Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 23 janvier 2014

Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire. La décoration a changé depuis ma dernière visite. On est dans des tons d’automne. Nous choisissons l’un des menus de déjeuner, avec une profusion de plats. L’intitulé des plats ne révèle qu’une partie des complexités : Corolle de haddock, crevettes grises, couteaux et bigorneaux, huître n° 3 David Hervé, thon rouge / mousseline de brocoli au wasabi, amandes, coquillages et salicornes / velouté de châtaigne au café, rognonnade de veau aux cornes d’abondance, bouquet de champignons de Paris à la noix / consommé d’oignons brûlés à la mélasse de ginseng / castelfranco, artichaut maco, Ossau / déclinaison de betteraves, blanche sucrière, crapaudine, gold, chioggia, bigarreau / noisette de biche rôtie parfumée de poivre du Vietnam et de cannelle / quetsches à la lie de vin, feuille de vigne croustillante, patate douce / cigarette chocolat au colonnata, figue sèche, bulagna, salsifis / quelques desserts Pierre Gagnaire.

J’ai compté dix-sept assiettes, coupes ou coupelles servies à chacun, dont sept pour les seuls desserts. Il y a tellement de complexités et de saveurs différentes qu’après avoir essayé de reconnaître des goûts, on se laisse porter par une créativité sans limite. J’imaginerais volontiers que si l’on comptait les ingrédients du repas d’un restaurant trois étoiles, ce menu en compte cinq à dix fois plus que ce que serait la moyenne. C’est inventif et c’est bon. Il y a ici ou là une amertume plus difficile à accepter, mais c’est une poussière à côté de la jouissance de goûter des saveurs inattendues. J’ai adoré l’entrée très marine du début, le velouté de châtaigne et surtout la noisette de biche remarquable.

Le feu d’artifice, ce sont les desserts. Ils sont extraordinaires. Quel talent ! C’est probablement ce qui se fait de meilleur dans tout ce que je connais. Là aussi, l’imagination n’a pas de limite.

Le service est impeccable et les serveurs sont capables d’expliquer toutes les composantes des plats sans la moindre hésitation. C’est à signaler. En plus, on comprend ce qu’ils disent.

Pour accompagner ce festival de saveurs j’ai choisi le Champagne Pierre Péters, blanc de blancs Cuvée Spéciale Les Chétillons 2002. Ce champagne d’une grande pureté montre une adaptabilité et une flexibilité qui sont exceptionnelles. Il est beaucoup plus serein que les nombreux Chétillons 2002 que j’ai déjà bus mais peut-être s’est-il mis spontanément au diapason de cette cuisine brillante.

Ce fut un beau repas, avec du talent et de l’imagination, un accueil hors pair et des desserts qui m’ont enthousiasmé.

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l’émission « Encore heureux » d’Arthur Dreyfus sur France Inter de 17 à 18h le 23 janvier mercredi, 22 janvier 2014

L’émission du jeudi 23 janvier sera consacrée à un débat autour de la question suivante: « peut-on rater sa vie?« . 

Je serai en plateau avec le philosophe Yann Dall’Aglio (auteur notamment de « Une Rolex à 50 ans. A-t-on le droit de rater sa vie? », Flammarion 2011) 

et le romancier Dominique Noguez (qui a signé entre autres en 2003 « Comment rater complètement sa vie en onze leçons » chez Rivages).

On peut rater sa vie, mais on ne peut pas rater cette émission !

quand on range les bouteilles vides ! lundi, 20 janvier 2014

ça donne l’impression d’une armée en marche. Au centre, le bataillon des sauternes

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On fait une photo de classe. ici, ils sont tous disciplinés, tous du domaine de la Romanée Conti

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Ceux du Clos du Mesnil sont moins disciplinés. L’un d’entre eux est sorti du rang !

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Me voici encerclé par ces bouteilles vides !

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vite, un petit remontant (La Tâche 1990 en magnum)

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Vins du prochain dîner de wine-dinners samedi, 18 janvier 2014

Les vins du dîner N° 188 selon la numérotation sur le site wine-dinners : http://www.wine-dinners.com/prochains_diners.htm

Champagne Alfred Rothschild 1966

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Champagne Bollinger Grande Année 1979

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Château Olivier 1949

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Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

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Chateau Ausone 1953

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Aloxe Corton Moingeon Ropiteaux 1938

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Chambolle Musigny A. Rossigneux & Fils 1947

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Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959

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Château Caillou Barsac 1943

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Château Coutet 1922

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Déjeuner au Yacht Club de France jeudi, 16 janvier 2014

Le Yacht Club de France, en la personne de Thierry Le Luc, son directeur de restauration, est assez fascinant. Car nous y tenons assez souvent notre repas de club de conscrits, et chaque séance est un enchantement. Un ami, membre influent du YCF nous y reçoit et le thème est le cochon. Qu’on ne cherche là aucun érotisme, c’est de bonne chère qu’il s’agit.

Pour l’apéritif, c’est un Champagne Veuve Clicquot magnum qui se marie à une profusion de cochonnaille. Alors bien sûr, on picore, et le champagne fort amène ne s’en ressent que mieux.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et son chef est : brouillade d’œufs bio aux médaillons de homard breton / grosse côte de porc de la ferme de Bosc Renard à Heudicourt, brochette de fines rattes du Touquet et cèpes / fromages affinés d’Eric Lefebvre MOF / tarte fine aux pommes, glace cannelle artisanale, flambée au Rhum Vieux maison Clément.

Le Sancerre Thirot 2012 est fort agréable, mais j’ai apporté la deuxième bouteille de Château Haut-Brion blanc 1996 de la veille qui a profité de l’oxygénation en bouteille et se révèle profond, joyeux, lourd et percutant. C’est un grand vin que le homard apprécie.

Le Château Smith Haut-Lafitte 1998 est un vin très agréable, judicieusement proportionné. Il a un équilibre parfait, sans pousser à l’extrême ni le bois, ni l’acidité ni les épices. On le boit avec plaisir. J’ai apporté aussi la moitié du magnum de l’Hermitage la Chapelle 1990 qui est redevenu ce qu’il doit être, vigoureux profond, incisif. Un vin de grand plaisir.

La tarte aux pommes a été suivi d’un calvados, puisque nous étions dans la déraison. La passion de Thierry Le Luc pour les produits de qualité nous inspire. Vive le Yacht Club de France.

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Visite et dégustation au siège de Laurent-Perrier mardi, 14 janvier 2014

Au siège de Laurent-Perrier à Tours-sur-Marne, je suis reçu par Alexandra Pereyre de Nonancourt qui m’a invité. Nicole Snozzi qui connait la maison depuis 22 ans me fait faire la visite des lieux. Je mesure pourquoi les architectes sont sollicités par les grandes propriétés viticoles lorsque je visite une salle de maturation. C’est une véritable œuvre d’art, créée par Jean-Michel Wilmotte. Les proportions sont d’un immense raffinement ainsi que le choix des couleurs. Dans les interminables galeries de la cave, je rencontre José, qui tourne de l’ordre de 60.000 bouteilles par jour et m’explique les cycles de rotation du remuage. C’est impressionnant. Nous remontons en salle de dégustation pour goûter quelques rosés.

Le Champagne Laurent-Perrier rosé 2008 est fait de pinot noir. La couleur de pêche est très élégante. La bulle est forte. Les fruits sont très présents et multiples. Il y a une petite amertume dans le final. Quand le vin s’élargit dans le verre, le fruit est plus compoté. C’est un vin gastronomique, qui serait plus plaisant à table qu’en apéritif.

Le Champagne Laurent-Perrier rosé 2006 a la même jolie couleur de pêche. Le nez est plus vineux. L’attaque est plus belle mais la matière est un peu moins consistante. Le final est plus enjoué. Il y a un peu de bonbon anglais. Je préfère le 2008 dans sa rigueur.

Nous sommes rejoints par Jordi Vinyals, Directeur Général Commercial. Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Alexandra rosé 2004 a beaucoup plus de fruit que les précédents, et beaucoup plus de richesse et d’opulence. Il marque un saut gustatif majeur. Il est plus doux et plus voluptueux, fait de chardonnay.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Alexandra rosé 1998 a beaucoup de charme. Il est plus assis, avec des fruits plus compotés et confits. Il est plus noble, mais je préfère le 2004, à la vivacité plus nette.

Nous nous rendons au château de Louvois pour déjeuner. La décoration est raffinée. Dans le joli salon, face à la cheminée, j’ouvre le vin que j’ai apporté dont j’espère qu’il créera des fécondations réciproques avec les champagnes que nous allons partager.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1999, 1997 et 1996 a été dégorgé au 1er trimestre 2012. Il est d’une grande vivacité et d’une grande tension. Je l’aime beaucoup et il correspond à l’image que j’ai de ce grand champagne. Frais, il se boit avec envie.

Le menu est ainsi conçu : fines lamelles de Saint-Jacques aux noisettes torréfiées / joue, jarret et ris de veau braisés, pomme duchesse / parmesan 24 mois, gouda 48 mois et Moliterno aux truffes / chartreuse aux poires.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1999, 1997 et 1996 a été dégorgé au 2ème trimestre 2010. Alors qu’il s’agit du même champagne, il y a une très grande différence. Le second est plus complexe, plus raffiné, et je serais bien en peine de les départager, même si j’ai un petit faible pour le plus vif servi en premier.

Le Champagne Laurent-Perrier Les Réserves Cuvée Grand Siècle magnum fait de 1995, 1993 et 1990 est strict, précis, noble. Il est à mon goût moins « Grand Siècle » que les deux premiers et Alexandra Pereyre n’est pas de mon avis, car son cœur penche pour celui-ci. Il est servi en même temps que le Côte du Jura Chardonnay 1959 d’Emile Bourguignon à la couleur d’un jaune profond. Le nez de ce vin est une bombe de fruits. En bouche il est d’une invraisemblable longueur. Je suis aux anges et il propulse le champagne, lui donnant plus d’ampleur. Alexandra est plus favorable à boire ses champagnes sans cet accouplement, mais elle convient que la cohabitation est intéressante. Je suis heureux que ce vin du Jura soit aussi grand et s’accorde bien au beau champagne.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle Lumière du Millénaire magnum 1990 est un champagne de grande qualité, opulent, riche et complexe et je suis honoré que l’on m’ait fait goûter ces deux champagnes rares. Mais ma préférence ira vers le premier Grand Siècle fait de 99, 97 et 96 dégorgé en 2012, car il est le plus conforme au goût que j’ai acquis du Grand Siècle.

Tous ces champagnes sont grands, frais floraux, nobles et rafraîchissants. Ce sont de « vrais » champagnes.

David a fait un service de grande classe. La charmante cuisinière a réalisé un repas de grande qualité et nous avons bavardé avec elle de cuisine et d’accords mets et vins. Dans une ambiance amicale et généreuse, j’ai pu mesurer toute la grandeur du Grand Siècle, que je connais bien sûr, mais qui se boit encore mieux « en famille », avec ceux qui en ont la responsabilité.

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des bouteilles anciennes

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stock de bouteilles et le responsable du remuage

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dégorgement des rosés

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au château de Louvois

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Des vins merveilleux chez Tomo dimanche, 12 janvier 2014

Avec Tomo, nous avons envie d’ouvrir des bouteilles qui ont marqué l’histoire et justifient l’aura qu’elles ont acquises dans les livres. Nous avons commencé et sur les deux ou trois dernières expériences, les bouteilles de Tomo n’avaient pas la qualité qu’elles auraient dû avoir. Cela m’a contrarié et a aussi contrarié Tomo. Il a envie de rattraper son retard, même si l’on ne pourra jamais avoir une stricte égalité.

Ce dimanche midi nous sommes invités, ma femme et moi, dans le nouvel appartement que Tomo et son épouse viennent d’acquérir. Tout ici est beau. Tomo vient avec deux verres pour que nous trinquions. Le liquide est légèrement ambré, le nez est profond. Il n’y a pas une trace de bulle, mais je sens qu’il s’agit d’un champagne et d’un champagne noble. Au nez je pense à Krug, mais sans certitude. En bouche, je songe à une grande année, qui pourrait être des années 60, mais j’annonce 1959. Il s’agit en fait d’un Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Ce qui m’étonne, c’est que le champagne fait son âge, puisqu’il a perdu sa bulle et a des arômes légèrement fumés, de citron et de fruit orange comme l’abricot. Il doit s’agir d’un dégorgement ancien, puisque l’on n’a pas la vigueur des Œnothèques. Tomo me montre la bouteille et je vois un dégorgement de 2002.

Ce qui m’étonne, c’est que le champagne ait pu perdre toute sa bulle alors qu’il n’a que 11 ans depuis son dégorgement. Il a donc rattrapé le chemin de vie des mises d’origine. C’est un grand champagne, avec des évocations qui changent tout le temps. Sur de la rosette, c’est un régal. La saucisse de Morteau servie chaude crée une amertume peu plaisante pour le champagne.

C’est à table que le Dom Pérignon va montrer ses belles qualités. Le chef qui officie en cuisine est Tsuyoshi Miyazaki, second du célèbre restaurant « Passage 53″. Il a écrit pour lui-même les principaux ingrédients du menu sur un papier où se mêlent le japonais, le français et l’anglais. Par malheur, j’ai perdu toutes les photos du repas, par une manipulation que je n’arrive pas à comprendre, aussi ce menu, seul élément que j’ai conservé, est-il approximatif, car non corrigé par les photos, supports de mémoire :

cerfeuil, tubéreuse en croquette avec sauce à la truffe / foie gras, clémentine, vanille brioche / brandade de morue, pomme de terre, fleurs, ciboulette thaï / huître, mascarpone, algues, émulsion, sauce « cristomarine », mini-oseille / pasta d’aubergine, caviar, pois chiche, jus haddock, huile noisette / maquereau, noisette muscade, pachoi fromage blanc, raifort, cresson moutarde / endive braisée, épices, sauce abricot séché, huile de menthe / lotte, crème, panais en purée, huile, épinard, orange / topinambour fumé, ravioli, bouillon de peau de topinambour, truffe noire / canard colvert, sauce salmis, Tatin de pomme, poivre noir / tourte de colvert, truffe noire, oignon, sauce truffe / biscuit fourré à la truffe, glace à la truffe.

Ce menu est un chef d’œuvre de délicatesse mise au service d’une profusion frisant l’excès de produits rares. Le chef s’en est sorti avec une remarquable élégance. Les plats les plus extraordinaires sont le cromesquis à la chaude sauce de truffe, l’huître très iodée, le maquereau et le colvert. Le dessert fait aussi partie des merveilles.

Le Dom Pérignon 1962 prend de plus en plus d’étoffe, devient pulpeux avec de belles notes de crème de citron. Comme il s’est asséché assez vite, il faut ouvrir un Champagne Krug Grande Cuvée demi-bouteille très jeune. Ce champagne est agréable, mais on mesure l’extrême distance qui le sépare d’un champagne ancien qui a développé des complexités qu’il n’aurait qu’avec plus de quarante ans.

Tomo apporte un verre de vin rouge et sans hésiter j’affirme par le seul parfum, bourgogne et j’ajoute domaine de la Romanée Conti. Un tel parfum, ça ne s’invente pas. En bouche, je pense années 80. Situer le vin du domaine est plus difficile. Il s’agit de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1978. Le vin est absolument superbe. Il a tout ce que j’aime des vins de la Romanée Conti, le sel intense, une personnalité raffinée. Il s’accorde très bien avec le maquereau, le colvert et la truffe en croûte, mais aucun plat n’apporte réellement un supplément d’âme car il vogue au sommet. Il est loin de La Tâche 1962 légendaire que j’ai bue avec Tomo, mais il boxe dans une belle catégorie. Son élégance et sa subtilité sont spectaculaires.

Assez rapidement, nous avons aussi essayé les différents plats avec le Château d’Yquem 1949. Sa couleur est d’un or orangé. Son nez est riche et évocateur de milliers d’arômes. En bouche le vin est lourd, riche, d’une plénitude absolue. Dans toutes les associations, il est trop puissant pour les plats qu’il domine. Il faut le boire seul et ce qui me frappe, c’est que ce vin est totalement parfait, impression que j’ai souvent avec les très vieux Yquem de grandes années. On pourrait critiquer tel ou tel aspect du champagne ou du bourgogne, mais avec Yquem, c’est impossible. Il a atteint une telle cohérence qu’il paraît d’une solidité indestructible et irréprochable.

Ce repas est impressionnant. Tomo a voulu compenser de récentes expériences et il l’a fait plus que brillamment. Tout fut raffiné. Classer les vins serait difficile mais je ne peux m’empêcher d’avoir un petit faible pour La Tâche. Tomo a été brillant et généreux. Ouvrons vite d’autres merveilles.

le seul témoignage (hélas) de ce repas de rêve

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Un Richebourg DRC 1953 difficile préféré par mes enfants samedi, 11 janvier 2014

On apprend toujours des vins, et j’adore ! C’est un déjeuner en famille pour l’épiphanie et le Noël des petits enfants absents à la date officielle. Nous sommes neuf, mes deux filles, leurs quatre enfants, mon gendre et ma femme.

Je suis descendu en cave, pour choisir les vins. Je suis paré pour les champagnes et un vin blanc que j’affectionne est à bonne température. Pour les rouges, je vais chercher dans une zone où j’ai isolé des « bas niveaux ». J’ouvre deux vins. L’un me semble définitivement perdu. L’autre émet des fragrances de fruits qui annoncent un retour possible. Pour ne pas être pris au dépourvu, je repère un vin de secours.

Pour l’apéritif, j’ouvre un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1992. D’emblée, on sent que ce champagne est grand. Il est sans histoire, c’est-à-dire qu’il trouve tout de suite son registre. La poutargue bien moelleuse lui donne de la tension du fait de son sel et son iode. Le champagne claque bien sur la langue. Pour mon gendre comme pour moi, il joue à un niveau supérieur à ce que nous attendions. Sa sérénité est remarquable. Pourquoi analyser un champagne qui est une synthèse ? Il conquiert nos cœurs sans avoir à décliner son identité.

Les coquilles Saint-Jacques sont cuites sur des galets déposés dans nos assiettes. L’effet est moins percutant que celui des langoustines cuites sur les mêmes galets. Le Clos de la Coulée de Serrant Savennières N. Joly 1990 apporté par mon gendre est un délice. Il attaque la bouche comme un bonbon. Ce sont les saveurs sucrées qui débutent, mais viennent ensuite des strates de complexité. Ce vin est grand, joyeux, mais on ne peut pas dire qu’il soit très complexe. Il est plaisant et « nature », gourmand. Les ormeaux que ma femme a cuits pour la première fois demanderaient un vin rouge, mais le Savennières s’en accommode bien. Il continue avec brio à s’accorder avec les coraux des coquilles qui sont normalement sur le terrain de chasse des rouges.

Je remonte le Château Ausone 1937 qui avait un niveau très bas. Je ne crois pas en lui, mais je goûte un vin qui est du vin, défavorisé par un final désagréable. Je ne le sers pas. Mon gendre constatera qu’il a encore quelque chose à dire mais qu’il ne faut pas insister.

La bouteille suivante était plus prometteuse à l’ouverture et effectivement le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 a un nez sympathique, avec un joli fruit suggéré. En bouche le vin a les vibrations du domaine, avec le sel très caractéristique. Mon gendre voit de la vanille que je ne ressens pas. Le vin est objectivement un peu fatigué, et j’ai peur de la réaction de mes enfants, mais tout le monde le boit. Et sa complexité se développe sur le gigot d’agneau à la purée Robuchon. Ayant peur qu’ils ne vibrent pas avec ce vin où je trouve beaucoup de qualités du domaine, je vais ouvrir le vin de réserve.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 est une explosion de joie. Tout est si généreux, facile, gouleyant et agréable à boire. On va chercher bien vite un saint-nectaire et un vacherin qui l’accompagnent gentiment. Et c’est alors que mes enfants me disent : « tu sais, la Côte Rôtie est beaucoup moins intéressante et complexe que le Richebourg qui est superbe ». Et je suis heureux, car ce vin, qui avait à l’ouverture une petite fatigue s’est épanoui, est devenu à la fois salé et sucré, avec un velours confortable et une richesse qui devient explosive dans les dernières gouttes de la lie.

Alors que le vin de Guigal a tout pour lui, facile et plaisant, nous avons préféré un vin plus difficile mais porteur de plus de complexité et d’émotions. La convergence de nos réactions est le meilleur cadeau de Noël que je pouvais recevoir, car c’est agréable de nous savoir en phase.

Une de mes petites filles a eu la fève et m’a nommé roi. Tout va pour le mieux dans le royaume familial.

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15 vins qui ont marqué l’année 2014 mardi, 7 janvier 2014

Cette année 2014, j’ai bu 1003 vins si je me réfère à mes notes, qui ne reprennent peut-être pas tout.

En analysant la liste de ce que j’ai bu, il y a 79 vins qui sont des bouteilles que je considère comme mythiques, de celles que je recherche pour leur rareté et leur prestige. Et il y a 88 vins qui font partie de ma démarche de recherche de l’inhabituel, de l’inconnu ou de la surprise.

Ce serait fastidieux de tout lister, aussi j’ai retenu 15 vins qui sont probablement ceux qui m’ont marqué le plus en 2014 :

1. Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1939 vigne originelle française non reconstituée : vin exceptionnel de goût mais aussi rareté ultime puisqu’il s’agit d’une cuvée faite d’une parcelle qui avait conservé des vignes préphylloxériques. Aubert de Villaine m’a confirmé la rareté absolue de cette bouteille qui fut sublime

2. Champagne Salon 1943 : cadeau de Didier Depond président de Salon qui a ouvert ce vin en l’honneur de mon millésime personnel. Le plus grand des Salon que j’ai bus

3. Montrachet Domaine Leflaive 1996 : vin qui n’est produit que de 300 à 400 bouteilles par an. La vivacité et la perfection de ce vin m’ont ébloui

4. Auxey-Duresses Les Clous, Domaine d’Auvenay, Lalou Bize-Leroy magnum 2006 : invraisemblable perfection et vitalité de ce vin si particulier

5. Château d’Yquem 1893 : pour un dîner j’ai ouvert de ma cave deux bouteilles de cet Yquem que je considère comme le plus archétypal et conforme à ce qu’Yquem représente dans son histoire

6. Nuits-Saint-Georges 1899 : vin de producteur inconnu qui a été bu à minuit le 31 décembre 2014, fabuleux et sûrement préphylloxérique compte tenu de son caractère quasi éternel

7. Grand Musigny Faiveley 1906 : un modèle de solidité et de sérénité. Vin immense

8. Champagne Billecart-Salmon magnum 1961 : incroyable champagne qu’on peut considérer comme parfait

9. Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné rouge 1947 : quasiment l’égal (mais pas tout-à-fait) du légendaire 1961, plus grand vin rouge de ma vie. Un vin légendaire aussi

10. Domaine de Bouchon Sainte-Croix-du-Mont Café Voisin 1900 : une curiosité, d’une fraîcheur inouïe

11. Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2000 : une merveilleuse Romanée Conti, si jeune mais déjà si complexe

12. Champagne Clos du Mesnil Krug 1979 : probablement l’un des plus grands champagnes qui soient. Le sommet de Krug dans des acceptions encore jeunes

13. Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1929 : curiosité absolue car je ne savais pas qu’il en existait. D’une rare solidité et parfait

14. Champagne Salon 1964 : l’un des plus grands Salon

15. Madère Moscatel 1875 : ayant fait un voyage à Madère où j’ai pu boire autour de 80 madères, celui-ci est d’une jeunesse et d’une plénitude exceptionnelle.

Il y a beaucoup de vins qui pourraient être considérés comme légendaires dans ce que j’ai bu, mais il fallait bien choisir.
Pour qu’on comprenne ce que j’appelle vins de curiosité, de recherche, comme sur LPV on parle de façon récurrente des beaujolais en se demandant s’ils peuvent vieillir, voici ceux que j’ai sélectionnés dans les 88 vins qui font partie de mes recherches :

Moulin à Vent Louis Chevallier 1926
Moulin à Vent Mommessin Beaujolais 1949
Moulin à Vent Bouchard Père & Fils 1953
Fleurie Soualle et Bailliencourt 1957
Moulin à Vent Les Vieilles Combes François Paquet négociant 1964

Ces vins montrent dans quel sens s’orientent mes recherches, même si le hasard tient sa place dans mon parcours.