive au niveau de celui-ci. Sa fraîcheur est invraisemblable et j’avoue que je suis totalement conquis. On est pour moi au septième ciel.

Il est assez difficile de procéder à un classement à ce stade de la vie des vins, mais je trouve que le Montrachet est à mon goût largement au dessus des rouges. Ensuite, je pense que moins les vins sont gradés et meilleurs ils sont à ce stade de leur vie. Aussi, sans préjuger de leur qualité intrinsèque ni de ce qu’ils seront quand on pourra les boire, mon classement est : Montrachet / Romanée Saint-Vivant / Romanée Conti / La Tâche / Grands Echézeaux / Echézeaux / Richebourg. Ce classement ne préjuge en rien de ce qu’il sera plus tard. J’ai eu plus de sympathie pour les vins les moins gradés, car plus ils sont grands, moins ils sont prêts à boire. Le nez le plus beau était celui du premier car il y avait l’effet de surprise d’entrer dans ce monde divin des vins du Domaine de la Romanée Conti.

Grains Nobles nous a fait bénéficier d’une occasion unique de boire ces vins côte-à-côte, car quand on boit au domaine les vins en fût, on passe d’un fût à l’autre, sans jamais avoir les sept vins ensemble. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Un ami fidèle qui assiste à la réunion me dit : « allons dîner ensemble ». J’ai un programme chargé aussi, alors que je ne sais jamais dire non, je décline. Puis je me souviens que je devais livrer une bouteille au restaurant de Patrick Pignol pour un futur déjeuner où je vais ouvrir Lafite 1900, déjà livré. J’appelle le restaurant pour porter la bouteille et je hasarde : « auriez-vous quelque chose à grignoter ? ». On me répond oui, aussi immédiatement j’appelle mon ami déjà sur la route en lui disant : « veux-tu m’y rejoindre ? ». Il acquiesce.

Arrivé avant lui je raconte à Nicolas, le fidèle sommelier, ce que nous venons de boire. Le fait d’avoir fini sur le Montrachet à la trace indélébile impose un vin fort. Il me propose un Condrieu. Je n’ai pas envie et je jette mon dévolu sur un Corton Charlemagne Jean-François Coche-Dury 2003. Nicolas me dit que c’est un peu jeune, ce qui sera l’avis de mon ami. Mais ayant bu sept vins de 2005, j’estime qu’il vaut mieux rester sur une jeunesse typée. Pour gagner du temps, et comme il est tard, je commande le menu pour nous deux : cuisses de grenouilles façon meunière, échalotes grises, cresson de fontaine, dentelles de sésame et la côte de veau, saveur première et la cueillette du moment.

Il est certain qu’avec le goût en bouche du Montrachet, ça n’aide pas le Corton Charlemagne. Mais le palais s’habitue vite à un vin très riche, fruité, varié, salin et minéral. Je vois en lui une myriade d’évocations de fruits jaunes, et un final très pur. Sa jeunesse ne me déplait pas après ce que nous avons vécu. Les deux plats trop copieux à cette heure tardive sont parfaitement adaptés. C’est un grand Corton Charlemagne, mais il n’aurait pas fallu le boire après la perfection insolente du Montrachet 2005 de la Romanée Conti.

Grains Nobles est la seule structure française où Aubert de Villaine accepte de présenter ses vins. Nous avons vécu un moment d’une grande rareté.

Royal Kébir vendredi, 12 décembre 2008

Madame Claude-France Léon, fille de Roger Andréi, m’informe que c’est son père qui était maître de chais de Royal Kébir de Frédéric Lung sur la période entre 1935 et 1963.

C’est toujours intéressant de savoir qui est à l’origine des vins que j’adore.

Merci madame de me l’avoir signalé.

8ème dîner des amis de Bipin Desai avec 11 vignerons au restaurant Laurent mercredi, 10 décembre 2008

Pour la huitième année consécutive, je suis chargé d’organiser ce qu’il est convenu d’appeler le « dîner des amis de Bipin Desai », grand collectionneur et amateur américain, au savoir inégalable, qui réalise d’immenses dégustations verticales des plus grands vins de la planète. C’est l’occasion pour moi de convier des grands vignerons qui sont le plus souvent des amis. Ceux, rares, qui ne l’étaient pas, le sont devenus ce soir. Le dîner se tient au restaurant Laurent dont la capacité de réaction est légendaire.

Chaque vigneron a apporté un de ses vins, le plus souvent en magnum, et des habitués qui ne pouvaient venir se sont fait représenter par une bouteille. Didier Depond des champagnes Salon-Delamotte et Jean Hugel m’ont envoyé des vins, aussi quand Aubert de Villaine empêché m’a proposé d’en envoyer un je lui ai dit que nous étions en excès d’apports, ce qui est d’une grande abnégation car bien évidemment la présence d’un vin du domaine de la Romanée Conti m’eût comblé de joie.

Bipin Desai m’avait demandé quelque temps après de prévoir une place pour un grand commissaire priseur américain, spécialiste du vin, aussi, pour que nous ne soyons pas treize à table, j’ai rappelé un vigneron à qui j’avais dit non. La veille du dîner Bipin me prévient que son ami américain ne vient pas et me demande de convier un vigneron bordelais. La veille pour le lendemain, c’est mission impossible aussi est-ce mon fils qui fera office de quatorzième.

Pour citer les présents, je les nommerai dans l’ordre de leurs places à table, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre : Bipin Desai, Anne Claude Leflaive du domaine Leflaive, Richard Geoffroy du champagne Dom Pérignon, Jean Charles de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, Frédéric Audouze mon fils, Etienne de Montille du domaine de Montille, Pierre-Henry Gagey de la maison Jadot, François Audouze, Florence Cathiard du château Smith-Haut-Lafitte, Jean Nicolas Méo du domaine Méo-Camuzet, Olivier Bernard du Domaine de Chevalier, Sylvain Pitiot du Clos de Tart,  Olivier Krug des champagnes Krug et Jean Pierre Perrin du Château de Beaucastel, voisin de gauche de Bipin Desai. La boucle est bouclée.

Au début de l’après-midi Bipin m’appelle pour me dire que son train venant de Toulouse et qu’il prend à Bordeaux, aura une demi-heure de retard. Je préviens par mail les convives mais ils sont tous partis de leur province. Alors qu’ils sont déjà arrivés au restaurant, Bipin me prévient qu’il est à la gare Montparnasse dans une file d’attente interminable, en quête de taxis qui sont rares. C’est l’occasion pour les présents de bavarder en l’attendant et de trinquer sur le Champagne Dom Pérignon rosé en magnum 1978.

J’avais été prévenu par Philippe Bourguignon qu’à part notre table, le restaurant était réservé par Jean Réno qui recevait ce soir la légion d’honneur de Nicolas Sarkozy. Pendant que nous bavardons dans le hall d’entrée nous pouvons voir arriver des personnes connues qui font normalement hurler d’hystérie leurs groupies. On pouvait s’attendre à un certain tumulte pendant la soirée. Il n’en fut rien.

Le champagne rosé dégorgé en 2003 est d’une couleur d’un rose de rose rose. C’est un rose que l’on montrerait volontiers comme la définition de la couleur rose. Dès la première gorgée, je suis conquis. N’étant pas naturellement un fan des champagnes rosés, je suis pris par le charme de ce champagne expressif, dont la première des qualités est d’être précis. Il est dessiné avec précision et laisse en bouche une trace profonde. C’est un champagne d’un charme rare et Geoffroy dira plusieurs fois : « c’est le pinot noir », comme le médecin de Molière disait : « le poumon ».

Nous passons à table à 21 heures sans Bipin qui nous rejoindra à la fin des amuse-bouche. Les rouelles de pied de porc et pomme de terre truffée absolument délicieuses sont à mon sens des amis des champagnes blancs. J’en avais fait la remarque à Philippe Bourguignon, et je voulais changer la place du Dom Pérignon rosé dans notre menu. Mais il eût fallu un plat de plus aussi avons-nous gardé cet ordre. La cohabitation du rosé avec le porc est possible mais limitée et on le mesure encore plus lorsque l’huître en gelée arrive. Elle fait briller le champagne rosé de façon admirable. Il gagne en longueur, en tension, et fouette la langue admirablement.

Sur la royale d’oursins dans un cappuccino, d’une douceur combinée à une sauvage trace iodée, nous avons deux champagnes. Le Champagne  Salon 1990 cadeau de Didier Depond non présent est un champagne puissant, extrêmement vineux. Mais il a un petit peu de mal à trouver sa place entre le rosé et le Champagne Krug 1979 en magnum. Le Krug est riche, au fruit large, à l’ampleur confortable. Le Salon fait un peu coincé à côté de lui mais ce que l’on remarque, c’est qu’aucun des deux ne diminue l’autre. Ils ont leur place. Le Krug est à peine moins vibrant que d’autres Krug 1979 que j’ai bus.

Sur un filet épais de turbot au naturel, les bardes enveloppées de laitue de mer et cuites vapeur, hollandaise au vinaigre de riz le Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1986 me souffle immédiatement un mot : « parfait ». Tout en ce vin donne l’image de la perfection. Il est riche, charnu, profond, mais c’est sa présence indestructible qui impressionne. On le sent quasi éternel. A côté de lui, le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive en magnum 1992 servi un peu trop frais a du mal à trouver sa voie. On sent qu’il est désavantagé d’être en parallèle avec le Corton Charlemagne. Anne Claude Leflaive en est marrie. Quand on fait abstraction de l’environnement, on retrouve le charme de ce grand vin expressif. Mais l’occasion est un  peu manquée. Il eût fallu que le Chevalier Montrachet soit seul sur un plat pour qu’il délivre la pureté qu’il a en lui, car c’est un grand vin de belle plénitude.

Richard Geoffroy demande quelle serait la représentation architecturale et spatiale du Corton-Charlemagne. Je lance l’idée de l’Arc de Triomphe, ce qui contrarie certains car ils y voient un côté massif. J’y vois plutôt le côté solide et structuré qui montre la résistance au temps. Si l’on veut une autre image, je risquerais le Pont Neuf, le plus ancien pont de Paris, bâti pour l’éternité.

C’est encore sur deux vins que l’on goûte les croustilles de ris d’agneau et tapenade de champignons. Lorsque je suis servi du Domaine de Chevalier rouge 1928 j’hésite. Car le parfum de framboise est si fort que l’on attendrait cela d’un vieux bourgogne. Pourrait-il s’agir du 1961 que Daniel, sommelier qui officie souvent avec moi, aurait confondu ? Non, car le Château Smith Haut Lafitte en magnum 1961 servi juste après est la définition la plus pure de 1961. Olivier Bernard dit que son vin avait son bouchon d’origine. Force est de reconnaître que ce 1928 puissant et chaleureux échappe à l’image des 1928 bordelais que j’ai bus. Son charme fruité est étonnant et de grand plaisir. A l’inverse, le 1961 est totalement au centre de la cible. C’est un vin d’un charme énorme et qui respire à pleins poumons ce que 1961 doit être, c’est-à-dire au sommet. J’ai dit à Florence Cathiard manifestement heureuse de la prestation de son vin qu’il a l’aisance dans le charme d’un George Clooney.

Etienne de Montille est arrivé avec son Volnay Taillepieds Domaine de Montille en magnum 1976 qu’il avait débouché puis rebouché. Tel qu’il se présente sur la poitrine de pigeon rôtie en cocotte, pommes soufflées Laurent, il est absolument merveilleux et me plait beaucoup par son discours facile, simple, qui n’en dit pas trop. A côté de lui, le Clos de Tart en magnum 1988 offre un alcool un peu visible et n’est pas au mieux de sa forme, ce dont Sylvain Pitiot convient. Je remarque alors, et c’est intéressant, que notre table étant assez longue, une moitié de table préfère généralement le vin du vigneron assis de son côté. Aussi les jugements à ma gauche et à ma droite ne sont pas les mêmes. J’ai aimé le Volnay pour le travail qui correspond à la personnalité d’Hubert de Montille. Le caractère un peu bridé du Clos de Tart ne correspond pas à l’excellente rénovation que Sylvain Pitiot a donnée depuis à ce grand vin.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo Camuzet 1991 est du premier millésime que le jeune Jean Nicolas Méo a fait. Il est d’un style très opposé au Musigny Grand Cru Louis Jadot en magnum 1985. Les deux vins cohabitent sur des ravioles d’abattis de pigeon et foie gras de canard dans un consommé truffé. Le bouillon met en valeur le Musigny, très précis, très subtil, qui n’est pas affecté d’être associé sur le plat avec le généreux et puissant Vosne Romanée. Les deux vins, dont aucun ne fait de l’ombre à l’autre, sont, chacun dans son registre, de grands bourgognes, de deux années qui expriment bien leur personnalité.

Si je m’étais fait à l’avance une idée sur chacun des vins de Bourgogne, qui ne fut pas contredite par la réalité, je n’avais aucun repère pour le Château de Beaucastel Chateauneuf du Pape en magnum 1970 qui, lui aussi, est le premier millésime fait par Jean Pierre Perrin. Je suis totalement bluffé. Car jamais je n’aurais imaginé une telle présence d’un vin serein, apparemment simple mais à la complexité subtile. L’équilibre et la sérénité sont impressionnants. Sur le filet de chevreuil relevé au poivre de Sarawak, betteraves jaunes caramélisées au coing, millefeuille de pomme gaufrette au chou rouge, le vin qui jouit d’être seul sur scène est impérial. Il me ravit.

Daniel Cathiard, qui présentait ses vins non loin du restaurant, vient nous rejoindre pour la fin du repas. Il a pu profiter de la suite de la dégustation.

 N’étant pas vigneron, j’ai puisé dans les vins que j’aime. On ne s’étonnera pas qu’il s’agisse d’un Château Chalon Jean Bourdy 1928 qui se présente, ô surprise, sur un Comté de 18 mois. Beaucoup d’amis vignerons sont ravis de goûter ce vin qui figure rarement sur leurs tables. Ce 1928 est diaboliquement bon depuis ses effluves intenses jusqu’à son final glorieux après un passage en bouche sensuel et généreux. Ce vin à l’équilibre immense que seul l’âge peut donner ne marque pas du tout la bouche qui reste fraîche même si elle en garde la mémoire.

Jean Hugel non présent a curieusement offert un vin très jeune, le plus jeune, un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 2005. L’accord sur le craquelin à la framboise et aux litchis est diabolique. C’est Satan qui mène le bal. On meurt de bonheur quand le litchi du vin embrasse le litchi du dessert. Très sucré mais aussi très frais ce vin se boit bien même si l’on imagine la perfection qu’il atteindra dans quelques années.

Je prends la parole pour expliquer la présence de l’autre vin que j’ai apporté. Dans un récent bulletin, la photo de la première page était celle de cette bouteille et j’avais écrit : comme ce vin à 150 ans cette année, il faudrait le boire avant la fin de 2008. Quelle plus belle occasion pourrait exister que de boire ce Pajarette Arneaud 1858 avec des vignerons que j’apprécie ? Lorsque j’ai ouvert la bouteille avant le repas, j’aurais pu succomber de bonheur devant la richesse des arômes. Le parfum de ce vin est d’une force inégalable. En bouche, le vin est fort comme un muscat et ses évocations sont le poivre et le pamplemousse. Anne-Claude Leflaive dit et insiste qu’il s’agit de pépins de pamplemousse et elle a raison. Délicieux, frais, à la trace en bouche indélébile, ce vin dont le goût est inconnu de tous les vignerons présents est strictement au centre de ma recherche. C’est mon Graal, choisi pour plaire à mes amis.

Bipin Desai fait un discours dans lequel il remercie chacun. Il est évidemment ravi d’être honoré de cette belle façon. Dans ces dîners où des vignerons sont présents il n’est pas question de voter. Mais comme ce dîner a été fait à la façon de mes dîners et comme il portera le numéro 109, je vais quand même faire mon vote, dont on sait qu’il ne correspond qu’à mon goût, sans aucune prétention d’universalité.

Le premier sera le Pajarette 1858 parce qu’il est parfait, au centre de mes souhaits et parce que sa place dans l’histoire est porteuse d’une grande émotion. Je mettrai ensuite le Corton-Charlemagne parce qu’il m’a donné un sentiment de perfection tenace. Viendra ensuite le Beaucastel 1970 totalement inédit pour moi. Choisir ensuite devient plus dur, car j’ai adoré le Dom Pérignon rosé, l’image de conformité du 1961 du Smith Haut Lafitte, le charme du Volnay et la richesse du Vosne Romanée.

Comme il faut se décider, mon vote sera : 1 – Pajarette Arneaud 1858, 2 – Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1986, 3 – Château de Beaucastel Chateauneuf du Pape en magnum 1970, 4 – Château Smith Haut Lafitte en magnum 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon rosé en magnum 1978, 6 – Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo Camuzet 1991. 

Chacun des vins était très grand et de plus il avait été choisi pour des raisons où l’émotion n’est pas absente. La palme de l’accord, à mon goût, c’est le litchi et le Gewurztraminer, suivi du classique mariage Comté et Château Chalon, le 1928 ayant une rondeur et une personnalité apaisante de bonheur.

Le service fut parfait, toute l’équipe de Laurent étant ravie de retrouver tous ces grands vignerons qu’ils connaissent. Daniel a fait un travail de sommellerie parfait. Rires et communion ont caractérisé notre assemblée. Chacun de nous savait qu’il vivait un grand moment d’amitié. J’ai encore les yeux qui brillent en finissant ce compte-rendu.

Les plus beaux vins du Grand Tasting samedi, 22 novembre 2008

Classement forcément subjectif. Mais l’exercice est tentant :

1 – Clos Sainte Hune VT 1989
2 – Dom Pérignon 1962
3 – Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005
4 – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998
5 – Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002

6 – Montrachet Domaine Jacques Prieur 2006
7 – La Turque 2004
8 – Chateau Rayas 1998
9 – Gilette 1975
10 – Pol Roger Winston Churchill 1998

Grand Tasting 2ème jour et une dégustation de légende samedi, 22 novembre 2008

La deuxième journée commence pour moi par le point culminant du Grand Tasting, une Master Class Prestige intitulée : « de 1959 à 1998 : la légende du demi-siècle ».

Nous débutons par un chef d’œuvre totalement introuvable pour les amateurs de vins, le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Il est présenté par Richard Geoffroy, l’homme qui fait Dom Pérignon, habité par une passion communicative. La couleur du champagne est d’un or très noble teinté d’une légère trace de cire. Le nez est extrêmement raffiné. On sent l’amande. La bulle est très active le dégorgement ayant été fait en 2004, Geoffroy jugeant que les dégorgements trop récents ne sont pas à l’avantage du vin. En bouche on perçoit l’amande, la noisette et le poivre. La longueur est belle et le final est en panache. Richard insiste sur le caractère réducteur du vin et ses notes grillées et toastées. Il décrit l’orange et le jasmin. La fraîcheur est associée à l’intensité et Richard compare l’équilibre entre le noir et le blanc à celui du yin et du yang. Le final est salin et l’agrume apparaît progressivement. C’est un immense champagne.

Martine Byat présente le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père et Fils 1959. La couleur est d’un rouge légèrement brun, très légère. Le nez est absolument bourguignon, avec de l’amertume. En bouche l’amertume est sensible aussi, cette belle caractéristique bourguignonne. Le vin est très frais, avec des notes de cuir et de fumé. Il est caractérisé par son harmonie, sa finesse et sa subtilité.

Yorick d’Alton présente le Château Léoville Las Cases 1985. Il nous dit que c’est un vin d’un millésime de douceur, de velours. Sa couleur est très foncée après le rubis du Volnay. Ce qui frappe c’est son beau final de fruits bruns comme des pruneaux. Il est frais et désaltérant et montre une jeunesse remarquable. L’acidité la fraîcheur et l’astringence sont plus que sensibles. Le final mentholé de fraîcheur est convaincant.

Gérard Perse présente son parcours avant de parler de son vin, le Château Pavie 1998. Le vin est de couleur noire, semblant très lourd. Le nez est très riche, de forte densité. En bouche, le vin est très riche mais aussi très pur. Michel Bettane aime beaucoup ce vin élégant montrant déjà une belle maturité. Tout est un peu excessif en ce vin mais force est de constater que le résultat se conçoit, même s’il mange les gencives. Thierry Desseauve parle de noblesse et de mesure.

François Perrin parle de sa famille et de son vin le Château de Beaucastel, Chateauneuf-du-Pape 1981. La couleur est un peu trouble, d’un rouge de sang séché. Le nez est un peu doucereux et évoque l’écurie. La bouche est fraîche avec un petit aspect viande. François dit qu’il a pué dans sa jeunesse et que si l’on n’aime pas les senteurs viriles il ne faut pas s’intéresser à ces vins. Ce vin montre très peu d’alcool. Il a une grande complexité aromatique de rose, de poivre et d’animal. Il montre quelques signes d’évolution. François dit que pour déguster ses vins, l’idéal est quand les tannins deviennent sucrés. Le temps passant le vin devient plus doucereux, plus sucré. Il est d’une belle évolution, c’est un vin de plaisir.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Vendanges tardives Trimbach 1989 est un vin que j’ai déjà bu comme le Dom Pérignon 1962. Mais je ne peux m’empêcher de prendre de plein fouet le choc de sa perfection. Car ce vin est totalement parfait. Richard Geoffroy auprès duquel je suis assis cherche les similitudes entre ce vin idéal et son champagne. Au nez, on sent qu’un pont peut exister. Pierre Trimbach rappelle que le Clos Sainte Hune a une superficie de 1,38 ha, ce qui donne la mesure du cadeau qui nous est fait. Il ajoute que si le 1989 est un Vendanges Tardives, ce qui résulte d’un accident, le domaine s’étant fait surprendre par la nature, la stratégie de son domaine sera de ne plus faire que des secs. Le vin est jaune d’or. Le nez est minéral et litchi et annonce la perfection qui va venir. 1989 est en Alsace la plus grande année de botrytis après 1967. Le domaine a essayé de le faire le plus sec possible malgré le développement du botrytis et ce vin se boit aujourd’hui presque sec. Il y a du litchi de la pêche blanche, des fleurs blanches, mais l’on retient surtout l’élégance et la fraîcheur. C’est un vin époustouflant de perfection.

Julie Gonet-Médeville parle du Château Gilette 1975. Sa famille possède cette parcelle de 4,5 ha depuis 1710 et sa caractéristique est que le vieillissement se fait en cuve sans aucun bois. La moyenne de vieillissement est de quinze à vingt ans, le 1953 étant resté vingt-sept ans en cuve. Il n’est toujours pas ouvert dit-elle ! Le nez du 1975 est intense de botrytis. Il est très pur. La fraîcheur est exemplaire alors que le vin titre plus de 14°. Julie dit que Gilette ne fait maintenant que des crèmes de tête, ce qui fait que certains millésimes ne seront pas produits sous le nom Gilette. Le final du vin est très long avec des oranges amères et de peaux d’oranges confites.

Richard Geoffroy fait remarquer que le choix de Michel et Thierry pour cette séance porte sur des vins qui sont tous réducteurs et marqués par une imposante fraîcheur.

Le dernier vin de cette dégustation d’enchantement est un Porto Taylor’s 1985 présenté par Luis Esgonnière Carneiro. La couleur est belle, plus rouge que noire. L’attaque est toute en fraîcheur (elle aussi) et le final très frais montre à peine l’alcool. Les griottes confites, les cerises sont d’une belle complexité. Jancis Robinson à la demande de Michel décrit ce porto en parlant de final mentholé et de réglisse. Elle insiste sur le caractère très « claret » au sens anglais de ce porto. Enzo Vizzari, grand spécialiste de vins tonitrue que c’est un crime de boire ce porto si jeune et qu’il faut recommencer l’ensemble de la dégustation avec un porto de cinquante ans de plus. J’ai adoré ce vin qui se goûte comme un bonbon de plaisir sans que l’on ressente la moindre fatigue.

Cette superbe dégustation est toute à l’honneur du Grand Tasting. Sans l’estime que des vignerons ont pour Michel Bettane et Thierry Desseauve, jamais ce n’eût été possible de réunir de tels vins.

Antoine Pétrus, jeune sommelier brillantissime a organisé le service des vins pour les Master Class avec de jeunes élèves sommeliers. Ils sont chaudement applaudis car leur tâche était difficile. Même si certains vins furent un peu froids, la prestation fut remarquable.

Trop fatigué pour assister à la Master Class suivante, j’ai quand même goûté en cuisine le Montrachet Grand Cru Domaine Jacques Prieur 2006. Ce vin est prodigieux, goûteux, chaleureux, expansif en bouche. Bu en cuisine il n’a pas le même charme que commenté. Mais qu’est-ce que c’est bon !

J’ai rejoint ma fille et son compagnon qui sont des amoureux des vins de Jean-Luc Thunevin. Ma fille n’arrêtait pas de rire quand Jean-Luc ne cessait de me chambrer fort gentiment. J’ai goûté le Bordeaux Bad Boy rouge 2005 qui est extrêmement plaisant ainsi que le Fronsac Haut-Carles 2006 que je connaissais déjà. Je fus chambré de même par Olivier Decelle qui me fit goûter le Mas Amiel Maury rouge1969 que ma fille adore. Ce ne furent que rires qui doivent pousser ma fille à se demander si ma passion des vins anciens est prise au sérieux. Je sais que ces petites piques sont très amicales.

Pour finir mon Grand Tasting, j’ai « picoré » dans les allées au domaine Marcel Deiss son Schoffweg blanc 2004 remarquable de précision. J’ai mangé un sandwich sur le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1998 d’une subtilité rare, puis sur un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 absolument exceptionnel. J’ai goûté un Champagne Henriot 1996 très précis et un Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 floral et épanoui. Martine Byat qui se doutait que je repasserais à son stand m’avait gardé un peu du Volnay Caillerets 1959 plus épanoui et vibrant encore, une ou deux heures après sa présentation. J’ai goûté le Champagne Moët & Chandon 2003 subtil et déjà prêt à boire, le Champagne Bollinger 1999 très précis et le Champagne Les Echansons Mailly 1999.

J’ai manqué de visiter tellement de vins qu’il eût fallu deux jours de plus pour découvrir toutes les richesses de ce salon qui fut une grande réussite.

Grand Tasting – Quelques photos samedi, 22 novembre 2008

Présentation des vins de la maison Drouhin. Ici le Laurène, Orégon 2005

Quatre millésimes d’Yquem pour plus de cent personnes, c’est une générosité à signaler.

Antoine Pétrus préparait le service des vins des Master Class. Il a mis des "écharpes" de fortune autour des cols de ces merveilleux vins de Guigal et de Gaja

Le Gaja Sperss 2004

Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1959 présenté lors de la prestigieuse dégustation couvrant 50 ans de vins qui ont marqué l’histoire

Les vins de la Master Class de prestige (voir texte)

Grand tasting – première journée vendredi, 21 novembre 2008

Le Grand Tasting se tient au Carrousel du Louvre et c’est la onzième édition du successeur du Salon des Grands Vins. De nombreux vignerons tiennent stand et font déguster des vins de haut niveau, et des séances de présentation sont de quatre familles, les bars gourmets, les ateliers gourmets avec un piano de haut niveau pour créer des accords mets et vins élaborés, les Master Class et les Master Class de prestige. Les programmes sont plus alléchants les uns que les autres, et ma première matinée commence par une séance intitulée : « les cinq producteurs au sommet ». Nicolas de Rabaudy rappelle l’histoire de ces salons dont il fut l’un des pères fondateurs, et Michel Bettane, Thierry Desseauve ou l’un des membres de leur équipe animeront les dégustations. Pour celle-ci, c’est Michel et j’ai la chance de pouvoir figurer à la table des présentateurs, tout au long de ce salon.

Les cinq producteurs au sommet ont été choisis par Michel et Thierry. Le Château Ducru-Beaucaillou 2004 a un nez très doux, capiteux. En bouche, ce sont des fruits noirs très doux comme la quetsche qui apparaissent. Le final est de poivre et d’un bois très bien dessiné, qui indique un beau potentiel de vieillissement dans la rondeur. Michel Bettane vantant les méthodes de sélection des grains de raisin dit de ce vin que c’est du caviar qui est mis en barrique.

Le Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005 est présenté par Frédéric Mugnier qui représente la cinquième génération des propriétaires de ce domaine dont le dernier achat de vignes date de 1902 et c’est du Clos de la Maréchale qu’il s’agit. C’est un grand honneur qui nous est fait de nous présenter un 2005. Le nez est discret mais extrêmement subtil. En bouche, le fruit rouge poivré est magnifique de joie et d’expansion, ce qui résulte aussi bien du travail qui est fait que de l’année qui est magique. La perfection est associée au millésime. Le fruit rouge est enthousiasmant. C’est un vin d’une rare subtilité.

La Syrah Leone, Domaine Peyre-Rose Coteaux du Languedoc 2002 est présentée en l’absence de Marlène Soria. Le nez est particulièrement subtil et fin. C’est une belle surprise. La bouche est ample, ronde, portée par des fruits bruns et un beau poivre. Ce qui frappe, c’est l’équilibre et l’absence d’excès. L’astringence finale montre un potentiel de vieillissement. Le vin est un peu torréfié, méditerranéen. Il est délicieux à boire.

Le Château Rayas, Chateauneuf-du-Pape 1998 est présenté par Emmanuel Reynaud, gérant du domaine que sa famille possède depuis 1880. La couleur est très claire. Le parfum est racé, évoquant le porto. La fraîcheur est ce qui frappe en premier. Il y a des fruits jaunes et de la cerise blanche. Le vin est très capiteux tout en étant léger, ne révélant pas du tout ses 14,5°. Très fluide, il se présente plus vieux que son année qui est une grande année. Ce vin n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un Rayas.

Noël Pinguet présente le Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002. Son domaine est en biodynamie depuis vingt ans. Il considère que c’est le demi-sec qui représente le mieux la qualité du Vouvray. Ce vin est magnifique. Sa fraîcheur est extrême. Le sucre est discret et le final à l’acidité citronnée est frais. Litchi, citron vert, mandarine s’exposent subtilement. La pureté et la fraîcheur de ce vin sont enthousiasmantes. Ces cinq vins méritaient d’être mis en valeur en début du Grand Tasting.

La séance suivante est la présentation par Véronique Drouhin de trois Chablis et d’un vin de l’Oregon de la maison Joseph Drouhin qui est aussi en biodynamie.

Le Chablis Premier Cru Vaillons Joseph Drouhin 2007 a un nez discret. La robe est d’un jaune d’or assez soutenu. Ce vin très pur manque un peu d’ampleur. Il a un beau final avec des agrumes légèrement poivrés. C’est un vin équilibré. Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2006  a un nez beaucoup plus puissant. Il montre une belle minéralité. La bouche est ample, équilibrée. Le final est un peu astringent mais très subtil. La longueur est significative et charmante. C’est un vin qui donne soif d’en reprendre.

Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2002  a un nez plus doux et moins minéral que le 2006. Son goût est plus doux et plus flatteur. Véronique remarque que sa palette aromatique est plus large en 2002, alors que je préfère le 2006, car le 2002, dans une phase intermédiaire de sa vie, s’est un peu civilisé. Il offre des évocations de noisettes et d’amandes, avec un beau final.

Le Pinot Noir d’Oregon Laurène Joseph Drouhin 2005 est une belle surprise. Il titre 13,5°. Son nez est hyperpuissant mais pur. Le vin est gourmand, bon à boire, joyeux. Il est très bien fait, léger et frais en bouche. Ce vin déjouerait toutes les supputations s’il était dégusté à l’aveugle. Ce fut une présentation originale de quelques vins de la gamme très étendue de la maison Drouhin.

C’est Sandrine Garbay, maître de chai du château d’Yquem qui présente une verticale de Château d’Yquem. La salle de cette Master Class de prestige offrait 80 sièges. Il fallut à la hâte en rajouter vingt pour contenir une foule avide de déguster ce vin légendaire.

Le Château d’Yquem 2005 a un gras énorme. Il ressemble un peu à des pastilles acidulées qui chavirent le palais, tant on est confondu par la balance entre le sucré et la fraîcheur. On sent la perfection formelle de ce vin. Il y a du miel, du citron, des agrumes. Le fruit confit viendra plus tard et le sucre se dominera dans le goût riche de ce vin prometteur.

Le Château d’Yquem 1999 a un jaune déjà très doré. Le nez est intense, et la bouche est élégante. Ce vin se goûte bien. Le final est sucré, pâte de fruit. Son élevage a été de quarante mois, alors que depuis l’arrivée de Pierre Lurton au domaine, donc pour le millésime 2005 que nous venons de goûter, l’élevage a été réduit de dix mois. Ce 1999 est le meilleur de ceux que j’aie goûtés, ce qui montre le progrès au fil du temps.

Le Château d’Yquem 1996 a un  nez généreux. L’attaque est puissante et très équilibrée. Comme dit Sandrine, c’est un millésime académique pour le développement de son botrytis. Ce vin fait de mangues, de fruits confits et poivrés et d’oranges, au final très frais, est un archétype de l’Yquem historique. Sa fraîcheur est extrême.

Le Château d’Yquem 1989 a un or déjà foncé. Il est affirmé, très joli. C’est le seul qui montre des notes de thé, indice de la fusion du sucre dans le goût. La fraîcheur est extrême et l’amertume est belle. C’est le 1989 qui est le plus frais des quatre présentés. Nous avons animé le débat avec Sandrine sur les mets qui s’allient à Yquem en montrant de petites divergences comme j’avais pu le faire avec Alexandre de Lur Saluces lors de la récente présentation de Fargues. Ce qui compte au final, c’est la générosité du château d’Yquem et la possibilité qui a été donnée aux inscrits de boire quatre vins de légende.

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Le Château Bahans Haut-Brion 2000 est le second vin de Haut-Brion. Il ne provient pas de parcelles différentes de celles du grand vin mais d’une sélection par la dégustation. Le nez est assez amer. Le vin est servi trop froid. L’amertume est forte au goût ainsi que l’astringence.

Le Château Haut-Brion rouge 1998 est un vin très élégant qui montre un saut qualitatif majeur. Il y a des fruits noirs et des notes mentholées. Il est magnifiquement fait, frais en final. C’est un vin très subtil.

Le Château Haut-Brion rouge 1995 qui nous est servi est bouchonné. Le deuxième est plus chaleureux mais il a une astringence qu’il ne devrait pas avoir. Il ne peut pas être jugé.

Jean-Philippe Delmas présente l’histoire du Château Haut-Brion, le plus ancien cru classé de Bordeaux, car il s’est appelé « cru » dès 1525. Jean-Philippe fait le vin pour la famille Dillon, à la suite de son père qui avait fait les vins depuis 1961.

Angelo Gaja devait présenter ses vins en même temps que Philippe Guigal présente les siens, mais il n’est pas venu. Philippe raconte l’histoire de La Côte Rôtie La Turque. Cette parcelle d’un hectare était la propriété d’un homme qui n’avait qu’un seul client : l’Elysée. Après de sombres histoires ce vignoble fut vendu à Vidal-Fleury où travaillait le grand-père de Philippe. Quand celui-ci, après avoir fondé la maison Guigal en 1946 racheta Vidal-Fleury, il inclut La Turque dans sa gamme. Cette terre de la « Côte Brune » n’a pas produit de vins pendant cinquante ans, aussi trouve-t-on des Turque d’avant 1935 ou depuis 1985, les vignes ayant été replantées vers 1980.

La Côte Rôtie La Turque 2004 a un nez poivré. Ce vin est poivre et fruit noir. Ce qui le caractérise, c’est une fraîcheur extrême. Le final est de mûre et de cassis. C’est un grand vin.

La Côte Rôtie La Turque 1998 a un nez de framboise, de fruit rose et de pâte de fruit. Son goût est joli, fruité, de fruits rouges ou roses comme les framboises. Le final est assez astringent et la fraîcheur est extrême.

Les vins d’Angelo Gala sont des Barolos, mais comme ils n’ont pas 100% de cépage nebbiolo, ils n’ont pas le droit à l’appellation. Angelo a découvert que l’ajoute de 5 à 10% de barbera profitait à son vin. Se souciant comme d’une guigne des obligations, il a fait le vin que nous dégustons, baptisé Sperss, qui veut dire nostalgie.

Le Sperss Gaja 2004 a un nez d’une race étourdissante. Très doucereux en bouche, doux, il est d’une belle astringence. Noble et généreux, il a des points communs avec le Guigal de la même année. Le vin est ample, coloré, complexe dans ses teints veloutés. Il appelle la truffe blanche dont il évoque le goût. Michel précise que 2004 est un millésime exceptionnel dans le Piémont, comme l’est 2005 en France. Le fumé de truffe est charmant.

Le Sperss Gaja 1996 a une couleur très noire et un parfum très profond. La rondeur est immédiate et l’astringence est forte. Michel parle de cèdre et de tabac. Grand, puissant et rond c’est un vin très fort, différent et distant de La Turque 1998. Ce vin qui évoque encore plus la truffe blanche est un vin impressionnant. Il se trouve que Gaja et Guigal présentent souvent leurs vins ensemble par amitié et aussi pour partager les frais de ces expositions. Ils nous ont offert quatre vins d’un immense plaisir.

Idealwine a retenu une centaine de leurs principaux clients ou correspondants et Angélique de Lencquesaing m’a fait le plaisir de m’inviter. Les vins présentés sont spectaculaires, mais pensant au dîner qui m’attend je ne goûte qu’un champagne William Deutz 1998 fort bon et bien structuré. Je salue des amis présents et m’éclipse vite pour me rendre au dîner de jubilé d’un ami.