Dîner au restaurant Table avec de beaux vins jeudi, 31 octobre 2013

Nous avions prévu de bavarder avec un ami de sujets de vins. Nous sommes trois au restaurant Table, ouvert il y a environ cinq mois par un habitué du restaurant d’Alain Passard qui a eu envie de créer un restaurant selon ses goûts. Le restaurant est petit, mais par une disposition astucieuse des tables, en se serrant un peu, trente couverts ou plus peuvent être servis. On est assis sur des tabourets, la cuisine est ouverte sur la salle et il faut accepter une pénurie de verres à vins lorsque la soirée s’avance.

Cédric a apporté beaucoup de vins. Le blanc est incontournable et il me demande de choisir un rouge entre Cheval Blanc 1973, Haut-Brion 1975 et Château Margaux 1998. Le plus gouleyant sera sans doute le margaux, le plus solide le Graves et le plus incertain le saint-émilion. Le niveau du 1973 est dans le goulot, la bouteille paraît saine, alors, même si l’année fait partie des années très faibles, j’opte pour le Cheval Blanc.

Bruno Verjus, maître des lieux, nous entraîne dans le menu qu’il imagine pour nos vins. L’apéritif se fait avec du foie gras frais sur un Champagne V.O. Jacques Selosse non millésimé. Le champagne est un peu dur et plus court que d’autres « Version Originale » que j’ai déjà bus.

Le Château Carbonnieux blanc 1949 a un niveau haute épaule. Sa couleur est d’un bel or qui ne montre aucun signe d’âge. Il n’y a pas d’ambre dans cet or. Le nez est racé. Au premier contact, le plaisir n’est pas complet mais très vite, le vin va s’animer et devenir généreux, voire glorieux. Il n’a pas d’âge et si l’on disait qu’il est des années 80, personne ne critiquerait cette assertion. Il emplit bien la bouche avec de beaux fruits gorgés de soleil et se montre gastronomique. Sur un tartare de poisson il est très droit. Sur des coquilles Saint-Jacques à la truffe blanche il est voluptueux et d’une rare longueur.

Le Château Cheval Blanc 1973 est une immense surprise. Son nez est intense comme celui d’un vin d’une grande année. En bouche, il a une subtilité qui dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer de cette année. Le vin a la noblesse de Cheval Blanc et ce qu’il n’a pas en puissance – et encore en a-t-il suffisamment – il l’a en complexité et subtilité. A l’aveugle, jamais personne ne citerait 1973. Il a une très belle matière, tramée et truffée comme celle d’un vin noble. Et ce qui est étonnant, c’est que le vin est assez trouble et d’une couleur peu rassurante. Une preuve de plus de la magie du vin.

J’ai prévu que les ormeaux seraient accompagnés par le rouge et c’est un choix judicieux. Les ormeaux en lamelle sont superbes. Sur la lotte le rouge est agréable, mais le Carbonnieux est plus pertinent.

Le niveau du 1973 baisse si vite que Cédric me demande d’ouvrir un autre rouge. Je choisis le Château Margaux 1998 car je connais le Haut-Brion par cœur. Le premier nez est riche mais coincé. En bouche, le vin est désespérément trop jeune. Alors qu’il a déjà quinze ans, il est coincé comme un puceau. Il a tous les attributs d’un futur grand adulte, mais ne dégage aucune émotion. Pourtant, le délicieux pigeon rose à souhait aimerait que le vin vibre avec lui.

Le Margaux ne se comporte pas mal avec la délicieuse viande rouge, mais il est temps que je sorte ma botte secrète. Cédric avait tenu à fournir tous les vins mais j’avais dans ma musette un Tokaji 3 Puttonyos de probablement un siècle ou plus. Pourquoi cette datation ? Parce que j’ai acheté ce vin dans un lot de Tokaji hongrois dont la plus vieille bouteille est de 1924 et la plus récente de 1943, mais dont d’autres sont non datées. J’aurais volontiers dit 1930 mais le bouchon dont le bas a pris une forme de béret de travers ne peut pas correspondre à 1930. Il est nettement plus vieux et me rappelle les bouchons des vins de Chypre 1845.

Le liquide est très foncé et un peu trouble, tendance lie de vin. Le nez est exceptionnel car il ya des évocations de noix, un peu de vin de paille, mais il y a surtout une intense réglisse. Le goût est surprenant car il se présente en vagues successives. Il est d’une longueur infinie. Il est doucereux mais très peu. C’est ainsi qu’il fait bonne figure sur la viande rouge qui ne le contredit pas.

Comme nous avons ouvert beaucoup de bouteilles, nous les faisons goûter à Bruno et je propose du Tokaji à une table sympathique. Ceux qui en goûtent sont subjugués par sa longueur.

Le Tokaji est difficile à cerner et à définir à cause de ces vagues qui traversent le palais. Je suis content d’avoir pris un trois puttonyos qui est moins sucré et plus gastronomique.

Cédric donne son verdict que j’approuve : 1 – Château Carbonnieux blanc 1949, 2 – Tokaji 3 Puttonyos # 1910/1920, 3 – Château Cheval Blanc 1973.

En partant, je félicite Bruno Verjus pour la qualité des « à-côtés » des plats, pour la cuisson exacte des légumes bien croquants, Bruno m’a regardé en souriant et a dit : « c’est du Alain Passard bien sûr ».

Ce restaurant est sympathique, le propriétaire est aux fourneaux et travaille de beaux produits. Je ne suis pas un grand fan des tabourets, mais c’est un endroit où je reviendrai volontiers, car il est dynamique et offre de beaux plats.

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Gault et Millau lance son guide 2014 mardi, 29 octobre 2013

Gault et Millau lance son guide 2014 et fête ses quarante ans. Une foule immense se presse au théâtre du Trianon. Ce qui est impressionnant, c’est que 80 chefs lourdement toqués sont venus supporter le guide et tous ceux qui feront partie des palmarès.

Alain Passard est le parrain d’une école Gault & Millau qui insufflera aux élèves le respect de la nature : « les tomates, on doit n’y penser que trois mois par an ». Le rythme des saisons, ce doit être sacré. Michel Guérard fait un discours lyrique qui valorise le travail des chefs.

Ce qui frappe, c’est le dynamisme du guide, mis en avant par son directeur général Côme de Chérisey. L’intérêt de cette réunion, et sans doute l’intérêt du guide, c’est de faire apparaître des jeunes talents, des grands chefs de demain, et de nouvelles institutions disséminées aux quatre coins de l’Hexagone. On nous a présenté 27 jeunes talents de moins de trente ans, six grands de demain, trois nouveaux 4 toques, un nouveau 5 toques, Christian Le Squer, puis les trois nominés pour le titre de cuisinier de l’année, dont le vainqueur est Arnaud Lallement, le chef de l’Assiette Champenoise.

Le Gault & Millau met en valeur la cuisine qui bouge, qui invente et qui excelle. Dans la patrie historique de la gastronomie, on n’est pas chauvin puisque c’est un cuisinier belge, Piet Huysentruyt qui est nommé découverte de l’année. Et c’est tant mieux, car la cuisine aujourd’hui est planétaire.

Après les inévitables discours, suffisamment courts pour qu’on ne se lasse pas, sept chefs pleins d’avenir dont David Toutain et Guillaume Iskandar ont donné à goûter d’excellents petits plats raffinés, arrosés par le champagne Mumm, le Château La Louvière et d’autres vins, sponsors de cette manifestation.

L’atmosphère créée par le guide et par des chefs de grand talent a fait de cet anniversaire une soirée de chaude amitié et de grand plaisir.

Les 80 chefs venus fêter 40 ans de Gault & Millau

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Alain Passard présente l’école Gault & Millau

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Christian le Squer obtient 5 toques

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Michel Guérard fait un discours à côté du plus jeune « toqué »

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les jeunes espoirs de moins de 30 ans dont Guillaume Iskandar de Garance

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les trois nominés au titre de meilleur cuisinier de l’année, dont le vainqueur, Arnaud Lallement est en blanc

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j’aime beaucoup cette photo d’Arnaud Lallement, qui semble seul face à son brillant destin

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Déjeuner au restaurant Taillevent mardi, 29 octobre 2013

Déjeuner au restaurant Taillevent. Un participant d’un forum américain souhaite partager un repas avec moi. Je ne peux pas déjeuner avec tous les « forumeurs » américains qui viennent en France, mais je dis oui. Michael est amoureux des vins de Bourgogne et travaille comme gestionnaire de cave pour trois américains très riches. Il a donc un pouvoir d’achat de vins très élevé. Il a apporté un vin et j’ai fourni le reste, déjà ouvert avant mon arrivée.

Le menu choisi avec l’aide de Jean-Marie Ancher est : saint-pierre en filet doré, écrevisses et potiron / noix de ris de veau croustillante, oignons des Cévennes et truffe noire / pomme reinette en Arlette croustillante, sorbet coing.

Le Bâtard-Montrachet Guy Fontaine et Jacky Vion 1990 est de viticulteurs que je ne connais pas, mais je l’avais déjà bu et apprécié. Son parfum est très agréable. Ce qui est impressionnant dans ce vin, c’est son équilibre et son confort. Il n’a pas la puissance des plus grands Bâtards mais il est probablement plus équilibré et gastronomique. Ce sont de beaux fruits jaunes que l’on sent le plus, avec un beau gouleyant. Il forme avec le saint-pierre un accord absolument exact. Je suis heureux que ce vin brille ainsi.

Le Corton-Charlemagne domaine Leroy 1991 a une couleur plus claire que celle du Bâtard. Le vin de Michael a une odeur incompréhensible. Il sent le soufre (ou quelque chose qui m’évoque le soufre), exactement comme un vin de l’année. Or ce vin n’a pas été débouché et rebouché. Son bouchon est d’origine. Et cette impression de soufre gêne la dégustation. En bouche le vin est déséquilibré. On sent qu’il a tout pour faire un grand vin, mais il est coincé, et n’arrive pas à s’ouvrir. Il n’est pas désagréable, mais il ne délivre aucune émotion. Le ris de veau est copieux, et malgré le conseil de Jean-Marie Ancher d’associer l’oignon à la truffe pour coller au vin, ça ne marche pas.

Il reste assez de vin pour le fromage et le meilleur accord, paradoxalement, est celui du saint-nectaire, fromage traditionnellement associé aux vieux vins rouges, avec le Corton Charlemagne. Pour un instant, il quitte sont manteau de soufre pour gagner une tension que jusqu’alors il ne voulait pas exposer. Fromage fini, il se referme dans sa coquille de vin coincé.

Le Vouvray Clos du Bourg moelleux le Haut Lieu Huet 1959 a un joli or clair de vin très jeune. Le nez est délicat, assez discret. En bouche, le vin est très difficile à cerner. L’attaque est doucereuse, joyeuse, séduisante, alors que le finale est celui d’un vin sec. Le message est assez simple, mais j’aime beaucoup son caractère énigmatique et troublant. J’aime qu’il me surprenne. Je le sens gastronomique, probablement avec du gibier à plumes à chair blanche. Sa fluidité est belle.

L’accord du jour, c’est celui du saint-pierre à la sauce épaisse qui a soutenu le Bâtard Montrachet de vignerons inconnus.

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Jacques Berthomeau viendra à l’académie des vins anciens du 5 décembre dimanche, 27 octobre 2013

Jacques Berthomeau est un serial-blogueur qui s’impose d’écrire deux sujets par jour sur son blog. C’est un pari difficile à tenir mais Jacques est pugnace.

Et il jouit d’une audience qui est grande parmi tous les blogueurs du vin.

Ancien haut fonctionnaire (il nous le rappelle assez souvent !), il a des idées sur tout, l’un n’étant pas forcément lié à l’autre.

Je vais de temps en temps sur son blog, car il a le sens du titre et de l’accroche comme peu de gens.

On ne peut pas dire que nous partageons les mêmes idées, mais j’aime assez la façon dont il les exprime, surtout par les voies détournées qu’il utilise pour arriver au sujet sur lequel il donne un avis.

Ce n’est pas le fond mais la manière qui m’attire vers son blog. Car il y a beaucoup d’invention.

Son blog est un peu l’antipode du mien puisque je raconte quasiment uniquement des événements où le vin est l’acteur principal, alors que Jacques donne son avis sur des sujets dans l’air du temps. Il faut de tout sur la Toile.

Lors d’une de ses missives j’ai fait un commentaire, comme cela m’arrive de temps à autre, et j’ai lancé une invitation à Jacques pour la prochaine séance de l’académie.

Il l’a saisie. Je m’en réjouis car il est bon que l’on se connaisse et que l’on parle entre acteurs ou spectateurs du monde qui peuple notre passion.

Je ne me souviens plus du tout du sujet qui m’a poussé à lancer cette invitation, mais Jacques me le rappellera.

Puisqu’il me fait le plaisir de venir, j’en profite pour rappeler comment est née l’académie des vins anciens et quels sont ses objectifs.

Ma cave a commencé en 1970 quand j’ai acheté une maison qui avait un sous-sol. La nature a horreur du vide. Il « fallait » que j’entre du vin par la trappe qui jadis servait à l’écoulement du charbon en sacs.

Cette cave a trouvé ensuite plusieurs lieux pour favoriser son expansion et en 2000, j’ai lancé wine-dinners.com pour permettre à des amateurs de profiter des vins que j’avais frénétiquement acheté sur trente ans.

Pour faire connaître mes dîners, il fallait communiquer. J’avais de bonnes relations avec les organisateurs du « Salon des Grands Vins » qui est devenu plus tard le « Grand Tasting ».

J’ai exposé des bouteilles vides très anciennes dans les allées du salon, discutant avec les passants curieux de ces bouteilles.

Un jour, l’un d’entre eux, probablement septuagénaire, me dit : « monsieur, j’ai dans ma cave une seule bouteille vraiment ancienne et c’est un Haut-Brion 1949. Et cette bouteille, savez-vous, je mourrai avec ».

Je lui ai dit qu’il fallait absolument la boire et il me répondit : « je ne connais personne avec qui la partager ».

Cette remarque a été un déclic. Il fallait créer une structure qui permette à des gens qui ont des bouteilles et ne savent pas avec qui ou comment les boire de les partager avec d’autres amateurs. L’idée est celle du partage.

Pour permettre au plus grand nombre de participer, l’académie a été créée sous la forme d’une activité non lucrative, fonctionnant à prix bas, très bas par rapport au prix de mes dîners.

C’est un travail énorme de rassembler les réponses, les paiements, les choix de bouteilles et la livraison des bouteilles, mais la récompense, c’est de voir des amateurs heureux que leurs vins trouvent enfin leur destination : « être bus avec des amateurs en bonne compagnie ».

Jacques va venir le 5 décembre. J’en suis heureux.

dîner au restaurant Aida avec de beaux vins vendredi, 25 octobre 2013

Un ami mauricien constitue un groupe de six personnes pour un dîner au restaurant Aida tenu par un chef japonais qui a mérité une étoile au Michelin. Alors que nous apportons tous beaucoup plus de vins qu’il ne serait nécessaire, le matin même, Iqbal me dit que nous ne serons que quatre. Je rameute un cinquième convive et à 18h30, nous devons trier entre tous les vins. Iqbal est excessif, comme tous les gens généreux. Il voudrait que tous les vins soient de la fête, ce qui est impossible. Nous laissons de côté des vins comme Latour 1966, ce qui montre une volonté de fer. J’ouvre les bouteilles choisies, le groupe se forme. Il y a deux mauriciens, un coréen vivant à Singapour et deux français.

Nous sommes assis au coin du comptoir face au cuisinier dont les gestes sont gracieux et précis. Notre position en forme de « L » et non pas en enfilade nous permet de converser tous ensemble. Le restaurant est minuscule, le nombre de couverts ne doit pas dépasser vingt, moitié face au chef, moitié dans un salon privé.

Le Champagne Dom Pérignon magnum 1992 a une attaque très engageante solide et charpentée. Ce qui est significatif, c’est qu’il n’évoque pas les fleurs, comme souvent les Dom Pérignon, mais des fruits jaunes. Le chef nous coupe des tranches de jambon de Parme idéal pour exciter le champagne qui profite bien du format magnum en gagnant de l’ampleur.

Le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1922 avait un bouchon d’origine. A l’ouverture il affichait un joli nez de fruits rouges. Il l’a encore et même s’il n’est pas long en bouche, son message aux beaux fruits roses est plus que sympathique. Nous l’aimons beaucoup car il a gardé suffisamment de panache pour notre plaisir.

Le Château Palmer 1983 est évidemment plus fringant, mais j’en attendais plus car il est trop chaud, ayant été rangé dans la salle où il y a la cuisine. Nous faisons placer les bouteilles qui vont suivre dans un couloir plus frais. Les ormeaux que j’ai demandés sans langues d’oursin s’accordent bien avec les deux bordeaux. Le Palmer 1983 est profond, intense plus que séducteur. C’est un beau vin. Il a un peu de truffe mais surtout des fruits noirs.

Le Corton Jacques Bouchard 1943 est un vin sans étiquette que j’ai apporté parce que son aspect m’avait séduit en cave. D’un beau niveau et d’une couleur magnifique, je croyais en lui. L’ouverture a confirmé mes supputations, car le parfum de ce vin était diabolique. Il est maintenant délicieusement bourguignon, solide gaillard avec une mâche généreuse et goûteuse de beaux fruits rouges et noirs. Je suis ravi de cet apport. La dénomination du vin est faite en référence aux achats que j’ai faits de vins de ce vigneron. Ce que nous avons bu n’infirme pas cette dénomination, ce beau bourgogne étant plein de vie.

Mais il va trouver son maître. Le Richebourg Charles Noëllat 1983 est un bijou. Le nez est subtil. La bouche est plus affirmée. Le vin a des évocations de sel que j’adore. Il est d’un équilibre rare et nous déclarons tous que ce vin a tout pour être le vin de la soirée. Sa longueur est extrême. Sa puissance aussi. C’est un beau Richebourg, meilleur que ce que son année indiquerait.

Les plats se succèdent, de très belle inspiration, mais peu correspondent à un programme de vins rouges. De la viande est prévue pour le vin du Rhône aussi Iqbal me demande d’ouvrir d’autres bourgognes. En saisissant la bouteille du Charmes Chambertin Misérey & Frère 1962, je sais déjà que ça n’ira pas et je l’annonce à Jean-Philippe. Le bouchon vient et l’on sent tout de suite que le vin est torréfié. Certains s’y risquent sans succès. Je n’en bois pas.

Le Château Corton Grancey Louis Latour 1964 est fidèle à la mémoire que nous en avons puisque nous avons déjà bu ce vin ensemble. C’est un solide bourgogne très carré et sans histoire, ce qui est dans mon esprit une qualité.

Nous attendons tous l’icône qui se présente maintenant, au nez profond et d’une rare densité. C’est la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991. Ce vin est le premier que j’aie bu de la trilogie des Côtes Rôties de Guigal, quand il avait quatre ou cinq ans et il m’a marqué à jamais. C’est la force tranquille. C’est un vin qui évoque le noir : truffe, café, et plus faiblement le cassis. Ce qui est remarquable, c’est sa sérénité et sa profondeur. Il est moins excitant que la mémoire d’idolâtre que j’avais conservée. Il ne détrônera pas le Richebourg qui est effectivement le vin de la soirée.

Iqbal, décidément en pleine forme, me fait ouvrir un Marsala dolce Florio & Cie. J’ai le vague souvenir d’un agréable vin doux, qui s’est perdu dans les méandres endormis de mon cerveau.

Le service est attentionné, les messages passant par le chef qui fait « plaque tournante » car plusieurs serveurs ne parlent pas français. L’ambiance de cette petite bonbonnière est agréable. Nous reviendrons au restaurant Aida, mais il faudra faire un dîner au champagne, car c’est ce qui conviendrait le mieux à cette belle cuisine japonaise aux saveurs très changeantes. Joli projet en perspective.

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Le chef

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Déjeuner au restaurant Alain Senderens avec deux 1945 vendredi, 25 octobre 2013

Tous les quatre mois, mon frère, ma sœur et moi, nous invitons les deux autres. C’est mon tour. Je choisis le restaurant Alain Senderens sans savoir qu’il vient juste de changer de propriétaire. En cuisine je verrai que toutes les tenues blanches sont marquées du sigle Potel et Chabot.

Mes deux vins ont été déposés la veille et je les ouvre avant que mes convives n’arrivent. Cela me permet de composer le menu qui les accompagnera avec un personnel particulièrement attentionné. Pour le sauternes le directeur de salle fait venir le pâtissier du restaurant avec qui nous bâtissons le thème du dessert. J’irai en cuisine lui faire sentir le parfum extraordinaire du vin et c’est là que je verrai les changements de sigles.

Il convient de signaler qu’ayant demandé à pouvoir inclure dans le menu un fromage à pâte persillée, l’équipe du restaurant a dépêché quelqu’un pour en chercher chez un fromager voisin. C’est remarquable.

Le menu est : fricassée de cèpes, canard Apicius, fourme d’Ambert, mangues juste poêlées.

Le Montrachet Roland Thévenin 1945 a une couleur beaucoup moins ambrée que ce que l’on voit à travers la bouteille. La première gorgée que je teste est un peu oxydée; mais c’est la première. Dès que le vin s’épanouit dans le verre, les caractéristiques d’un montrachet persuasif s’installent. Et ce sont les cèpes qui donnent un coup de fouet magistral au vin. L’association est irréellement belle, les cèpes ayant une faculté de faire-valoir qui est rare. Le combinaison est belle, le vin prenant des petites touches de réglisse. Le vin est gouleyant, bien fluide, avec l’épaisseur d’un vin noble. L’année 1945 lui donne de l’équilibre.

Le Château Guiraud 1945 a un niveau haute épaule. Le bouchon était très beau à l’ouverture et le parfum démoniaque, d’agrumes confits. La couleur est d’un acajou très foncé. Le liquide est épais. Mais il est plein de grâce. Ce qui frappe c’est sa complexité virevoltante. L’accord avec le canard Apicius fait partie des accords de grande gastronomie. La tendreté de la chair, l’enveloppe miellée et épicée de la peau, tout cela excite le merveilleux sauternes en pleine gloire. On sent que l’on tutoie des sommets de raffinement.

La fourme excite d’autres facettes du sauternes, lui donnant plus de tension. Il claque plus sur la langue. Le pâtissier a réalisé mon souhait : de la mangue, encore de la mangue, toujours de la mangue et aucun goût parasite qui gênerait l’harmonie entre le fruit et le vin qui est né pour cet accord. Je vante souvent la flexibilité aromatique et gastronomique des champagnes. Force est de constater qu’un vin qui brille aussi bien sur le canard Apicius que sur une fourme et des mangues est doté de belles facultés d’adaptation.

Nous avons passé un beau déjeuner. Les deux 1945 ont montré la sérénité opulente de ce millésime. La volonté de l’équipe du Senderens d’aider à créer un grand moment de gastronomie mérite d’être signalée et applaudie.

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Déjeuner au restaurant La Cagouille mardi, 22 octobre 2013

Déjeuner au restaurant La Cagouille. D’une femme pas très belle mais typée, d’une forte personnalité, on dira : « elle a quelque chose, un je ne sais quoi ». La Cagouille, c’est ça. La décoration n’a rien, le mobilier est minimaliste, mais le lieu « a une gueule ». Une gueule d’atmosphère bien sûr.

Arrivant en avance je grignote des coques qui créeraient des accords canailles avec beaucoup de vins, y compris des liquoreux. J’ai les yeux de Chimène pour la carte des vins. C’est un Champagne Dom Pérignon 2002 que je vais attaquer en attendant mon ami. Quand il arrive, lui qui a hérité d’un domaine de champagne, sans voir la bouteille plongée dans un seau, il dit : « oh, ça c’est grand ». Et c’est vrai que ce champagne a tout pour lui. Elégant, floral, distingué, avec des petites notes de fruits blancs, il conquiert les cœurs par sa force de persuasion. Sa trace vineuse est profonde.

L’entrée est une salade de champignons des bois, ail et échalotes. Mais c’est la salade vinaigrée qui domine et écrase les champignons. J’use de mes bonnes relations pour que l’on m’apporte une seconde version du plat sans la salade et l’effet est évident sur le champagne qui rebondit, vibrant à la mâche des champignons.

On m’avait conseillé de prendre les crevettes impériales et riz safrané et l’on a bien eu raison car les crevettes sont divines. Le champagne est toujours aussi brillant, même si les crevettes appelleraient volontiers des accords plus fous.

Mon ami me quitte et mon chauffeur à qui j’avais confié une course n’est pas là. Instantanément, je vois devant moi un Vieux Cognac Grande Champagne Michel Forgeron. J’aime sa précision et son fruité, mais la longueur n’est pas là. C’est un Cognac Hors d’Age Michel Forgeron qui le remplace immédiatement et là, respect, c’est un vrai cognac, profond comme un lac limpide.

Quand je quitte La Cagouille, je me reproche de ne pas y venir plus souvent. C’est un signe qui ne trompe pas.

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la salade de champignons, avant et après

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les superbes crevettes

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La Tâche 1962 miraculeuse dans un repas avec des hauts et des bas samedi, 19 octobre 2013

Quatre jours après le déjeuner où le merveilleux vin de Coche-Dury a brillé au restaurant Garance, j’arrive au même endroit à 17 heures. Guillaume Iskandar prend l’air. Nous récitons ensemble le programme de ce soir qui comprendra : rognon servi seul et entier, pigeon, puis chevreuil au gratin dauphinois. Guillaume me dit : « nous avons essayé des rognons toute la semaine ». Nous voulons en effet une cuisine totalement épurée où chairs et sauces, ou plutôt jus, seront les seuls faire-valoir des vins. Cela méritait des essais. Le chef a aussi prévu deux crèmes brûlées, l’une à la mangue et l’autre aux pamplemousses roses, car ce sont pour mon goût les deux piliers des accords avec les sauternes d’âge canonique. Pourquoi crèmes brûlées ? Parce que Tomo aime la crème brûlée.

Etant arrivé avant l’heure que j’avais annoncée, j’attends l’autre Guillaume, Guillaume Muller qui a les clefs de la cave où reposent les vins du dîner, et je suis tout excité. Il y a dans ma cave des bouteilles mythiques, et la question qui revient souvent est celle-ci : quand les ouvrir ? Quel déclic entraînera la décision ? Pour beaucoup de bouteilles, c’est rarement le moment. J’ai la chance que Tomo constitue une cave avec des vins très rares. Nous essayons d’ajuster nos apports dans le plus grand esprit d’équilibre. Ce soir le déclic s’est produit. J’apporte La Tâche 1962 et Tomo apporte Clos d’Ambonnay de Krug 1998 et Romanée Conti 1960. C’est pour cela que le Corton Charlemagne a servi, lors du déjeuner préparatoire, à équilibrer les deux côtés de la balance.

J’ai apporté aussi un Château Haut-Sarpe (c’est ce que je crois) dont je pense qu’il s’agit d’un 1904, bouteille sans valeur marchande car le niveau est trop bas et le look trop abîmé. Je crois en cette vilaine bouteille qui ne sert pas à équilibrer nos apports mais à ajouter à nos plaisirs.

A 18 heures, en présence de Tomo, je commence l’ouverture des bouteilles. Le bouchon de La Tâche 1962 est d’une remarquable élasticité. Il est d’un liège de grande qualité. L’odeur qui se révèle est un miracle. Je suis heureux. La Romanée Conti 1960 est fermée par une cire qui se casse facilement et se craquèle. Le bouchon est très imbibé. La qualité du liège est moins belle. Quand je sens le vin, j’ai un doute, car le vin sent un fruit fort et confituré. On est loin de la légèreté habituelle de la Romanée Conti. Tomo sent son vin et se montre beaucoup plus confiant. Il croit en son bébé. Nous verrons.

Le sauternes que j’ouvre maintenant, au niveau très bas mais à la belle couleur est en fait un Haut-Sauternes Guithon et Cie sans millésime. Il pourrait être du 19ème siècle, mais comme je l’ai baptisé de l’année 1904, rien n’interdit de l’appeler ainsi. Son parfum est merveilleux, de fruits exotiques d’une rare pureté. J’ai bien fait de croire en lui.

Il nous reste du temps. Nous nous promenons dans le quartier et allons boire une bière dans un café-tabac, servis par un vietnamien.

Il est l’heure de passer à table. Le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1998 a un joli nez miellé. Je trouve même des évocations lactées. Il est profond mais à ce stade il n’est pas d’une grande complexité. Il a une trace forte en bouche, et montre sa jeunesse. Je suis fier d’avoir suggéré un rognon pour ce champagne car la mâche de cet abat à la fois croquant et doux propulse le Krug a des hauteurs qu’il n’aurait pas spontanément. Il devient très grand, sans avoir la complexité d’un Clos du Mesnil. Je suis si heureux que je descends pour féliciter le chef qui, sans m’entendre, me fait comprendre que je dérange. Il est en effet en plein boom.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1960 a un nez torréfié et amer. En bouche, on a perdu le fruit que l’on pressentait. L’oxygénation lente ne lui a rien apporté. Le vin est fatigué et n’expose aucune des caractéristiques habituelles de ce grand vin. Le vin s’évanouit progressivement. Ouvrir une Romanée Conti et en laisser la moitié dans la bouteille, c’est rageant. Tomo est évidemment triste que son vin n’exprime rien. Nous créerons d’autres occasions pour compenser cela. Le pigeon a une chair superbe, sauvage, mais la sauce beaucoup trop forte lui nuit. On pouvait imaginer que le pigeon eût réveillé le vin. Mais la sauce l’en a empêché. Pour finir le pigeon Tomo ouvre un Chateauneuf-du-Pape Cuvée Marie Beurrier domaine Henri Bonneau 1990. Le vin est simple et agréable, d’aimable mâche, mais la sauce lui nuit aussi.

Je suis un peu sonné de voir que notre dîner est gâché par une Romanée Conti morte, mais heureusement, le miracle qui va suivre gomme toutes les tristesses. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1962 est un miracle. Elle est totalement conforme à sa légende. Elle a la rose délicate des grands crus du domaine et elle pousse progressivement son côté salin que j’adore. Puissante, inextinguible, cette Tâche est un bulldozer de passion. C’est sa profondeur qui justifie sa légende. Mais l’aspect le plus miraculeux, c’est que nous jouissons d’un accord d’anthologie, de ceux que je cherche et que je trouve parfois : en mangeant le chevreuil on mange La Tâche et en buvant le vin on boit le chevreuil. C’est-à-dire que l’un et l’autre sont devenus un. C’est tellement saisissant que j’y reviens mille fois, subjugué par la symbiose absolue de la chair rouge et du vin de la même couleur. C’est une extase qui n’en finit pas. C’est mon Graal quand vin et plat se confondent totalement. Mon Dieu quel moment de grâce ! Le vin est sublime, le plat réalisé par Guillaume Iskandar est exactement ce que voulais. Nous sommes au paradis. Alors, triste pour le vin précédent, je prolonge et prolonge cet instant divin.

A des tables voisines, d’où l’on peut voir l’alignement de nos vins, on se moque gentiment de nos gloussements. Le Haut-Sauternes Guithon & Cie vers 1904 est une merveille. De couleur foncée mais d’un bel acajou, au nez évoquant les agrumes, il a tout d’un grand sauternes. Comme nous avons déjà bien bu, j’apporte la bouteille à une table de Québécois à l’accent chantant et agréable avec qui j’ai longuement discuté autour de verres de ce beau nectar qui n’avait pas besoin des crèmes brulées qui ne lui apportaient rien.

Guillaume Iskandar a fait deux plats qui confirment de façon spectaculaire la démarche que je revendique pour les vins canoniques : une chair et un jus. Il leur a apporté son talent. Le rognon et surtout le chevreuil ont été sublimes. Il est toujours triste de voir une bouteille de grand renom qui est morte. Mais la performance de La Tâche 1962 a été tellement miraculeuse et gastronomique que cela ne peut que nous encourager à poursuivre ces dîners fous.

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sur le champagne, le jambon ne va pas, mais la saucisse de Morteau l’excite savamment

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A 1962 La Tâche which confirms it is a legend samedi, 19 octobre 2013

With a friend of mine, Tomo, we opened great bottles in two meals in which we tried to balance our inputs.

First meal to prepare the second meal which should be a great event :

From restaurant : Champagne Billecart Salmon Brut Blanc de Blancs. Drinkable, but not giving much emotion

From me : Corton Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury 1995 a fantastic wine, at a level of perfection. I usually drink the 1996 which is more powerful. Today this one, more delicate is at a greater state of perfection.

From Tomo : Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1965. Torrefied, like burnt, it had some accents of a DRC wine, with emotion on a pigeon, but it was too tired.

Second meal, a dinner, with wines that we chose to create an event. I managed the menu with the chef, to have simplified recipes putting in front only meat and juice

From Tomo : Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1998. Nice young champagne, but largely less complex than a Clos du Mesnil. Gets an incredible dimension with kidneys.

From Tomo : on pigeon Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1960. At no moment did it give the emotion of a DRC wine. Just imagine that we left half of the bottle. It was dead.

From Tomo to replace the dead RC : Chateauneuf-du-Pape Cuvée Marie Beurrier domaine Henri Bonneau 1990. Nice easy wine, expressive, but we did not come for such a wine

From me : La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1962. A miracle. Completely corresponding to the legend : rose, salt, and incredible deepness. Very powerful, invading the palate. But the miracle came from the combination. The roe deer took the soul of the wine. When I drank I did not know if I was drinking the wine or the roe deer.

When I ate, I did not know if I was eating the deer or the wine. Incredible combination. I came back from wine to meat hundred times to impregnate with a pure dream, the ultimate gastronomic dream.

We knew that we were living a moment which is the Graal of every wine and food lover.

From me : Haut-Sauternes Guithon & Cie circa 1904. Just added for fun (see picture on my blog). The bottle was awfully low, but I trusted in it. And ut proved to be a Sauternes nearly perfect, with incredibly exotic fruits.

Despite some bad bottles, the La Tâche is sufficient to create one of our best memories. Tomo was sad to have provided a bad RC. It will justify a revenge !

un Corton Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury au restaurant Garance lundi, 14 octobre 2013

Avec Tomo, nous avons envie d’ouvrir des « monstres ». Tomo est très sensible à l’équilibre des apports. Aussi, pour l’équilibre du dîner de vendredi, je dois apporter du « lourd » ce lundi, déjeuner de mise au point du menu de vendredi.

Nous nous retrouvons au restaurant Garance. Le champagne de bienvenue, pris au verre, est un Champagne Billecart Salmon Brut Blanc de Blancs. Il est d’une couleur claire, presque verte. Pour paraphraser Michel Audiard, je dirais : « c’est pas mal, mais ça cause pas ». Car le champagne est de belle construction, mais l’émotion est restée au vestiaire.

L’entrée de mon « lourd » est donc précipitée. C’est un Corton Charlemagne Domaine Jean-François Coche-Dury 1995 à l’étiquette dorée. Ce vin est transcendantal. Le nez est intense, légèrement pétrolé. En bouche, c’est une explosion de joie. Alors que je considérais le 1996 comme un immense Coche Dury, ce 1995 me semble largement au dessus – aujourd’hui – car il a moins de puissance et joue donc beaucoup plus sur la séduction et l’équilibre. Quand on boit ce vin, on a le sourire au lèvre, et l’on est bien en peine d’imaginer qu’il existe un vin blanc meilleur que celui-ci. Sa plénitude, sa maturité dans la jeunesse sont fascinantes. Si j’ai écrit « aujourd’hui », c’est parce que le 1996 pourrait dans vingt ans surpasser le 1995. Mais la grâce infinie de ce vin délicat, plus calme que beaucoup de vins de Coche-Dury, est exemplaire.

Sur un poisson cru, une bonite, le Corton Charlemagne montre son infinie délicatesse. Sur un plat où se mêlent l’œuf et la truffe noire, il tient parfaitement sa place. Nous l’essayons aussi avec un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1965, d’une petite année. Le vin évoque bien les caractéristiques des vins du domaine, mais le vin souffre d’être torréfié et imprécis. Il réagit bien au plat gourmand.

Sur une terrine de lièvre, le vin blanc est explosif et épanoui. Un miracle.

Le pigeon est un miracle lui aussi, d’une chair mêlant le sauvage et le doucereux. Le Corton Charlemagne est divin avec ce plat, mais le Grands Echézeaux fait belle figure avec lui, oubliant pour un instant son côté torréfié, cuit, café, pour dégager une belle émotion et une charpente de vin complexe.

J’ai offert un verre du vin blanc à deux jeunes femmes qui discutaient à la table voisine. Emerveillées, elles furent roses d’émotion.

Nous avons bâti avec Guillaume Iskandar le menu de vendredi soir pour nos « monstres ». Mais sans attendre ce repas, ce vin de Coche Dury vaut tous les trésors du monde. A suivre.

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