Très beau dîner au restaurant Akrame jeudi, 26 septembre 2013

Nous allons dîner en ville, ma femme et moi. C’est elle qui a choisi un lieu que je ne connais pas, le restaurant Akrame. Le format ressemble à celui de Yamt’cha ou l’Astrance : petite cuisine, petit nombre de tables, menu imposé. Il y a un petit et un grand menu, mais on nous fait comprendre que si l’on veut s’imprégner du talent créatif du chef, il serait bon de prendre le grand menu.

Je demande la carte des vins et je constate qu’elle est fort intelligente. Ne sachant pas ce qu’il y a au menu, je m’oriente vers les champagnes. Le maître d’hôtel sommelier pointe un vin sur la liste. J’en pointe un autre et cela produit la réaction suivante : « hors carte des vins, j’ai des Selosse ». Voilà quelqu’un qui sait parler à mon cœur. Je commande le Champagne Selosse millésime 2002 dégorgé en 2012. Le serveur a marqué des points.

Le menu, dont les intitulés ne sont donnés qu’à la fin du repas est : mini chou-fleur au beurre noisette / papier à l’encre de seiche / anguille fumée, croquant olives noires / yaourt / tomates noires de Crimée et litchi / coques, fenouil au Campari, beurre aux agrumes / cœur d’agneau, feuille d’huître, hareng / homard, citron, sel de homard / lotte au foin, courgettes, abricots / sorbet citron confit / ris de veau, oignon des Cévennes, émulsion pomme de terre / Ossau Iraty, champignons / ananas au charbon en monochrome tout chocolat, figue, badiane, crème anglaise citronnée.

Le chef est talentueux et c’est un festival de créativité, d’ingéniosité et de réalisation. Le chef est d’Oran aussi reconnaît-on les besoins d’épices et de citron comme soutien permanent. Mais le chef veut aller très loin et il y réussit. La lotte est un plat de première grandeur. Le dessert à l’ananas est un chef-d’œuvre d’inventivité. A côté de ces plats, certains sont parfois extrêmes. Les coques sont délicieuses, mais trop marquées par le pamplemousse. Le ris de veau, à force de vouloir bien faire, limite l’émotion. Mais l’on retient surtout le côté positif des choses. Voilà une cuisine enlevée, innovante, qui va progresser et devenir brillante avec la maturité.

Le service est attentionné et veut bien faire. On ne peut que l’encourager. La vedette, c’est le Selosse 2002. Son attaque est incroyablement fruitée. Il est généreux, droit comme un ‘i’, époustouflant de diversités aromatiques. Quel bonheur. Je n’ai jamais bu un 2002 de Selosse aussi joyeux que celui-là. Il faut dire que l’ADN des plats du chef étant imprégné de citron, le champagne s’en régale. Heureux que j’étais, j’en ai donné un verre à la table voisine où un américain d’origine asiatique et une japonaise vivant tous les deux à Hong-Kong fêtaient leur voyage de noces. Nous avons conversé avec l’envie commune de mieux nous connaître.

C’est un restaurant que l’on peut chaudement recommander. Le lieu va progresser, le chef va conserver son talent avec une moindre volonté de prouver à tout prix qu’il est grand. Il n’en a pas besoin. Longue vie à Akrame, restaurant chaleureux de grand talent.

le lieu étant très sombre, les photos sont imparfaites

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très belle idée de joindre les représentations graphiques des plats

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France samedi, 21 septembre 2013

Nouveau déjeuner de conscrits au Yacht Club de France. Ayant un dîner de wine-dinners le soir même, je déjeunerai à l’eau. Thierry Leluc, le dynamique directeur de la restauration du club a conçu un menu fondé sur la qualité des produits.

L’apéritif tourne autour de tranches de jambon de Bretagne et d’encornets délicieux aux herbes vertes. Quelle surprise de voir un homard bleu entier servi pour chacun. Le titre du plat est gentiment hypocrite : « nos œufs mayonnaise dans les pinces d’un bleu ». La viande est d’une grande qualité. C’est un filet de bœuf race limousine aux pieds de mouton, tajine de légumes et gratin dauphinois. Les fromages sont d’Eric Lefebvre, meilleur ouvrier de France. Le dessert est un millefeuille aux fraises et framboises.

Une fois de plus, on sent l’engagement de ce club pour nous offrir une cuisine de très haut niveau.

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Déjeuner au restaurant Mary Goodnight 78 rue d’Auteuil samedi, 21 septembre 2013

Radio Courtoisie est une radio libre sans publicité qui ne vit que de dons. Le journaliste qui m’interroge est bénévole. La discussion porte sur mon livre puis elle dérive vers les vins, car nous sommes juste avant Noël. En une heure et demie de discussion, on pourrait penser que j’ai épuisé tout ce que j’avais à dire, mais en fait je n’ai pas abordé plus qu’un dixième de ce que je voulais dire.

J’invite le journaliste Hugues Sérapion en un endroit qui m’est inconnu et porte un nom curieux. C’est le restaurant Mary Goodnight dont la cuisine est d’inspiration indienne. Je veux faire plaisir au journaliste en commandant un Dom Pérignon 2002, mais il n’y en a plus. Les cartes qui ne représentent pas l’offre disponible, ça a le don de m’énerver. Je commande un Château La Lagune 2006 et ce sera un petit clin d’œil à Caroline Frey qui participait au dîner de vignerons d’il y a une semaine.

Nous prenons des Spring Rolls de crevettes et un Tigre V.O. qui est en fait une agréable pièce de bœuf coupée en tranche peu épaisses, d’où le tigre. La cuisine est bonne, aidée par les douces épices qui ont l’avantage de ne pas écraser le vin. Son nez est d’une belle richesse et l’on pressent des tanins puissants. En bouche le vin est solide, aux tanins très présents et j’ai perçu un agréable velouté. Le vin est très cohérent, mais j’aurai toujours du mal avec les bordeaux trop jeunes quand on pressent combien il sera grand dans vingt ans quand toutes les pièces du puzzle seront assemblées.

La décoration du lieu est agréable, le service est assez attentif. C’est une aimable cuisine, mais à part des deux vins cités, la carte est trop maigre pour un amateur de vin.

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Déjeuner au restaurant Garance samedi, 21 septembre 2013

Des convives américains du 171ème dîner cherchant un restaurant pour le déjeuner du lendemain suivent les indications de Tomo, qui était présent et suggère naturellement Garance. Il insista tellement pour que je vienne que je me retrouve, à l’insu de mon plein gré au restaurant Garance avec les restes des vins de la veille, car des magnums pour huit personnes sont difficiles à finir.

Il est intéressant de noter que le Montrachet Guichard Potheret magnum 1988 est nettement meilleur que la veille, alors que les vins sont allés du Laurent à mon domicile puis au Garance, passablement agités pendant ces trajets. Le vin a gagné en précision et en tension. Il est devenu ce que j’aurais souhaité hier.

Le Château Gruaud Larose magnum 1950 est toujours aussi brillant et enthousiasmant. J’en suis encore amoureux tant il combine la puissance de l’attaque et le joli fruité en finale.

Le Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, s’est éteint depuis la veille. On ne peut pas le lui reprocher, puisque c’est hier qu’il devait briller, et il l’avait fait.

Les restes ne pouvaient pas suffire pour accompagner l’excellent menu dégustation de Guillaume Iskandar, dont le talent s’affirme de plus en plus. Il a pris ses marques et fait une grande cuisine. J’ai apporté un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. La couleur est de pêche, magnifique. Le champagne est impérial. Il est complexe, changeant, déroulant des arômes complexes, et très gastronomique c’est un immense champagne.

Le restaurant Garance s’inscrit maintenant à l’évidence dans les tables qui comptent à Paris.

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171ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent vendredi, 20 septembre 2013

Le 171ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. A 17 heures, comme d’habitude, je viens ouvrir les vins pour qu’ils s’épanouissent par oxygénation lente. Lorsque je choisis les bouteilles, c’est souvent l’instinct qui me guide. Un magnum d’un bourgogne de 1985 me fait un clin d’œil et je l’inclus dans le dîner, sans savoir de quel producteur il s’agit. Seule l’étiquette du millésime est encore présente. Lorsque j’ouvre la bouteille, un large sourire barre mon visage. Je peux lire distinctement sur le bouchon que le domaine est de Charles Noëllat, l’un des plus brillants vinificateurs de la Bourgogne. Je suis heureux car mon intuition était bonne. Il semble que ce jour est celui des surprises agréables, car le magnum flambant neuf de Gruaud Larose 1950, que j’imaginais reconditionné au château est en fait rhabillé au château, ce que je préfère cent fois. Le bouchon est d’origine, le niveau est superbe et le vin est une promesse de bonheur par des parfums envoûtants.

La même belle surprise vaut aussi pour le Filhot 1928 qui brille comme un sou neuf et a conservé son bouchon d’origine. C’est étrange que les domaines n’indiquent pas quand le vin a été seulement rhabillé. Car gustativement, il y a un monde entre un vin reconditionné, donc ouvert, et un vin au bouchon d’origine.

Comme les surprises devaient continuer, je constate que le bouchon du vin de secours apporté « pour le cas où » a baissé de deux centimètres. Alors qu’il n’y a aucune obligation de prendre une bouteille de secours puisque les senteurs sont toutes parfaites, il faut ouvrir ce vin qui ne supporterait pas un retour à ma cave. Le bouchon tomberait. C’est un Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970.

Une heure avant l’heure du repas, les trois américains arrivent. Ils prennent un apéritif pendant que je finis de me préparer. Nous sommes huit ce soir, dont des américains plus cosmopolites qu’annoncé, puisque Dieter est australien, Lilly a des origines du Canada et de Bulgarie. Seule Sarah est une américaine, texane vivant à Boston. Lilly et Sarah sont chirurgiennes. Le contingent français comprend des habitués et des nouveaux. La parité que visent désespérément les hommes politiques est respectée à notre table. L’ambiance n’en est que plus agréable.

Le menu mis au point par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon est : merlan frit en goujonettes / pince de tourteau décortiquée et nappée par un beurre monté citronné / noix de ris de veau dorée au sautoir, girolles / pigeon à peine fumé et rôti, cèpes / saint-nectaire / mirabelles poêlées dans leur jus.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1975 est pris en apéritif dans la jolie rotonde d’entrée. C’est une belle surprise car je ne l’attendais pas à ce niveau. Sa bulle est active, sa couleur est encore jeune, et son goût pétillant est d’une grande jeunesse. S’il s’est bien assemblé, il garde encore de beaux signes de jeunesse avec des accents de fleurs. Il est très agréable à boire et accompagnera très bien certains plats du repas.

Le Montrachet Guichard Potheret magnum 1988 est solide comme un roc. Il a la générosité d’un montrachet, la sérénité d’un vin de vingt-cinq ans, et ce que j’aime, c’est le gras qu’il donne au palais sans perdre sa fraîcheur. Le seul reproche que je lui ferais, s’il fallait en faire un, c’est d’être un peu trop consensuel et de ne pas chercher à heurter le palais. L’accord avec le tourteau est brillant.

Trompettes de la renommée, sonnez, car le Château Gruaud Larose magnum 1950 est absolument parfait, un vin exceptionnel. Il attaque comme un solide Saint-Julien, plutôt plus conquérant qu’un Saint-Julien. Il a la force la noblesse, des aspects de truffe ou de bois brûlé. Certains parlent de mine de crayon, mais c’est plus noble que cela. Et c’est alors que le miracle apparaît car le finale du vin est tout en fruits roses comme des framboises. Et ce finale est d’une fraîcheur de très grand vin. Je jouis de ce vin sans modération. L’accord avec le ris de veau est bon, sans dégager la petite étincelle qui rehausserait le vin qui n’en a pourtant pas besoin. L’année 1950 a donné des vins d’une rare solidité, année dont on parle relativement peu dans les livres. Ce Gruaud Larose donne raison à mon amour des 1950.

Le Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985 est du velours. Il a un charme extrême tout en ayant la rigueur des 1985. Il est tellement suave qu’il est presque doux. Bien sûr, il est très jeune, marquant un saut important après le superbe 1950, mais on l’aime dans sa jeunesse équilibrée. On dit souvent que le bordeaux parle à l’esprit et que le bourgogne parle au cœur. Nous en avons la démonstration. Mais ce vin va plus loin. Il est d’une sensualité exacerbée qui émoustille les sens. Sa principale caractéristique est sa précision.

Etant dans l’impossibilité d’extirper le bouchon du Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970 lors de la l’ouverture, j’avais carafé le vin, extirpé le bouchon de la bouteille vide « à la ficelle », et versé le vin de la carafe à la bouteille. Ce double carafage a un peu tourneboulé le vin qui ne se présente pas avec autant de précision que le vin précédent. Mais il a beaucoup de charme, ne souffrant pas de l’étroitesse de son millésime. Ce vin rajouté au programme a beaucoup plu à mes convives. Le saint-nectaire lui a donné un coup de fouet spectaculaire.

Le Château Cantegril Sauternes 1922 est d’un or soutenu, plus sombre que celui du vin qui le suivra. Son parfum est d’un subtilité extrême, délicat, très odalisque d’Ingres. En bouche c’est un sauternes discret mais qui captive comme l’orateur qui parle soudain à voix basse. C’est un des plus grands Cantegril 1922 que j’aie bus, un sauternes qui correspond à ce que tout amateur devrait attendre et rêver. La mirabelle est cohérente mais fait apparaître un peu trop le sucre du sauternes.

Le Château Filhot Sauternes 1928 est d’un or conquérant, résolument ensoleillé. Son nez est majestueux, lourd de sensualité (décidément) et en bouche, sa plénitude est parfaite. Il serait impossible de critiquer un tel vin qui n’a pas le moindre défaut. On est en face d’un sauternes parfait, qui a commencé par être un peu sec puis a développé sa sucrosité avec talent.

Les discussions vont bon train, pratiquement toutes en anglais et les rires fusent. Aussi la séance des votes est-elle vécue comme une épreuve de concours. Trouver trois vins est assez facile. En trouver quatre est beaucoup plus dur. Nous sommes huit à voter pour les quatre meilleurs de sept vins. Ce qui est fascinant, c’est la diversité des votes. Les sept vins ont recueilli au moins trois votes, ce qui veut dire qu’ils ont tous été aimés. Et cinq vins sur sept ont été nommés premiers par au moins l’un des convives. Le Gruaud Larose est présent dans tous les votes. Qui pourrait prétendre qu’il y a un goût universel ? Cette diversité des votes serait une bonne leçon pour les experts péremptoires.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Gruaud Larose magnum 1950, 2 – Château Filhot 1928, 3 – Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, 4 – Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970, 5 – Montrachet Guichard Potheret magnum 1988.

Mon vote est : 1 – Château Gruaud Larose magnum 1950, 2 – Château Filhot 1928, 3 – Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, 4 – Château Cantegril Sauternes 1922.

La dynamique internationale de ce dîner aux fous rires nombreux en a fait un moment exceptionnel.

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Repas féerique au restaurant El Celler de Can Roca jeudi, 19 septembre 2013

C’est grâce à Didier Depond, président des champagnes Salon Delamotte que j’avais pu avoir une table à El Bulli. Il était tentant de recommencer pour aller à Gerone chez les frères Roca. Kim, l’importateur de Salon en Espagne trouve une table. Didier et moi prenons l’avion à Orly, direction Barcelone. Il y a bien dix degrés de température d’écart entre Barcelone et Paris. Le soleil est radieux.

Nous sommes dix à partager le déjeuner au restaurant El Celler de Can Roca tenu par les trois frères Roca. Je demande qu’on me laisse un espace pour ouvrir mes deux vins âgés de 117 et 157 ans. J’officie devant les convives, devant le chef sommelier Carlos et devant l’un des frères Roca. Il fait soif, aussi est-ce l’occasion pour Didier de présenter pour le première fois dans le monde le très attendu Champagne Salon 2002. Didier va être photographié à côté du frère Roca. Il a un doigt qui retient le bouchon. Alors que j’ouvre mes bouteilles, j’entends un grand bruit, la bouteille de Salon tombe devant mes pieds et la moitié du champagne se retrouve moussant sur mon pantalon.

La bouteille n’est pas cassée. Il en reste un peu et Didier m’en sert pour me consoler. Quelques verres sont brisés et heureusement mes vins sont intacts. Un incident de ce genre, le premier pour Didier, c’est forcément un signe de chance. Le 2002 de Salon vient d’être ainsi baptisé. Disons-le tout de suite aux amateurs qui attendaient avec impatience ce premier millésime de Salon qui commence par le chiffre 2, il tiendra toutes les promesses et tous les espoirs qu’on plaçait en lui. Il a déjà une maturité et un équilibre qui sont le signe d’un grand vin. J’ai senti des notes lactées et des fruits dorés. Mais c’est surtout l’équilibre et la profondeur qui frappent.

Pendant ce temps, même avec le pantalon mouillé, j’ouvre les deux vins qui ont des parfums absolument renversants tant ils sont puissants. Le frère Roca me demande ce que je mettrais en accompagnement de ces vins qu’il a sentis profondément. Je réponds, mais je sens que les frères feront à leur façon.

Notre table ronde est à une extrémité de la salle à la décoration sobre. On peut aligner toutes les bouteilles que nous boirons sur le meuble de présentation des verres et des vins qui nous sépare du reste de la salle. Le menu est un enchantement, c’est le magicien d’Oz. Mais parlons d’abord des vins.

Le Champagne Delamotte magnum 1983 est un peu strict au début mais il s’anime avec les entrées d’une grande complexité. Il devient beaucoup plus imposant et fait oublier qu’il vient d’une année assez faible en champagne. Il est une agréable surprise.

Le Riesling Cuvée des Comtes d’Eguisheim Domaine Léon Beyer 1975 est d’une précision que seul le cépage riesling peut donner. Riche joyeux, c’est un vin qui emplit bien la bouche. Il se boit avec bonheur. Il est élégant.

Le Sancerre la Grande Côte domaine Pascal Cotat 1990 a des aspects fumés, oxydés, et fait tout sauf sancerre. Mais il a tellement de charme qu’il faut le prendre tel qu’il est, très gastronomique.

Le Wehlener Sonnenuhr Auslese Joh. Jos. Prüm 1994 n’a pas créé de réel accord avec le plat qui lui était associé. C’est le seul vin qui m’a déçu.

Au moment où j’ai porté à mes lèvres le Champagne Salon magnum 1971 j’ai eu le choc physique que j’ai souvent lorsqu’il se passe quelque chose. Et je me suis trouvé devant ce que j’attends de Salon. Quand je bois Salon 1988 ou 1995, j’ai deux vins différents. Quand je bois 1990 ou 1997, j’ai encore deux vins différents. Et là, je suis face à ce qui est pour moi l’âme de Salon. Je n’aurai peut-être pas le même choc si je le rebois dans quelques jours. Mais sur l’instant, ce 1971 est vraiment l’âme de Salon, celle que je recherche, comme Suzanne, désespérément. Mes voisins de table ont vu à quel point j’étais sonné par ce coup de poing au cœur donné par un champagne brillantissime.

Le Equipo Navazos Flower Power 44 Jerez n’a pas d’âge, car je ne crois pas que le « 44″ qui figure sur la bouteille soit une année. Il a un charme très particulier. Je l’aime par son côté extrême, délivrant des saveurs changeantes.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Régnard magnum 1992 a une richesse qui mérite d’être signalée. Il est opulent pour un chablis et le Jerez précédent, très sec, lui a rendu un magnifique service.

Dans le verre il n’y a qu’une minuscule goutte de Cuatro Cortados Gonzales Byass 120 ańos Jerez. Mais quelle goutte ! On dirait une essence de Xérès, passée mille fois dans un alambic virtuel.

C’est la première fois que je bois un Musar blanc. Le Château Musar blanc Liban 1990 est une immense curiosité. Il est très oxydatif et ferait volontiers penser à un vin jaune s’il n’avait pas un caractère fumé. C’est un vin gouleyant de grand plaisir. Une grande et belle surprise, enchanteresse.

Je n’ai pas gardé de souvenir du Vina Pomal Grand Reserva Rioja 1955 alors qu’au contraire, le Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948 m’a conquis par son extrême sérénité. Tout en lui est équilibré et intégré. Il est fonceur et gastronomique.

Le Château Sigalas Rabaud 1er cru classé de Sauternes 1896 a un parfum d’un envahissement extrême. Il est tellement charmeur. En bouche, personne ne serait capable de donner un âge à ce sauternes parfait. Il a tout pour lui. Il est rond, équilibré, puissant, généreux, à la trace en bouche infinie. Pour tous autour de la table c’est une gigantesque surprise. Car il est parfait.

J’avais déjà bu plusieurs fois ce 1896 alors que le vin qui vient est le seul que j’avais dans ma cave. C’est un Marsala 1856. De tels vins sont aujourd’hui introuvables. Le vin est plus puissant, plus marqué par l’alcool, mais le vin est si aérien qu’il ne doit pas avoir été muté. Il est d’une élégance incroyable, d’une complexité sans égale, mais surtout il nous emmène sur des pistes inconnues. Il est plus complexe que le 1896.

Je suis content parce que les deux vins que j’ai apportés, d’âges canoniques, n’ont pas la moindre trace de défaut, et sont d’une vivacité plus grande que s’ils avaient cent ans de moins. Ce sont des vins de légende. Alors, si je devais faire un quarté, ce serait : 1 – Marsala 1856, 2 – Château Sigalas Rabaud 1896, 3 – Champagne Salon magnum 1971, 4 – Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948.

Et les plats dans tout cela ? Ayant égaré mon menu, dont j’espère recevoir une copie, les impressions qui suivent sont données sans support de texte. Le décor est planté instantanément. On apporte à chacun une assiette où sur un mini tronc d’arbre, il y a un lampion. On ouvre le lampion et l’on voit à l’intérieur cinq petites bouchées, posées comme en un bouquet, dont chacune représente les saveurs d’un pays. Il y a le Pérou, le Maroc, la Corée, la Chine et le Mexique. C’est spectaculaire et c’est gourmand. On apporte ensuite deux petits oliviers. Aux branches, ce sont des olives caramélisées qui pendent. On les cueille et c’est délicieux. Ensuite, il y a de fines galettes à la crevette qui forment le goût le plus envoûtant de ce que j’ai mangé. On passe ensuite à une boule étrange comme un Cromesquis, aux goûts impossibles à reconnaître. Viennent ensuite une purée de poisson à la cuiller, des dragées à la truffe, des champignons posés sur une pâte épaisse comme une brandade.

Une soupe basse température faite avec 26 saveurs différentes est un exercice tout en douceur. Une crème complexe à base de figue dessine une feuille de figue. Elle supporte des saveurs distinctes de toutes les couleurs. Arrive sur une ardoise ce qui ressemble à une tranche de gorgonzola. C’est en fait une crème d’asperge à la truffe, fort goûteuse. Le maquereau est d’une intelligence sidérante. Une préparation ressemblant à des spaghettis est faite de fruits de mer aux saveurs intenses et résolument mâles. Les crevettes roses contrastent par leur gracilité délicieuse. Les langoustines sont subtiles et traitées de façon originale avec le Xérès de 120 ans.

Se succèdent ensuite un plat de turbot aux saveurs complexes, un agneau à la peau caramélisée, un pigeon et des desserts que je serais bien en peine de décrire, car j’essayais de résister aux démons tentateurs qui m’entouraient. Ils estimaient que partir à 17 heures était inopportun et voulaient que nous restions encore, pour nous rendre ensuite à un match du F.C. Barcelone qui serait certainement suivi de nouvelles folies. Il leur semblait aisé que nous restions jusqu’au lendemain. Il a fallu se battre pour résister à la tentation.

A réception du menu, il est probable que je devrai corriger des erreurs, mais tant pis, il fallait restituer la mémoire de ce repas sur l’instant.

La cuisine de ce restaurant est d’une intelligence redoutable. Contrairement à El Bulli ou à Noma, la complexité s’appuie sur une cuisine naturelle et traditionnelle. Pas de chimie apparente dans ce que j’ai mangé. On est pris dans un tourbillon de créativité. Certains saveurs sont poussées à l’extrême et parfois osées. Mais c’est grand. Les accords mets et vins sont très réfléchis et le plus souvent pertinents. C’est une adresse où je reviendrai avec mon épouse, avec enthousiasme.

Le service est parfait, le rythme soutenu à cause de notre avion peut être ralenti. Mais nous l’avons bien supporté.

Alors, découvrir le nouveau meilleur restaurant du monde, qui mérite cette distinction, découvrir le Salon 2002 qui sera légendaire, et profiter des deux vins du 19ème siècle que j’ai apportés, c’est beaucoup pour une grande journée. Mais quelle joie, même les pieds mouillés !

le lieu et notre table

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le repas

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le chef Joan Roca vient nous rejoindre

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le menu complet et les vins sur ce document qu’il faut orienter dans le bon sens

déjeuner Frères Roca Gérone

Mon pantalon boit la première bouteille de Salon 2002 jeudi, 19 septembre 2013

Didier Depond a apporté les deux premières bouteilles au monde sorties du domaine, de Salon 2002. Regardez attentivement la photo. Didier veut être photographié avec Joseph Roca patron du restaurant Roca. Il a un doigt sur le bouchon, qui monte sans qu’il s’en aperçoive

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son doigt ne sait rien ! moralité, qui boit le premier Salon du monde ? Mon pantalon !

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la capsule est toute cabossée par le choc

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Déjeuner au restaurant Encore de Yoshi Morie jeudi, 19 septembre 2013

Lorsque le chef Yoshi Morie a quitté le restaurant Le Petit Verdot, ce fut un petit coup de tonnerre dans le monde de la gastronomie. Lorsqu’il a ouvert le restaurant Encore, la critique a unanimement salué cette naissance. Une table est réservée par ma fille. Le volume de la salle est agréable, la décoration minimaliste est de bon goût. Ici, ce sont des petites tables en bois et des ardoises qui servent de menu. L’atmosphère est de bistrot.

Je choisis dans l’intelligente petite carte de vins un Champagne Léclapart cuvée l’Artiste blanc de blancs extra-brut 2008. Mon choix sur l’ardoise est moules du Mont Saint-Michel, chou Kale, panais / boudin kintoa, persil, tubéreux / poire caramel, glace à la liqueur de cédrat. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi simple et aussi peu cuisiné. Lorsque je m’en suis ouvert au chef, il m’a indiqué que c’est le soir qu’il fait des plats plus gastronomiques. Ma fille est contente de trouver ici du chou Kale qu’elle est une des seules à offrir au café Pinson.

L’ambiance bistrot se confirme lorsqu’on constate qu’il n’y a pas de rince-doigt après les moules et lorsque les couverts ne sont pas changés entre les moules et le boudin. A ma question on répond : « bistrot ».

Le champagne est bien fait et on sent que le côté extra-brut est un peu fort et agresse les joues. Mais ce beau champagne accompagne tout le repas avec beaucoup de justesse. On y revient de plus en plus avec plaisir car il s’assagit. La cuisine est simple, peut-être un peu trop simple par rapport à ce que j’attendais. A revoir le soir, car dans ce cadre agréable, j’aimerais bien que le grand talent de ce jeune chef s’exprime.

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