Analyse des champagnes que j’ai bus jeudi, 26 décembre 2013

Il s’agit des champagnes que j’ai bus depuis 2000.

Il y en a 2285 dans ma base de données, avec une accélération de leur consommation.

Ainsi, sur la période 2002 + 2003 + 2004 j’ai bu 179 champagnes et sur la période 2011 + 2012 + 2013, j’ai bu 857 champagnes soit près de cinq fois plus. C’est très probablement lié à trois causes : ma meilleure compréhension des champagnes, le développement de mon amour pour les champagnes anciens, et la plus grande digestibilité (à mon âge) des champagnes.

Voici la répartition par année :

1893, 1900, 1904, 1907, 1910, 1911 (4), 1914 (4), 1920 (2), 1921 (2), 1928 (6), 1929 (4), 1930 (2), 1934 (4), 1935 (2), 1937 (8), 1940, 1942 (2), 1943 (2), 1945 (6), 1947 (7), 1948, 1949 (7), 1950 (5), 1952 (14), 1953 (9), 1955 (12), 1957, 1959 (26), 1960 (5) – 1961 (11) – 1962 (11) – 1964 (35) – 1965 (4) – 1966 (50) – 1969 (26) – 1970 (13) – 1971 (9) – 1973 (22) – 1974 (4) – 1975 (32) – 1976 (28) – 1978 (12) – 1979 (40) – 1980 (14) – 1981 (9) – 1982 (64) – 1983 (27) – 1985 (86) – 1986 (22) – 1987 (7) – 1988 (105) – 1989 (30) – 1990 (132) – 1991 (2) – 1992 (22) – 1993 (25) – 1994 – 1995 (102) – 1996 (158) – 1997 (60) – 1998 (105) – 1999 (86) – 2000 (62) – 2001 (2) – 2002 (89) – 2003 (28) – 2004 (35) – 2005 (18) – 2006 (8) – 2007 (8) – 2008 (2) – 2009 (2) – 2011 – 2012 – sans année (534) Total (2285) en 74 millésimes.

Il y a 802 champagnes d’avant 1990 (jusqu’à 1989).

Les années les plus fréquentes : 1996, 1990, 1988, 1998, 1995, 2002, 1985, 1999, 1982…. L’ordre est le fruit de hasards et d’occasions.

Les principales maisons dont j’ai bu les champagnes sont :

Krug : 230 / Dom Pérignon : 223 / Salon : 155 / Bollinger : 131 / Laurent Perrier : 124 / Henriot : 101 / Moët & Chandon : 97 / Ruinart 95 / Roederer : 84 / Selosse : 83 / Taittinger : 76 / Pol Roger : 66 / les différents Heidsieck (Charles, Piper et Monopole) : 62 / Mumm : 55 / Deutz : 49 / Philipponnat : 47 / Clicquot : 44 / Delamotte : 44 / Pommery : 39 / Billecart : 32 / Besserat : 23

ce qui fait un sous-total de 1.860 et les autres champagnes représentent 425 champagnes. Il ya donc 19% des champagnes qui ne viennent pas des maisons citées ci-dessus, avec Agrapart, Egly-Ouriet, Diebolt-Vallois, Pierre Péters et beaucoup d’autres.

Evolution des vins que j’ai dégustés. Vive le champagne ! mercredi, 25 décembre 2013

La base de données de 11.315 vins que j’ai bus depuis l’an 2000 permet de faire des analyses. Par région, ils se répartissent ainsi :

valeurs globales

Il est intéressant de comparer ce qui s’est passé entre la période 2002 + 2003 + 2004 et la période 2011 + 2012 + 2013, avec 9 ans de distance entre les deux.

En valeur absolue :

écart en val absolue

Le nombre de vins bus sur trois ans a presque doublé, mais c’est essentiellement parce que je suis invité de plus en plus à des dégustations ayant un objectif professionnel, soit aux domaines, soit dans des manifestations où la presse est invitée. La moitié de la progression est pour les champagnes.

En % de ma consommation de vins :

écart en pourcent vins

C’est assez spectaculaire et on peut l’interpréter ainsi :

1 – le bordeaux pèse de moins en moins parce que je découvre d’autres vins. Le prix peut aussi jouer un rôle, mais pas seulement, car les bourgognes ont aussi augmenté les prix et se maintiennent bien dans l’ensemble. Pourrait-on dire que les bordelais, attiré par les sirènes chinoises, ont oublié qu’ils avaient des amateurs français ?

2 – la progression des champagnes est spectaculaire et a très certainement deux causes principales :

– je comprends beaucoup mieux les champagnes qu’avant et je suis tombé amoureux des champagnes anciens

– l’effet de l’âge, puisque je supporte mieux les champagnes que les autres vins.

Mais bien sûr mon attirance est d’abord liée au goût !

3 – il y a certainement un effet de curiosité pour des vins que je cherche a apprendre. Ainsi les bordeaux, que j’ai découverts en premier au cours de ma vie, sont moins un sujet de curiosité, alors que la Bourgogne et le Rhône ont poussé mon envie d’apprendre. On a le même phénomène pour les vins du Jura : je les ai fortement recherchés il y a dix ans. Il y aujourd’hui moins de surprises.

Alors, que dire de cette étude flash : Vive le champagne et vive la Bourgogne !

émission sur radio courtoisie à propos de mon livre mercredi, 25 décembre 2013

Il est possible d’écouter cette interview de 90 minutes sur Radio Courtoisie jusqu’au 20 janvier maximum

Il faut aller sur www.radiocourtoisie.radio.fr  et sur cette page il faut cliquer sur « aller sur le site de la station »

aller sur le site de la station

une fois sur le site de la radio, on fait dérouler le menu des émissions et l’on choisit celle du 21/12 « Journal des Lycéens »

émission F Audouze sur Radio Courtoisie

Un Noël à surprises ! mardi, 24 décembre 2013

C’est Noël. Mon fils a regagné Miami et ma fille cadette est allée fêter Noël auprès de son frère. Le comité est restreint car nous avons chez nous notre fille aînée et ses deux filles. J’ai envie de fêter ma fille aînée qui a choisi une nouvelle voie professionnelle. Ce sera un vin de haute renommée. Comme j’aime faire cohabiter les étoiles et les fantassins, car c’est l’essentiel de ma philosophie, j’ajoute un autre rouge.

L’après-midi se passe dans le rire et la joie d’être ensemble. Le sapin s’illumine, les cadeaux s’échangent dans l’excitation. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1975 dont le bouchon se casse en deux. Il faut extirper la lunule collée au goulot et un pschitt sympathique accompagne la sortie du chaînon manquant. Le champagne est d’une couleur ambrée. Le goût est très jésuite. C’est : « je pourrais dire, mais je ne dis pas ». La complexité est extrême, mais on est dans un registre sérieux plus que charmeur. On est bien loin de la fanfare qu’offrait le Dom Pérignon Œnothèque 1975. Mais le champagne a une personnalité folle. Il est complexe mais sérieux. Les gougères de mes petites filles ressemblent plus à des crêpes qu’à des gougères, mais peu importe, le goût est là.

Sur des coquilles Saint-Jacques crues au caviar d’Aquitaine, le champagne devient éblouissant. Sur une terrine de foie gras, il devient onctueux, plus charmeur. C’est indéniablement un grand champagne, complexe, énigmatique, peu charmeur, qui est loin de l’Œnothèque bue au dîner de vignerons récent.

Pour le cochon de lait aux pommes de terre, le Clos de Vougeot A. Bichot 1966 avait un superbe niveau et une couleur engageante. Versé dans le verre, le vin claque en bouche. Il est excitant et follement bourguignon, râpeux comme je les aime.

A côté de lui c’est la star prévue pour honorer ma fille : Château Cheval Blanc 1989. La couleur est très foncée. Ce qui apparaît, c’est un vin très pur.

Je suis content que ma fille et moi ayons la même analyse. Le Cheval Blanc, c’est le gendre idéal, en gants blancs. Le Clos de Vougeot, c’est le loulou de banlieue, le vin canaille. Et vers qui va notre cœur ? Vers le loulou. Il ne fait pas de doute que le Cheval Blanc sera un jour un vin éblouissant. Mais aujourd’hui, s’il a la matière, il est trop « propre sur lui ». Alors que le bourguignon nous fait de l’œil et nous emporte dans une danse chaloupée.

Ma fille sait que c’est le Cheval Blanc d’une grande année que je voulais lui offrir. Mais nous convenons tous les deux que celui qui emporte nos cœurs, c’est ce fantassin, ce roturier, qui est là au moment où il le faut. Le Cheval Blanc a un grand futur, mais ce Clos de Vougeot roturier a un grand présent, obtenant nos suffrages, avec des complexités et une tension que le bordeaux n’a pas.

Avec mes petites-filles, nous avons chanté tous les chants de Noël, de Tino Rossi à Mireille Mathieu en passant par les Nana Mouskouri et autres fantômes du passé. Tout était bonheur. Un ordinaire Clos de Vougeot a surclassé une icône du vin bordelais. C’est pour cela qu’il faut avoir l’esprit ouvert pour le vin. Joyeux réveillon de Noël !

Pour Noël, même les pâtes ont mis leurs noeuds papillons

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Un Krug Private Cuvée trahi par son bouchon jeudi, 19 décembre 2013

Mon fils a visité ma cave et je suis fier de lui montrer les transformations. Pour un prochain dîner, je choisis un vin que j’ai envie de découvrir avec lui. Pour son chouchou, ma femme a mis les petits plats dans les grands. Nous commencerons par des coquilles Saint-Jacques crues recouvertes de deux caviars distincts apportés par mon fils. L’un est d’Aquitaine et l’autre d’Uruguay. Ensuite, sur une grosse plaque de sel chauffée au four ma femme étalera des petites langoustines qui cuiront très légèrement sur la surface de la plaque posée sur table et nous continuerons le repas avec une sole à peine poêlée agrémentée par une purée de pomme de terre.

La bouteille prise en cave est un Champagne Private Cuvée Krug années 60. L’étiquette est de grande beauté et j’ai une grande envie de ce vin rare. Je commence à écarter les branches du muselet et tout-à-coup, je soulève le tout, bouchon et muselet, car le bouchon, trop chevillé n’adhérait plus au goulot. Pas la moindre surpression de gaz. Je commence à m’inquiéter. La couleur est grise, le nez est neutre. L’attaque du vin est belle mais c’est la catastrophe dans le final qui s’évanouit en serpillère. Je suis triste, mais aussi parce que je pense à tous ceux qui me restent. Une gorgée tentée une heure après est écœurante.

Nous n’allons pas gâcher notre repas. Un Champagne Dom Pérignon 2002 est immédiatement ouvert. La contreperformance du Krug est un tremplin pour le Dom Pérignon qui n’en paraît que plus spectaculaire. Il a tout, les fleurs blanches, les fruits blancs et une belle onctuosité. Il est vivant, rassurant, tout ce qu’il faut pour les coquilles et les deux caviars. L’Aquitaine est plus iodé, plus vif, plus claquant sur la langue. L’Uruguay est plus rond, plus gras, aux grains plus gros, et a plus d’ampleur en bouche. Il est moins long mais plus charmeur. Au final, malgré la pertinence de l’Aquitaine, c’est l’Uruguay qui emporte nos suffrages.

Mon fils est vraiment le chouchou de sa mère, car elle sort l’arme fatale contre l’anorexie, une crème fouettée que l’on inonde de griottes dans un coulis lourd comme le plomb.

Pour cicatriser les blessures causées par ce mauvais Krug, je sers deux verres de Chartreuse Tarragone fin des années 20 qui est une des preuves majeures de l’existence de Dieu, tant elle offre un bouquet de fleurs de printemps irréelles et sucrées. Dans un but purement scientifique, car on ne fera jamais assez d’expériences pour faire avancer la science, je me suis versé un petit verre de Bénédictine des années 50. Elle est plus vive et plus mentholée, mais elle n’a pas l’ampleur et la richesse de la Tarragone. Après ce passages dans les ordres chartreux et bénédictins, je peux m’endormir du sommeil du juste.

les ingrédients avant

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les vins

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le caviar uruguayaen est en haut sur l’assiette

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Déjeuner au restaurant Le Petit Verdot avec Rodolphe Péters jeudi, 19 décembre 2013

Rodolphe Péters va présenter ce soir ses champagnes aux Caves Legrand et a prévu de déjeuner au restaurant Le Petit Verdot. Il invite deux de ses amis et je rejoins leur table avec mon fils. Le Champagne brut blanc de blancs Pierre Péters 1995 a un nez que je commence à trouver un peu bouchonné, ce que la bouche ne confirme pas. Mais contrairement à ces amis, je ne suis pas très à l’aise avec ce champagne que je trouve déviant, c’est-à-dire avec un manque de cohérence entre le nez et la bouche, et des variations trop grandes des saveurs en bouche. On passe du champignon au lacté, de la pâtisserie aux agrumes. Apparemment, cette chamade me gêne beaucoup plus que mes convives plus acquis à la cause de ce 1995. Je persiste à penser qu’il y avait un manque d’équilibre. Mais, comme dirait Aimé Jacquet, les fondamentaux étaient là.

Le Champagne Les Chétillons Pierre Péters 2004 apporte une confirmation de ce que je pensais, car je m’exclame : « ah, ça c’est du champagne ! », ce qui n’est peut-être pas d’une diplomatie extrême. Bien sûr il est jeune après le 1995 mais il a tellement de grâce et de droiture que je suis aux anges.

Nous prenons tous le même menu : fricassée de champignons et œuf mollet / pintade fermière rôtie, jus de cuisson à la pomme de terre de Noirmoutier / croustillant de pommes, glace à la cannelle. C’est franc, c’est simple, mais c’est gourmand, ce qui manquait à la cuisine du restaurant « Encore ».

Le Château Rausan-Ségla 1990 est une magnifique surprise. Carré, bien assis sur ses jambes, solide, aux tanins d’une grande élégance, ce vin s’exprime d’une façon remarquable. Ce vin est en ce moment dans une phase d’une grâce spéciale et exceptionnelle. Ce qui me plait, c’est que tout est judicieusement ciselé. Nous sommes face à un grand vin. Fort curieusement, le fond de verre senti en fin de repas évoque le café.

Hidé est un hôte chaleureux, dont le français s’améliore nettement. Les rires ont fusé. L’atmosphère était au partage. Le Petit Verdot est un lieu qui est cher à mon cœur.

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un beau Dom Pérignon 1966 avec mon fils lundi, 16 décembre 2013

Mon fils n’était pas venu en France depuis cinq mois. Après les programmes fous que j’ai connus où le vin est à l’honneur, je crus prudent d’annoncer une diète pendant la semaine où il serait chez ses parents. Mais il restait un peu du magnum du Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1991 du dîner de vignerons. Nous n’allions quand même pas le laisser !

Sur une quiche lorraine et des fromages, ce beau vin a montré des saveurs ensoleillées de jaune d’or. C’est un grand vin solide et droit, fort plaisant le jour d’après.

Ce soir, ma femme a voulu gâter son fils avec une terrine de foie gras. Ce serait un crime de boire de l’eau. Il faudrait un champagne jeune pour le boudin blanc qui va suivre et les foies gras cuits sur une crème de noix et panais. Mais en cave, le seul champagne au frais, prêt à boire est un Champagne Dom Pérignon 1966. Est-ce bien raisonnable ? Je n’ai qu’un fils et je le vois peu. Allons-y.

Le bouchon est difficile a lever car il est coincé. Je pressens un problème et le bouchon se casse. Le bas monte avec un tirebouchon, délivrant un pschitt discret. La bulle est présente. Le nez fait penser au miel pour ma femme et mon fils. Pour moi c’est plutôt une pâte de fruit. En bouche, c’est un éclat de saveurs complexes et variées. S’il y a des évocations florales, ce sont surtout des fruits délicats que je ressens. Tout au long de la dégustation ce vin saura changer en permanence de visage, offrant du souriant, du profond, de beaux fruits et des bouquets de fleurs. J’avais en tête que 1966 est l’année que je préfère de la prodigieuse décennie des années 60, la plus belle pour Dom Pérignon.

Il est certain que le Dom Pérignon Œnothèque 1969 du dîner récent est transcendantal par rapport à ce 1966, alors que je préfère habituellement les dégorgements d’origine, plus authentiques. Mais ce 1966 est d’une grâce, d’une complexité qui m’enchantent. Avec mon fils nous profitons d’un très grand moment. C’est si agréable de partager avec lui.

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Interviews à Radio Courtoisie et France Culture lundi, 16 décembre 2013

Samedi 21 décembre, je serai interviewé sur Radio Courtoisie de 12h00 à 13h30 et c’est une surprise que d’avoir un tel créneau pour parler seul avec un journaliste. Ceux qui sont intéressés m’écouteront sur : 95.6 – Paris/IdF – 100.6 – Caen – 104.5 – Chartres – 87.8 – Cherbourg – 101.1 – Le Havre – 98.8 – Le Mans  ou, Via http://tv-radio.com  (lien direct flux audio MP3). On évoquera le vin bien sûr au moment des fêtes, mais aussi mon livre « la France de l’Excellence ».

Le dimanche 29 décembre, je serai à l’émission « on ne parle pas la bouche pleine » d’Alain Kruger  sur France Culture à 12h30. On parlera de bonne chère et de bons vins !

Une Romanée Conti 1934 bue avec Aubert de Villaine samedi, 14 décembre 2013

Lors de son arrivée à Paris Bipin Desai m’avait demandé de réserver mon samedi midi pour déjeuner avec Aubert de Villaine. Samedi, c’est le lendemain de ce vendredi 13 où la chance m’a été donnée de dîner avec des vignerons amis. Le vin de Bipin et le mien sont arrivés au restaurant le Cinq du Four Seasons George V il y a deux jours. Je ne connaissais pas le vin de Bipin et je ne savais pas si ce déjeuner à trois aurait un thème ou une justification.

Après une nuit bien courte, je me présente au restaurant à 11 heures, l’heure où les sommeliers prennent leur service, pour ouvrir les vins. Le vin de Bipin est un Richebourg Van der Meulen 1921 sans indication de vigneron. La bouteille est noire, interdisant de voir la couleur du vin, ce qui est une caractéristique de ce négociant belge qui a embouteillé les vins les plus emblématiques. On voit quand même que le niveau dans la bouteille est très convenable. Le bouchon a dû être ciré et il reste encore de la cire sur le haut du bouchon mais pratiquement pas sur le goulot. Le bouchon éclate en mille morceaux lorsque je le soulève, ce qui indique un bouchage très probablement d’origine. La prise est difficile et de petits morceaux tombent dans la bouteille. Le verre est si opaque que je ne peux enlever les miettes qui surnagent. Il est exclu de carafer. Celui de nous qui sera servi en premier devra enlever dans son verre les miettes restantes. Le nez de ce vin est extrêmement sympathique.

Le fait de déjeuner en petit comité avec Aubert de Villaine m’a poussé à choisir une bouteille qu’il faut absolument boire : une Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1934 au niveau très bas. Avec qui d’autre boire une telle rareté, un vin préphylloxérique ? J’ai une grande appréhension au moment d’ouvrir ce vin car le Chambertin Marey & Cte Liger-Belair 1911 d’hier avait un niveau similaire et s’est révélé mort. Ma bouteille va-t-elle connaître le même sort ? La bouteille est recouverte sur la moitié du goulot d’une cire qui a craquelé avec le temps, permettant une évaporation du vin. La qualité du bouchon n’est pas bonne. Le bouchon se déchire en remontant mais j’arrive à tout extirper. Le moment est venu de savoir : morte ou pas morte ? Le nez est gras, un peu dévié, mais il n’y a pas la promesse de mort de la veille. Le vin pourrait revenir à la vie, mais rien n’est sûr. Alors ? Wait and see.

J’attends tranquillement dans le hall où tout respire le luxe. Bipin arrive et dit qu’il aimerait que les vins soient bus à l’aveugle. J’avoue que ça ne me plait pas trop, car des vins fatigués peuvent conduire à des contresens. Aubert de Villaine me prévient par téléphone qu’il aura quelques minutes de retard. La raison : il était en train de lire mon livre et n’a pas vu passer l’heure. De quoi flatter mon orgueil !

Nous passons à table et je commande un Champagne Pierre Péters Les Chétillons 2002 à la couleur très dorée. Il est opulent, plus large que d’autres bouteilles que j’ai déjà bues.

Le menu qui nous est proposé par le maître d’hôtel italien est constitué de plats qui ne sont pas sur la carte. Nous partons à l’aventure : risotto à la truffe blanche d’Alba / homard bleu « pêche au casier » cuit sur sel au goémon, jus pressé au naturel, cœur de fenouil et kumquat/ pigeon façon bécasse avec légumes d’automne.

Jean-François Coche-Dury avait donné hier à chacun de Bipin et moi un Meursault Les Rougeots Jean-François Coche-Dury 1999. Bipin estimant qu’il aurait du mal à remporter ce vin aux USA fait ouvrir le sien. C’est assez invraisemblable de voir la puissance olfactive et gustative de ce vin qui passe en force tout en ayant une précision ciselée remarquable. Il y a du génie dans ce domaine. L’accord avec le risotto est superbe, amplifiant la voix du vin, d’un coffre infini.

Nous buvons les deux rouges à l’aveugle. L’exercice est difficile avec des vins de cet âge aussi est-il inutile de le prolonger. Le Richebourg Van der Meulen 1921 a une couleur d’un rouge sang de pigeon peu compatible avec son âge. On sait que Van der Meulen a été capable du meilleur comme du pire, maquillant des vins comme ce fut le cas d’un Clos de Tart bu avec 55 autres Clos de Tart, qui jurait, tant il n’avait rien à voir avec un vin de ce domaine. Plus récemment, j’avais bu des Romanée Conti des années 20 de Van der Meulen, qui contenaient peut-être un peu de Romanée Conti. Ici, le vin est très agréable, vivant, pur, de belle mâche et l’on peut admettre que le vin est bien un Richebourg car, comme je l’ai indiqué ci-dessus Van der Meulen est aussi capable du meilleur. Aubert de Villaine n’exclut pas que ce Richebourg soit du domaine de la Romanée Conti car il est possible qu’ils l’aient embouteillé sans indiquer le domaine.

La Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1934 a un teint plus terreux. Le nez n’est pas désagréable. Le vin a une concentration extrême, une force incroyable et un final au sucre prononcé. Aubert de Villaine fait appel à ses souvenirs de dégustation et ses souvenirs d’archives. Les vignes à l’époque pouvaient avoir trois cents ans ! La concentration était extrême car les rendements étaient infimes et le sucre résiduel provient du fait que les techniques de l’époque n’étaient pas très précises. Merci pigeon, car le plat fait revivre la Romanée Conti, lui donne de la vigueur, et nous commençons à boire une vraie Romanée Conti. J’avais eu peur, et le Dieu des amateurs de vins a exaucé mes prières. J’ai la chance de boire la lie, presque noire, et je perçois enfin le sel qui signe l’âme de la Romanée Conti. Ce n’est certainement pas la plus ingambe des Romanée Conti, mais elle nous a donné le meilleur de ce qu’elle pouvait. Aubert de Villaine est ravi, ce qui est le principal, et je suis heureux de l’avoir partagée avec lui.

La cuisine d’Eric Briffard est précise, généreuse et rassurante, le service est parfait, supervisé par Eric Beaumard présent un samedi et ravi de voir Aubert et Bipin. Ce déjeuner à trois avec cette Romanée Conti 1934 est un bonheur de plus.

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bouchons en miettes du 1921 et du 1934

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dîner annuel de vignerons au restaurant Laurent samedi, 14 décembre 2013

Le dîner qui va suivre est certainement le point culminant de mon année, quels qu’aient été les vins spectaculaires que j’aie pu boire auparavant. Ce dîner est le 13ème dîner des amis de Bipin Desai que j’organise, que je vais comptabiliser comme le 174ème dîner de wine-dinners, puisque j’en suis le concepteur, au restaurant Laurent.

Plantons le décor avec les participants :

Caroline Frey (Château la Lagune & domaine Jaboulet Aîné),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean François Coche Dury (Domaine Coche Dury),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Didier Depond (Champagnes Salon & Delamotte)

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Richard Geoffroy (Champagne Dom Pérignon),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Louis Michel Liger-Belair (Domaine Comte Liger-Belair),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Charles de la Morinière (Domaine Bonneau du Martray),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Egon Müller (Weingut Egon Müller),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Sylvain Pitiot (Domaine Clos de Tart),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Trimbach (Maison Trimbach),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée Conti),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Bipin Desai et moi-même.

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Réunir un groupe de cette nature autour d’une même table ne peut pas me laisser indifférent. Tout au plaisir des discussions avec ces grands acteurs du monde du vin, je n’ai pas pris de notes, aussi les commentaires sur les vins seront-ils parfois succincts.

A 17 heures je viens ouvrir les bouteilles. Les parfums du Clos Sainte Hune et de La Tâche sont absolument phénoménaux. Je suis ravi que mes deux vins aient de belles odeurs. Le seul souci vient du Chambertin Marey & Liger-Belair 1911 au niveau très bas, dont l’odeur giboyeuse est de mauvais aloi.

Les amis arrivent de façon échelonnée mais sont tous à l’heure. Le Champagne Delamotte blanc de blancs magnum 2002 est un beau champagne facile à vivre, coincé pendant les premières minutes et qui s’élargit de belle façon au bout d’un quart d’heure. Il est solide et plaisant.

Le Champagne Salon magnum 1999 impose sa structure plus charpentée. On a là un champagne vineux, tendu, de belle facture, qui demande encore quelques années pour délivrer tout son potentiel.

Le menu créé par  Alain Pégouret est : Friture d’éperlans / Corail d’oursins au naturel / Noix de Saint-Jacques légèrement blondies, macaroni et  cèpes / Mousseline de brochet, bisque légère / Consommé de bœuf à la moelle / Caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, côte de céleri mitonnée aux olives noires / Pièce de bœuf servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent » jus aux herbes / Fregola Sarda à la truffe blanche d’Alba / Fourme de Montbrison / Pamplemousse rose en marmelade dans un pain d’épice maison, sorbet / Tarte fine au chocolat noir.

Tout le monde est convenu que ce repas est un sommet gastronomique majeur, par la lisibilité des plats et l’harmonie apportée aux vins.

Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach magnum 1983 est une pure merveille de précision. Je suis fasciné par la précision de ce riesling. Quand je dis à Jean Trimbach que ce riesling est étonnant car il est impossible de lui donner un âge, il marque un temps d’arrêt avant de vérifier et convient que ce riesling est intemporel. Il me subjugue. L’oursin est d’un goût idéal. Il donne plus de tension au vin. Le vin est bon avant ou avec le plat. Si j’adore le plat qui convient au vin, je préfère presque le Sainte Hune plus lascif sans l’oursin.

La noix de Saint-Jacques est divine, et différencier les deux vins qui s’accordent si bien n’est pas chose aisée. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1991 est rassurant. Il a tant d’équilibre qu’on est emporté par son charme. Et ce 1991 a toutes les caractéristiques que l’on trouve dans une plus grande année. Il a une belle mâche.

Mes amis vignerons ont tendance à penser que le Musigny blanc Comte Georges de Vogüé 1993 montre des traces d’évolution. J’avoue que cela ne me dérange pas le moins du monde. Le vin est profond, plus tranchant que le Bonneau du Martray, mais moins charmeur. Les deux vins sont de bonne compagnie à un haut niveau. Le 1993 est la dernière année où ce vin blanc s’est appelé Musigny. Il est ensuite devenu « Bourgogne blanc », car provenant de vignes trop jeunes.

La mousseline de brochet convient aux deux vins qui suivent. Le Corton-Charlemagne Domaine Coche-Dury 1996 entraîne un silence immédiat. On est bouche bée. Comment un vin de 17 ans peut-il avoir cette fraîcheur de parfum ? Le nez est très ardoise, gaz de schiste (car c’est un plaisir interdit), et en bouche, le vin est d’un brio quasi inexplicable. J’avais suggéré cette année lorsque Jean-François Coche-Dury m’avait demandé quelle année apporter. J’aime le 1996 et il a bien répondu à mon appel ce soir. On pourrait ne jamais s’arrêter de boire ce vin.

A côté de lui, la tâche n’est pas simple pour l’Hermitage La Chapelle blanc Jaboulet Aîné 2010, mais il est intéressant de constater que ce vin n’a pas les rugosités de la jeunesse. Il est déjà serein et montre de belles complexités. A côté du Coche-Dury, ce qui lui manque c’est la longueur. Mais faut-il reprocher au Coche-Dury d’être hors norme ?

Le Vin d’Alicante 1865 que j’ai apporté avait à l’ouverture un parfum très engageant. Ce qui fascine maintenant, c’est sa vitalité. Il navigue entre xérès et vin jaune, très oxydatif, mais il a une vivacité spectaculaire pour ses presque 150 ans. Je suis fier que ce vin d’une année mythique dans plusieurs régions de France (je ne sais pas pour Alicante) soit au rendez-vous. Le bouillon est pertinent mais je préfère le vin sans accompagnement.

La Romanée Comte Liger-Belair 1973 est d’un présence sereine comme je les aime. Quand on est dans une année plutôt faible, les grands vins montrent leur subtilité. Et c’est le cas. J’adore cette Romanée.

A côté de lui, le Clos de Tart 1962 est plus puissant, et l’on voit apparaître dans son final une pointe d’alcool un peu lourde, à côté du final aérien de la Romanée.

Le troisième vin sur la caille dorée est le Chambertin Marey & Cte Liger-Belair 1911 de Bipin  Desai. Il n’a pas réussi son retour à la vie. Les odeurs sont désagréables, les goûts sont déviés. Le vin est à écarter.

La pièce de bœuf est divine. Une simplicité absolue conduit à la perfection. Le Musigny Vieilles Vignes Comte Georges de Vogüé 1988 est un vin solide qui tient bien sa place, mais me pardonnera-t-on de concentrer mes efforts sur La Tâche Domaine de la Romanée Conti magnum 1990. Je revendique haut et fort mon absence d’objectivité pour un vin qui a un parfum d’une délicatesse infinie, qui a un goût d’une complexité inimaginable et une longueur incommensurable. Il n’est point besoin d’analyser ce vin, il suffit d’en jouir. Et il profite à fond du plat. Tout le monde apprécie ce cadeau d’Aubert de Villaine, chaudement félicité.

Dans la hiérarchie des surprises c’est peut-être avec le Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1975 que l’on trouve un sommet. Car je crois n’avoir jamais goûté un Œnothèque aussi exceptionnel alors que j’en ai bu d’années plus mythiques les unes que les autres. Il y a dans ce vin un supplément de vivacité que je ne soupçonnais pas. Et toute la table est comme moi surprise de cette prestation hors norme. Il faut dire que la truffe  blanche et la Fregola Sarda forment probablement le plus bel accord de la soirée.

Le Schwarzhofberger Beerenauslese-Eiswein Egon Müller 1973 est un vin d’une grande présence. Il combine le sec, car il donne l’impression d’être sec, avec une sucrosité qui n’apparaît qu’en fin de bouche. J’adore ce vin et je le préfère presque au Schwarzhofberger Eiswein Egon Müller 1983 beaucoup plus lourd et sucré. Il faut des repères que je n’ai pas pour ces vins. Mais ils sont d’une élégance éblouissante. C’est un monde de saveurs raffinées.

Le Maurydoré Rancio de Volontat 1880 est un vin dont j’ai connu le fût. Laissé dans l’oubli d’une cave à Maury, stocké à des hauteurs inaccessibles, il avait atteint une telle évaporation qu’il fut décidé de le mettre en bouteilles. J’ai pu en acquérir quelques unes. Ce vin est d’une densité de plomb. On dirait un goudron doucereux. Il y a du poivre, de la mélasse, des fruits noirs et du café. Une telle vigueur est quasiment irréelle.

Dans ces dîners, on ne vote pas, car il n’est pas question de hiérarchiser des domaines. Mais je dois signaler les performances exceptionnelles de quelques vins : le Clos Saint-Hune Trimbach 1983, le Corton Charlemagne Coche Dury 1996, la Romanée Liger Belair 1973, La Tâche 1990 et le champagne Dom Pérignon 1975.

Nous étions tous unanimes pour estimer que la cuisine très claire, précise, lisible d’Alain Pégouret a été une des clefs de la réussite de ce dîner. L’ambiance était rieuse, décontractée. Tout ce soir n’était que bonheur. Pour faire mieux l’an prochain, il va falloir se surpasser !

Comme on ne voulait pas se quitter, avec Sylvain et Louis-Michel nous avons profité de la générosité de Daniel, le fidèle sommelier, et siroté un Champagne Cristal Roederer 2005 fort approprié pour piloter notre retour sur terre et préparer de doux rêves. Quelle grande soirée !

(crédit photo Laurence de Terline)

nous occupons toute la belle rotonde

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

l’esprit est à rire

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

notre belle table

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photos de groupe

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