Le PICARDAN DOUX ou CATAROISE de BEZIERS vendredi, 19 octobre 2012

Le PICARDAN DOUX ou CATAROISE de BEZIERS

Le Picardan doux est préparé avec des raisins passerillés (c’est à dire cueillis en surmaturité, tout "fripés"), titrant 18° baumé et qu’on mutait parfois avec l’alcool de Trois-Six (alcool rétrocédé par l’Etat aux bouilleurs de cru).

C’est l’ancêtre de la Cataroise de Béziers; nommé il y a peu pour un temps Cartagène, nom d’un port espagnol, sous l’influence hispanisante du 19ème siècle… mais bien plus souvent Mistelle.

Le Picardan se faisait essentiellement à partir du cépage "Clairette" pour le Picardan blanc, cela a donné d’ailleurs une Appellation d’Origine Contrôlée Vin de Liqueur, abandonnée depuis, sur l’Est de Béziers et le Nord-Ouest de Pézenas: la "Clairette du Languedoc" (qui n’existe plus qu’en Appellation vin), ainsi qu’à partir du cépage "Cinsault", nommé il y a 150 ans "Picardan noir".

Nous avons bu ce vin : Picardan Vin de Liqueur distillerie Couzi à Saint-Céré (Lot) titrant 17° pendant que nous rangions ma cave, d’une bouteille déjà ouverte il y a plusieurs années. Le vin ranciote, évoque les pruneaux d’Agen. Il est simple mais sympathique.

Il réjouit le coeur du travailleur en cave !

162ème dîner – les vins samedi, 13 octobre 2012

Champagne
Henriot réserve de Philippe de Rothschild 1973

Champagne
Dom Pérignon 1964 (la finesse de la cape est assez irréelle)

Château
Haut-Brion blanc 1966

Pétrus
1967

Château
Trottevieille Saint-Emilion 1967

Château
Mouton-Rothschild 1982

Vosne-Romanée
Mugneret-Gibourg 1972

La
Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983

Ridge
Monte Bello Cabernet Sauvignon 1973

Château
Loubens Sainte-Croix-du-Mont 1990

Château
d’Yquem 1985

Liqueur
du Mézenc milieu 19è siècle (on voit le dépôt de sucre au fond de la bouteille)

162ème dîner de wine-dinners au restaurant les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon vendredi, 12 octobre 2012

Le 162ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon. Ayant beaucoup d’estime pour la cuisine du talentueux chef Christopher Hache, il était impérieux de faire un nouveau dîner en ce lieu avant une fermeture qui pourrait durer deux ans, pour la rénovation de l’hôtel. J’étais venu il y a peu de jours mettre au point le menu et régler les détails de l’organisation.

 A 17 heures, j’aligne les bouteilles pour la traditionnelle photo de famille des vins du dîner et Jérôme Moreau, le chef sommelier est admiratif des niveaux qui pour toutes les bouteilles sauf une sont dans le goulot. Les parfums des vins sont engageants, sauf celui du Vosne Romanée qui est incertain. Lorsque j’ouvre le Ridge Montebello 1973 juste après avoir ouvert La Tâche 1983, j’appelle Jérôme pour prendre une décision concernant le programme prévu. Dans mon idée initiale, La Tâche devait être le point
culminant de cinq vins rouges. Or un californien qui s’est inscrit à ce dîner a tenu à ce que soit inclus le Ridge Montebello qui avait été l’un des gagnants du jugement de Paris qui avait fait tant de bruit il y a trente six ans, quand des vins californiens s’étaient classés à de meilleures places que les plus prestigieux de nos bordeaux. Dans mes dîners, j’aime les juxtapositions de vins qui permettent des comparaisons utiles et j’évite les chocs frontaux. Mettre le Ridge à côté de La Tâche me paraît une  confrontation dangereuse, car la force alcoolique est du côté du Ridge alors que la finesse est du côté de La Tâche. Faudrait-il un plat de plus pour le Ridge ? Difficile après la tourte. La solution choisie est que le Ridge soit servi seul, sans plat, après La Tâche, pour éviter une compétition qui pourrait donner lieu à des contresens.

 

Vers 18 heures, je suis rejoint par une ravissante néo-zélandaise, journaliste à Londres qui vient participer au dîner et m’interviewe pour l’un des sites internet les plus actifs de la planète du vin. J’ai un moment de stupeur lorsqu’elle me demande comment on écrit Romanée Conti ! Comment peut-on faire un reportage sur les vins et notamment sur mes dîners de vins anciens si l’on est au degré zéro de la connaissance ? Elle a fait
honneur aux plats et aux vins. On verra ce que cela donnera en lisant son compte-rendu.  Nous sommes neuf, car la dixième place à table s’est jouée, comme au théâtre de boulevard où les portes s’ouvrent et se ferment, entre un habitant de l’île Maurice qui a dit oui puis non, un français vivant au Brésil qui a dit oui puis non et un parisien dont le oui est arrivé le matin même, alors que le casting du dîner venait juste d’être bouclé. Les femmes sont majoritaires, cinq contre quatre et nous avons parlé anglais
puisque la journaliste et un couple de californiens ne connaissent pas notre langue. Notre table est belle dans la salle à manger légendaire, aux décors marbrés de couleurs d’or et de moutarde.

 Le menu créé par Christopher Hache : bâtonnet de feuilleté gratiné au vieux parmesan, l’huître fine en gelée de pomme verte, copeaux de parmesan / la raviole de langoustine pochée dans un bouillon à la citronnelle / le rouget barbet à la râpée de noix de
macadamia, céleri étuvé / le cèpe de nos régions, farci et gratiné aux noix / la
tourte de gibier /fromage stilton / l’ile flottante, gaspacho ananas, mangue et
passion. Ce fut un festival. 

Le Champagne Henriot réserve de Philippe de Rothschild 1973 a une couleur ambrée. Ce qui me gêne, c’est une certaine amertume au premier contact. Elle va s’amenuiser au point que ce champagne sera plus adapté à l’huître que le Champagne Dom Pérignon 1964 absolument magistral, doté d’un équilibre fruité assez exceptionnel. Ce qui frappe dans ce champagne, c’est la générosité du fruit, la rondeur, une acidité sur base de fruits rouges, et une longueur remarquable. Avec le parmesan, le Dom Pérignon est à se damner. Le feuilleté du bâtonnet est trop fort pour les deux champagnes.

Le Château Haut-Brion blanc 1966 est d’une belle couleur, plus jeune encore que celle du Dom Pérignon. Il est associé à un plat exceptionnel car la raviole respire la mer à plein poumons. Et l’accord se trouve sur l’iode et le vent marin. Le Haut-Brion est grand, solide, avec une belle longueur. Il a un peu moins de complexité que le Dom Pérignon, mais c’est un grand blanc. J’aime son acidité citronnée d’un dosage raffiné.

On le sait, associer Pétrus et rouget est une de mes coquetteries. Le rouget a une chair merveilleuse. C’est la mâche qui crée le bonheur. Le Pétrus 1967 se distingue d’emblée par un parfum envoûtant, profond, truffé. En bouche, le vin est inimaginable de perfection. Qui dirait que 1967 peut donner un vin de cette force ? Tout le monde communie avec ce vin absolument exceptionnel.

 Sur les cèpes magnifiques, nous avons deux vins. Le Château
Trottevieille Saint-Emilion 1967
donne strictement la même surprise
que le Pétrus qui est son conscrit. Il est totalement inattendu à ce niveau,
avec une richesse truffée extrême et une longueur que personne ne pourrait
imaginer. Le goût fait des ricochets dans le palais pour ne jamais finir de
s’exprimer.

A côté de lui, la vedette attendue est évidemment le Château Mouton-Rothschild 1982.Ce qui me plait, c’est que les deux vins ne se nuisent pas. J’aurais pu choisir de mettre le Trottevieille avec le Pétrus de la même année, mais le Pétrus eût dominé. Alors qu’ici, les deux vins cohabitent car ils sont différents. Le Mouton est d’une force de colosse qui retient sa puissance. L’image qui me vient est Arnold Schwarzenegger jeune, qui se serait caché sous un épais manteau. Qui verrait sa musculature ? Ou bien,
c’est une voiture puissante qui roule en première vitesse. On sent que le
Mouton a un gigantesque potentiel, et qu’il lui faudrait bien vingt ans de plus
pour qu’il s’exprime totalement. Bien sûr, quand on va vers lui, on admire sa
richesse, sa plénitude, sa solidité de roc. Tout en lui est cohérent, tramé,
avec des suggestions innombrables. On regrette qu’il ait mis le frein à main,
mais on est en grand plaisir. C’est le Trottevieille qui se marie le mieux avec
les cèpes.

 A l’œil, la tourte de gibier fait peur, car on se demande si l’on ne va pas
succomber à la gourmandise de tant de richesses. Mais en fait elle est goûteuse
et particulièrement légère. Le Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972 est hélas
bouchonné. Quelques minutes plus tard, cette sensation aura disparu au nez mais
elle est encore présente en bouche. Nous n’insisterons pas. Nos papilles sont
donc monopolisées par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983. Le nez
est une merveille, possédant l’ADN des vins du domaine, fait de sel et de roses
que certains amis qualifient de fanées, ce qui n’est pas mon cas. Le vin est
tout en finesse, délicatesse et élégance. Alors que 1983 est une année plutôt
discrète et fragile, je suis stupéfait que ce vin ait autant de personnalité
affirmée, comme Pétrus l’avait tout à l’heure. C’est une leçon importante que
de constater que 1967 nous a donné deux vins brillants de la rive droite, et
que 1983 nous donne une Tâche très au dessus de ce qu’on attendrait. Alors que
la tourte au gibier, dont de la grouse, serait sur le papier inappropriée pour
La Tâche, sa légèreté et sa finesse en ont fait un très bon compagnon de ce
bourgogne hypercomplexe, qui pianote des myriades de saveurs irréelles et
infinies.

Sans attendre que nous ayons fini la tourte, je fais servir le Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1973. Ce vin avait été l’un des gagnants du jugement de Paris en 1976 dans le millésime 1971. Son nez à l’ouverture me paraissait très puissant et aurait fait de l’ombre à La Tâche. Je le goûte maintenant. C’est manifestement un grand vin, avec une belle charge alcoolique, mais au lieu de faire ombrage à La Tâche, le
bourguignon fait apparaître la faible complexité de ce vin riche, goûteux mais
simple. Il est alors intéressant de le comparer au Mouton 1982. Et, est-ce dû
au fait que j’ai mis mon béret et une baguette sous mon bras, mais je trouve le
Mouton infiniment plus riche et complexe que le Ridge. Ma fibre patriotique gonfle mes narines du fort sentiment que le californien n’aura non pas ni l’Alsace ni la Lorraine, car il s’agissait d’autres circonstances, mais ni la Bourgogne ni le Bordeaux. Ouf ! Mais je trouve au contraire injuste que le Ridge fera partie des trois vins qui n’auront aucun vote. Ce n’est pas raisonnable, car c’est un grand vin. C’est la dure loi du sport.

 Au moment des ouvertures, le nez du Château Loubens Sainte-Croix-du-Mont 1990 me paraissait capable de concourir avec celui de l’Yquem. Sur le stilton, le riche liquoreux, épanoui et de belle aisance, se marie bien. Trois convives ayant demandé du comté ont prétendu que le comté allait mieux que le stilton. Les hérétiques ! Le jugement est sans appel : c’est le stilton qui convient.

 Le Château d’Yquem 1985 est d’une folle jeunesse. Ce qui est fascinant, c’est qu’il combine puissance et fraîcheur. Bien sûr, il est beaucoup plus grand que le Loubens, mais exactement comme le Mouton ne faisait pas d’ombre au Trottevieille, l’Yquem ne fait pas d’ombre au Loubens. C’est d’ailleurs ce que je recherche dans mes dîners pour que chaque vin ait une chance de briller. Et le seul qui aura souffert d’une comparaison, c’est le vin rajouté, le californien.

  Pour expliquer la présence de l’alcool qui va être servi maintenant, il convient de raconter son origine. Un ami sommelier m’avait dit que la distillerie Cabanel à Carcassonne avait décidé de mettre en bouteilles le fût d’une liqueur datant du milieu du 19ème siècle. L’ami l’avait bue et m’a dit : il faut que tu en acquières. J’ai acheté chat en poche, et quand j’ai reçu les fioles toutes neuves avec des capsules à vis, je me sentais humilié, car plus laid, il n’y a pas. Rangeant maintenant ma cave, je me suis dit
que cette liqueur n’avait pas de raison de subir mon courroux, aussi est-ce la
première que j’ouvre. La Liqueur du Mézenc milieu 19è siècle a un substantiel dépôt de cristaux blancs au fond de la bouteille. Au nez et au premier contact, c’est assurément très vieux. Il y a des accents de Chartreuse, avec des fraîcheurs de menthe, d’anis et de mille autres plantes. Mais le caractère sucré est beaucoup plus fort que celui d’une Chartreuse. C’est original mais pas beaucoup plus que cela.

En sirotant cette douceur, nous avons procédé aux votes. Nous sommes neuf à voter et huit vins ont figuré au moins une fois dans nos quintés. La Tâche a eu cinq votes de premier, Pétrus trois votes de premier et l’Yquem un. Le Trottevieille figure dans cinq votes ce qui me plait et le Loubens dans quatre votes. Bravo quand on sait qu’il y avait des vins emblématiques.

Le classement du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Pétrus 1967, 3 – Château d’Yquem 1985, 4 – Château Mouton-Rothschild
1982, 5 – Château Trottevieille Saint-Emilion 1967, 6 – Château Loubens 1990
.

Mon classement est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Pétrus 1967, 3 – Château Trottevieille Saint-Emilion 1967, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château Mouton-Rothschild 1982.

 Beaucoup de vins se sont montrés au dessus de ce que les livres diraient. Le Mouton a un potentiel pour devenir l’un des plus grands Mouton et l’idée qui vient forcément est : pourquoi pas un égal de Mouton 1945 ? J’espère pouvoir le vérifier.

 

Christopher Hache a fait une cuisine inspirée, avec des plats de très haut niveau. La raviole, le rouget et la tourte sont des modèles. Il a été chaudement félicité quand il est venu saluer notre table en fin de repas. Le service de table et le service des vins ont été exemplaires et c’est d’autant plus remarquable qu’avoir une telle implication
quand on sait que l’horloge du Crillon va s’arrêter en fin d’année, c’est à signaler. Chapeau les équipes. Notre table était enjouée. La jolie journaliste a découvert un monde de saveurs qu’elle n’avait jamais imaginé. J’ai senti qu’elle avait compris. Pour les autres convives chevronnés le plaisir fut grand. Ce fut un grand repas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

déjeuner souvenir au restaurant Lasserre vendredi, 12 octobre 2012

Devant faire pour la première fois un dîner de wine-dinners au restaurant Lasserre, j’ai envie de découvrir la cuisine de Christophe Moret. Lasserre fait partie de mon histoire. Il y a 45 ans (eh oui !), c’est là que j’ai fêté avec mon épouse notre premier anniversaire de mariage. Je voulais que ce soit dans le trois étoiles qui jouissait à l’époque de la meilleure réputation. Nous y sommes revenus pour croiser Salvador Dali avec Amanda Lear et d’autres personnages renommés. Accueillis par monsieur Louis, l’emblème de la vénérable institution, nous ne manquions pas d’admirer les geysers de fumées de cigares qui fusaient dans l’espace dès que le toit ouvrant de la salle les libérait. Lorsque la rumeur sur ce restaurant est devenue incertaine, il n’est plus devenu une station de mon chemin de plaisir. Cela ne pouvait pas durer longtemps.

L’accueil est toujours stylé et sympathique. Je suis reconnu ce qui n’est pas désagréable et oh surprise, monsieur Louis déjeune à une table peu distante. Nous nous saluons avec chaleur. La carte des vins est intelligemment composée mais hélas à des prix dissuasifs. Pourquoi payer 2.200 € un magnum que j’ai payé à 300 € il y a moins de deux ans ? La salle est d’un confort cossu, un confort de club. On imagine volontiers que les gens qui déjeunent sont des habitués.

Le Champagne de Vieilles Vignes de Cramant Larmandier Bernier 2005 extra-brut est magnifique d’équilibre. Il est presque doctrinal dans sa rectitude. Et on ne sent pratiquement pas que c’est un extra-brut tant son homogénéité est rassurante. Il accompagne un amuse-bouche où une gelée de légume vert se mêle à du caviar. L’accord est magique. L’entrée est faite de cèpes de châtaignier de la tête au pied en fine pâte craquante de sarrasin. Le cèpe est goûteux mais gagnerait à être plus croquant. Le pigeon André Malraux allume tous les souvenirs de la cuisine bourgeoise d’il y a cinquante ans. Le pigeon est d’une chair intense et goûteuse. Il est un peu alourdi par la farce dominante. Au dessert, le maître d’hôtel m’offre une coupe de Champagne Louis Roederer rosé 2007 que je trouve fort plaisant. Ce restaurant perpétue une cuisine traditionnelle bourgeoise. Dans ce cadre magnifique de l’endroit, c’est agréable d’arrêter les aiguilles du temps.

rangement de cave (suite) jeudi, 11 octobre 2012

Rangement de cave à trois. Cette fois-ci, j’ouvre
le vin de la pause deux heures avant. C’est Château Potensac 1955 dont le niveau
est haute épaule. Le vin est agréable et profite bien de l’année 1955 qui est de
première grandeur. Mais le manque de matière et de complexité empêche que le plaisir
soit complet. C’est un vin plaisant à boire, presque gourmand, mais ce n’est
que cela. Pour une pause casse-croûte de "travailleurs", il est
apprécié.

déjeuner au restaurant Taillevent avec Yquem 1970 lundi, 8 octobre 2012

Devant retrouver un ami pour déjeuner au restaurant Taillevent, l’idée vient naturellement que la deuxième bouteille d’Yquem soit bue avec lui. Jean-Marie Ancher à qui je montre la bouteille compose le menu avec moi : épeautre du pays de Sault en risotto, homard et curry / foie gras de canard doré, pomme reinette et raisin chasselas / crêpes Suzette façon Taillevent. Si j’approuve les deux premières suggestions, je suis plus sceptique sur les crêpes, mais nous n’avons pas le temps de finasser.

Le Château d’Yquem 1970 est d’une magnifique couleur dorée. Son parfum est intense. En bouche, c’est un vin fort, dominateur, au botrytis impressionnant, d’abricots et de fruits oranges confits. Il a l’intelligence de ne pas écraser les plats de sa force de conviction. Avec l’épeautre, l’accord est évident. Avec le homard, il est juste poli. Avec le foie gras poché, c’est un régal. Le foie est fondant et le vin glisse à ses côtés. Et les fruits un peu acides donnent de la fraicheur à l’ensemble.

En voyant le plateau de fromages, qui, très classiquement, pousse à prendre la fourme, un Sainte-Maure me fait de l’œil. Pourquoi ne pas essayer un accord qui ferait du "hors piste" ? Et l’accord se fait beaucoup plus qu’avec la fourme, un peu envahissante et fermière. Nous parlions, nous parlions, et je n’ai pas eu la présence d’esprit d’arrêter le bras du maître d’hôtel qui inondait les crêpes de cognac. L’accord en a pâti, alors qu’avec les zestes d’orange confits, l’accord était naturel.

Déjeuner avec Yquem a un sens, car le vin est plus flexible qu’on ne le croit. C’est un grand Yquem au botrytis très affirmé. La cuisine est précise, le service est efficace. Au Taillevent, on se sent bien.

les surprises du rangement de cave dimanche, 7 octobre 2012

En rangeant ma cave, il y a forcément de bonnes surprises, comme de trouver des vins dont j’ignorais l’existence : Cos 1909, Latour 1902 par exemple. Mais il y en a de mauvaises. Deux Yquem 1970 avec le bouchon tombé dans le liquide, ça fait mal !

Si le bouchon a fait rempart envers la capsule, le vin est buvable. Si ce n’est pas le cas, le vin est mort. Au déjeuner dominical, j’ouvre une des deux bouteilles de Château d’Yquem 1970, la plus foncée des deux. J’expérimente la méthode qu’un ami m’avait montrée à la récente séance de l’académie des vins anciens qui permet de récupérer le bouchon dans la bouteille lorsque le liquide a été transvasé dans une carafe. On insère un petit sac en plastique dans la bouteille en gardant ses bords à l’extérieur. On renverse la bouteille pour que le bouchon soit proche du goulot, on souffle dans le sac qui se gonfle et lorsque le bouchon est collé à la paroi de verre par les sac, on tire le sac et le bouchon sort indemne de l’opération.

Le menu familial n’a pas été créé pour le sauternes, mais il y a un foie gras qui va aller très bien. Aussi bien au nez qu’en première impression de bouche, on ne sent aucun défaut. Cet Yquem est ambré, plus que son âge. Le botrytis est lourd, présent, et on reconnaît celui d’Yquem. Sur un pâté épicé, l’accord est incertain. Avec un jarret d’agneau particulièrement tendre, l’accord se trouve sur la chair seule. Mais le vin se déguste seul, facilement et tranquillement, avec ce petit sentiment que nous l’avons sauvé d’une mort quasi certaine.

rangement de cave (suite) dimanche, 7 octobre 2012

Le rangement de ma cave continue le
lendemain avec l’un des deux amis. Avec des sandwichs de station-service, je
choisis un Château
Beychevelle 1/2 bouteille 1961
. Le niveau dans la bouteille est
entre mi-épaule et haute-épaule. Le bouchon est beau, très sain. La couleur du
vin est belle. Nous le buvons dans des conditions que je déconseille, puisque
le vin est ouvert au dernier moment. Ainsi, les petits défauts de poussière, de
vieille armoire sont là, alors que trois heures plus tard, ils auraient
disparu. Mais en faisant abstraction de cela, d’autant que le vin s’ouvre vite
dans le verre, même dans l’atmosphère fraîche de la cave, nous profitons d’un
vin d’une structure forte, liée au merveilleux millésime, avec une trame
serrée, un goût de truffe et de fruits noirs. C’est un vin chaleureux,
charpenté, au final contenu du fait de la froideur, que nous finissons avant
qu’il n’ait pu éliminer les traces de poussière. Au coin d’une table dans ma
cave, entre des manipulations de bouteille canoniques, c’est une pause
sympathique avec un vin de belle évocation.

petit casse-croûte dans ma cave jeudi, 4 octobre 2012

Il faut mettre de l’ordre dans ma cave.
Deux amis m’aident. J’ai commandé des sushis pour la pause du déjeuner. J’ouvre
un Champagne
Veuve Cliquot rosé 1978
. Sa couleur est d’un rose intense et
raffiné. Il est puissant, incisif et il aimerait un choc culinaire. Les sushis
sont polis mais ne créent pas d’émotion avec le champagne. Ce qui compte le
plus, c’est de recréer le monde dans ma cave. Nous savons que ce que j’envisage
est digne des travaux d’Hercule. Ce beau champagne nous en donne la force.

déjeuner aux Ambassadeurs du Crillon avec un beau Riesling jeudi, 4 octobre 2012

Le prochain dîner de wine-dinners devant se
tenir aux Ambassadeurs
du Crillon
, je vais y déjeuner pour faire les dernières mises au
point avec Christopher
Hache
, très motivé par ces expériences d’accords subtils mets et
vins. Etant seul, j’hésite à boire et je demande à Jérôme Moreau, le chef sommelier
du lieu s’il a un vin un peu inhabituel. Sa suggestion est le Riesling Cuvée
Frédéric Emile domaine Trimbach 1976
et j’applaudis des deux mains.
Le vin a une couleur de miel doré et son nez est aussi de miel et de confiture
de fruits jaunes. En bouche, je m’émerveille de la fraîcheur, de la cohérence
et de la délicatesse de ce riesling. Il a une belle acidité qui évoque les
zestes de citron. On sent aussi des épices douces. Sa longueur est belle. C’est
un grand vin évolué mais épanoui. Il est d’un équilibre ensoleillé. L’accord
qui me vient à l’esprit pour un tel vin est le veau basse température ou le ris
de veau. Aussi, Christopher Hache avec qui je goûte le vin fait ajouter un ris
de veau à mon menu. Sur un saumon en gros pavé d’une tendreté rare, le Trimbach
est superbe. Sur le cabillaud l’accord est moins facile. Sur le ris de veau,
plus sur la chair seule qu’avec la sauce, le riesling est merveilleux. Ce vin
lisible, franc, est un vin de pur bonheur.

Ayant reconnu les occupants de la table
voisine de la mienne, je leur ai offert ce que je n’avais pas bu de ma
bouteille. Je n’avais hélas pas le temps de recueillir leurs commentaires sur
ce beau riesling.

L’hôtel de Crillon va fermer ses portes
pour au moins deux ans de travaux. Christopher va étudier des cuisines
nouvelles et Jérôme va visiter un plus grand nombre de vignerons. Dans cette
période incertaine, la tenue du lieu et l’humeur des équipes est toujours aussi
impeccable. Bravo.