L’académie des vins anciens, pour sa 43ème édition, se tient au restaurant Macéo qui est le lieu privilégié depuis de nombreuses années. L’abondance des apports a été extrême au point que pour 30 convives, il y a eu 31 vins apportés par des académiciens généreux. Pour une première fois, j’aurais pu n’ajouter aucun vin de ma cave. Mais il se trouve que les plus généreux, qui sont invités à ma table, remplissaient à eux seuls ce que pouvaient boire deux tables.
Pour faire trois tables cohérentes, j’ai décidé d’ajouter 14 vins, ce qui fait que l’abondance existerait pour toutes les tables.
Voici les vins qui seront bus à l’apéritif et à chacune des tables.
Apéritif pour tous les participants : Magnum Perrier-Jouët Grand Brut NV (# 1970 à 1980) – Magnum Champagne Charles Heidsieck Brut réserve # 1985 – 3 bouteilles de Champagne Canard Duchêne 1973.
Vins de la table 1 : Champagne Dom Pérignon 1978 – Champagne Cristal Roederer 1947 – Vouvray Clovis Lefèvre 1959 – Château Laville Haut-Brion Blanc 1948 – Double magnum Château Gazin Pomerol 1975 (partagé) – Château Mauvezin Saint-Emilion 1937 – Château Mouton-Rothschild 1929 – Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1929 – Château Trotanoy Pomerol 1943 – Vosne-Romanée non-identifié 1903 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1972 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 – Châteauneuf-du-Pape Bessac Monopole 1933 – Châteauneuf du Pape, cardinal de Saint-Ange 1937 – Cru de Coy Enclave Yquem 1923.
Vins de la table 2 : Champagne Roederer années 50 – Champagne Dom Pérignon 1982 – Pinot gris Vins de Moselle 1981 – Double magnum Château Gazin Pomerol 1975 (partagé) – Château du Glana Saint Julien 1952 – Chateau Cantenac Brown Margaux 1959 – Château Soutard Saint-Emilion 1955 – Château Figeac Saint-Emilion 1955 – Beaune Henry Girodit 1937 – Corton Hospice de Beaune 1967 – Château Lange Sauternes 1966 – Château d’Arche Pugneau Sauternes 1923.
Vins de la table 3 : Champagne Ruinart années 50 – Vouvray Clovis Lefèvre 1959 – Clos de la Coulée de Serrant Mme Joly 1983 – Meursault Genevrières domaine Latour Giraud 1987 – Double magnum Château Gazin Pomerol 1975 (partagé) – Château Canon Saint-Emilion 1971 – Château Trottevieille 1945 – Aloxe Corton Successeurs Girodit Henry 1934 – Amarone della Valpolicella 1947 – Gewurztraminer Spaetlese 1970 – Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1970.
Si la table 1 a plus de vins que les autres c’est parce que les plus généreux des convives ont vu leurs vins partagés dans les deux autres tables et comme les apporteurs aiment boire les vins qu’ils ont apportés, j’ai dû leur laisser à la table 1 un plus grand nombre de leurs apports.
Comme à chaque académie j’avais fixé des dates limites pour s’inscrire, pour payer sa participation et pour apporter ses vins aux lieux prévus, et comme d’habitude les dates limites ne sont pas respectées, ce fut une fois de plus le cas. C’est la vie !
Il est intéressant de voir les millésimes qui seront bus à chaque table :
Table 1 : 1903 – 1923 – 1929 – 1933 – 1937 – 1937 – 1943 – 1947 – 1948 – 1959 – 1972 – 1972 – 1975 – 1978 – 1985.
Table 2 : 1923 – 1937 – # 1950 – 1952 – 1955 – 1955 – 1959 – 1966 -1967 – 1975 – 1981 – 1982.
Table 3 : 1934 – 1945 – 1947 – # 1950 – 1959 – 1970 – 1970 – 1971 – 1975 – 1983 -1987.
Jamais nous n’aurons eu à l’académie autant de millésimes mythiques, avec 23 vins d’avant 1960. C’est vraiment une académie de vins anciens.
Béatrice, l’amie qui range les bouteilles vides dans la grande salle où je garde les plus belles m’a aidé à rassembler tous les vins de cette séance que j’avais reçus. Elle va aider à l’ouverture des vins et ensuite fera le service des vins d’une des tables, en complément du service fait par Adrian Williamson, le directeur du restaurant et l’un des serveurs.
Des amis me rejoignent pour l’ouverture des vins. Beaucoup de bouchons sortent déchiquetés car il y des goulots non cylindriques dont les surépaisseurs déchirent le liège. Quelques vins ont des odeurs de bouchon qui disparaîtront peut-être. Les bouchons des deux vins du domaine de la Romanée Conti sont les plus durs à tirer. L’un d’eux tombe dans le liquide et Béatrice arrivera à l’extraire et à remettre le vin dans la bouteille.
Les amis des ouvreurs sont généreux. L’un ouvre un Pouilly-Fuissé Pascal Renaud Vieilles Vignes 2021 simple mais agréable à boire. Un autre a apporté un Puligny-Montrachet Clos de la Garenne Alvine Pernot 2022 que je trouve gourmand, rond et joyeux. Un autre ami a apporté un Riesling allemand Fritz Schäfer 1970 qui a le charme des vins doux allemands. Un autre a apporté un Chassagne-Montrachet Caroline Morey 2022 délicat. C’est la débouche de générosité.
Un fidèle académicien a apporté un comté 36 mois et un camembert à la truffe noire qui ont mis en valeur les vins jeunes de cette séance d’ouverture des vins.
Comme si nous manquions de vins alors que l’apéritif n’est pas encore lancé, nous ouvrons l’un des trois Champagne Canard Duchêne 1973 que j’ai apportés et je le trouve beaucoup plus charmant que ce que j’attendais.
Les participants arrivent et sont à l’heure ce qui permet de lancer l’apéritif.
Le Magnum Champagne Charles Heidsieck Brut réserve # 1985 est de belle présence mais il apparait que le Magnum Perrier-Jouët Grand Brut NV (# 1970 à 1980) est beaucoup plus élégant et fin, de grand plaisir et le Champagne Canard Duchêne 1973 est le plus gourmand.
Nous passons à table. Le menu préparé par le chef du Macéo est : Saint-Jacques en carpaccio, vinaigrette de clémentine, huile basilic et endive rouge / foie gras de canard mi-cuit, condiment coing, pain de campagne / canette de barbarie et topinambour caramélisé, oignons au vin rouge / trio de fromages de saison de Jean-Yves Bordier / tarte Tatin, feuilletage maison.
Mis a part le carpaccio de Saint-Jacques d’une acidité difficile à supporter pour les vins, le menu bien exécuté a servi de support élégant pour tous les vins.
Le premier vin du repas est le Champagne Dom Pérignon 1978. Il est large et plaisant, si facile à boire car il est convaincant.
Le Champagne Cristal Roederer 1947 a une couleur très foncée. Lorsqu’on s’habitue à son goût on comprend que ce champagne est raffiné, un peu fatigué, mais porteur d’une belle élégance. On l’aime.
Le Vouvray Clovis Lefèvre 1959 a un nez de bouchon qui n’apparaît pas trop en bouche. Le vin qui hésite entre vin sec et vin doux a relativement peu d’intérêt.
Le Château Laville Haut-Brion Blanc 1948 est fortement ambré ce qui est curieux pour ce vin qui garde le plus souvent une couleur claire sans aucun signe d’âge. Le vin est bon mais pas complètement parfait.
Un ami a apporté un Double magnum Château Gazin Pomerol 1975 qui est partagé entre toutes les tables. Je le trouve élégant, précis et de grand plaisir. C’est un pomerol de belle race et agréable à boire.
Le Château Mauvezin Saint-Emilion 1937 a tout le charme des vins de 1937. Il est extrêmement élégant et a conservé une belle jeunesse.
Le Château Mouton-Rothschild 1929 est un grand vin solide et noble. Quel beau cadeau de l’ami qui l’a apporté. Il est servi en même temps que le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1929 que je trouve plus brillant et plus profond que le très beau Mouton. Avoir ces deux vins de 1929 dans un dîner de l’académie est un privilège lié à la générosité des académiciens.
Je savais depuis longtemps que le Château Trotanoy Pomerol 1943 est un vin brillant. Et il l’est. Quel plaisir et quelle jeunesse ! Il est d’une grande précision raffinée.
Un ami a apporté le vin le plus vieux du repas, un Vosne-Romanée non-identifié 1903. En le goûtant, je ressens un choc. Ce vin me fait entrer dans le monde des ‘vrais’ vins anciens, dans ‘mon’ monde et je suis complètement ému. Mon cerveau voyage dans ce monde avec émotion et j’adore ce vin, de quelque domaine qu’il vienne. C’est un choc de bonheur.
Lors du discours du début de repas, j’avais dit que la générosité est comme le jeu de Jokari. Quand on lance la balle très fort et très loin, elle revient très fort et très loin. Un jeune ami, pour sa première académie, avait apporté un vin de la Romanée Conti de 1972. J’ai renvoyé la balle en apportant aussi un vin de la Romanée Conti de 1972. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1972 de ma cave est hélas peu convaincant, fatigué et imprécis.
Heureusement, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 du jeune nouveau est beaucoup plus agréable à boire. Il a de légers signes de fatigue, mais on le boit avec plaisir.
Ce qui est fascinant avec les vieux Châteauneuf-du-Pape c’est qu’ills ne montrent aucun signe d’âge et restent joyeux et gourmands. Le Châteauneuf-du-Pape Bessac Monopole 1933 est un vin de pur plaisir, qui se boit avec bonheur. Il a tout pour séduire.
Le Châteauneuf du Pape, cardinal de Saint-Ange 1937 n’a pas le caractère brillant du 1933 mais il est extrêmement agréable à boire lui aussi.
J’ai voulu répondre à la générosité de mes voisins de table en apportant un vin que j’adore, le Cru de Coy Enclave Yquem 1923. La robe est très foncée, la bouteille soufflée est très ancienne et la capsule dorée était brillante comme un bijou. Ce sauternes est miraculeux. Il est large est complexe, gourmand et très long. Il est mis en valeur par la tarte Tatin. C’est un bonheur pur.
Je crois que nous n’avons jamais eu un programme aussi riche que celui-ci. Il y a eu quelques vins faibles, mais très peu.
Mon classement serait : 1 – Vosne-Romanée non-identifié 1903, 2 – Cru de Coy Enclave Yquem 1923, 3 – Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1929, 4 – Château Trotanoy Pomerol 1943, 5 – Châteauneuf-du-Pape Bessac Monopole 1933, 6 – Double magnum Château Gazin Pomerol 1975.
Ce qui est intéressant c’est le nombre de très jeunes amateurs qui se passionnent pour les vins anciens. La relève de ce que j’ai créé avec cette académie sera sans doute présente, au moment où je me retirerai pour que se perpétue l’amour des vins anciens. Il n’y a pas eu d’académie aussi généreuse que celle d’aujourd’hui.