Solution de l’énigme associée au bulletin n° 762 lundi, 22 janvier 2018

Rappel de l’énoncé :

« comment faire 320 avec cinq villes françaises ? »

Toutes les explications et tous les raisonnements sont possibles s’ils arrivent au résultat.

En cas de pluralité de raisonnements qui donnent la solution, les différents auteurs arrivés premiers seront considérés comme gagnants.

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Une fois de plus, la rapidité des réponses a été spectaculaire et l’inventivité sans limite. J’avais ouvert largement les possibilités de gagner et j’ai été obligé de les restreindre en m’en tenant au fait que les cinq villes devaient « faire » 320 et non pas « pouvaient conduire » à 320. Une myriade de solutions où l’on tenait compte des départements, des codes postaux, des superficies des villes, des superficies des vignobles, des nombres de vignobles et toutes autres sortes de critères « conduisaient » à 320 mais ne « faisaient » pas 320 ou du moins les villes elles-mêmes ne le faisaient pas.

Il y a malgré tout deux réponses que j’ai validées et comme je l’ai expliqué à plusieurs des répondants, la « Fédération des énigmes de François Audouze » n’ayant pas encore imposé l’arbitrage vidéo, je me sens autorisé à définir seul qui est gagnant.

La réponse 1 a été trouvée le 15 janvier à 21h22, un peu plus d’une heure après la parution du bulletin. La voici : « Troyes Foix Sens Sète Autun ». J’ai éliminé toutes les solutions où une ville était répétée deux fois, où il y avait des « et », des parenthèses, etc.. Il fallait la solution pure, trouvée très vite.

La réponse 2 à laquelle je n’avais pas pensé m’a plu, car elle est d’une rare originalité, une seule personne l’ayant proposée contrairement à la solution 1 qui a été proposée de très nombreuses fois. L’auteur a eu la gentillesse d’ajouter les codes postaux pour que je vérifie.

« Troyes Sens Quarante (34310) Moingt (42600) Vains (50300) ». Les villes existent. Il y a un petit problème de prononciation sur Sens, mais la solution est tellement belle que je l’ai acceptée.

Les deux gagnants ont été prévenus. Une date de déjeuner a été trouvée. Et nous partagerons une bouteille de Bonnes-Mares Grand Cru domaine Clair-Daü 1961 et bien sûr d’autres vins.

Merci à tous de votre ingéniosité. Contrairement à l’énigme sur la Vénus de Milo je ne joins pas les réponses reçues, car il y a beaucoup moins de poésie dans les réponses qui ont été faites, même si l’imagination est débordante.

Merci à tous et à la prochaine énigme. N’oubliez pas de lire mes bulletins, de lire mon blog et bien sûr de venir aux événements que j’organise, dîners et séances de l’académie des vins anciens. Car l’important est que les vins anciens qui existent dans les caves, dont la mienne, soient bus.

Le chef du restaurant Le Gabriel cuisine à la Manufacture Kaviari vendredi, 19 janvier 2018

La Manufacture Kaviari organise des « repas de chef » en invitant des chefs à venir cuisiner en inventant un menu fondé sur les caviars Kaviari. J’avais assisté à celui fait par Valérie Costa, chef de la Promesse à Ollioules et je vais assister à celui fait par Jérôme Banctel, chef du restaurant Le Gabriel situé au sein de l’hôtel La Réserve à Paris. Etant invité et sachant que l’événement est sponsorisé par la maison Billecart-Salmon, j’ai envie d’apporter un vin dont je pense qu’il s’intégrera bien dans ce type de dîner.

Nous sommes huit à dîner dont Karin Nebot directrice générale de Kaviari qui nous reçoit, Alexandre Bader représentant les propriétaires de la maison de champagne Billecart-Salmon, le directeur de La Réserve, un couple d’amateurs de bonne chère et de bons vins, un photographe qui réalise des portraits de haut intérêt et une personne qui travaille avec Karin. Arrivé en avance, on me sert un verre du Champagne Billecart-Salmon Brut Magnum sans année qui me semble fermé et amer. J’aurais tendance à l’écarter. On me sert un verre du champagne en bouteille au lieu de magnum et je ressens la même amertume, ce qui m’indique que c’est mon palais qui n’est pas réceptif. C’est un appel à goûter un peu de caviar pour remettre en place mes organes sensoriels. Le caviar Kristal Kaviari est légèrement ambré et vient de Chine. Il joue son rôle car le champagne devient plus amène, même si je trouve qu’il est quand même un peu fermé. Mais c’est un très bon accompagnateur du caviar.

Nous bavardons avec les arrivants et lorsque j’annonce à Jérôme Banctel mon apport de vin que j’imagine pouvoir cohabiter avec la volaille prévue au menu, le chef a immédiatement la bonne réaction. Il me dit qu’il fera servir la volaille d’abord sans sauce pour aller avec mon vin, puis avec sauce pour le champagne. J’aime quand on se comprend ainsi à demi-mot.

Le menu composé par Jérôme Banctel est : apéritif et caviar service à la française / œuf coque, caviar, espuma cresson / meringue, tourteau, wasabi, caviar / volaille Cour d’Armoise, coussinets d’épinard, caviar, raifort / saint-nectaire et champignons / grain de café meringué, crème glacée au sirop de merisier / mignardises.

Nous commençons à déguster le caviar Kristal avec gourmandise. Un détail mérite d’être signalé. Alors que nous avons abondamment goûté le caviar sans rien, soit sur des blinis soit juste à la cuiller en bois, je tartine un morceau de pain avec du beurre et le caviar exprime beaucoup plus de sel. Je dis à Karin : « le beurre salé donne un coup de fouet de salinité au caviar » et Karin me répond : « mais, le beurre n’est pas salé ». C’est très intéressant car le beurre bien gras a joué comme un amplificateur du sel du caviar et cela m’a beaucoup plu.

L’œuf coque est un ami naturel du caviar. J’avais peur du cresson mais en fait il est traité avec douceur et l’accord se trouve bien. A côté de l’œuf, une « mouillette » est un bâtonnet de pain épicé assez mou. J’en fais la remarque à Jérôme car j’attendais plutôt un stick ferme mais Jérôme confirme que c’est son choix.

Il est indispensable de manger chaque meringue en une seule fois pour profiter d’un accord sucré/salé très pertinent. Le wasabi et le tourteau forment avec le caviar sur la meringue un accord original très intéressant, peut-être le plus inventif du repas.

Jérôme a ajouté une surprise qui est pomme de terre, crème et caviar. La présentation de la pomme de terre est curieuse et je ne comprends pas ce plat que je me force à manger comme d’autres sans éprouver le moindre plaisir. Personne n’a osé poser de question et je n’ai pas compris ce plat que j’aurais volontiers laissé de côté.

La volaille a une chair d’une tendreté infinie et elle forme avec mon vin un accord sublime. Le Côtes du Jura Robert Jeannin 1973 a une couleur d’un or clair, beau comme une peau de pêche. Le nez exhale une noix luxuriante. Ce parfum est tout en charme. La noix du vin résonne avec la noix du caviar de parfaite façon et la chair tendre et délicate de la volaille bénit cette union. Le plat est magistral et les à-côtés sont très cohérents, même le raifort justement dosé. Le champagne et le vin du Jura se fécondent, le Côtes du Jura élargissant le champagne qui, en retour, donne au vin de la fraîcheur. Cet accord à quatre, volaille, caviar, champagne et vin, est un sommet gastronomique.

L’association entre un saint-nectaire bien moelleux et des tranches fines de champignon de Paris est aussi d’une extrême délicatesse. On peut boire aussi bien le vin que le champagne sur cet intelligent fromage.

Je tombe amoureux de la texture du dessert. Ce grain de café meringué est d’une mâche invraisemblable, marqué par la fraîcheur et la légèreté. Ce dessert est fou.

Le Champagne Billecart-Salmon Brut sans année bu soit en bouteille soit en magnum est un très agréable compagnon pour les saveurs multiples de ce dîner. Le vin du Jura a contribué à lui apporter une vibration positive supplémentaire.

La meringue au tourteau est le plat le plus original combinant sucré/salé et fraîcheur. La chair de la volaille est sublime et a porté l’accord avec le Côtes du Jura. La mâche du grain du café est d’une luxure infinie. Il suffit de ces trois merveilles pour avoir passé un dîner de haute gastronomie sur le support d’un caviar goûteux au sel remarquablement dosé.

Il faut vite revenir !

Le chef Jérôme Banctel jonglant avec le caviar (par le photographe Stéphane de Bourgies présent à ce dîner)

    

Enigme de début d’année lundi, 15 janvier 2018

Énigme :

« comment faire 320 avec cinq villes françaises ? »

Toutes les explications et tous les raisonnements sont possibles s’ils arrivent au résultat.

En cas de pluralité de raisonnements qui donnent la solution, les différents auteurs arrivés premiers seront considérés comme gagnants.

Récompense :

Le ou les gagnants de l’énigme partageront avec François Audouze lors d’un déjeuner une bouteille de Bonnes-Mares Grand Cru domaine Clair-Daü 1961.

Some statistics mercredi, 10 janvier 2018

As I have time during vacation, I have computed the data that I have on the wines that I have drunk. I drink old wines since 1975 but I have data only since end of 2000.

Here are the wines per year that I have drunk for the last 17 years. When I have drunk only one wine for one vintage there is no number in parenthese. I have drunk 177 different vintages.

Here are the 30 vintages that I have drunk more than 100 times, considering only vintages before 1991.

I have drunk :

1 wine of the 17th century

8 wines of the 18th century

316 wines of the 19th century

10.408 wines of the 20th century

4.069 wines of the 21st century

I wanted to go further in the analysis and hereis what I wrote :

As I had decided to write on all what I drink since end of 2000, I have data that I can analyze as I wish. It concerns nearly 15,000 wines on which I have notes.

I know that my trip in the world of wine does not represent the normal trip which is generally followed, but it could be interesting to give you some remarks on the way I have drunk wine on the last 16 years. I have divided the 16 years in periods of 4 years and I have tried to see if there are evolutions or tendencies.

There is no pretention, no will to show, just the will to give a testimony.

I drink old wines since 1970 but seriously since 1975. As my first notes were made end of 2000, there are 25 years of great wines for which I have no notes, and it makes me sad. My fault.

In the first period analyzed, 2002 – 2005, I was not very well known so the events that I could create to drink wines were less numerous as in the three periods of 4 years which follow.

The period when I have drunk the greatest number of wines is 2006-2009 with 4,159 wines. This represents 20 wines per week, nearly 3 per day. Said like that, one could think that I drink much too much but I have two remarks : when there is an official tasting in fairs or in a Domain, I drink only a sip of each wine. The second remark is that except for champagnes; I spit nearly every wine that I drink, in any circumstance, family, winery, restaurant and so on. All the restaurants where I go know that I will use my silver timbale.

The first thing which appears is that my consumption of Bordeaux (including red, white and liquorous) has been divided by two on this period. Bordeaux was 32% of what I drink and now is 15,7% on the last 4 years.  The reasons could be that I have a greater interest in Champagne which represented less than 20% and is now at 33,6%.

There could be some other reasons : in restaurants, it is no more possible to order great Bordeaux because the prices are crazy. Another reason is that I have discovered the world of old champagnes to which I allow significant budgets. The number of champagnes drunk has exploded and the age of the champagne that I drink come from 16 years to attain 23 years now.

More and more I consider that for each penny that I put in buying wines, the pennies put on old champagnes give me a greater pleasure when I drink them.

The Bordeaux that I still drink are older and older because I take them from my cellar and less from restaurants.

The fact that I open generally on 16 years more than 2 sweet wines per week, mainly Sauternes, is significant, because in the general trend of ignoring sweet wines, I continue to open these wines. It is due to my love for very old sauternes.

I have calculated the average age of wat I drink. If I drink a 1990 in 2005 it has 15 years and if I drink it in 2015 it has 25 years. Globally The average of what I drink has 30 years, among which the sweet wines have more than 50 years.

I wanted to go deeper in the analysis in keeping only wines having 20 years or more. Approximately I drink 50% of wines above 19 years and 50% of less than 20 years. For someone who is considered as drinking only old wines the young wines that I drink are very significant. This is due to what I drink in restaurants, in Domaines and in wine fairs.

If the wines have 20 years or more, their average age is 50 years and it has not changed on the 16 years. For Rhône and Champagne, my interest for old wines has extremely expanded in terms of age. As it can be imagined, old wines (20 years or more) represent nearly 80 of what I drink in liquorous because I do not see the interest in drinking young sweet wines. Same is for Bordeaux with 77% of wines having 20 years or more because for me a Bordeaux of less than 20 years does not provide what I expect.

I drink more than 8 old wines per week, so, more than one per day. This could mean that I have a certain passion for old wines!

There is a factor that I have not considered up to now, it is my age. As I grow older, white wines, even if I spit represent a heavier weight on my body. Champagne is what I can drink more easily, even I do not spit. In summer, heavy wines are difficult to drink, when champagne is easily consumed.

So, my testimony would be as following :

  • The craziness of prices for Bordeaux has pushed to abandon buys of Bordeaux and to avoid Bordeaux on the wine list of restaurants
  • I have discovered old Rhône and I try to drink them
  • My love for old champagnes has transformed my life of wine lover.
  • I continue to love old wines and even if the wines available on the market have not the same quality as what I used to buy 40 years ago, I continue to buy and drink these wines which give me unparalleled pleasure.

I hope that this text was not too boring to read. I do not pretend to represent the world of wine which has so much changed in the last 20 years (problem of fakes and too early consumption of wines which are not ready to be drunk), but I thought that my testimony could be of interest even if tiny.

I have tried to see for the vintages that I have drunk the most if there is a tendency. To my surprise I see that on the last 4 years I have drunk less wines from these cherished vintages.

Déjeuner avec des vins de plus de 140 ans samedi, 6 janvier 2018

Nous nous retrouvons tous au petit-déjeuner dans la salle à manger. Nous évoquons bien sûr le magique dîner de la veille. Je vais me mettre à écrire le compte-rendu avant le déjeuner et Lucien-François et son épouse nous quittent. Hugues et sa fille ont l’humeur exploratrice. Hugues souhaite que je goûte les Rully blancs du domaine de la Folie dont il est actionnaire et Victoria est curieuse de goûter un « bon » Constantia.

Nous retournons fureter dans la collection de vins liquoreux d’Hugues et Victoria déniche un Constantia qui lui paraît de bonne constitution. Je le prends en mains et je pense aussi que cette bouteille devrait convenir.

Victoria aimerait goûter un vin de Chypre. L’étiquette est illisible mais par assimilation avec d’autres, c’est presque sûrement un Chypre de 1870. C’est à Hugues de vouloir que nous essayions un Rhum Saint-Martin 1864. Il y a une bouteille à moitié pleine et Victoria croit en elle. Je la regarde et je suis plus circonspect, car la couleur est d’un orangé un peu gris et l’alcool semble trouble.

Hugues serait favorable à ce qu’on ouvre une bouteille de niveau parfait mais je calme ses ardeurs car nous ne sommes que trois buveurs . En rester là me semble la sagesse. Nous remontons toutes les bouteilles et je procède aux ouvertures. Les deux Rully 2015 ont des bouchons Diam de liège reconstitué très compacts et difficiles à retirer mais qui ont bien joué leur rôle.

Le Constantia 1861 a un bouchon de belle qualité contrairement à ceux d’hier. Le parfum du vin est superbe. Ouf ! Le Chypre 1870 a aussi un beau bouchon mais qui se brise en morceaux. Un ou deux tombent dans le liquide mais ça ne m’effraie pas car la qualité du liège permettra d’éviter une déviation du vin. Le parfum du Chypre semble plus vif et plus cinglant que celui du Constantia plus doux.

Le bouchon du rhum 1864 est très court et a laissé la place à l’évaporation. Le parfum du rhum me semble poussiéreux et faible. Nous verrons.

A déjeuner nous avons un plat fait de poissons variés avec une sauce en forme de bisque. Le Rully Clos du Chaigne domaine de la Folie 2015 a un joli nez expressif. Il est plutôt doux alors que le Rully Clos Saint-Jacques domaine de la Folie 2015 est beaucoup plus tendu. Hugues, comme la délicieuse cuisinière, préfèrent le Clos du Chaigne mais je préfère le Clos Saint-Jacques plus tendu, car la douceur du précédent fait apparaître un certain manque de corps.

Le dessert au chocolat et crème de marron d’hier est idéal pour accompagner les vins doux. Le Constantia J.P. Cloete Afrique du Sud 1861 est incroyablement sucré. Il a un goût de raisins de Corinthe pressés. On dirait un Passito di Pantalleria, le muscat sicilien fort sucré de Carole Bouquet. Le Vin de Chypre 1870 au contraire est d’une grande vivacité. Il n’est pas parfait car il a une petite amertume excessive dans le finale, mais il est d’un tel charme fondé sur du poivre et de la réglisse qu’il parle à mon cœur. Il a un cousinage certain avec « mes » Chypre 1845 qui sont encore plus longs en bouche.

Les deux vins sont absolument remarquables et très différents, l’un doucereux, l’autre piquant de raffinement. Et le chocolat convient idéalement.

Victoria voulait tellement que le Rhum Saint-Martin 1864 au niveau bas soit bon que son souhait a été entendu. Tout ce qui paraissait amer a disparu et le rhum chaleureux a exposé sa rondeur, sa douceur, avec une grâce infinie.

Je ne ferai pas de classement car les trois vins ou alcools doux ont été, chacun dans son genre, des moments d’intense émotion. Cette immersion dans un trio de vins de plus de 140 ans est un grand moment de bonheur. Quel beau séjour chez des amis charmants.

Chypre 1870

Constantia 1861

Rhum 1864

le gâteau au chocolat idéal !

Dîner chez des amis avec des vins antiques samedi, 6 janvier 2018

Pendant plusieurs années j’ai été membre de l’Automobile Club de France. Des amitiés se sont nouées et il arrivait bien sûr que l’on parle de vin. Un des membres, Hugues, m’avait parlé de bouteilles anciennes qu’il a dans sa propriété du sud qui ont des analogies singulières avec des bouteilles de ma cave, des pourtours de la Méditerranée ou des îles méditerranéennes, vins liquoreux qui m’enchantent.

Vingt ans plus tard, un ami avec lequel je m’étais battu sur des circuits avec des voitures rouges recrée le contact avec Hugues. Nous déjeunons et un rendez-vous est fixé pour passer une soirée ensemble dans la demeure d’Hugues. Nous serons sept, Hugues et sa femme qui nous reçoivent, Lucien-François et son épouse, la cinquième fille d’Hugues, ma femme et moi.

Lucien-François nous rejoindra à l’apéritif du soir. J’arrive avec ma femme à l’heure du café. La demeure d’Hugues est implantée sur la place circulaire d’un village anciennement fortifié où la mairie est flanquée de la police municipale, elle-même flanquée de l’école communale. Sur l’autre façade de l’immense bastide une terrasse où nous prenons le café offre une vue sur la mer et les plaines du sud de Grasse. On voit Nice, la frontière italienne et Cannes est cachée par une colline. La famille d’Hugues vit dans cette demeure depuis quatre siècles et le panorama a changé du fait de l’urbanisation galopante de terres autrefois dévolues aux plantes aromatiques qui composent les parfums de Grasse.

La terrasse encaissée entre deux maisons me fait penser aux terrasses des maisons de Vézelay. Des orangers sont rangés le long des murs. Une orange tombée sur la pelouse me tente. Elle est légèrement acide mais délicieuse.

Nous allons maintenant nous consacrer aux vins du dîner. Hugues propose un jeune chablis mais il a lu dans mes écrits que j’aime ceux de Long-Dépaquit. Je lui demande s’il en a de vieux et il me dit qu’il a des 1966 en lesquels il n’a pas une grande confiance, les récents essais ayant été peu concluants. J’aime fanfaronner et je déclare sans avoir vu la bouteille : ce chablis sera bon. Hugues va chercher une bouteille de Chablis Moutonne Long-Dépaquit 1966. La bouteille n’a pas d’étiquette mais la capsule confirme le nom du vin. Seule l’année est absente. La couleur du vin me tente et je confirme ma fanfaronnade en disant : il sera bon.

Hugues a préparé pour les rouges un Chambolle-Musigny 1995 qui a belle allure, un Mercurey et trois Rully de la même maison de 2012, 2014 et 2016. Hugues suggère que l’on prenne un jeune Rully et je lui demande s’il en a de vieux. Il est en effet actionnaire du domaine et les dividendes versés le sont en liquide. Le plus vieux millésime qui date de sa prise de participation est 2009. Nous irons chercher un 2009 en cave. Pour compléter le programme nous descendons dans la cave qui est assez extraordinaire. Elle est voûtée, et la hauteur de la voûte dépasse les cinq mètres car ici on faisait du vin, avec une cuve de vinification pour les blancs et une pour les rouges. On dirait que le temps s’est arrêté il y a trois siècles.

Hugues a gardé des bouteilles poussiéreuses du vin local. Certaines sont vides ou quasi vides. Nous en prenons deux, une à mi-hauteur sans grand espoir et une de beau niveau et nous prenons un magnum du Rully 2009.

La séance des ouvertures commence. Le chablis a l’élégance de confirmer ma fanfaronnade, il sera grand. Le Chambolle-Musigny Guy Cocquard 1995 a un nez prometteur. Le Rully Clos de Bellecroix Cuvée Marey domaine de la Folie 2009 a un nez encore timide mais je crois en lui.

La bouteille à moitié pleine du vin local a un nez horrible. La tentation est grande de le jeter à l’évier et je vois des têtes étonnées lorsque je dis : « ne jetons pas, les miracles ne sont jamais exclus ». Ma remarque est plus pédagogique que réelle, car le vin ne sera pas buvable, mais ce qui est étonnant, c’est que toutes ses mauvaises odeurs auront disparu quelques heures plus tard.

Le dessert sera au chocolat et à la crème de marron. Il faut un vin de dessert, ce qui est un appel à aller voir la collection de vins anciens liquoreux d’Hugues. Je suis sidéré de trouver des bouteilles qui ont la même façon de poser la cire sur les bouchons, les mêmes petites étiquettes carrées et jaunies et les mêmes étiquettes de cahiers d’écoliers que les bouteilles que je possède des mêmes vins. Mais il y en a d’autres que je n’ai pas. C’est de cas du Constantia d’Afrique du Sud dont l’étiquette dit qu’il a obtenu une médaille d’or à une exposition universelle de 1855. De quand datent ces vins, c’est difficile à dire mais ce pourrait être 1861 car Hugues me montre le menu d’un repas tenu le 29 octobre 1934 qui comportait des vins de cette collection dont un Constantia 1861. Partons sur cette idée.

La tentation est grande d’essayer ce vin. Après de longues hésitations, nous prenons trois bouteilles : une totalement vide dont le vin s’est évaporé, une à moitié pleine et une totalement pleine.

J’ai envie d’ouvrir en premier la totalement vide pour l’odeur mais la fille d’Hugues préfère la garder intacte. J’ouvre ensuite celle qui est à moitié pleine. Le bouchon est conique, en forme de « V » car le goulot a lui-même cette forme conique. Le nez est fade. Le liquide que je verse dans un verre est noir, avec des morceaux de lie. Je goûte et c’est affreux, il me faut cracher au plus vite.

La bouteille de Constantia J. P. Cloete Afrique du Sud 1861 qui est pleine a un bouchon qui ne me plait pas, avec des traces noires. Et contrairement au précédent bouchon qui ne pouvait pas glisser, celui-ci tombe dans le liquide. Il faut vite carafer. Le liquide est épais et noir. Il sent mauvais. Je demande qu’on le laisse respirer sans goûter. Hélas, je constaterai après le dîner qu’il ne reviendra jamais à la vie, ayant un goût aqueux de lavasse.

Nous n’avons pas de vin de dessert. J’avais vu dans la collection des bouteilles de Sherry du Cap 1862. Nous en ouvrirons une en fin de repas avec l’accord d’Hugues.

Nous allons tous dans nos chambres nous préparer au dîner et à 20h30 nous nous retrouvons dans un agréable salon avec une cheminée qui crépite, autour d’un Champagne Pol Roger. Il est agréable et de bonne soif mais il est vite asséché. Hugues sert un chablis qu’il aime mais je le trouve dévié et je n’insiste pas.

Le menu préparé par la femme d’Hugues est : tartare de saumon sur un lit de fenouil / cuissot de sanglier aux deux purées de pomme de terre et de céleri / fromages de chèvre / dessert au chocolat et à la crème de marron.

Le Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit 1966 a une robe d’une rare jeunesse. Le nez est subtil. Ce qui est fascinant c’est que ce chablis n’a pas d’âge. Si on disait qu’il est de 2010, on ne se tromperait pas. Equilibré, serein, noble et plein, c’est un chablis parfait et le plat dans toutes ses composantes lui convient.

Le Chambolle-Musigny Guy Coquard 1995 est très agréablement construit. Il est fruité, mais il est un peu scolaire, plaisant à boire mais sans grande émotion.

Le plaisir est beaucoup plus grand avec le Rully Clos de Bellecroix Cuvée Marey domaine de la Folie 2009 qui est beaucoup plus intéressant. Il pianote ses complexités avec beaucoup de charme. Ce n’est pas un vin puissant, c’est un vin de subtilité. Le mariage avec le délicieux cuissot est idéal.

Hugues n’en revient pas car il connaît par cœur le chablis et le Rully et il constate qu’ils s’expriment infiniment mieux du fait de l’aération qu’ils ont eue pendant plus de cinq heures. Nous sommes tous heureux de faire ce constat car les trois vins se sont présentés au mieux de ce qu’ils peuvent offrir, c’est-à-dire beaucoup.

J’ouvre le Sherry du Cap 1862 et dès le premier nez je jubile. Je le fais sentir à Victoria, la fille d’Hugues et je lui dis : « un tel parfum, c’est la récompense de ma passion, c’est ce que je guette avec attention ». Le parfum est très proche de celui de mes vins de Chypre, tout en douceur.

La surprise sera avec la bouche qui n’a rien à voir avec le premier nez. Le gâteau a été fait avec du beurre salé. En buvant le Sherry, ce qui s’impose en premier, c’est le sel. Puis le vin est diablement sec en bouche et il finit sur une longueur impressionnante virevoltant sur des saveurs sèches. Cet alcool, ou plutôt ce vin car l’alcool est faible, est insaisissable et nous emmène sur des pistes inconnues. Je l’adore car il est racé. Ce qui m’étonne c’est que le nez dans les petits verres n’a rien à voir avec le nez à l’ouverture. Le doucereux fugace a disparu.

Le repas fini nous revenons au salon et Hugues nous sert un cognac maison fait par ses ancêtres. En le goûtant il me fait penser à des cognacs Hardy du 19ème siècle. Hugues me confirme qu’il s’agit très probablement d’un Cognac 1860. Il a des intonations de caramel. Il est délicieux et contribue à doper nos discussions qui se sont prolongées jusqu’à 1h30 du matin. On reconstruit le monde beaucoup mieux, un verre de cognac à la main.

Si je dois classer les vins c’est chose facile : 1 – Sherry du Cap 1862, 2 – Chablis 1966, 3 – Rully 2009.

Tous les accords ont été subtils et parfaits. Ce fut un grand repas.


le village avec la place, l’église,une rue et une grappe qui est restée sur son arbre même après des vents violents récents

la cave

deux Constantia, un « Red » et un « Frontignac » qui ont reçu une médaille d’or à l’exposition universelle à Paris en 1855

bouchon de la Constantia au goulot conique (le bouchon est tout petit)

le repas

le Sherry du Cap 1862

Vœux 2018 lundi, 1 janvier 2018

On reçoit de tous côtés des vœux électroniques. Les vœux épistolaires s’étiolent et même les vœux de vive voix sont en régression.

Je ne pouvais pas ne pas commencer l’année sans remercier les fidèles lecteurs de mon blog et de mes bulletins pour leur assiduité.

Il y a eu 343.000 visites sur le blog en 2017 soit presque 1.000 visites par jour.

Merci à tous et tous mes vœux pour une belle année 2018, peuplée de grands vins.

il est à noter que le total annuel du nombre de visiteurs différents n’est pas significatif, car le calcul étant fait mois par mois, les visiteurs d’un mois qui apparaissent un autre mois n’ont pas à être additionnés. Un chiffre de 50.000 serait plus probable.

Voir les photos du tour du monde lundi, 1 janvier 2018

Pour voir les photos du tour du monde selon la chronologie du voyage il est conseillé d’aller aux photos du premier jour en cliquant ici :

http://www.academiedesvinsanciens.org/voyage-autour-du-monde-jour-1-depart-et-panama/

ensuite, quand vous avez vu les photos, en bas de page, vous cliquez sur la flèche de droite, qui vous donne les photos du deuxième jour, et ainsi de suite.

Tout est sur le blog, le récit complet du voyage, sans photo est ici :

Voyage autour du monde – le récit

 

Dinner of December 31 lundi, 1 janvier 2018

New Year’s Eve is the next meal. We will be eight, including seven drinkers since my wife will only drink the Yquem. There are four faithful friends of our Eve parties and meals of August 15th. A couple of restaurateurs will be present for the first time.

Everyone is busy cooking, my wife and a friend running the operations. The setting up of wine glasses with a final rinse is like a ballet set by Maurice Béjart. From 4 pm I begin the opening of the wines. I already open the two champagnes for the beginning of the meal, then the dry whites and sweet whites that are in the same conservation zone. The nose of the 1996 Bâtard Leflaive and of the 1989 Yquem are pure and perfect.

It is then the turn of the reds. The cork of Pétrus 1983 crumbles into a thousand pieces because of a light and porous cork. And what is curious is that this fragile cork played its role perfectly because the level of the wine is in the neck, without any loss by evaporation during 34 years. Conversely, the cork stopper of the 1959 Palmer had leaked wine since the level is mid-shoulder. The nose of Pétrus is perfect. The nose of the Palmer needs to benefit from a long aeration.

I have planned for this dinner two wines from the domaine of Romanée Conti, La Tâche 1957 and La Tâche 1969. The reason is as follows: La Tâche 1957 has a low level and must be drunk. The 1969 with a very satisfactory level is in support and extra.

I pester because the quality of the corks of the two wines of Burgundy is notoriously low. When I want to poke my corkscrew into the 1957 cork, the cork slides down. I try to sting and when I turn the corkscrew, the cap turns, without I can push the corkscrew. It took several minutes before I could push in the corkscrew and lift the cork, black on more than half of its length and putting fat on the neck. The smell of wine is appalling, the dust dominating. This smell has so penetrated the wine that it seems to me impossible for the wine to come back to life.

When I sting in the cork of 1969, it is same initial scenario, the cap turns in the bottleneck, tends to lower if I push and also ask me time to prick it without it falling in the neck. The cork is less damaged than that of 1957 and the smell of wine reassures me because everything indicates that the wine will be reconstituted. But I pester because everything indicates a low quality corks and also poor storage conditions by previous holders of these bottles, which had to keep them in cellars too hot.

The cork of Châteauneuf du Pape Clos Petite Gardiole 1946 is much healthier. It is the color of the wine that appeals to me, because the wine is a little cloudy and much too pink. There is uncertainty for reds.

I’m fine, my wife is beautiful, the first friends are ringing at the door. The Christmas Eve of December 31, 2017 will begin.

The friends arrive in our southern house to share at eve on December 31, 2017. As the organization and conduct of this dinner follow the rules and precepts of my dinners, although it is a friendly dinner where all are invited, I will classify it within my wine-dinners.

The aperitif begins with Veuve Clicquot Ponsardin Vintage Magnum 1985 Champagne, which will accompany white truffle sautéed in thin slices, a chiffonnade of Cecina de León, this delicious beef smoked meat, and bread brought by a friend restaurateur. « Bread Pump » is traditionally served on December 24th. It is made of flour poured on the bottom of the grinding wheel when the pressing of the olive oil is finished, which will « pump » the flower of bottom oil and allow this special bread with orange blossom .

The champagne is glorious, a yellow discreetly green and golden. It is powerful, serene and balanced, and it is very high above the other examples of this champagne that I already have. It is broad, impregnating and conquering. With each component of the appetizer it creates an accord of a rare natural. I am conquered by this flamboyant champagne.

We sit down after everyone has solved an enigma to find his place and here is the menu that I developed with my wife who made it: caviar Osciètre alone / Caviar Osciètre on raw scallop shell / Seared Scallops / Scallop Coral / Seared Royal Bream Fillets / Sirloin Steak Medallions / Mashed Potatoes with Truffle / Camembert Jort Wooden Box / Pomelos Supremes / Mangoes / Madeleines of chestnut honey.

On caviar abundantly served, caviar osciètre prestige of Kaviari, Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990 is the absolute perfection of champagne. We drank Salon 2002 in magnum two days ago. The 1990 Salon is at the top of Olympus. Everything is balanced, perfectly dosed and the champagne sings a solemn opera of greatness and divine perfection. We are in front of an exceptional champagne at a time of his life of perfect balance.

The combination caviar and raw shell with sweet notes finds an exciting resonance with Salon 1990. Each taste is pure and the combination is natural.

On seared scallops, Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1996 brought by a friend also forms an agreement based on the purity of tastes. The travel of the wine in the mouth has the shape of a Chinese lantern. That is to say, the attack is fairly thin, fluid and the mid-palate is large, all in size. The heavy and rich wine is thundering in the middle of the mouth. The wine is not totally perfect but it has an immense charm, heavy and full.

The corals of the shells will accompany the two Bordeaux that will engage in a small game as sometimes one, sometimes the other will come out winner. In the beginning, the 1983 Pétrus seems more strict and uptight than the 1959 Château Palmer, velvety and feminine. And with coral, it is the 1959 that wins significantly.

A small miracle will occur on the fillets of king bream. Pétrus throws its starched neck to the nettles and becomes sharp, scathing, brilliant. And the agreement is divine, highlighting a pomerol of high purity very truffled, the Petrus being more complicit to fish. The two very disparate Bordeaux showed themselves on their best day, one on the coral and the other on the sea bream.

I go down in cellar to bring up the three wines already open since about six hours that will accompany the meat. Taking in hand La Tâche 1957, the horrible smell at the opening is always present and my verdict is that the wine will be undrinkable. I bring back the wines and I announce the death of 1957.

I pour in my glass La Tâche Domain of the Romanée Conti 1957. I’m sniffing. There is no unpleasant odor. This means that the bad smell stuck to the bottleneck of the wine and did not mark the wine. I inform friends and I taste the wine to the color tired and there, it is as if an anvil fell on my head. It is the shock of Christopher Columbus discovering America: this wine summarizes all by itself all that makes the DNA of the wines of Romanée Conti. This wine is a mountain of roses placed on a salt marsh. There is the rose, there is salt and for me, it is all the Romanée Conti that bombard me with its excellence. How can this wine that I was going to exclude summarize the estate as well, with as much charm and persuasion?

I pour the wine to everyone as well as the other two wines. The meat is perfectly cooked and the truffled puree is sufficiently typical but calm to play the accompanying role to the wines.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 is much more orthodox than the 1957. It has a nice fruit that the 1957 does not have. She has the charm of La Tâche, a delicate velvet and the rose is more discreet. This wine is all in elegance. It’s a great wine. But the 1957 rascal and crazy is ten times more exciting as it is off-track, apart from all the oenological cannons.

The Châteauneuf-du-Pape Clos de la Petite Gardiole 1946 is a UVO, an unidentified vinous object. Its color is raspberry pink and the wine is slightly cloudy. And his taste is nothing of Châteauneuf-du-Pape. He is sweet, delicate, out of the ordinary. What is incredible is that this pleasant wine will stay as it is throughout the meal, without moving an inch. It is pleasant, curious, out of the ordinary and if you accept a change of scenery and astonishment, it is pleasant to drink.

We have already eaten so much that the confrontation between the Jort wood box and red box camembert will not take place. We open a Jort box wood that finds with both La Tâche relevant agreements. All landmarks are undermined: dorade with Petrus and Camembert with La Tâche, all the purists will scream, but it works!

After these three reds of which only the 1969 is orthodox and in conformity with what we hoped for, Château d’Yquem 1989 puts us on a path of pure pleasure, so much the gold of this Yquem is perfect, round and serene. The accord with the supremes of pomelos prepares the more greedy agreement with raw mango dice. It appears that sautéed mangoes would have been more in continuity with the sensual richness of the Yquem.

The little madeleines with honey are to die for. Champagne Dom Ruinart rosé 1990 with the nice bottle is unfortunately corked. If we accept to drink champagne, forgetting the bitterness created by the cork, there is a very significant freshness that champagne offers. But it is useless to insist.

About an hour ago we had exchanged hugs and greetings and it’s time to vote.

We are seven to vote for five wines to choose from the ten dinner wines. I never imagined that my preference for The 1957 La Tâche would be shared by my friends at the time of the vote. Because this wine is by far the winner. My friends have talent! Four wines had the honors of being ranked first, La Tâche 1957 four times, The Salon 1990 once, as the Petrus 1983 and the Palmer 1959.

The consensus vote would be: 1 – La Tâche Domain of the Romanée Conti 1957, 2 – La Tâche Domain of the Romanée Conti 1969, 3 – Château Palmer 1959, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990, 6 – Yquem 1989.

My vote is: 1 – La Tâche Domain of the Romanée Conti 1957, 2 – Champagne Salon The Mesnil on Oger 1990, 3 – La Tâche Domain of the Romanée Conti 1969, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Veuve Clicquot Vintage Ponsardin magnum 1985.

The fact that a wine that any sommelier or amateur would have refused to serve is the winner with a large lead over the others is a sparkling gift that makes my heart warm. Nothing is more gratifying for me than seeing a war-wounded man win the battle.

Agreements were extremely brilliant at this dinner. The Cécina de León with the bread pump on the Veuve Clicquot 1985, the caviar on raw shell with Salon 1990, the gilthead seabream with Pétrus 1983 were summits even more gratifying than they are unexpected.

This friendship dinner gave the best start to the new year.

(pictures are on the article in French)

réveillon du 31 décembre lundi, 1 janvier 2018

Là, on ne peut plus reculer, nous sommes sur la dernière ligne droite. Le réveillon du 31 décembre est le prochain repas. Nous serons huit, dont sept buveurs puisque ma femme ne boira que l’Yquem. Il y a quatre amis fidèles de nos réveillons et des repas du 15 août. Un couple de restaurateurs sera présent pour la première fois.

Tout le monde s’affaire en cuisine, ma femme et un ami dirigeant les opérations. La mise en place des verres à vin avec un dernier rinçage est comme un ballet réglé par Maurice Béjart. Dès 16 heures je commence l’ouverture des vins. J’ouvre déjà les deux champagnes de début de repas, puis les blancs secs et les blancs liquoreux qui se situent dans la même zone de conservation.

C’est ensuite le tour des rouges. Le bouchon du Pétrus 1983 s’émiette en mille morceaux du fait d’un liège léger et poreux. Et ce qui est curieux c’est que ce liège fragile a joué son rôle parfaitement car le niveau du vin est dans le goulot, sans aucune perte par évaporation pendant 34 ans. A l’inverse le bouchon au liège parfait du Palmer 1959 avait laissé fuir du vin puisque le niveau est à mi- épaule. Le nez du Pétrus est parfait. Le nez du Palmer a besoin de profiter d’une longue aération.

J’ai prévu pour ce dîner deux vins du domaine de la Romanée Conti, La Tâche 1957 et La Tâche 1969. La raison est la suivante : La Tâche 1957 a un niveau bas et doit être bue. La Tâche 1969 au niveau très satisfaisant est en support et en appoint.

Je peste car la qualité des bouchons des deux vins de Bourgogne est notoirement faible. Lorsque je veux piquer mon tirebouchon dans le bouchon du 1957, le bouchon glisse vers le bas. J’essaie de piquer et quand je tourne le tirebouchon, le bouchon tourne, sans que je puisse enfoncer le tirebouchon. Il a fallu plusieurs minutes avant que je ne puisse enfoncer le tirebouchon et lever le bouchon, noir sur plus de la moitié de sa longueur et ayant déposé du gras sur le goulot. L’odeur du vin est épouvantable, la poussière dominant. Cette odeur a tellement pénétré le vin qu’il me paraît impossible que le vin revienne à la vie.

Lorsque je pique dans le bouchon du 1969, c’est même scénario initial, le bouchon tourne dans le goulot, tend à baisser si j’appuie et me demande aussi du temps pour le piquer sans qu’il ne baisse dans le goulot. Le bouchon est moins abîmé que celui du 1957 et l’odeur du vin me rassure car tout indique que le vin va se reconstituer. Mais je peste car cela montre une qualité faible des bouchons et par ailleurs de mauvaises conditions de stockage par les détenteurs précédents de ces bouteilles, qui ont dû les garder dans des caves trop chaudes.

Le bouchon du Châteauneuf du Pape Clos de la Petite Gardiole 1946 est beaucoup plus sain. C’est la couleur du vin qui m’interpelle, car le vin est un peu trouble et beaucoup trop rose. Il y a de l’incertitude pour les rouges.

Je me fais beau, ma femme est belle, les premiers amis sonnent à la porte. Le réveillon du 31 décembre 2017 va commencer.

Les amis arrivent dans notre maison du sud pour partager à huit le réveillon du 31 décembre 2017. Comme l’organisation et le déroulement de ce dîner suivent les règles et préceptes de mes dîners, bien qu’il s’agisse d’un dîner amical où tous sont invités, je le classerai dans les dîners de wine-dinners et ce sera le 220ème dîner de wine-dinners.

L’apéritif commence avec le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Vintage magnum 1985 qui accompagnera du boudin blanc truffé poêlé en fines tranches, une chiffonnade de Cecina de León, cette délicieuse viande fumée de bœuf, et le pain apporté par une amie restauratrice. Le « pain pompe » est servi traditionnellement le 24 décembre. Il est fait de farine versée sur le fond de la meule lorsque le pressage de l’huile d’olive est terminé, qui va « pomper » la fleur d’huile de fond de cuve et permettre ce pain spécial à la fleur d’oranger.

Le champagne est glorieux, d’un jaune discrètement vert et doré. Il est puissant, serein et équilibré, et il est très au-dessus des autres exemplaires de ce champagne que j’ai déjà bus. Il est large, imprégnant et conquérant. Avec chaque composant de l’apéritif il crée un accord d’un naturel rare. Je suis conquis par ce champagne flamboyant.

Nous passons à table après que chacun a résolu une énigme lui permettant de trouver sa place et voici le menu que j’ai mis au point avec mon épouse qui l’a réalisé : caviar Osciètre seul / Caviar Osciètre sur coquille Saint-Jacques crue / Coquilles Saint-Jacques poêlées / Corail des coquilles Saint-Jacques / Filets de dorades royales poêlés / Médaillons de faux-filet de bœuf / écrasé de pommes de terre à la truffe / Camembert Jort boîte bois / Suprêmes de pomelos / Mangues / Madeleines au miel de châtaignier.

Sur le caviar abondamment servi, le caviar osciètre prestige de Kaviari, le Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990 est la perfection absolue du champagne. Nous avions bu Salon 2002 en magnum il y a deux jours. Le Salon 1990 se situe au sommet de l’Olympe. Tout est équilibré, parfaitement dosé et le champagne chante un Opéra solennel de grandeur et de divine perfection. Nous sommes en face d’un champagne exceptionnel à un moment de sa vie de parfait équilibre.

L’association caviar et coquille crue aux notes sucrées trouve une résonnance excitante avec Salon 1990. Chaque goût est pur et l’accord se montre naturel.

Sur les coquilles Saint-Jacques juste poêlées, le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1996 apporté par un ami forme aussi un accord fondé sur la pureté des goûts. Le parcours en bouche du vin a la forme d’un lampion chinois. C’est-à-dire que l’attaque est assez fluette, fluide et le milieu de bouche est tout en ampleur. Le vin lourd et riche est tonitruant en milieu de bouche. Le vin n’est pas totalement parfait mais il a un charme immense, lourd et plein.

Les coraux des coquilles vont accompagner les deux bordeaux qui vont se livrer à un petit match où tantôt l’un, tantôt l’autre va sortir gagnant. Au début, le Pétrus 1983 paraît plus strict et guindé que le Château Palmer 1959 velouté et féminin. Et avec le corail, c’est le 1959 qui gagne nettement.

Un petit miracle va se produire sur les filets de dorades royales. Le Pétrus jette aux orties son col empesé et devient vif, cinglant, brillant. Et l’accord est divin, mettant en valeur un pomerol de grande pureté très truffé, le Pétrus se révélant plus complice du poisson. Les deux bordeaux très disparates se sont montrés sur leur plus beau jour, l’un sur le corail et l’autre sur la dorade.

Je descends en cave pour remonter les trois vins déjà ouverts depuis six heures environ qui vont accompagner la viande. En prenant en main La Tâche 1957, l’odeur horrible à l’ouverture est toujours présente et mon verdict est que le vin sera imbuvable. Je remonte les vins et j’annonce la mort du 1957.

Je verse dans mon verre La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957. Je hume. Il n’y a aucune odeur désagréable. Ceci veut dire que la mauvaise odeur collait au goulot du vin et ne marquait pas le vin. J’en informe les amis et je goûte le vin à la couleur fatiguée et là, c’est comme si une enclume me tombait sur le crâne. C’est le choc de Christophe Colomb découvrant l’Amérique : ce vin résume à lui tout seul tout ce qui fait l’ADN des vins du domaine de la Romanée Conti. Ce vin est une montagne de roses posée sur un marais salant. Il y a la rose, il y a le sel et pour moi, c’est toute la Romanée Conti qui me bombarde de son excellence. Comment ce vin que j’allais exclure peut-il résumer aussi bien le domaine, avec autant de charme et de persuasion ?

Je verse le vin à tout le monde ainsi que les deux autres vins. La viande est parfaitement cuite et la purée truffée est suffisamment typée mais calme pour jouer le rôle d’accompagnement des vins.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 est beaucoup plus orthodoxe que la 1957. Elle a un joli fruit que la 1957 n’a pas. Elle a le charme de La Tâche, un velours délicat et la rose est plus discrète. Ce vin est tout en élégance. C’est un grand vin. Mais le 1957 canaille et fou est dix fois plus excitant tant il est hors-piste, en dehors de tous les canons œnologiques.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos de la Petite Gardiole 1946 est un OVNI, un objet vineux non identifié. Sa couleur est rose framboise et le vin est légèrement trouble. Et son goût n’a rien de Châteauneuf-du-Pape. Il est doucereux, délicat, hors norme. Ce qui est incroyable, c’est que ce vin somme toute plaisant va rester tel quel tout au long du repas, sans bouger d’un pouce. Il est plaisant, curieux, hors norme et si l’on accepte de dépaysement et l’étonnement, il est agréable à boire.

Nous avons déjà tellement mangé que la confrontation entre les camemberts Jort boîte bois et boîte rouge n’aura pas lieu. Nous ouvrons un Jort boîte bois qui trouve avec les deux La Tâche des accords pertinents. Tous les repères sont sapés : dorade avec Pétrus puis camembert avec la Tâche, tous les puristes vont hurler, mais ça marche !

Après ces trois rouges dont seul le 1969 est orthodoxe et conforme à ce que nous espérions, le Château d’Yquem 1989 nous met sur un chemin de pur plaisir, tant l’or de cet Yquem est parfait, rond et serein. L’accord avec les suprêmes de pomelos prépare l’accord plus gourmand avec les dés de mangues crues. Il apparaît que des mangues poêlées auraient été plus en continuité avec la richesse sensuelle de l’Yquem.

Les petites madeleines au miel sont à se damner. Le Champagne Dom Ruinart rosé 1990 à la jolie bouteille est hélas bouchonné. Si on accepte de boire le champagne, en oubliant l’amertume créée par le bouchon, il y a une fraîcheur très significative qu’offre le champagne. Mais il est inutile d’insister.

Depuis une heure environ nous avons échangé embrassades et vœux et il est temps de voter.

Nous sommes sept à voter pour cinq vins à choisir parmi les dix vins du dîner. Jamais je n’aurais imaginé que la préférence que j’ai marquée pour La Tâche 1957 serait partagée par mes amis au moment du vote. Car ce vin est de loin le gagnant. Mes amis ont du talent ! Quatre vins ont eu les honneurs d’être classés premier, La Tâche 1957 quatre fois, Le Salon 1990 une fois, comme le Pétrus 1983 et le Palmer 1959.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Château Palmer 1959, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990, 6 – Château d’Yquem 1989.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Champagne Salon Le Mesnil sur Oger 1990, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 4 – Pétrus 1983, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Vintage magnum 1985.

Le fait qu’un vin que tout sommelier ou tout amateur aurait refusé de servir se trouve le gagnant avec une large avance sur les autres est un cadeau pétillant qui me fait chaud au cœur. Rien n’est plus gratifiant pour moi que de voir un blessé de guerre qui gagne la bataille.

Des accords ont été extrêmement brillants lors de ce dîner. Le Cécina de León avec le pain pompe sur le Veuve Clicquot 1985, le caviar sur coquille crue avec Salon 1990, la dorade royale avec Pétrus 1983 ont été des sommets d’autant plus gratifiants qu’ils sont inattendus.

Ce dîner d’amitié a donné le meilleur coup d’envoi que l’on puisse concevoir à la nouvelle année.

le bouchon du 1969 est en dessous du bouchon du 1957

le bouchon du Chateauneuf est en bas de l’assiette (en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre en partant du Palmer 1959, Tâche 57, Tâche 69, Chateauneuf 46, Pétrus 83 déchiqueté)

les trois rouges pour la viande

Pour que l’on puisse imaginer la taille des boîtes de caviar, j’ai mis un petit chat sur un coussin.

Le caviar forme le « 8 » de 2018

l’apéritif, Cecina de Leon

boudin blanc à la truffe

pata negra

le pain pompe

le repas : caviar puis caviar sur coquille crue

coquilles, coraux, dorade, faux-filet (il manque le pomelos et la mangue), madeleines

les vins du repas (de droite à gauche)

la table en fin de repas

Les votes