Grand Tasting – la signature de la maison Mumm mardi, 29 novembre 2016

La première Master Class à laquelle j’assiste est celle de « la signature de la maison Mumm ». Elle est présentée par Didier Mariotti chef de cave.

Le Champagne RSRV Mumm Blanc de Blancs 2012 est une nouvelle cuvée dont l’approche est de non millésimé mais une exception a été faite pour le millésime 2012 pour exprimer le millésime bien qu’il ne s’agisse pas d’un grand millésime. Les quatre lettres RSRV sont inscrites en très gros sur l’étiquette et veulent dire « réserve ». Le vin est un peu lacté. Il a une belle attaque et une belle vivacité mais un finale plus discret. Le Blanc de Blancs chez Mumm n’était pas vendu et réservé aux amis, d’où l’idée de le nommer ainsi maintenant qu’on le commercialise. A terme, le RSRV va supplanter le Blanc de Blancs. Didier explique la méthode de la demi-mousse qui fait que la pression est de 4,5 bars au lieu de 6 bars, ce qui permet une belle fraîcheur et une plus grande digestibilité. Il y a une onctuosité en milieu de bouche, des agrumes des zestes de citron et un retour de salinité qui donne un goût iodé. C’est un très bon champagne. Je note à ce propos qu’après ma visite des stands, on goûte beaucoup mieux quand on est assis. On perçoit beaucoup plus les subtilités.

Le Champagne Mumm Grand Cordon sans année a un goût plus gras, plus noisette, plus épais. Il est moins vibrant que le RSRV précédent. Il est sur une base 2012 avec 30% de vins de réserve. Je trouve ce champagne un peu lourd.

Le Champagne Mumm millésimé 2008 est fait de 70% de pinot noir et le reste en chardonnay. Je le préfère au Grand Cordon. Il est fait pour la gastronomie avec ses notes de nougat, sa tension et son retour d’acidité en fin de bouche. Il va bien vieillir. Il a un beau finale et une belle acidité.

Le Champagne RSRV Blanc de Noirs Mumm 2008 qui est à 100% en pinot noir a une belle attaque très vive. Il a moins de rondeur que le millésimé 2008 mais je préfère sa vivacité. C’est un vin d’avenir, de grande tension.

Globalement je préfère les deux RSRV, le Blanc de Noirs 2008 devant le Blanc de Blancs 2012, puis le millésimé 2008 devant le Grand Cordon. Cette dégustation est très éclairante sur les nouvelles tendances de Mumm, très intéressantes.

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Grand Tasting – visites aux stands mardi, 29 novembre 2016

Le Grand Tasting organisé par Bettane & Desseauve est un des grands événements pour les amateurs de vins. Aucun autre salon de cette envergure ne permet de goûter des vins prestigieux. Cela tient essentiellement à la confiance et l’estime qui existent entre Michel Bettane, Thierry Desseauve et les vignerons.

Je vais assister à quelques Master Class et à quelques ateliers gourmets, mais la première partie de mon passage à ce salon est consacrée à la visite de stands pour saluer les vignerons que je connais ou découvrir des vins nouveaux. J’ai butiné de stand en stand, me consacrant surtout aux champagnes. Quand on se déplace dans les allées, le verre dans une main et le guide dans une autre, on ne peut prendre que des notes sibyllines.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2004 est très beau et charmant, de belle personnalité, tout-à-fait dans la ligne de la grande verticale de ce vin à laquelle j’avais participé à Londres il y a peu.

Le Champagne Drappier Grande Sendrée 2008 a une belle vivacité, très beau et gourmand.

Le Champagne Drappier Carte d’Or 1979 a de l’amertume. Il est un peu évolué. Il est grand et typé. Le finale est beau.

En toute discrétion car on le réserve à quelques « happy few », on me verse le Champagne Moët & Chandon Cuvée MCIII qui est absolument magnifique, d’une rare élégance, et nettement plus grand que le premier essai que j’avais fait à l’occasion du 200ème dîner, au moment où cette cuvée spéciale avait été lancée. C’est vraiment un très grand champagne tout en subtilité.

Le Champagne Alfred Gratien Brut sans année a un peu de caramel et se montre dosé.

Le Champagne Alfred Gratien Blanc de Blancs 2008 est très agréable, c’est un beau vin.

Le Champagne Alfred Gratien Millésimé 2004 avec 64% de chardonnay est agréable.

Le Champagne Alfred Gratien Cuvée Paradis brut 2008 avec 65% de chardonnay est très frais, élégant. C’est un très bon champagne de grande vivacité. Je l’apprécie beaucoup.

Le Chablis Grand cru Les Clos domaine Louis Moreau 2013 a une belle attaque gourmande.

Le Chablis Grand cru Valmur domaine Louis Moreau 2012 me fait moins bonne impression car je le trouve non encore complètement assemblé.

Le Champagne Lanson Extra Age Brut sans année avec 60% de pinot est très agréable.

Le Champagne Lanson Extra Blanc de Blancs sans année est très élégant de belle tension.

Le Champagne Mumm Blanc de Blancs est vif, frais, agréable avec de beaux agrumes.

Le Champagne A.R Lenoble Grand Cru Blanc de Blancs 2008 est très généreux, fort, grand, agréable et gastronomique.

Le Champagne A.R Lenoble Chouilly extra-brut 1996 est superbe. C’est un très grand vin.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2008 est superbe et très tendu.

On me sert – en cachette – un Champagne Veuve Clicquot Cave Privée jéroboam 1989 qui est absolument sublime, doux, exceptionnel.

Le Château Destieux Saint-Emilion 2010 a un très beau nez. Le vin est superbe et gourmand, très tonique. Une belle surprise.

Le Champagne Françoise Bedel l’Ame de la Terre 2005 est un extra brut avec 60% de pinot meunier que je trouve un peu dur.

Le Champagne Françoise Bedel Comme Autrefois sans année avec une base de 2003 et 40% de pinot meunier, 40% de pinot noir et 20% de chardonnay est très opulent, superbe, vin très gourmand et typé.

Le Champagne Gonet Médeville 2005 est composé à 100% de pinot noir d’Ambonnay. J’adore ce vin vif, expressif et très grand.

Le Champagne Legras & Haas Les Sillons 2012 est agréable et vif avec des notes de noisette.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 2004 est très bon, très consensuel.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 2000 est très grand avec des notes de noisette. C’est un beau vin.

Le Champagne Henriot Cuve 38, champagne fait selon la méthode de la solera est très élégant, plus fin que les Enchanteleurs, mais au finale moins net.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard Boisrenard 2014 est très gourmand et de plaisir, fait de vignes qui ont cent ans.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard Gran Partita 2012 est fait de vignes sélectionnées pour leur âge et leur qualité. Cette cuvée spéciale est superbe d’élégance. Ce vin qui est plus élégant que gourmand est fluide, grand, absolument génial.

Le Champagne Deutz Brut Classic sans année est assez classique.

Le Champagne Deutz Cuvée William Deutz 2006 est très agréable.

Le Champagne Deutz Cuvée Amour de Deutz 2007 est un vin à revoir car ce que j’ai bu n’est pas très assemblé.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle non millésimé est toujours aussi élégant, vin de grâce romantique. Je l’ai pris pour accompagner des huîtres proposées à un stand de victuailles et la personne qui m’a versé le vin m’a dit que pour les huîtres je devrais prendre le Laurent-Perrier extra-brut. Elle a raison !

En dehors de ces visites de stands où je n’ai fait qu’effleurer ce qui s’offre à la dégustation, j’ai assisté à des master Class et à des ateliers gourmets.

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205ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent samedi, 26 novembre 2016

Le 205ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Nous serons onze dans le beau salon lambrissé du premier étage du restaurant. La table sera cosmopolite puisque j’accueillerai une indienne, un japonais, une productrice de rhum à la Martinique, une propriétaire de mines aux antipodes et d’autres convives de tous horizons. La parité sera presque parfaite puisqu’elle est arithmétiquement impossible, avec cinq femmes et six hommes.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins et cette opération sera filmée par Cécile qui travaille pour une chaîne de télévision câblée. Cécile filmera aussi le dîner. J’ai eu des angoisses toute la matinée car je ne retrouvais plus ma trousse avec les divers outils que j’utilise pour ouvrir les vins. Etre filmé et ne pas avoir mes outils, quelle erreur de casting. J’utilise un Durand, un tirebouchon qui combine un bilame avec un tirebouchon, qui n’était pas dans ma trousse perdue. Je peux correctement ouvrir les vins mais je préfère mes longues mèches qui me donnent une meilleure sensibilité du comportement du bouchon lorsqu’il commence à se briser ou à se morceler. Par ailleurs le bilame blesse les bouchons, ce qui n’est pas beau.

Le parfum du Corton blanc 1919 est incertain. On verra comment il évolue. Celui du Vosne-Romanée 1947 est assez déplaisant. Une mauvaise surprise est à craindre. Le nez du Cahors 1893 est faible. Là aussi, l’évolution est incertaine. Les parfums des deux sauternes sont superbes, l’un plus tonitruant, l’autre plus gracieux. Dans ce contexte, il me semble opportun d’ouvrir une autre bouteille de rouge, dont je sais qu’elle sera sans problème.

Le convives arrivent, tous ponctuels. Après les consignes d’usage puisqu’il y a cinq participants dont c’est le premier dîner, nous trinquons sur un Champagne Lanson Red Label 1971. La bouteille est très jolie, en forme de quille. La couleur est d’un bel or assez clair. La bulle est peu présente mais le pétillant est actif. Le champagne est évolué mais plaisant. L’attaque est de petits fruits roses légèrement aigrelets et le corps du champagne est joliment vineux. Pour beaucoup il faut s’habituer aux goûts des champagnes anciens car ce n’est pas naturel. Sur les gougères et les copeaux de jambon, le champagne a une belle présence. Je suis ravi de sa belle complexité.

Nous passons à table. Un petit amuse-bouche gourmand convient bien au Lanson.

Le menu créé par Alain Solivérès : copeaux de jambon / huîtres Gillardeau en gelée d’eau de mer / bar de ligne étuvé, saveurs des bois / gourmandise de poule faisane, foie gras de canard et châtaignes / palombe rôtie aux salsifis / lièvre à la cuillère, pâtes fraîches à la farine de châtaignes / stilton / pomme et poire façon tarte Tatin

Sur l’huître en gelée, le Champagne Salon 1988 se montre absolument glorieux. Avec Tomo, nous nous disons que c’est un des plus grands Salon 1988 que nous ayons bus, car cette bouteille est d’une rare perfection. Ce Salon d’une grande année combine à la fois puissance et élégance. C’est un guerrier conquérant mais aussi un chevalier galant. Il a une profondeur et une persistance en bouche qui sont extrêmes.

Le Château Haut-Brion blanc 1979 est une mauvaise surprise, mais pas pour tout le monde puisqu’il sera voté numéro un par une convive. A l’ouverture, je pensais qu’il avait besoin de s’épanouir, mais maintenant c’est un vin qui a vieilli trop vite, anormalement évolué pour son âge, et qui ne se livre pas. Toutefois, mon jugement est sévère car avec le bar et surtout les petits champignons, il redevient aimable même s’il reste un peu en dedans.

La poule faisane est délicieuse et même si l’accord est osé, il fonctionne parfaitement. Le Corton Blanc Jacqueminot 1919 pour lequel mon diagnostic il y a quatre heures était indécis se montre totalement éblouissant. La sérénité de ce vin et son absence d’âge, tant il est équilibré, surprennent tout le monde. Tomo trouve que le meilleur accord est avec le foie gras. Je trouve que c’est avec la chair du faisan. Tous les visages s’illuminent, car c’est une surprise extrême.

J’ai associé sur la palombe deux vins de 1947 mais il n’y aura aucune compétition. Le Vosne-Romanée Antonin Rodet 1947 est un peu fatigué et il est très nettement au-dessus de ce que j’attendais. Il serait seul, nous l’aimerions. Mais il y a à côté de lui une telle merveille que notre attention se porte sur le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947. Ce vin est exceptionnel et tout le monde en convient puisqu’il obtiendra neuf votes dont cinq de premier, ce qui est rare. La grâce de ce vin, son charme, son équilibre, sa matière lourde combinée à une délicatesse extrême en font un vin de pur bonheur. Qu’un « Villages » puisse être aussi élégant est une énigme. La palombe est superbe et convient bien à ce vin qui nous transporte au septième ciel du vin.

Sur le lièvre une fois de plus délicieux, deux vins que tout oppose sont associés. Le Clos de Gamot Cahors 1893 a un nez bouchonné que Tomo ne trouve pas. En bouche, le gout de bouchon n’existe pas et ne gêne pas le joli message d’un vin assez simple mais bien vivant, dont on aurait peine à dire qu’il a 123 ans. Je suis heureusement surpris qu’il se comporte ainsi alors que son compère fanfaronne à côté de lui. Il est à noter que de mon expérience, les vins très anciens qui sont bouchonnés proviennent de bouteilles reconditionnées. Ce Cahors a été reconditionné dans les années 70 et c’est à cette occasion-là qu’il a dû attraper ce goût fort heureusement bénin.

Le Châteauneuf-du-Pape Charton 1928 est une bombe de saveurs. Doté d’une matière énorme ce vin parade de bonheur. Il est joyeux en bouche, au message très simple mais porteur de plaisir. C’est vraiment un vin de plaisir, gouleyant, plein en bouche.

Arrive maintenant le vin que j’ai ajouté et qui correspond beaucoup plus aux goûts que mes convives connaissent. Nous nous sommes amusés à le faire découvrir à l’aveugle et en s’aidant les uns les autres, la réponse a été très proche de la perfection puisque l’appellation a été trouvée. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1983 est très élégante, racée, fine. Elle ne joue pas sur sa puissance mais sur son élégance. Classiquement, un vin qui n’est pas porté sur la feuille de vote n’obtient pas de vote même si chacun sait qu’il pourrait voter pour lui. Si le vin avait été annoncé, il aurait figuré dans les votes. C’est une très jolie Landonne que cette 1983.

Les deux sauternes étant très différents je décide qu’ils ne seront pas servis ensemble. Le Château Filhot 1928 est d’une grâce extrême. Ce qu’il y a de bien avec les sauternes, c’est que lorsqu’ils sont grands, il n’ont pas le moindre défaut. Celui-ci a mangé son sucre et cela lui donne une légèreté extrême. Ce n’est que du bonheur, amplifié par le très goûteux stilton. Le mot qui lui convient est « grâce », à la Grace Kelly.

Le Château Gilette crème de tête 1945 est une bombe de saveurs comme l’était le Châteauneuf-du-Pape tout à l’heure. Quel grand sauternes, aux antipodes du Filhot, car maintenant, c’est du beau botrytis qui envahit notre palais. L’accord avec la Tatin est un accord couleur sur couleur comme je les aime. On se régale.

Il est temps de voter et je suis particulièrement heureux car neuf vins figureront au moins une fois dans les onze votes où chacun désigne ses quatre vins préférés. De plus, six vins ont été nommés premier par au moins un convive. C’est spectaculaire et montre à quel point les goûts sont différents entre les convives si les votes sont si disparates. Le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 a eu cinq votes de premier, le Champagne Salon 1988 deux votes de premier et le Château Haut-Brion blanc 1979, le Corton Blanc Jacqueminot 1919, le Château Filhot 1928 et le Château Gilette crème de tête 1945 ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 5 – Châteauneuf-du-Pape Chartron 1928.

Mon vote est : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Champagne Salon 1988.

Dans mes dîners, il y a toujours des vins « fantassins », c’est-à-dire des vins qui sont hors de portée des radars des spéculateurs. Qui rechercherait aujourd’hui les deux vins que j’ai classés en tête, Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 et Corton Blanc Jacqueminot 1919 dont je ne connais d’ailleurs pas les maisons. C’est pour moi une grande fierté de pouvoir montrer que les vins fantassins prennent leur place au plus haut niveau dans de grands dîners.

Un des convives, habitué de mes dîners, est venu avec, sous son bras, le merveilleux écrin d’un Cognac Hennessy Paradis Imperial que nous avons partagé. Fait de l’assemblage de plus d’une centaine d’alcools ayant de 50 à 150 ans, il est d’une fraîcheur incroyable. Précis, net, élégant c’est un cognac qui se boit merveilleusement bien. J’en ai repris !

Dans une atmosphère joyeuse et rieuse, avec le service toujours impeccable et attentionné de l’équipe du Taillevent, avec des accords tous réussis et une cuisine parfaitement orientée vers les vins, nous avons vécu un très beau dîner de gastronomie. Et la performance de fantassins est une récompense pour l’amoureux des vins anciens que je suis.

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Dîner à l’Orangerie du château de Beaune avec un éblouissant 1864 samedi, 26 novembre 2016

Après la dégustation des 2015 rouges et blancs de la maison Bouchard Père & Fils, il est temps de trinquer avec un beau champagne pour recalibrer le palais. Les vins étaient grands, mais les blancs difficiles pour moi du fait de leur jeunesse. Nous sommes accueillis à l’Orangerie du château de Beaune par Gilles de la Rouzière président du groupe contenant notamment Bouchard et les champagnes Henriot.

On nous sert le Champagne Henriot Cuve 38 sans année qui est produit selon la méthode de la solera. La première coupe qui m’est servie n’est pas très plaisante, le champagne se présentant comme un peu déséquilibré. Heureusement une autre bouteille donne un vin plus agréable, mais je préfère la Cuvée des Enchanteleurs auquel je suis plus habitué.

Nous passons à table. Je suis à la table de Gilles de la Rouzière avec deux des responsables de Christie’s qui vont conduire la vente des Hospices de Beaune demain, avec Michel Bettane et Bernard Burstchy ainsi que d’autres convives dont un importateur belge des vins de Bouchard.

Le menu qui a été élaboré pour les vins est : gougères et feuilletés / huître en gelée de concombre / sandre rôti garniture meurette et truffe de Bourgogne / terrine de pigeon, topinambour, foie gras et vinaigrette au genièvre / dos de biche rôti, courges, déclinaison d’oignons en texture / plateau de fromages / barre chocolat, crémeux à la griotte.

Le Corton Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils 2000 a un nez glorieux. Le vin se caractérise par son ampleur et sa merveilleuse acidité. L’accord avec l’huître et surtout avec la gelée de concombre est sublime. Le vin est transporté par l’accord. Il est large et doré, grandiose car puissant et entraînant. C’est un vin en pleine maturité et accompli. Il respire l’huître et combine puissance et élégance.

Le Corton Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils 1955 a du mal à passer après un 2000 aussi extraordinaire. Il lui faut le plat de sandre. C’est la sauce qui magnifie le vin qui n’a pas la puissance du 2000 mais est d’une belle subtilité. Très romantique, gracieux, c’est un grand vin subtil un peu lacté.

Le Clos-Vougeot Grand Cru Bouchard Père & Fils 1999 se présente avec un nez de cendre. C’est un vin très bourguignon qui a besoin du plat. Michel Bettane le trouve très grand. L’accord est brillantissime. Qui dirait qu’une terrine de pigeon avec du topinambour et une vinaigrette irait avec un vin rouge. Bravo aux concepteurs de cet accord que j’adore car il sort des conventions. Avec le plat le fruit de ce vin est fascinant. Il est tonitruant grâce à l’accord génial. Une telle inventivité me ravit.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Premier Cru Bouchard Père & Fils 1949 est exceptionnel. On boit du rêve. Le nez est un peu fumé et la bouche est de velours. L’amertume est divine. C’est un vin de recueillement. Il est très subtil et son velouté le rend presque sucré tant il est doux. Mais il aussi du poivre et sa complexité est sans limite. Je suis aux anges.

Le Beaune Clos de la Mousse Premier Cru Bouchard Père & Fils 1864 a une couleur d’une éternelle jeunesse. Pas une seule petite trace de tuilé. Le nez est impérial. Il y a de la rose dans ce parfum mais aussi un fruit imposant. C’est incomparable. Dans le finale il y a du fruit et la fraîcheur du raisin non égrappé. Quelle leçon ! ce vin est parfait et plus grand que le 1949. Il y a du sel et de la rose. On est dans une perfection du style des vieux vins de la Romanée Conti. C’est un moment de grâce totale et c’est le non-égrappé qui donne cette perfection. On se tromperait sans aucun problème de 100 ans si l’on buvait ce vin à l’aveugle. La complexité et la structure sont impressionnants Ce vin est inimaginable. On me sert la lie et cette lie explose de rose. Elle est douce, impensable folie.

Le Malaga 1859 a un nez enivrant. Il est très gras et velouté. Très cerise et pruneau il est divinement porté par le dessert. Ce qui est curieux c’est qu’il a aussi de la rose et de la framboise. C’est un vin de fraîcheur avec un finale sec qui porte la fraîcheur. Il a aussi des accents de raisin de Corinthe. Ce vin est du pur charme.

La générosité de nos hôtes est extrême. Les trois derniers vins, de 1949, 1864, 1859 sont des étapes qui conduisent directement vers le Graal ultime. La cuisine a été parfaite et les accords brillants d’ingéniosité. Ce dîner compte parmi les très grands.

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dégustations des vins de 2015 de la maison Bouchard Père & Fils samedi, 26 novembre 2016

Chaque année à l’occasion de la vente des Hospices de Beaune la maison Bouchard Père & Fils invite ses importateurs, ses agents, des journalistes et des amis à un dîner à l’Orangerie du château de Beaune, précédée par une dégustations des vins du millésime récent. Dans une salle studieuse, nous goûtons des vins de 2015. La tradition veut que l’on commence par les rouges, car « blanc sur rouge, rien ne bouge ».

Le Bourgogne Réserve Coteaux des Moines Bouchard Père & Fils 2015 a un nez très riche. La matière est riche, le finale a de l’acidité mais logique. Le vin est un peu court mais étonnamment riche pour un vin de table. Il est épais.

Le Monthélie Bouchard Père & Fils 2015 a un nez plus complexe et plus raffiné. Il est élégant en bouche et on sent du velours. Le finale est épicé. Le vin est chaleureux et plus épais que ce que j’attendais. C’est un vin agréable mais un peu trop épais pour mon goût.

Le Beaune du Château 1er Cru rouge Bouchard Père & Fils 2015 a un nez discret un peu aqueux. L’attaque en bouche est très belle. Le vin est plus aérien que les deux précédents. Il y a de beaux fruits rouges dans le finale qui est frais et joyeux. C’est un vin très buvable maintenant ce qui me laisse à penser que la vinification est faite pour que les vins soient buvables très jeunes. Est-ce cela ou est-ce l’effet millésime ? Sans doute un peu des deux.

Le Beaune Clos de la Mousse 1er Cru rouge Bouchard Père & Fils 2015 a un nez très profond, très supérieur à celui du Beaune qui précède. L’attaque est très douce, doucereuse. Le finale est très équilibré et flatteur. C’est un vin très agréable à boire maintenant, mais nous verrons dans quelques heures qu’il est aussi buvable avec 151 ans de plus !

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1er Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez délicat et intense. En bouche je reconnais la râpe caractéristiques de ce vin dont j’ai bu beaucoup de millésimes allant jusqu’à 1865. Le vin est magnifique, vin de plaisir. C’est le plus fin des cinq vins bus jusqu’à présent.. Comment peut-il être aussi bon à ce stade ? Apparemment, les 2015 sont à un beau stade de leur vie.

Le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot 1er Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez élégant. C’est le plus beau finale à ce stade. C’est un vin élégant, mesuré, équilibré, extrêmement plaisant. Le poivre est dosé. C’est un grand vin.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez agréable mais percutant. La bouche est fraîche, fluide et élégante. Il manque un peu de complexité par rapport au Volnay, car c’est le seul à ce stade qui est loin de son épanouissement, ce qui est souvent le cas des grands crus, plus longs à s’affirmer mais au bel avenir.

Le Nuits-Saint-Georges les Cailles 1er Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez de vin plus ancien et ce n’est pas un défaut, c’est une suggestion. Il a une belle fluidité dans l’attaque et un bel équilibre, gourmand sans être opulent. Le finale est très bourguignon avec une belle râpe. C’est un vin très intéressant car typé.

L’Echézeaux Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez vineux, droit. L’attaque est flatteuse et ample, large comme celle des vins du début. C’est un vin un peu moins typé que certains autres, dans une phase un peu fermée. Ce vin à gros potentiel doit s’attendre.

Le Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez discret que l’on devine élégant. L’attaque est discrète. On sent le que le vin a un fort potentiel mais ne veut pas le montrer. Il est extrêmement raffiné mais en attente.

Ce sont les trois Grands Crus qui sont le plus en retard dans leur épanouissement, ce qui est logique. Je classe 1 – Volnay, 2 – Clos-de-Bèze, 3 – Nuits Cailles, 4 – Enfant Jésus, mais c’est évidemment à ce stade très bambin de leur vie.

Nous passons maintenant aux blancs. Le Bourgogne Réserve Coteaux des Moines blanc Bouchard Père & Fils 2015 a un nez assez riche. Il y a une belle attaque de vin joyeux. Le vin n’est pas complexe, son finale est convenable. C’est un vin trop jeune. A l’aération il devient chaleureux, avec une pointe de caramel.

Le Meursault Village Les Clous Bouchard Père & Fils 2015 a un nez agréable, fluide, l’attaque est plaisante, fluide, légère. Le finale est bien poivré. Ce vin est plus agréable mais les blancs sont quand même beaucoup plus durs à boire que les rouges.

Le Beaune du Château 1er Cru blanc Bouchard Père & Fils 2015 a un nez un peu lacté et évoque la poire. L’attaque est de beau fruit jaune. Il a une belle présence en bouche. Le finale est sur l’acidité, citron et poire.

Le Beaune Clos Saint Landry 1er Cru blanc Bouchard Père & Fils 2015 a un nez discret, élégant. Le vin est fluide, minéral de pierre mouillée. Le finale, comme le précédent est de citron et de poire. Il y a un epsilon de perlant. Il est vraiment très jeune !

Le Meursault Genevrières 1er Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez de poivre et minéral. La bouche est un peu perlante, cachant un joli fruit. Le vin est frais avec des notes de bonbon anglais, et le finale est aussi de bonbon anglais et de roudoudou. Je me dis que je pourrais mettre presque tous les rouges à ma table sans problème mais que ce serait impossible pour les blancs, beaucoup trop jeunes. Le Genevrières est le plus grand à ce stade.

Le Meursault Perrières 1er Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez très pur et élégant. L’attaque a du charme. Le vin est pur et de belle charpente. Le finale manque un peu d’ampleur. C’est un vin à attendre.

Le Corton-Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un très joli nez de grand vin. Il a une belle acidité, une attaque joyeuse et un finale marqué par acidité et astringence. C’est un vin assez gourmand au finale avec une suggestion de caramel.

Le Chevalier Montrachet Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a un nez profond de grand vin. L’attaque est gourmande. Le finale un peu perlant est assez discret. C’est un vin qui va s’exprimer brillamment dans le futur.

Le Montrachet Grand Cru Bouchard Père & Fils 2015 a le nez le plus puissant. L’attaque est très gourmande. Le vin est grand. C’est un beau vin. Le finale à peine perlant ne rend pas assez grâce à ce beau vin.

Cette dégustation donne de belles indications. Les blancs sont plus difficiles à boire que les rouges. Plus les vins sont grands, plus ils seront longs à s’ouvrir et à briller. Les vins moins capés sont très précis et agréables à boire. Ces 2015 promettent.

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Dinner of very antique wines in Château de Beaune dimanche, 20 novembre 2016

After the tasting of the 2015 reds and whites of Maison Bouchard Père & Fils, it is time to toast with a beautiful champagne to recalibrate the palate. The wines were great, but the whites were difficult for me because of their youth. We are welcomed at the Orangerie of the Château de Beaune by Gilles de la Rouzière, president of the group including Bouchard and Henriot champagnes.

We are served the Champagne Henriot Cuve 38 non vintage which is produced according to the method of the solera. The first glass which is served to me is not very pleasant, the champagne presenting itself as a little unbalanced. Fortunately another bottle gives a more pleasant wine, but I prefer the Henriot Cuvée des Enchanteleurs to which I am more accustomed.

We go to the table. I am at the table of Gilles de la Rouzière with two of the managers of Christie’s who will lead the sale of Hospices de Beaune tomorrow, with Michel Bettane and Bernard Burstchy as well as other guests including a Belgian importer of Bouchard wines.

The menu that has been elaborated for the wines is: gougeres and puff pastry / oyster in cucumber jelly / roasted pike-perch meurette garnish and truffle of Burgundy / terrine of pigeon, Jerusalem artichoke, foie gras and juniper vinaigrette / Roast back of roast, gourds, declination of onions in texture / cheese plate / chocolate bar, creamy with morello cherry.

The Corton Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils 2000 has a glorious nose. The wine is characterized by its amplitude and its wonderful acidity. The combination with the oyster and especially with the cucumber jelly is sublime. The wine is transported by the pairing. It is broad and golden, grandiose because powerful and enthralling. It is a mature and accomplished wine. It breathes the oyster and combines power and elegance.

The 1955 Corton Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils is struggling to pass after such an extraordinary 2000. He needs the pike-perch dish. It is the sauce that magnifies the wine that does not have the power of the 2000 but is of a beautiful subtlety. Very romantic, graceful, it is a great subtle wine a little milky.

The Clos-Vougeot Grand Cru Bouchard Père & Fils 1999 presents itself with a nose of ash. It is a very bourguignon wine that needs the dish. Michel Bettane finds it very large. The combination is brilliant. Who would say that a pigeon terrine with Jerusalem artichoke and a vinaigrette would go with a red wine. Congratulations to the designers of this pairing that I adore because it comes out of conventions. With the dish the fruit of this wine is fascinating. It is thundering thanks to the great deal. Such inventiveness delights me.

The Beaune Greves Vigne de l’Enfant Jesus First Growth Bouchard Père & Fils 1949 is exceptional. We drink a dream. The nose is a little smoky and the mouth is velvet. The bitterness is divine. It is a wine of meditation. It is very subtle and its velvety makes it almost sweet. But it also pepper and its complexity is limitless. I’m so happy.

The Beaune Clos de la Mousse Premier Cru Bouchard Père & Fils 1864 has a color of eternal youth. Not a single trace of tile. The nose is imperial. There is rose in this perfume but also an imposing fruit. It is incomparable. In the final there is fruit and the freshness of the unstucked grape. What a lesson! This wine is perfect and bigger than the 1949. There is salt and rose. We are in a perfection of the style of the old wines of Romanée Conti. It is a moment of total grace and it is the unstacked who gives this perfection. One would be mistaken without any problem of 100 years if one drank this wine blind. The complexity and structure are impressive. This wine is unimaginable. The dregs are served to me and this dregs explodes in roses. It is sweet, unthinkable madness.

The Malaga 1859 has an intoxicating nose. It is very fat and velvety. Very cherry and pruneau it is divinely worn by the dessert. What is curious is that it also has rose and raspberry. It is a fresh wine with a dry finish that brings freshness. It also has accents of currant grape. This wine is pure charm.

The generosity of our guests is extreme. The last three wines, from 1949, 1864, 1859 are steps that lead directly to the ultimate Grail. The kitchen was perfect and brilliant chords of ingenuity.

This dinner is among the greatest ones.

dîner de gala de l’Académie du vin de France vendredi, 18 novembre 2016

Après la « paulée » de l’académie du vin de France où tous les vignerons membres font goûter des vins du millésime le plus récemment mis en bouteilles, s’ouvre le dîner de gala de l’Académie du vin de France. L’apéritif dans la rotonde d’entrée du restaurant Laurent avec des canapés goûteux et des discussions débridées s’accompagne d’un Champagne Pol Roger Brut sans année, vin de soif qui donne faim. Il est agréable mais manque un peu de typicité. On peut aussi boire un Champagne Billecart Salmon 2004 plus expressif et goûteux que je bois rapidement car après le long apéritif on nous presse de gagner nos places.

A ma table, je suis à la droite d’Erick Orsenna venu avec ses enfants et à la gauche de Bernard Pivot venu avec sa fille et son gendre. Je vais boire leurs paroles autant que les vins du repas.

Le menu mis au point par le bureau de l’académie avec Alain Pégouret est : oreiller de la belle Aurore / homard rissolé, sauce coraline, blettes et pleurotes / canard de Challans frotté au poivre sarawak et rôti, jus perlé, pommes soufflées « Laurent » / Langres / Pavlova.

Avant que ne débute le repas Jean-Robert Pitte passe le flambeau de la présidence de l’académie à Alain Graillot vigneron de Crozes Hermitage. Vient ensuite un immense plateau porté par deux personnes sur lequel est posé un énorme oreiller de la belle Aurore, plat le plus emblématique de la cuisine bourgeoise car il demande des jours et des jours de préparation pour rassembler sous une cuisson parfaite de l’ordre de vingt-cinq composants dont des gibiers, des foies et des ris. Tous les éléments sont assemblés dans une tourte qui a la forme d’un oreiller. La recette initiale est celle d’Aurore, la mère de Brillat-Savarin.

Alain Pégouret qui s’essayait pour la première fois à ce mythe que maîtrisait Gérard Besson, le talentueux chef qui était le prince des gibiers à plumes, a frappé un grand coup car il a réalisé deux oreillers de 18 à 20 kilos chacun. La pâte qui forme l’oreiller est sculptée de lianes et leurs feuilles, avec le mot « Laurent » imposant en relief. La tourte repart en cuisine pour être découpée et servie froide.

Le repas commence par ce plat émouvant, délicieux, goûteux, voire plombant tant il est riche, heureusement rafraîchi d’une part par une gelée très prononcée et intense mais aussi par le Pinot Gris Clos Windsbuhl Domaine Zind-Humbrecht 2014. La fraîcheur du vin est idéale pour le plat lourd. Les viandes et les abats sont superbes et les notes de litchi, les fraîcheurs minérales du vin, portent le plat pour en faire un délice. Il serait en effet impossible de finir la portion pantagruélique du plat s’il n’y avait la gelée et le pinot gris. L’accord est superbe.

Le Beaune Clos des Mouches Domaine Joseph Drouhin 2008 accompagne le homard. Ce sont la sauce et les épices douces qui la recouvrent dont du safran qui vont créer le lien entre le plat délicieux et le vin. Le vin prend de la chair et de la douceur au contact de cette sauce. Et ce qui est merveilleux c’est la symbiose des deux, sauce et vin. On nous a dit dans les discours de bienvenue qu’il y avait eu des répétitions de ce dîner par le comité en charge du gala. On peut penser que le dévouement de ces saintes personnes a été poussé à l’extrême pour qu’on arrive à de telles précisions d’accords. Dans le cas de ce plat, le Beaune n’existe plus par lui-même, car il est sublimé par la sauce et devient un miracle de douceur.

Le Crozes-Hermitage La Guiraude Domaine Alain Graillot 2006 est d’une rare vivacité. Il a la noblesse d’un Hermitage. On en vient à soupçonner que le nombre de répétitions doit dépasser la centaine car la sauce du canard et le Crozes voguent de concert. La chair du canard est d’une rare tendreté, comme cuite à basse température, la sauce insistante mais fluide appelle le vin et les pommes de terre soufflées, aériennes, au sel exact, font une pause pour calibrer le palais. C’est un régal et probablement le meilleur accord de ce repas.

Le Vosne-Romanée aux Malconsorts Domaine Dujac 2006 est noble, raffiné mais aussi gourmand. L’accord avec le Langres est parfait pour mon goût mais j’ai pu sentir que d’autres convives le vivaient moins bien. Le vin est grand et trouve une dimension nouvelle dans cet accord avec un fromage à peine affiné.

Le Jurançon Quintessence du Petit Manseng domaine Cauhapé 2010 est une fontaine de fruits riches et sucrés. C’est le dessert aérien qui lui donne de la fraîcheur. Là aussi il y a symbiose entre la pâtisserie meringuée adoucie par des fruits exotiques et ce riche liquoreux.

Il est évident que les répétitions ont conduit à une exactitude des accords absolument remarquable. Ce repas est ciselé comme dans un rêve de gastronomie ultime. Et ce qui est étonnant c’est que chacun des vins n’a plus eu de vie propre. Il a vécu avec le plat, devenant le plat. Chaque vin a été sublimé par le plat qui lui a été attaché. C’est une prouesse gastronomique.

Jacques Puisais a commenté les mets et les vins, avec son langage fleuri. C’est une tradition. En fin de repas, j’ai rejoint la « table des corses » où l’on m’a tendu un verre de Chartreuse verte Liqueur du Centenaire absolument délicieuse surtout par les intonations de chartreuses canoniques que n’ont pas les VEP (vieillissement exceptionnellement prolongé).

Toute la brigade de cuisine a été chaudement applaudie. Le guide Michelin devrait se saborder s’il n’accorde pas sans délai une deuxième étoile à Alain Pégouret qui la mérite largement. Le service de table a aussi été applaudi. Un ministre invité qui ne devait pas venir est accouru aux deux tiers du repas quand il a su qu’il y avait un oreiller de la belle Aurore. En cette période de primaires politiques il a fait un discours qui fleurait bon la pêche aux voix.

Ce repas de gala de l’Académie se situe au plus haut niveau de la gastronomie française. Les concepteurs du dîner et Alain Pégouret peuvent en être fiers.

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« paulée » des vins des membres de l’académie du vin de France vendredi, 18 novembre 2016

Le soir suivant le colloque de Ferrières se tient le dîner de gala de l’Académie du Vin de France. Le dîner est précédé d’une « paulée », où les membres de l’académie font goûter des vins de leurs domaines, les plus récemment mis en bouteilles, ce qui veut dire le plus souvent de l’année 2014. Cette présentation est faite à l’étage du restaurant Laurent, siège de l’académie.

Les vins sont rangés sur des tables dans l’ordre des couleurs et l’ordre des régions. Les vins sont servis par l’équipe de sommellerie du restaurant Laurent. On commence par les blancs de toutes régions. Les vins de Trimbach et de Zind-Humbrecht sont d’une grande précision. J’ai bien aimé le Cauhapé sec assez rustique mais original. Les vins du domaine des comtes Lafon sont absolument superbes. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 est comme toujours d’une grande élégance. Le Condrieu du domaine Vernay a un joli fruit. Le Domaine de Chevalier a un blanc de grande tenue et le vin dont je ferais volontiers mon chouchou, c’est l’Hermitage Chave blanc 2014, absolument superbe. Les vins blancs du domaine corse Abbatucci ont une forte personnalité.

Après cette visite des blancs, je suis très impressionné par la diversité des palettes de goûts. Les régions françaises ont toutes de l’intérêt et expriment avec force leurs spécificités. C’est très réconfortant.

Dans la salle suivante on déguste les rouges. Ceux du domaine des Comtes Lafon ont autant de personnalité en rouge qu’en blanc. Ils sont joyeux. Un Chambolle-Musigny de Drouhin est très subtil. Le « 560 » du château d’Arlay 2014 est une nouvelle cuvée, 100% bio. Il s’appelle ainsi car seulement 560 bouteilles de pinot noir et trousseau ont été faites en 2014. Cet essai est très original et j’aime.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2014 est un vin tout en subtilité. C’est un vin de recueillement qui ne se découvre pas facilement dans ce contexte où il côtoie des vins beaucoup plus généreux au premier aspect. Il faudrait le boire en d’autres circonstances. L’Hermitage Chave est d’une franchise et d’une générosité qui me plaisent énormément. Suis-je objectif ? Pas forcément, mais peu importe, car j’adore les vins de Chave.

Au chapitre des bordeaux, le Château Croque-Michotte 2014 est vraiment plaisant, comme à chaque académie d’ailleurs, et le Château Gazin 2014 est une grande réussite. Les deux vins du Château Simone, le noir et le blanc sont d’un grand plaisir. Les rouges corses du domaine Abbatucci sont gourmands et typés. On a ajouté à la dégustation un vin espagnol qui ne m’a pas impressionné alors qu’un Barolo s’est montré d’un charme tout italien.

Selon la tradition le dernier petit salon accueille deux liquoreux, le Cauhapé Quintessence du petit manseng 2014 et le Château de Fargues 2012. Si le bouquet de fruits du Cauhapé est généreux et opulent, la grâce du Fargues est d’une élégance qui parle à mon cœur. C’est un vin superbe.

Cette dégustation se déroule au pas de charge, sans prendre de note, car on est dix fois plus attiré par les conversations que l’on peut avoir avec tous les vignerons présents et leurs amis. Il est temps de redescendre les escaliers pour rejoindre la belle salle à manger du restaurant Laurent pour le dîner de gala de l’Académie du Vin de France.

colloque : « Les accords mets et vins » au château de Ferrières jeudi, 17 novembre 2016

L’Académie du Vin de France, en partenariat avec la chaire de l’Unesco Culture et tradition du vin, avec l’Université de Bourgogne et l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation organise un colloque : « Les accords mets et vins » au château de Ferrières. Ce sujet m’intéresse au plus haut point puisqu’il est au cœur de l’organisation de mes dîners.

Le château de Ferrières fut la propriété des Rothschild où des fêtes fastueuses se sont données dans la deuxième moitié du 19ème siècle et au début du 20ème. Le château fut légué à une université parisienne qui l’a cédé pour un franc symbolique à la ville de Ferrières. Le château fut restauré et abrite maintenant une « Ecole de l’excellence à la française » pour l’hôtellerie, la gastronomie et le luxe. Cette école vise à terme 1500 élèves par promotion.

Le colloque démarrant très tôt le lendemain, je vais passer la nuit à l’hôtel Paxton de Ferrières. C’est un immense hôtel au milieu de « nulle part » qui accueille des séminaires mais aussi la clientèle d’Euro Disney qui ne veut pas loger au sein du parc d’attraction. Les chambres ont tout de cellules monacales, et si les fonctions majeures d’une chambre d’hôtel sont assurées, cela ressemble à un service minimum.

Le colloque dure un jour et demi et le soir du deuxième jour se tiendra le dîner de gala de l’Académie du Vin de France. Ceci explique la présence de nombreux vignerons, dont Aubert de Villaine du domaine de la Romanée Conti et Alain Graillot du domaine éponyme, dont mon petit doigt me dit qu’il sera nommé Président de l’ Académie, à la suite de Jean-Robert Pitte, président de l’académie mais aussi président d’honneur de l’école de luxe de Ferrières. Parmi les participants il y a beaucoup d’universitaires, des vignerons, des sommeliers et restaurateurs, et des amis de l’Académie du Vin de France. Après un speech de bienvenue nous nous répartissons en deux groupes en choisissant les conférences et contributions qui nous plaisent le plus.

Le premier matin, j’assisterai à : les banquets officiels de 1890 à 1914 avec des présidents de la République ou de hauts gradés militaires organisés par la ville de Brest / le festin et le vin alsaciens aux 19ème et 20ème siècles / l’accord mets et vins dans la littérature des 19ème et 20ème siècles / la place du vin dans les accords, selon la critique œnophile de l’entre-deux-guerres / le choix des vins dans les repas gastronomiques en Côte d’Or de 1800 à nos jours / marier vins et fromages, une histoire bien française.

Vient ensuite un débat sur « bâtir la carte des vins d’une grande table ou d’un restaurant » avec deux grands sommeliers.

L’après-midi, ce sont : le « gourmet » inspirateur du chef de cuisine et du gastronome / alliances mets et vins vus par des chefs qui sont en même temps vignerons (dont Jean-André Charial et Georges Blanc) / l’accord mets et vins pour renforcer la relation sociale.

Une table ronde avec des restaurateurs, un vigneron et Jacques Puisais a pour thème : bâtir une complicité entre les chefs, les vignerons et les sommeliers.

Le lendemain le thème sera la recherche des alliances à partir du vin : que disent les archives des maisons de champagne / le champagne s’invite à table / sauternes en accord avec l’asperge blanche / vins de Cahors et nouvelles tendances culinaires / quasi-impossibilité de trouver des accords avec la cuisine chinoise / accords mets et vins dans la Napa Valley.

Les exposés faits par des universitaires sont toujours très documentés, mais manquent souvent d’exemples concrets. Mais globalement, ce colloque m’a ouvert quelques pistes à explorer.

Le dîner du premier jour se tient dans la salle des fêtes du château de Ferrières, avec les vins des membres de l’académie du vin de France. Le menu est réalisé par le chef du restaurant gastronomique attaché au château, un MOF (meilleur ouvrier de France). Le menu est : foie gras au naturel, fine gelée de vin de Xérès / sole gourmande, éclats de giroles / lièvre à la Royale, crémeux de céleri / brie de Meaux de la ferme des Arpents (Rothschild) / craquant cacao, douceur d’agrumes.

Le Muscat Réserve Maison Trimbach 2014 est servi à l’apéritif debout avec des petits fours présentés par les élèves de l’école qui ont aussi suivi les conférences. Le vin, à mon goût, n’est pas encore assemblé, même si, à l’usage, on note sa fluidité joyeuse.

Le Côtes du Jura blanc Château d’Arlay 1999 est servi un peu trop chaud. Il serait volontiers agréable, mais il manque de profondeur dans son association avec le délicieux foie gras.

Le Meursault Clos de la Barre Domaine des Comtes Lafon 2009 a un nez explosif, d’autant plus remarqué que le vin précédent était discret. Le vin est superbe et gourmand, profond, à forte persistance. Les giroles l’enchantent.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel rouge 1996 est un peu évolué et met mal à l’aise certaines personnes de ma table, mais je l’adore, d’autant plus qu’un charmant élève me versera la lie aux arômes intenses. Fort, truffé, il est exactement ce qu’il faut pour un lièvre à la Royale délicieux mais aussi très riche, ce qui est la loi du genre.

Le Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1999 est un champagne glorieux qui sera pour moi le vin de la soirée. Généreux, plein et gourmand, c’est un champagne doré qui évoque des pâtisseries. Avec le brie bien fait comme il faut, il crée un accord d’une belle et rare pertinence.

Le Château de Fargues Sauternes 2005 est d’une superbe couleur. Son nez est intense et ce vin représente une forme quasi parfaite du sauternes jeune. Il n’y a pas eu de miracle pour le dessert, puisque sauternes et chocolat sont naturellement ennemis. Mais la présence de Grand-Marnier dans la crème qui accompagne les agrumes a permis à l’association de devenir acceptable, même si elle ne féconde pas le vin.

On oublie les petits détails pour ne garder que le souvenir d’un repas de haute qualité qui donne envie de revenir au château de Ferrières pour y déjeuner ou dîner, et de beaux vins généreusement offerts par les vignerons que je retrouverai ce soir au dîner de gala de l’Académie du Vin de France.

Ce colloque avec des participants passionnants fut très intéressant.

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Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France jeudi, 17 novembre 2016

Lorsque c’est à mon tour d’inviter mes conscrits, j’essaie généralement de choisir des restaurants différents de ceux proposés par mes amis. Mais le directeur Thierry Le Luc et le chef font de tels efforts pour nous gâter et nous choyer que j’ai décidé de faire le déjeuner dont je suis le responsable au Yacht Club de France.

Pour les amuse-bouche d’apéritif, j’ai laissé libre cours à la débordante créativité de Thierry et du chef et cela donne ceci : duel entre l’andouille fumée de Ploeuc et la Langouille Espelette de Saint-Nazaire / toasts rillettes de pigeon, foie gras d’Éric Guérin de la Mare aux Oiseaux / sucettes de mascarpone et saumon fumé à la feuille d’huître.

Pour le menu j’ai indiqué des lignes directrices en fonction de mes vins et j’ai demandé que les recettes soient simplifiées à l’extrême pour que le produit sont mis en valeur. Cela donne : sole normande, jus de coquillages et potimarron / ris de veau aux cèpes et lard Belotta / filet de bœuf de Galice, pommes de terre « fin de siècle » en purée / fromages d’Éric Lefebvre MOF / sorbets artisanaux aux pamplemousses.

La qualité des produits recherchés avec amour a fait de ce repas une merveille. La seule remarque que je ferais est que le potimarron n’était pas nécessaire pour la sole. Sinon, le reste est un « sans faute ».

Le Champagne Diebolt Vallois magnum Brut sans année est un champagne qui combine vivacité et gourmandise. Sa richesse le fait aimer immédiatement. Il en impose par sa structure et sa convivialité. Ce champagne de Cramant dans la Côte des Blancs est un grand champagne.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 paraît nettement plus vieux que le précédent. J’ai peur qu’il ait vieilli plus vite qu’il n’aurait dû mais en fait, dès qu’il s’ébroue et sur les goûteux amuse-bouche, il s’anime, se montre vif et très plaisant. Champagne moins spontané il mérite sa place par sa typicité.

Le Coteaux Champenois Pol Roger Blanc de Blancs sans année doit dater des années 70. Il se présente comme très évolué et pourrait rebuter mais la sole va lui permettre de montrer ce qu’il peut offrir. Ce vin tranquille, c’est-à-dire non effervescent, a une belle matière et de belles complexités mais il ne pourra pas faire oublier qu’il est un peu fatigué.

Le Mercurey Clos des Myglands Faiveley magnum 1980 est absolument superbe. Il profite de son âge à bon escient. Il a beaucoup de puissance mais c’est surtout son élégance raffinée, aussi bien au nez qu’en bouche qui me séduit. Les deux rouges étant servis ensemble, c’est le Mercurey qui s’accordera le mieux avec le ris de veau.

Le Pommard Hospices de Beaune Cuvée Cyrot-Chaudron magnum 1990 fait nettement plus jeune que le Mercurey mais paraît moins complexe. Je préfère le Mercurey à ce stade, mais le Pommard va se montrer le plus vif sur la pièce de bœuf. Thierry Le Luc qui avait ouvert les deux magnums deux heures avant le repas, car j’avais livré les vins la veille, m’avait accueilli à mon arrivée en disant : « les deux rouges sont parfaits » et c’est vrai qu’ils n’ont aucun défaut et se dégustent avec plaisir, le Mercurey très subtil jouant de l’élégance que lui donne l’âge et le pommard plus spontané, direct et disposant d’un joli fruit.

Le Barsac Bouchard Père et fils négociant à Bordeaux 1953 a une magnifique bouteille et une couleur d’un or épanoui, encore clair. Le vin est brillant. Que demander de mieux d’un liquoreux que cette joie de s’exprimer dans des tons de fruits confits, de pâtes de fruits généreuses mais retenues. Ce vin est un bonheur car c’est un « sans grade » qui brille avec distinction et retenue.

Une nouvelle bouteille de Henriot Cuvée des Enchanteleurs a permis de terminer joyeusement ce repas d’amis. La pièce de bœuf superbe et les amuse-bouche sont les gagnants de ce repas ainsi que les surprenants sorbets très complexes. Pour les vins mes préférences iront au Mercurey et au Barsac, suivis par le champagne Diebolt-Vallois.

Ce fut un grand repas d’amitié et de talent de l’équipe du Yacht Club de France.

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