doit-on dire le ou la finale ? mardi, 26 mars 2013

Lorsqu’on parle de finale d’un vin, doit-on dire le ou la finale ?

Personnellement, j’aime bien dire le final, car cela me fait penser à la musique, à un opéra, plutôt que de dire la finale qui me fait penser à Roland Garros.

La finale d’un vin n’est pas un combat alors que le final d’un vin peut être une apothéose.

La question étant posée, j’ai regardé le Petit Robert.

Et à ma grande surprise, le final d’un Opéra s’écrit le finale, car on s’inspire du mot italien « finale » que l’on prononcerait en italien finalé mais le dictionnaire nous dit qu’on prononce final.

Alors, je devrais écrire le finale.

A première vue, ça choque. Car les mots en « ale » qui sont masculins ont un chapeau sur le a.

Hâle, mâle, râle, sont des masculins à accent circonflexe.

Mais la langue française glisse ou serpente avec délice et c’est alors qu’arrive le crotale, enroulé autour d’un squale.

Ces deux animaux m’indiquent qu’on peut écrire le finale.

 

Là-dessus, on me souffle dans l’oreillette que le Hachette du Vin parle de la finale.

En gaulois têtu, j’utiliserai le finale, car le lien entre le vin et la musique est plus pertinent pour moi que le lien avec une compétition sportive.

Vive le finale !

Stéphane Derenoncourt presents the 2012 of the wines for which he is consultant lundi, 25 mars 2013

It is the tenth time that Derenoncourt presents the wines of the numerous domains for which he acts as a consultant. It was in Paris in hotel George V.

Usually, the presentation is made some months after the week of primeurs, but this time it is more than one week before.

I am always amazed to see how numerous the domains using his advises are. It is around 60, mainly in Bordeaux but also all over the world.

For the 1st time, I have drunk wines of India. I will need probably one thousand years to understand the Vedic qualities of these wines.

 

What is amazing is that the juices are extremely friendly and nice to drink. Some are already very pleasant to drink.

What is positive too is that the wines are all different which means that they do not have a « Derenoncourt style », but their own style, with a grain of salt of the Derenoncourt talent.

 

Some wine have pleased me a lot : Clos Fourtet, Larcis Ducasse, Smith Haut Lafitte, Canon La Gaffelière, La Mondotte, La Gaffelière, Domaine de Chevalier, Petit Village. These wines have a real character, and are largely more pleasant than what I expected.

 

This said, is it possible to predict something at that stage ? First I am not a specialist of young wines. But I think that the wines which appear to be well built and coherent will be greater wines than the ones that look to be imprecise. Using this type of exclusion : well built versus imprecise is possible for me. But to prognosticate the future of wines one by one is probably not accurate if it would be made by someone like me.

 

My impression is that the wines that I have named are great wines. Now let us wait until the real experts appear on the scene on the beginning of April. We will probably hear that 2012 is for the twelfth time, the millesime of the century.

« l’écurie » de Stéphane Derenoncourt présente ses 2012 lundi, 25 mars 2013

Les vignobles qui composent « l’écurie » de Stéphane Derenoncourt présentent leurs 2012 dans les salons de l’hôtel George V. C’est la 10ème édition. Habituellement, cette présentation est faite quelques mois après la semaine des primeurs du début avril à Bordeaux, mais pour ce millésime la présentation est faite un peu plus d’une semaine avant la fameuse grand-messe des primeurs qui rassemble la terre entière du vin. Ce qui impressionne toujours, c’est de voir le nombre important de propriétés qui ont pour conseil la société Derenoncourt Consultants. De plus, rivalisant avec l’Empire Britannique, le soleil ne se couche jamais sur le champ de bataille de cette société : Italie, Turquie, Syrie, Inde, Etats-Unis, Maroc, et beaucoup d’autres pays font appel à ce brillant winemaker.

Dans les ors de ce bel hôtel, tout le monde est accueillant. Alors que 2012 était annoncée comme une année difficile et alors que les vins sont des bambins, reproche que l’on fait généralement à la semaine des primeurs, les jus sont chaleureux et extrêmement agréables à boire. Commençant par La Mondotte et Canon La Gaffelière, je suis surpris par la rondeur de ces vins.

La deuxième constatation est que les vins sont très différents ce qui indique qu’ils ne sont pas faits selon un « cahier des charges » de Derenoncourt Consultants, mais bien en fonction des caractéristiques propres de chaque domaine.

Parmi ceux que j’ai aimés, je retiendrais volontiers Larcis-Ducasse, Clos Fourtet superbe, Canon Lagaffelière et la Gaffelière, Smith Haut-Lafitte, Domaine de Chevalier, Poujeaux, Petit-Village, Guadet. J’ai bien aimé aussi le vin de Monsieur Louis, le Château Louis du propriétaire de l’Ami Louis, comme le Château Clarisse, du nom de la fille de M. Le Calvez, directeur du Bristol. Restauration et vin font bon ménage !

J’ai revu avec plaisir le souriant propriétaire de La Soumade avec lequel nous avons des souvenirs de folies bachiques, maintenant prescrites. Pour la première fois de ma vie, j’ai goûté deux vins faits en Inde, et je pense qu’il me faudra bien mille ans avant d’en comprendre les subtilités védiques.

On peut se poser la question de l’intérêt de boire des échantillons aussi jeunes. J’aurais bien du mal à reconnaître chacun de ces vins, si je les connaissais bien, sur ces seuls jus. Mais il est réaliste de penser que ceux qui apparaissent brillants sur cette session ont plus de chance de devenir grands que ceux qui paraissent plus imprécis. On peut donc plus facilement détecter des imperfections que prédire l’avenir des vins même quand ils sont flatteurs maintenant.

C’est de toute façon un bel exercice, qui m’a permis de pressentir que beaucoup de ces vins seront réussis. A suivre avec les experts des vins en primeur, qui nous diront peut-être pour la douzième fois que c’est le millésime du siècle.

168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent dimanche, 24 mars 2013

Gerhard est compositeur et chef d’orchestre. Sigrid est violoniste et professeur de violon. Ils vivent à Graz en Autriche et sont fous de vins. Ils viennent à Paris pour quelques jours et proposent que nous fassions un dîner de vins. Gerhard m’a envoyé sept bouteilles de vin, ce qui impose d’élargir notre groupe. Je contacte quelques amis en leur demandant de ne pas apporter de vin, puisqu’il y aura pléthore. La forme de l’organisation du dîner est celle d’un wine-diners aussi sera-t-il le 168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. J’indiquerai les vins de Gerhard par « (GP) ».

A 18 heures j’ouvre les vins et quelques parfums sont magistraux : celui de Laville Haut-Brion 1962 est conquérant, celui du Gruaud Larose 1922 est tellement flamboyant que je referme vite la bouteille avec un bouchon neutre pour ne pas perdre cette richesse olfactive et celui de la Côte Rôtie 1983 est tonitruant. Aucun autre parfum ne me fait peur.

Les amis arrivant de façon échelonnée, je commande sur la carte du restaurant un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2002. Classique, solide et fin, il est une bonne entrée en matière.

Le Champagne Pol Roger Blanc de Blancs 1985 apporté par Jean-Philippe marque un saut qualitatif significatif. Ce qui marque, c’est l’impression d’être en face d’un champagne parfait. Le sentiment de plénitude est spectaculaire. Alors, nul n’est besoin de décrire ce champagne, car c’est la sérénité l’opulence, la cohérence qui sont ses caractéristiques.

Après l’apéritif pris dans le salon en rotonde, nous passons à table. Nous sommes neuf dont sept buveurs.

Le menu mis au point par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret est : royale d’oursins / carré d’agneau de lait grilloté/ canard croisé rôti, navets et endives caramélisés / Frégola-sarda truffée / fourme d’Ambert / cheese-cake et mangue fraîche, sur un sablé au citron vert / tarte fine au chocolat noir.

Le Champagne Krug 1973 est complètement différent du Pol Roger 1985. Si l’on voulait s’amuser à faire un parallèle, on dirait que le Pol Roger, c’est une Côte Rôtie de Guigal et que le Krug est un vin de la Romanée Conti. Car le Pol Roger est l’expression d’une joie de vivre sereine et le Krug est d’un raffinement subtil et émouvant. Ce champagne est d’une grande classe, presque insaisissable tant il déborde de complexité. Il est accompagné par des petits toasts au foie gras qui lui vont bien.

Le Riesling Ried Klaus Naturrein 1970 (GP) a la pureté d’un beau riesling mais il manque un peu de longueur. Il est masqué par le glorieux Château Laville Haut-Brion 1962 (GP) qui est d’une insolente jeunesse. Sa couleur est d’un jaune clair, moins jeune que celle du Carbonnieux blanc 1955 bu il y a deux jours. Mais les deux vins partagent beaucoup de qualités. Le Laville a un nez riche et envahissant, une acidité bien contrôlée et un kaléidoscope de saveurs impressionnant. La royale d’oursin goûteuse aide bien le riesling et cohabite judicieusement avec le Laville.

Le Château Gruaud Larose 1922 a un parfum impressionnant évoquant de lourds fruits rouges. Il est étonnant qu’un vin de 1922 puisse avoir cette puissance, mais c’est bien un 1922. Il est difficile de lui donner un âge car sa couleur est d’un beau rouge sang et son goût, dont Luc et Gerhard disent qu’il est très Saint-Julien est d’un épanouissement absolu. Il a de beaux fruits rouges et un accomplissement qui nous ravissent. Sa longueur est imposante.

J’avais peur que La Romanée, Domaine de la Romanée, Bichot 1969 ne soit pas au rendez-vous car elle avait un niveau assez bas. Si je l’ai choisie, c’est un clin d’œil, car Gerhard avait organisé il y a moins d’un an à Graz une verticale de 41 millésimes de la Romanée du Domaine de la Romanée. De fait, le vin est magnifique, très bourguignon avec des suggestions salines. Il a beaucoup de sensibilité.

A côté de lui sur le goûteux canard, le Richebourg 1949 Jules Belin (GP) est beaucoup plus puissant, aidé par une année splendide, mais il est un peu trop simple à côté de La Romanée. Sans cette proximité, on l’aimerait beaucoup.

La Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Dervieux 1983 (GP) qui avait à l’ouverture un parfum tonitruant est d’une force tranquille très agréable. C’est le vin de plaisir mais aussi de raffinement. La Fregola-sarda est superbe mais quelques amis seront gênés par une excès de poivre comme ils l’avaient été avec le piment du carré d’agneau, un peu brûle-gueule. Cette Côte Rôtie est splendide.

Le Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962 (GP) est un vin de grande classe et de grande subtilité. Plus fin que son voisin du Rhône, il souffre un peu du rayonnement du 1983. Mais je l’ai préféré du fait de sa finesse.

J’avais peur de la couleur un peu sombre du Château Rayne Vigneau 1938 et c’est pour cela que j’avais prévu un deuxième sauternes. Mais la couleur dans le verre est beaucoup plus belle et dorée que celle du vin dans la bouteille. Le nez du vin est très expressif, profond, dans des fruits bruns. En bouche, sa densité est belle et il est magnifiquement accompagné par la fourme d’Ambert dont le crémeux est exactement ce qu’il fallait. Malgré une année de petite réputation, nous jouissons d’un très agréable sauternes.

Le Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973 (GP) n’a pas d’étiquette d’année. Gerhard le date de 1973 car le vin a eu une médaille d’or en 1976. Ce vin en demi-bouteille a la perfection du riesling. Je suis toujours impressionné par la précision du riesling, cépage génial. Le vin est délicieusement doux, avec un faible alcool que Gerhard estime de 11°. Le vin est magique.

Le Haut Sauternes Guithon Négociant vers 1894 est difficile à dater, mais fait partie d’un lot que j’ai acheté où tous les sauternes sont de 1891, 1894 et 1896. Prenons donc la valeur médiane. On ressent bien l’écart d’âge avec le Rayne Vigneau et mon cœur penche vers le plus âgé des deux. Je lui trouve un peu plus de profondeur que le 1938.

Le Banyuls Bartissol Vieille Réserve (GP) est probablement des années 50 ou 60. Il est assez simple mais franc et accompagne bien le dessert au chocolat. C’est un vin de gourmandise.

C’est le moment des votes. Il convient de signaler que le Pol Roger 1985 ne figurait pas sur les menus et a été oublié dans les votes. Je suis sûr qu’il en aurait recueilli. Nous sommes huit votants pour quatre vins chacun. Huit vins ont eu des votes. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Gruaud Larose trois fois, le Laville deux fois ainsi que la Côte Rôtie et le Krug une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Château Laville Haut-Brion 1962, 3 – Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Drevieux 1983, 4 – Champagne Krug 1973, 5 – La Romanée (Bichot) 1969.

Mon vote est : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Champagne Krug 1973, 3 – Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973, 4 – Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962.

Les plats étaient judicieux, mais le dosage des épices a parfois gêné certains convives. Le service des vins par Virginie mérite tous les éloges et le service attentionné est toujours remarquable. L’ambiance multilingue était particulièrement enjouée. Il y avait autour de la table de solides connaisseurs de vins, dont les commentaires documentés et pertinents ont contribué à la réussite de cet excellent dîner.

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de beaux bouchons

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belle forêt de verres

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167ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen vendredi, 22 mars 2013

Le 167ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. Lorsque j’avais fait les photos des bouteilles il y a une semaine, avant de livrer les vins au restaurant, j’avais trouvé que l’aspect de deux d’entre elles pouvait laisser penser à des problèmes. J’ai donc rajouté deux bouteilles plus une qui sera une sécurité supplémentaire. Les deux bouteilles ont été rajoutées sur le menu, mais pas la troisième dont l’ouverture n’est envisagée qu’en cas de nécessité.

A 17h30, tout a été préparé dans le beau salon Cariatides 1, d’où l’on voit l’Obélisque et son casque d’or au dessus des cimes des arbres du jardin qui conduit directement du restaurant à la Place de la Concorde. A l’ouverture, le bouchon du Carbonnieux blanc 1955 s’émiette. La Tâche 1950 a sur le sommet du bouchon une odeur de terre et le parfum du vin me soucie, comme celui du Macon blanc. Il s’agit des deux bouteilles qui m’inquiétaient la semaine dernière.

Le vin que j’ai un peu rapidement appelé Echézeaux Joseph Drouhin 1947 du fait de lambeaux d’étiquette qui ressemblent aux lambeaux d’étiquettes de plusieurs vins que j’ai en cave de cette maison est difficile à identifier. La capsule indique : Cave du restaurant la Bourgogne. Sur l’étiquette je peux lire que la fin du nom du vin est « …ES ». Deux idées me viennent : Bonnes-Mares, ou Nuits Cailles. J’exclus Pernand-Vergelesses et Auxey-Duresses, à cause de la taille des caractères. Le bouchon est beau et me rappelle ceux des Nuits Cailles 1915. Le nez du vin est magnifique. Je goûte un peu du vin et je serais tenté d’imaginer une très grande année ancienne. Dans mon hypothèse, je conçois bien un Bonnes-Mares 1929. Ça ne restera qu’une ébauche d’idée.

Ayant fini d’ouvrir les bouteilles annoncées aux inscrits et les deux supplémentaires, je pourrais estimer qu’avec treize vins dont deux fatigués, nous avons assez pour dix personnes. Mais j’ai furieusement envie d’ouvrir la bouteille qui ne figure pas sur les menus imprimés par le restaurant. Je compte un, deux, trois et hop, c’est parti et je me félicite car le parfum du vin est absolument diabolique. Ce vin est extraordinaire. J’annonce au sommelier qu’il faudra le faire boire à l’aveugle, pour que la surprise de mes amis n’en soit que plus grande.

Tous les convives sont à l’heure, ce qui est agréable, dont quatre, venant de province, sont largement en avance. L’un d’entre eux a soif et veut commander un champagne. Je lui explique qu’il y a quatorze vins au programme, mais il a envie et commande un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2004. Le champagne est très agréable, déjà joyeux malgré son jeune âge que l’on ne ressent pas. Les amuse-bouches sont absolument délicieux et de grand talent. Une bulle iodée présentée sur une cuiller en bois donne un coup de fouet magistral au champagne qui devient plus rond. Dans les amuse-bouches il y a une nouveauté, une bille noire à la truffe avec un eau iodée. C’est goûteux et original.

Le menu créé par Christian Le Squer est : huître de pleine mer au naturel / oursin au goût iodé / asperges vertes truffées, sauce mousseline / sole de ligne, concentré de sous bois / selle d’agneau de lait grillée au charbon de bois / toast brûlé d’anguille, réduction de jus de raisin / stilton / chocolat noir au lait de caramel.

Le Champagne Dom Ruinart 1990 est très bien mis en valeur par le Taittinger. Il est épanoui, solide, carré et l’huître est peut-être un peu trop goûteuse pour lui, l’excitant bien, malgré sa force. Ce champagne serein est une belle réussite de l’année 1990.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1973 a une personnalité plus affirmée et une complexité plus grande, même si la qualité du vin de base n’égale pas celle du Ruinart. L’oursin est exceptionnellement délicat et l’accord qui se crée est fusionnel. Il y a une vraie continuité entre le champagne et l’oursin. Nous démarrons très fort.

Sur les asperges au goût intense nous aurons trois vins blancs et je fais comprendre à demi-mot que deux d’entre eux sont difficiles.

Le Macon blanc Reine Pédauque 1934 que j’ai daté ainsi en l’absence d’étiquette d’année est plutôt des années 40. Il est fortement madérisé, ce qui serait acceptable s’il avait du charme. Il en manque.

Le Montrachet Robert Gibourg 1992 a une couleur trop ambrée. Le vin est passé, marqué par une oxydation excessive. C’est dommage, car 1992 est une grande année. Mais le plaisir n’est pas là. On aurait pu attendre qu’il se présente un peu comme un vin jaune, mais il ne le veut même pas.

Fort heureusement, le Château Carbonnieux blanc 1955 a tellement de charme qu’il en a pour trois. Sa couleur est d’un jaune citron comme celle d’un vin de dix ans. Et son goût est au même diapason. Le nez est très expressif, profond et le goût est complexe, délié, riche. Les asperges excitent bien les deux blancs de Bourgogne mais c’est inutile d’insister. Le charme est du côté du blanc de bordeaux qui gagne par K.O.

Lorsque j’avais lu « concentré de sous bois » pour le plat de sole, je n’imaginais pas qu’il s’agissait de morilles aussi ai-je peur de l’accord avec les deux bordeaux. Mais en fait cela fonctionne plutôt bien, la sole étant d’une cuisson parfaite. Le nez du Château Mouton-Rothschild 1964 est impérial, conquérant et d’une justesse exemplaire. C’est la promesse d’un vin de première grandeur. Le goût est rassurant, celui d’un Mouton très joyeux, mais n’atteint pas la divine caresse du nez. C’est un très beau vin.

La couleur du Château Brane-Cantenac 1928 surprend tout le monde tant elle est rouge sang. Le vin de la cave Nicolas est d’un accomplissement exemplaire. Qui dirait qu’il a 85 ans ? C’est le gendre idéal, celui auquel on ne trouve aucun défaut, poli, causeur, charmeur mais aussi profond. C’est un vin plus grand encore que le Mouton.

Sur la selle d’agneau, qui est un parfait accompagnateur, nous avons quatre vins de Bourgogne servis en même temps, l’une des bouteilles étant cachée par une « chaussette ». Le Vosne Romanée Les Beaumonts Charles Noëllat 1961 est un bourgogne de bonheur. Fait par un grand vigneron dans une grande année, il a l’équilibre que l’on demande à un vin de Bourgogne. Il n’est pas très canaille et joue sur son côté rassurant.

Hélas, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1950 n’est pas au rendez-vous. Le plat l’aide un peu mais le vin est fade, sans énergie. Quel dommage, car ce devait être la vedette de ce repas.

Heureusement, le vin annoncé comme Echézeaux Joseph Drouhin 1947 et qui est peut-être un Bonnes-Mares 1929 est une merveille. Puissant, beaucoup plus que le 1961, il envahit le palais. Alors, on pense bien sûr qu’il a pu être aidé par des apports de vins du sud. Mais le résultat est concluant. C’est un beau vin, riche, plein en bouche, au final très long. Un beau bourgogne comme on les faisait en ce temps là.

Le suspense de la dégustation à l’aveugle ne dure pas longtemps, et on découvre l’étiquette du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956. Le nez de ce vin est tellement Romanée Conti que c’en est presque la réponse à une question de cours. C’est l’archétype du parfum des vins du domaine. Et en bouche c’est un festival de roses, de sel avec une subtilité et un dosage comme j’en ai rarement rencontrés. Cette année 1956, jugée faible dans les annales, donne ici un vin superlatif, au final inextinguible. Je tombe sous le charme, heureux que les trois bourgognes délicieux compensent La Tâche éteinte.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993 est stupéfiante de jeunesse après ces vins anciens, et elle explose sa joie de vivre. Mais ce qui est le plus enthousiasmant, c’est la continuité gustative invraisemblable avec un plat que j’adore, celui de l’anguille. C’est un accord phénoménal puisqu’on ne sait plus qui est le vin et qui est l’anguille. Ce vin montre une performance au dessus de ce qu’on imaginerait d’un 1993.

Ce que le Richebourg offrait dans la suggestion de son parfum, celui de Château Climens Barsac 1949 affirme. Ce nez est digne d’un parfumeur. La richesse de l’abricot des coings confits et autres fruits oranges imprègne les narines. Et le vin est tout simplement glorieux. Quand un sauternes est grand, il est impérial. Le très bon stilton va bien, mais il n’est pas nécessaire, tant le Climens à la robe d’un or noble se suffit à lui-même, insolent de grâce, dans les plus beaux fruits oranges.

Le Banyuls Grand Cru Cuvée du Président Henri Vidal 1956 est un aimable banyuls qui tient bien sa place sur le dessert dans sa simplicité rassurante.

Il est temps de voter. Chacun des dix participants donnera ses quatre préférés. Neuf vins reçoivent des votes, ce qui est une belle diversité et quatre vins ont des places de premier : Brane-Cantenac 1928 et Richebourg 1956 quatre fois chacun, le Carbonnieux 1955 et le Bonnes-Mares 1929 chacun une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Brane-Cantenac 1928, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 3 – Château Carbonnieux blanc 1955, 4 – Bonnes-Mares 1929, 5 – Château Climens Barsac 1949.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Château Climens Barsac 1949, 3 – Bonnes-Mares 1929, 4 – Château Carbonnieux blanc 1955.

Il y a eu deux accords exceptionnels, tant le plat et le vin ont réagi pour créer une fusion entre eux. C’est l’oursin avec le champagne René Lalou 1973 et l’anguille avec la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993. La cuisine a été de très haut niveau, avec des saveurs d’une justesse rare. Le service a été très attentionné. La bonne humeur régnait autour de la table.

Le meilleur des goûts de ce dîner, c’est celui de r

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Dégustation des 2010 des domaines familiaux de Bourgogne mardi, 19 mars 2013

Les domaines familiaux de Bourgogne présentent chaque année leurs vins. C’est le millésime 2010 qui est proposé à l’hôtel Bristol à une foule de professionnels, sommeliers, restaurateurs, cavistes marchands, gens de presse. Ceux qui grignoteront quelques fromages pourront boire des 2008 que plusieurs vignerons ont apportés.

L’année 2010 est une année qui a beaucoup de talent. Des vins sont encore fermés et ce sont généralement les plus grands. Parmi les plus fermés, mais aussi les plus prometteurs, on remarque le Corton-Charlemagne de Bonneau du Martray. Il y a naturellement des confirmations d’excellence dans les plus grands domaines : Roumier, Rousseau, Mugnier, etc..

Des experts ès vins jeunes auront des commentaires précis et structurés. Je me limiterai à quelques belles surprises (ou confirmations d’excellence) pour mon palais. Le Bâtard Montrachet Faiveley est assez exceptionnel. Il a une richesse mais surtout une complexité rare.

L’Aligoté « raisins dorés » de Lafarge est adorable dans sa subtilité fragile. Le Bouzeron de Villaine est étonnant de richesse. Le Corton rouge de Bonneau du Martray est d’une finesse rare. Le Clos Vougeot Chateau de la Tour est un grand vin bien construit. Le Musigny de Mugnier a, pour moi, la plus belle finesse du Musigny. Le Chambertin Armand Rousseau est, sans surprise, très grand, mais à attendre. Le Bourgogne La Digoine de Villaine surprendrait plus d’un amateur, tant il est bien charpenté.

Les vins sont bons à boire maintenant et je peux vous dire que le Bonnes Mares Roumier sur un saint-nectaire, ça fait chanter la joie de vivre.

Un déjeuner s’organise à l’initiative d’un couple de restaurateurs et je me retrouve avec eux et Alix de Montille, Dominique Lafon, Patrick Bize, Christophe Roumier à la brasserie du Bristol. Le Saint-Joseph Jean Michel Gérin 2011 est très agréable malgré son jeune âge. Le Côtes du Marmandais le vignoble d’élian 2008 est beaucoup plus difficile car il est taillé à coups de serpe. L’épaule d’agneau du Quercy confite aux piquillos, en cocotte, est superbe.

Comme toujours la présentation des vins par les domaines familiaux de Bourgogne est le point culminant des dégustations de vignerons, du fait de la générosité sans égale de – n’ayons pas peur des mots – l’élite mondiale du vin.

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Dégustation de vins de la maison Remoissenet à Beaune mardi, 19 mars 2013

A l’invitation de Bernard Repolt, je me rends au siège de la maison Remoissenet à Beaune. Cette maison familiale de négoce appartient depuis quelques années à un richissime américain. Le siège est composé d’un entrelacs de parties d’immeubles ou d’immeubles en centre ville, avec une décoration d’inspiration médiévale qui date un peu mais crée une atmosphère sympathique. Nous nous rendons dans les chais construits en 1950, d’une architecture très pertinente, pour déguster de fûts quelques 2012 et 2011. C’est la première fois que je goûte des 2012 et je suis étonné de l’extrême accessibilité des vins rouges. Ils sont bons et peuvent se boire avec plaisir, alors qu’ils n’ont pas encore six mois. Il y a tellement de petites cuvées que l’on pourrait s’y perdre. Le Charmes-Chambertin Remoissenet 2012 est un vin d’un charme immense – il porte bien son nom – plus agréable à boire que le Chambertin Clos de Bèze Remoissenet 2012 plus riche mais qui mettra plus de temps à se révéler. Le Montrachet Remoissenet 2011 est absolument superbe alors que les blancs de 2012 sont vraiment trop jeunes pour être appréciés.

Bernard ouvre deux vins de 2010 qui sont en bouteilles, le Meursault-Poruzots 1er cru et le Beaune Toussaints 1er cru. Ils sont dans une période intermédiaire qui ne les met pas assez en valeur. Nous revenons au siège pour aller prélever dans l’opulente cave des vins anciens deux bouteilles pour le déjeuner. Je vois quelques piles sympathiques mais je sens qu’on ne peut pas y toucher. Quand il me dit que généralement il ne boit pas au déjeuner, j’ai un regret, car j’ai prévu une surprise. Peu importe, l’ambiance est amicale et nous partons au restaurant hôtel Ermitage de Corton à Chorey-lès-Beaune avec deux flacons de rouge, un Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 et un vin mystère. Nous sommes accueillis par Nicolas Chambon, propriétaire des lieux et amateur de vins anciens. M’excusant pour une pause technique je vois à mon retour que le 1969 a été ouvert par une serveuse qui a fait tomber des miettes de bouchon dans le liquide. Montrant mes biscotos, je veux prendre en main l’ouverture du vin mystère et Bernard me dit : « vous n’échapperez pas à laisser des miettes dans le vin, car jamais je n’ai réussi à l’éviter pour ce vin ». Audouze est fier et fanfaron : « rien ne tombera dans le liquide ». Bernard est tenace : « ça m’étonnerait ». Devant Bernard, Nicolas Chambon et son équipe, j’ouvre la bouteille. Dix fois Bernard examine la bouteille pour essayer de trouver une miette qui aurait échappé mais il n’en trouve pas.

Le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 est un vin lourd, à l’alcool fort, et qui s’est un peu torréfié comme lors d’un passage dans une cave chaude. Le vin mystère a une belle couleur et fait plus jeune, même si l’on sent qu’il est plus vieux. Il est d’une belle tenue et s’il a un peu d’alcool, sa trame et son grain sont plaisants. Je me trompe d’une décennie. C’est un Volnay Premier Cru Remoissenet 1967. C’est une très plaisante surprise. Sur de délicieux escargots de Bourgogne, le 1969 fait belle figure. Sur une joue de bœuf fort plaisante, le 1967 est à son aise, mais au fil du temps, le 1969 s’améliore considérablement pour trouver un équilibre sans défaut qu’il n’avait pas, alors que le 1967 commence à faire sa sieste.

Bernard avait prévu de recevoir des américains juste après le déjeuner aussi la question d’ouvrir mon vin ne se pose même pas. Je le confie à Bernard pour une prochaine rencontre. C’est un Château Doisy Barsac Dubourdieu 1921 à l’ambre foncé magnifique, au niveau dans le goulot alors qu’il s’agit d’un bouchage d’origine.

Souvent, les peintres en bâtiment qui ont obtenu un chantier posent leur pot de peinture pour montrer qu’ils sont là, mais vaquent à leurs autres chantiers en retard. Mon Doisy 1921 est posé dans les belles caves de Remoissenet comme l’hameçon pour de belles pioches futures, à partager avec ce chaleureux vigneron.

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Filhot 1891 et La Conseillante 1928 au Garance (les préparatifs) samedi, 16 mars 2013

Reconstituons le script d’une semaine de folie. Tomo m’informe que sa femme est partie pour plusieurs jours au Japon. Pour tromper sa solitude, il me demande de partager un dîner avec lui. J’en informe ma femme qui suggère que nous allions ensemble à la Tour d’Argent. Le rendez-vous est pris pour dîner le mercredi. Par ailleurs, Florent, amateur de vins anciens très talentueux, qui vit à Lyon, m’indique qu’il sera à Paris le vendredi pour des raisons professionnelles et me suggère que nous nous retrouvions à dîner autour de grands vins. Tomo étant provisoirement célibataire, je propose à Florent que le dîner se passe au restaurant Garance et que Tomo soit avec nous. Florent est d’accord.

La neige couvrant Paris me dissuade d’aller chercher des vins dans ma cave principale, aussi vais-je dans la cave de mon domicile. Au fond, le long d’un mur, je vois trois bouteilles de sauternes mises debout, sans doute pour éviter des coulures, ou parce que j’aurais réservé ces bouteilles pour un dîner. Je ne pense pas à cette deuxième hypothèse. Je regarde la capsule de la bouteille de gauche et c’est une jolie capsule de Filhot. Aucune des bouteilles n’a d’étiquette, mais tout indique que ce sont des vins du 19ème siècle. Je prends en main la bouteille de droite et je vois que sur une petite étiquette à la main, on a inscrit 1888. Sans réfléchir plus loin, j’imagine que ce sont trois Filhot 1888. Je laisse de côté celle où il y a la date, pour avoir un repère lorsque je boirai cette bouteille, et je prélève les deux autres. Pourquoi deux ? Parce que je veux être sûr qu’il y en ait au moins une bonne.

Je me relève et je vois dans une rangée une bouteille de Saint-Emilion 1919, réserve des caves Courtiol à Boulogne sur Seine. Voilà un vin générique sans aucune origine mis en bouteille par un caviste de Boulogne. Quoi de plus original ? La bouteille a un beau niveau. C’est avec de vrais amateurs qu’il faut boire une telle bouteille. Juste à côté d’elle il y a un Château Crusquet, Premières Côtes de Blaye 1945 dont les propriétaires doivent être de Lagarcie et Sabourin, si j’arrive bien à lire. Et mon œil est attiré par une mention sous le nom du château : « 1er Cru Cars Gironde ». C’est la première fois que je vois la mention de l’appellation de cette commune de Gironde : « Cars ». Je la choisis aussi et je vois une bouteille à mi-épaule. En regardant la capsule, je reconnais le château caractéristique de Château margaux, et au vu des couleurs, puisque l’étiquette est illisible, je crois reconnaître Château Margaux 1928.

J’ai donc mis cinq bouteilles dans ma musette, ce qui est pure folie, et je communique ma liste à Florent et à Tomo. Florent réagit très vite et m’annonce La Conseillante 1928 et un Beaune Grèves Camille Giroud 1945. Tomo, avec une prudence toute asiatique, m’annonce qu’il choisira ses apports lorsque j’ouvrirai mes bouteilles. L’idée que nous nous retrouvions avec neuf bouteilles pour trois m’effraie, aussi j’écris à Jean-Philippe qu’il est cordialement invité à se joindre à nous, sans apporter de vin.

Jean-Philippe réagit immédiatement en me donnant son accord et me dit : »ça tombe très bien, il y a demain (jeudi), un repas à quatre mains au Petit Verdot, avec Davide Bisetto ». Il est exclu que je rate cet événement et je dis oui. Me voilà donc embarqué dans trois dîners de suite, à la Tour d’Argent, au Petit Verdot et au Garance. Si je n’avais pas choisi cinq bouteilles, je n’aurais sans doute pas appelé Jean-Philippe. J’adore détricoter les caprices du destin, préludes qui sont à ces dîners de folie ce qu’est la montée des escaliers aux amours tarifées.