Dîner chez Marc Veyrat à Manigod lundi, 9 décembre 2013

Nous dînons dans la salle de restaurant du premier étage et la cheminée du rez-de-chaussée qui donne à fond transforme le lieu en étuve. Nous partons à l’aventure car rien ne nous est annoncé.

Nous commençons par le « Soda Vera », présenté en bouteille de la forme d’un Coca Cola que chacun boit à la paille. C’est d’une fraîcheur absolument exceptionnelle, concoction de plantes que je serais bien incapable de reconnaître.

Jean-Philippe ne nous a donné le menu qu’à la fin du repas. Le voici : yaourt de foie gras, jus d’acha des Aravis, galette de carvi du coin de la forêt / œuf cuit dans la glaise des Maisons des Bois, oxalis des lisières de notre « pâquis », maïs de chez nous / cuiller d’œufs noirs, gelée de poule, purée légère de tussilage / les grenouilles vivant dans leur milieu, arôme de polypode et de fougère des bois / Saint-Jacques, émulsion de berce sauvage ramassée par nos soins / pâtes disparaissantes (sans œuf ni farine), jus métissé/ tartiflette virtuelle du XXIème siècle mais surtout naturelle / râble de lièvre à la pomme de pin / plateau du Berger de Manigod / baba parfumé au génépi, confit de panais, coulis acidulé.

Il y a dans ce menu tout ce qui est Marc Veyrat : l’imagination débridée, les plantes de son village, de sa montagne, son enfance, sa famille, sa générosité. C’est curieux que Jean-Philippe n’ait pas inscrit sur la feuille qu’il a remise à chacun le plat le plus charmant, délicat, fou d’imagination. Il apparaît juste après le fromage et avant le démoniaque baba. Jean-Philippe pose devant chacun une assiette sur laquelle il y a un microscopique morceau de pain et une trace d’une crème lourde et presque noire. Il nous dit qu’à la campagne, il fallait absolument laisser assiette nette, et saucer jusqu’à épuiser la faïence. Suivant ses instructions, nous sauçons cette trace de crème épaisse qui n’évoque rien de particulier, sorte de confiture de fruit noir. La suite je ne vous la conte pas, car Jean-Philippe m’a dit que le chef veut que la surprise soit gardée secrète. Je ne la divulgue pas. C’est une belle invention que j’adore.

L’invention était aussi au rendez-vous avec les pâtes disparaissantes. Imaginez un demi-cylindre de céramique vertical qui s’ouvre vers vous. Deux trous percés de part et d’autres permettent à un fil de fer de jouer le rôle de fil à linge sur lequel pendent des pâtes, qui sont en fait des spaghettis de Beaufort au safran. Pensez aux balcons des fenêtre italiennes où pend le linge. Arrive un serveur qui verse un bouillon chaud, bouillon « d’ici et d’ailleurs ». Les pâtes fondent et disparaissent complètement, introuvables, car fondues dans le jus métissé. J’adore ces mises en scène imaginatives et sans chichi.

Sur un autre plan, j’ai trouvé ainsi que mes amis des saveurs parfois imprécises, et certaines trop sucrées sur les premiers plats.

Nous avons commencé le repas avec un nouveau Champagne Larmandier-Bernier Vieilles Vignes de Cramant blanc de blancs grand cru extra-brut 2005. « Bis repetita non placent » car j’ai retrouvé la même sensation d’un vin trop court, à la belle attaque, mais qui fait pschitt comme les attaques contre Jacques Chirac. La gelée de poule et caviar et tussilage est géniale mais n’arrive pas à exciter le champagne.

La Mondeuse Tradition domaine Prieuré Saint Christophe Vin de Savoie Roselyne et Michel Grisard 2006 est très expressive. Elle s’accorde à merveille avec les grenouilles délicieuses et prend des tons de réglisse. Et ce vin rouge à l’acidité légère trouve un écho parfait avec le bouillon de pâtes.

Sur la tartiflette accompagnée d’une généreuse truffe noire, le Meursault Villages Jean François Coche Dury 2004 crée un bel accord. Il est généreux, beaucoup plus aérien que les vins de Coche-Dury au point que Guillaume me demande s’il n’y aurait pas eu une erreur. Il n’y en a pas, et l’on trouve la patte de Coche-Dury, avec un équilibre et une précision tels que ce vin Villages boxerait facilement parmi les premiers crus.

La Mondeuse va très bien avec le lièvre et les légumes oubliés, à cause de sa fraîcheur et de sa belle acidité. Nous aurions été trop fatigués avec un vin lourd qui aurait lutté avec le lièvre au lieu de l’accompagner.

Alors que je m’étais promis de ne prendre ni fromage ni dessert, j’ai succombé à un Beaufort exceptionnel, au baba au génépi d’une gourmandise folle, à un sablé comme on aimerait que les mamans en fassent et aux bâtons de guimauve qu’on grignote comme en une fête foraine.

Fête oui, car c’était la fête de la générosité, de l’amitié et de ce cœur que Marc met en toute chose. C’est un tyran qui mène durement tout son monde, mais c’est accepté car on sait que le chef a un grand cœur.

Il était prévu que le petit-déjeuner se prendrait au restaurant. Nous avions tant de fatigue après ces deux repas pantagruéliques, absorbés dans une atmosphère surchauffée que nous avons annulé cette phase du programme.

Grâce à l’amitié que se vouent le chef et Jean-Philippe nous avons pu entrer plus intimement dans l’univers créatif et émotionnel d’un grand chef qui marquera l’histoire. La tarification est très épicée, la carte des vins est à repenser car elle ne correspond pas aux ambitions du chef. Toute l’équipe est souriante et motivée, ce qui fait plaisir à voir. C’est un grand moment d’amitié ponctué de belles étincelles de génie. Longue vie à Manigod.

Le lendemain matin, soleil radieux. Quelques fruits et quelques graines d’un mendiant, beaucoup d’eau, car nous partons à Megève pour un déjeuner au Flocon de Sel, le restaurant trois étoiles d’Emmanuel Renaut. Comment écrit-on le mot excès ?

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le grand chef ami

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Déjeuner chez Marc Veyrat à Manigod lundi, 9 décembre 2013

Marc Veyrat a créé, à partir d’une toute petite maison de 50 mètres carrés, un petit village qui reconstitue l’univers de ses aïeux. C’est à Manigod. On arrive à pied, une fois la voiture garée, par une petite chapelle charmante, qui jouxte le bassin aux saumons, recouvert de neige. On monte encore et Marc Veyrat nous accueille avec un large sourire. Il reconnaît notre groupe d’amoureux de la gastronomie et de « sa » gastronomie. Il faut dire que Jean-Philippe Durand a préparé notre venue.

Quelle n’est pas ma surprise d’apprendre que Jean-Philippe est devenu le directeur de salle du restaurant de Marc. Que va faire Jean-Philippe dans cette galère, lui qui est engagé et très actif professionnellement, cuisinier hors pair qui traditionnellement cuisine chez nous pour nos amis le 15 août et le 31 décembre et qui est le consultant amical de plusieurs grands chefs en devenir ou déjà couronnés de lauriers, son livre avec Jean Sulpice devant paraître bientôt ? Jean-Philippe l’explique tout simplement. Il a envie d’accompagner Marc dans cette nouvelle aventure qu’il a lancée et de partager avec lui les joies, les peines, les interrogations et les solutions. Il y a une estime mutuelle et une grande complicité, ce qui a poussé Jean-Philippe a mettre ses rares moments de temps libre à la disposition de Marc.

Marc nous montre les chambres et les petites maisons d’hôtes qui sont en train de s’équiper auprès de la maison principale du restaurant. Il nous montre la future piscine d’où l’on pourra voir le Mont-Blanc. Il nous raconte que lors du creusement de la piscine, étant sur la pelleteuse, il a renversé l’engin dans le trou ce qui lui a occasionné 18 points de suture. Comme s’il en avait besoin après son terrible accident de ski !

Nous faisons un arrêt devant une galerie de portraits de la famille de Marc, peints par Caroline son épouse, et plantés comme un écran qui cache la vue sur le Mont-Blanc. Marc nous les présente un par un, fier de poursuivre l’œuvre de ses ancêtres.

Nous visitons les lieux. Nous déjeunerons sur l’immense table qui est utilisée pour les cours de cuisine. Elle est attenante à des fourneaux qui servent pour les cours. La table est directement face à la montagne si belle à travers les baies vitrées. Au rez-de-chaussée on est impressionné par l’immense mât fait d’un sapin de grande taille, planté au milieu de l’espace. La cheminée monumentale a un tirage impressionnant et le souffle de son aspiration est grisant ainsi que les crépitements des bois qui éclatent. Cette cheminée à pour effet de réchauffer l’atmosphère, ce qui devient facilement un problème.

Dans la cave, il y a la cave à vin joliment apprêtée mais de faible contenu, puis l’étable aux moutons, à la chèvre et à la mule qui grignote tout ce qui est à portée de ses dents. La cave aux fromages dégage une odeur qui personnalise le lieu.

Au premier étage, il y a la grande salle de restaurant, la cuisine visible de tous et la chambre de Marc et son épouse, sur le coin le plus tourné vers la vallée, d’où la vue est unique. On comprend que Marc soit amoureux de cet espace.

Nous prenons l’apéritif debout, avec un Champagne Larmandier-Bernier Vieilles Vignes de Cramant blanc de blancs grand cru extra-brut 2005. Ce champagne a une belle attaque, mais je suis surpris qu’il soit aussi court, car cette maison de Vertus fait de grands champagnes. Même en excitant le champagne avec les plats du début de repas, on assiste à un réveil mais beaucoup trop timide. C’est bien un blanc de blancs, mais paresseux.

On nous propose une crème de potiron servie dans de petits potirons décoiffés, des tranches d’une fine galette cuite au four devant nous comme on cuit les pizzas, et des sandwichs au foie gras façon burgers.

Nous passons à table, et nous aurons la chance d’être servis par Caroline la maîtresse de maison, Olinda, sympathique et efficace, Guillaume, sommelier que je connais de lieux antérieurs. Le chef, un ancien second de Patrick Pignol est venu nous saluer, me rappelant des souvenirs très forts que nous avons ensemble.

Jean-Philippe a voulu nous proposer un menu léger qui nous rappelle les récentes expériences avec le Marc Veyrat d’avant, et l’on s’apercevra que la notion de « léger » n’est pas la même pour tout le monde. Voici le menu : foie gras chaud à la myrrhe odorante/ écrevisses à la reine des prés, bleu de Termignon / omble chevalier, beurre émulsionné au pimpiolet (serpolet) / tendron de veau en cocotte lutée, cuit toute la nuit dans notre four à bois, folle émulsion aux herbes de la Croix Fry / plateau du Berger de Manigod / sphère au Génépi, soupçon de Chartreuse, chocolat amer.

Le Champagne Brut Initial Selosse dégorgé en avril 2013 est le jour et la nuit en termes de vivacité. Il a une tension magnifique, et une belle acidité. C’est un champagne qui pulse, joliment gastronomique.

Le Marestel Altesse Roussette de Savoie Dupasquier 1985 a une couleur dorée. J’avais choisi ce vin dans la carte des vins très chiche du lieu et Jean-Philippe me dit peu après : « j’ai acheté ce vin en pensant à toi, car je savais que tu le prendrais forcément si tu venais ». Merci Jean-Philippe de cette prémonition. Le vin est d’une vibration extrême et d’une précision qui me ravit. Il forme avec la sauce de l’omble chevalier un accord diabolique. Ce poisson qui nous rappelle de beaux souvenirs chez Marc est un plat divin.

La Côte Rôtie domaine Jamet 2005 est magnifique, épanouie et très lisible. Elle a une franchise de ton que n’ont peut-être pas celles de Guigal. Sa mâche est joyeuse.

Le Chambolle-Musigny 1er cru les Baudes Sérafin Père & Fils 2008 est plus frêle que le précédent mais nous l’avions voulu ainsi sur les fromages, car sa légère acidité leur convient bien, la Roussette en accompagnant d’autres..

Le plat magique du repas, c’est l’omble. La cocotte lutée de tendron de veau est une belle recette gourmande, la purée au chocolat et à la truffe est du plomb fondu de bonheur. La madeleine de Proust, c’est le Matafan, beignet de patate et de gentiane râpée. Une idée géniale.

Nous allons prendre possession d’un des chalets que Marc Veyrat loue en contrebas de Manigod. Comme aux Maisons des bois, c’est surchargé d’évocations pastorales. Il y a deux chambres. Ma fille et mon gendre prennent l’une des deux. Nous sommes en famille. La perspective du repas du soir impose une courte sieste, plus que nécessaire.

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photos au dessus : l’arrivée et la galerie de portraits de la famille de Marc Veyrat. Ci-dessous, la future piscine, l’étable et la cave à vins vue du dessus au rez-de-chaussée puis en cave, la fromagerie et notre table de déjeuner.

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le repas

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Notre amitié s’est nourrie de pain et de vin, grâce à Jean Philippe

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21ème séance de l’académie des vins anciens vendredi, 6 décembre 2013

La 21ème séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo. Nous sommes 39 et nous allons partager une cinquantaine de vins. Ayant décidé d’apporter beaucoup de vins notamment parce que de nombreux académiciens n’en fournissent pas, j’ai choisi des vins qui doivent être bus. Sur les 24 vins de ma cave certains sont de bas niveau, voire vidange, ce qui n’est acceptable que parce que le nombre fourni est important : il y aura assez pour boire bon.

J’ai la lourde tâche d’ouvrir toutes les bouteilles et même en arrivant avant 17h, mon travail n’est pas terminé lorsqu’arrivent les premiers convives, à 19h. Il faut dire qu’ayant mis des bouteilles de niveaux bas, les bouchons se désagrègent, ce qui rend l’ouverture beaucoup plus difficile et prenant plus de temps. Certaines odeurs sont insupportables, d’autres sont de belles surprises comme celle du Palmer 1900. Globalement, le bilan est meilleur que ce que j’attendais.

Nous serons répartis en trois tables et trois groupes de vins dont voici la répartition :

Groupe 1 : Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003; Champagne Chauvet magnum 1914; Champagne Dom Pérignon Oenothèque 1969; Macon Viré André Bonhomme 1971; Château Palmer très probable 1900; Cos d’Estournel 1928; Château Margaux 1923; Château Lagrange Saint-Julien années 50; Château Bel Air-Marquis d’Aligre 1961; Chambolle Musigny Pasquier Desvignes 1934; Corton Clos du Roi Camille Chandesais 1957; Chapelle-Chambertin Louis Trapet 1974; Moulin a Vent René Guyenet 1947; Inglenook Cabernet Sauvignon Napa Valley 1978; Château Lafaurie Peyraguey 1926; Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

Groupe 2 : Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003; Champagne Chauvet magnum 1914; Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970; Moët & Chandon Grand Vintage Collection 1993; Hermitage blanc Chave 1983; Vin de Margaux de négoce années 60; Château Haut-Brion années 20 ou plus vieux André Gibert propriétaire; Château Lagrange Saint-Julien 1933; Château Bellefond-Belcier Saint-Emilion Commandant Gilard 1926; Château Palmer 1966; Gevrey Chambertin Pierre Bourrée Fils 1931; Château Canon Saint-Emilion magnum 1955; Côtes de Nuits Village Champy & Fils 1945; Fixin Clos du Chapitre Bouchard P&F 1961; Barolo Riserva Giacomo Borgogno & Figli 1955; Barsac Latrille-Ginestet 1926; Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970

Groupe 3 : Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003; Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970; Champagne Drappier Carte d’Or 1995 dégorgé en mai 2012; Sancerre Sauvignon G. Leschemelle 1949; Château La Louvière Graves; Château Brane-Cantenac 1970; Château Montrose 1921; Château Talbot 1934; Château Canon Saint-Emilion magnum 1955; Château Pichon Longueville Baron 1964; Vosne Romanée Roland Thévenin 1955; Clos des Lambrays 1943; Pommard Naigeon-Chauveau 1961; Chateauneuf-du-Pape Montredon 1967; Château Haut Bergeron sauternes 1978; Château Climens 1979; Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

Au total, la répartition des millésimes surs et indicatifs (marqués d’un #) est : 1900#, 1914 (2), 1920 # , 1921, 1923, 1926 (3), 1928, 1931, 1933, 1934 (2), 1943, 1945, 1947, 1949, 1950 #, 1955 (4), 1957, 1960 #, 1961 (3), 1964, 1966, 1967, 1969, 1970 # 1970 (3), 1971, 1974, 1975, 1978 (2), 1979, 1983, 1993, 1995, 2003 (3), (2), Total 49 vins de 34 millésimes.

Il convient de signaler que je n’ai pas pris de notes en cours de repas, pris par les conversations qui fusaient de toutes les directions, aussi est-il possible que ma mémoire me joue des tours.

L’apéritif debout se prend avec un champagne unique, dont la maison appartient à l’un des académiciens. C’est le Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003. D’une année atypique, il est une agréable surprise et on y revient volontiers. Les gougères donnent de la douceur à son côté lacté.

Nous passons à table et nous partageons les vins du groupe 1. Quand le Champagne Chauvet magnum 1914 m’est servi pour goûter, je vois le petit mouvement de stupeur de mes convives, car la couleur est marron, de terre sale. Je hume, je goûte et un sourire barre mon visage. Car ce champagne qui n’a plus de bulle donne encore une sensation de pétillant. Je vois des évocations de fruits rouges alors qu’autour de moi on ressent plutôt la vanille et les noix. Quelle que soit la direction que l’on prend, ce champagne est vif, plein de dynamisme, et ravit tous les convives. Il est à noter que le magnum étant partagé avec la table 2, il aura moins de succès à cette table, ce qui montre que la dégustation est un art très subjectif. J’ai adoré ce beau témoignage d’une année exceptionnelle en champagne dont Pierre, l’apporteur, nous a raconté l’histoire, les barriques ayant été déplacées en Bourgogne pour y mûrir du fait de la guerre.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969 est un rayon de soleil. Sa couleur est très claire. Il est complexe, charmeur, et montre des aptitudes gastronomiques extrêmes. On me demande lequel des deux champagnes je préfère. Celui qui comblera le plus facilement tous les désirs d’excellence, c’est le Dom Pérignon. Mais celui qui attire mon cœur par la qualité de son témoignage, c’est le Chauvet que je préfère.

Le Mâcon Viré André Bonhomme 1971 est une immense surprise. Que ce vin puisse atteindre un tel niveau de perfection est incroyable car on a exactement ce que l’on rêverait de boire si l’on désire un blanc charnu équilibré, profond à la lourde trace en bouche. C’est très probablement la plus belle surprise de ce dîner mais il y en aura d’autres.

Le Château Palmer très probable 1900 avait un niveau très bas, en vidange et m’avait donné une très belle surprise à l’ouverture. Le vin confirme l’impression d’il y a quelques heures. La bouteille sans étiquette mais un nom visible sur la capsule est soufflée, au cul profond ce qui est un indice de l’âge, le repère étant pour moi celui des années que j’ai achetées de ce vin. Le parfum du vin est de fruits noirs profonds. En bouche, je ressens une pâte de fruit de fruits noirs. Le vin est profond, avec un message très expressif. Des convives qui garderont longtemps leur verre n’en reviennent pas qu’il puisse garder sa force et son intégrité aussi longtemps. Sans attendre, je dirai que c’est mon vainqueur de la soirée.

Le Cos d’Estournel 1928 a une acidité beaucoup trop forte. Il y a tant de vins à venir qu’il est inutile de s’attarder sur ce vin.

Le Château Margaux 1923 se présente comme manquant de corps après le Palmer 1900. Mais il se réchauffe, s’ébroue, et son message féminin devient de plus en plus charmant. Il n’est pas très aidé de passer derrière un Palmer si expressif.

Le Château Lagrange Saint-Julien années 50 est bouchonné. Inutile d’insister, même si ce désagrément s’estompe avec le temps.

Le Château Bel Air-Marquis d’Aligre 1961 est un vin qui n’a pas d’âge. Serein, rond, joyeux, il est tellement accompli que c’est l’éternel jeune homme, dans l’éclat de sa séduction.

On dirait que la Bourgogne veut faire un concours de jeunesse, car le Chambolle-Musigny Pasquier Desvignes 1934 est facile à vivre, tranquille, aimablement bourguignon.

J’adore le Corton Clos du Roi Camille Chandesais 1957 car il est encore plus bourguignon que le précédent avec une râpe délicate.

Et comme si c’était la soirée des concours, le Chapelle-Chambertin Louis Trapet 1974 se met à vouloir lutter avec les deux autres pour afficher sa bourgognitude. Bien que de deux Côtes différentes, le Corton et le Chapelle-Chambertin ont beaucoup de points communs car ils ont la grâce délicate que donnent les petites années.

Le Moulin a Vent René Guyenet 1947 est un joli témoignage du beaujolais, peut-être pas le plus grand des 1947 que j’ai bus de cette belle région, mais très convaincant par sa densité.

On m’apporte un verre du Gevrey Chambertin Pierre Bourrée Fils 1931 du groupe 2 et je ne peux pas cacher ma surprise de constater que tous les bourgognes sont dans un état de jeunesse et de richesse très supérieur à tout ce que je pouvais attendre. Celui-ci est profond, droit, riche et convaincant. Une belle surprise d’une année extrêmement difficile à trouver.

Le Inglenook Cabernet Sauvignon Napa Valley 1978 est d’une solidité à toute épreuve. Je suis étonné de lui trouver des accents bordelais. Les grands vins américains des année 70 sont maintenant de vraies merveilles.

Le Château Lafaurie Peyraguey 1926 est noir comme du café et le miracle est que ce café respire les agrumes. Le vin a tout pour lui, l’équilibre, la puissance et la séduction. C’est le sauternes comme on les aime, dans leur plénitude absolue.

Les amis étant insatiables, je fais ouvrir le Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970 # que j’avais apporté pour le cas où nous aurions encore une petite soif. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce marc est viril. Il a de la paille dans les sabots. Adorant les marcs je trouve celui-ci très roturier mais expressif. Il ponctue bien ce dîner.

Comment faire un classement dans un groupe d’une telle diversité ? Ce ne peut être qu’un choix de coups de cœur. Il faut se jeter à l’eau : 1 – Palmer 1900, 2 – Champagne Chauvet magnum 1914, 3 – Mâcon Viré André Bonhomme 1971, 4 – Château Lafaurie Peyraguey 1926, 5 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969. Est-ce un bon choix, je ne sais pas.

Le classement des surprises serait : 1 – Mâcon Viré André Bonhomme 1971, 2 – Palmer 1900, 3 – Champagne Chauvet magnum 1914. Mon classement de plaisir est donc très lié aux heureuses surprises que j’ai rencontrées.

Je n’ai jamais vu une assemblée aussi sage. Dans des réunions précédentes on voyait des académiciens qui couraient de table en table pour essayer les vins des autres groupes. Point de cela aujourd’hui. L’atmosphère a été joyeuse, avec beaucoup de nouveaux. Ces réunions de l’académie sont une occasion unique de partager des vins d’âges canoniques et de comprendre que tout ce qui se dit sur les vins anciens procède de préjugés qui ont la vie dure mais qui tombent lorsqu’on démontre la longévité inouïe de tous ces vins. Longue vie à l’académie des vins anciens.

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déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol jeudi, 5 décembre 2013

Bipin Desai, le célèbre collectionneur américain pour qui j’organise chaque année un dîner de vignerons arrive à Paris. Il me donne rendez-vous à déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol. Etant arrivé en avance, j’ai le temps d’examiner la carte des vins dont les prix font frémir. On arrive à des aberrations extrêmes comme de facturer les premiers grands crus classés de 1982 au dessus de dix mille euros. Marco Pelletier, le très compétent sommelier du restaurant explique qu’il est obligé de ne pas faire figurer certains vins emblématiques sur la carte, car s’il les mettait, même à cent fois leur prix d’achat, ils seraient commandés dans la semaine qui suit. On peut comprendre son dilemme mais aussi penser que cela côtoie la folie.

Le menu composé par Bipin pour notre déjeuner est : langoustines royales et caviar juste raidies, servies froides, goût céleri-branche et jus de yuzu /châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / poireau d’Ile de France cuit entier au gril, beurre aux algues, tartare d’huîtres « perle blanche », cébette et citron / noix de coquilles Saint-Jacques, gnocchis de truffe blanche d’Alba, jus de cresson de fontaine au beurre noisette.

Le Champagne Dizy Le Clos Jacquesson 2002 est une cuvée rare dont il n’a été fait que 946 bouteilles exclusivement en pinot meunier. Si Marco nous l’a suggéré, c’est pour que nous buvions quelque chose d’unique. Le vin est riche, complexe, original, d’autant plus que j’ai peu de repères sur les champagnes qui sont à 100% de ce cépage. Il a des côtés lactés plaisants et une acidité extrêmement bien dosée. Il se marie à la langoustine croquante et goûteuse et se place parfaitement au côté de l’oursin, plat d’une justesse de ton à signaler.

Le vin qui accompagnera les coquilles est le Corton Grand Cru rouge Bonneau du Martray 1999. La précision ciselée de ce vin est absolument remarquable. Tout en ce vin est dosé, mesuré, élégant et noble. C’est un vin d’un immense plaisir, au fruit juteux et de belle joie. Un bonheur.

La cuisine d’Eric Fréchon est d’une maturité remarquable. Le poireau à l’huître est d’une originalité extrême, l’huître explosant ses saveurs au contact du cœur du poireau. L’oursin est divin. C’est une belle table.

Je quitte Bipin rapidement, le laissant poursuivre son déjeuner, car j’ai maintenant une quarantaine de vins à ouvrir pour l’académie des vins anciens.

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Académie des Vins Anciens (AVA) – 21ème séance du 5 décembre 2013 – les règles jeudi, 5 décembre 2013

Académie des Vins Anciens (AVA) –  21ème séance du 5 décembre 2013

Règles et informations mises à jour au    moment du lancement (à lire avec attention)

Date et heure : 05 décembre 2013 à 19h00

Lieu : Restaurant Macéo 15 r Petits Champs 75001 PARIS – 01 42 97 53 85

Participation financière :

120 € par personne si l’inscrit apporte une bouteille de vin ancien (1) agréé par François Audouze

240 € par personne si l’inscrit vient sans bouteille

(1) si l’inscrit n’a pas de vin assez ancien, un « troc » est possible avec François Audouze, qui mettra au programme un vin ancien, contre une (ou plusieurs) bouteille de vin jeune qui présente un intérêt pour lui.

Paiement :

Aucun chèque ne sera remis en banque avant le 1er décembre 2013. Il n’y a donc aucune raison de retarder l’envoi du chèque de paiement. On peut l’envoyer des maintenant.

Le chèque doit être remis avant le 15 novembre à François Audouze. L’ordre du chèque est : « François Audouze AVA »

Chèque à envoyer à François Audouze 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Livraison des vins :

Les vins doivent être proposés et agréés par François Audouze. Les bouteilles sont à déposer chez Henriot 5 rue la Boétie 75008 Paris – 2ème étage – 01.47.42.18.06. Notre contact sur place est Martine Finat : mfinat@champagne-henriot.com . Aucune bouteille ne devrait être livrée après le 20 novembre. Merci d’attendre le 1er novembre pour commencer à remettre votre bouteille chez Henriot.

Une variante est de m’envoyer par la poste la bouteille à l’adresse : François Audouze société ACIPAR 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Pour que l’organisation de cet événement soit fluide, il est recommandé de ne pas attendre avant de proposer les vins, les livrer et payer.

Remarque sur les niveaux des vins :

On peut envisager qu’un académicien propose une bouteille de bas niveau, à la condition que cette bouteille soit une bouteille supplémentaire et pas la bouteille principale.

Veillez à la qualité de vos apports. Les groupes de dégustation seront créés en fonction de la qualité des apports.

Au plaisir de vous accueillir pour une réunion aussi brillante que les précédentes.

21ème séance de l’académie des vins anciens – les vins jeudi, 5 décembre 2013

Vins marqués de ** : vins de la cave de François Audouze

Groupe 1 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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Champagne Chauvet magnum 1914

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Champagne Dom Pérignon Oenothèque 1969

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Macon Viré André Bonhomme 1971

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**Château Palmer très probable 1900

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**Cos d’Estournel 1928

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Château Margaux 1923

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**Château Lagrange Saint-Julien années 50

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Château Bel Air-Marquis d’Aligre 1961

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Chambolle Musigny Pasquier Desvignes   1934

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Corton Clos du Roi  Camille Chandesais  1957

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Chapelle-Chambertin Louis Trapet 1974

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Moulin a Vent René Guyenet 1947

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Inglenook Cabernet Sauvignon Napa Valley 1978

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**Château Lafaurie Peyraguey 1926

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

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Groupe 2 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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Champagne Chauvet magnum 1914

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**Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970

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Moët & Chandon Grand Vintage Collection 1993

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Hermitage blanc Chave 1983

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**Vin de Margaux de négoce années 60

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**Château Haut-Brion années 20 ou plus vieux André Gibert propriétaire

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**Château Lagrange Saint-Julien 1933

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**Château Bellefond-Belcier Saint-Emilion Commandant Gilard 1926

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**Château Palmer 1966

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Gevrey Chambertin Pierre Bourrée Fils 1931

Gevrey Chambertin 1931

**Château Canon Saint-Emilion magnum 1955

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**Côtes de Nuits Village Champy & Fils 1945

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Fixin Clos du Chapitre Bouchard P&F 1961

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Barolo Riserva Giacomo Borgogno & Figli 1955

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**Barsac Latrille-Ginestet 1926

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970

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Groupe 3 :

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Champagne le Brun de Neuville Millésimé 2003

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**Champagne Napoléon Ch. & A. Prieur à Vertus # 1970

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Champagne Drappier Carte d’Or 1995 dégorgé en mai 2012

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**Sancerre Sauvignon G. Leschemelle 1949

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Château La Louvière Graves 1975

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**Château Brane-Cantenac 1970

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**Château Montrose 1921

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**Château Talbot 1934

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**Château Canon Saint-Emilion magnum 1955

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Château Pichon Longueville Baron 1964

Vosne Romanée Roland Thévenin 1955

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**Clos des Lambrays 1943

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**Pommard Naigeon-Chauveau 1961

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Chateauneuf-du-Pape Montredon 1967

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Château Haut Bergeron sauternes 1978

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Château Climens 1979

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**Marc de Bourgogne L’Héritier-Guyot magnum 1970#

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Présentation des 2010 du domaine de la Romanée Conti mercredi, 4 décembre 2013

Comme chaque année Aubert de Villaine vient présenter les vins du domaine de la Romanée Conti vieux de trois ans au siège de la société Grains Nobles et comme il aime à le rappeler, c’est la seule invitation qu’il honore en France, de présenter les vins de son domaine. Dans la cave médiévale au cœur de Paris, il est entouré de Bernard Burtschy et de Michel Bettane.

Il commence à rappeler trois faits marquants de l’année 2010. Après un printemps au début favorable, la floraison s’est faite par un temps difficile. Il y a eu de la coulure et une inégalité de floraison. Il y a eu des raisins dits « millerands » qui ont des grains très petits, en grand nombre, et dépourvus de pépins, ce qui pour Aubert de Villaine va apporter de la qualité. Août a été très mauvais, humide et froid. Mais le raisin a développé des armes pour se défendre : les peaux sont devenues épaisses. Septembre a connu une belle période de chaleur donnant un mûrissement très rapide. Le botrytis n’a pas progressé sauf à partir du 15 septembre sur les chardonnays. Le 22 on a vendangé le Corton et le Montrachet et à partir du 24 dans l’ordre Richebourg, Romanée Conti, La Tâche, Romanée Saint-Vivant, Grands Echézeaux et Echézeaux. Le Vosne Romanée n’a pas été fait en 2010 car jugé peu satisfaisant. Il y a eu environ 20% d’éraflage, ce qui n’avait pas été le cas en 2009.

Nous commençons la dégustation par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode 2010 dont le domaine de la Romanée Conti est le fermier. La robe est profonde, presque noire. Le nez est riche et l’alcool se sent. La bouche est gourmande, épaisse presque sucrée. Il y a un beau final tannique. C’est un vin costaud, profond. Lorsqu’Aubert de Villaine dit que le vin est aérien, je suis étonné. Aubert de Villaine explique qu’il ne travaille que les vieilles vignes qui sont implantées sur trois climats. Pour l’instant, on regroupe les vins des trois climats et dans dix à quinze ans on vinifiera séparément le Clos du Roi, les Bressandes et les Renardes. Le Corton a moins de fûts neufs que les vins du domaine. Un tiers est éraflé. Dès le reprise en 2008 la démarche bio a démarré.

Avec l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 on change de monde, car on entre vraiment dans le domaine. Le nez est élégant, le vin est beaucoup plus clair que le Corton. La subtilité du parfum est extrême. L’attaque est élégante, joyeuse, fruitée, séduisante. Le final est élégant, raffiné, poivré. Le vin est gourmand et plein de charme.

Le Grands Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez plus vineux, plus cerise. Mais il annonce du velours. Le vin est plus strict, très poivré. Il a beaucoup de fluidité, de fruité et de richesse. Il a plus de matière mais il est encore strict quand l’Echezeaux est déjà ouvert. Sa persistance en bouche est forte. Michel Bettane dit que la qualité du raisin est exceptionnelle.

La Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez beaucoup plus profond et plus riche. La couleur est très intense et belle, d’un rose sombre. La bouche est très belle, très caractéristique, avec une belle râpe. Il y a beaucoup de délicatesse. Il est plus romantique que le Grands Echézeaux qui est plus puissant. Sa délicatesse est remarquable. Michel Bettane insiste sur le fait que le vin n’est pas réduit et cela vient de la qualité de la mise en bouteille, faite au bon moment, en lune descendante mais surtout avec de hautes pressions atmosphériques. Le vin est élégant, d’agréable densité. C’est un aristocrate. Il est à un moment de sa vie qui est charmant. Aubert de Villaine utilise deux mots : féminin et monastique. Les vignes de Marey-Monge ont été reprises en fermage en 1966 puis achetées plus tard.

Le Richebourg domaine de la Romanée Conti 2010 a un nez moins facile à comprendre. Le vin est très complexe et fort. Le rose d’un rubis clair est très beau. Le vin est fort, puissant, ouvert, épicé, plus fonceur et en même temps très fluide. Il se cherche un peu, il est moins équilibré que la Saint-Vivant. Il est plus nerveux et l’on sent un potentiel qui ne demande qu’à s’exprimer. Il y a deux climats dans le Richebourg, un qui fait les deux tiers et qui s’appelle simplement Richebourg et les Veroilles qui fait le troisième tiers.

La Tâche domaine de la Romanée Conti 2010 a une robe plus profonde. Le nez est relativement peu précis. En bouche, on est loin de l’idéal, avec de l’acidité, de l’amertume. Le vin est assez ingrat, d’un plaisir limité. Le vin est « crunché », réduit. En remuant fortement le verre, on voit apparaître la profondeur d’un fruit noir bien riche. Même s’il est rigide, on voit la promesse et la persistance extrême. Nous apprenons que notre bouteille est nettement moins bonne que l’autre servie.

La Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 2010 n’en apparaît que plus grande, tant le contraste est sensible. Le nez est vraiment Romanée Conti. Tout ici est dosé à la perfection. Tout est suggéré. Michel Bettane dit que cette Romanée Conti est parfaite. Il signale le poivron dans le final qui pour lui est une signature. Le final est salin et c’est le seul des rouges dégustés qui a cette trace saline. Il est parfait car tout ici est assemblé et cohérent. C’est l’équilibre. Il est soyeux, velours, porteur d’extase. Il est subtil et de belle râpe.

J’en profite de faire un nouveau round de verres mieux aérés. La Romanée Saint-Vivant est superbe de rondeur et de charme, le Richebourg est très en force et poivré, La Tâche s’est ouverte mais a une signature de réduction. La Romanée Conti enfin est formidable, offrant l’équilibre mais aussi le mystère. Elle est grandiose et de grande pureté. Michel Bettane suggère l’églantine et c’est vrai. C’est l’églantine plus que la rose et un sel tout frais.

Le Montrachet domaine de la Romanée Conti 2010 a été très touché par le botrytis. Il a donc été vendangé très tôt. Le nez est difficile à apprécier. Le vin est étonnamment léger et s’affirme assez peu, mais on sent qu’il est sur le frein à main, car il est servi froid. Michel Bettane signale l’élégance de son boisé. Il y a du miel, de la poire et des fruits blancs, un peu de lactique. C’est un grand vin dont l’élevage est fait en deux temps égaux, en fûts neufs et en fûts d’un vin, c’est-à-dire ayant servi déjà, mais une seule fois. En comparaison selon Aubert de Villaine, le 2008 est plus dans le miel et plus sensuel et le 2010 a plus de vivacité. La persistance du 2010 est belle. Je sens un peu de miel et de fruit confit. Il y a un grand équilibre de fraîcheur et de vivacité.

Les trois vins qui ressortent nettement de cette dégustation sont la Romanée Conti, très grande, la Romanée Saint-Vivant particulièrement réussie et le Montrachet pour ses qualités intrinsèques mais non encore totalement exprimées. Goûter les vins du domaine avec les explications d’Aubert de Villaine et les commentaires avisés de Michel Bettane, c’est un plaisir et un privilège.

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La quintessence irréelle de la dégustation à l’aveugle mercredi, 4 décembre 2013

Il faut en être témoin pour le croire. Je suis assis entre Bernard Burtschy et Michel Bettane lors d’un dîner dont Aubert de Villaine est l’invité de marque. Un ami nous verse un vin sous étui, dont il est impossible de lire le nom.

Le vin est trouble, sans doute remué, d’un rouge sang coupé de rose. Il est beaucoup trop froid. Bernard et Michel annoncent tout de suite pinot noir et à la question de la région, c’est Bernard qui lance le premier la région Bourgogne. Michel est le premier à lancer Côtes de Beaune et Bernard acquiesce. Michel a en tête Volnay. Le premier à lancer une année – et il n’y en aura pas deux – c’est Bernard qui dit 1985 et c’est 1985. On lui demande pourquoi et il répond : « parce que 1985 est la seule année équilibrée des années 80″. Bien. On s’égare un peu vers Pommard, sans y croire, et le tir se rapproche de Corton et l’ami approuve. Michel dit : je verrais bien Chandon de Briailles et ça doit être un Bresssandes.

Bernard dit Clos du Roi et l’ami confirme à Bernard : « c’est effectivement Clos du Roi Chandon de Briailles « . Michel dit : « c’est curieux, parce que pour moi, c’est le style d’un Bressandes ». Et l’ami pour détromper Michel soulève le cylindre qui cachait l’étiquette, regarde et pousse un cri de stupeur : « oh, ça alors, je croyais avoir pris un Corton Clos du Roi, car je voulais faire un clin d’œil à Aubert de Villaine qui fait un Corton sur les terres de Mérode dont une partie est en Clos du Roi et je me suis trompé en la prenant ».

Si on me racontait cette histoire, j’aurais du mal à la croire. Assis entre ces deux géants de la dégustation, je hochais la tête de droite à gauche comme le spectateur d’un match de tennis et j’allais d’émerveillement en émerveillement quand ces deux sommités expliquaient les raisons de leurs choix. Le vin est un Corton Grand Cru Les Bressandes domaine Chandon de Briailles 1985 à la couleur trouble et servi trop froid, découvert à l’aveugle en additionnant ces deux talents. Très doucereux, presque parfois sucré, il était bien vivant et velouté. Un vin au fruit rose ou rouge bien dessiné, frappé d’une infime trace de TCA.

On mesure le fossé himalayesque qui sépare un amateur de vin de ces deux génies, dotés d’une culture qui m’époustoufle en chaque occasion où j’ai la chance de déguster à leurs côtés.

Dîner qui suit la présentation des 2010 de la Romanée Conti mercredi, 4 décembre 2013

Selon la tradition, après la présentation des vins de la Romanée Conti, Pascal Marquet, dirigeant de Grains Nobles retient à dîner Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et Michel Bettane, plus deux ou trois amis, dans les locaux de son restaurant tenu par un couple chaleureux et authentique.

Nous commençons par un Champagne Brut Grand Cru Egly-Ouriet millésime 1999 qui a passé 109 mois en cave et a été dégorgé en août 2009, issu de vieilles vignes d’Ambonnay. Je suis stupéfait par la complexité de ce champagne riche, prenant possession du palais. On a un irrésistible besoin d’y revenir tant il est gourmand. C’est une petite merveille.

Le vin suivant est un vin de garage, ce qui est inhabituel en Californie. C’est un La Côte, santa Rita Hills Pinot Noir Domaine de La Côte Lompoc Californie 2011. Il n’a été fait que 99 caisses de ce vin confidentiel. Il est des moments où je me félicite de ne pas être dégustateur professionnel, car ça me permet d’éviter de tels vins qui, pour moi, n’ont absolument aucun intérêt. Il n’y a aucun bord d’attaque qui permettrait d’y trouver du plaisir.

(l’épisode qui suit est aussi raconté dans un autre message. Il est ici en italique)

Le vin suivant est découvert à l’aveugle. Il faut en être témoin pour le croire. Le vin est trouble, sans doute remué, d’un rouge sang coupé de rose. Il est beaucoup trop froid. Bernard et Michel annoncent tout de suite pinot noir et à la question de la région, c’est Bernard qui lance le premier la région Bourgogne. Michel est le premier à lancer Côtes de Beaune et Bernard acquiesce. Michel a en tête Volnay. Le premier à lancer une année – et il n’y en aura pas deux – c’est Bernard qui dit 1985 et c’est 1985. On lui demande pourquoi et il répond : « parce que 1985 est la seule année équilibrée des années 80″. Bien. On s’égare un peu vers Pommard, sans y croire, et le tir se rapproche de Corton et l’ami approuve. Michel dit : je verrais bien Chandon de Briailles et ça doit être un Bresssandes.

Bernard dit Clos du Roi et l’ami confirme à Bernard : « c’est effectivement Clos du Roi Chandon de Briailles « . Michel dit : « c’est curieux, parce que pour moi, c’est le style d’un Bressandes ». Et l’ami pour détromper Michel soulève le cylindre qui cachait l’étiquette, regarde et pousse un cri de stupeur : « oh, ça alors, je croyais avoir pris un Corton Clos du Roi, car je voulais faire un clin d’œil à Aubert de Villaine qui fait un Corton sur les terres de Mérode dont une partie est en Clos du Roi et je me suis trompé en la prenant ».

Si on me racontait cette histoire, j’aurais du mal à la croire. Assis entre ces deux géants de la dégustation, je hochais la tête de droite à gauche comme le spectateur d’un match de tennis et j’allais d’émerveillement en émerveillement quand ces deux sommités expliquaient les raisons de leurs choix. Le vin est un Corton Grand Cru Les Bressandes domaine Chandon de Briailles 1985 à la couleur trouble et servi trop froid, découvert à l’aveugle en additionnant ces deux talents. Très doucereux, parfois presque sucré, il était bien vivant et velouté. Un vin au fruit rose ou rouge bien dessiné, frappé d’une infime trace de TCA.

On mesure le fossé himalayesque qui sépare un amateur de vin de ces deux génies, dotés d’une culture qui m’époustoufle en chaque occasion où j’ai la chance de déguster à leurs côtés.

Nous avions commencé le repas sur une délicieuse soupe aux champignons et maintenant, c’est un morceau très tendre de bœuf avec une purée qui accueille un Château Bel Air Marquis d’Aligre magnum 1985 château dont je sais que Bernard et Michel sont deux fanas inconditionnels. Le vin est magnifique de précision, goulu et de bonne mâche.

J’ai envie de quitter la table car j’ai demain un programme très lourd, mais on me retient en disant que je ne peux pas ne pas goûter un Mâcon-Pierreclos « Le Chavigne » domaine Guffens-Heynen 2004. Force est de dire qu’on a bien fait de me retenir, car ce vin est particulièrement généreux et joyeux.

L’ambiance après la dégustation des vins de la Romanée Conti est amicale et décontractée. C’est un plaisir de dîner avec des personnes de si bonne compagnie.

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Dîner à quatre mains au restaurant Kei mardi, 3 décembre 2013

Je ne sais pas comment j’ai appris la nouvelle, mais je l’ai retenue. Le chef Kei Kobayashi a eu l’heureuse idée d’inviter son prédécesseur de la rue du Coq Héron, le grand chef Gérard Besson, pour faire pendant une courte période des dîners à quatre mains.

Il faut à Kei une belle dose d’ouverture d’esprit pour faire revenir Gérard aux fourneaux qu’il a pratiqués pendant tant d’années. Lorsque nous arrivons au restaurant Kei, les deux chefs nous saluent avec de grands sourires. On sent qu’ils sont heureux de cette expérience.

Le menu qu’ils ont concocté est : amuse-bouche / soupe de lentilles et foie gras / terrine de lièvre, légumes crus et cuits / Saint-Jacques snackées, oseille et sabayon agrumes / biche, condiment pomme et poire, sauce poivrades / interprétation de l’oreiller de la belle Aurore / consommé de gibier / tarte aux agrumes, mousseux chocolat et son sorbet.

La décoration du lieu a été rajeunie par Kei. Le service de table, épuré, est de grand raffinement. Et les deux cuisines cohabitent bien. Kei, c’est l’exploration de saveurs pointillistes, suggérées et protéiformes, proposant des rêveries et des variations infinies. Gérard, c’est le raffinement de la cuisine bourgeoise, solide et de dextérité.

La biche est superbe, la terrine est une madeleine de Proust et l’oreiller de la belle Aurore, traité en petites portions pour deux, plus coussinet qu’oreiller, est emblématique. Je m’y sens bien, emporté par les saveurs multiples des cinq ou six composantes goûteuses du plat.

Avec Gilles Josso, pilier du restaurant, j’ai choisi un Chambertin domaine Ponsot 2000. Le nez est très subtil et bourguignon. Gilles m’avait dit que le vin serait très fruité. Or en bouche, c’est une forte râpe doublée d’une amertume qui envahit mon palais. J’attends que le vin s’élargisse, mais c’est bien lent. Il devient ce qu’il pourrait être, mais ce ne sont que des confidences, sur l’oreiller. Au total, ce vin n’est pas porteur de plaisir. Bien sûr les grappes sont entières, ce qui donne des tons rêches de rafle que j’accepte volontiers, mais le vin manque de vivacité et reste sur des notes beaucoup trop strictes.

Ce n’était pas suffisant pour brider le grand bonheur d’avoir vu ces deux chefs travailler ensemble. En sortant, nous les avons félicités pour cette idée d’une grande fécondité. Bravo aux deux chefs d’avoir aussi facilement additionné leurs talents. Ils nous ont dédicacé notre menu.

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