Déjeuner de famille et dîner au restaurant Garance jeudi, 13 novembre 2014

Avec ma fille, pour un repas de famille, nous buvons un Champagne Billecart-Salmon Brut 2000. Ayant en mémoire l’extraordinaire Billecart-Salmon 1961 en magnum bu il y a peu, je suis un peu déçu que ce champagne, qui est bien fait, dégage aussi peu d’émotion. Il ne communique pas vraiment avec nous et reste sur un service minimum, comme le gréviste d’un service d’Etat. Dommage. Il faudrait vérifier si c’est ce millésime ou cette bouteille qui n’est pas au rendez-vous.

Nous sommes quatre pour un dîner de travail au restaurant Garance. Ayant l’initiative du dîner, je suis celui qui invite. Tomo, qui est de la partie, m’indique qu’il fournira les vins. N’aimant pas être en reste, je mets dans ma musette un vin de plaisir prêt à boire, pour que les vins ne perturbent pas nos discussions. Etant arrivé en avance pour que mon vin soit ouvert suffisamment à l’avance, je propose à Tomo qui a déjà ouvert ses vins que nous trinquions sur un champagne. Notre choix se porte sur le Champagne Egly-Ouriet Brut Grand Cru 2002
qui a été dégorgé en septembre 2011, après 98 mois de cave. Je ressens la même réserve que pour le champagne d’hier. Il est manifestement bien fait, la matière vineuse est belle, mais je le trouve sans énergie et sans envie de nous communiquer une émotion. Suis-je marqué par les dégustations récentes de très grands champagnes, c’est assez probable, car j’ai normalement un faible pour les champagnes Egly-Ouriet. De temps à autres, sur les brioches de Guillaume Iskandar le chef, le champagne se réveille et s’anime, mais le compte n’y est pas.

Comme chaque fois, je n’arrive pas à obtenir le menu écrit aussi suis-je un peu désemparé pour décrire la première entrée très goûteuse qui a accueilli le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002. Quel vin magnifique ! Je suis toujours impressionné par la précision des grands rieslings et le mot qui me vient pour celui-ci est « cristallin ». Il est tellement brillant, gracieux, d’une acidité suprême très bien dosée, que je suis conquis. Ce 2002 est parmi les plus grands Sainte-Hune, un vrai bonheur.

Le homard aux petits légumes crus est hélas dominé par le gingembre et n’arrive pas à dominer au sein du plat beaucoup trop épicé.

André n’aime que les jeunes bordeaux aussi goûtons-nous un Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 2009. Tomo, voulant faire un clin d’œil d’amateur de vins anciens, associe à ce vin un Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1952. La comparaison est intéressante. Le 2009 a une belle attaque généreuse dans le fruit qui procure un plaisir qui est remis en cause par l’amertume que l’on sent en fin de bouche, un peu trop prononcée. Le vin est franc et généreux, mais ce final lui nuit. Le 1952 a une attaque nettement moins tonitruante, mais il s’installe en bouche et délivre des complexités beaucoup plus grandes et une belle cohérence. Le son de ce vin est moins fort que celui du 2009, mais il apporte beaucoup plus de dialogue à celui qui le boit. Mon cœur va donc nettement vers le 1952 qui n’a pas une amertume aussi prononcée dans le final. Je comprends qu’André soit toujours du côté du 2009, mais ses certitudes vacillent grâce à cette comparaison.

La tête de veau associée à du poulpe est originale et gourmande. Bien grasse, elle cohabite très bien avec les deux vins qu’elle renforce.

Mon vin est servi maintenant, la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996, qui met un terme à toutes les possibles incertitudes : s’il y a un vin qui est au-dessus de tous les autres, c’est bien celui-là. Cette Landonne est absolument exceptionnelle. C’est le vin parfait. Alors que j’ai chanté de nombreuses fois les louanges de La Turque 1996 vin confondant de puissance et de fruit, La Landonne me semble supérieure. Elle est très différente car elle ne passe pas en force. Elle joue les bourguignonnes et tout en elle est subtilité. Je crois bien que cette bouteille est au sommet de ce que peut donner la Landonne de Guigal. Nous sommes sur un petit nuage tant le vin est bon, très au-dessus de ce que j’attendais. Il a du velours, une mâche superbe, et une fluidité impressionnante. C’est un grand bonheur que de boire ce vin. Inutile de dire que le superbe lièvre traité en deux service est un régal avec ce vin.

Sur un brie à la truffe de la ferme des trente arpents, le Vin de l’Etoile Vieilles Vignes Philippe Vandelle 2011 est bien jeune mais judicieux. Il a des intonations de grappa car il est servi un peu chaud. Il a beaucoup de force, une belle présence avec ce côté très oxydatif des vins jaunes, même s’il ne l’est pas.

Le dessert au chocolat est très goûteux et plombant comme il se doit, aussi le Rivesaltes Ambré Fabienne et Pascal Rossignol 2009
est-il le bienvenu pour rafraîchir le palais. La force alcoolique est là, mais ce vin fait de grenache blanc et de grenache gris réussit à être léger avec de beaux fruits confits dans des tons oranges et bruns.

La profusion de plats et de vins n’a pas nui à la qualité de nos travaux. Il n’était pas question de voter dans cette atmosphère studieuse mais je classerai : 1 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996, 2 – Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002, 3 – Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1952, 4 – Rivesaltes Ambré Fabienne et Pascal Rossignol 2009.

Ce fut un très beau repas.

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Dîner au restaurant Encore avec Latour 1907, La Tâche 1969, Haut-Brion 1926 et beaucoup d’autres samedi, 8 novembre 2014

C’est en mars 2001 que j’ai commencé à écrire sur un forum américain de vins, « Bordeaux Wine Enthusiasts ». L’intérêt d’échanger sur des forums croît lorsque l’on rencontre les membres dans la vie réelle. Des voyages aux USA, en Bourgogne et à Bordeaux ont permis de créer des liens d’amitié. Lorsque Tim s’est installé à Paris, très naturellement, il s’est inscrit aux séances de l’Académie des Vins Anciens. A l’occasion de la présence à Paris de Bill et Janet, un couple de texans avec lequel j’avais il y a dix ans, partagé de belles soirées, Tim me suggère un dîner avec ces amis, et annonce deux bouteilles à niveau assez bas, La Tâche 1969 et Haut-Brion 1926. C’est l’occasion de proposer de mon côté quelques bouteilles à risques, de niveaux qui peuvent représenter un danger, et je remplis mes musettes de sept bouteilles, avec l’idée que s’il y en a deux bonnes, mon apport sera satisfaisant.

Au restaurant Encore, dont le chef japonais est Masahide Ikuta, nous serons cinq, Tim, Bill et Janet, un ami français de Tim et moi. Dès 19 heures Tim et moi ouvrons les vins pour savoir lesquels seront retenus. Pour donner du cœur à l’ouvrage, Florian Perate, le sommelier du lieu me suggère un Champagne Pierre Gerbais l’Originale fait à 100% de pinot blanc. J’adore ce champagne léger, précis, de belle pureté, qui se boit facilement, d’une acidité joyeuse.

Les trois premières bouteilles de mon apport semblent encourageantes. Comme il y a profusion de vins, je n’ouvre qu’une seule autre de mes bouteilles, parce qu’elle est un symbole amusant. L’assiette où s’entassent les bouchons est noire de déchets de bouchons, dont ceux du Latour 1907 qui m’a posé énormément de problèmes, car le goulot de la bouteille est très resserré en haut, interdisant au bouchon de sortir entier .

Le menu nous est imposé, et nous rajoutons au menu de base les suppléments possibles, foie gras et truffe blanche : velouté d’héliantis au foie gras, écume de café / noix de Saint-Jacques au lard noir gascon, mousseline de carotte à l’orange et safran / lieu jaune de l’île d’Yeu nacré sur la peau, poireau, beurre blanc au Tosazu / pigeon, chou Kale, mousseline de panais / Mont-Blanc, crème glacée au pin de Gènes. La truffe blanche très odorante s’est retrouvée dans plusieurs plats.

Le Meursault d’un négociant de Beaune 1950
à la couleur légèrement ambrée a un parfum superbe et intense. Il a une belle acidité et une grande précision malgré ses origines modestes, et se signale par un final extrêmement long. Nous adorons ce vin que j’ai apporté. C’est une surprise.

A côté de lui, le Trebbiano d’Abruzzo Luigi Cataldi Madonna 2005
vin italien qui titre 13°, même s’il est agréable à boire, fait beaucoup trop simple à côté de la complexité du meursault qu’il met en valeur. Le 1950 réagit bien sur l’écume de café et sur le lard des coquilles.

Le lieu jaune n’est pas vraiment idéal pour les bordeaux, mais nous nous en accommodons. Le Château Latour 1907
que j’ai apporté a un nez extraordinaire. Il est impressionnant de personnalité. En bouche, son attaque est assez légère, mais tout se joue dans le final qui est remarquable. Tous les amis sont conquis par ce grand vin, qui aura attendu 107 ans avant d’être bu !

A côté de lui le Château Haut-Brion 1926, d’une année que je considère comme la plus belle que j’aie bu pour Haut-Brion, a une couleur incroyable. On dirait 2006 que l’on ne se tromperait pas sur la couleur. Son parfum est moins expressif que celui du Latour. Il a une belle attaque généreuse, fruitée et veloutée, mais son final est faible. En fait il lui faudra du temps car progressivement le final va s’assembler. Le Latour, de son côté, ne va jamais faiblir, se montrant éblouissant, même si ce n’est pas sur l’attaque ou sur le fruit qu’il brille le plus. C’est sa rémanence gustative et sa subtilité qui emportent nos suffrages.

Le Château Lafite-Rothschild 1988
est un vin bien construit, mais la proximité des 1926 et 1907 montre à quel point il est peu complexe comparé à ces deux anciens, exactement comme le blanc italien à côté du meursault. Lafite rattrapera ses aînés lorsqu’il aura des cheveux blancs !

Juste après les bordeaux et avant la viande, nous buvons le vin que symboliquement j’ai ajouté. C’est un Corbières, VDQS mis en bouteilles à Longjumeau des années 60, car il y a plus de quarante ans que je l’ai acheté dans un lot chez un épicier auvergnat. Il porte encore son prix : 4,00 F. Bien évidemment nous n’en attendons rien, mais nous sommes extrêmement surpris qu’il soit aussi précis, fruité, et agréable à boire. Aucune déviation n’en perturbe le goût. Contrairement à la chanson de Georges Brassens, le temps fait quelque chose à l’affaire, en bonifiant ce petit vin au point de le rendre plaisant. C’est le troisième exemple qui montre que « old is beautiful ».

C’est maintenant le grand moment, car nous allons boire deux vins de la Romanée Conti. Celui de Tim a un niveau très acceptable, alors que le Richebourg que j’ai apporté souffre d’un niveau très bas. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953
a un nez assez époustouflant, nettement plus expressif que celui de La Tâche. Mais il a un côté perlant, avec une impression de pétillant, qui interdit de l’aimer. On ne peut pas demander l’impossible aux très bas niveaux. En revanche, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, s’il n’a pas le parfum superbe du Richebourg a une tenue en bouche exemplaire, avec le caractère salin des vins du domaine et un velouté remarquable. C’est un très grand vin, de belle structure et charme intense.

Tim sert son Château Pavie 1975
et semble l’apprécier, mais je le trouve déséquilibré.

Le Coteaux du Layon Chaume Domaine Cady 1995
est très agréable, enveloppant, simple mais charmeur et bien réactif sur le dessert. J’adore son fruité très spontané. A côté de lui, le Château Filhot crème de tête 1990 est un grand vin mais trop lourd car le sucre est surabondant. Dans quelques années ce sera une autre affaire lorsqu’il aura tempéré ses ardeurs.

Mes amis ont voté pour Latour 1907 avant La Tâche 1969. J’ai fait le classement inverse. Ensuite, c’est Haut-Brion 1926 et le Meursault 1950 qui complètent le quarté. Avec douze vins pour cinq, nous avons poussé très loin les limites du raisonnable. Florian le sommelier est extrêmement sympathique, la cuisine est excellente. Le lieu est à recommander. L’atmosphère était superbe, ce fut un grand moment.

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la couleur des deux liquoreux (à gauche le 1990)

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il n’y a pas de photo du velouté. Un comté de 36 mois a été ajouté au menu.

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Dom Pérignon lance P2 et P3 à Artcurial mardi, 4 novembre 2014

Dans ma musette, il y a le reste de la bouteille de Corton Charlemagne 1949 du déjeuner que je souhaite partager avec Richard Geoffroy
car je me rends au siège d’Artcurial
où Richard présente cinq vins de Dom Pérignon, dont un P2 et un P3. P2 représente le moment de la deuxième plénitude de Dom Pérignon et P3 la troisième plénitude. Ces concepts vont se substituer aux Dom Pérignon Œnothèque qui indiquaient seulement qu’il s’agit de dégorgements tardifs. Alors que P2 et P3 correspondent à des moments précis dans la vie d’un champagne, qui est marquée par au moins trois pics d’excellence, vers dix ans, vingt ans et trente ans, juste pour fixer les idées, ces sommets n’étant pas les mêmes pour tous les millésimes.

Quelques personnes sont invitées pour une opération commerciale, puisqu’il y aura dans un peu plus d’un mois une vente aux enchères conduite par Artcurial au cours de laquelle seront vendus des P2 et des P3 de Dom Pérignon. C’est une façon de communiquer sur le concept et d’essayer de fixer des niveaux tarifaires élevés. Personne ne s’en cache.

Les experts d’ Artcurial parlent de leur maison de vente, Richard Geoffroy parle de ses vins.

Le Champagne Dom Pérignon 2004
a un nez de caramel et de lait. En bouche il évoque le caramel, la noisette, il est lacté et assez gras, ce qui est lié à une température de service assez élevée. Il a de belles épices et une belle acidité dans le final. L’amplitude est certaine. Le vin a un final qui claque bien.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1998
a une bulle lourde, un nez discret. Il est plus tendu que le 2004, plus vineux, plus strict et moins ample. Très fluide, il est très agréable à boire. Il est très champagne, plus fluide et plus tendu que le précédent. Il est à noter que P2 n’est écrit que sur une collerette très haut sur le goulot. Aussi quand on m’a servi, je n’ai vu que Dom Pérignon 1998. Et je le trouvais tellement bon que j’ai posé la question à Richard sur sa date de dégorgement, étonné que le 1998 « normal » soit à ce niveau. Ayant apporté le Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949 de ce midi, j’en ai fait profiter mon voisin et c’est inouï comme le vin blanc élargit le champagne et développe sa palette aromatique comme une loupe grossissante. Richard Geoffroy viendra me voir après la présentation et fera la même constatation. La caractéristique du Dom Pérignon P2 1998 est la vivacité.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1996
a un nez très présent, fort, évoquant l’ardoise humide. Fort curieusement l’attaque est très douce, mais ça ne dure pas. Le vin est très minéral, pierre mouillée, fluide, viril, guerrier. Ce vin est énorme, « pushing », d’une grande jeunesse et d’une force de conviction imparable. C’est un très grand vin de tension, tranchant, au final gigantesque. Contrairement à d’autres 1996 qui sont dans des phases ingrates, celui-ci est brillant.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1995
a un nez plus calme. Il l’est aussi en bouche, plus assis, plus archevêque. Il a des fruits confits et des épices, du caramel en traces. Le fruit est ample, le vin est riche et opulent mais il a moins de vibration que le 1996.

Le Champagne Dom Pérignon P3 1970
a un nez sublime, frais, subtil, séducteur et envoûtant. En bouche ce champagne est au sommet de l’expression de Dom Pérignon. C’est un vin abouti, avec une bulle très présente. Il a la fluidité, un envahissement du palais et un final très long. Il est difficile à caractériser mais il est impressionnant de vitalité. C’est un très grand champagne.

Je classerai 1970, 1996, 1998, 1995 et 2004.

A la fin de cette dégustation je me dis que bien sûr, on est en pleine opération de promotion des concepts de P2 et P3. Mais force est de constater que ce qu’on boit est absolument excellent. Richard Geoffroy veut mettre en valeur les moments où le champagne est à un pic d’excellence, et qu’on le veuille ou non, cela correspond à une réalité. Pour justifier une telle stratégie, il va falloir garder des stocks élevés longtemps. Mais on voit à la dégustation que c’est justifié.

Je suis persuadé depuis toujours que les vins n’ont pas une vie linéaire mais un parcours gustatif sinusoïdal avec des pics d’excellence et c’est en en discutant qu’une amitié est née avec Richard Geoffroy. Contrairement à lui j’ai plus de sympathie pour le mot Œnothèque que pour les P2 ou P3 qui évoquent les parkings d’aéroports, mais je souhaite plein succès au lancement de ce concept, s’il ne se traduit pas par une folie tarifaire.

Cette dégustation fut hautement démonstrative de la capacité de Dom Pérignon d’être grand et de conserver, grâce à cette stratégie, jeunesse et vivacité.

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Déjeuner au restaurant Garance avec un Chambertin Louis Latour 1961 sublime mardi, 4 novembre 2014

Mon ami Tomo était devenu papa et nos folies s’étaient arrêtées depuis plus de six mois. Cela nous manquait à l’un et à l’autre. Je propose à Tomo que nous déjeunions ensemble. Il acquiesce et choisit le lieu : le restaurant Garance. Il annonce son vin le premier : Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969.

Je cherche dans ma cave des vins qui pourraient accompagner le sien et je choisis un Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949 au beau niveau et dont la couleur est un peu ambrée, puis une bouteille absolument magnifique de couleur et de niveau, un Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Mon emploi du temps ne me permettra pas d’ouvrir les vins longtemps à l’avance.

A mon arrivée, pendant que j’officie pour ouvrir les vins, Tomo me tend un verre de champagne que je trouve fort bon. Bien que je l’aie bu il y a peu de temps, je ne cherche pas à reconnaître. C’est le Champagne Dom Pérignon P2 1998. Il est intense, équilibré, avec une belle acidité, des fruits jaunes et une bonne mâche. Il a vocation à permettre au Corton Charlemagne de se refroidir dans un seau à glace.

Ayant salué le chef Guillaume Iskandar, j’ai vu sur son plan de travail des champignons qu’il associe normalement avec des seiches. Je lui ai demandé de nous préparer une assiette de champignons sans rien d’autre pour le vin blanc.

Nous commençons par la traditionnelle brioche avec une crème épaisse et goûteuse qui met en valeur le Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949. Sa couleur dans le verre est nettement moins ambrée que ce que j’avais vu à travers le verre de la bouteille. Le nez est profond, intense, évoquant des fruits confits. La bouche est gratifiante car le vin est très carré, solide, structuré. Il a des fruits confits, une belle acidité, mais tout se joue dans le final qui expose tous les agrumes que l’on pourrait imaginer : orange, sanguine, pomelos et citron vert, le tout étant suggéré plus qu’imposé.

Les champignons donnent au vin une ampleur extrême. Le vin a relativement peu de complexité malgré ce final excitant mais il est solide et très riche. Il n’évoque pas trop un Corton-Charlemagne mais on peut dire que c’est un grand vin de grande vitalité et sans trace d’âge.

Guillaume le chef qui connaît mes goûts a ajouté aux champignons de fines tranches de saucisse de Morteau et sur ce blanc, c’est un régal incroyable.

Le lièvre sera présenté en deux services. Trois morceaux différents et une sauce diabolique, puis le deuxième service en un effiloché de chair, sur une sauce encore plus forte. C’est un régal complet.

Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969
est clairet. Le nez est extrêmement expressif et m’évoque des vins de la Romanée Conti. Et cette impression se retrouve en bouche. Le vin est salin, très bourguignon et je suis sûr qu’à l’aveugle j’aurais dit un vin de la Romanée Conti, par exemple une Romanée Saint-Vivant. Car l’amertume, la rigueur sont très proches de ce que je trouve dans les vins du domaine de la Romanée Conti. Il a une belle longueur, aucun fruit mais de belle variations vineuses sur un message strict.

Ce vin est le jour et la nuit si on le compare au Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Car le chambertin est rond, riche, fruité, glorieux, plein, d’une mâche conquérante. Sa puissance est étonnante. Il est à l’aise sur toutes les composantes des deux plats de lièvre, mais c’est surtout sur les sauces qu’il trouve un écho fantastique. Tomo, comparant les deux vins, dit que l’on voit bien que le 1961 est un grand cru, comparativement au 1969. Le chambertin est indéniablement la vedette de ce repas. Il est fruité, joyeux, riche.

J’ai rapporté chez moi le reste du chambertin, qui a été chahuté dans les transports. Le dernier cinquième bu au dîner est noir, d’une matière lourde et dense et le vin est tout simplement divin. Ma femme, sentant le vin lui donnerait cinquante ans de moins ! Ce vin est immense.

Par hasard, Tomo avait trouvé un catalogue Nicolas de 1972. Des Grands Crus de 1961 se vendaient dans les 50 Francs, le Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961 se vendait 150 F et la Romanée Conti 200 F. Le chambertin que nous avons bu était au sommet du tarif de Nicolas !

Ce déjeuner a relancé la machine qui nous fera partager des grands vins. Vite, lançons le suivant.

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Dom Pérignon P2 1998 et Corton Charlemagne 1949

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Déjeuner au restaurant Diane du Fouquet’s samedi, 1 novembre 2014

(décidément, mon appareil photo a du bleu à l’âme ! il faudra que j’apprenne à m’en servir)

Je suis invité au restaurant Diane qui est au premier étage de l’immeuble du Fouquet’s. La décoration est moderne et plaisante, les tables sont espacées. On se sent bien. Le menu du déjeuner est d’un prix attractif. Les plats que je choisis sont : la courge « Jack be little », foie gras et châtaignes, chantilly à la Cazette / le brochet en mousseline, écrevisses, chou rouge, sauce Nantua / fromages.

Au déjeuner, c’est le champagne qui convient le mieux si l’on veut pouvoir travailler ensuite. Il y a un choix acceptable, avec une valorisation assez forte des plus grands champagnes. Etant chargé de commander le vin, je pointe une Cuvée Louise 1999 mais le sommelier m’annonce qu’il a des 2002 qui ne sont pas à la carte, et me les conseille. J’acquiesce évidemment.

Dès les amuse-bouche, on sait que l’on est face à une cuisine raffinée et talentueuse. Le velouté de courge est présenté dans une citrouille, Halloween oblige. Il est délicieux et les composantes du plat sont d’un rare équilibre. Le brochet en mousseline est superbe mais c’est surtout la sauce Nantua qui est une vraie merveille de gourmandise. Cette cuisine vaut facilement deux étoiles.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise 2002
m’épate par sa joie de vivre. Il a une prestance, une opulence de bon aloi et se permet d’être en même temps frais, fluide et gourmand. C’est un champagne de grand équilibre et de charme. J’ai senti des fruits jaunes mais aussi des pâtes de fruit qui épaississent le champagne, lui donnant étoffe et longueur. C’est un grand champagne et cette bouteille se place au-dessus de la mémoire que j’en avais.

Le service est attentionné, l’ambiance est agréable. Voilà un restaurant à recommander.

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Visite à Saint-Estèphe à Cos d’Estournel et dîner à la Chartreuse de Cos jeudi, 30 octobre 2014

Je me rends à Saint-Estèphe au siège de Cos d’Estournel où je suis attendu par Carole Valette, directrice de la « Chartreuse » ensemble hôtelier de luxe qui jouxte le château connu du monde entier pour ses pagodes et ses décorations indiennes. Dimitri Augenblick, le gendre de Michel Reybier qui est propriétaire de Cos d’Estournel depuis 2000, m’accueille avec Carole. On me montre ma chambre d’un grand confort, car Michel Reybier possède de nombreux hôtels de très grand luxe et la Chartreuse s’aligne sur ce niveau : les chambres ont été conçues par Jacques Garcia. Je dépose la bouteille que j’ai prévu d’insérer dans le dîner que nous partagerons et Dimitri me fait visiter les installations de Cos qui ont été rénovées en 2006 sur les suggestions de Jean-Guillaume Prats qui dirigeait alors le domaine, et avec les créations de trois architectes, dont Jean-Michel Wilmotte et Jacques Garcia. C’est grandiose, avec les évocations de l’Inde qui est le fil rouge du domaine. Dimitri me conduit vers une cave psychédélique. La hauteur des étagères doit bien atteindre dix mètres et les rayonnages sont supportés par des éléphants de pierre, comme ceux qui abondent en divers endroits de la propriété. Je découvre des millésimes qui font rêver, dont plus d’une vingtaine d’avant 1920. Je reste en arrêt devant cette cave hors du commun. Dans un immense hall d’entrée qui peut accueillir des centaines de personnes, face aux splendides chais, Dimitri a fait disposer des verres pour que nous dégustions quelques vins.

Les Pagodes de Cos 2011 est fait de 65% de merlot. Son nez est celui d’un vin souple. La bouche est agréable. Le vin est enveloppant, pas très long mais gourmand. C’est un vin agréable. Le vin n’a pas beaucoup de complexité mais il se boit bien.

Le Cos d’Estournel 2008 est du premier millésime qui a été réalisé dans les nouveaux chais. Il a 85% de cabernet sauvignon, ce qui est le plus gros pourcentage historique de ce cépage dans Cos. Le nez est élégant, très jeune. La bouche est encore très jeune, le fruit est clair avec une belle acidité. Le vin titre 13,5°. Le final n’est pas encore formé. Le vin est crayeux, dit Dimitri. Il est astringent mais élégant.

Le Cos d’Estournel 2003 a un nez plus ouvert et généreux. La bouche est très fraîche. Le vin est fluide, presque léger. Le final est très frais, proche de celui du 2008 pour l’astringence. Il y a 70% de cabernet sauvignon, 27% de merlot, 2 % de petit-verdot et 1% de cabernet franc. Le vin est très agréable à boire et s’annonce gastronomique. Il a une belle acidité, une grande fraîcheur et une astringence qui en fait un vin serré. Il a une belle trame et une belle puissance.

Le Cos d’Estournel blanc 2011 est une nouveauté puisqu’il existe seulement depuis 2005. Il a 30% de sémillon et 70% de sauvignon blanc. Le nez très présent évoque le litchi et les fleurs blanches. La bouche agréable et douce évoque les fruits blancs mais aussi le lait. Ce vin très jeune, frais avec une acidité marquée dans le final, avec des fruits confits suggérés semble gastronomique. L’essai se justifie. Il faudra voir comment il évolue.

Nous retournons à la Chartreuse pour le dîner prévu pour Carole, Dimitri et moi. Dimitri Augenblick me propose d’aller dans la cave de la Chartreuse pour choisir les vins du dîner. La cave est magnifiquement agencée et comporte une belle collection de nombreux millésimes de Cos, sans les plus anciens qui sont rangés dans la caverne d’Ali Baba spectaculaire créée par Jacques Garcia.

A ma grande surprise, Dimitri me dit : « vous choisissez ce que vous voulez pour le repas ». C’est toujours embarrassant d’être dans cette situation. Je choisis deux millésimes, 1989 et 1955. La bouteille de 1955 a ceci de particulier qu’elle provient de la cave Nicolas. Elle n’a donc pas été stockée pendant toute sa vie au château. Dimitri décide d’ajouter à ce choix 1988 car il aimerait comparer les deux millésimes voisins.

Nous remontons dans l’immense salon de réception ou les allusions indiennes sont nombreuses. Il y a une collection impressionnante de faïences de Vieux Bordeaux, dans l’esprit des faïences de Longwy, puisque l’artiste s’était formé dans cette ville. Nous trinquons sur un Champagne Michel Reybier, du nom du propriétaire de Cos d’Estournel qui a investi dans une propriété champenoise. Le champagne contient les trois cépages dans des proportions que je n’ai pas notées. Il est assez doux, agréable, pas franchement complexe mais il a suffisamment de coffre pour être plaisant. Il est à noter que la bouteille porte à côté du nom de Michel Reybier un éléphant qui évoque évidemment Cos d’Estournel.

Le menu conçu par le chef de la Chartreuse est : saumon fumé et caviar d’Aquitaine, petits blinis maison / canard à l’orange / sabayon de fruits d’automne. Le menu a été composé sans savoir ce que nous boirions, aussi est-il un agréable accompagnement sans recherche d’accord. Ce sera surtout vrai pour l’entrée puisqu’il n’y aura pas de blanc et pour le dessert puisque mon vin n’était pas connu.

Dès le premier contact au nez ou en bouche, le Cos d’Estournel 1989 est miraculeux. Il est d’une rare élégance et éblouissant. Il a tout pour lui, puissance et charme. Tout est dosé, équilibré, vif et convaincant.

Le Cos d’Estournel 1988 est musclé, fort, brut de forge comme son millésime et ne montre pas de charme puisque ce n’est pas pour cela qu’il a été construit.

Le Cos d’Estournel 2003 de la bouteille remontée de la salle de dégustation a du charme, des épices et du fenouil. Je l’aime beaucoup.

Le Cos d’Estournel 2008 bu avant le repas continue d’être un bon vin mais sa jeunesse le rend beaucoup moins excitant que ses aînés.

Le Cos d’Estournel 1955 est un vin plutôt plat, manquant d’énergie. Alors que 1955 est une grande année, le vin de cette bouteille manque son rendez-vous. Sa matière est belle, ses caractéristiques sont convenables, mais dès qu’il manque la petite étincelle, le plaisir n’est plus là. Le parcours de cette bouteille venant des caves Nicolas explique sans doute qu’il ait été éteint.

Pendant ce temps, le 1989 plait à mon cœur et le 1988 se dénoue, se réveille et montre de grandes qualités au point qu’à un moment, je lui trouve plus de présence qu’au 1989. Mais finalement, c’est quand même la fraîcheur et la grâce du 1989 qui remportent mes faveurs.

C’est par hasard que j’ai choisi le vin qui va suivre dans ma cave. Seule sur une étagère, elle attire mon œil car elle a une forme proche de la forme bourguignonne mais plus large de diamètre. De plus le cylindre n’est pas très droit, un peu bombé et le cul profond est celui d’un flacon centenaire. J’aime les bouteilles très anciennes et je prends en main la bouteille dont l’étiquette est jolie. Sur l’étiquette on lit « 191 » et il y a un trou à l’endroit du quatrième chiffre. C’est en ouvrant la bouteille que j’ai pu lire l’année sur le bouchon.

Le Bonnezeaux Clos de la Montagne Coteaux du Layon Compagnie des Grands Vins d’Anjou à Angers 1919 avait à l’ouverture un nez suave et prometteur. Il est maintenant de folle complexité. En bouche le vin est excitant, magique, de pruneau. Dimitri lui trouve un léger goût de métal mouillé que je n’aurais pas remarqué. Le vin est jeune, évoque la noisette et le pruneau. La bouche est fraîche. Je me régale. Il ne faut pas l’associer au dessert qui le rétrécit, aussi buvons-nous le vin après avoir mangé le délicieux sabayon.

Pendant le dîner nous avons évoqué les projets communs que nous pourrions envisager. Dans ce groupe dynamique il y a tellement de recherche d’excellence, comme à Smith Haut-Lafite, que les cerveaux peuvent phosphorer. Une douce nuit me repose d’une longue journée. Un bain dans la piscine de la Chartreuse est un heureux réveil suivi par un petit-déjeuner préparé avec beaucoup d’attentions charmantes.

Des deux visites à Smith Haut-Lafitte et à Cos d’Estournel, je retiens que dans les deux cas, des entrepreneurs fortunés ont pris goût au vin qu’ils ont acheté, investissent pour la qualité, sans compter, en visant l’excellence. Ayant vu que pour les deux vins il y a l’obsession du grain parfait, je me suis posé la question suivante : « le vin n’est-il pas meilleur si les grains ne sont pas tous parfaits ? ». Les grands vins anciens n’avaient pas la possibilité de faire des tris aussi sélectifs et cela ne les a pas empêché de faire des miracles. Un dicton populaire dit : « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est la question qui me vient à l’esprit car le grand vin se nourrit probablement aussi – c’est mon intuition – de ses petites imperfections.

J’ai été frappé du dynamisme et de la volonté de ces deux grands châteaux. Ces deux visites sont très enrichissantes.

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la cave des vins anciens

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la dégustation

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la cave de vins de la Chartreuse

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la Chartreuse

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les vins du dîner

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Cos d’Estournel le matin, avec mon appareil photos qui a le blues !

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mon petit déjeuner m’attend

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Quatre saisons à la Romanée Conti jeudi, 30 octobre 2014

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Le film de Thomas Bravo-Maza « Quatre saisons à la Romanée Conti » est disponible à « Phares et Balises ».

http://www.phares-balises.fr/

C’est dans ce film que je bois une Romanée Conti 1986 et une 1996 au restaurant Le Grand Véfour, en compagnie de mon ami Tomo, les deux bouteilles venant de nos caves.

L’histoire est racontée dans ce blog :

http://www.academiedesvinsanciens.com/degustation-matinale-puis-a-un-dejeuner-de-deux-romanee-conti-du-domaine-de-la-romanee-conti/

http://www.academiedesvinsanciens.com/deux-romanee-conti-au-grand-vefour-photos/

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Passionnante visite de Smith Haut-Lafitte et déjeuner jeudi, 30 octobre 2014

Ayant brodé autour d’une invitation bordelaise pour que plusieurs visites peuplent mon séjour, je prends l’avion avec trois rendez-vous prévus dans des châteaux bordelais. Il fait un temps splendide et en cette fin d’octobre, le thermomètre marquera jusqu’à 24°, donnant raison à cette rengaine : « il n’y a plus de saison ».

Arrivé en avance au château Smith Haut-Lafitte, j’ai la chance d’avoir droit à une visite privée pour moi tout seul. C’est d’abord avec Lise, chargée des visites, vite relayée par Daniel Cathiard, dont le discours me fascine et me passionne. Dans le groupe qu’il possède avec sa femme et ses enfants, les Caudalies représentent de loin le plus grand chiffre d’affaires, cette branche employant près de 800 personnes, ce qui est important. Vient ensuite l’hôtellerie, qui progresse avec une offre de restauration qui s’agrandit. A côté de cela, le vignoble a la petite part du chiffre d’affaires du groupe, dont Florence et Daniel ont gardé pour eux la gestion, les enfants étant autonomes dans les autres activités. De ce fait, les critères financiers ne sont pas les premiers et Daniel voue toute son énergie à la recherche de la perfection. Tel un restaurateur qui a obtenu les trois étoiles et fait tout pour les conserver, Daniel, qui a vu son vin couronné de 100 points Parker sur un millésime, considère que son devoir est de viser la perfection sur tous les secteurs. Sur une île qu’il possède sur la Garonne mûrissent des vignes « mères » qui seront les porte-greffes des vignes de la propriété. Le cheval est revenu dans les vignes, mais seulement sur les terres qui le méritent. Le tri des grains est la marotte de Daniel qui ne veut que les plus ronds des grains, choisis en trois tries successives. Il a investi dans des chais tronconiques en bois dont il surveille jalousement l’usage et il a réintroduit la fabrication sur place des tonneaux, faits de merrains de toute première qualité.

Daniel a fait construire de nouveaux chais qu’il appelle « furtifs », car on ne les voit pas du ciel, car il sont neutres en termes d’énergie, celle consommée étant produite de façon naturelle sur le domaine, et parce qu’ils recyclent dans la cosmétique des Caudalies les productions de CO² émanant des barriques. Ce besoin d’une empreinte écologique neutre ou positive est à signaler.

Le rôle de Daniel est de faire en sorte que chaque phase de la fabrication du vin, si petite soit-elle, soit parfaite. Par ailleurs, comme Florence et Daniel sont passionnés d’art, de nombreuses pièces des innombrables bâtiments et les vignes aussi, accueillent des œuvres d’art. A l’instar de ce que font ses enfants en hôtellerie, le château lui-même accueille de nombreuses manifestations et fêtes.

Notre visite passionnante cesse d’être en duo car nous sommes rejoints par trois banquiers. Eh oui, chez les Cathiard, il n’y a pas de temps perdu, et le déjeuner sera un déjeuner d’affaires. Avant cela nous allons en salle de dégustation goûter le Château Smith Haut-Lafitte 2011. Il a un nez de marc, avec des évocations de noir comme le cassis et de vert comme le fenouil. La bouche est riche, très cassis. Mais il y a aussi de la feuille verte et un final épicé. Ce qui m’intéresse, c’est le bouquet de feuilles vertes, artichaut, fenouil et anis. C’est un joli vin.

Tout-à-coup, comme dans un film de science-fiction, le plancher se soulève, deux panneaux s’ouvrent sur un escalier qui nous permet de descendre dans une cave où Daniel a reconstitué une « bibliothèque » de vieux millésimes, en les achetant aux enchères, puisque la mémoire de ce vin n’existait pas au château lors de la reprise du domaine en 1990.

Je remplis mes yeux de ces beaux flacons, dont un Smith Haut-Lafitte 1878 écrit « Lafite », du célèbre Café Voisin qui avait à l’époque une cave aussi prestigieuse que celle de la Tour d’Argent aujourd’hui, dont j’ai quelques bouteilles mais pas de Smith Haut-Lafitte.

Nous nous rendons dans la demeure privée de Florence et Daniel et l’apéritif est consacré à goûter un produit que l’on m’a demandé de garder secret, qui fait l’objet de ce déjeuner de travail. Nous passons à table dans la grande cuisine où j’avais naguère goûté de grands vins et sur un déjeuner campagnard simple et de bon goût, nous buvons deux Smith Haut-Lafitte.

Le Château Smith Haut-Lafitte 1998 a un nez très riche, opulent et chatoyant. Il a un très bel équilibre et du velours. Il n’est pas très long et le final est marqué d’une légère amertume. C’est surtout l’attaque de ce beau et grand vin qui est riche et joyeuse, et le final est plus strict.

Daniel pensait prendre en cave un Château Smith Haut-Lafitte 1961 dont l’étiquette presque disparue est illisible mais en fait in s’agit d’un Château Smith Haut-Lafitte 1966. Le millésime est bien visible sur le bouchon. L’attaque est très belle, affirmée et le final est un peu strict. L’impression générale du vin est très positive. C’est amusant de constater que le parcours en bouche est très proche de celui du 1998, avec une attaque joyeuse et un final plus strict. On retient du 1966 qu’il est joyeux, franc, avec une astringence qui le rend frais. Le nez est discret, un peu vineux, l’attaque est fluide. C’est un grand vin qui n’a pas le coffre d’un 1961 mais qui est beau. Quand le vin s’échauffe un peu, le final devient plus grand.

Florence Cathiard est toute en énergie quand elle présente et défend son projet devant les banquiers qui connaissent le monde du vin. Souhaitons longue vie aux vins du château Smith Haut-Lafitte qui sont entre les mains d’entrepreneurs dynamiques qui visent la perfection.

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