Champagnes avant Noël avec mon fils lundi, 22 décembre 2014

Mon fils va repartir demain. On ne va pas se quitter sans trinquer à Noël que nous ne passerons pas ensemble. J’essaie d’ouvrir un Champagne Salon 1996 mais je n’y arrive pas. Avec un casse-noisette, la bouteille tourne, mais le champagne reste dans la même position, le bouchon glissant sur les dents de la pince. Avec un deuxième casse-noisette, le bouchon tourne mais ne veut pas remonter. Au bout de cinq minutes de ce petit jeu, je vois enfin le bouchon qui remonte. Ma peur qu’il ne se casse m’oblige à aller doucement. Comme ce n’est pas la première fois, force est de constater que le champagne Salon se mérite ! La couleur est claire, la bulle est fine et active. Le parfum est de bon aloi, généreux. La bouche est un régal. Ce qui frappe immédiatement, c’est que le champagne est d’une complexité extrême et en même temps d’un remarquable confort. Il se boit bien. Par un phénomène étrange, mon fils et ma femme trouvent, sans s’être concertés, que le champagne sent la tarte Tatin alors que je suis incapable de trouver ce parfum, même quand on me l’a dit. Je suis plutôt dans des allusions florales, de fleurs blanches ainsi que des noisettes. Peu importe. Ce qui compte c’est que ce champagne est grandiose, puissant et glorieux.

Comme nous l’avons honoré à un rythme soutenu, il est remplacé par un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Ce champagne que j’adore est toujours aussi rassurant, solide et carré. Mais il a du mal à passer après le Salon si guerrier. Cela ne le dessert en rien. L’important était de finir l’année avec mon fils avant son départ par deux champagnes que j’aime. La chaleur de notre affection est mon cadeau de Noël.

On voit bien la différence de forme entre les deux bouchons, celui de Salon est beaucoup plus long. Trop long ?

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les deux champagnes vont délicieusement bien avec le foie gras

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Canon La Gaffelière 1961 lundi, 22 décembre 2014

Ma fille s’est fait voler son sac. Il suffit de peu de choses pour gripper beaucoup de mécaniques qui paraissent huilées. Elle nous dépose ses enfants pour s’occuper de mille et une démarches demain. Elle reste à dîner. Je descends en cave et je vois une bouteille dont on devine le nom d’un vin que j’apprécie. La capsule a été découpée pour qu’on puisse lire l’année sur le bouchon mais la lumière est faible en cave. J’adore prendre des risques mais je sais que de ce vin j’ai de bonnes années. Le niveau est entre haute et mi épaule. Je remonte la bouteille et une lampe forte me confirme que j’ai eu de la chance. Il s’agit de Château Canon La Gaffelière Saint-Emilion 1961.

Dès l’ouverture, le parfum est riche, dense, figurant un vin d’une trame forte. En bouche, le vin est velouté. Il est riche, évoque la truffe, le graphite, et sa trame est très dense. C’est un vin charpenté. Ce qui me fascine, c’est l’équilibre de ce vin qui profite de l’année immense qu’est 1961. Velours et équilibre sont les mots qui conviennent le mieux à ce grand vin.

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Dîner au siège de « Grains Nobles » mercredi, 17 décembre 2014

Après la dégustation des vins de la Romanée Conti de 2011, Pascal Marquet, le gérant de Grains Nobles, retient à dîner Aubert de Villaine au siège de sa société. Michel Bettane, Bernard Burtschy et quelques amis participent au repas. Nous dînerons d’un délicieux velouté de champignons, de dés de thon au quinoa et cosses de petits pois, de divers fromages et d’une panacotta aux fruits rouges. La cuisine est sympathique et amicale.

Le Champagne De Souza & Fils Brut Millésime 1988 est charnu et plaisant. Il se boit bien, avec des évocations un peu fumées. La mâche est belle et on sent l’effet de l’âge qui rend les fruits bruns et compotés. Sa plénitude est belle.

Le vin qui suit est très difficile à trouver à l’aveugle et c’est rare que Michel Bettane ne trouve pas la région. Je n’ai pas été meilleur. Il faut dire que ce vin n’est pas typique. Il s’agit d’un Volnay Les Mitans 1er cru Hubert de Montille 1990. C’est un ami qui a eu la pensée délicate d’apporter ce vin en hommage à Hubert de Montille, récemment décédé. Aubert de Villaine était avec lui lorsqu’ils ont goûté un vin juste au moment de mourir de la meilleure des morts, sans la moindre souffrance et en buvant un de ses vins. Ce 1990 est un peu torréfié, évoque la truffe. Il n’a pas la fluidité que l’on attendrait d’un vin de Montille, même s’il est bon.

Le Barolo Sori Ginestra Conterno Fantino 1996 est joyeux, de belle présence sur les fromages. Michel Bettane et Aubert de Villaine ont parlé de musique, d’instruments et d’interprètes avec une érudition qui m’a impressionné, aussi grande que leur érudition en vin. Ce qui me conduit à citer l’anecdote qu’Aubert de Villaine a racontée pour expliquer que dans les « climats » de Bourgogne, dont on attend le classement par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité, il y a la terre, le climat mais aussi l’exploitation de la terre par les hommes : à la fin d’un concert, une femme approche David Oïstrakh et lui dit : « ah, le Stradivarius, quel son prodigieux ! ». David colle le violon à son oreille et dit à la dame : « c’est curieux, je n’entends rien ». Le terroir sans l’homme ne peut pas s’exprimer.

Le Champagne Egly-Ouriet Grand cru Extra Brut Vieillissement Prolongé dégorgé en mai 2007 après 58 mois de cave est superbe et me rassure – je n’en avais pas besoin – sur les qualités de cette excellente maison. Le champagne est riche, clair, précis et agréable. Un beau champagne qui conclut une belle soirée avec la Romanée Conti.

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Dégustation des vins de 2011 du domaine de la Romanée Conti mardi, 16 décembre 2014

Comme chaque année, Aubert de Villaine, co-gérant de la Romanée Conti, vient présenter au siège de la société « Grains Nobles » le dernier millésime qui vient d’être mis sur le marché. Il est assisté de Michel Bettane et Bernard Burtschy. Les participants sont des fidèles. Aubert de Villaine nous présente les 2011 qui sont de la 46ème vendange suivie par lui. Il parle du millésime et de sa vision. Un vigneron doit prendre des risques et avoir de la chance. Le début de saison avait été précoce. Un très beau temps en avril a duré presque jusqu’à la floraison le 20 mai ce qui est très tôt, comme en 2003 et 2007. Le retournement du temps s’est produit au moment de la floraison. Il y a eu du millerandage. Pluies, vents tournants, orages ont perduré. Juillet n’a pas été beau et a donné lieu à des attaques de botrytis qui ont fort heureusement cessé car il a fait froid. Au 15 août, nouveau retournement avec chaleur et orages, ce qui a compliqué le travail en vigne. Il y a eu une maturité très rapide et une baisse des acidités. Il y a eu de la grêle à Volnay et Gevrey mais Vosne Romanée a été épargné. Fin août on sentait que la maturité était proche et il fallait prendre le risque d’attendre et de voir apparaître le botrytis. La chance a été d’avoir des peaux épaisses qui ont permis de retarder les vendanges au 2 septembre pour le Corton et au 5 septembre à Vosne, sans avoir d’explosion du botrytis. La vendange a été difficile, avec le souci d’éliminer les baies à botrytis ou grillées. Ce fut une vendange très sélective et l’on a laissé de côté les ceps qui portaient les grappes les plus grosses. On a essayé une table vibrante et on a éliminé beaucoup de larves et de coccinelles. Les raisins de cette récolte ont été parfaits. Il y a eu beaucoup moins de botrytis dans le Montrachet que dans les rouges.

Après cet exposé passionnant, nous avinons nos verres avec un Vosne Romanée Dominique Laurent 2011. Le vin est violet clair, sent des fruits aigrelets. Il est de belle mâche, bon, franc, sans complexité.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2011 est de la troisième vendange faite sous l’autorité de la Romanée Conti. Il est fait de trois sous-climats de Corton qui sont les meilleurs selon Michel Bettane. La couleur est rouge clairet. Le nez est assez chaleureux avec des suggestions de fraises écrasées. Le vin est ouvert, très fraise et framboise. Le final est vineux, avec des traces de réglisse et légèrement de thé. Il est plutôt gourmand, agréable et on sent un potentiel gastronomique. Je le trouve plus abouti que les 2009 et 2010, avec un côté terrien, racinaire dit Aubert et un bois bien fondu.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un rouge plus foncé que celui du corton. Le nez est très pur et c’est celui du domaine, ouvert mais rêche, tout en finesse. L’attaque est gourmande avec des fruits noirs. Le final est végétal avec un peu de réglisse. Le vin est plutôt sucré, délicieux au beau final raffiné. Il semble gastronomique suggère un peu de café tout en étant vineux. Il est de grande fraîcheur et plus facile à comprendre que des Echézeaux d’autres années. Bien sûr les autres vins du domaine sont plus complexes, mais il est plaisant.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe un peu plus sombre encore. Le vin est un peu réduit, ce qui fait qu’il a besoin de plus de temps pour s’épanouir dans le verre. Il est plus intense que l’Echézeaux, plus riche mais un peu plus brut aussi. La mâche est riche, il s’améliore. C’est un vin qu’il faudra attendre plusieurs années.

La Romanée SaintVivant Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe assez proche de celle du Grand Echézeaux. Aubert dit que c’est une robe de Nuits-Saint-Georges. Le nez est délicat. Il n’y a pas une trace de bois, on sent le vin. L’attaque est superbe et élégante. Le vin est gracile, féminin, doux. Le final le rend plus viril, affirmé. Il y a un saut qualitatif par rapport aux deux premiers vins du domaine. Aubert parle de concentration et transparence de ce vin ciselé.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un rouge intense, violacé. Le nez est aussi intense, riche, très vineux. Le vin a une attaque d’une puissance rare. Le final est riche et vineux. Il s’impose, il est carré, grandiose, guerrier. A mon goût, il est particulièrement bien fait. Il est joyeux et glorieux.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2011 a une couleur encore plus noire. Le nez est incroyablement suave et doux. C’est assez étonnant. L’attaque est riche, plus épicée que celle du Richebourg et moins florale. Le final est beaucoup plus ample. Il y a une grande netteté, avec puissance, grandeur, fraîcheur. Le vineux évoque le sureau. Aubert de Villaine évoque le portrait de Richelieu par Philippe de Champaigne où le velours rouge capte le regard. On sent la rafle dans le vin. Il est au-dessus du Richebourg, alors que j’ai adoré le Richebourg. Aubert dit que les grains ont des maturités plus complexes que pour La Tâche 1990 que j’ai évoqué car ce 2011 m’y fait penser, à cause du travail à la vigne qui rend le vin plus fin que le 1990.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2011 a une couleur plus rouge et plus claire. Le nez est très doux, suave, assez discret et soyeux. L’attaque tintinnabule tant elle est complexe. Le vin pianote dans toutes les directions mais il n’est pas envahissant. Il a vraiment un parcours en bouche en pianotage. Ce vin s’exprime de façon très poétique. Lorsque je reviens aux autres vins, ils paraissent tous très simples. Il y a un éventail de saveurs dont on a du mal à faire le tour. Il est impressionnant, et les fruits rouges et les épices font comme un feu d’artifice. Je me recueille. Alors que tout le monde parle autour de moi, je me renferme dans ma bulle pour essayer de capter le message du vin. Je reste sans voix, captivé par l’ampleur et la complexité du vin.

Si je résume les quatre derniers bus, la Romanée Saint-Vivant est très franche, claire et pure, le Richebourg est affirmé, puissant, direct, La Tâche a une grande complexité et beaucoup de charme et la Romanée Conti est encore plus complexe, à la palette gustative infinie. Si ces vins sont plus faciles à lire que ceux de précédentes années, ils sont loin d’avoir permis de comprendre tous leurs mystères.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un jaune clair avec un peu d’or blanc. Le nez combine agrumes, lait et amandes. Le vin est beaucoup plus sec que d’habitude, sans la moindre trace de botrytis. Il a du citronné et son final est grandiose. C’est dans le final qu’il s’affirme avec citron, amande et noisette. Michel Bettane dit que sur ce millésime il a le style Leflaive. Il est moins monumental que d’autres années car il est plus sec. Il a une grande pureté, une belle présence et une persistance aromatique supérieure à celle des rouges. Son empreinte est d’une grande fraîcheur.

Il est à noter que lorsque le dialogue s’instaure avec la salle, les questions sont essentiellement techniques. Personne n’a parlé de goût. Les explications de Michel Bettane sont toujours pertinentes, la vision d’Aubert de Villaine est d’une grande sagesse et humilité. Cette dégustation est un grand moment. Si je devais donner un avis sur les vins de cette année, le Montrachet est nettement plus sec et sera plus strict que d’autres années. Les rouges sont d’une très grande précision, fruits d’un travail remarquable. Mais il va falloir attendre longtemps avant que ces vins subtils ne délivrent le charme qu’ils recèlent en eux. Je ne connaîtrai sans doute jamais leur maturité.

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Déjeuner dominical en famille dimanche, 14 décembre 2014

Déjeuner dominical avec mon fils de passage en France et ma fille cadette. Les vins sont choisis au dernier moment, à l’impulsion. Quand je descends dans la cave, une bouteille de vin rouge me donne envie de l’essayer. Pour le champagne le choix se fait sur ce qui est au frais.

L’apéritif permet de comparer un Pata Negra avec de fines tranches de black Angus. C’est l’espagnol qui gagne par un supplément de charme. Le repas commence par deux harengs de la Baltique, l’un mariné, l’autre avec une sauce lourde au curry. Il se poursuit par un poulet rôti, du fromage et une reine de Saba, véritable institution familiale pour les fêtes et anniversaires. Dans notre calendrier familial, il y a toujours quelque chose à fêter.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle
est très probablement des années 70. Le bouchon est très serré et tourne difficilement sans remonter. Lorsqu’après bien des efforts il sort, le pschitt paraît faible. Mais en versant le champagne on constate la force de la bulle. Le couleur est d’un or clair. Le parfum du champagne est d’un charme incroyable. Il joue sur l’élégance. Je sens des zestes d’agrumes, mais suggérés, ainsi que des noisettes discrètes. En bouche, ce qui frappe, c’est la fluidité et l’envie de l’avaler goulûment. C’est un champagne de divine soif. Il évoque des fleurs comme le lilas, des fruits frais de printemps, mais il est en même temps vineux, incisif, claquant en bouche. C’est un très grand champagne qui réagit bien aux deux charcuteries. Pour le hareng mariné, il est exclu, mais se rattrape sur le curry du deuxième hareng. Par certains aspects, il est très proche du Salon 1964 bu il y a deux jours, dans les évocations de fleurs roses.

Le Château Haut-Brion 1981
m’a donné envie de l’essayer pour voir ce que donne cette année 1981 qui n’a pas été encensée par la critique vinique, mais qui s’est révélée gratifiante lors des essais récents de vins de Bordeaux. Le parfum à l’ouverture est d’une richesse surprenante. Ce parfum est pénétrant. En bouche ce qui frappe immédiatement c’est la lourdeur de plomb des saveurs. Comme le nez, la bouche est pénétrante, riche, envahissante. Qui dirait qu’il s’agit d’un 1981 ? Ce que je ressens, c’est la truffe, le charbon, et la pesanteur du grain très fin et très dense de ce vin. Il n’a plus de fruit, il a de la truffe et du cigare. Nous nous régalons avec ce vin qui n’a peut-être pas le flamboyant d’une plus grande année, mais a une charpente et une densité imposantes. Comme quoi, même ouvert au dernier moment, un vin de 33 ans peut briller.

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le haut du bouchon du 1981 est particulièrement propre. Mais le bouchon s’est brisé et il a fallu deux tirebouchons pour tirer la totalité

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14ème dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent samedi, 13 décembre 2014

Le quatorzième dîner de vignerons que j’organise chaque année depuis 2001 en l’honneur de Bipin Desai, grand collectionneur américain, se tient au restaurant Laurent. C’est un grand honneur pour moi et un grand plaisir pour les participants qui sont des habitués. Tous les présents sont déjà venus à au moins l’un de ces dîners. Notre groupe de ce soir compte : Caroline Frey – Bérénice Lurton – Didier Depond – Louis-Michel Liger-Belair – Jean-Charles de la Morinière – Egon Müller – Jean-Luc Pépin – Sylvain Pitiot – Jean Trimbach – Aubert de Villaine – Bipin Desai – François Audouze. Chacun des présents apporte un ou deux vins sauf Bipin Desai qui nous invite. Richard Geoffroy qui ne peut pas être avec nous sera représenté par un vin.

Sur les conseils de Jean-Luc Pépin, le Musigny Comte de Vogüé 1990 a été ouvert ce matin à 10 heures. Je commence l’ouverture des autres vins à 17 heures. Le seul bouchon qui vient en charpie est celui du magnum de Lanessan 1914 que j’ai apporté. La seule odeur qui pourrait poser question est celle du Clos de Tart 1940, car le vin sent le champignon et la serpillière.

Didier Depond est le premier arrivé aussi pouvons-nous trinquer tous les deux puisque le premier vin à servir est le sien. C’est le Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum. Didier en profite pour ouvrir le Salon 1964 et les premières gouttes que nous partageons du même verre nous font sourire : il sera grand.

La première gorgée du Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum que je connais bien me paraît manquer d’étoffe. Mais le champagne est froid et dès qu’il s’épanouit, on retrouve l’ampleur naturelle de ce beau blanc de blancs vif, claquant sur la langue à la belle longueur. Des gougères et une friture d’éperlans animent ce beau champagne confortable d’acidité mesurée.

Le menu conçu par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon dont j’avais reçu le projet m’était apparu d’une rare intelligence. J’ai juste demandé d’inverser deux plats pour rendre plus pertinent l’ordre des vins. Ce menu est un modèle du genre : terrine de gibiers et foie gras en croûte, moutarde de Crémone / champignons sauvages dans une nage beurrée iodée / homard servi à la façon d’une bourride / joues de veau fondantes et moelle / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, pommes soufflées / pâté farci d’un lièvre à la royale / risotto à la truffe blanche / crème glacée aux marrons / salade de mangues fraîches.

Le Champagne Salon 1964 est dans une forme éblouissante. Le nez commence par avoir quelques traces amères mais qui disparaissent et en bouche, c’est un festival de complexités. Je perçois beaucoup de petits fruits roses et rouges, en bouquet frais, mais aussi du miel et des amandes. Il est tellement varié qu’on pourrait l’analyser à l’infini. Il a une joie de vivre qui est communicative. C’est un très grand Salon riche et persuasif.

Sur les champignons nous avons deux vins très dissemblables. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1989 est d’un charme féminin de première grandeur. Il est précis, ample, et joue sur sa grâce. A côté de lui, le Musigny Blanc Comte de Vogüé 1989 est un rouleau compresseur. C’est Attila, roi des Huns, qui conquiert et envahit. Il a une force de persuasion gigantesque tout en étant gourmand. Les femmes de notre table préfèrent le Corton-Charlemagne. Les hommes seraient plus volontiers partisans de l’envahisseur, ce Musigny si étonnant de richesse et de puissance. C’est le Musigny qui trouve le meilleur écho avec les champignons.

Sur le homard aussi apparaissent deux vins dissemblables. Il le sont déjà par la couleur puisque le Riesling Cuvée Frédéric Emile Maison Trimbach magnum 1976 est très ambré, ce qui indique, ainsi que le goût, la présence d’un botrytis assez marqué. Ce vin est splendide, gourmand, avec des notes fumées, des notes de botrytis et une longueur rare.

Le Riesling Scharzhofberger Kabinett Egon Müller 1990 est très différent. Sa couleur est claire et blanche comme un vin de l’année. Le vin avec une petite pointe sucrée est d’un charme et d’une élégance rares. Il est frais, avec des petites notes de fruits blancs et de lacté, et s’efface un peu à côté du Trimbach très conquérant. Jean Trimbach est très fier de la performance de son vin qui correspond à ce qu’il attendait ou espérait.

Le Château Lanessan Haut-Médoc Delbos Bouteiller magnum 1914 avait un bouchon d’origine dont je montre les miettes à toute la table, et un niveau quasiment dans le goulot ce qui est rare. Le nez n’est pas d’une grande précision, mais tout se rattrape en bouche dont Sylvain Pitiot dit que c’est elle qui a la plus grande énergie des trois vins servis ensemble. Ce vin est plein en bouche, évoque la truffe noire, et me ravit par son équilibre et une présence encore jeune pour un vin de cent ans. Seul Aubert de Villaine ne le trouve pas à son goût. Le vin profite bien des délicieuses joues de veau.

Le Clos de Tart 1940 dont le nez était incertain à l’ouverture n’a plus de défaut. Ce qui frappe c’est son charme. Sylvain Pitiot ne l’avait jamais bu. Il s’agit d’un achat qu’il a fait et non pas d’un vin qui a vieilli dans la cave du Clos. Le vin est très élégant, un peu frêle mais porteur de grand plaisir. Le mot qui lui convient est « charme ».

L’Echézeaux Château de Corton André 1934 a été apporté par Caroline Frey comme un clin d’œil, car sa famille vient d’acheter le Corton André. Elle est sans illusion sur l’intérêt de ce vin mais il se présente très équilibré, agréable à boire, même si l’alcool se met un peu trop en avant. Ce n’est pas un vin très complexe mais plaisant. Des trois vins qui accompagnent la joue, le Clos de Tart est le plus charmeur, le Lanessan est le plus vif et charpenté. La joue de veau se marie bien avec les trois, avantageant l’Echézeaux.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1966 fait une impression forte immédiate. Tout en ce vin est idéal. Le parfum est intense, avec le sel que j’aime tant dans les vins du domaine. En bouche, il est d’une rare puissance alors qu’il est élégant et racé. Son final prend possession du palais. C’est un très grand vin, très vineux, le meilleur pour moi de la soirée. Aussi, la partie est difficile pour la Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1990 qui est servie en même temps que le Richebourg. Elle paraît discrète, sans grande vibration, mais il suffit d’attendre, car son réveil est spectaculaire. Elle va progressivement s’affirmer, s’élargir, montrer des signes de grandeur, mais elle est quand même dans l’ombre du Richebourg. Louis-Michel Liger-Belair aurait préféré que l’on tente une confrontation avec le Musigny 1990 qui va suivre.

Il faut bien la richesse du pâté farci d’un lièvre à la royale pour contenir la fougue des deux vins puissants qui sont servis maintenant. Le Musigny « Vieilles Vignes » Comte de Vogüé 1990 est un jeune chien fou débordant d’énergie. Je comprends mieux l’avertissement que nous avait fait Freddy Vifian au Tan Dinh lorsque nous avons commandé ce vin il y a peu de temps dans son restaurant. Mais j’adore ce vin dans sa fougue. Il est extrêmement poivré, riche, au final qui rebondit comme un ricochet. C’est un vin qui promet de la grandeur dans une vingtaine d’années mais qui est un bonheur aujourd’hui.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1991 est magnifique. C’est un vin riche, joyeux, accompli et ce qui me frappe au plus haut point, c’est la parenté qu’il a avec le sublime Hermitage La Chapelle 1947 que j’ai bu il y a une semaine. Alors que le 1990 est encensé de toutes parts, je trouve ce 1991 très au-dessus en ce moment. Le bois se sent fort. Bien malin celui qui pourrait départager les deux vins qui accompagnent le lièvre à la royale, car ils sont très différents, le Musigny pénétrant, tranchant comme un couteau, et large de fruits noirs, l’Hermitage serein, riche d’une palette aromatique de vin du sud. Les deux vins sont remarquables.

Nous portons un toast en l’honneur de Richard Geoffroy qui n’a pas pu se joindre à nous. Il est représenté par un Champagne Dom Pérignon P3 1990 qui est servi sur le risotto. C’est sans doute l’accord le moins pertinent car le risotto donne des notes lactées au champagne qui devient plat et n’a pas la vigueur qu’il devrait avoir. Je suis sûr que le champagne eût brillé si Richard avait été là.

Le Scharzhofberger Auslese Egon Müller 1959 est un vin de conversation. Il n’a pas besoin du dessert. Il est d’une rare élégance. Chacun essaie de décrire ce que ce vin suggère et cela varie pour chacun. Mon image est celle de litchis avec des ananas. C’est un vin délicat au message précis de grand charme. On le déguste en se recueillant. C’est du bonheur.

Le Château Climens Barsac 1942 provient de la cave Nicolas et a été rebouché en 1995. Cela se sent au goût car il n’a pas la vigueur qu’aurait un Climens au bouchon d’origine, car 1942 est une année qui a fait des sauternes gracieux et élégants, tout en suggestion. Le vin est très agréable et colle bien au dessert. Je le bois en le savourant avec ma voisine de table, Bérénice Lurton. Ses tons d’agrumes avec un sucre un peu discret en font un sauternes de plaisir pur.

Le Cognac Gourry de Chadeville 1914 provient d’alcools d’avant 1914, mis en fût en 1914, transférés en dame-jeanne en 1946 et mis en bouteilles en 2001. C’est ce que dit le certificat de cet alcool que j’ai choisi dans ma cave pour que mon apport soit de vins de cent ans. Il est magnifique, sans impression de boisé, fluide, parfumé, très cohérent du fait de l’âge. Il est vif et parfait.

A la fin du repas, tout le monde ressentait une grande joie d’être ensemble et d’avoir partagé un moment unique. Le menu a été superbe, les confrontations de vins sur chaque plat furent audacieuses mais pertinentes. On ne classe pas les vins dans ce dîner qui comptera, comme les précédents comme un dîner de wine-dinners puisque j’en suis l’organisateur et portera le numéro 186. Mais quelques vins ressortent de ce repas comme exceptionnels. Le Champagne Salon 1964 dans un état de vigueur et de richesse aromatique rare, le Richebourg 1966 qui est une expression aboutie des vins du domaine de la Romanée Conti, le Riesling Trimbach 1976 dans un épanouissement idéal et le cognac magnifié et idéalisé par son âge. On pourrait ajouter des réussites superbes comme les vins de Vogüé, d’Egon Müller, et d’autres, mais les quatre vins que j’ai cités sont à mes yeux les plus remarquables ce soir.

Aubert de Villaine a pris la parole pour remercier chaudement Bipin Desai sans qui ces dîners n’auraient pas existé. Chacun a fermement l’intention de revenir pour la quinzième édition de ce dîner d’amitié.

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les bouchons des quatre blancs

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le bouchon du Clos de Tart 1940 est un peu descendu

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le bouchon du Egon Mûller 1959 est un peu remonté

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les bouchons des quatre blancs secs et des deux liquoreux

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tous les bouchons

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tous les vins

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le menu et les plats

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la couleur plus foncée du Trimbach par rapport au Egon Müller 1990

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Dîner « Harlan Estate » à l’hôtel Meurice jeudi, 11 décembre 2014

Anne et Olivier Bernard, les chaleureux propriétaires du Domaine de Chevalier organisent à l’hôtel Meurice un dîner de presse pour mettre en valeur et faire mieux connaître les vins de Harlan Estate, le célèbre vin de la Napa Valley. Nous sommes reçus au salon Pompadour, magnifique salon de réception de l’hôtel à la décoration «  à la pompadour » raffinée. Sont présents le fils du fondateur d’Harlan Estate, le directeur général du domaine, l’importateur pour l’Allemagne, l’importateur pour la France, des vignerons amis des Bernard et les représentants de la presse du vin et du négoce.

L’apéritif se prend avec un Champagne Krug Grande Cuvée en présence de la présidente de Krug et d’Olivier Krug. Le champagne a une bulle active. Il est encore d’une folle jeunesse malgré l’âge des champagnes qui le composent. Il n’est pas le mieux adapté au foie gras poêlé avec lequel sa bulle lutte. Ses évocations pâtissières et de caramel sont jolies. C’est un champagne qu’il faut avoir la sagesse de laisser vieillir en cave.

Le menu composé par le chef du Meurice est : foie gras de canard confit, topinambour et raifort / coquilles Saint-Jacques marinées, confiture d’algues et betteraves / cookpot de homard aux pommes de terre fumées / paleron de bœuf Black Angus, salsifis truffés, vrai jus / comté 36 mois, salade mesclun / vacherin aux agrumes.

La première série de vins est de deux blancs du Domaine de Chevalier. On est surpris de constater à quel point leurs couleurs sont claires. Le Domaine de Chevalier blanc 1992 a un nez superbe. Sa bouche est grasse, de belle structure et de belle minéralité. Il est de grand équilibre et son acidité bien mesurée est un signe de jeunesse.

Le Domaine de Chevalier blanc 1987 a un nez incroyable de puissance et de richesse. La bouche est abondante, le vin est légèrement torréfié. Le 1987 est plus grand que le 1992 mais l’accord avec les coquilles Saint-Jacques se fait mieux avec le 1992 qui devient superbe sur le plat.

En fait, le champagne eût été pertinent sur les coquilles Saint-Jacques crues et les deux Graves blancs l’eussent été sur le foie gras poêlé.

Le Domaine de Chevalier rouge 2004 a un nez subtil. Le vin est tout velours, de belle mâche au final un peu rêche. Le final n’est pas au niveau de la chaude attaque du vin en bouche.

Le Château Phélan Ségur 2001 a un nez un peu ingrat et pas totalement précis. Le vin est austère ce qui me pousse à demander un second verre de ce vin. Et là, je suis face à un vin superbe et gourmand, qui forme avec le délicieux homard un accord parfait. Un rêve. La sauce du homard est suffisamment légère pour que l’accord se fonde sur elle.

Don Weaver, le directeur général de Harlan Estate fait une présentation de son domaine et nous allons boire deux séries de son vin : d’abord 2005, 2003, 1998 et 1992 puis 2001, 2007 et 2010.

Le Harlan Estate 2005 est un vin très riche superbe, joyeux, avec beaucoup de douceur et un grain très fin.

Le Harlan Estate 2003 semble moins équilibré. L’alcool apparaît sur un fond de notes bourguignonnes. Malgré cela le vin est puissant, voire un peu lourd.

Le Harlan Estate 1998 est beaucoup plus élégant, plus charmeur. C’est un très bon vin.

Le Harlan Estate magnum 1992 a d’abord une approche un peu amère mais de belle race.

A ce stade je classe : 1998, 2005, 2003 et 1992 car le 1992 n’est pas épanoui dans le verre. Ce qui va me surprendre c’est la rapidité avec laquelle les choses changent. Le 1992 devient beau avec des accents bordelais. Le classement change et devient 1992, 2005, 1998 et 2003.

Le paleron est très goûteux et l’accord se trouve surtout sur la sauce. Harlan Estate me semble un vin très typé mais pas très complexe. Le 1992 est très grand et raffiné, le 2005 est généreux et spontané, le 2003 est un peu trop marqué par l’alcool.

Mais les vins changent encore. Le 1992 a un velouté floral, le 1998 devient plus grand et gagne en structure, avec des évocations de café et de caramel. Le 2005 est vraiment charmant de douceur sous la puissance.

Viennent maintenant trois vins d’années riches. Le Harlan Estate 2001 a un nez fantastique, incroyable par rapport aux autres. Son final est végétal, de fenouil, d’anis et de menthe qui lui donne la fraîcheur des très grands vins. Je tombe amoureux de ce vin.

Le Harlan Estate 2007 est frais, très joli mais comme pour le 2003 l’alcool prend un peu le devant de la scène ce qui ne me satisfait pas. Il a des notes de café.

Le Harlan Estate 2010 est frais fluide, très élégant mais pas encore structuré. C’est un vin qui n’a pas encore été mis sur le marché. Mon chouchou de cette dégustation est le 2001 et immédiatement j’ai demandé à l’importateur français, placé à mes côtés, de chercher à m’en procurer. Michel Bettane fait une synthèse de ces vins, très écouté par les américains. Pour lui les plus beaux sont 2010 et 2005 mais il juge en devenir ce qui n’est pas mon cas.

Pour le dessert nous allons goûter deux Guiraud. Le Château Guiraud 2001 est très équilibré, pas très puissant ce qui m’étonne. Il joue plus sur l’élégance. Le Château Guiraud 2002 est fait pour être bu maintenant. Il est nettement supérieur au 2001 ce qui est étonnant puisque le grand millésime du sauternais est le 2001. Le 2002 est superbe d’élégance et d’équilibre. Il est ouvert, joliment sucré et frais. Le 2001 est probablement de plus grande structure, mais il est plus fermé. Le dessert aux agrumes forme un accord démoniaque.

Anne et Olivier Bernard ont organisé une soirée magnifique, chaudement amicale et détendue. La cuisine conduite par Alain Ducasse est très convaincante. Le service des vins a été remarquable et efficace. La démonstration Harlan Estate a été réussie, les vins d’avant Michel Rolland, consultant depuis le millésime 1999 ont montré le potentiel des vins à bien vieillir et ceux depuis Michel Rolland sont orientés vers la fraîcheur et l’élégance. Ce fut un beau dîner.

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Visite et dégustation au Domaine de la Romanée Conti mercredi, 10 décembre 2014

La nuit a été douce pour tous, comme si la Chartreuse nous avait protégés des effets de l’alcool et de la bonne chère. Nous arrivons aux portes du siège du domaine de la Romanée Conti. Aubert de Villaine avait prévenu qu’il ne serait pas avec nous car il doit se rendre à Paris. Nous avons juste le temps de le saluer car son taxi est en retard. Je lui ai parlé de l’impression désagréable que j’avais eue récemment avec une Romanée Conti 1964 que j’avais trouvée trop puissante par rapport à ce que j’attendais. Aubert m’a rassuré et Bernard Noblet le fera un peu plus tard, la Romanée Conti 1964 est extrêmement puissante et Bernard la préfère à la 1969. J’avais donc commis une erreur d’appréciation en buvant ce grand vin. C’est bien dommage de m’être trompé sur son message.

Nicolas, chef des cultures du domaine nous entraîne le long des vignes pour expliquer aux vignerons la philosophie de la gestion des vignes. Pour les vignerons du Rhône, qui posent de bonnes questions, les exposés très clairs de Nicolas sont un régal. Pour moi, qui ne comprends pas tout ce qui est dit, je me régale aussi mais sans la perspective que peuvent avoir les vignerons. Il fait froid, nous nous tenons chaud comme le fait un troupeau car il y a un petit vent glaçant.

Nous nous rendons ensuite en cave où Bernard Noblet, l’homme qui fait les vins du domaine à la suite de son père dans une continuité historique rare, va nous faire déguster à l’aveugle quelques vins. Il fait froid dans cette cave séculaire et il faut réchauffer son verre pour en tirer le meilleur des arômes. L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti magnum 2001 a un nez fermé. Il est d’un millésime de connaisseurs nous dit Bernard. Il a été fait en vendanges entières, c’est-à-dire en conservant les rafles. Il est floral, avec de jolies épices, avec des fruits rouges jolis et discrets. J’aime beaucoup ce vin élégant.

Le vin suivant a un nez très vif. Au nez, je pense à Richebourg. Il a une très forte personnalité. Pour trouver l’année, j’oublie que le vieillissement en cave du domaine est beaucoup plus lent que dans la cave d’un particulier. Aussi, l’idée des années 80 sur une année discrète comme 1984 me paraît possible. Il s’agit en fait du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1965, d’une petite année mais qui réussit à ce Richebourg. Il y a une belle salinité, des suggestions de sous-bois, d’humus, de forêt. Le vin, très salin est superbe, au message pénétrant. Nous sommes aux anges.

Bernard va chercher deux bouteilles d’un même blanc. Le nez pétrole une grande minéralité. La bouche est intense. Immédiatement je reconnais les caractéristiques d’un Bâtard-Montrachet, mais le vin est tellement puissant que j’imagine que ce pourrait être un Montrachet qui se serait engagé sur les pistes d’un Bâtard. Il y a de la noisette, de l’amande, du caramel. Il y a aussi des notes salines. Ce vin riche est de très forte puissance. Les vendanges ont été faites tardivement de grains très mûrs. Il s’agit d’un Bâtard-Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2007. C’est probablement le Bâtard le plus riche de tous ceux que j’ai bus au domaine.

Nous remercions Bernard et Nicolas de cette visite et de cette dégustation. Les vignerons sont contents de l’accueil chaleureux que nous avons eu. Ils offrent plusieurs bouteilles de leurs domaines. Ce fut un grand moment.

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Visite au Domaine Leflaive et dégustation mercredi, 10 décembre 2014

Tout le monde de « Rhône Vignobles » est heureux de se retrouver et nous nous rendons au Domaine Leflaive. Nous sommes accueillis par Anne-Claude Leflaive et Eric, le régisseur, va conduire les vignerons dans une visite des vignes et de la cuverie. Je les laisse faire, à la fois pour me reposer et pour écrire le compte-rendu du dîner d’hier au Bristol qui risquerait d’être difficile à faire de tête après deux jours en Bourgogne. Anne-Claude m’a accueilli en disant à quel point elle a été émue par le compte-rendu que j’ai fait du Montrachet domaine Leflaive 1996. Je rejoins le groupe pour la dégustation en cave, commentée par Anne-Claude et le régisseur.

Anne-Claude représente la troisième génération à la tête du domaine qui s’est agrandi. Elle a participé à l’élaboration du vin dès 1990 et a pris la responsabilité seule depuis 1994. Le travail de transformation du vignoble en biodynamie s’est fait sur une période de huit ans, de 1990 à 1998. Le domaine représente 24 hectares dont onze de premier cru et cinq de grands crus, dont le Montrachet représente environ 800 m² et produit de l’ordre de 300 bouteilles par an. A noter que le fût qui va contenir le Montrachet de l’année a une taille qui est déterminée par l’ampleur de la récolte. Chaque millésime a un fût neuf de taille différente.

La dégustation prévue est celle de vins de 2013. Le Bourgogne blanc domaine Leflaive 2013 a un nez discret. Il a un beau fruit et une belle opulence, c’est un très beau vin avec une belle acidité. Dans le final on décèle du lacté. Précis, ce vin charnu évoque les amandes. Il sera mis en bouteilles en mars 2015. C’est un vin riche, qui transcende la notion de bourgogne générique.

Le Puligny-Montrachet Clavoillon 1er Cru Domaine Leflaive 2013 a un nez plus riche. La bouche est plus fluide, rendant le vin très joli et gracieux, de belle minéralité. Il évoque les pâtes de fruits. Il est plus réservé que ce que je connais des vins de Leflaive.

Le Puligny-Montrachet les Pucelles 1er Cru Domaine Leflaive 2013 a un nez plus élégant et discret. Il est très fluide, élégant, tout en finesse. Dans le final on retrouve un peu de caramel comme pour le Clavoillon. Il est plus calcaire, plus complexe. Un des vignerons dit « on mâche de la craie ». Il a une belle acidité.

Le Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive 2013 vient d’une parcelle de 2 hectares, l’appellation comptant seulement sept hectares. Tout-à-coup, on change de dimension. Ce vin a une énergie extrême. Il a le gras typique des vins de Leflaive. Il est très fin, élégant. Bien fait, il est tout en finesse. Il est gourmand, citronné, au final immense et à la belle acidité. Nous buvons un très grand vin.

L’atmosphère étant joyeuse, je lance en direction d’Anne Claude qu’à mon avis les Chevalier Montrachet sont incapables de vieillir, ce qui justifie qu’on boive le 2013. L’allusion est directe, la perche est grosse et Anne-Claude joue le jeu de bonne grâce. Nous allons boire des Chevalier Montrachet dont nous allons devoir trouver les années.

Le Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive qui nous est servi a un nez qui pétrole. Il est gras en bouche, caramel, épais, très grand. Il est imposant et je pense qu’il est de la décennie 90 mais en fait c’est un Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive 2001. Il a du fumé, de jolis agrumes. C’est un vin qui a bien évolué, déjà très gastronomique.

Deux bouteilles qui vont suivre ont un problème, l’une est bouchonnée mais légèrement et l’autre vin est cuit, il a mal évolué. Le Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive 1989 qui leur succède est très lacté et l’on sent l’alcool qui ressort. Pour moi ce vin n’est pas parfait et ses évocations de champignons, de brioche et de beurre manquent de précision.

Tout-à-coup Anne-Claude nous annonce qu’elle va nous ouvrir un Montrachet. Lorsqu’un domaine produit 300 bouteilles par an, un tel cadeau est inimaginable. Anne-Claude a la gentillesse de dire que j’ai tellement aimé son 1996 qu’elle est heureuse d’en ouvrir un pour nous

Le Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive 1993 s’annonce tout de suite comme un grand vin. Il est salin ce que j’aime beaucoup. Il n’a pas l’énergie du 1996 que j’ai bu récemment, mais il est tout en suggestion. Il a une race extrême et une grande complexité. Il évoque un peu la truffe blanche. Le lait et le caramel, s’ils existent, sont suggérés. C’est un vin très structuré. Nous buvons le troisième millésime de ce vin créé en 1991. Nous sommes tous émus de ce cadeau.

J’ai préféré le Chevalier Montrachet 2001, mais ce 1993 est porteur d’une grande émotion. Mille mercis à Anne-Claude pour une telle générosité.

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Dîner au restaurant Ma Cuisine à Beaune mercredi, 10 décembre 2014

Nous logeons à l’hôtel Ibis de Beaune qui fait prendre conscience qu’il est possible d’imaginer des chambres aux tailles minuscules, où chaque centimètre carré est utilisé. C’est à pied que nous nous rendons au restaurant Ma Cuisine. Dans la salle, les cadavres de grandes bouteilles sont nombreux. Ici on a bu du grand, des plus beaux domaines bourguignons. Pierre Escoffier qui nous accueille est un homme sympathique, à la tête d’une belle cave proposée à des prix très tentants.

Notre table est longue, puisque nous sommes plus de seize et les vins se commandent aux deux bouts de la table sans grande concertation. J’ai choisi de dîner d’une douzaine d’escargots et d’un pigeon.

Le Meursault 1er cru Perrières Vincent Dancer 2008 est très gouleyant et de forte personnalité. Très agréable à boire. Le Chambolle-Musigny Ghislaine Barthod 2009 n’a pas un grand intérêt, vin manquant de vivacité.

Les choses commencent à s’animer avec le Volnay Santenots-du-Milieu domaine des Comtes Lafon 2008. Le vin est fort amène, de belle vibration. La machine est lancée et le Gevrey-Chambertin 1er cru Lavaux Saint-Jacques Claude Dugat 2008 a une belle présence, charnu et cohérent.

Pierre, le patron, qui connaît plusieurs des vignerons, nous verse un vin à découvrir. C’est le président de Rhône Vignobles, Alexis, qui va trouver l’année. Il est félicité. C’est un Beaune Grèves Chanson Père & Fils 1955 vin difficile à définir avec une forte acidité, qui est plaisant à déguster mais n’a pas le charme des excellents bourgognes de la grande année 1955.

Pour le dessert au chocolat que j’ai imposé à l’ensemble de la table, j’ai apporté deux bouteilles de Maury Paule de Volontat 1925. Le vin est superbe, à l’alcool présent et aux évocations de café, de moka, de caramel, mais surtout une richesse aromatique qui n’appartient qu’aux très vieux Maury.

L’ambiance est à la générosité aussi l’un des amis commande Château d’Yquem 1950. Hélas, un léger goût de bouchon empêche d’avoir le plaisir de cette année qui a été réussie à Yquem. Dommage, car même si on peut lire le message entre les lignes, le plaisir est émasculé.

Les cerveaux phosphorent car certains ne veulent pas qu’on finisse le repas comme cela. A seize nous allons assécher une bouteille d’un litre de Chartreuse verte des années 1965 / 1966 qui est d’une belle richesse, même si elle n’a pas la noblesse et la pureté des plus anciennes chartreuses ou Tarragone.

Ces vignerons du Rhône ont une belle santé puisqu’ils sont insatiables. Ils ont aussi une grande générosité et une joie de vivre qu’il fait plaisir de partager.

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