Beau dîner avec mon fils samedi, 12 septembre 2015

Mon fils vivant à Miami gère les sociétés que j’ai dû ne plus gérer lorsque j’ai pris ma retraite. Il arrive à Paris. Nous dînerons tous les deux seuls à la maison. J’ai envie d’ouvrir un vin du domaine de La Romanée Conti et je jette mon dévolu sur un Grands Echézeaux 1983. Au début du repas ou plutôt du grignotage, nous avons le choix entre quatre champagnes mis au frais. Ce sera un Dom Pérignon 1996.

Le Champagne Dom Pérignon 1996 a un superbe bouchon de grande qualité. La bulle est active. La couleur n’a pas de signe d’âge. Le nez est tellement actif qu’il plante le décor : on est dans la noblesse et l’intensité. Et la bouche confirme. La première impression est celle d’une race immense. Le vin est vif, avec des fruits romantiques et une jolie intensité qui fait claquer le champagne en bouche. C’est un grand champagne totalement assumé : il joue juste et il le sait.

Comme nous sommes deux sans cuisiner, on n’opposera au champagne que du jambon italien en fines tranches, du foie gras et un saucisson sec. Mais en fait, l’accord se trouve sur du pain avec du beurre, car le gras du beurre excite le pétillant du champagne.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983 me surprend car jamais je n’aurais attendu autant de fruit dans le parfum de ce vin. Alors que 1983 n’est pas une année puissante, ce vin est tonitruant, ce que je n’attendais pas. Je retrouve dans ce parfum le côté salin que j’aime tant dans les vins du domaine de la Romanée Conti.

En bouche, tout est parcheminé. Il y a des évocations d’armoires anciennes, qui inondent les narines dès qu’on ouvre la porte, mais il y a aussi de la puissance, une force vinique rare, et un côté patiné plein du charme des vins anciens. Boire ce vin, c’est voyager dans l’irréel, dans les sensations rares où les bois exotiques abondent. Jamais je n’aurais vu ce 1983 aussi expressif. Il est essayé avec des fromages de chèvres, de brebis et de vaches, mais c’est vraiment seul qu’il délivre la beauté de son message fait d’énigmes en couches successives tant il joue sur des registres inatteignables de bois exotiques et de salinités subtiles. Encore une fois, jamais je n’aurais imaginé ce vin à ce niveau de complexité.

Nos discussions n’en finissent pas aussi fait-il un peu soif. J’ouvre un Champagne Cristal Roederer 1983, de l’année du Grands Echézeaux. C’est amusant qu’il y ait des synonymies entre les deux 1983. Car il y a des aspects de bois flottés dans le Cristal. C’est un grand champagne, beaucoup moins charmeur et flatteur que le Dom Pérignon 1996, mais très racé, claquant en bouche, avec des évocations de bois marins. C’est un champagne vif. Grignoter ainsi avec mon fils en recréant le monde, que demander de mieux ?

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Verticale de 20 ans de Clos de Tart et dîner en l’honneur de Sylvain Pitiot samedi, 12 septembre 2015

Sylvain Pitiot, le directeur du prestigieux Clos de Tart a pris sa retraite cette année. Avec son successeur Jacques Devauges, avec les propriétaires du Clos, de la famille Mommessin, il a invité une trentaine d’amis, de distributeurs et agents et de journalistes pour célébrer ses vingt années à la tête du domaine. Sylvain m’avait demandé d’apporter un vin pour la fin de repas, aussi dès mon arrivée j’ouvre quatre bouteilles car il y aura quatre tables au dîner.

A 18h30 nous nous présentons dans la cour du Clos et peu de temps après nous commençons la dégustation des vingt millésimes faits sous la responsabilité de Sylvain. Sur des tonneaux redressés sont posées des bouteilles de trois ou quatre millésimes. On a appelé ces stands des « stations » et je peux affirmer que cette dégustation est tout sauf un chemin de croix.

Les premières stations sont dans un chais. Les autres sont dans l’une des magnifiques caves ancestrales du Clos de Tart. Nous sommes debout, ayant en main le verre de dégustation, le carnet de notes et un stylo. Il n’y a aucun pupitre, aussi la prise de notes est épique. Elle sera donc succincte.

Le Clos de Tart 2014 a une attaque très franche. Il a déjà une belle plénitude. Il est riche et épais. C’est une belle surprise de le voir si buvable.

Le Clos de Tart 2013 a un nez plus serré que le 2014. Il est plus fluide et plus frais. Il a un très joli caractère et un finale très noble.

Le Clos de Tart 2012 a un nez très minéral, d’ardoise. Il est plus fermé que les 2013 et 2014. Il est dans un stade de fermeture qui limite son charme. A attendre avant de juger.

Le Clos de Tart 2011 a un nez très frais. Le vin est romantique. Je ressens une petite amertume. Le finale est très racé mais le vin manque un peu d’opulence à mon goût.

Le Clos de Tart 2010 est plus gourmand et plus joyeux. Il a une belle plénitude et un bel équilibre. C’est un grand vin de belle râpe dans le finale.

Le Clos de Tart 2009 a un nez fruité. Le vin est très large. Il est à la fois frais et riche. C’est un grand vin.

Le Clos de Tart 2008 a un nez plus discret mais il a une belle attaque de fruit. C’est un vin frais, riche, au finale poivré. C’est un très grand vin, très généreux.

Le Clos de Tart 2007 se boit bien. Il est frais, léger, très agréable. Il a des similitudes avec les vins anciens d’années discrètes dont il partage l’élégance et la subtilité. Il a un très beau fruit. C’est l’expression élégante du Clos de Tart dans une année moins riche.

Le Clos de Tart 2006 est très différent. Il a une belle matière, de la fraîcheur et des fruits presque confits. Il est plus assis que les autres tant il est riche. C’est un grand vin.

Le Clos de Tart 2005 a une attaque de velours et de charme. Il a beaucoup de fruits et de plaisir. C’est un vin très précis. Le finale est un peu rêche, mais c’est agréable. Ce vin est de fruit et de fraîcheur.

Le Clos de Tart 2004 a un nez très fort et intense et paradoxalement on ne le retrouve pas en bouche car le vin est fermé, âpre, limité.

Le Clos de Tart 2003 a une couleur très noire. Il y a un peu de café dans son parfum. On ressent un peu de sucrosité. Ce vin d’une incroyable richesse ne me semble pas dans la ligne traditionnelle du Clos de Tart.

Nous changeons de salle de dégustation et les odeurs très fortes qui règnent dans la cave vont influencer la perception des parfums des vins.

Le Clos de Tart 2002 a un beau fruit très équilibré. Ce n’est pas un vin tonitruant, mais il est très agréable à boire. Son finale est gourmand.

Le Clos de Tart 2001 a beaucoup de fraîcheur et un fruit agréable mais un peu court. C’est un vin qui demanderait d’être en situation de gastronomie car je le trouve un peu fermé, au sucre perceptible dans le final.

Le Clos de Tart 2000 a un nez intense. Le vin est plutôt léger. C’est un vin qui se cherche. Son finale est très agréable et me pousse à l’aimer.

Le Clos de Tart 1999 est un vin qui me donne l’impression de ne pas être encore épanoui. On sent qu’il faut l’attendre encore plusieurs années afin d’en saisir toutes les qualités.

Le Clos de Tart 1998 est le premier vin de ceux que j’ai dégustés qui donne des notes animales dans son parfum. La bouche est fraîche et le vin est agréable, ne faisant pas partie des plus belles personnalités.

Le Clos de Tart 1997 est tout en velours et en douceur. Il a une belle matière mais joue surtout sur l’élégance. J’adore ce vin qui comme le 2007 a des intonations de vin ancien.

Le Clos de Tart 1996 a une très belle couleur d’un rouge glorieux. Le vin est d’un équilibre rare. C’est le plus plaisant à boire car il est plus mûr que tous les autres. Le finale n’est pas assez structuré pour mon goût mais c’est déjà un grand vin.

Ce qui est intéressant dans cette dégustation, au-delà de la constatation de la noblesse de ce vin béni des dieux, c’est que les petites années ou supposées petites sont les plus agréables à ce stade de leur jeunesse. Ainsi, 2007 et 1997 sont de très belles surprises. Le 2008 est un vrai bonheur et montre de grandes qualités. Les grandes années dépasseront les petites années, mais dans vingt ans sans doute.

Après cet exercice nous remontons dans la cour pour trinquer avec les autres participants. C’est un Champagne Pol Roger magnum 2002 qui nous est servi. C’est une remarquable réussite de l’année 2002, vin de charme mais de forte imprégnation. On le boit avec un infini bonheur.

Le dîner est placé. Je suis à côté de Didier Depond, président de Salon-Delamotte et à côté d’une jeune femme vivant en Suisse qui est Master of Wine. Le Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin est aussi à notre table ainsi que des américains et anglais, l’épouse d’un célèbre vigneron bordelais et un célèbre vigneron bourguignon.

Sylvain Pitiot fait un court discours sur l’histoire du Clos de Tart, protégé par la Vierge de Tart depuis 1141 quand il fut fondé par les moniales de l’Abbaye de Tart, dépendant de celle de Cîteaux. Jacques Devauges fait lui aussi un court discours de remerciement à Sylvain et souhaite poursuivre son œuvre.

Le menu préparé par Thomas Le Courbe est : escalope de foie gras de canard poêlé au cassis, craquant de pain d’épices / pavé de thon sauce vin rouge, carottes glacées, jeunes pommes de terre / demi pigeonneau farci basse température, jus simple / Cîteaux, Epoisses, Comté / mignardises.

Le Clos de Tart 2007 est un vin superbe, d’une fraîcheur rare et d’un beau fruité mais surtout, il est magnifié par un accord que je n’aurais sans doute jamais osé. La sauce au fort cassis est vineuse et propulse le vin à des hauteurs rares, lui donnant équilibre et un fruité magnifique.

Le Clos de Tart magnum 2005 a un nez superbe. Le vin est noble et racé. Son acidité est belle ainsi que sa matière. Le fruit un peu râpeux est puissant. Le 2005 a plus de structure que le 2007 mais c’est aujourd’hui le 2007 qui montre plus de charme et de velours. En fait il faudrait attendre vingt ans pour que le 2005 délivre tout ce qu’il a en devenir. On en a une idée grâce au poisson car le 2005 devient grandiose, strict mais grandiose. Michel Bettane dit que c’est grâce au 2005 que le Clos de Tart est remonté tout en haut de la hiérarchie des vins de Bourgogne.

Le Clos de Tart 2002 est difficile à caractériser. Il est très vineux, très fort mais manque un peu d’ampleur. Servi d’une deuxième bouteille, je suis face à un vin beaucoup plus plaisant, vin gracieux avec des petites notes de café.

Le Clos de Tart 1996 a une couleur très foncée, plus que celle du 1996 bu en cave. Il me donne une impression de vin âgé. C’est un grand vin de structure riche, évoquant la truffe noire. Il est fort, puissant, très racé, claquant en bouche et imprégnant. Il a fraîcheur et puissance, à l’aise sur l’excellent pigeon.

Le vin mystère peut difficilement cacher qu’il est Clos de Tart. C’est donc l’année qu’il faut trouver. Autour de la table, les candidats possibles sont 1985 et 1978. Quand je hasarde 1976, le vigneron bourguignon me répond : « non, pas 1976 ». Je n’insiste pas car c’était une hypothèse parmi d’autres. Sylvain nous demande si nous avons trouvé le Clos de Tart 1976, vin frais, fluide et très beau dans son épanouissement calme et mesuré.

Le vin que j’ai apporté est un Niersteiner Konigskerze Rheinhessen Bansa & Sohn 1959. Il est doux mais non sucré, aqueux, herbacé tendance artichaut, évoquant un peu la Suze. C’est un vin curieux, déroutant mais intéressant, qui a été diversement apprécié selon les tables car ce vin fait un peu du hors-piste et les quatre bouteilles avaient à l’ouverture des parfums dissemblables. Je voulais mettre un vin qui ne soit pas archi-connu de ces grands dégustateurs. Je suis peut-être allé trop loin dans l’inconnu.

Le menu remarquablement conçu avec des accords pertinents et dont l’audace a été couronnée de succès a parfaitement convenu aux vins. L’ambiance amicale et chaleureuse a permis à chacun de se réjouir de cette communion avec Sylvain Pitiot, qui a permis au Clos de Tart de rejoindre les étoiles du firmament bourguignon.

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Jacky Rigaux et Sylvain Pitiot

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les tables du dîner dans la salle du pressoir qui date de 1514

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le menu

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trois expressions caractéristiques de Sylvain Pitiot

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un peu de retard pour photographier le foie gras poêlé !

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le vin allemand 1959 que j’ai apporté

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Dîner au restaurant de l’hôtel Shangri-La avec des vins de la famille Hugel mardi, 8 septembre 2015

(lire le récit du déjeuner ci-dessous)

J’arrive vers vingt heures au restaurant chinois de l’hôtel Shangri-La qui a organisé un menu dégustation à six ou huit plats agrémentés de vins de la famille Hugel. Les inscrits ne se mélangent pas et sont répartis à des tables en fonction de leurs réservations. Les représentants de la famille Hugel, Etienne, son fils et son neveu, passeront de table en table pour commenter tel ou tel vin. Serge Dubs fera de même et j’irai aussi saluer ceux qui se sont inscrits à la suite de mon mail annonçant ce dîner. Avant cela, l’apéritif se prend debout avec le Gentil Hugel 2014 qui confirme mon impression du midi, d’un vin franc, simple, frais et de belle soif.

Le dîner dégustation autour des vins de la famille Hugel est ainsi conçu : effiloché de poulet en salade, sauce façon sichuanaise / Ha Kao Siu Mai (qui comprend des beignets de crevette, du crabe et du porc) / ravioli de crabe au bouillon / langouste croustillante aux flocons d’avoine / porc à la sauce aigre-douce / riz sauté à la façon du chef / lait de coco aux céréales, boules moelleuses à la crème montée et fruits frais.

Le Gewurztraminer Estate Hugel 2012 a un petit côté déstructuré que je n’aime pas beaucoup dans les jeunes gewurztraminers. Son alcool est fort, presque trop fort. C’est un chien fou talentueux qui se domestiquera avec l’âge, ce que le plat de poulet réussit dans l’instant, révélant café, caramel mais aussi son caractère floral. Le vin est très à l’aise avec ce plat épicé, mais il serait sage d’attendre encore avant d’en profiter.

Le Riesling Grossi Laüe Hugel 2010 et le Rieling Jubilee Hugel 2009 sont les mêmes que ce midi. Je retrouve les mêmes impressions mais les plats épicés n’arrangent pas tellement ces vins.

Le Pinot Gris Jubilee Hugel 2009 est d’une rare élégance. Il est magnifique, magique et je suis conquis par ce vin.

Le Riesling Classic Hugel 2014 est peut-être grand, mais il est trop jeune pour mon palais. Le Riesling Schoelhammer Hugel 2007 est magnifique, d’une grande perfection comme ce midi. Il vibre, il est généreux. C’est un très grand vin.

Le Pinot Gris Vendanges Tardives Hugel 2008 est sublime, magique sur le porc aigre-doux, dans une association diabolique de plaisir. Il révèle de l’ananas.

Le Pinot Noir Jubilee Hugel 2013 est trop jeune pour moi, montrant trop son acidité et son amertume.

Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles « S » Hugel 2007 est magnifiquement confortable. Il a la pourpre cardinalice, l’aisance et la facilité des seigneurs.

L’esprit est à la joie et surtout à la générosité. La cuisine chinoise est de grande qualité. Certains plats sont déroutants, comme les desserts, d’autres sont d’un charme rare comme le porc aigre-doux qui a créé un accord de première grandeur. L’hôtel est luxueux, le service est très attentif et efficace, dont Cédric, sommelier très à l’aise au milieu de cette débauche de grands vins.

La famille Hugel fait des vins de haute qualité, dont certains me sont apparus de très haut niveau, couronnés qu’ils sont par les meilleures notes dans les guides. Ce fut un plaisir de rencontrer trois générations d’Hugel. Les alsaciens savent recevoir. Je suis sûr que Jean Hugel, avec qui je fus d’une grande complicité, doit être fier, là-haut, du travail effectué par sa famille.

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Etienne Hugel m’a photographié avec Cédric qui avait aligné les bouteilles de tous les vins bus ce soir

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Déjeuner au restaurant Macéo avec les vins de la Famille Hugel mardi, 8 septembre 2015

Alors que j’étais encore dans le sud, Etienne Hugel, qui m’avait invité à la présentation des vins de la famille Hugel dont notamment de nouveaux rieslings secs, m’appelle et me demande : pourrais-tu faire du tamtam auprès de tes amis car nous avons prévu un dîner au Shangri-La et la participation à ce dîner n’est pas à la hauteur de nos espérances. Aussitôt dit, aussitôt fait, j’envoie un message aux lecteurs de mon bulletin et la réaction ne se fait pas attendre, quelques heures plus tard j’apprends que toutes les tables sont complètes. Bravo cher lecteurs pour votre réactivité.

La « journée Hugel » commence au premier étage du restaurant Macéo par un déjeuner de presse. Il se trouve que c’est en cet endroit que se tiennent le plus souvent les séances de l’académie des vins anciens dont le regretté Jean Hugel était l’un des plus fidèles participants. Je suis sensible à cette concordance de lieu.

La maison Hugel fait partie des Hénokiens, ces sociétés dont le capital est détenu par une même famille depuis plus de deux siècles. Elle est aussi membre de l’association Primum Familiæ Vini qui regroupe des vignobles prestigieux toujours dirigés par la même famille. Dans le cas de la maison Hugel, on est aujourd’hui à la treizième génération. On a fêté en 1989 les 350 ans de la maison Hugel.

André Hugel, frère cadet de Jean, né en 1929, père d’Etienne, est un historien auteur de nombreux ouvrages. Il retrace l’histoire de la famille Hugel dans le contexte de l’histoire de l’Alsace et des guerres qui ont affecté la citoyenneté des membres de la famille. Et ce long préambule est l’occasion de présenter le nouveau nom qui figure sur les étiquettes : « Famille Hugel » au lieu d’Hugel et Fils. Un autre changement est celui des appellations des vins, qui s’inspirent des racines alsaciennes de la famille. Etienne parle de cette petite révolution qui tient compte des changements familiaux avec l’apparition d’une nouvelle génération aux commandes de cet antique et solide vaisseau.

L’accueil se fait avec un Gentil Hugel 2014. Le Gentil est un vin blanc sec fait de l’assemblage de vins de multiples parcelles, un peu à la façon de l’Edelzwicker que l’on trouvait dans tous les Weinstübe alsaciens. Ce qui est sympathique, c’est que l’acidité est franche, aigrelette bien sûr mais très douce. Ce vin léger se boit bien, simple, frais, de belle minéralité. Je l’aime volontiers pour sa pureté.

Le menu composé par le Macéo selon les indications de Mark Williamson est : tempura de langoustines bretonnes et pointe de curry, chips d’aubergine et houmous vert-pré / Céviche de daurade de ligne, mangue verte et ponzu / loup sauvage simplement braisé et beurre oncle Johnny, gnocchi maison porcini / Stilton Colston Basset, pain aux figues et noix.

Le Riesling Classic Hugel 2013 est plus fruité et floral que le Gentil. Il est frais et fluide, un peu jeune et pas assez structuré. Il a un beau fruit de groseilles blanches et se montre pénétrant.

Le Riesling Estate Hugel 2012 a un peu de perlant mais il est très agréable, surtout dans le finale. Le perlant sensible ne nuit pas au finale très fruité. J’aime beaucoup le 2013 malgré sa jeunesse et le 2012 est plus fort et plus long. C’est d’ailleurs lui qui convient le mieux à la daurade.

Le Riesling Jubilee Hugel 2009 (dont le nom Jubilee s’écrit sans accent) a un nez très gracieux. Il a un aspect beaucoup plus doux. C’est vin de noblesse et de netteté avec une grande persistance aromatique.

Le Riesling Grossi Laüe Hugel 2010 a aussi un côté perlant. Il est de belle acidité avec beaucoup de fruits.

Le Riesling Schoelhammer Hugel 2007 est très gracieux, pur, éthéré et romantique. C’est un vin magique qui a tout pour lui. Il montre un peu de sucrosité et se révèle gastronomique. Je l’adore.

Le 2009 convient bien au loup, plus que le 2010 du fait de l’impression de perlant. Le 2007 est superbe et gastronomique et c’est le plus sucré des trois. Le plus orthodoxe et le plus représentatif du riesling est le 2009 mais le 2007 est plus charmeur et séducteur même s’il représente un peu moins l’image de netteté du riesling.

Serge Dubs, meilleur sommelier du monde en 1989, sommelier de l’Auberge de l’Ill, commente les vins et quand il évoque la truffe blanche pour le 2007, cela me saute aux yeux. La sauce du loup, baptisée « beurre oncle Johnny » en hommage à Jean Hugel, a été faite avec un riesling Hugel et c’est un bijou.

Le stilton du Macéo est une merveille. Le Pinot Gris Vendanges Tardives Hugel 2008 est très riche, lacté et gras.

Le Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 2007 est beaucoup plus floral et gracieux que le pinot gris, mais il a un finale moins précis. Le 2008 est plus adapté au stilton, car plus « nature ». Le 2007 est plus gracile mais très joli dans sa subtilité. Pour ce vin il faudrait autre chose que le stilton. Ce vin superbe aimerait un plat plus cuisiné. Le 2008 est plus riche.

La salle où nous déjeunons se remplit car il est prévu entre 15 heures et 18 heures une présentation des rieslings Hugel et les premiers arrivés viennent saluer ceux qui déjeunent. Je quitte cette belle assemblée dont je retrouverai certains au dîner du Shangri-La.

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Trois générations de Hugel

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de gauche à droite André Hugel assis, Mark Williamson, Serge Dubs, Etienne Hugel et son épouse

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Point final d’un trimestre passé dans le sud lundi, 7 septembre 2015

Après plus de deux mois et demi passés dans le sud, le retour vers Paris est vécu comme un arrachement. La famille, les amis, le beau temps, la mer et son immensité, les couleurs, le calme, j’ai peur de perdre ces enchantements. Alors, pour poser sur le beau parchemin un point final, je choisis Champagne Salon 1996. J’ai un amour particulier pour le champagne Salon et 1996 commence à délivrer un beau début de maturité. Nous sommes seuls, ma femme et moi et je suis seul à boire aussi allons-nous vers des compagnons de jeu que le Salon apprécie. D’abord un jambon Pata Negra bien gras, avec des notes de noisette, trouve un écho avec le Salon 1996. Son acidité citronnée se teinte de ces noisettes et c’est délicieux.

Ensuite, c’est une terrine de foie gras qui joue le rôle du tapis rouge du festival de Cannes : le Salon gravit les marches de sa splendeur de la plus exquise des façons. L’image qui me vient est que ce Salon 1996 est le Roger Federer du champagne. Il joue simple, juste, avec une redoutable efficacité. Il me fallait bien ce grand champagne pour tourner la page d’un trimestre de bonheur et me préparer à de nouvelles aventures.

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Nouveau déjeuner aux Gorges de Pennafort jeudi, 3 septembre 2015

Deux jours plus tard, je me présente à nouveau au restaurant de l’hôtel des Gorges de Pennafort pour y déjeuner avec un couple d’amis, fidèles de mes dîners. Faire deux expériences dans un temps si court permet d’affiner la vision sur la cuisine et sur l’atmosphère générale du lieu.

Mon ami a envie de prendre le grand menu dégustation et il est obligé de faire des trésors de persuasion pour que sa femme le rejoigne dans cette voie. Je suivrai le mouvement.

Le menu est : carpaccio de langoustine à la mangue / huître pochée, sabayon, œufs de saumon, ciboulette, caviar / salade de homard à l’huile d’olive de monsieur Berenguier / raviolis de foie gras et parmesan / saint-pierre rôti au persil / turbot braisé au champagne et caviar / langoustines poêlées aux girolles / filet de bar poêlé aux artichauts / granité citron et sorbet aux airelles / plat principal (pour mes amis ris de veau braisé et pousses d’épinards – pour moi : pigeonneau rôti aux asperges et petit pois / plateau de fromage / ananas poché et pamplemousse rafraîchis au basilic / millefeuille à la vanille et sa glace minute / dôme chocolat au lait, noisette / mignardises.

Alors que ce menu est pantagruélique, nous avons eu droit à des ajoutes qui montrent la volonté du chef Philippe da Silva d’offrir une générosité sans égale. Certains plats m’ont évoqué cette célèbre phrase des Tontons Flingueurs : « c’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases». J’ai envie de transposer cette phrase « culte » en : « c’est curieux chez les cuisiniers ce besoin de marier des produits qui ne vont pas ensemble ». Ainsi la terrine de foie gras aux figues est un plat où la figue étouffe le foie gras, ne lui permettant pas de s’exprimer. L’exemple le plus flagrant est celui du carpaccio de langoustine à la mangue. Les fines tranches crues de langoustines sont recouvertes d’une épaisse crème de mangue qui masque complètement le goût de la langoustine.

Mais le chef est capable d’offrir aussi une cuisine sobre de grande qualité. Le plat que j’ai préféré est celui du pigeonneau, remarquablement réalisé. Habitué par mon épouse à des cuissons de poissons à la seconde près, j’ai trouvé les poissons un gramme trop cuits mais excellents. Globalement, si la cuisine est excessivement généreuse, au point que nous avons dû refuser le foie gras poêlé et le plateau de fromages, elle est de grande qualité mais devrait se simplifier, pour enlever les ingrédients et ajoutes qui n’apportent rien à l’équilibre du plat. Cette remarque vaut encore plus lorsque l’on choisit des grands vins.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1988 est une merveille de champagne. Sa couleur est d’un blé blond d’été, la bulle est active et le goût s’impose. Le champagne prend possession du palais, avec un message puissant et typé. On sent le miel et le beurre, mais c’est surtout l’équilibre persuasif qui emporte notre enthousiasme. C’est un champagne qui joue dans la cour des grands et ses 27 ans lui vont à merveille.

Je suis un inconditionnel de « La Cabotte » aussi ai-je choisi un Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2003. Ce Chevalier a en fait le niveau d’un Montrachet. Lorsqu’Odile la sommelière me fait goûter, je trouve le vin étonnamment vert, comme un vin d’un an mais dès qu’il s’aère, tout s’assemble. Opulent, racé, riche, il est gouleyant et gourmand. Il emplit la bouche, il est noble et son équilibre me plait. C’est un grand blanc de Bourgogne sans une once de lourdeur. Sa complexité aromatique est belle évoquant les beaux fruits blonds d’été. Il est à l’aise sur tous les plats de poissons que nous avons goûtés.

Le Chambertin Grand Cru Jean & Jean-Louis Trapet 2010 a la grâce des chambertins et l’exquise délicatesse du domaine Trapet. Si le Chevalier-Montrachet est dans l’affirmation, le chambertin est dans la subtilité. C’est l’amour courtois. Avec la délicieuse chair du pigeonneau, je me régale. Le vin est jeune bien sûr, mais on ne le sent pas tant il a déjà l’assurance des grandes années. C’est un grand moment. Dans vingt ans, ce vin sera sublime.

Les Gorges de Pennafort est manifestement un grand restaurant. Avec un peu moins de générosité – c’est assez paradoxal de le suggérer – un peu moins de complication et d’ajoutes inutiles, ce restaurant serait quasiment idéal. Lorsqu’on déjeune en extérieur par des températures qui dépassent 30°, la gestion des températures des vins est cruciale. La sommelière s’en est bien acquittée. Je reviendrai, mais pas dans deux jours !

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Déjeuner au restaurant Les Gorges de Pennafort mercredi, 2 septembre 2015

Des amis de mes dîners étant présents dans le sud de la France, nous avions prévu de nous retrouver un jeudi au restaurant Les Gorges de Pennafort à Callas. Ma femme m’annonce qu’une amie veut nous inviter ce même jeudi aux Gorges de Pennafort. Je suis toujours émerveillé par ces hasards si improbables. Les deux intentions ne pouvant se fusionner, je vais avoir l’occasion de déjeuner deux fois en ce restaurant.

La route vers Callas au milieu des vignobles est d’une grande beauté. Le site installé le long des gorges est ravissant. Notre amie nous invite mais me demande de choisir les vins. La carte des vins est bien fournie mais je n’arrive pas à débusquer de bonnes pioches, car le prix sont musclés, du même ordre de grandeur que ceux que l’on trouve à Paris.

Nous prenons un menu donnant lieu à des choix possibles pour chaque plat. Notre choix est commun : raviole de foie gras et parmesan / turbot braisé au champagne / ris de veau braisé au Porto / plateau de fromages pour moi et feuilleté de poires à la fourme d’Ambert pour notre amie / desserts du chef. Fort agréablement et curieusement, le nombre de surprises du chef qui s’ajoutent à ce menu est quasiment infini. Ainsi nous avons eu une mousseline aux herbes locales, une terrine de foie gras aux figues, une assiette de légumes variés au parmesan et un sorbet que j’imagine être de basilic, et un saint-pierre aux petits légumes aigres-doux et câpre qui se sont succédé avant que n’arrive le premier plat auquel le chef a ajouté une belle brassée de copeaux de truffe d’été. Le lieu est manifestement généreux et cela s’est poursuivi pour le turbot que l’on a agrémenté de grains de caviar largement distribués, précédé d’une dorade et supions non prévus au menu.

La cuisine de Philippe da Silva est franchement plaisante. J’ai apprécié la raviole scientifiquement travaillée au point que l’on ressent le dosage idéal, le turbot un peu cuit mais bien soutenu par le caviar, et le ris de veau de grande qualité, légèrement caramélisé et dont le cœur est fondant.

Je savais que notre amie adore le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle aussi l’ai-je choisi. Et j’ai bien fait car ce champagne très typé est d’un charme rare. Dès la première gorgée, on est conquis. Il combine deux aspects. D’un côté il est féminin, gracieux, romantique. De l’autre il est profond, avec des esquisses de noisettes et de caramel, laissant une trace forte en bouche. C’est un régal.

J’ai commandé un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1998 qui est l’une des bouteilles les plus vieilles de cette carte des vins qui compte une trop forte majorité de vins très récents. La sommelière ouvre la bouteille sur une petite table et prélève un petit verre pour goûter. Elle n’est pas dans mon champ de vision et soudain ma femme me fait signe de regarder. La sommelière carafe le vin sans m’avoir demandé si je le désirais. Il m’a fallu de longues minutes pour que j’oublie cette contrariété. Car dans une atmosphère très chaude dépassant 30° sur la belle terrasse, j’aurais préféré ne pas précipiter l’aération du vin. Malgré ce petit contretemps, ce vin est superbe et d’une année de grande réussite pour Beaucastel. Il a des notes de vins du sud, avec des évocations de garrigue, mais il a aussi des petites traces de café et de caramel bien fondues. Il est vineux, puissant, et d’un grand équilibre. Il s’est très bien trouvé avec le ris de veau malgré le porto sensible. J’en ai prolongé le plaisir avec quelques fromages dont un saint-nectaire.

La décoration du restaurant est très typée et correspond au goût du maître des lieux, le service n’est pas tout-à-fait à la hauteur du niveau de la cuisine qui est de très belle qualité.

Ce restaurant est l’un des meilleurs de la région et nous y avons passé un très agréable moment.

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Le pied dans la glaise ou le pied en glaise ?

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Le chef pose en dessin à côté de mots pour exprimer « taquiner la bibine »

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Traditionnel dîner du 15 août dans la maison du sud dimanche, 16 août 2015

A 20h30 nous sommes au complet, neuf, dont sept buveurs. Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en novembre 2002 est une inconnue, car j’ai eu parfois des déconvenues avec des Substance bus longtemps après le dégorgement. Le pschitt est très beau. Ce que m’inspire le premier contact et qui fait rire mes amis, c’est : « il est très Substance, très Selosse, d’une belle évolution ». Cela fait rire mais c’est vrai car ce champagne a toutes les caractéristiques du Substance, très vineux, un peu fumé, avec des accents de tisane ou de thé. Il a bien géré son évolution depuis son dégorgement ce qui est une bonne nouvelle. Il est mis en valeur par des tranches de Pata Negra mais surtout par un sublime fromage de tête qui lui va à ravir.

Le Champagne Bollinger 1976 ne produit aucun pschitt. Il n’a plus de bulle et sa couleur est très ambrée. Il est nettement plus évolué que ce que son année devrait être. Il a un bel équilibre et une grande longueur. Avec des dés de parmesan, il est génial, car cela renforce son goût de noix. On sent son alcool, comme une grappa. Il est de belle race. Si l’on compare, le Selosse est plus amer et le Bollinger est plus charmeur et plus doux. Ce 1976 évolué est un très grand vin, de grande longueur avec des fruits dorés.

De gigantesques camerones ont cuit sur la plancha et sont accompagnés par le Clos Joliette Jurançon sec 1974. Le vin est joliment doré. Il évoque les abricots, la truffe blanche et les zestes d’orange. Il est extrêmement racé et c’est sur le corail des camerones que l’accord est divin, couleur sur couleur. Le vin est raffiné et subtil mais je ne suis pas aussi laudatif que l’ami qui nous l’a apporté, qui le vénère.

Un gigot d’agneau à basse température et un pressé de pommes de terre vont être les accompagnateurs de la troisième confrontation de Grange des Pères avec ses pairs d’un même millésime, le 1999 pour cette série. Le Terrebrune Bandol 1999 a un très joli nez et dès la première gorgée le mot qui vient est « génial ». Car son équilibre est stupéfiant. Il a tout pour lui, il est exceptionnel et on a du mal à imaginer qu’un Bandol puisse être dans cet état de grâce.

Le Grange des Pères 1999 a un nez déstructuré, sucré, et sa bouche est sucrée et déviante. Il est meilleur que les deux d’hier, mais il souffre comme eux d’un manque de pureté et de structure.

Le Vega Sicilia Unico 1999 dont le parfum à l’ouverture m’avait tétanisé est une « tuerie » comme on dit aujourd’hui. Il a des tonnes de grains de cassis qui explosent en bouche. Sa fluidité est absolue c’est un vin grandiose au finale de folie. On s’imagine en vigneron foulant au pied les grappes de raisin, mais ici il s’agirait de grappes de cassis. J’adore ce vin de folie. Il est jeune et indélébile, il est truffe et velours.

Nous sommes sept à voter et nos votes sont identiques : 1 – Vega Sicilia Unico, 2 – Terrebrune, 3 – Grange des Pères. La grande surprise est la perfection du Terrebrune.

La deuxième série de trois rouges sera sur des fromages, mais la prise de connaissance se fera avant d’y toucher. Le millésime exploré est 1996.

Le nez de la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 est incroyable. Il m’évoque le côté salin des vins du domaine de la Romanée Conti. Le nez du Grange des Pères Vin de pays de l’Hérault 1996 est un peu savonneux. Il est faible. Le nez du Vega Sicilia Unico 1996 est beaucoup plus calme et civilisé que celui du 1999. Le plus joli nez est celui de La Mouline.

En bouche on ressent aussi la salinité que le nez suggérait en cette Mouline. C’est un vin de charme, de puissance et d’expression. Il est incroyablement serein et joue juste, parfait dans toutes ses composantes. C’est la force tranquille.

Le Grange des Pères 1996 évoque un fruit compoté et acide dans un registre limité. Il n’a aucune chance à côté des deux autres. Le Vega Sicilia Unico 1996 est d’un charme absolu, c’est Fred Astaire, car il a le raffinement calme à côté du volcanique Vega Sicilia Unico 1999. Son évocation de café est magistrale.

La Mouline est sublime et se montre plus grande que le vin espagnol, mais on constate que l’on peut passer de l’un à l’autre sans qu’aucun ne souffre. La Mouline est un vin plus vif, comme un coup de fouet et le Vega est un vin plus doux. Ce qui est désolant, c’est que personne n’a envie de boire le Grange des Pères, alors que c’est probablement le meilleur des quatre que nous avons bus. Et lorsque je l’ai goûté plusieurs minutes après son service, il devenait beaucoup plus structuré que les autres, ce défaut de cohérence m’ayant gêné sur les trois autres.

Les sept votes sont unanimes avec 1 – Mouline, 2 – Vega, 3 – Grange des Pères.

Sur une pâte bleue de Bavière bien grasse et un Stilton très âgé, peut-être trop, le Château d’Yquem 1987 d’un jaune très jeune et clair se montre beau et fluide, mais il manque un peu de ce qui fait la gloire d’Yquem. Il est gourmand, mais sans la petite étincelle d’émotion qui en ferait un grand vin.

Viennent ensuite une tarte aux abricots et une tarte Tatin. Les abricots un peu acides rendent l’accord moins plaisant qu’avec les délicieuses pommes de la Tatin.

Les rencontres du 15 août entre amis amateurs de vins ont atteint cette année leur objectif. Chacun est heureux. Les vins qui m’ont le plus marqué sur ces deux jours sont : 1 – Montrachet Ramonet 2000, 2 – La Mouline 1996, 3 – Vega 1999, 4 – La Landonne 2005, 5 – Terrebrune 1999, 6 – Vega 1996, 7 – Pibarnon 2001. Il faudrait insérer les champagnes dans ce classement pour être complet, le Bollinger 1976 premier d’entre eux.

Je ne peux m’empêcher d’être frustré que Grange des Pères n’ait pas fait bonne figure dans cette confrontation. J’avais choisi quatre années 2005, 2001, 1999, 1996 qui devaient donner un beau panorama. Je leur opposais deux vins de Guigal, deux Vega Sicilia Unico, deux régionaux de Bandol et deux internationaux, italien et américain. Il y avait donc de quoi voir ce que Grange des Pères a dans le ventre.

Y aurait-il un effet de bouteilles qui auraient mal vieilli ? L’examen des niveaux et des bouchons ne permet pas d’imaginer des accidents de stockage. Y aurait-il un parti pris contre ce vin ? Dans notre groupe, certains en ignoraient l’existence, et je ne vois personne qui aurait pu avoir un parti pris. De plus, tous les votes sont unanimes, sans qu’un des amis ne s’oppose au consensus.

Est-ce que les vins ont été ouverts trop tard, avec seulement cinq heures avant le service ? Il n’est pas envisageable que cela ait autant d’importance, même si le 2005 se montrait nettement meilleur le lendemain. On peut aisément imaginer que si Grange des Pères est servi seul, il sera nettement mieux accepté que lors de confrontations avec des vins que nous adorons, mais l’argument ne peut porter car Grange des Pères a été nettement dominé par Pibarnon et surtout Terrebrune sur les mêmes millésimes.

Je suis objectivement frustré que la compétition n’ait pas eu lieu. Sur les autres vins, j’ai trouvé le Sassicaia un peu conventionnel et je suis un peu déçu qu’Harlan Estate ne soit pas plus brillant, même s’il a été très grand. La dégustation confirme que les valeurs sures et toujours présentes aux rendez-vous sont les Côtes Rôties de Guigal et les Vega Sicilia Unico.

Le rendez-vous est déjà pris pour le prochain 15 août !

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La preuve du lendemain samedi, 15 août 2015

Un autre juge de paix, c’est ce que nous avons bu le lendemain midi. Le Salon 1997 a pris de la largeur et sa couleur semble plus dorée que la veille. Des deux Grange des Pères, le 2001 confirme le défaut de structure qui nous avait gênés alors que le 2005 devient beaucoup plus brillant, cohérent, se montrant grand vin. Faudrait-il ouvrir de tels vins la veille ? Apparemment oui. L’Harlan Estate 2001 a lui aussi pris de l’ampleur, apparaissant plus « sucré » qu’hier, avec une richesse rare. Il est un cran au-dessus de sa prestation d’hier. Et celui qui plane au-dessus des autres, c’est La Landonne Guigal 2005, qui, malgré sa jeunesse, a une race superbe et un fruité joyeux.

Une sieste est bien nécessaire et à 17 heures j’ouvre les vins du dîner qui se tient à mon domicile du sud. Grange des Pères sera confronté comme hier à deux autres vins pour deux millésimes ouverts. Aujourd’hui, c’est 1999 et 1996. Les nez des deux Grange des Pères sont plus affirmés que ceux d’hier. Le parfum le plus invraisemblable est celui du Vega Sicilia Unico 1999, si riche et si envoûtant, nettement plus expressif que celui du Vega Sicilia Unico 1996 dont le fruit est moins explosif.