Repas féerique au restaurant El Celler de Can Roca jeudi, 19 septembre 2013

C’est grâce à Didier Depond, président des champagnes Salon Delamotte que j’avais pu avoir une table à El Bulli. Il était tentant de recommencer pour aller à Gerone chez les frères Roca. Kim, l’importateur de Salon en Espagne trouve une table. Didier et moi prenons l’avion à Orly, direction Barcelone. Il y a bien dix degrés de température d’écart entre Barcelone et Paris. Le soleil est radieux.

Nous sommes dix à partager le déjeuner au restaurant El Celler de Can Roca tenu par les trois frères Roca. Je demande qu’on me laisse un espace pour ouvrir mes deux vins âgés de 117 et 157 ans. J’officie devant les convives, devant le chef sommelier Carlos et devant l’un des frères Roca. Il fait soif, aussi est-ce l’occasion pour Didier de présenter pour le première fois dans le monde le très attendu Champagne Salon 2002. Didier va être photographié à côté du frère Roca. Il a un doigt qui retient le bouchon. Alors que j’ouvre mes bouteilles, j’entends un grand bruit, la bouteille de Salon tombe devant mes pieds et la moitié du champagne se retrouve moussant sur mon pantalon.

La bouteille n’est pas cassée. Il en reste un peu et Didier m’en sert pour me consoler. Quelques verres sont brisés et heureusement mes vins sont intacts. Un incident de ce genre, le premier pour Didier, c’est forcément un signe de chance. Le 2002 de Salon vient d’être ainsi baptisé. Disons-le tout de suite aux amateurs qui attendaient avec impatience ce premier millésime de Salon qui commence par le chiffre 2, il tiendra toutes les promesses et tous les espoirs qu’on plaçait en lui. Il a déjà une maturité et un équilibre qui sont le signe d’un grand vin. J’ai senti des notes lactées et des fruits dorés. Mais c’est surtout l’équilibre et la profondeur qui frappent.

Pendant ce temps, même avec le pantalon mouillé, j’ouvre les deux vins qui ont des parfums absolument renversants tant ils sont puissants. Le frère Roca me demande ce que je mettrais en accompagnement de ces vins qu’il a sentis profondément. Je réponds, mais je sens que les frères feront à leur façon.

Notre table ronde est à une extrémité de la salle à la décoration sobre. On peut aligner toutes les bouteilles que nous boirons sur le meuble de présentation des verres et des vins qui nous sépare du reste de la salle. Le menu est un enchantement, c’est le magicien d’Oz. Mais parlons d’abord des vins.

Le Champagne Delamotte magnum 1983 est un peu strict au début mais il s’anime avec les entrées d’une grande complexité. Il devient beaucoup plus imposant et fait oublier qu’il vient d’une année assez faible en champagne. Il est une agréable surprise.

Le Riesling Cuvée des Comtes d’Eguisheim Domaine Léon Beyer 1975 est d’une précision que seul le cépage riesling peut donner. Riche joyeux, c’est un vin qui emplit bien la bouche. Il se boit avec bonheur. Il est élégant.

Le Sancerre la Grande Côte domaine Pascal Cotat 1990 a des aspects fumés, oxydés, et fait tout sauf sancerre. Mais il a tellement de charme qu’il faut le prendre tel qu’il est, très gastronomique.

Le Wehlener Sonnenuhr Auslese Joh. Jos. Prüm 1994 n’a pas créé de réel accord avec le plat qui lui était associé. C’est le seul vin qui m’a déçu.

Au moment où j’ai porté à mes lèvres le Champagne Salon magnum 1971 j’ai eu le choc physique que j’ai souvent lorsqu’il se passe quelque chose. Et je me suis trouvé devant ce que j’attends de Salon. Quand je bois Salon 1988 ou 1995, j’ai deux vins différents. Quand je bois 1990 ou 1997, j’ai encore deux vins différents. Et là, je suis face à ce qui est pour moi l’âme de Salon. Je n’aurai peut-être pas le même choc si je le rebois dans quelques jours. Mais sur l’instant, ce 1971 est vraiment l’âme de Salon, celle que je recherche, comme Suzanne, désespérément. Mes voisins de table ont vu à quel point j’étais sonné par ce coup de poing au cœur donné par un champagne brillantissime.

Le Equipo Navazos Flower Power 44 Jerez n’a pas d’âge, car je ne crois pas que le « 44″ qui figure sur la bouteille soit une année. Il a un charme très particulier. Je l’aime par son côté extrême, délivrant des saveurs changeantes.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Régnard magnum 1992 a une richesse qui mérite d’être signalée. Il est opulent pour un chablis et le Jerez précédent, très sec, lui a rendu un magnifique service.

Dans le verre il n’y a qu’une minuscule goutte de Cuatro Cortados Gonzales Byass 120 ańos Jerez. Mais quelle goutte ! On dirait une essence de Xérès, passée mille fois dans un alambic virtuel.

C’est la première fois que je bois un Musar blanc. Le Château Musar blanc Liban 1990 est une immense curiosité. Il est très oxydatif et ferait volontiers penser à un vin jaune s’il n’avait pas un caractère fumé. C’est un vin gouleyant de grand plaisir. Une grande et belle surprise, enchanteresse.

Je n’ai pas gardé de souvenir du Vina Pomal Grand Reserva Rioja 1955 alors qu’au contraire, le Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948 m’a conquis par son extrême sérénité. Tout en lui est équilibré et intégré. Il est fonceur et gastronomique.

Le Château Sigalas Rabaud 1er cru classé de Sauternes 1896 a un parfum d’un envahissement extrême. Il est tellement charmeur. En bouche, personne ne serait capable de donner un âge à ce sauternes parfait. Il a tout pour lui. Il est rond, équilibré, puissant, généreux, à la trace en bouche infinie. Pour tous autour de la table c’est une gigantesque surprise. Car il est parfait.

J’avais déjà bu plusieurs fois ce 1896 alors que le vin qui vient est le seul que j’avais dans ma cave. C’est un Marsala 1856. De tels vins sont aujourd’hui introuvables. Le vin est plus puissant, plus marqué par l’alcool, mais le vin est si aérien qu’il ne doit pas avoir été muté. Il est d’une élégance incroyable, d’une complexité sans égale, mais surtout il nous emmène sur des pistes inconnues. Il est plus complexe que le 1896.

Je suis content parce que les deux vins que j’ai apportés, d’âges canoniques, n’ont pas la moindre trace de défaut, et sont d’une vivacité plus grande que s’ils avaient cent ans de moins. Ce sont des vins de légende. Alors, si je devais faire un quarté, ce serait : 1 – Marsala 1856, 2 – Château Sigalas Rabaud 1896, 3 – Champagne Salon magnum 1971, 4 – Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948.

Et les plats dans tout cela ? Ayant égaré mon menu, dont j’espère recevoir une copie, les impressions qui suivent sont données sans support de texte. Le décor est planté instantanément. On apporte à chacun une assiette où sur un mini tronc d’arbre, il y a un lampion. On ouvre le lampion et l’on voit à l’intérieur cinq petites bouchées, posées comme en un bouquet, dont chacune représente les saveurs d’un pays. Il y a le Pérou, le Maroc, la Corée, la Chine et le Mexique. C’est spectaculaire et c’est gourmand. On apporte ensuite deux petits oliviers. Aux branches, ce sont des olives caramélisées qui pendent. On les cueille et c’est délicieux. Ensuite, il y a de fines galettes à la crevette qui forment le goût le plus envoûtant de ce que j’ai mangé. On passe ensuite à une boule étrange comme un Cromesquis, aux goûts impossibles à reconnaître. Viennent ensuite une purée de poisson à la cuiller, des dragées à la truffe, des champignons posés sur une pâte épaisse comme une brandade.

Une soupe basse température faite avec 26 saveurs différentes est un exercice tout en douceur. Une crème complexe à base de figue dessine une feuille de figue. Elle supporte des saveurs distinctes de toutes les couleurs. Arrive sur une ardoise ce qui ressemble à une tranche de gorgonzola. C’est en fait une crème d’asperge à la truffe, fort goûteuse. Le maquereau est d’une intelligence sidérante. Une préparation ressemblant à des spaghettis est faite de fruits de mer aux saveurs intenses et résolument mâles. Les crevettes roses contrastent par leur gracilité délicieuse. Les langoustines sont subtiles et traitées de façon originale avec le Xérès de 120 ans.

Se succèdent ensuite un plat de turbot aux saveurs complexes, un agneau à la peau caramélisée, un pigeon et des desserts que je serais bien en peine de décrire, car j’essayais de résister aux démons tentateurs qui m’entouraient. Ils estimaient que partir à 17 heures était inopportun et voulaient que nous restions encore, pour nous rendre ensuite à un match du F.C. Barcelone qui serait certainement suivi de nouvelles folies. Il leur semblait aisé que nous restions jusqu’au lendemain. Il a fallu se battre pour résister à la tentation.

A réception du menu, il est probable que je devrai corriger des erreurs, mais tant pis, il fallait restituer la mémoire de ce repas sur l’instant.

La cuisine de ce restaurant est d’une intelligence redoutable. Contrairement à El Bulli ou à Noma, la complexité s’appuie sur une cuisine naturelle et traditionnelle. Pas de chimie apparente dans ce que j’ai mangé. On est pris dans un tourbillon de créativité. Certains saveurs sont poussées à l’extrême et parfois osées. Mais c’est grand. Les accords mets et vins sont très réfléchis et le plus souvent pertinents. C’est une adresse où je reviendrai avec mon épouse, avec enthousiasme.

Le service est parfait, le rythme soutenu à cause de notre avion peut être ralenti. Mais nous l’avons bien supporté.

Alors, découvrir le nouveau meilleur restaurant du monde, qui mérite cette distinction, découvrir le Salon 2002 qui sera légendaire, et profiter des deux vins du 19ème siècle que j’ai apportés, c’est beaucoup pour une grande journée. Mais quelle joie, même les pieds mouillés !

le lieu et notre table

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le repas

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le chef Joan Roca vient nous rejoindre

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le menu complet et les vins sur ce document qu’il faut orienter dans le bon sens

déjeuner Frères Roca Gérone

Mon pantalon boit la première bouteille de Salon 2002 jeudi, 19 septembre 2013

Didier Depond a apporté les deux premières bouteilles au monde sorties du domaine, de Salon 2002. Regardez attentivement la photo. Didier veut être photographié avec Joseph Roca patron du restaurant Roca. Il a un doigt sur le bouchon, qui monte sans qu’il s’en aperçoive

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son doigt ne sait rien ! moralité, qui boit le premier Salon du monde ? Mon pantalon !

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la capsule est toute cabossée par le choc

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Déjeuner au restaurant Encore de Yoshi Morie jeudi, 19 septembre 2013

Lorsque le chef Yoshi Morie a quitté le restaurant Le Petit Verdot, ce fut un petit coup de tonnerre dans le monde de la gastronomie. Lorsqu’il a ouvert le restaurant Encore, la critique a unanimement salué cette naissance. Une table est réservée par ma fille. Le volume de la salle est agréable, la décoration minimaliste est de bon goût. Ici, ce sont des petites tables en bois et des ardoises qui servent de menu. L’atmosphère est de bistrot.

Je choisis dans l’intelligente petite carte de vins un Champagne Léclapart cuvée l’Artiste blanc de blancs extra-brut 2008. Mon choix sur l’ardoise est moules du Mont Saint-Michel, chou Kale, panais / boudin kintoa, persil, tubéreux / poire caramel, glace à la liqueur de cédrat. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi simple et aussi peu cuisiné. Lorsque je m’en suis ouvert au chef, il m’a indiqué que c’est le soir qu’il fait des plats plus gastronomiques. Ma fille est contente de trouver ici du chou Kale qu’elle est une des seules à offrir au café Pinson.

L’ambiance bistrot se confirme lorsqu’on constate qu’il n’y a pas de rince-doigt après les moules et lorsque les couverts ne sont pas changés entre les moules et le boudin. A ma question on répond : « bistrot ».

Le champagne est bien fait et on sent que le côté extra-brut est un peu fort et agresse les joues. Mais ce beau champagne accompagne tout le repas avec beaucoup de justesse. On y revient de plus en plus avec plaisir car il s’assagit. La cuisine est simple, peut-être un peu trop simple par rapport à ce que j’attendais. A revoir le soir, car dans ce cadre agréable, j’aimerais bien que le grand talent de ce jeune chef s’exprime.

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Le Ban des Vendanges au domaine de Chevalier dimanche, 15 septembre 2013

Lorsque l’on est invité au Ban des Vendanges à Léognan, on ne peut pas s’asseoir dessus, car c’est sans C. C’est par un jeu de mots orthographique bien innocent que commence mon week-end à Bordeaux.

A l’aéroport, j’inaugure la dépose des bagages que l’on fait soi-même. Obligé de m’y reprendre à deux fois j’ai pu recueillir la confidence du préposé qui oriente ou repousse les voyageurs : il se fait agresser des centaines de fois par jour par des mécontents et a décidé d’adopter une zen attitude. On fait la queue en zigzag pour passer le contrôle des bagages à main. Dans l’avion de 13 heures, le repas qui est servi fait 18 grammes et 74 calories, c’est ce qui est écrit sur le sachet.

L’attente au comptoir du loueur de voitures est d’une durée égale à celle du vol. On finit par se demander si la notion de client existe encore dans ce qui est organisé en transport de masse, sans âme.

C’est un tout autre monde à mon arrivée au château Malartic-Lagravière où je suis accueilli par la charmante Michèle Bonnie, maîtresse des lieux. On me donne la chambre jaune, qui est sans mystère.

Lorsqu’on arrive au Domaine de Chevalier, une immense tente est éclairée par des spots surpuissants. La gestion du parking nécessite une organisation importante. Des petits trains conduisent jusqu’à l’entrée. Ce sont 1.030 personnes qui vont participer au Ban des Vendanges qui revêt cette année un caractère particulier puisque c’est le 60ème anniversaire du classement des Graves, le 40ème anniversaire de l’Union des Grands Crus de Bordeaux et le 30ème anniversaire de l’achat du Domaine de Chevalier par la famille Bernard. Olivier Bernard qui dirige le domaine est aussi le président de l’Union des Grands Crus, ce qui fait que l’événement est de grande importance pour la famille Bernard représentée ce soir par 80 de ses membres.

Lors de la cérémonie d’intronisation à la Commanderie du Bontemps, qui se déroule avant le dîner, le nombre des Bernard intronisés est significatif. Comme il se doit, de forts contingents d’intronisés viennent d’Extrême Orient. Rien de tel pour fidéliser les relations commerciales.

Pendant que la cérémonie se déroule, on peut goûter les vins de 2010 des membres de l’Union des Crus classés de Graves, Sauternes, Barsac. Je suis frappé par le Château La Mission Haut-Brion 2010 dont la puissance et la force de conviction dépassent de loin celles des autres vins. Par comparaison, le Château Haut-Brion 2010 brille par sa délicatesse. Ces deux vins sont aux antipodes l’un de l’autre. On comprend que certains palais habitués aux vins modernes préféreront le Mission, car il est gourmand. Mon inclination personnelle est pour le Haut-Brion auquel je prédis un avenir glorieux.

Le Château Haut-Bailly 2010 est plein de charme et d’une élégance toute féminine. Le Domaine de Chevalier 2010 est conquérant. Ce qui me frappe, c’est que tous ces 2010 montrent des qualités et des précisions qui sont remarquables. C’est de la belle ouvrage !

On peut déguster à profusion des huîtres, du jambon de Bayonne excellent, des toasts au foie gras et mille autres petits canapés délicieux pendant que la pluie tombe et retombe ! C’est un déluge qui interdit de s’éloigner des allées couvertes.

Il est temps d’aller dîner et placer 1.030 personnes n’est pas une mince affaire. La tente gigantesque est si haute qu’il n’y a pas à redouter que la température ne devienne étouffante. C’est même le contraire qui se produira et les jolies épaules largement dénudées d’une myriade de jolies femmes se cacheront rapidement sous des châles. L’un des vignerons a invité Adriana Karembeu qui dépasse de la tête et des épaules toute cette assemblée et ne peut pas passer inaperçue tant sa beauté illumine l’espace. Elle vole facilement la vedette à Alain Juppé qui fera un discours de circonstance, aux compliments savamment dosés.

Il y aura beaucoup de discours, fête officielle oblige, et celui d’Olivier Bernard sera enflammé, son cœur débordant de générosité.

Le repas est conçu et réalisé par Jean Coussau, le magicien du foie gras qui a deux étoiles à Magescq. Le menu : foie gras de canard des Landes chaud, aux raisins / suprême de canard, réduction aux épices, mousseline de pomme de terre et céleri, cèpes et girolles à la Bordelaise, mini-légumes étuvés / dégustation de fromages des Pyrénées / dessert au buffet avec de nombreuses délicatesses.

Ce repas est magnifique, les plats servis à l’anglaise étant à températures et cuissons parfaites. Jean Coussau venu à notre table est chaudement félicité.

Les vins blancs et rouges sont ceux de l’Union des Grands Crus classés de Graves. Ils varient à chaque table sauf deux vins qui seront servis à toutes les tables.

Le Château Malartic Lagravière blanc 2008 est généreux et fruité. Il est gouleyant et de belle charpente, mais il faudrait l’attendre encore quelques années pour profiter de sa sérénité. A côté de lui le Château Olivier blanc 2009 a une acidité citronnée et un goût de fruits verts qu’il m’est difficile d’aimer tant il est jeune. Le foie gras magistral s’accorde bien avec le 2008.

Le Domaine de Chevalier rouge 1983 est servi à toutes les tables. On mesure le supplément d’âme qu’apportent trente ans de cave. Ce vin est élégant, délicat, manque un peu de force, mais nous ravit.

Le Château Malartic Lagravière rouge 2003 est fortement charpenté, aux lourds tanins. Il a beaucoup de charme. Le Domaine de Chevalier rouge 2003 est plus intense que le Malartic, avec une longueur respectable. Les deux vins se comportent très bien sur le canard à la cuisson parfaite.

C’est un peu dommage que le plus grand vin de la soirée offert à toutes les tables soit servi sur le fromage. Car ce vin gastronomique mériterait d’être provoqué dans une joute gustative. Le Château La Mission Haut-Brion 1998 est spectaculaire. Il est jeune bien sûr. Mais il a déjà un équilibre et une maturité qui lui donnent un haut niveau de plaisir. On en reprend sans cesse tant il est bon. C’est un très grand vin promis à l’éternité.

Le dessert est servi à des buffets dont certains sont dressés dehors maintenant que la pluie a cessé. Le Château Guiraud offre à goûter plusieurs millésimes de son sauternes, présentés en impériales, ce qui est impressionnant. Je bois le Château Guiraud 2003 très riche mais encore très jeune, qui s’anime bien sur les desserts.

Un feu d’artifice éclate dans le ciel, la sono monte ses décibels et les jolies femmes sont entraînées sur la piste de danse. C’est aussi l’occasion de discuter avec des vignerons et des personnalités du monde du vin, en dégustant un Bas Armagnac Darroze « les grands assemblages » 60 ans d’âge de belle patine, profond, mais de relativement faible longueur. Le Bas Armagnac Darroze « les grands assemblages » 40 ans d’âge a moins de maturité mais plus de longueur. Je le préfère.

Le retour aux voitures est assez mouillé. Cette soirée de grand prestige, remarquablement organisée, soude la communauté des vignerons de l’Union des Grands Crus dont la génération montante est particulièrement présente en nombre. La présence asiatique est aussi très développée ce qui montre l’importance qu’accorde le vin de Bordeaux à l’exportation. Bordeaux et la famille Bernard savent recevoir. Quand en France un secteur est aussi dynamique, généreux et amical, on ne peut que s’en féliciter.

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avec Olivier Bernard, maître de cérémonie

Olivier Bernard & Audouze

Repas de rêve au restaurant Arpège jeudi, 12 septembre 2013

Des amis me proposent de les rejoindre pour déjeuner au restaurant Arpège. Ils annoncent des bouteilles de haut niveau qui m’interdisent de refuser ce repas si par hasard j’en avais l’intention. Ma réponse à leurs apports est Latour 1914.

J’arrive vers 11h pour ouvrir ma bouteille mais aussi celles des amis. Les parfums sont extrêmement engageants. Celui du Margaux 1928 en demi-bouteille est irréellement bon. Je mets au point le menu avec un des amis arrivé en avance et avec l’équipe très motivée du restaurant.

N’ayant pas eu de menu, voici ce que j’ai retenu de la multitude de plats : petits amuse-bouche délicats en fines barquettes /fines lamelles de tomates multicolores à l’huile / pomme de terre bretonne avec une lourde sauce aux champignons et d’autres saveurs / carpaccio de poisson, bar, je crois / gratin d’oignons au parmesan / saint-pierre à la feuille de laurier et tétragone / céleri en forme de risotto / grouse / couscous de légumes / ris de veau / ravioles potagères et bouillon végétal / tomme / millefeuille « caprice d’enfant » à la mirabelle et à la dragée écrasée.

Ce repas est d’une qualité irréprochable. Le plat le plus enthousiasmant, c’est le couscous de légumes, plat emblématique d’Alain Passard. Ensuite, la grouse est exceptionnelle, suivie du gratin d’oignons et du millefeuille. Tous les plats sont bons, cohérents, talentueux.

Le Champagne Krug 1979 a une couleur très ambrée. La bulle est fine, minuscule et très active. En bouche, ce champagne est d’un rare plaisir. Il est expressif, confortable, charmeur. On sent le miel, le croissant tout chaud. Tout est charme en ce grand champagne.

Le Puligny-Montrachet Les Enseignères domaine Coche-Dury 1996, s’il est puissant, n’est pas envahissant. Car il s’est bien assemblé, devenant cohérent. C’est un vin qui dépasse le meilleur niveau des Puligny-Montrachet. L’huile des tomates permet de créer un bel accord, alors qu’il était improbable sur le papier.

Ce qui est fascinant avec le Château Laville Haut-Brion 1962, c’est qu’il est impossible de lui donner un âge. Alors que le Krug 1979 fait son âge, voire un poil plus, ce vin est intemporel. Sa couleur est d’un jaune citron. Son parfum est frais. En bouche, il est d’une précision extrême, de cette précision que l’on rencontre avec les meilleurs rieslings comme le Clos Sainte Hune de Trimbach. L’accord avec le saint-pierre est parfait. Ce vin est au sommet de son art, racé, noble, percutant.

Le Château Margaux 1/2 bt 1928 est fascinant. Son parfum est d’une force incroyable. Sa couleur est d’un rouge sang de pleine jeunesse. Le vin remplit la bouche de sa plénitude. Il est grand, à peine torréfié. Il est convaincant. C’est un très grand vin. J’avais ouvert ce même vin au Garance et Gérard Besson ne voulait pas croire qu’il soit possible qu’une demi-bouteille de 1928 puisse donner tant de jeunesse épanouie. Nous sommes dans la même configuration.

Le Château Latour 1914 a une couleur un peu trouble et donnant des signes d’âge. Le parfum est discret mais précis. En bouche, le vin montre une petite acidité lorsqu’on le boit sans plat. Avec la grouse, il devient follement gastronomique, perd ses signes d’âge et devient un vrai Latour, noble et distingué, même s’il n’a pas le caractère conquérant que Latour peut avoir. J’en ai offert un verre à Alain Passard qui l’a partagé autour de lui, pour autant de bonnes surprises.

Le charme sensuel des bourgognes se retrouve dans le Corton Grancey du Château Corton Grancey 1928. Il a quelques signes de torréfaction et de fatigue, mais c’est le charme qui triomphe sur le ris de veau. Notre ami coréen vivant à Singapour, qui préfère les bordeaux qu’il comprend mieux a vu ses convictions renforcées par une meilleure performance des bordeaux, mais le Corton Grancey, même incomplet, déclamait des complexités qui ne laissaient pas indifférent.

J’avais appelé à la raison en demandant qu’on n’ouvre qu’un seul sauternes, mais ma voix n’a pas pesé lourd. Nous avons donc pu comparer deux sauternes éblouissants. Le Château Lafaurie Peyraguey 1947 est d’un or glorieux, un peu plus foncé que l’autre. Son attaque est puissante avec un alcool affirmé et la cohérence du message est percutante. Ce qui me frappe, c’est la fraîcheur gracile de l’attaque, qui cohabite avec la puissance envahissante du Lafaurie.

Le Château Rayne-Vigneau 1947 a la même cohérence et le même accomplissement. Mais il a un peu plus de profondeur et de complexité. Il joue en douceur avec une efficacité redoutable. Les deux sauternes sont exceptionnels et selon les gorgées, on va aimer celui que l’on vient de boire. Les deux évoquent la mangue et les fruits jaunes dorés.

Nous avons bu des vins d’une grande qualité. Nous n’avons pas voté et ce serait bien difficile. Si je me risque, voici ce que serait mon classement : 1 – Château Margaux 1/2 bt 1928, 2 – Château Rayne-Vigneau 1947, 3 – Château Laville Haut-Brion 1962, 4 – Champagne Krug 1979.
Mais
si l’on me proposait un classement différent, je ne le refuserais pas, tant les vins furent tous de grande classe. Car chacun des quatre que je retiens est au sommet de son art.

Le repas fut un grand moment de gastronomie. On sent que l’équipe d’Alain Passard est tonique et motivée par ce grand chef chaleureux. Mes amis sont si fous qu’ils échafaudent d’autres moments de folie. J’ai bien peur de ne pas résister à leurs chants de sirènes et de les suivre dans cette jolie folie.

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Régis Marcon cuisine à quatre mains aux Crayères mercredi, 11 septembre 2013

L’hôtel Les Crayères à Reims a eu la riche idée d’organiser des repas à quatre mains et cinq étoiles avec Philippe Mille, le chef deux étoiles des Crayères et avec un chef trois étoiles. Ce soir, c’est Régis Marcon qui donne la réplique à Philippe.

Voici le menu concocté par les deux chefs : royale de foie gras d’oie, gelée de ratafia de la Champagne / dos de bar de ligne à la vapeur de champagne, vernis, couteaux et céleris boules étuvés / couci-couça d’agneau au praliné de cèpes, figue farcie / chaud-froid de banane et poire, caramel de morilles.

Les deux premiers plats sont de Philippe Mille et les deux suivants sont de Régis Marcon. Il s’agit de créations pour cette soirée. Il serait assez difficile de classer ces plats d’une créativité réfléchie. Chaque plat est porteur d’émotion. La royale de foie gras a un finale qui donne des évocations fruitées de pêches blanches que rien ne laisserait supposer, le dos de bar est d’une élégance et d’une justesse de ton exceptionnelle, l’agneau est d’une maîtrise qui fait comprendre pourquoi un chef peut obtenir trois étoiles et le dessert est probablement le plus abouti des quatre plats, avec une cohérence d’anthologie.

Alors, c’est un festival de bout en bout. Régis Marcon a découpé en salle les échines d’agneaux et c’est un régal de voir la précision des gestes. La vedette était manifestement du côté des cuisines.

Le Champagne Mumm Blanc de Blancs Mumm de Cramant magnum sans année est pris à l’apéritif. C’est un champagne de soif bien agréable, sans longueur excessive, qui se reprend avec plaisir.

Le premier plat accueille un Champagne Jacquesson Dizy Corne Bautray 2004 d’une belle tension. Le Champagne Jacquesson Avize Champ Caïn 2004 est de la même veine que le précédent, affuté, et trouvant dans le bar un écho très favorable.

Même si le Champagne R. Lalou Mumm 1999 a de grandes qualités, il est trop discret pour être à l’unisson de l’agneau, transcendantal pour lui.

C’est en fait le Champagne Mumm Extra Dry Carte Classique, fait avec des vins des années 90 qui a créé le plus bel accord de cette soirée, car malgré son dosage, sa douceur renvoyait un beau clin d’œil au caramel de morilles.

Mumm était venu en force, et tous les représentants de cette honorable maison sont restés entre eux, sans communiquer avec l’extérieur, vivant cet événement comme un séminaire interne. L’intérêt de ces événements extraordinaires où des chefs créent ensemble aurait été de susciter plus d’échanges.

Quelques fidèles se sont retrouvés sous la yourte du jardin, qui avec un champagne Billecart Salmon, qui avec un cognac Hine. Pour moi ce fut de délicieux et puissant Cognac Hine 1960.

Hervé Faure, avec les encouragements de Laurent Gardinier, a lancé un concept très fort, qui est un émerveillement à chaque nouveau happening à quatre mains.

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Le cercle Climats Côte Chalonnaise mercredi, 11 septembre 2013

Dix vignerons se sont regroupés en un cercle « Climats Côte Chalonnaise« . Ils font des Mercurey, Givry, Rully et Bouzeron, et ont invité des professionnels dans l’appartement du Questeur du Sénat. Connaissant quelques acteurs de cette sympathique association, j’ai tenu à venir les saluer.

Chaque maison présente cinq vins, ce qui représente une bonne cinquantaine de vins à déguster. En blanc, ce sont généralement les 2012 et 2011 qui sont sur table. Si la qualité des vins est certaine, j’avoue que la jeunesse de certains vins rend difficile d’apprécier tous leurs atouts pour un amateur de vins anciens. Aussi est-il peu pertinent que je fasse des appréciations de ces vins. J’ai préféré bavarder avec des vignerons de haute qualité.

L’ambiance était très amicale et les vins fort bons. Il est sûr que l’on reparlera de ce cercle où j’ai découvert quelques bonnes pioches, à laisser vieillir bien sûr !