Dîner de vins anciens au restaurant Garance mardi, 26 février 2013

Mon ami Tomo continue de promener son groupe de japonais dans tous les restaurants de la capitale. Le dernier dîner de leur séjour sera au restaurant Garance et Tomo me demande de me joindre à eux. Tous les vins seront de la cave du restaurant ou de la cave de Tomo. Nous serons neuf car trois japonaises viennent grossir le contingent que nous formions au restaurant Taillevent il y a peu de jours. L’une est sommelière dans un restaurant de Sens, une autre est journaliste et conseillère en communication à Paris et à Tokyo et la troisième est l’attachée de presse du restaurateur de Tokyo. Je serai le seul non japonais de la table.

Nous commençons, sur la suggestion de Guillaume Muller par le Champagne Cuvée 736 Jacquesson extra-brut. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que ce champagne n’est pas dosé. Il est en effet assez abrupt, mais j’aime beaucoup sa personnalité affirmée. Il est jeune et très judicieusement, de fines tranches de magret bien grasses atténuent sa fougue.

Le moment est venu de goûter deux champagnes assez exceptionnels. Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1966 explose en bouche d’arômes innombrables, comme les gigantesques boules d’un feu d’artifice. On dirait un bouquet tout rond de saveurs infinies. La sommelière évoque le bonbon au miel et c’est très vrai. J’y ajoute le picotement du poivre et un bouquet de fruits exotiques. Alors que le Moët 1966 est tout en rondeur, le Champagne Dom Pérignon 1966 est tout en profondeur. Très riche, lourd de sens, il laisse une trace en bouche qui est comme un sillon de bonheur. Ce champagne est beaucoup grand que le Moët mais ne lui fait pas ombrage. Les deux sont délicieux, très différents, le Moët dans des notes très colorées et généreuses, le Dom Pérignon dans la profondeur, dans la noblesse et l’élégance. J’ai toujours eu un amour particulier pour Dom Pérignon 1966. Celui-ci est brillant et c’est sans doute le plus sérieux de ceux que j’ai bus. Avec le Brut Impérial, je me demande toujours comment fait Moët pour réussir des vins de cette richesse. La matière de ces deux champagnes est beaucoup plus brillante que celle du Jacquesson.

Sur la brioche à la crème, le Moët est à son aise et sur des dés de veau cru au raifort, le Dom Pérignon est parfait. Lorsque l’on prend avec du pain la sauce au parmesan, l’accord avec le Moët est diabolique.

Le Château Mouton d’Armailhacq 1934 est bien fatigué. Il expose une acidité assez prégnante qui gêne le plaisir. Le lieu jaune, absolument divin arrive à le réveiller et comme j’ai la chance qu’on me serve le fond de la bouteille je peux prendre conscience de la richesse de trame de ce vin car l’acidité n’a pas touché la lie, riche et truffée.

Lorsque j’étais arrivé, Tomo était en train de se battre avec le bouchon du Château Montrose 1959. J’ai pris les choses en main, car j’adore ça, pour sortir le bouchon tout déchiqueté sans qu’aucune brisure ne tombe dans le liquide. Tomo était peu optimiste pour ce vin et il a tort, car c’est un très beau Montrose, peut-être légèrement coincé et un peu simplifié, mais c’est un vin plaisant, riche au message très droit. Je l’ai beaucoup aimé. Le lieu jaune s’accorde à merveille avec ce vin. C’est le plus beau plat du dîner.

Le Musigny domaine Comte Georges de Vogüé 1967 est d’une couleur d’un rose fané. Le vin est un peu trouble. En bouche, on a un vin qui n’est pas désagréable, mais qui n’est pas ce que peut donner le domaine de Vogüé. Alors, on est un peu déçu.

Fort heureusement, le Musigny domaine Jacques Prieur 1967 rattrape la mise. Au nez et à l’attaque en bouche, il a des accents de vins de la Romanée Conti. C’est à cause de sa trace saline. Résolument bourguignon, ce vin me plait beaucoup. Il est de 1967, ce qui limite un peu sa puissance. Mais il est plaisant. Sur l’agneau servi en deux services les deux vins se comportent bien, surtout sur la première partie.

Tomo me demande la couleur du vin que j’aimerais goûter maintenant. J’aimerais bien un vin rouge charnu. Le vin est goûté à l’aveugle et je me trompe de région, car ce vin très équilibré, sans aspérité apparente pourrait provenir de plusieurs régions. J’ai eu en tête Haut-Brion mais c’est en fait un Chateauneuf-du-Pape Henri Bonneau Cuvée Spéciale 1998. Il n’y a eu que 2.200 bouteilles de cette cuvée dont Tomo me dit qu’elle n’a été faite qu’en 1990 et 1998. Le vin est opulent, d’un équilibre rare. On a du mal à le cerner, tant tout est intégré, lissé, policé. C’est un beau grand vin surprenant. Je l’aime beaucoup. Nous le buvons sur une tomme de Savoie un peu forte pour lui.

Nous finissons notre parcours avec un Château Rieussec 1958 à la magnifique couleur, agréable, mais qui demanderait à s’étoffer de quelques heures d’aération avant de le déguster.

Le service est amical et attentionné, les plats sont d’une grande justesse. Si l’agneau en deux services est un régal, la deuxième partie étant d’une gourmandise rare, c’est le lieu jaune que j’ai trouvé le plus raffiné. La palme à l’innovation vient de la viande crue au raifort avec la crème de parmesan. C’est une belle idée. La bouteille qui émerge, et de loin, est le Dom Pérignon 1966 magnifique, suivie du vin d’Henri Bonneau 1998 et du Moët 1966.

Tous les vins n’étaient pas parfaits, mais ce qui compte c’est le voyage que nous avons faits dans le temps, avec des convives attentifs, dans une ambiance multilingue joyeuse. Merci Tomo.

 

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Déjeuner au restaurant Laurent avec un Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau vendredi, 22 février 2013

Déjeuner au restaurant Laurent. C’est rare que je prenne des vins de la carte puisque le plus souvent, grâce à la gentillesse de Philippe Bourguignon, j’apporte mes vins. Ayant le temps de regarder la carte, je peux voir comment les vins de certains domaines disparaissent de la carte. Ainsi, pour les plus emblématiques domaines de Bourgogne on trouve de 2009 à 2006. Et après, tout a été asséché. C’est évidemment dommage car c’est après que les vins seraient les meilleurs. Et cela tient à deux choses : il est coûteux de garder des caves « longues », et les prix du restaurant étant sages, les amateurs n’ont pas de frein pour commettre des infanticides. Hélas, mais pour mon plus grand plaisir, je serai de ce camp-là, en choisissant un Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 2006.

Le nez de ce vin est prometteur des plus belles complexités. On ne s’arrêterait pas de n’en saisir que les parfums. Le nez évoque une belle tenture de velours que l’on expose à un chaud soleil. Il est capiteux, poivré, complexe. On se complait d’imaginer les saveurs, sans y goûter.

Les plats choisis pour ce vin sont le cabillaud et les pieds de porc. Le côté salin du cabillaud met bien en valeur le salin bourguignon du vin alors que le pied de porc cultive son opulence. Ce vin est riche, mais a une belle fraîcheur, si bien que la première image qui me vient est celle de l’eau tranquille d’un ruisseau qui vient d’être agité par une petite bise. Le vin est frais, marqué d’un beau fruit rouge et noir, et d’une belle trace de poivre. Ce qui est enthousiasmant, c’est que le message n’en finit pas. Alors que la gorgée vient d’être avalée, elle continue de chanter dans le palais. Ce vin, c’est un tapis volant, c’est mille et une nuits de saveurs. Si les vins de Rousseau plus chenus ont une assise plus ferme, on a ici la folle insouciance de la jeunesse. C’est un vin qui ne finit jamais de complexifier son message, ajoutant saveur sur saveur. Dans la jeunesse, c’est un vin plein d’énergie mais aussi de douceur, vin raffiné dans la séduction et le plaisir. Un grand moment sur une cuisine raffinée.

déjeuner de conscrits avec un chambertin de talent lundi, 18 février 2013

C’est à mon tour d’organiser le déjeuner de notre club de conscrits. Ce sera au restaurant Garance, dans le salon privatif du premier étage. J’ai apporté les vins il y a plusieurs jours. Lorsque j’arrive, une heure avant le déjeuner, j’essaie d’ajuster les plats prévus par le chef avec mes envies. Nous nous comprenons bien, mais le fait que la direction est bicéphale, Guillaume Muller et Guillaume Iskandar, va poser des petits problèmes de communication. Ils joueront à la marge, bien sûr.

Sur la suggestion du directeur, nous commençons par le Champagne Efflorescence Marie-Courtin Extra Brut Pinot Noir 2007. Le champagne est bien fait mais amer et rude. Il est fort aimablement adouci par la brioche et sa sauce moutarde. Nous passons vite au Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990. Mes amis sont émerveillés par sa jeunesse. Ce champagne de 22 ans a une bulle active comme s’il avait dix ans, une couleur d’un jaune citron et en bouche, il cause ! C’est un champagne vibrant, d’une belle mâche, agréable, car avec lui, on ne se pose pas de question. On le boit avec joie. Sur le foie gras et purée de topinambour, l’accord se fait.

Le Château Laville Haut-Brion 1998 est hélas bouchonné. Une goûteuse sauce aux champignons efface un peu cette impression mais hélas le vin n’est pas au rendez-vous, même s’il n’est pas un repoussoir.

Sur un lieu jaune, nous goûtons le Domaine de La Passion Haut-Brion Graves 1978. A l’ouverture, le parfum de ce vin était celui d’un premier grand cru, et l’on aurait pu le confondre avec le parfum d’un Haut-Brion. Une heure et demie plus tard, le parfum est toujours aussi puissant mais moins vif. En bouche, c’est un vin riche, très truffé. Il est beaucoup plus noble que ce que je pouvais imaginer.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964, dès que je le goûte, me fait un choc. Un ami demande : « est-il mauvais ? ». Je souris et dis : « c’est le contraire. Quand un vin est de première grandeur, je ressens comme un choc ». Ce vin délicieusement bourguignon est romantique. L’année 1964 a adouci toutes les aspérités de la jeunesse et le vin glisse en bouche avec délicatesse. Quel grand vin ! Un ami s’alarme du fait qu’il est trouble. Et c’est vrai, mais cela n’affecte en rien son goût qui nous enchante tous.

La Côte Rôtie La Turque Guigal 1993 est fruitée à souhait, généreuse, gouleyante. Mais lorsque l’on revient au chambertin on constate à quel point la subtilité est chez le bourguignon, la pétulance étant sur les pentes escarpées de la Côte Rôtie.

Lorsque j’avais ouvert les deux vins doux, leurs parfums si typés et si différents m’avaient poussé à aller voir le chef pour qu’il les sente. Et j’imaginais que le Maury avec ses notes si prononcées de réglisse accompagnerait bien un ris de veau réglissé, que le vin sud-africain avec ses notes d’agrumes mais aussi de fenouil irait avec un dessert aux agrumes, et le dessert au chocolat verrait le retour du Maury. C’est ce qui s’est passé.

Le Maurydoré Cuvée Désiré Estève Paule de Volontat 1932 est délicieux. Il combine la fraîcheur qu’aurait un vin jeune avec la profondeur que donne son grand âge. Avec le ris de veau réglissé, l’accord est comme je le souhaitais.

Le Klein Constantia Afrique du Sud Sauvignon blanc 1998 est d’une rare fraîcheur. Ce qui est intéressant, c’est de comparer les deux vins. Le Constantia est sur des évocations de fruits jaunes ou oranges, comme mirabelle ou mangue. Le Maury est dans les fruits bruns comme le pruneau ou la quetsche. Le sud-africain paraît moins muté et plus frais que le Maury plus lourd. Le Maury crée un accord avec de dessert frais au chocolat qui est diabolique.

Si l’on doit classer les vins ce sera : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964, 2 – Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990, 3 – Maurydoré Cuvée Désiré Estève Paule de Volontat 1932. L’accord le plus brillant est, pour mon goût, le dessert au chocolat avec le Maury puis le lieu jaune avec La Passion Haut-Brion 1978. Ce fut un déjeuner de conscrits fort réussi.

casual Friday au restaurant Garance samedi, 16 février 2013

En quittant les locaux de la Romanée Conti, je devais faire fissa, car un déjeuner m’attendait à Paris. Un ami avait pris l’initiative de relancer les casual Fridays que j’avais un peu oubliés. Il avait tout organisé et voilà qu’arrive l’invitation de la Romanée Conti. J’aurais eu mauvaise grâce à faire annuler ce déjeuner aussi ai-je tout fait pour pouvoir être aux côtés de mes amis au point de paraître impoli en faisant accélérer les présentations des scientifiques sur les vins mystères de l’abbaye de Saint-Vivant.

Lorsque j’arrive au restaurant Garance, le service a été ralenti pour tenir compte de mon arrivée tardive. Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle a déjà été bu mais un des convives me tend son verre pour que je profite un peu de ce champagne très expressif au citron ensoleillé.

Sur le risotto nous avons deux vins. Le Chassagne-Montrachet 1er Cru les Caillerets Marc Colin 1992 est d’une richesse de goût qui pourrait être celle d’un grand cru. Il faut dire que l’année 1992 est superbe. A côté, le Condrieu Delas 1984 fait un peu simple mais il est gouleyant et je l’aime bien dans sa simplicité. Et les deux vins cohabitent bien. On peut passer de l’un à l’autre et profiter d’un bourgogne riche, complexe et subtil autant que d’un Condrieu joyeux, généreux et facile à vivre.

Sur du poisson, je recommande que l’on serve le Château Mouton-Rothschild 1979 et l’ami organisateur qui doutait que ce soit possible est tout étonné. Le vin n’est pas puissant. Il est tout en suggestion. Son velours est délicat. Ma voisine qui l’a apporté, œnologue de talent, est plutôt critique avec ce vin. Cela dépend en fait de la perspective que l’on a pour ce vin. Si l’on accepte une « petite musique de nuit », onprend du plaisir avec ce vin de bonne mâche.

Un Valbuena Vega Sicilia 1986 est un vin généreux et ensoleillé. Mais la mémoire du Vega Sicilia Unico m’empêche de profiter autant que je le voudrais de ce vin franc et accessible, car j’ai en tête le gap qualitatif entre les deux.

Le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes Paul Avril 1973 a une couleur trop tuilée pour son âge. Mais le vin dépasse une première fatigue pour devenir plaisant. Il manque quand même de précision. Le Juliénas Antonin Rodet 1947 a une couleur beaucoup plus jeune. Il est assez simple, mais il est très vivant. Il réagit très bien à la chair de la viande.

Pour le fromage nous ouvrons un Château Carbonnieux blanc 1984étonnamment vert pour son âge. Il est très citronné et heureusement, le vin le domestique un peu.

Un Château Doisy-Daëne 1970 est extrêmement bouchonné. Autour de moi les amis guettent son retour à la vie, mais, même lorsqu’ils annoncent que le vin est revenu, je ne modifie pas ma position négative sur ce vin.

Un Champagne Louis Roederer brut premier sans année est suffisamment agréable pour mettre un aimable point final à ce déjeuner d’amis. Il a fallu que Guillaume Muller nous chasse, tant nous parlions de bon cœur des problèmes politiques qui noircissent l’avenir au lieu de l’éclairer. Sur une belle cuisine, assez peu copieuse, ce fut un beau casual Friday.

restaurant Garance jeudi, 14 février 2013

Nouveau passage au restaurant Garance. Au rez-de-chaussée, saluant Guillaume Iskandar, le talentueux chef, je lui demande quels sont ses beaux produits du jour. Il évoque un risotto à l’ail et un beau ris de veau. Voilà qui pourrait s’accorder avec un aimable vin rouge. Un examen de la carte des vins me pousse vers un Domaine de Trévallon vin de pays des Bouches-du-Rhône 2003. La présentation des plats est élégante dans sa simplicité. Lorsqu’on voit des légumes verts autour du risotto, en feuilles ou en émulsion, on se dit qu’ils ne seront pas l’ami du vin mais en fait, cela fonctionne très bien et j’apprécie les vins qui en sont capables. Le vin est un peu frais et a besoin de s’épanouir. Son nez est profond, de grande sensibilité. Le vin est précis, fin, raffiné, et on serait bien en peine de reconnaître une région. Car sa finesse est celle des grands vins de toutes régions. Rien n’est excessif, et le velouté qui apparaîtprogressivement est très soyeux. Elégance, raffinement, toucher de bouche délicat sont ses caractéristiques. Le ris de veau est d’une très belle qualité et le vin en profite. Guillaume Muller apporte un peu d’un Hermitage de l’union des propriétaires de vins fins à Tain l’Hermitage 1984. A l’aveugle, j’ai beaucoup de mal à imaginer une région. Le vin est assez faible, mais surtout très court. Sa plus belle qualité est de mettre en valeur, s’il en était besoin, un magnifique Trévallon 2003 profond et raffiné. La table Garanceest une belle halte où je reviendrai bientôt.

déjeuner au restaurant La Cagouille jeudi, 14 février 2013

Un rendez-vous a été pris avec un journaliste que je ne connais pas, qui possède et anime une revue sur les vins de Loire. C’est l’occasion d’optimiser les trajets en fixant le point de rencontre au restaurant La Cagouille, à un jet de pierre de la gare Montparnasse. Dans l’intelligente carte des vins du restaurant, il n’y a que des pépites et on a l’embarras du choix pour boire du grand sans se ruiner. Je suis tenté par une bouteille emblématique, que l’on m’apporte. L’expérience m’a appris qu’il vaut mieux être prudent et ne pas l’ouvrir avant l’arrivée de mon invité. J’ouvre la bouteille que j’ai apportée, que mon convive découvrira à l’aveugle. A cet effet, je fais carafer le vin aux couleurs d’un ambre doré du plus bel effet.

Mon convive n’est pas arrivé à l’heure du rendez-vous, aussi des petites coques vont me permettre de patienter. Et l’idée me vient que les coques et mon vin vont créer un accord merveilleux. Voilà qui serait une belle entrée en matière pour une interview.

Jean-Claude arrive et nous nous présentons. Il me prévient qu’il a subi rhume et grippe l’obligeant à prendre des antibiotiques, ce qui lui interdit le vin. Adieu le vin d’Auvenay que j’avais lorgné. Mon vin étant le seul ouvert, nous y tremperons nos lèvres. Je compose le menu : coques, langoustines juste cuites, barbue avec des pommes de terre et oignons frits.

Sur les coques, l’accord avec le vin mystère marche remarquablement. Les coques ont un goût salé qui picote le vin et lui donne une belle vibration. Mon invité reconnait le chenin, et ne se trompe que de quarante ans sur le millésime. Il est loin des records de dégustateurs célèbres. Je ne résiste pas au plaisir de lui montrer la bouteille : Tête de Vouvray, Vouvray, Mme Dubech Jeune, négociant 1937. Le vin a une couleur très ensoleillée. Le nez est très pur et délicat. En bouche, l’acidité est figurée par du citron, de la mandarine. Et, plus le vin s’étend dans le verre et plus l’on va vers les abricots, les zestes d’orange et les fruits confits. Si le vin n’est pas d’une très noble extraction, il me séduit par sa complexité et par la longueur en bouche qui laisse une trace de grande fraîcheur. On n’est pas en présence du vin le plus raffiné, mais on jouit d’un vin de plaisir. Ce qui m’étonne, positivement, c’est qu’il fait bonne figure aussi bien sur les langoustines que sur la barbue qui lui donne le plus de tension. Il nous semble qu’il devait être très peu moelleux. Il a tenu sa place tout au long du repas, donnant un plaisir suffisamment joyeux pour compenser le petit manque de structure et de noblesse.

J’avais prévenu André Robert le propriétaire des lieux de mon passage, mais il n’était pas libre. Il m’a appelé au milieu du repas. Ses deux acolytes que j’appréciais beaucoup ne sont plus là. Mais une charmante jeune femme qui m’a reçu a montré qu’elle est une collaboratrice sur laquelle André peut compter. Ce restaurant a une carte des vins qui inspire le respect, une cuisine simple fondée sur le produit qui est l’amie du vin. C’est une table clef de la restauration parisienne.

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rangement de cave dimanche, 10 février 2013

Le rangement de cave reprend avec mes deux compères. Comme ils sont lassés des sandwiches de station service, nous déjeunons avec d’excellents sushis. J’avais acquis il y a près de vingt ans un lot de rieslings de 1959 de niveaux très variables. Il y avait une cinquantaine de bouteilles que j’avais payées à un prix anecdotique. Certaines bouteilles avaient régalé des clients de mon entreprise lors de manifestations festives. Je n’y avais pas touché depuis. C’était une erreur, car nous en ouvrons deux ou trois et aucune n’est consommable, le vin étant madérisé ou viré. Je jette donc mon dévolu sur une bouteille de Champagne Léon Camuzet sans année dont le carton m’indique que je l’ai achetée en 1999. Le vin doit être de 1996 ou 1997, voire des deux. La couleur est de blé clair, très joli. Le nez est inspirant et le goût est une très heureuse surprise. Ce vin de coopérative de Vertus qui était le champagne traditionnel dans ma famille, est un très grand champagne, parmi les non millésimés. Il est joyeux plein et ce qui frappe, c’est le miel. Mes compères ragaillardis ont abattu un travail efficace après cette pause roborative.

dîner chez des amis dans le sud dimanche, 10 février 2013

Dîner dans le sud chez des amis. Le Champagne Heidsieck Monopole est un aimable champagne, pas très ample, mais agréable à boire. Le Champagne Dom Pérignon 2003 confirme une impression récente : il est aux abonnés absents. C’est un bon champagne, mais la vibration n’est pas là. Viendra-t-elle un jour ? A suivre.

Le Chateauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 2004 est généreux. Un peu taillé à la serpe, anguleux, il est toutefois très agréable à boire. Le message est un peu monocorde au fur et à mesure de la dégustation mais il convient bien à un filet de bœuf très tendre. C’est un vin de belle qualité qui vieillira bien.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est très expressif. C’est un champagne ample, à la mâche solide, et à la trace intense. Il est extrêmement agréable, parce qu’il transmet des émotions. J’aime sa personnalité. Il est tellement intéressant que nous le sirotons encore à trois heures du matin, n’arrivant pas à accorder nos avis sur le sujet du moment, le mariage gay.

dîner avec Dom Pérignon 1980 dimanche, 10 février 2013

Nous avons profité de notre fils près de trois semaines, deux à Miami et une à Paris. Il nous quitte demain. Ma femme a prévu frugal et raisonnable, mais on ne peut pas se quitter comme cela. Pour ce dernier dîner, j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1980. La couleur est belle, d’un ambre clair. Le pschitt est marqué même s’il n’est pas explosif. Le nez est joli, riche d’arômes champêtres. En bouche, c’est une très grande surprise. Jamais on n’attendrait un 1980 à ce niveau de noblesse. Le champagne est puissant, conquérant, énigmatique. Mon fils voit des fruits, alors que c’est le caractère vineux qui me frappe. Il est évolué, mais sa jeunesse est toujours là. Il est complexe et très difficile à définir. Je vois du minéral, presque du sel, et un peu de fumé. Mais le plus important, c’est son ampleur et sa noblesse. Dom Pérignon atypique, il nous a conquis et conduits à bavarder tard dans la nuit des derniers sujets qu’on voudrait ne pas oublier avant son départ.

Des 2009 de Valandraud dimanche, 10 février 2013

Philippe Faure-Brac organise dans son Bistrot du Sommelier des vendredis dédiés au vin. Un vigneron présente ses vins au déjeuner et aussi au dîner. Ayant repéré que Jean-Luc Thunevin serait la vedette d’une de ces dégustations, je m’inscris au plus vite. Nous sommes une douzaine d’amateurs et de gens de presse autour d’une table en sous-sol et Philippe se joint à nous, tant qu’il n’est pas appelé à résoudre les inévitables questions que pose la gestion de son établissement.

Le menu est composé pour les vins : chair de crabe au raifort, tartelettes croustillantes / pressé d’aile de raie aux petits légumes, sauve vin rouge / gigot d’agneau rôti, brisures de truffe, poêlée de chanterelles et pied de mouton : bleu des Causses et Abbaye Bel’loc, figues séchées en coulis / millefeuille craquant au chocolat de Saint-Domingue et griottes.

Le Blanc N°1 de Valandraud 2009 est d’une belle couleur. Le nez est très frais et vert de jeunesse. En bouche le vin est charnu, de belle mâche avec des fruits jaunes généreux. Le vin est bien fait mais gagnerait à vieillir. C’est un vin de plaisir, de luxure, généreux qui sera bon dans cinq à dix ans. J’aime beaucoup le final de ce vin puissant qui titre 14°.

Le 3 de Valandraud Saint-Emilion Grand Cru 2009 est le troisième vin de Valandraud, après le grand vin et après Virginie de Valandraud. Le nez est très joli. L’attaque n’est pas assez précise à mon goût. Ce vin de 13,5° fait de 70% de merlot n’est pas assez structuré. Il est plutôt gourmand, riche, et s’arrondit dans le verre. Un peu brutal, un peu amer dans le final, il ne me convainc pas.

Le Virginie de Valandraud Saint-Emilion Grand Cru 2009 a un incroyable nez de truffe. L’attaque est belle et le milieu de bouche donne une impression lactée. Le final est un peu amer mais cela se corrigera. Ce vin de 14° aux tannins assez forts est un vin de gastronomie.

Le nez du Château Valandraud 2009 est plus discret. La couleur est d’un noir extrême. Le vin est lourd, généreux, opulent. Il peut ! Il titre en effet 15°.C’est un vin moderne, où la richesse bride un peu la personnalité. Le vin est riche mais a aussi de la grâce et de la légèreté. Je commence à l’aimer pour sa fraîcheur en bouche.

Le Virginie devient gracieux et le grand vin le met en valeur, alors qu’en revenant au Valandraud, on ressent à quel point il est extrême. Le Virginie est très agréable. Le Valandraud, d’une matière énorme, doit être attendu quelque années si l’on veut en profiter.

Le Maury Thunevin-Calvet 2007 titre 16° ce qui fait seulement un degré de plus que le vin de Bordeaux. Il est joli, bien « dry ». Il est très élégant, frais et léger. J’aime beaucoup ce vin légèrement muté, de 100% grenache venant de vignes de plus de 80 ans. Il est beaucoup plus à l’aise avec les fromages qu’avec le dessert au chocolat qui fait trop « ton sur ton ».

Cette dégustation de 2009 de l’écurie Thunevin est intéressante. J’aurais aimé pouvoir comparer le 2009 de Valandraud avec un vin plus âgé, pour voir comment cette folle richesse s’assagit. Mon plus grand plaisir fut d’entendre Jean-Luc Thunevin, vigneron passionnant, dont la hauteur de vues est un véritable bonheur. Philippe Faure-Brac est un hôte attentif et délicat et la cuisine adaptée aux vins est un atout. Pour un premier essai pour moi, ce vendredi du Bistrot estune réussite.