Pour je ne sais quelle raison, des membres de mon club de conscrits ont envie de se retrouver à déjeuner entre deux réunions statutaires. Nous serons cinq et sur ma suggestion, ce sera au restaurant Le Petit Sommelier, que je retrouve une semaine à peine après un récent déjeuner. Je serai actif dans le choix des mets et des vins, aidé par Pierre Vila Palleja propriétaire des lieux et par Manon la jolie et compétente serveuse et sommelière.
Nous commençons par un Champagne Billecart-Salmon Extra Brut 2008 qui est d’une belle expression dans ce beau millésime. Il est un peu strict du fait de l’absence de dosage mais pas trop et sait se montrer assez large pour entraîner nos adhésions. Le menu que je suggère est : poêlée de cèpes, émulsion au persil / bœuf bourguignon, pommes de terre et oignons.
J’avais imaginé un chablis avant que nous ne consultions le menu, et grâce aux suggestions de Pierre nous prenons un Château Simone Palette 1997 qui devrait mieux convenir. Le goût des cèpes est opulent, large, gras, et le vin des Bouches du Rhône est idéal pour ce plat. Car le vin a de la race. On dirait volontiers : c’est un vin qui cause. Car il occupe le palais de sa largeur, de son insistance aromatique. C’est un grand vin de 22 ans. Il est racé, riche et convaincant, et l’accord avec les cèpes est joyeux.
Le bœuf bourguignon a été cuit pendant 22 heures, mais j’aurais ajouté sans problème 22 heures de plus pour avoir encore plus de moelleux dans la mâche de la viande délicieuse. Le Châteauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 2005 a donné lieu à une petite querelle d’école entre Pierre Vila Palleja et moi. Pierre aurait aimé carafer le vin pour qu’il soit épanoui dès le début de la dégustation alors que je souhaitais voir son éclosion et profiter de la fragile ouverture d’un vin délicat.
Et ce qui est amusant, comme nous vivons en l’ère macronienne, c’est que nous avons pu observer que le vin était un adepte du « en même temps ». Car clairement la première bouteille de ce vin devait vivre son éclosion comme je l’avais souhaité tant sa subtilité la méritait. Et la deuxième bouteille, plus stricte, moins virevoltante, aurait profité d’un carafage qui l’aurait épanouie. Il n’y a donc pas de vérité absolue mais je suis heureux que la première bouteille ait vécu ce que j’aime, l’éclosion qui fait ressembler le vin aux ailes charmantes des danseuses du Lac des Cygnes. Car le vin est subtil, délicat, dosant ses charmes à tout moment de son passage en bouche. Il est riche sans l’être, aérien sans l’être, car rien n’est imposé, tout est gracile ce qui est franchement étonnant de la part de ce solide vin. On l’a retrouvé dans sa forme plus virile sur la deuxième bouteille. Le bœuf bourguignon est un plat de plaisir campagnard. On se sent bien, la pomme de terre adoucissant la sauce.
Pour le dessert, un délicieux millefeuille à la vanille, nous avons bu un Champagne Delamotte Brut sans année absolument agréable compagnon du dessert excellent. Le Petit Sommelier est un restaurant agréable par la qualité des plats et par l’étendue intelligente de sa carte des vins. Le service est très professionnel et compétent. Que demander de plus ?