Historique dégustation de 38 Pol Roger jusqu’à 1892dimanche, 28 mai 2017

Peter est un écossais fou de champagne, dont la cave ne comprend que des champagnes. Il pousse sa passion au point de visiter tous les vignerons de la Champagne. Il organise des dégustations légendaires. C’est avec lui qu’à Londres j’avais goûté tous les millésimes de Pol Roger dans la cuvée Winston Churchill, tous présentés en magnums sauf un, le 1988, en jéroboam, qui fut le gagnant.

Ce soir nous sommes conviés à l’hôtel l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement pour une dégustation de 38 champagnes différents de Pol Roger, allant du brut sans année fait sur une base de 2001 jusqu’au 1892.

Nous sommes douze, réunis à 17 heures dans un salon pour trinquer sur le Champagne Pol Roger Brut magnum sans année. Il y a un finlandais, une lettone, deux allemands dont un vit à Londres, un anglais, deux néerlandais, un japonais (mon ami Tomo), Peter l’organisateur écossais, Hubert de Billy propriétaire avec sa famille de Pol Roger, Laurent d’Harcourt le président de Pol Roger et moi.

Nous bavardons en goûtant ce champagne récent un peu dosé à mon goût mais très agréable à boire et nous rejoignons rapidement la salle de dégustation qui nous a été réservée. Peter a organisé huit séries de champagnes sans suivre un ordre chronologique. Nous allons voyager dans le temps dans les deux sens. Matthieu, l’excellent sommelier assisté de plusieurs personnes va gérer les verres en en récupérant au fur et à mesure car le restaurant n’a pas 38 fois 12 verres à nous proposer. Seul français à part les dirigeants de Pol Roger, je me suis comporté en irréductible gaulois en décidant de garder tous mes verres car je pressentais que la photo que l’on pourrait faire de tous les verres des vins dégustés serait du plus haut intérêt.

Première série : Champagne Pol Roger Brut sans année sur une base de 2011 est le champagne qui se vend en ce moment. Dans très peu de temps le même champagne, sur base de 2012, arrivera sur le marché. Le nez est très lacté, très doux et je le ressens moins dosé que le champagne servi en magnum. Ce champagne de très belle tension est très agréable.

Le Champagne Pol Roger Brut sans année sur une base de 2008 a un nez de plus belle tension. En bouche le champagne est plus tranchant. Il a un beau volume et une belle longueur. C’est un champagne raffiné que je trouve très bon.

Le Champagne Pol Roger Brut sans année sur une base du début des années 90, probablement 1992 et 1993 a une couleur d’un or encore clair et un nez plus âgé frappé d’un léger bouchon, qui n’est presque pas sensible en bouche. Comme souvent, personne n’ose le dire. Je l’évoque en catimini avec mon voisin Laurent d’Harcourt qui confirme mon impression. Si on met de côté l’infime trace, le vin est élégant et frais.

Le Champagne Pol Roger Brut sans année sur une base des années 50 a peut-être plus de pinot noir que les plus jeunes bruts sans année. La couleur est ambrée. Le nez est très mature avec un peu d’amertume apparente. En bouche il est très frais, léger et aérien. Il est plutôt court, avec un finale imprécis. Globalement, il n’est pas très agréable.

Le Champagne Pol Roger Brut sans année Pint est d’un volume britannique de 58 cl intermédiaire entre la demi-bouteille et la bouteille. Ce volume a été utilisé jusqu’en 1973. Le champagne est donc probablement entre le champagne des années 50 et 1973, ce qui est cohérent avec la gradation des couleurs de cette série. Le nez est très doux. Le vin très agréable en bouche, lacté. Il est précis et de belle longueur.

Mon classement de cette première série est : 1 – Pint, 2 – base 2008, 3 – base 90s, 4 – base 2011, 5 – base 50s.

Deuxième série : Champagne Pol Roger 2002. Le nez est fabuleux. Le vin est très vif et très racé.

Le Champagne Pol Roger 1971 a une couleur déjà ambrée. Le nez montre des signes d’âge. Le vin est très pur, solaire, avec quelques signes d’âge. C’est typiquement le vin qui brillerait s’il était associé à un plat. Il est très joli.

Le Champagne Pol Roger 1947 est présenté sous deux formes. Le Champagne Pol Roger 1947 de dégorgement d’origine a un nez très doux. La bouche est suave. Il est fantastique. Il est un peu court mais il a tellement de charme.

Le Champagne Pol Roger 1947 dégorgé en 1981 a été étiqueté pour le mariage de Charles et Diana mais n’a pas été utilisé pour cet événement. Il est plus sec car il n’a pas été dosé au moment du dégorgement. Sa vivacité est extrême. Il est assez ensoleillé et agréable mais je préfère de loin le premier qui m’enchante.

Le Champagne Pol Roger 1928 a un nez qui n’est pas net. La bouche est de nettement meilleure présentation. C’est un témoignage très attachant. Ce vin m’étonne du fait de l’écart entre nez et bouche. Le vin a une grande longueur. Il est extrêmement passionnant.

Mon classement de cette deuxième série est : 1 – 1947 dégorgement initial, 2 – 1928, 3 – 2002, 4 – 1947 dégorgé en 1981, 5 – 1971.

Troisième série : Champagne Pol Roger magnum 1990. Le vin du verre de Laurent d’Harcourt est bouchonné alors que celui de mon verre ne l’est pas ce que Laurent, étonné, attribue à son verre. Ce champagne a beaucoup de corps. De belle prestance il est opulent. C’est un champagne glorieux, de couleur claire. Peter nous informe qu’un deuxième magnum a été ouvert, de moins bonne qualité que celui-ci.

Le Champagne Pol Roger 1964 a une couleur légèrement ambrée. Le nez est un peu fatigué. La bouche est superbe, en contraste avec le nez. C’est un vin glorieux et tellement raffiné. C’est mon goût.

Le Champagne Pol Roger 1953 est à peine plus ambré que le 1964. Le nez est très pur. C’est un vin magnifique, très grand, doux et je le préfère au 1964 déjà très grand.

Le Champagne Pol Roger 1934 a une couleur très claire pour son âge. Le nez est superbe. C’est un très grand vin.

Mon classement de cette troisième série est : 1 – 1953, 2 – 1934, 3 – 1964, 4 – 1990. Je suis subjugué par la performance extrême des trois premiers. Il y a des épices et du poivre et un goût très sec malgré le dosage ce qui est superbe.

Quatrième série : Champagne Pol Roger 1982 a une couleur très claire. Le nez est superbe et plein d’énergie. C’est un vin fantastique qui allie jeunesse et pleine maturité.

Le Champagne Pol Roger 1962 a une couleur plus claire que le 1982. Le nez est profond et romantique. En bouche il y a un peu de perlant et du bonbon anglais qui font que le vin n’est pas très équilibré. Mais c’est un vin intéressant. Il y a un peu trop d’acidité dans le finale et quand il s’élargit dans le verre, on sent le coing.

Le Champagne Pol Roger 1952 a un nez élégant mais avec une pointe d’amertume. La bouche est agréable mais ce n’est pas un champagne parfait. Quand il s’améliore, il devient très beau.

Le Champagne Pol Roger 1904 dégorgé en 1921 et rebouché en 1992 est bouchonné, rebutant, mais en bouche cela va beaucoup mieux. Il est très excitant et la douceur de son dosage est la meilleure de tout ce que nous avons bu. Nous nous sommes demandé quand est apparu le nez de bouchon et c’est de toute évidence au rebouchage.

Mon classement de la quatrième série est : 1 – 1952, 2 – 1962, 3 – 1982, 4 – 1904.

Cinquième série : Champagne Pol Roger 1995 est de couleur claire. Le nez est très expressif. En bouche c’est un très grand champagne sans âge, extrêmement accompli.

Le Champagne Pol Roger 1985 a un nez très puissant et très clair. Il est extrêmement vif. Je l’adore car c’est un très grand vin d’une grande année.

Le Champagne Pol Roger 1961 est un peu ambré mais pas trop. Le nez est désagréable. Le vin est amer et manque d’équilibre.

Le Champagne Pol Roger 1949 a un nez d’une douceur incroyable. Son élégance est rare. Alors qu’Hubert de Billy signale un petit manque de matière, je le trouve fabuleux, élégant et romantique.

Mon classement de la cinquième série est : 1 – 1949, 2 – 1985, 3 – 1995, 4 – 1961.

Sixième série : le Champagne Pol Roger Blanc de Blancs 1988 est clair avec un nez très limpide. Le champagne est parfait. C’est le champagne idéal qui mêle jeunesse et maturité.

Le Champagne Pol Roger Vintage 1988 est excellent aussi. Il est moins aérien et je préfère le blanc de blancs.

Le Champagne Pol Roger rosé 1988 a un nez superbe. Il est bien charpenté et de bel équilibre. Hubert de Billy est très surpris de le voir aussi brillant. C’est un grand rosé.

Le Champagne Pol Roger P.R. 1988 est à 50 – 50% entre pinot noir et chardonnay. Il est très clair, au nez profond. C’est un vin très lourd mais dans le bon sens du terme tant il est imprégnant.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1988 c’est la classe à l’état pur. Le vin est au sommet, parfait.

Mon classement de la sixième série de cinq 1988 est : 1 – Winston Churchill, 2 – Blanc de Blancs, 3 – rosé, 4 – Vintage, 5 – P.R.

Septième série : le Champagne Pol Roger magnum 1996 a un nez magnifique, fabuleux et tellement pénétrant. Le vin est très puissant avec des fruits comme la groseille à maquereau. Vraiment très puissant.

Le Champagne Pol Roger 1959 dégorgement d’origine a une couleur assez foncée. Le nez est assez fatigué mais il est plus réaliste que le « jeune » 1959 qui suit.

Le Champagne Pol Roger 1959 dégorgement vers 2000 a une couleur beaucoup plus claire. Le vin est très fluide et fait très jeune. Je préfère le dégorgement d’origine qui est plus conforme à ce que doit être un 1959.

Le Champagne Pol Roger 1937 a un nez fatigué. Le vin est très ambré. La bouche n’a rien à voir, elle est belle. C’est un joli vin qui me plait énormément même si le finale n’est pas totalement net. Je l’aime malgré ses défauts.

Le Champagne Pol Roger 1914 dégorgement d’origine rebouché en 99 ou 2000 est un vin étonnamment clair et ça me gêne. Le nez fait un peu étable mais discrètement. Le vin est agréable mais pas au niveau de ce que 1914 devrait être, année mythique. Il est à la fois doux et vif.

Mon classement de la septième série est : 1 – 1959 original, 2 – 1996, 3 – 1937, 4 – 1959 dégorgement tardif, 5 – 1914.

Huitième Série : Le Champagne Pol Roger 2008 est clair. Il est magnifique avec une largeur incroyable. Ce sera une vedette pendant un siècle.

Le Champagne Pol Roger 1979 est très agréable et élégant. Je signale du caramel et Hubert de Billy précise : crème brûlée.

Le Champagne Pol Roger 1966 est superbe, pas très large mais joli.

Le Champagne Pol Roger 1921 dégorgement d’origine est magique. Il n’est pas parfait mais il a l’âme de 1921. C’est un vin fantastique.

Le Champagne Pol Roger 1921 dégorgement janvier 1992 est très clair, au nez superbe, il est incroyable de vivacité.

Le Champagne Pol Roger 1892 a un nez qui n’est pas net mais la bouche est doucereuse. C’est un vin très charmant, doux, dont on sent le sucre.

Mon classement de la huitième série est : 1 – 1921 original, 2 – 1921 dégorgement tardif, 3 – 2008, 4 – 1966, 5 – 1892, 6 – 1979.

Autant on peut classer dans une série, autant il m’est impossible de classer tous les vins car la mémoire ne peut assimiler tous ces vins en les hiérarchisant. Il est probable que si nous avions suivi l’ordre chronologique dans un sens ou dans l’autre, j’aurais pu faire des hiérarchies globales mais j’apprécie aussi le choix de Peter de varier les périodes dans chaque série ce qui a maintenu nos sens en éveil.

Je suis impressionné par la qualité générale de tous ces champagnes. Le taux de rejet est extrêmement ténu et je suis étonné aussi de voir que des nez rebutants ne signifient pas du tout que la bouche le sera. Je suis personnellement plus favorable aux dégorgements d’origine mais j’admets volontiers que c’est mon goût qui me pousse à rechercher l’âme du vin dans son année, plutôt que rajeunie.

Les températures de service ont été excellentes, exactes, le service de l’équipe de sommellerie a fait un travail très professionnel. Hubert de Billy et Laurent d’Harcourt pensent que cette dégustation qui n’avait jamais été faite aussi extensive sera peut-être impossible à refaire. Nous avons participé à un événement historique.

Nous quittons la salle de dégustation pour que le personnel puisse préparer notre table pour le dîner au cours duquel nous boirons les « restes » et quelques bouteilles nouvelles sur un menu spécialement conçu par Arnaud Lallement pour nous. La fête continue !

après l’apéritif, travail sérieux. Peter debout au fond présente la dégustation

ensuite, nous sommes prêts à travailler