déjeuner à l’Astrance mercredi, 21 mars 2012

Nous commençons par un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1997, à la couleur déjà légèrement ambrée. Le champagne est distingué, presque fumé. C’est son élégance qui domine. Il est un peu strict et manque un peu d’ampleur, mais c’est un grand champagne vibrant. Sur le foie gras, il est à son aise et le champignon de Paris lui sert de tremplin. Sa longueur est belle, sa trace fumée est agréable, mais j’attendais un peu plus.

Le Riesling Clos Windsbuhl Zind Umbrecht 1994 est d’une couleur très ambrée. D’une année à botrytis, il combine le caractère sec du riesling avec l’esquisse d’un vin doux. Ce n’est qu’un esquisse, car à aucun moment, même sur la coquille Saint-Jacques presque sucrée, on ne ressent du doucereux. Ce qui me fascine, c’est la précision du riesling. Il a de l’orange amère, du fruit confit, du fumé, mais aussi l’acidité et la fluidité du riesling sec. Sa flexibilité est admirable aussi bien avec l’huître où l’iode excite le vin qu’avec la coquille qui le caresse. Mais c’est avec la crème de l’algue Kombu que le vin frétille. Comme l’occasion se présentait, je suis passé du champagne au vin blanc et j’ai fait le chemin inverse, et c’est fou comme les deux se renforcent. C’est assez saisissant. Et ce qui apparait, c’est la précision du riesling, comme taillée dans le marbre le plus blanc.

Nous risquions de manquer de vin blanc, aussi Alexandre nous ajoute un verre de vin de son invention, qu’il ne nomme pas. La couleur est aussi ambrée, le vin est noble, riche, puissant. C’est un Pouilly-Fuissé Clos de Monsieur Noly Domaine Valette 2000. Sur le tourteau et le coulis d’étrille l’accord est saisissant. Je félicite Alexandre pour ce choix pertinent. Ce vin « cause ». Il s’exprime, vibre sur le plat. S’il n’a pas le caractère ciselé du riesling, il a un coffre, une assise et une présence qui sont adaptées au plat. Fruits jaunes, fruits bruns, salade de fruits bruns, fumé, tout concourt à une impression d’élégante gourmandise.

Pour le Chateauneuf-du-Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 2001, j’ai à peu près autant d’objectivité qu’avec la cuisine de Pascal Barbot. Je n’irais pas jusqu’à déchirer mon tee-shirt et pousser des cris hystériques, mais ce n’est pas loin. Car ce vin, ce n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un monument. Quand on boit ce vin, on boit un désir de vin. C’est exactement ce que l’on souhaite d’un vin de dix ans. Je suis tellement heureux de boire un vin aussi parfait sans être doctrinal que j’en offre un verre à la table voisine. Je saurai plus tard qu’il s’agit de la mère et de l’oncle du pâtissier du restaurant.

Ce vin est pour moi un miracle, subtil, vibrant. Bien malin serait celui qui devine sa région. Je remercie Alexandre de son service du vin en lui donnant mon classement : 1 – Henri Bonneau, 2 – Zind Humbrecht, 3 – Puilly-Fuissé Valette, 4 – Philipponnat. Le mot « Fin » s’écrira avec un Whisky Macallan 1992 percutant de conviction.

La cuisine de Pascal Barbot est un bouquet de création. Son sourire est désarmant. Cette table est un bonheur.

magnifique repas à La Tour d’Argent samedi, 17 mars 2012

On ne peut pas imaginer le nombre d’américains qui connaissent plus de grandes tables européennes que les français. Murray profite de réunions professionnelles en Europe pour ajouter à son tableau de chasse tous les nouveaux trois étoiles. Si le guide Michelin ajoute un chef au firmament, Murray doit s’y rendre avec son groupe de collègues et amis in petto.

Cette semaine, ils ont « fait » deux restaurants phares en Allemagne, puis quatre ou cinq grandes tables de Paris. Hier ils avaient déjeuné à la Tour d’Argent et ce midi, avec mon épouse, nous les retrouvons à déjeuner au restaurant de la Tour d’Argent. S’ils doublent la mise, c’est parce qu’ils estiment que le choix de la carte des vins est unique.

Arrivant en avance, j’ai le temps de regarder la carte des vins et je suis horrifié par les prix. Si l’on est fou à Hong-Kong, faut-il être fou à Paris ? Un vin que j’aime, qui est grand, mais qui n’est pas dans mon Panthéon, peut être trouvé autour de 1.500 €. Il faudrait ajouter un billet de 10.000 € (comptez le nombre de zéros) pour que je puisse le boire ici alors que je l’ai chez moi. Pour les champagnes, c’est de la folie, rendant quasi impossible de goûter des cuvées que je bois habituellement.

Alors bien sûr, il reste de bonnes pioches, mais de plus en plus rares. Les vins que nous allons boire sont loin d’être des seconds couteaux, car à un moment, on décide de se lancer. Les amis arrivent, je discute avec Murray des choix possibles. Notre table, par un hasard que j’apprécie, est celle que gérait un maître d’hôtel historique, Monsieur Aimé. C’était un patient de mon père qui était oto-rhino. Ce détail a encore plus d’importance pour moi, car aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mon père, qui aurait fêté ses 103 ans. La table est magnifique et je peux voir bien sûr Notre-Dame, mais aussi la Tour Saint-Jacques, les toits de la mairie de Paris, au loin le Sacré Cœur, et l’île Saint-Louis où j’ai habité avec celle qui allait devenir ma femme il y a 46 ans.

Les serveurs sont en habit, le service est attentif, tout annonce un grand moment. Nous commençons par un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2008. C’est un champagne d’initié. J’ai souvent écrit que c’est un champagne d’ayatollah. Car il faut un palais exercé pour apprécier ce champagne acide, fumé, à l’oxydation forte, sans concession. Mais si l’on entre dans sa sphère, on en découvre toutes les subtilités. Gagnera-t-il en vieillissant, je serais bien incapable de le dire. Mais sur l’instant, j’adore son caractère énigmatique, interrogeant, et ne gratifiant que ceux qui s’ouvrent à lui. Par un hasard extraordinaire, un petit amuse-bouche au haddock avec une sauce crémée a créé un accord magique avec le « Substance ».

Nos menus sont différents. Le mien est : terrine de foie gras aux deux gelées, la quenelle de brochet, le travers de porc, fromages et dessert à la mangue. Pour les deux premiers plats, j’ai fait servir ensemble le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1983 et le Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1992. Car la logique voudrait que le Bâtard vienne après le riesling, mais certains ont pris comme deuxième plat des asperges qui iront mieux avec le riesling.

Quoi de plus différent que ces deux grands blancs ? Le Sainte-Hune est une merveille de précision. Il est droit dans ses bottes, monolithique, mais d’une invraisemblable précision. Alors qu’il est un parfait gentleman, le Bâtard est beaucoup plus canaille jouant sur la séduction. Il a un fruit superbe, une mâche énorme, et si le Sainte Hune joue en longueur ou plutôt en verticalité, le Bâtard joue en largeur. Il est à noter que les deux vins semblent au sommet de ce qu’ils pourraient être, avec un épanouissement certain. Pour la quenelle, c’est le Bâtard qui s’impose, alors que pour l’asperge, c’est le riesling. Avec le foie gras aucun accord n’est parfait, mais le riesling est plus naturel.

Je fais voter la table sur le meilleur des deux, et c’est un vote partagé. Mon sentiment est que le vin de Trimbach est le plus pur, le plus précis, le plus dans une forme de perfection, alors que le plus chaleureux est le Leflaive, avec un épanouissement hors du commun. Mais avec le Bâtard, on peut imaginer qu’il existerait mieux, alors qu’avec le riesling, c’est impossible. Ce riesling est au sommet de son art, sans rival imaginable.

Le plat de porc est un éblouissement. La Tour d’Argent ressuscite la cuisine d’il y a un siècle, et c’est un succès. Lorsqu’on nous a servi le foie gras, c’est à la cuiller. Et les deux gelées, l’une au sauternes et l’autre au porto sont aussi servies à la cuiller. On est au sommet de la cuisine d’antan. Le travers de porc, laqué, fumé est une vraie merveille de gourmandise.

Le Bonnes-Mares Domaine Roumier 1988 qui n’a pas été carafé contrairement aux blancs est à la fois épanoui et timide. Il est follement bourguignon et ce qui me plait le plus, c’est qu’il n’essaie pas de plaire. Il est authentique, naturel, et tout en lui est finesse et discrétion. Murray trouve qu’il a beaucoup de fruit alors que je trouve son fruit discret, sans que cela nuise au message. C’est un beau vin de Côte de Nuits, avec déjà des signes de maturité, des évocations de cendres, un beau caractère vineux, et une longueur au final raffiné. C’est un grand vin plein de distinction.

Comme le bourgogne a été rapidement fini sur la viande gouteuse, que va-ton boire sur le fromage ? Je suggère un Château-Chalon Jean Macle 1991, de l’année la plus vieille sur la carte de ce beau domaine. Ce qui est fou avec ce vin, c’est qu’il est intemporel. Et il est d’une facilité de message extraordinaire. On sait qu’il est Château-Chalon, mais il est accueillant, facile à boire, lisible. Pour un peu, à l’aveugle, on se tromperait de région, tant il est fluide comme un vin de Loire. C’est presque le contraire du Selosse, même si les messages ont des points communs. Et c’est le Comté et lui seul qui fait apparaître de fortes notes de noix. Ce vin est splendide.

Sur la carte des vins, au chapitre de Clos Sainte-Hune, il y a deux vins pour 1989. L’un est un vendanges tardives que j’ai déjà goûté et qui est une réussite invraisemblable, et pour deux fois plus cher, il y a le Clos Sainte-Hune Vendanges Tardives Hors Choix 1989. Tout est dans le « hors choix », qui signe une crème de tête. Ce vin est fou. N’allez pas dire qu’il est d’Henri Maire ! Il est fou parce qu’il est à la fois doux, du fait de la vendange tardive, mais extrêmement sec, les sucres ayant été dissous du fait de ses 23 ans. On retrouve la précision du 1983. Un message délié révèle la cohérence d’un vin à la fois sec et doux. Est-ce cohérent ? quand on est en face de lui, on le comprend. Il y a des notes de mangue, d’orange amère, une belle acidité citronnée mais mesurée et une rondeur folle. Ce vin est diabolique car il est inclassable. Il est hors de tout.

Nous avons voté de façon informelle, et s’il y a une diversité des votes, il y a aussi beaucoup de cohérence. Mon vote est : 1 – Clos Sainte-Hune Vendanges Tardives Hors Choix 1989, 2 – Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1983, 3 – Bonnes-Mares Domaine Roumier 1988. Murray a les mêmes deux premiers et a mis en troisième le Château Chalon, ce que je comprends volontiers.

Nous nous sommes promis de nous revoir à San Francisco pour rejoindre un groupe de solides collectionneurs et faire de nouvelles folies. Que dire de ce repas ? En ressuscitant une cuisine ancestrale, La Tour d’Argent a réussi son coup. Tout était délicieux. Bien sûr, rien ne dit que ce sera aussi parfait un autre jour, mais ce qui est pris est pris. La vue est féerique, le service du vin est très attentionné et notre sommelière a géré intelligemment les vins. Le service des plats est parfait. Comme ma marotte est le prix des vins au restaurant, il faut que La Tour d’Argent revienne à une politique tarifaire raisonnable, car c’est le seul point, mais c’est le bât qui blesse.

Le célèbre canard au sang et Notre-Dame

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 14 mars 2012

Les déjeuners de conscrits se répètent à un rythme un peu trop soutenu. L’un des amis nous ayant offert un déjeuner normand, c’est aujourd’hui un déjeuner breton que nous partagerons au restaurant du Yacht Club de France. Etant en avance, je me fais offrir une coupe de Champagne Billecart Salmon sans année que je trouve fort civil, avec une belle mâche bien ensoleillée.

Le menu conçu par l’équipe dynamique de ce club est : andouille de Guéméné et bouchées de saucisse bretonne / ormeaux à la purée de coco Paimpolais / Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc, beurre blanc aux algues de chez Bornier / Homard bleu du Guilvinec en aumônière de blé noir, artichauts de Bretagne glacés, sauce armoricaine / fromages bretons affinés de la maison Bornier à Saint-Malo /far breton, petites crêpes au caramel salé, gâteau breton de tradition pur beurre.

Autant dire que l’on chausse ses sabots fourrés de paillons, que l’on porte le chapeau à ruban noir, et que l’on fume la pipe longue et noire qui est capable de résister aux embruns de la Pointe du Raz. Ça bretonne à pleins poumons. L’andouille est parfaite sur le champagne. La saucisse faite par la grand-mère de Thierry Le Luc, directeur de la restauration du lieu est virile et typée. Ça arrache !

Le Muscadet Michel Brégeon 2005 est absolument superbe. Son acidité est belle, son fruit jaune est présent, et ce qui frappe, c’est sa belle cohérence. Il est fruité, gouleyant, et s’adapte parfaitement aux ormeaux et Saint-Jacques. Lorsque Thierry me sert le Cos d’Estournel 1996, le nez est d’un parfum envoûtant. Ce vin respire la noblesse, la délicatesse et l’équilibre. Et le vin est délicieux, joyeusement tannique, avec un beau fruit, une mâche abondante, et un final entraînant. C’est un très grand vin qui cohabite bien avec le homard d’une qualité idéale. Présenté fourré dans sa crêpe, il est gourmand.

Le trou breton se fait à l’Hydromel de Cornouaille Chouchen de A. Lozachmeur qui titre 13° et arrose un sorbet. Ses notes de miel sont délicieuses. Le repas se finit sur un Château Suduiraut 1998 charmant mais aussi bien charpenté, et d’un équilibre remarquable. Les gâteaux bretons sont superbes et nous donnent des semelles de plomb. Le restaurant du yacht Club de France, par sa motivation, par la recherche de produits de qualité et par l’inventivité de son équipe, nous offre des repas particulièrement raffinés.

Un repas breton, ça se voit aussi dans les détails !

déjeuner aux Caves Legrand lundi, 12 mars 2012

Je vais déjeuner aux Caves Legrand avec le sémillant propriétaire de cette grande maison. Lorsque j’arrive, je rencontre Olivier Krug qui est un ami de la maison, en pleine réunion de travail. Le déjeuner est simple mais bon, sardines Chica-Pica de Rödel absolument délicieuses et une pièce de bœuf très tendre aux pommes de terre. Le Burg Bergheim Domaine Marcel Deiss 2005 est très original. Il a des notes fumées, légèrement oxydatives et une palette aromatique très riche. Comme un Fregoli, il change de facette à chaque gorgée. Le Vin de pays de l’Hérault Domaine de la Grange des Pères 2008 est un vin qui est encensé par les aficionados du vin. J’ai souhaité goûter ce vin qui m’était inconnu, lorsque Gérard m’a demandé quel serait mon désir. Riche, puissant, avec des évocations végétales variées, ce vin a de quoi plaire aux palais actuels. J’attends de voir si la magie opère. Mais si je reconnais que le vin est bien fait, le déclic ne se fait pas. Il manque de cette émotion que crée un grand vin. J’ai eu plus de vibration avec le vin alsacien. C’est une expérience à recommencer, car je ne dois pas passer à côté de ce vin encensé par beaucoup.

Dîner au Blue Elephant à Paris dimanche, 11 mars 2012

Dîner au Blue Elephant, table thaïlandaise à la belle cuisine conventionnelle mais goûteuse. Un Dom Pérignon 2000 est agréable à boire mais ne me remue pas comme il l’a souvent fait. Lorsque je fais doubler la mise, je suis surpris du saut qualitatif de la deuxième bouteille. C’est au moment de faire la photo que je comprends pourquoi : c’est un Dom Pérignon 2002, qui ne figure pas sur la carte des vins, qui l’a remplacé. Bonne pioche et quel beau champagne romantique. Fleurs blanches et romantisme, c’est sa signature.

dîner au « Bouchon » Beverly Hills mardi, 6 mars 2012

Un ami américain que j’ai connu sur le forum de Robert Parker m’avait annoncé son passage à Paris début avril et m’avait demandé si nous pourrions nous rencontrer. Prenant la balle au bond, sachant qu’il habite Berverly Hills, je lui ai dit : « rencontrons-nous d’abord lors de ma visite ». Il m’a répondu : « rejoignez un dîner que je fais, rendez-vous au restaurant ». Rien d’autre, pas d’indication sauf celle de ne pas apporter de vin car il y en aura. Le lieu et la date changèrent, mais au bout du compte, nous nous retrouvons au restaurant « Bouchon » Beverly Hills, qui fait partie du groupe de Thomas Keller propriétaire du fameux « French Laundry » dans la Napa Valley. Surprise, je me retrouve avec des jeunes vignerons de Saint-Emilion qui étalent sur un étagère les 2009 que nous allons boire : Clos des Jacobins, Château la Commanderie, Clos de la Vieille Eglise qui est un pomerol, Clos du Breuil, Château Fleur Cardinale, Secret de Cardinale, Rol Valentin qui a ajouté un 2005 au 2009. Voilà un programme sympathique. Alors qu’on nous avait réservé une belle table sur un balcon de l’immeuble où se situe le restaurant, mon ami Jeff nous fait préparer une table deux fois plus petite où nous sommes serrés comme des sardines.

Alex, le sommelier qui avait travaillé dans le passé pour les dîners de Bipin Desai nous sert un Marcassin Chardonnay 2005. Ce vin est étrange car il semble d’une jeunesse extrême. Dire que c’est un 2010 serait logique. Il est typé californien, avec une puissance très prégnante. On sent qu’il a un beau potentiel de développement. Mais je trouve que le final est trop court et l’amertume trop grande. Le Kongsgaard 2006, lui aussi chardonnay est très oxydé. Il déplait à tous, malgré un gros fruit et un fort caramel.

Nous passons aux rouges avec un Cain Concept 2002 à dominante cabernet sauvignon, doucereux et fort poivré. C’est le second vin du Cain Five 2003 où le cabernet sauvignon ne fait que 45% contre 84% pour le précédent, avec un pourcentage significatif de petit verdot (20%). Le nez est plein de charme. Il est très doux, avec un final de cassis. Il titre 14,7°, ce qui doit être d’une grande modestie. Il est vert, fort, avec du fenouil et des tannins durs. Il ne manque pas de charme.

Le Arrowood 1997 cabernet sauvignon est très bon, délicat vivant et vibrant. Il a une belle fraîcheur. Les vignerons et moi-même, nous commençons à trouver que l’introduction américaine est bien longue et nous commençons à penser que les vins français ne seront pas bus. La Rota Vineyard 1994 cabernet sauvignon a un nez très élégant. Le vin est bon, joli, charmant. Mais il manque vraiment de longueur et assèche la bouche. La Conn Valley Right Bank 2007, petit clin d’œil aux vignerons qui sont de la rive droite de Bordeaux, est majoritairement merlot. C’est un joli vin très boisé et un peu râpeux.

Vient enfin un vin français mais qui ne provient pas des présents, Château La Croix Saint-Georges 2001, vin beaucoup plus frais et léger que les précédents, d’une belle élégance. Jeff, du fait de ma présence, a apporté un Château Cheval Blanc 1970. Comment faire quand le vin a été ouvert à mon intention, et quand il est bouchonné, si celui qui l’a offert prétend que non ? Une des vigneronnes avait déjà sans crier gare vidé son verre dans un crachoir. Le vin, malgré une belle attaque, est envahi par le goût de bouchon. L’intention était amicale.

Le Spottswoode cabernet sauvignon 2007 est un vin très riche qui a obtenu 100 points Parker. Il est surpuissant. C’est du copeau de bois, riche bien sûr, mais sans véritable émotion.

Le « Bouchon » est un bistrot à la cuisine d’une belle précision. Le jarret de veau fourré au ris de veau est d’une tendreté remarquable. Ce dîner fut curieux, puisque les vignerons avaient apporté leurs vins pour qu’on les boive. Ils vont les présenter à la presse demain. Ces vignerons sont sympathiques, motivés à promouvoir leurs vins auxquels ils consacrent toute leur énergie. Leurs avis sur les vins américains ont été contrastés, parfois opposés. J’avais à côté de moi un sommelier qui est inscrit aux plus prestigieux concours de sommellerie. Cette soirée dont je ne savais rien, fut fort sympathique, avec des vins américains qui ne m’ont pas franchement convaincu et la défaillance d’un vin emblématique. On conservera surtout la chaleur de l’amitié.

Verticale de PSI et Flor de Pingus à L.A. samedi, 3 mars 2012

Après la verticale de Pingus Amelia et celle de Pingus au restaurant Spago, j’ai retenu Peter Sisseck et Emanuel Berk son importateur, pour un verre de l’après-match. C’est sur un Dom Pérignon 2002 que nous avons trinqué au « The Boulevard » de l’hôtel Berverly Wilshire où j’avais dîné la veille. Nous avons bavardé de sujets de vins et l’heure du marchand de sable a sonné, car demain d’autres dégustations nous attendent.

A midi, notre groupe qui s’est un peu réduit se retrouve au restaurant Valentino de Santa Monica. Piero Selvaggio le propriétaire fort sympathique bavarde avec nous. Sa curiosité pour les vins est extrême. Il est enthousiaste et a fait beaucoup de dégustations avec Bipin Desai que nous attendons, car son taxi s’est trompé de chemin, avec un Champagne Deutz Brut Classic, très plaisant champagne de soif. Piero me montre une photo datant de trente ans où il est en compagnie de Bern Laxer, le fondateur du Bern’s Steak House à Tampa où j’étais allé en janvier.

La dégustation va porter sur deux vins de Peter Sisseck, le PSI et Flor de Pingus. Le projet de PSI est né en 2007. Peter avait constaté que depuis 1995, la superficie plantée en vignes était passée de neuf mille à vingt-deux mille hectares dans la Ribeira del Duero, et que parallèlement, la surface plantée en vieilles vignes s’était réduite de six mille à quatre mille hectares. Persuadé que ce sont les vieilles vignes qui font les meilleurs vins, il a convaincu ses voisins de lui vendre leurs grappes, pour faire un vin selon la méthode ancestrale. Il avait en effet remarqué que des vignerons faisaient des vins pour eux, non destinés à la consommation, et que ces vins ordinaires étaient très bons, et faits sans bois neuf, en cuves en ciment. L’idée est d’acheter des grappes, de montrer à ces vignerons que l’on peut faire de bons vins avec ces grappes et de les entraîner progressivement vers la biodynamie. Sur l’étiquette de PSI il y a un vieux cep qui a la forme de la lettre grecque. J’ai hasardé que PSI voulait dire « Peter Sisseck initiative ». Peter ne m’a pas contredit, mais je ne sais pas si c’est ça.

Flor de Pingus a démarré comme Pingus en 1995, mais si Pingus était en pleine propriété, Flor de Pingus a commencé avec des achats de raisins, comme PSI en 2007.

Le menu préparé par le chef Nico Chessa est : Stuzzichini dello chef / l’Ippoglosso in padella with medley of funghi and peperoncini / La carbonara di pasta oro con fonduta di parmigiano / Venison Chop with Tuscan marinade and fruit mostarda / il fromaggio : castelmagno, Buffalo blue cheese / La pannacotta.

La première série est PSI 2007, 2008, 2009, 2010. Ce sont des vins 100% vieilles vignes. Le 2010 n’est pas encore en bouteille. Nous buvons un prélèvement de fût.

Le 2010 a un nez d’une extrême pureté. Tout est élégant. Le 2009 a un nez un peu moins pur. On sent le fenouil sur un fond d’acidité. Le 2008 a beaucoup de charme et de douceur. Le 2007 a un parfum absolument charmant.

En bouche, le 2007 est fabuleux. Il y a du cassis, du fenouil et des tannins d’un équilibre énorme. Le 2008 est un peu plus strict. Le 2009 a légèreté et élégance, avec un très joli final. Le 2010 est encore plus élégant. Il se boit très facilement et prend conscience de l’effet « vieilles vignes ».

Le 2007 a un fort poivre. On sent que c’est un vin de gastronomie. Le 2008 est très élégant avec une fraîcheur mentholée. Les 2009 et 2010 sont plus légers et élégants que les 2007 et 2008. Le fruit de ces vins est spectaculaire. Mon classement : PSI 2007, 2010, 2009, 2008.

C’est difficile de juger lorsque les vins ne sont pas ensemble, mais j’aurais tendance à préférer les PSI aux Pingus. En goûtant à nouveau, je constate que les vins évoluent et s’améliorent. Mon classement final sera : PSI 2007, 2010, 2008, 2009. Mais cela pourrait changer encore.

Nous passons maintenant à Flor de Pingus. 1995 est la première année. Mais Peter ayant envoyé mille caisses aux USA, celles-ci se sont perdues, aussi le plus vieux que nous boirons est 1996. Peter a commencé à acheter des grappes, et en 1998, deuxième incident, le producteur principal lui annonce qu’il a tout vendu à un autre vigneron. Il n’y a donc pas de 1998. Depuis, il a sécurisé ses approvisionnements. Il achète de 18 parcelles différentes et intervient dans le contrôle de la croissance des vignes. Ses achats sont depuis 2004 à 100% de vieilles vignes. La production est d’environ 50.000 bouteilles et l’alcool est autour de 14°.

La deuxième série est Flor de Pingus 2007, 2008, 2009, 2010.

Le nez du 2010 est élégant et discret. Celui du 2009 est élégant mais plus strict. Le 2008 a un nez incroyablement fruité, presque trop. Il y a de la framboise et du fruit confit. Le 2007 est très élégant. Le 2008 me dérange par son parfum hors norme.

En bouche, le 2010 est un peu trop flatteur. Il est épais. Le 2009 est beaucoup plus élégant. Il a un joli fruit et de la légèreté. C’est un joli vin, pas très complexe. On sent le fenouil. Le 2008 est curieux. Il a beaucoup de menthe, de fenouil et de fruit en compote. C’est une curiosité sympathique mais qui n’est pas dans la ligne des vins de Peter. Le 2007, un peu comme le 2010 est très doux, inhabituel. En revenant sur le 2010, je le trouve trop doux. Le 2009 est élégant, le 2008 est en train de s’assembler. Peter adore le 2008 et pense qu’il vieillira bien. Le 2007 progresse aussi. Ces vins auraient dû être ouverts avant, car tous progressent. Je classe 2009, 2007, 2008, 2010. Mais quand le plat est là, qui fait disparaître tout aspect doucereux, je classe : Flor de Pingus 2009, 2008, 2010, 2007. Ces vins sont un peu lourdauds et trop « modernes » pour moi.

La troisième série est Flor de Pingus 2003, 2004, 2005, 2006.

Le nez du 2006 est élégant. Le 2005 est profond. Le 2004 est entre les deux, et le 2003 est plus doux. Après tout ce qu’on a bu depuis hier, mes commentaires deviennent de plus en plus succincts.

En bouche, le 2006 est bon, doux, mais un peu rêche. Le 2005 manque d’équilibre. Le 2004 a beaucoup plus d’équilibre et de grâce. Le 2003 est un peu râpeux. On a envie de les juger avec un plat. Les vins y gagnent énormément. Le 2006 est superbe, le 2005 est un peu moins intégré et plus lourd. Le 2004 est élégant et le 2003 très élégant. Mon classement : Flor de Pingus 2003, 2004, 2006, 2005.

Ces vins sont flatteurs, mais lourds et manquent de précision. Peter à qui je m’en ouvre dit que la raison pourrait être qu’il s’agit de vins de mélange, puisqu’il achète des grappes de plusieurs parcelles. Mon classement final est : Flor de Pingus 2004, 2003, 2006, 2005.

La quatrième série est Flor de Pingus 1996, 1999, 2000, 2001.

Le nez du 2001 est très fort et l’on sent l’alcool. Le 2000 est plus calme mais imparfait. On sent la structure imprécise. Le 1999 est plus civilisé. Le 1996 est très élégant.

En bouche, le 2001 n’est pas mal, assez calme et assez amer. Le 2000 a un côté vineux et une amertume apparaît. Il est assez dur. Mais il faut dire que je commence à saturer de toutes ces séries. Le 1999 est plus joyeux, plus équilibré. Le 1996 est encore meilleur. Elégant et pur, c’est le plus grand de tous les Flor de Pingus. Mon classement est : Flor de Pingus 1996, 1999, 2001, 2000.

Si l’on combine les trois séries de Flor de Pingus, je retiendrais Flor de Pingus 1996, 2009, 2004, 1999.

Nous finissons le repas avec un Torres Floralis Moscatel 2008 qui, malgré les 15° annoncés fait très fortifié. Il évoque le melon et la menthe traités en ratafia.

Ce qu’on peut retenir de cette dégustation en deux repas, c’est d’abord la grande modestie de Peter Sisseck, son envie permanente d’améliorer ce qu’il fait, et sa volonté d’aider les vignerons de sa région pour la mise en valeur des vins des vieilles vignes et pour l’extension de la biodynamie.

Pour Pingus et Flor de Pingus, les vins les meilleurs sont le plus souvent soit les plus anciens, soit les plus récents. Au début, il devait y avoir la flamme du démarrage auquel s’ajoute maintenant l’effet de l’âge. Pour les plus récents, c’est l’amélioration de la qualité du vin. Ce sont des vins qu’il faut boire soit très jeunes, soit avec une maturité affirmée. 1996 et 1999 sont de beaux millésimes anciens et 2009 et 2010 de beaux millésimes récents.

D’une façon générale c’est l’élégance, la fraîcheur et la précision qui caractérisent les vins de Peter. J’ai eu un faible particulier pour les vins que je ne connaissais pas, le très frais Pingus Amelia et le très original PSI. J’ai beaucoup appris sur ce domaine promis aux plus belles destinées grâce aux qualités d’ouverture d’un vigneron danois passionné de la Ribeira del Duero.

la salle

Peter Sisseck

15 millésimes de Pingus et 7 millésimes de Pingus Amelia samedi, 3 mars 2012

A 19h30, le groupe d’amis de Bipin Desai se rassemble au restaurant Spago de Beverly Hills pour la plus grande verticale jamais faite des vins de Peter Sisseck, vigneron danois installé dans la Ribeira del Duero. C’est Emanuel Berk, agent importateur des vins de Pingus qui a rassemblé tous les millésimes qui ont été faits de Pingus, de Flor de Pingus, le second vin, et de Amelia, cuvée extrêmement confidentielle créée en 2003. Arrivé en avance, j’ai la chance que Christian Navarro, sommelier ami de Bipin, me serve un verre de Champagne Dom Ruinart 1998. Ce champagne a une bulle très discrète, presque absente alors que la bouteille a été ouverte il y a seulement vingt minutes, et une forte personnalité. Wolfgang Puck le chef propriétaire des lieux vient nous saluer. Il est tout sourire. La cuisine ce soir est réalisée par Tetsu Yahagi, l’un des chefs de l’équipe du Spago.

De très nombreux amuse-bouche sont bus sur un Champagne R&L Legras blanc de blancs fort agréable: Spicy tuna tartare in sesame-miso tuille cones /fava bean hummus tarts with Zatar caviar / farmers market vegetable crudite / duck liver pastrami on rye crisp / sturgeon mousse on rye crisp Osetra caviar. Ils sont délicieux et copieux.

Nous sommes une petite vingtaine, répartis en trois tables pour avoir suffisamment de place pour les verres. J’ai gardé mes 22 verres, plus celui du champagne et de l’eau, ce que beaucoup n’ont pas fait, faisant retirer les verres après chaque série.

Le menu est : sautéed mushroom stuffed Maine Skate, red wine reduction and black trumpet mushrooms / Uova de Raviolo, hazelnut brown butter and black truffles / slow roasted carpenter’s ranch squab breast, confit leg « Pithiviers », sauve salmi ans sweet English peas / assorted artisanal cheese / chef sherry’s dessert by inspiration.

La première série est Pingus « Amelia » 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010. Le nom Pingus vient du surnom que donnaient ses parents à Peter lorsqu’il était petit. Il y avait un couple d’acteurs célèbres dont l’un était Ping. Peter était appelé Ping. Lorsque Peter a acheté la propriété de quatre hectares avec des vignes plantées en 1921, il a appelé sa propriété Pingus. Amelia est le nom de la fille de son importateur et le vin créé en 2003 représente une barrique par an. Il se distingue de Pingus par son alcool faible puisqu’il titre chaque année entre 12 et 13 degrés, et par son vieillissement en barriques usagées. Il n’y a pas de fût neuf. Il est fait essentiellement de vins de vieilles vignes. A noter que la récolte entière de la première année a été achetée par Emanuel Berk qui en est donc le seul propriétaire.

Le 2010 que je sens en premier est dans un verre qui sent la poussière. On pressent cependant un fruit très doux, de velours. Le 2009 a un nez beaucoup plus fermé. Le fruit est très sensible mais discret. Le nez du 2008 est moins net, l’alcool prenant le pas sur le fruit. Son parfum évoque un peu un vin vieux. Le 2007 a un nez profond, où l’alcool est aussi présent. Le 2006 a un nez très charmeur.

C’est à ce moment que le plat est servi, ce qui change complètement l’examen des parfums. Le 2005 a un nez charmeur, dense. C’est le plus beau à ce stade. Le 2003 a un nez plus strict mais on le sent très élégant.

Je commence l’examen des saveurs, en faisant bien attention, car la sauce réduite au vin rouge pourrait changer les conditions de l’exercice.

Le 2010, comme tous les 2010 que nous boirons, est un vin sorti de fût, car il n’a pas encore été mis en bouteilles. C’est un très joli vin où l’on sent la menthe et le cassis. Je le trouve superbe. Le 2009 a plus de râpe mais il est très élégant. Le 2010 est diabolique de séduction dans sa jeunesse. C’est le vin qui a tout pour lui. Le 2009, même s’il est plus strict, a une force énorme. Il est équilibre et distinction.

Le 2008 est plus léger. Il est élégant et fait très bordelais. Le 2007 est élégant, évoquant le fenouil, le fruit, avec un final imposant. Il est élégant et se boit avec gourmandise, même s’il est discret.

Le 2006 a du velours, de la menthe, de l’anis, du cassis et une élégance rare. C’est un vin de folie, au final un peu amer, mais c’est un grand vin. Avec le 2005, on sent pour la première fois un accomplissement lié à l’âge du vin. Il a une belle râpe. C’est un grand vin mais un peu plus strict. Le 2003 a une grande élégance. C’est le plus grand de la série. Il a tout pour lui. Il est comme un très grand bordeaux, et Peter dit qu’il a les tannins d’une année chaude.

Je goute une nouvelle fois. Le 2010 est tout en douceur, velouté. Le 2009 est grand, plus amer, avec beaucoup de caractère. Le 2008 est plus léger mais élégant, il fait très bordeaux. Le 2007 est d’une belle élégance mais manque un peu de coffre. Le 2006 est joli, de belle râpe, un vin intéressant. Le 2005 a un grand équilibre. Il est très élégant. Le 2003 est parfait. Il est complet, au sommet.

Mon classement : Pingus « Amelia » 2003, 2010, 2005, 2006.

En poursuivant la dégustation de cette série, on sent le dénominateur commun de ces vins : jolis tannins, beau fruit, belle râpe et de grandes aptitudes au vieillissement.

La deuxième série est Pingus 2006, 2007, 2008, 2009, 2010. Contrairement à Amelia, ces vins titrent entre 14 et 15,5°.

Le nez du 2010 montre un alcool fort. Celui du 2009 est plein de charme, avec un fruit discret. Le 2008 combine charme et élégance, le 2007 est discret et de 2006 encore serré.

En bouche, le 2010 est multiforme. Il combine puissance et douceur. Il est opulent mais discret. C’est un vin très original. Le 2009 a une belle râpe. Le bois est très fort ainsi que le poivre. On pourrait dire que c’est un vin intransigeant. Il a de l’anis et de la menthe dans le final.

Le 2008 est plus léger, plus doux, un peu aqueux. C’est un grand vin, mais pas un vin de plaisir. Le 2007 est léger, de belle élégance, mais manque un peu de charme. Le 2006 est d’une grande élégance, c’est le plus parfait, avec menthe, anis et poivre.

A ce stade, je classe : Pingus 2006, 2010, 2009, 2007, 2008. Peter nous dit que les progrès significatifs faits au domaine concernent surtout les deux années récentes. La plus grande élégance est celle de 2009, mais l’effet de l’âge avantage le 2006. Le 2008 est très élégant sur le plat. L’équilibre de ces vins est immense.

La troisième série est Pingus 2000, 2001, 2003, 2004, 2005. Le 2005 a un nez de bouchon. Le 2004 est discret, le 2003 a un nez très beau et élégant, le 2001 est difficile, moins précis. Le 2000 est difficile à définir, très renfermé.

En bouche, le 2005 a la sécheresse du goût de bouchon, mais on sent ce qu’il pourrait être. Peter nous dit que c’est normalement un très grand vin. Le 2004 est discret mais très élégant. Le 2003 est un vin très « confortable », pullman, accompli avec un final un peu rêche où l’on ressent l’alcool. Le 2001 n’a pas un équilibre suffisant. Le 2000 est assez strict, moins complet, mais pas désagréable du tout. Les deux seuls vins qui ressortent du lot sont le 2003 et le 2004. C’est à ce stade la série la plus faible. Mais c’est sans compter sur le plat qui change complètement les visions. Car le 2000 devient plaisant, le 2001 offre plus de charme. C’est le 2004 qui prend l’avantage sur le 2003 et je classe ainsi : Pingus 2004, 2003, 2000, 2001, 2005. Cette série avait vraiment besoin du plat pour s’exprimer.

Le 2000 qui progresse est le favori de Peter, mais je garde mon classement pour des vins qui n’arrêtent pas de progresser et de prendre du caractère sur la volaille.

La troisième série est Pingus 1995, 1996, 1997, 1998, 1999. Nous avons les cinq premiers millésimes de ce vin. La démarche en biodynamie, démarrée en 2001 est postérieure à cette série. Le nez du 1999 est élégant, de grand équilibre. Celui du 1998 montre moins d’équilibre. Celui du 1997 met en avant son alcool, celui du 1996 est fantastique et celui du 1995 est aussi fantastique et plus fruité.

En bouche, le 1999 est très confortable, il se boit bien. Le 1998 manque d’équilibre, le 1997 a un léger goût de bouchon, le 1996 est difficile a décrire, car il est parfait. Le 1995 est aussi très grand mais je préfère le 1996.

Le 1999 est dans une forme éblouissante, comme un grand bourgogne. Il a une élégance rare et ne montre pas sa force. Au fur et à mesure de la dégustation, le 1995 passe au dessus du 1996, ce qui fait plaisir à Peter quand je le lui dis, car il aime son premier millésime. Je classe cette série ainsi : Pingus 1999, 1995, 1996, 1998, 1997.

Il est assez difficile de classer les séries différentes entre elles, car il est plus facile de classer au sein d’une série que l’on boit en même temps. Mais je risque un classement : Pingus 1999, 2010, 1996, 2006, 1995. Pingus est un vin qui est grand dans sa prime jeunesse du fait des progrès techniques qui sont réalisés, il est grand quand il a de douze à seize ans, par l’effet bénéfique du vieillissement. Il est plus faible sur les âges intermédiaires, quand le vin a perdu sa folle jeunesse et se cherche encore.

Peter Sisseck est un homme d’une grande ouverture d’esprit, toujours à l’affut de nouveaux progrès. Il fait des vins modernes d’une grande précision, d’un grand équilibre et d’une belle fraîcheur. La renommée dont jouit son vin est justifiée.

Peter Sisseck et Bipin Desai

Emanuel Bert et Peter

musée Getty à Los Angeles vendredi, 2 mars 2012

Le lendemain, je réalise un doux rêve : revoir le musée Getty. Sur une colline qui surplombe l’immense plaine de Los Angeles, le musée occupe quelques centaines d’hectares. Il faut une navette automatique pour parcourir entre un et deux kilomètres qui séparent l’arrivée de visiteurs de l’entrée du musée. Un vendredi, des milliers d’enfants de tous pays viennent en groupes. L’architecture du musée est magnifique. On pense à la Villa Noailles de Hyères, mais ici avec des tailles cyclopéennes, ou au musée de la fondation Maeght, à la puissance dix ou cent. Aujourd’hui il n’y a pas d’exposition spécifique, contrairement à ma dernière visite, mais le « fonds » de la fondation suffirait à remplir une semaine de visite. Je suis fasciné par le niveau atteint par l’art européen, même au temps du Moyen Age. Une exposition d’incunables et de livres d’heures, des œuvres de la Renaissance italienne, puis un parcours dans l’art européen de quatre ou cinq siècles donnent un sens au génie humain.

Par un soleil pénétrant et une brise appuyée, j’ai grignoté à une buvette improbable, rempli de la beauté de la collection Getty. Venir ici pourrait devenir un pèlerinage.

Osons un contraste. Dans la rue

et au musée :

Saint-Cyprien, le Christ, le détail d’un tableau de la Renaissance italienne, la reine Isabelle du Portugal, et les Iris de Van Gogh

Au total, j’ai pris 250 photos du Getty Center, et plus de 320 de la Villa Getty, consacrée à l’art antique romain, grec et étrusque