Déjeuner suite à une énigme sur Instagram dimanche, 21 mai 2023

Il y a quelques années, j’avais mis sur les mails d’envoi de mes bulletins des énigmes, pour que les lecteurs s’amusent à chercher les réponses, avec pour récompense de déjeuner avec moi autour de grands vins. J’ai repris cette idée sur Instagram pour animer le dialogue avec des abonnés de tous pays.

La récente énigme datait du 27 février 2023. Les réponses furent extrêmement rapides et elles favorisaient les français par rapport aux américains qui se lèvent beaucoup plus tard. Johan était le premier vainqueur, puis Pierre qui me connaît bien et avec Pierre-Antoine, je voulais figer la liste des gagnants, car la récompense prévue était un déjeuner pour lequel j’apporterais un vin du domaine de la Romanée Conti.

Peu de temps après, voulant vider ma messagerie des spams reçus récemment, je vois qu’Adrian, un espagnol, avait répondu avant Johan. Je n’allais pas dire à Pierre-Antoine qu’il ne serait pas invité aussi quatre personnes furent déclarées gagnantes, un espagnol, un suisse, un français vivant près de la Suisse et un français se partageant entre Paris et la Champagne. Il fallut ajuster les agendas pour que tous se mettent d’accord sur une date. Nous avons trouvé une solution.

Le gagnant espagnol veut apporter deux vins espagnols et je lui suggère de n’en apporter qu’un. L’ami français (avec qui je déjeunais hier autour de son Montrachet 1926) veut apporter un vin. J’ai donc rempli ma musette de plus de vins qu’il ne faut, et je choisirai en fonction des apports.

L’enjeu était de boire une bouteille de la Romanée Conti, mais avec quatre gagnants il me semble qu’il en faut deux.

A 11 heures j’arrive au restaurant Pages où je suis accueilli par de larges sourires de l’équipe qui travaille en cuisine. Je commence l’ouverture par La Tâche 1963 et en enlevant la capsule, se libère une masse poussiéreuse noire. Le bouchon que je tire se soulève et exhale une vilaine senteur vinaigrée de serpillère. Masquée par mon silence, c’est une tempête sous mon crâne. Je maugrée. Je me dis : « non pas ça, hier j’ai eu une La Tâche 1956 morte. Pas deux fois ! ». J’enlève le bouchon et je sens le vin. Rien. Pas un seul petit signe de déviation. Le nez est clairement celui d’un vin du Domaine, avec toutes les caractéristiques que j’aime. Comment est-ce possible que l’odeur du bouchon n’ait pas laissé de trace dans le vin, je ne sais pas, mais je fais : « ouf ».

L’ouverture de l’Echézeaux 1989 est beaucoup plus facile et sans incident. Des deux vins d’Adrian je choisis le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 dont le parfum est une merveille.

Le bouchon du Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 me fait souffrir car il y a dans le goulot une telle surépaisseur de verre que le liège vient en mille morceaux. J’ouvre le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 de Pierre qui montre un parfum charmant et je finis par le magnum du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 au parfum d’une belle intensité.

Selon la tradition nous nous rendons avec trois des gagnants à la brasserie 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés. C’est un rite et un plaisir.

Pendant la séance d’ouverture j’ai mis au point avec le chef Ken le menu en m’inspirant des plats qui sont normalement prévus mais en les adaptant. Après des amuse-bouches délicats il y aura une entrée à base d’artichaut, du cabillaud cru puis du cabillaud cuit avec une sauce au vin rouge, une viande de bœuf en deux cuissons et une gaufre de pomme de terre et petit pois, du wagyu servi simplement sans accompagnement, du saint-nectaire et un original millefeuille grillé à la vanille.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est un champagne d’une simplicité d’approche que j’adore. Tout en lui est lisible, cohérent, rond et agréable. Il est solide et très gastronomique. Il accompagne les amuse-bouches, la composition à base d’artichaut et le poisson cru, et sera pertinent sur l’excellent dessert. Je trouve ce 1996 un peu moins vif qu’il y a quelques années. Il retrouvera de nouvelles énergies.

Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 a une très jolie couleur. Il est franc et droit, et trouve un bel accord avec le poisson cru. Il n’est pas très complexe mais se montre très jeune, pur et plaisant.

Le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 est un vin plutôt léger surtout si on le compare aux trois autres rouges, mais son côté aérien et frais est fort agréable. Son acidité est belle. Il n’a pas d’âge et la sauce au vin du cabillaud va le mettre en valeur. Nous nous faisons plaisir.

Les deux vins de la Romanée Conti sont servis ensemble. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 est absolument divine, et avec Pierre nous convenons qu’elle est encore supérieure à La Tâche 1965 que nous avons adorée hier. Ce vin est idéal, parfait, avec une émotion extrême, tant sa subtilité est infinie. On est dans ce que la Romanée Conti fait de mieux. Aubert de Villaine m’avait dit il y a peu de jours que je trouve dans les petites années des plaisirs extrêmes et ce 1963 est un exemple parfait et convaincant, car les petites années révèlent pour moi d’extrêmes subtilités.

Je sens les gagnants très émus d’entrer ainsi dans le monde de la Romanée Conti. On ne pouvait pas rêver mieux.

Il va se passer quelque chose d’assez extraordinaire avec l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989. Au moment où on le découvre il est droit, carré, solide et facile à lire. Un bon second à côté de La Tâche. Mais il va progresser à une allure incroyable, gagnant en complexité, en largeur, en affirmation, et devient un vin immense, très au-dessus de ce que je pouvais imaginer, tout en plaisir. Cette ascension sera telle que deux convives mettront dans leur vote l’Echézeaux devant La Tâche pourtant sublime.

Les deux vins étaient agréables sur la viande bœuf mais c’est surtout sur le délicieux wagyu qu’ils s’expriment, le gras de la viande amplifiant toutes leurs subtilités.

Le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 offre un parfum d’une pureté absolue. S’il était seul, sans les bourguignons, on l’applaudirait, car il a une construction parfaite et raffinée. C’est l’excellence du vin espagnol avec une grande finesse. Le saint-nectaire met en valeur sa maturité accomplie.

Le millefeuille très original redonne au champagne l’occasion de nous faire plaisir.

C’est le moment des votes. Trois places de premier vont à La Tâche 1963 et deux places de premier pour l’Echézeaux 1989. Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Champagne Henriot 1996, 4 – Viña Tondonia 1970.

Mon vote est : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Viña Tondonia 1970, 4 – Pavillon Blanc 1979.

L’ambiance de notre table était formidable. C’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Mes convives étaient aux anges, ravis d’avoir abordé le domaine de la Romanée Conti avec des vins aussi parfaits et émouvants. J’ai fait servir en cuisine un verre de chacun des vins du Domaine et j’ai pu voir à quel point le chef Ken était ému de boire des vins aussi brillants.

A la table voisine, deux chinoises regardaient avec envie les vins que nous buvions. Nous avons bavardé à la fin du repas avec elles. Ce serait assez amusant qu’à la suite de ce contact je puisse faire à nouveau des repas à Pékin.

La cuisine du chef Ken est particulièrement pertinente pour les vins du repas. Je suis content d’avoir créé l’énigme qui m’a permis de rencontrer des amateurs aussi passionnés et conviviaux.

 

Déjeuner chez ma sœur samedi, 20 mai 2023

Déjeuner chez ma sœur autour d’un plateau de fruits de mer de compétition et d’un livarot lui-même médaillable qu’une cloche protège de la dispersion de ses senteurs extrêmes.

J’ai apporté un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin sans année qui doit avoir plus de trente ans. Il est absolument superbe, d’une grande sérénité. C’est un champagne convivial et intense.

Le Château Margaux 1985 de mon beau-frère est une belle surprise qui confirme que le millésime 1985 est d’un grand accomplissement. Cohérence, personnalité, vivacité. Ce Margaux est grand et noble.

Déjeuner au restaurant Fleur de Pavé autour d’un vin de 1926 jeudi, 18 mai 2023

Pierre, un ami, m’écrit qu’il possède un Montrachet 1926 et qu’il souhaite le boire avec moi. Il m’envoie des photos et me demande si j’ai bu de plus vieux montrachets. Le plus vieux que j’ai bu est 1864 mais Pierre est content que 1926 soit seulement la cinquième plus vieille année des montrachets que j’ai bus.

Je choisis sur mon inventaire un La Tâche 1956 d’une année que j’aime et le document indique 4 cm qui est la distance entre le bouchon et le miroir du vin. Pierre approuve mon choix. La veille du repas, je vais chercher le vin et je constate que le niveau n’est pas de 4 cm mais de 12 cm. Je regarde dans la même case de rangement et je vois une bouteille de La Tâche qui a un niveau de 2 cm mais dont l’étiquette déchirée ne permet pas de lire l’année. Je vais consulter mon fichier et il y a un point d’interrogation dans la colonne millésime.

J’appelle Pierre et l’informe du problème de La Tâche 1956 et je l’informe de l’autre La Tâche sans année. Pierre me dit de venir avec celle qui est sans année et je lui réponds : je viendrai avec les deux. Sa réponse immédiate est de dire qu’il va rajouter aussi un vin.

Dans cette situation il paraît opportun que nous soyons trois et nous cherchons l’un et l’autre qui convier et je trouve un ami, Luc, grand amateur de vin, qui souhaitait partager avec moi de belles bouteilles.

Pierre choisit le restaurant, ce sera le restaurant Fleur de Pavé, qui a obtenu une étoile. Pierre a prévenu le restaurant que je viendrais à 11 heures pour ouvrir les vins.

J’arrive à l’heure dite pour ouvrir mes vins. Yacine, tout souriant chef de salle, m’accueille avec plaisir. Je découpe la capsule de La Tâche 1956 et je vois que le haut du goulot est troué et qu’une épaisse croûte de graisse imprègne le goulot. Il est évident que le bouchon est tombé dans le vin et je ne pouvais pas le voir. Je nettoie les épaisses couches de matière graisseuse et je verse à travers un chinois le vin dans une carafe. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, le vin ne sent pas mauvais et on peut même entrevoir des senteurs sympathiques, ce qui m’étonne.

Je découpe la totalité de la cape du vin afin de voir l’année du La Tâche inconnu. Je lis distinctement 1965. Le bouchon vient entier et le 1965 est encore plus lisible qu’à travers le verre. Le parfum respire la Romanée Conti.

Pierre arrive avec son Montrachet 1926 et me propose un Meursault 1961 et un Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1997. Je lui demande qu’on laisse de côté le 1997 qui serait trop puissant à côté des autres vins. J’ouvre donc le 1926 et le 1961 qui montrent de sympathiques parfums.

Luc arrive avec ses deux apports, un champagne de 1969 et le vin qu’il avait mis de côté depuis des mois pour le boire avec moi, le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961. Quel bel apport !

Le chef du restaurant n’est pas présent et le menu est bâti avec son adjoint Maxime qui fait des suggestions extrêmement pertinentes pour composer le menu. Le voici : chou-fleur en deux textures, vanille de Madagascar / tartare de bœuf normand, caviar de la maison Sturia, jus de bœuf / tarte à l’oignon, foie gras poêlé, jus corsé / langoustines juste snackées, légumes de Mr Yamashita, bisque au beurre brûlé / pigeonneau au sang cuit au barbecue, morilles farcies / côte de bœuf maturée, pomme de terre en deux textures, jus merguez / le chocolat Jamaya, glace cardamome.

Le Champagne Waris & Chenayer Blanc de Blancs 1969 a une belle couleur d’un ambre clair doré et offre quelques bulles. Son parfum est agréable et au début, il a des notes un peu vieilles, mais qui vont disparaitre dès que les mets sont servis. Il est rond, large et de belle longueur. Il a tous les atouts de ce beau millésime en Champagne.

Le Meursault Clos de la Barre Roger Cavin 1961 est absolument splendide, vivant, joyeux, solaire, avec un final qui claque comme un requin qui frappe l’eau de sa queue. Avec le tartare de bœuf, il est idéal.

Le Montrachet P. de Marcilly Frères 1926 a une magnifique bouteille et un niveau superbe. Sa couleur est un peu brune et son parfum est discret et agréable. En bouche on est frappé par des notes de rancio, et des douceurs qui n’ont rien de montrachet. Luc voit en lui des accents de madère je vois des tendances de Rivesaltes. On sait que ce montrachet n’a rien d’un montrachet et si on l’admet, on prend conscience que ce vin atypique est fort agréable et multiple. Sur la tarte à l’oignon puis sur les délicieuses langoustines cuites à la seconde près, il est brillant.

Les trois vins rouges sont servis presque ensemble. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961 est une merveille de délicatesse. Sa couleur d’un rose clair est d’une aristocratie bourguignonne. Le nez est délicat et en bouche le vin est d’une distinction rare, très subtil et féminin. La grâce pure. Quel beau voyage de cheminer avec ce vin raffiné.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 qui avait été carafé souffre maintenant d’un nez peu engageant. Le vin n’est pas agréable à boire. Il est mort et l’accident de bouchon ne pouvait pas le faire revenir à la vie.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 au contraire est une pure merveille. Son nez a les caractères forts de la Romanée Conti, le sel et la rose et il montre une puissance tout-à-fait étonnante pour ce millésime. Je comprendrais cette force si c’était un 1966, mais pour un 1965, c’est étonnant. Il est royal, puissant, mâle, tout en étant d’une complexité raffinée. C’est un immense vin du domaine.

C’est avec le pigeon que les vins se sont sublimés, plus que sur la côte de bœuf.

Nous avons voté et Luc est comme moi, il nomme premier le vin qu’il a apporté et je ne peux pas lui en vouloir, puisque je le fais. Le classement global de nous trois est le même que le mien avec 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961, 3 – Meursault Clos de la Barre Roger Cavin 1961, 4 – Montrachet P. de Marcilly Frères 1926.

A un moment du repas, j’ai fait porter des verres du Meursault à deux tables où déjeunaient deux couples de jeunes gens. Ils ont été émerveillés et sont venus nous remercier.

Toute les membres de l’équipe, de cuisine comme de service, et particulièrement Aniella, ont été d’une attention rare. Je leur ai demandé comment ils ont perçu notre repas et tous ont dit que c’est un moment inoubliable pour eux.

Je ne peux que recommander ce restaurant Fleur de Pavé qui a montré une implication exemplaire. Nous avons vécu un déjeuner passionnant et émouvant parfois. Un immense souvenir.


A mon arrivée au restaurant, souci avec La Tâche 1956 qu’il faut carafer

l’apport de Luc qui arrivera beaucoup plus tard, à la fin des ouvertures

le personnel dîne

on nous sert des petites choses en bas, avant de monter à table

le repas

Dégustation des 2022 de la Romanée Conti mardi, 16 mai 2023

Luis, un participant espagnol de mes dîners m’a donné il y a quelques semaines, lors d’un dîner, un livre du 18ème siècle écrit en français afin que je le donne à Aubert de Villaine, co-gérant de la Romanée Conti. Il me semble évident que je ne dois pas être seul à remettre ce cadeau et que nous devrions, Luis et moi, le remettre à Aubert de Villaine.

Nous avons rendez-vous à 15 heures au siège de la Romanée Conti. Aubert m’avait envoyé un message me demandant si ça me dérangerait qu’une jeune chinoise de Hong-Kong participe à la dégustation en cave. Ma réponse fut évidente.

Tandis que j’attends qu’Aubert soit disponible, on m’annonce l’arrivée de Mme de Villaine. Quelle joie de la revoir, elle qui lit chacun de mes bulletins que je lui adresse par courrier. Elle vient accompagnée de la jeune chinoise et son compagnon. Nous serons donc six à la dégustation, Aubert et Pamela de Villaine, les deux jeunes hongkongais, Luis et moi.

Avant de descendre en cave nous allons dans une belle salle de réunion pour que Luis offre le beau livre particulièrement riche d’indications sur l’histoire de la Bourgogne et de belle conservation. Luis en profite pour donner un parchemin datant de 1609, relatant les relations entre des provinces espagnoles et la Bourgogne, du temps de Louis XIII.

Il y a bien longtemps que je n’étais pas venu faire la dégustation des vins sur fûts car je trouvais que la présentation des vins qui viennent juste d’être embouteillés faite chaque année par Aubert suffisaient. J’ai sans doute eu tort car l’ambiance en cave est porteuse d’une émotion particulière.

Nous irons dans les deux caves, celle de la cuverie et celle sous le siège de la société, plus ancienne et plus émouvante.

C’est Aubert qui manie la pipette pour remplir nos verres. Je souhaite prendre des notes et lorsque je commence à écrire sur l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022, je mets le mot ‘riche’ et j’entends Aubert dire : ‘ce vin est riche’. Si ce mot est le premier qui vient à l’esprit d’Aubert et de moi, cela signifie probablement quelque chose.

Voici les notes succinctes que j’ai prises, sachant qu’en cave où il n’y a que des tonneaux, et tenant en main mon verre, écrire est un exercice délicat.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022 : riche, fort, solide et aussi de belle fraîcheur. Fin de bouche agréable. Vieillira très bien. Très pur.

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez plus complexe, bouche plus ronde et souple, finale de forte personnalité. Plus fruité. L’écart entre les deux vins est plus marqué que pour d’autres millésimes.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez subtil et en bouche, ce vin est romantique, raffiné. Tout est subtil. Pureté. Très grand vin et belle réussite. Ce vin est tellement fluide.

Aubert nous dit que le millésime 2022 dispose à la fois d’une grande qualité et d’une grande quantité ce qui le fait ressembler au millésime 1959. Jamais les caves de la cuverie n’ont été aussi pleines.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez très expressif, qui n’est pas seulement lié à la puissance. Le fruit est riche et joyeux. Ce vin est large. Il est énergique et joyeux sans avoir à montrer sa puissance. Je l’adore car il est franc.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez glorieux. Ce vin est tellement grand. Tout est superbe. Ce vin est une synthèse. Il sera immense. Le final est superbe, très fort. Il me vient un éclair : je pense que ce vin a la perfection que j’avais trouvée dans Les Gaudichots 1929 de la Romanée Conti qui est le plus grand vin de la Romanée Conti que j’aie bu. Comme nous sommes en cave et parlons anglais, je note : « so good ».

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2022 : c’est la grâce. Tout est rond. On s’émerveille. Il est très équilibré, mais il est en devenir. Il est plus en devenir que la Tâche qui est immédiatement aimable.

A ma demande, nous goûtons ensuite le Corton Rouge Domaine de la Romanée Conti 2022. C’est ce vin qui est normalement bu en premier. A la suite de la Romanée Conti, on voit qu’il est plus rustre et dans une philosophie très différente, mais je le trouve percutant, enthousiaste, « pushing ».

J’avais apporté avec moi deux vins déjà ouverts que je souhaitais faire goûter à Aubert de Villaine mais aussi aux autres participants et le fait de les boire dans la vieille cave du domaine va ajouter de l’émotion.

Il y a le Château Rayne-Vigneau 1928 si élégant et raffiné et le Malaga 1872 qui combine le doux et le salé. Le boire ici alors que je vénère le sel, marqueur des vins de la Romanée Conti, cela m’émeut encore plus. Luis est aussi très ému de boire ce vin de 150 ans.

Nous avons longuement bavardé. Luis est reparti vers de nouvelles aventures, heureux d’avoir pu faire un beau cadeau à Aubert de Villaine et d’avoir pu entrer dans le saint des saints ou le sein des seins, là où s’élabore le vin le plus recherché de la planète. Je suis heureux d’avoir pu être l’entremetteur de cette belle rencontre.

dans les caves

Dîner avec un ami de l’Oregon dimanche, 14 mai 2023

Un américain qui a participé à plusieurs de mes dîners est un invraisemblable aventurier. Il vient de passer plus de deux mois en Russie et sur le lac Baïkal. Je souhaite lui montrer ma cave et l’inviter à dîner chez moi. Le choix des vins est un épisode que j’adore, car de multiples critères interviennent.

Je vois en cave une bouteille dont le cul profond indique un âge certain et dont la couleur rose m’intrigue. Il s’agit d’un sauternes, Château Rayne-Vigneau dont je ne connaîtrai le millésime qu’en enlevant la feuille de plomb qui forme la capsule. C’est 1923 ou 1928. J’ai opté pour 1928 en scrutant le dernier chiffre.

Je vois ensuite un Richebourg de la Romanée Conti au millésime difficile à lire. Ce pourrait être 1975. En soulevant la cape qui avait déjà été découpée il y a longtemps pour lire le millésime, je peux voir distinctement 1966.

Par ailleurs, en rangeant des bouteilles, je vois un Dom Pérignon 1964 qui a perdu la moitié de son volume et semble d’une couleur foncée. Il faut toujours donner une chance aux vins aussi je l’inclurai dans le repas. Mais par sécurité je prends un Moët & Chandon Brut Impérial 1982 qui pourrait donner lieu à une intéressante confrontation. Ma fille se joindra à nous avec son compagnon qui voyage de par le monde pour étudier les civilisations disparues et pourra échanger avec l’aventurier.

Le menu sera d’amuse-bouches pour l’apéritif dont de petits boudins, des épaules d’agneau avec un gratin dauphinois, Brillat-Savarin, saint-nectaire et chèvre puis une tarte Tatin.

J’ouvre vers 14 heures le Richebourg dont le parfum est la définition idéale des vins du domaine de la Romanée Conti, le sel et la rose dans leur plus belle expression. Le nez du Rayne Vigneau est d’une élégance extrême. Tout va bien.

A 17 heures, après la visite de cave, j’ouvre le Dom Pérignon 1964 dont la cape et le bouchon sont gras et noir. Le parfum est vieux mais plutôt encourageant. Le Moët 1964 a aussi une cape et un bouchon noirs et sales. Le nez est avenant.

L’apéritif commence. Lorsque je verse le Champagne Dom Pérignon 1964, la couleur est grise et peu avenante. Mais en bouche, malgré la fatigue évidente, le goût pourrait s’améliorer. Le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1964 a une belle couleur et une bulle présente. Le goût est agréable, mais on sent que le vin est limité et court. Contre toute attente, le Dom Pérignon se réveille et devient plus expressif que le Moët. C’est le mystère du vin.

Sur l’épaule d’agneau, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1966 se montre brillant. Le nez est de rose et de sel et la bouche lui répond. On a toute la singularité si expressive des vins du domaine et c’est un régal. Ma fille avec qui je partage assez souvent des vins du domaine est aux anges. C’est un grand vin, d’une belle maturité montrant à quel point ce millésime est solide.

Je n’imaginais pas que le vin serait bu si rapidement aussi je me dépêche d’ouvrir un Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964. Il y a plus de trente ans j’avais remarqué à quel point les chambertins de Pierre Damoy étaient grands et j’avais acheté une importante quantité de 1961 et 1964 qui ont été toujours superbes, souvent nommés premiers dans mes dîners. Et ce 1964 montre une facette de la Bourgogne très complémentaire de l’expression de la Romanée Conti. Ce vin est fin, racé, vibrant et d’un équilibre absolu. C’est un vin gourmand, rêche, d’une expression porteuse d’émotion. Je l’adore.

La fusion entre la tarte Tatin et le Château Rayne-Vigneau 1928 est confondante. Quelle union. Ce sauternes est superbe de délicatesse, de grâce et de douceur. Le botrytis est plutôt réservé, rendant le vin fluide et féminin. C’est une expression d’une rare finesse.

J’ai fait goûter à mon ami Bill quelques gouttes d’un Malaga 1872 que j’avais ouvert il y a une semaine. Ce goût kaléidoscopique mêlant le sucré et un salé très fort entraîne dans des imaginations des mille et une nuits.

Comment classer les vins de ce dîner ? Le premier est le Richebourg 1966. La place de second est difficile à départager entre le Rayne-Vigneau 1928 et le Chambertin 1964. Ensuite le Dom Pérignon 1964 passe devant le Moët du même millésime.

Bill et le compagnon de ma fille se sont trouvé des connaissances communes pourtant peu envisageables. Les discussions ont été passionnantes tant notre ami vit des aventures extraordinaires. Ce fut un beau repas aux vins étonnants ou remarquables ou les deux.

le Corcol 1938 n’a pas été servi

l’accord parfait

Règles pour la 38ème séance de l’académie des vins anciens du 8 juin 2023 dimanche, 7 mai 2023

Règles pour la 38ème séance de l’académie des vins anciens du 8 juin 2023

Pour participer à une séance il faut suivre le cheminement habituel :

  • Si l’on vient sans bouteille de vin, respecter les dates de paiement.
  • Si l’on veut venir avec un vin, proposer un vin ancien et fournir tous éléments sur le vin, dont le niveau dans la bouteille (chaque photo ne devra pas dépasser 500 Ko et devra être lisible)
  • Obtenir mon approbation pour la ou les bouteilles proposées
  • Respecter les critères d’âge :
  • Champagnes d’apéritif : pas de règles. Seront des cadeaux des académiciens qui veulent en apporter, au-delà de leur apport
  • Champagnes : avant 1997
  • Vins blancs : avant 1991
  • Vins rouges et liquoreux : avant 1972

Dates à respecter

  • Livrer les vins à partir du 2 mai et avant le 25 mai
    selon le processus décrit ici :
  • soit livrer sa bouteille au 10 place des Vosges (sonner et demander au gardien de prendre possession des vins, qu’il gardera pour moi. Son numéro : 06.05.76.24.83)
  • soit expédier sa bouteille à l’adresse : François Audouze Société ACIPAR, 44 rue André Sakharov 93140 BONDY.
  • Payer sa participation dans les délais prévus (avant le 6 mai)
  • Chèque à l’ordre de « François Audouze AVA » à adresser à François Audouze société ACIPAR 44 rue Andrei Sakharov 93140 BONDY, qui est de : 175 € si on apporte un vin agréé ou 280 € si on vient sans vin.
  • Ou bien avant le 6 mai pour le paiement à RIB FRANCOIS AUDOUZE AVA : FR7630003030000005024474342

– Le lieu de la réunion est : RESTAURANT MACEO 15 r Petits Champs 75001 PARIS

– Heure de la réunion : 1er décembre à 19h et fin impérative 0h00.

Recommandations supplémentaires :

– ne pas mettre de chèque dans le colis qui comporte votre vin. Les chèques doivent être envoyés à part (je préfère les virements).

– ne pas coller quoi que ce soit sur la bouteille. Tout ce qui est collé est difficile à enlever.

  • Le restaurant me demande de limiter à 32 personnes. D’où l’intérêt de s’inscrire vite.

Remarque générale importante :

L’expérience des 37 séances précédentes est que je suis obligé de gérer beaucoup trop de cas particuliers au dernier moment. On va essayer de ne pas subir les impondérables.

Mettre ma secrétaire en copie de tous vos mails, à winedinners.paris@gmail.com

Magnifique dîner au restaurant Paul Bocuse dimanche, 7 mai 2023

Thomas a participé à plusieurs dîners dont le 249ème tenu à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët où avaient été servis trois Vosne-Romanée Cros-Parantoux des trois vignerons qui en ont des parcelles, Henri Jayer, Emmanuel Rouget et Méo-Camuzet. On en retrouvera la mémoire dans ce repas.

Il fête cette année ses 40 ans et depuis trois ans il a cherché à rassembler les plus prestigieux vins du millésime 1983 pour faire un repas d’anthologie avec des amis connaisseurs. Il veut le faire au restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d ‘Or et m’a demandé de prendre contact avec le directeur général du restaurant, Vincent Le Roux, pour mettre au point le menu.
Il souhaite aussi que je définisse les vins du repas ainsi que leur ordre. Hier nous avions dîné pour vérifier la pertinence des plats et mettre en place les derniers ajustements.

Le jour J, j’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins et dès mon arrivée le chef exécutif Gilles Reinhardt vient me saluer et m’explique qu’il n’avait pas pu rester hier pour que l’on commente les plats et me dit qu’il a été navré de ce contretemps. J’apprécie énormément qu’il ait eu cette sympathique attitude.

L’ouverture des vins se fait en présence de Thomas et de Maxime Valéry chef sommelier. Les bouchons viennent assez facilement sauf celui du Cheval Blanc 1983 très serré dans son goulot. Le bouchon de La Tâche 1983 vient en charpie car en haut du goulot il y a une surépaisseur de verre qui déchire le bouchon lorsqu’on le tire.

Le plus beau parfum est celui du Chablis Les Clos Dauvissat 1983 en magnum. Sa couleur est belle et ce vin promet.

A 20 heures nous sommes huit et il n’y a que des hommes, amis de Thomas. Nous sommes dans un salon de taille idéale et Maxime Valéry va nous accompagner tout au long du repas et va même participer aux votes en fin de repas.

Le menu préparé par le chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF est : les amuse-bouches / fine tartelette croustillante, chou-fleur en différentes textures et caviar osciètre royal / quenelles de sandre et homard sauce champagne / omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / découverte de l’agneau laiton de l’Aveyron, petits pois à la française / canette des Dombes en deux services / le citron jaune bio, rafraîchi aux feuilles de céleri et agrumes confits aux baies de genièvre.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 magnum à l’ouverture avait explosé et sauté en l’air ce qui est rare pour un champagne de quarante ans, mais dû à la température qu’il avait. Il est servi maintenant un peu chaud mais cela lui va assez bien. C’est un champagne vif, pour lequel la puissance compte plus que le charme. Les millésimes des Dom Pérignon ont tous des personnalités différentes et celui-ci est dans le camp des Dom Pérignon vifs et doux à la fois. Il est large et adapté aux amuse-bouches délicats et subtils.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 montre immédiatement qu’il est plus complexe et plus fin. C’est une autre version du champagne noble. Mais je trouve qu’il manque un peu d’émotion comme un acteur qui récite son texte sans trop de passion. C’est évidemment un grand champagne mais pas au niveau qu’il devrait avoir, comme le démontrera le vin qui suit. La tartelette est un pur régal qui cohabite le mieux avec le Dom Pérignon pour le caviar et le poisson cru alors que le jaune d’œuf avec le caviar trouve un bel écho avec le Krug.

Sonnez, trompettes de la renommée, car arrive maintenant le Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum sur la légendaire quenelle. Le nez de ce vin est irréel tant il est puissant, affirmé et expressif. En bouche, c’est un vin parfait qui exsude des saveurs glorieuses. Nous faisons tous silence pour nous imprégner de ce divin breuvage. Magnifique vin intense, doré et rond, et accord sublime avec l’onctueuse quenelle. C’est un immense moment.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1983 est associé à l’omble qui est un plat que j’adore et que j’avais estimé hier digne compagnon d’un rouge. Le jus d’arêtes est moins intense qu’hier alors que c’est lui qui crée l’accord. Le Cheval Blanc est au sommet de son art, d’une truffe forte et riche et d’une personnalité épanouie. Thomas et Alexander avaient bu plusieurs grands bordeaux de 1983 récemment et le Cheval Blanc avait dominé les autres dont Margaux et Latour qui sont pourtant de solides gaillards. Celui-ci est très grand et n’aura pas la consécration de votes qu’il mériterait dans un autre dîner car comme au rugby, les cinq bourgognes vont faire un barrage infranchissable aux votes finaux pour lui.

L’agneau accompagne les deux premiers bourgognes. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983 apparaît pour certains plus vieux qu’il ne devrait être et ils font mauvaise mine, alors que je me dis : « enfin un vin de mon monde », bien sûr avec humour. Les amis glorifient donc le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1983 alors que je le trouve un peu aqueux et timide. Il va sans dire que les deux sont de très grands vins, mais la force du Roumier associée à une belle maturité même si elle est un peu précoce, me séduisent absolument, alors que la timidité du Rousseau n’arrive pas à me convaincre. L’agneau est absolument superbe et s’affronte au Chambolle-Musigny pour mon plus grand plaisir.

La canette des Dombes est présentée en deux services. Les deux vins d’Henri Jayer seront servis lors de la première étape. La découpe des canettes est faite par Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique qui a découpé plus de quarante mille oiseaux pendant sa carrière chez Paul Bocuse.

L’Echézeaux Henri Jayer 1983 et le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983 sont deux vins tellement sublimes et subtils qu’une nouvelle fois il faut se recueillir pour écouter leur message. Tout est en subtilité et les deux vins se montrent extrêmement différents. Un ami voit dans le Cros Parantoux des accents de Richebourg alors que je lui vois des accents de Saint-Vivant, ce qui montre la diversité des goûts. Sept votants mettront le Cros Parantoux devant l’Echézeaux. Je serai le seul avec le sommelier à mettre l’Echézeaux devant le Cros Parantoux. J’ai trouvé une expression virile de l’Echézeaux quasiment parfaite alors que le Cros Parantoux exceptionnel lui aussi n’avait pas la même force de persuasion à mon goût.

Quel cadeau de Thomas d’avoir mis ces deux vins dans son repas d’anniversaire ! Et les deux vins étaient au rendez-vous car malgré ma remarque, nous avons eu devant nous l’expression la plus aboutie de l’âme du vin bourguignon d’exception.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 est le seul vin non apporté par Thomas. C’est mon cadeau. Il est servi en même temps que la seconde partie du plat de la canette des Dombes, riche et complexe dans sa conception mais de goût généreux. On sait que j’ai tendance à aimer particulièrement les vins que j’apporte mais je crois que j’ai raison en ce cas. Immédiatement ce vin me donne l’impression d’une totale perfection, ce que je n’ai ressenti que pour le Chablis Dauvissat dans ce dîner. Et ce sentiment de perfection me marque. Mon voisin de table aura la même analyse. C’est impressionnant car pour mon goût La Tâche dépasse les quatre bourgognes précédents, malgré leurs immenses qualités. Je ressens l’équilibre, la puissance bien maîtrisée et une fraîcheur rare. Avec le plat en croûte, le bonheur est à son comble.

Il est déjà tard aussi paraît-il opportun que l’on vote au moment où le Château d’Yquem 1983 va être servi. Je propose qu’Yquem ne fasse pas partie des votes pour gagner du temps. Cet Yquem est particulièrement bon et se présente comme une belle synthèse de ce qu’est l’âme d’Yquem, avec un beau botrytis, une grande solidité et une richesse certaine. Il est cohérent dans tous ses aspects et le dessert crée un des plus beaux accords du repas, la délicate meringue faisant saliver l’Yquem.

Pendant que nous buvons l’Yquem, un des deux grooms vient jouer de son orgue de Barbarie, un serveur apporte une assiette avec une bougie allumée et nous applaudissons Thomas pour son anniversaire et pour sa générosité.

Les votes de premier sont concentrés sur trois vins, le Cros Parantoux Henri Jayer ayant quatre votes de premier, La Tâche trois votes de premier et le Chablis deux votes de premier et malgré ce plus petit nombre de votes de premier, ce sera le Chablis qui finira premier car il a reçu des votes de tous les participants, plus le sommelier qui a aussi voté. Tous les vins ont eu au moins un vote.

Le vote du consensus est : 1 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983, 6 – Champagne Dom Pérignon 1983 magnum.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 3 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 4 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983.

Ce repas a été un repas d’anthologie. Thomas y a mis tout son cœur. Les plats ont été adaptés en taille et en préparation. Tout a été absolument succulent. La quenelle est légendaire et j’ai un amour particulier pour l’omble. Les accords ont été superbes, le plus beau étant la quenelle avec le chablis, suivi de l’Yquem avec le citron jaune. Le service a été extrêmement attentif à cette expérience rare et Maxime Valéry a fait un service des vins original et précis, en une expérience nouvelle pour lui.

Les équipes motivées et souriantes ont contribué à la réussite d’un très grand repas qu’avec l’accord enthousiaste de Thomas je classe 276ème des dîners dont j’ai participé à la création. Une belle aventure.


mes apports dont des cadeaux

la Tâche sera ma contribution au dîner

les vins du dîner

l’ouverture des vins

le limonaire pour l’anniversaire de Thomas

Dîner de préparation au restaurant Paul Bocuse vendredi, 5 mai 2023

Un ami fidèle de mes dîners va fêter ses quarante ans avec quelques amis chez Bocuse. Il a rassemblé des vins parmi les plus prestigieux du millésime 1983. Il m’a demandé d’organiser la liste des vins du repas et de mettre au point le menu avec le directeur général du restaurant Bocuse, Vincent Le Roux.

Il est prévu que je dîne au restaurant la veille pour appréhender la cuisine du chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF. Ce sera un dîner à trois avec celui qui sera fêté demain et un ami lyonnais amateur de vin que je connais de longue date. Je vais saluer le chef et son équipe en cuisine en lui disant que je serai heureux de bavarder avec lui après le service.

Vincent Le Roux me suggère de prendre des plats qui ne seront pas au menu demain, mais je préfère étudier deux des plats du dîner à venir. Mon programme sera donc : omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / canette des Dombes en deux services.

Mon ami a apporté un Champagne Philipponnat Réserve Millésimée Extra-Brut L.V. 1982, L.V. signifiant Long Vieillissement. D’un parfum légèrement lacté, ce champagne est agréable mais manque un peu d’émotion. Il est rond, aimable, et s’accorde bien aux amuse-bouches délicats.

Lorsque l’omble est servi il me paraît évident qu’il faut qu’entre en scène le vin que j’ai apporté, un Moulin-à-Vent des Hospices Civils de Romanèche-Thorins 1959. Je souhaitais qu’un vin de la région vinicole la plus proche de Lyon soir mis à l’honneur. Le fait que le vin soit servi par Maxime Valéry chef sommelier du lieu, me fait plaisir, car pendant huit ans j’ai pu apprécier ce sommelier brillant à la Vague d’Or de Saint-Tropez.

Comme les coïncidences surviennent généralement en groupe, j’apprends que le grand-père de mon ami lyonnais a été maire de Romanèche-Thorins. Le vin est donc doublement bienvenu. A signaler une anecdote amusante qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour la compréhension des vins anciens, aussi bien le directeur que le sommelier ont utilisé le mot ‘encore’ en se demandant : ce beaujolais sera-t-il ‘encore’ bon ?

L’omble est un plat superbe et c’est le jus d’arêtes qui forme avec le vin un accord magistral. Le Moulin-à-Vent qui avait un niveau exceptionnel, le liquide touchant presque le bouchon, nous avait gratifié d’un parfum idéal, riche et percutant. En bouche, c’est un vin noble et puissant, qui pourrait lutter avec bien des plus grands vins de Bourgogne. Il est d’une personnalité qui me plait car sous la cuirasse on sent un cœur qui bat. Je suis ému qu’il se montre si convaincant.

C’est Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique, qui découpe devant nous la canette. Le plat est superbe, merveille de la cuisine bourgeoise traditionnelle et la seconde partie, pâtisserie complexe au mille saveurs est à manger religieusement. Avec le plat, ce vin riche est superbe et intense. C’est un régal.

Nous n’avons mangé ‘que’ deux plats et nous sommes rassasiés alors que pour demain, j’avais bâti un menu beaucoup plus complexe et multiple. Il faut donc retravailler le menu que le directeur lui-même jugeait trop copieux, sans nous l’avoir dit. En jouant sur le nombre des plats et sur la taille des portions, nous avons refait un programme.

J’ai voulu saluer le chef exécutif et le directeur général mais ils étaient partis. J’ai fait deux ou trois remarques légères au directeur de salle, qui les a parfaitement intégrées. Le dîner de demain devrait être un succès.

Nous avons très bien mangé. Cette cuisine riche traditionnelle est remarquablement exécutée. Le service aussi bien des plats que des vins est idéal. Il y avait deux tables où l’on célébrait un anniversaire. Daniel Abdallah, le groom souriant, a joué de l’orgue de barbarie pour l’hymne d’anniversaire. Quelle charmante tradition !

Daniel nous a photographiés sur le banc où un Paul Bocuse en bronze est assis. Tout fut superbe et émouvant dans ce temple de la bonne cuisine.

La Tâche est pour demain et le Banyuls est mon cadeau pour Thomas

Avec Thomas … et Monsieur Paul

Déjeuner à mon domicile mercredi, 3 mai 2023

Une dame coréenne m’avait invité à déjeuner à l’hôtel Saint-James pour discuter de possibles repas à Séoul. Elle avait conclu notre réunion par : je voudrais visiter votre cave et vous me ferez une proposition.

Le jour venu elle visite ma cave avec un coréen qui vend du vin en France et se met au service de cette dame, le frère du coréen qui fait de la restauration de parchemins antiques, la personne qui a créé le contact et son assistant. Les appareils photos n’ont cessé de mitrailler mes vins, avec des oh et des ah tant cette découverte de ma cave va très au-delà de ce qu’ils imaginaient.

Pour de telles visites suivies d’un repas j’organise normalement en cave un repas sommaire arrosé de mes vins. Ma secrétaire est en vacances aussi ma femme me suggère que nous recevions ces visiteurs à la maison. J’ai choisi des vins en voulant qu’ils ne soient pas conventionnels et ma femme a conçu un menu pour les vins.

Le menu est : gougères, gouda au pesto / foie gras mi- cuit à la vapeur / joue de bœuf aux carottes / Brillat-Savarin, Comté et chèvre / tarte au chocolat et caviar.

Dans notre salon la dame coréenne reconnaît un peintre dont nous avons des toiles car il a réalisé pour elle a New York une table façon Yves Klein, beau-père du peintre.

Le Champagne Krug Grand Cuvée 1ère édition a été commercialisé de 1979 à 1981 avec sa jolie étiquette crème et a des vins des années 60 et 70. Lorsque j’avais ouvert le champagne vers 8 heures ce matin, la cape cachait une trace graisseuse. Le niveau était assez bas et aucun pschitt n’était apparu. Le bouchon s’était brisé à la torsion d’ouverture. A travers le verre foncé la couleur était peu plaisante aussi avais-je un doute. Or en servant le champagne sa couleur dorée jaune me rassure. Quelques bulles sont visibles. Le nez est engageant et en bouche ce champagne est solaire et souriant. Il est extrêmement cohérent, vif et brillant. Avec les gougères, c’est un régal. Voilà une heureuse surprise.

J’ai choisi le Graves Blanc Barton & Guestier 1959 comme un challenge. La couleur à travers le verre est splendide et le niveau est parfait. Lorsque j’ouvre la bouteille vers 8 heures le bouchon vient sans problème et le parfum est engageant. Servi à table, il forme avec le foie gras un accord idéal. Ce qui me fascine, c’est son acidité si élégante et magnifiée par le gras du foie. Je suis aux anges et mes convives sont stupéfaits qu’un vin de négociant d’une appellation générique procure un tel plaisir. Bien sûr le vin n’a pas la complexité riche d’un Grand Cru, mais il a un tel charme qu’il nous convainc.

Lorsque j’ai ouvert le Vieux Château Certan 1955, j’ai constaté que la bouteille a eu un nouveau bouchon mis au domaine en 1995, soit 40 ans après. Ceci explique le niveau parfait. Dès l’ouverture le parfum est conquérant et guerrier. En bouche, immédiatement, on sent que l’on est en face d’un vin parfait. Il serait en effet impossible de lui trouver le moindre défaut. Sa mâche de truffe est forte. Quel vin impressionnant. Pour rire, j’ai dit à mes convives qu’un clone de Robert Parker, en 1957, nous aurait dit : à boire avant 1990. Nous en avons ri.

La délicieuse et fondante joue de bœuf donne encore plus de charme au conquérant pomerol.

Le Châteauneuf du Pape Saint-Préfert 1949 avait un niveau superbe pour son âge et me tentait. Le nez très discret n’avait rien de négatif. Sa couleur dans le verre est beaucoup plus pâle que la couleur noire du bordeaux. Il est très difficile pour ce vin de passer après le 1955. J’en attendais beaucoup mais il lui est impossible de nous séduire après le miracle du Vieux Château Certan. De plus il n’est pas totalement précis.

J’avais servi le Malaga 1872 lors du déjeuner au restaurant Plénitude et j’avais dit à ma femme que ce vin est un Fregoli qui passe du sucré au salé quasiment à chaque gorgée. Ma femme a eu l’idée de faire une tarte au chocolat et au caviar selon une recette d’une amie cuisinière. L’accord entre ce dessert et le lourd vin riche de 151 ans est magique, car à tout moment le vin change de registre, en avant, en arrière, comme un danseur de tango. Ce vin aux complexités infinies et à la couleur qui change à tout moment comme un bijou, est magique.

Mon classement des vins serait : 1 – Vieux Château Certan 1955, 2 – Graves Blanc Barton & Guestier 1959, 3 – Malaga 1872, 4 – Krug Grande Cuvée, 5 – Saint-Préfert 1949.

L’ambiance fut amicale et mes convives émerveillés. L’éventualité de faire dans quelques mois des dîners à Séoul m’excite beaucoup.

Dîner avec un brillant Roumier 1971 dimanche, 30 avril 2023

Mon fils vient dîner chez ma femme et moi avec son fils. J’aime choisir des vins assez originaux quand je les partage avec lui. Cinq heures avant le dîner j’ouvre un Montrachet Bichot Négociant 1945 au niveau très acceptable. Le bouchon est sale et difficile à tirer car le haut du goulot a une surépaisseur qui empêche le bouchon de monter.

L’odeur est très désagréable de vilaine mixture, mais je sens en arrière-plan un fruité qui pourrait donner espoir.

A l’inverse, le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 au niveau moyen, qui a un bouchon très sec qui vient entier, a un parfum à se damner. Quelle noblesse, quelle prestance ! Il est tellement prometteur que je mets un bouchon de verre au-dessous du goulot pour que ce parfum magique ne disparaisse pas.

Mon fils arrive et ma femme a préparé de délicieuses gougères. C’est l’occasion de vérifier si le Pommery 1973 servi il y a une semaine est encore vivant. Il avait été servi en Salmanazar et j’avais versé le reste dans une aiguière. La couleur est encore très claire alors qu’il y a un abondant sédiment dans la carafe, heureusement resté au fond. Le champagne est encore buvable mais il montre rapidement des signes de fatigue.

Je verse le Montrachet Bichot Négociant 1945 et la couleur grise est vraiment peu engageante. Le parfum a perdu les senteurs désagréables. Nous sommes en face d’un vin fatigué, qui n’a plus grand-chose qui évoque un montrachet, mais qui est buvable. Et les gougères gomment les imperfections.

Un gouda au cumin jouera le même rôle d’effaceur de défauts, mais si l’on veut être objectif, ce montrachet est mort. J’avais visité la cave où il reposait qui ne me plaisait pas et c’est un accident de cave qui peut expliquer cet état.

Nous passons à table et ma femme a préparé une épaule d’agneau avec de l’ail et des pommes de terre passées au four. Le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 offre comme à l’ouverture un parfum noble et racé. Le vin est divin. Il est vif, tranchant, dynamique et ne cherche pas à plaire. En lui, aucune rondeur, mais une force de persuasion extrême. Son acidité lui donne la vivacité d’un vin jeune. Et quelle longueur ! Nous sommes ravis et le plat forme un accord majeur.

Nous parlions, nous parlions et il apparait que je devrais chercher une bouteille en cave, que l’on puisse ouvrir au dernier moment. Je choisis un Château Mouton-Rothschild 1964 qui devrait faire l’affaire. Effectivement il est tout de suite prêt à être bu. L’année 1964 fait des vins solides et un peu rigides mais je suis très favorablement surpris de voir ce Mouton aussi souple, tout en velours. C’est un grand vin intense et goûteux, au-dessus de l’idée que j’en avais.

Un Brillat-Savarin et un saint-nectaire ont cohabité avec ce vin. Le dessert de mangue et d’ananas a été mangé à l’eau. Je suis heureux de partager de telles bouteilles avec mon fils. Peu importe la faiblesse du montrachet, c’est le partage qui compte.