deux Cheval Blanc 1947 – comparaison des étiquettes vendredi, 24 février 2012

à gauche, le Cheval Blanc 1947 bu à Bochum, à droite celui bu au restaurant Michel Rostang.

L’une a le millésime sur l’étiquette, l’autre sur une contre-étiquette. Les libellés sont très différents. Deux étiquettes complètement différentes.

En voici une troisième, avec la main d’une des anciennes propriétaires de Cheval Blanc, dont la chevalière a l’écusson de l’étiquette.

Dégustations de folie à Bochum – jour 2 avec un vin de 1727 dimanche, 19 février 2012

Ma sainte mère me disait : « trop parler nuit ». Je n’aurais jamais dû dire que j’adore ouvrir les vins car Uwe vient me prendre à mon hôtel à 15h30 et me conduit dans une petite maison assez sinistre où l’on peut imaginer qu’un célibataire endurci, au lieu de la peupler de chats, l’a laissée s’envahir de vins. Le lieu est sombre, bizarre et Uwe me dit : « comme tu aimes ouvrir les vins, à toi de jouer. De plus, j’ai oublié mes tirebouchons au restaurant hier soir ». Je regarde l’énorme quantité de vins et je cherche des yeux la 1727. Stupeur, la bouteille a une étiquette et une capsule toutes neuves. Je me prends à imaginer qu’il s’agit d’une méprise grossière. Uwe aurait-il commis l’erreur de confondre la date de création de l’entreprise, comme 1664 pour Kronenbourg, avec la date du vin ? Mon effroi sera passager car Uwe m’explique que cette bouteille provient de douze fûts de vin de Rheingau, de vins de 1683, 1717 et 1727, conservés dans la Bremen Rathskeller, non détruits sous Napoléon car il ignorait les vins allemands, et qui, par ouillages successifs, ont donné lieu à un dernier fût, mis en bouteilles dans les années 60 du vingtième siècle. Il me montre le certificat d’authenticité délivré par la Bremen Rathskeller.

Pour me donner du cœur à l’ouvrage, car j’ai 23 vins à ouvrir, Uwe me demande d’ouvrir un Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971, vin de Moselle que nous buvons pendant que j’officie. Il est époustouflant. Riche, rond, coloré, évoquant les fruits jaunes, il est gouleyant et gourmand. Il faut bien cela, car la tâche est rude. Je n’ai jamais rencontré autant de bouchons à problèmes, trahissant des conservations hasardeuses dans de mauvaises caves. Dans cet ensemble, il y a des parfums impériaux, des parfums incertains, et des promesses d’actes de décès. Ce travail est tellement harassant que j’ai failli plus d’une fois abandonner. Mais je n’allais pas laisser Uwe dans l’embarras. Lorsque tout est ouvert, Uwe met des bouchons neutres sur les bouteilles qui sont transportées debout jusqu’au restaurant. Au moment de partir, Uwe retrouve ses tirebouchons qu’il croyait oubliés au restaurant. Je ne pense pas que c’est un coup monté. Il m’aurait volontiers aidé.

Pendant que je me change à mon hôtel, Uwe fait une double décantation pour chaque vin pour éliminer les lies. Je suis bien heureux de ne pas avoir vu ce micmac que je réprouve.

A18h30 nous sommes quatorze autour de la table, ce qui donnera des services de 13 verres, car deux personnes se partageront un verre. J’ai demandé à Uwe d’être assis à côté de Marcus Del Monego, meilleur sommelier du monde, avec qui nous allons nous régaler et bavarder de mille souvenirs de grands vins.

Le premier vin bu debout est un Riesling Spätlese trocken J.B.Becker Wallufer Walkenberg 1990, plutôt amer et très sec. Il est suivi d’un Monziger Frühlings Plätzchen Riesling Trocken Spätlese Emrich Schönleber magnum 1989. Le vin est plus chaleureux. Les deux vins sont très secs. Au fur et à mesure, ils prennent de l’ampleur et deviennent plus ronds. Mais l’astringence et le poivre fort dominent. La couleur du 1990 est plus dorée que celle du 1989. Si mon enthousiasme est limité, c’est que j’ai encore la mémoire du somptueux 1971 bu chez Uwe, au charme infini.

Nous passons à table avec trois vins. Le Schloss Reinharthausen Hettenheimer Wisselbrunn 1934 a une petite fatigue à l’attaque, mais on sent toute la grandeur. Il y a du fumé, de l’abricot et un beau final. La minuscule fatigue n’empêche pas le vin d’être très beau. Il est très chaleureux, même si l’on sent quelques relents de gibier.

Le Deidesheimer Hergottsacker Riesling Spätlese Würzburg Rheinpfalz 1949 a un nez délicat, plus léger et aérien. La couleur est très jolie. Le vin est un peu perlant. C’est un très grand vin évoquant le caramel. Mais il se replie sur lui-même puis se renforce à nouveau, devenant meilleur que le vin suivant.

Le Erdener Treppchen feine AusleseWachstum Schönmann 1949 a un nez très intense. C’est le meilleur. Des traces de poussière dans le vin à la couleur à peine grise sur l’ambre ne l’empêchent pas d’être beau, avec des accents de madère, à l’alcool présent. Au fil du temps, l’alcool devient trop prégnant.

Le Niersteiner Riesling 1870 # dont la date est estimée autour de 1870 a un nez dix fois meilleur que lorsque je l’avais ouvert. Il est un peu fatigué, mais c’est un témoignage intéressant. Il est un peu monolithique, dans les pommes cuites et la pâtisserie, mais je le trouve hautement intéressant.

Le Assmannshauser Spätburgunder 1872 est le plus vieux vin rouge allemand qui existe encore. Uwe nous dit qu’il n’en reste plus que 19 bouteilles, toutes dans sa cave. Le vin est très grand. J’écris : « génial ». Il est vivant et c’est le type de vin pour lequel on est prêt à excuser tous les défauts, car ce qu’il raconte et totalement vibrant. Son petit côté vieille armoire, on l’écarte, car il parle, et on l’écoute. C’est un vin merveilleux, de grande fraîcheur. Je n’aurais pas parié sur ces deux ancêtres à l’ouverture. Leur retour à la vie est impressionnant.

Je reviens un instant sur le 1934 qui montre un joli fruit incroyable.

C’est maintenant le moment de boire le Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727. Uwe m’avait dit qu’il tenait à ouvrir ce vin. Il me laisse l’ouvrir. La couleur est d’un or très franc, brillant et non ambré. Le nez est pur comme celui d’un liquoreux de 1920. C’est fou. Il évoque les liquoreux de type Maury. En bouche, il est très sec. Il a pour moi un goût de déjà vu, car il allume des tonnes de réminiscences, et je pense aux très vieux sauternes devenus secs. Ce qui est fou, c’est sa pureté. Je suis sans voix, car le vin est parfait. Comme lundi dernier avec l’Hermitage La Chapelle 1961 je veux m’isoler du monde pour analyser dans le moindre détail ce plaisir. Il y a des fruits secs, du mendiant, un peu de café en trace dans le final. Il évoque aussi de vieux Xérès ou des Alicante très anciens. Par moments, on a des traces de ce qui fait le charme des vins de Chypre. On sent aussi l’amertume de l’ananas. C’est assez phénoménal au point que l’on se demande si c’est possible. Uwe et Marcus sont catégoriques, et garantissent que ce vin est authentique. Alors, c’est fou. Mes vins de Chypre de 1845 sont d’une éternelle jeunesse. Un vin qui a 118 ans de plus est aussi d’une éternelle jeunesse. Nous buvons un morceau d’éternité.

Marcus nous dit que ce vin de la Rheingau n’est pas un riesling mais très probablement un Orléans blanc. Le nez est d’une race unique. L’âge de ce vin nous chavire, car il y a plus de distance entre lui et le 1872 que nous venons de boire qu’entre 1872 et aujourd’hui. C’est tout simplement fou. Comme il y a dans ce vin un peu de 1683, je repousse encore les limites de ce que j’ai bu de plus vieux.

Nous passons maintenant à des vins plus actuels, avec une série de trois vins. Les couleurs sont très jeunes, surtout celle du 1929. Le Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928 est très solide. Il est assis, à l’énorme équilibre. Il est très fort. Le Pétrus 1929 est plus profond, plus riche, plus séducteur. On sent la truffe. C’est un vin puissant. Le final est d’une rare richesse. C’est un grand vin très impressionnant. Le Château Troplong-Mondot 1934 a un nez un peu imprécis. Sa structure est plus faible. Il n’a pas assez d’équilibre. Il est un peu aqueux.

Le 1928 me plaît par son côté carré, solide. Le Pétrus est chantant et c’est sa jeunesse qui impressionne. Il a une grande finesse de trame. Il n’est pas éblouissant, mais il est très grand, vin de charme et de finesse. Le 1934 n’est pas mal, mais pas du niveau des autres, un peu amer en finale. Le fruit rouge du Pétrus est impressionnant et Marcus souligne son côté tannique.

C’est le tour du Château Pontet-Canet magnum 1955. La couleur est un peu foncée. Le vin est d’une fraîcheur extrême. Il est beaucoup plus frais que les trois vins précédents. Il est moins complexe mais plus franc. C’est un vin de soif, de plaisir. Il prend un velouté extrême et évoque la confiture de framboise. C’est un vin de très grand plaisir. Je dirais volontiers que si l’on cherche l’ADN du vin de Bordeaux, c’est-à-dire un vin qui pourrait résumer par un savant compromis ce qu’est un bordeaux, ce serait ce vin-là. Et si on cherchait une maturité archétypale, ce serait celle-ci. Ce vin est un repère central.

Je reprends une goutte de Pétrus, la dernière, et ce vin est une pure folie.

Vient une nouvelle série de trois. Le Château La Conseillante 1949 a un très joli nez, alors qu’il était moyen à l’ouverture. Il est très doux, presque sucré, et cette sucrosité empêche de l’aimer vraiment.

Le Château La Mission Haut-Brion 1955 a un nez de ventre de lièvre. Inutile d’insister, il est mort. Et comme hier, je m’étonne que personne ne le condamne vraiment.

Le Château Haut-Brion 1955 a un nez de feu de cheminée, de graphite, de camphre. Ce nez empêche de goûter le vin, moins pire que son parfum. Cette série est de loin la plus faible.

Sur le chevreuil délicieux, le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990 a un nez fantastique et de grande noblesse. En bouche il est puissant, poivré, majestueux. Il une belle amertume, un beau poivre et une grande puissance. Il affirme son caractère de Chateauneuf-du-Pape. C’est un superbe vin jeune.

Encore une série de trois vins. Le Vega Sicilia Unico 1947 a une couleur très claire. Le Château Cheval Blanc 1947 a une couleur très dense et très belle.. Le Château L’Angélus 1947 a une couleur fatiguée.

Au nez, l’Angélus est fatigué comme les 1955. Pour moi il est mort. Le Vega a un nez fabuleux, de compote de fruits rouges et je l’adore, car c’est la signature des vieux Vega. Alors, je ne vais pas du tout être objectif. C’est un vin fantastique, énorme, et je suis prêt à ignorer d’éventuels défauts. Il n’en a pas, sauf peut-être une présence alcoolique forte.

Le Cheval Blanc a un nez de Cheval Blanc. La présence de porto dans les suggestions du vin indique que c’est un vrai. Il est parfait, grand, mais pas assez canaille pour un 1947. Il est plus fruité que celui que j’ai bu ce lundi. C’est un grand Cheval Blanc 1947, mais j’avoue que je ne monte pas au ciel.

A cette série, Uwe rajoute un vin qui n’est pas sur la liste, à goûter à l’aveugle. Il est très grand, porteur d’émotion, mais il est très difficile à situer. Je risque Châteauneuf, Marcus risque bourgogne, et c’est un Château La Perrière, Lussac Saint-Emilion 1947. Lorsque Uwe donne la réponse, nous éclatons de rire Marcus et moi, et comme des footballeurs qui viennent de marquer un but, nous nous tapons dans les mains, souriant de nos communes confusions. Le vin m’apporte plus d’émotion que le Cheval Blanc 1947, ce qui est un compliment pour ce vibrant bordeaux, à la tension extrême.

La prochaine série de trois comporte des vins de Van der Meullen, un marchand de vins belge à qui l’on colle la réputation d’avoir vendu le meilleur, mais aussi le pire, puisqu’on lui prête beaucoup de faux, notamment sur des 1947. J’ai entendu ce soir une version particulièrement originale, puisque Uwe prétend que les faux que l’on trouve sont faits par des gens qui ont fabriqué de faux Van der Meullen et non pas Van der Meullen qui a fabriqué des faux. C’est assez original car je vois mal un faussaire qui copierait des mises de négoce. Bref. La couleur du Nuits-Saint-Georges Van der Meullen 1926 est assez tuilée. Les deux autres vins sont bien rouges,. Le Chambertin Van der Meullen 1947 est rubis et le Vosne Romanée Van der Meullen 1947 est plus clairet.

La 1926 pue. Inutile d’insister. Le chambertin a un nez superbement bourguignon, et le Vosne-Romanée a un joli nez, un peu moins tonitruant que le Chambertin.

Le 1926 a un goût de gibier, on l’oublie. Le chambertin est superbe, d’un joli velours, mais le final est trop rêche. C’est dommage, car à l’attaque je l’aurais placé très haut. Le final est trop amer, de chicotin. Le Vosne-Romanée est hélas bouchonné, sensible maintenant au nez et en bouche, et je le condamne peut-être trop vite, car il perd cette sensation de bouchon. Il devient presque aimable.

La partie vins est finie et l’on nous sert un Porto Vintage Graham’s 1924 très plaisant sur la première gorgée, mais qui explose d’alcool. Il est pour moi beaucoup trop fort, ce qui empêche d’en jouir.

Le Tokaji Eszencia 1945 est très racé assez lourd, et plus alcoolisé que ce qu’un Eszencia devrait être. Il n’est pas désagréable, mais ne crée pas de réelle émotion.

Uwe, dans sa générosité, ne sait pas conclure un repas. Car il nous apporte un Wehlener Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos. Prüm 2007 qui est immense de fraîcheur et corrige bien la lourdeur des deux vins précédents. Il est velouté, délicat et très agréable. Et ce n’est pas fini, car notre groupe se retrouve au bar de mon hôtel pour trinquer sur une bière Fiege Pils Moritz bu dans un verre dont le dessin et le design a été fait par Marcus avec qui je trinque à notre amitié.

Que dire de tout cela ? Je me suis inscrit à ce dîner pour le 1727, et je viens de boire un miracle. Uwe est un passionné généreux, qui déniche des vins rares. Il est un peu brouillon, et l’atmosphère du repas était assez triste car chacun prenait des notes dans son coin, sans communiquer. J’ai essayé de créer des échanges, mais ce n’est qu’à la fin que ce fut chaleureux. Heureusement, j’avais Marcus à mes côtés. Les vins se sont comportés nettement mieux que ce que je redoutais car beaucoup provenaient de mauvaises caves. Il y a eu beaucoup de déchets, mais quelle importance ! Quand on aime les vins anciens, il faut accepter les accidents.

Mon classement final est : 1 – Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727, 2 – Pétrus 1929, 3 – Assmannshauser Spätburgunder 1872, 4 – Vega Sicilia Unico, 5 – Château Pontet Canet 1955, 6 – Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990, 7 – Niersteiner Riesling 1870 #, 8 – Château La Perrière 1947, 9 – Château Cheval Blanc 1947, 10 – Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928.

Les trois premiers sont nettement détachés des autres. Je n’ai pas classé les vins allemands car c’est difficile, mais si je le faisais, je mettrais le Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971 bu en dehors du repas en numéro 4.

Deux jours de folie, mais des souvenirs qui s’ajoutent pour toujours.

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Chez Uwe, les vins m’attendent pour que je les ouvre

Il ouvre un Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971 à boire pendant ce travail

Riesling Spätlese trocken J.B.Becker Wallufer Walkenberg 1990

Monziger Frühlings Plätzchen Riesling Trocken Spätlese Emrich Schönleber magnum 1989

Schloss Reinharthausen Hettenheimer Wisselbrunn 1934

Deidesheimer Hergottsacker Riesling Spätlese Würzburg Rheinpfalz 1949

Erdener Treppchen feine AusleseWachstum Schönmann 1949

Niersteiner Riesling 1870 #

Assmannshauser Spätburgunder 1872

Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727

je suis heureux d’ouvrir cette bouteille de 1727 même si l’embouteillage est récent

Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928

Pétrus 1929

Château Troplong-Mondot 1934

Château Pontet-Canet magnum 1955

Château La Conseillante 1949

Château La Mission Haut-Brion 1955

Château Haut-Brion 1955

Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990

Vega Sicilia Unico 1947

Château Cheval Blanc 1947

Château L’Angélus 1947

Château La Perrière, Lussac Saint-Emilion 1947 (pas de photo hélas – rajouté en cours de repas)

Nuits-Saint-Georges Van der Meullen 1926

Chambertin Van der Meullen 1947

Vosne Romanée Van der Meullen 1947

Porto Vintage Graham’s 1924

Tokaji Eszencia 1945

Wehlener Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos. Prüm 2007

la bière finale de camaraderie après le repas mémorable

Dégustations de folie à Bochum – jour 1 dimanche, 19 février 2012

A 19h30 Uwe se présente à mon hôtel à Bochum et m’emmène à quelques hectomètres dans une grande bâtisse qui dépend de la ville et pourrait servir de centre de congrès de Bochum, mais à taille humaine. Dans l’immense salle à manger au plafond dans les étoiles, la table pour le dîner de demain avec la bouteille de 1727 est déjà dressée pour une quinzaine de personnes. Sur une tables, des rangées de verres alignées, et deux ou trois sacs à vins sont ouverts et contiennent un grand nombre de bouteilles que l’on sent anciennes.

Uwe me montre sa méthode d’ouverture des vins et il est rapidement convenu que j’ouvrirai les vins, ma méthode apparaissant plus appropriée que la sienne. Je commence donc à ouvrir des bouteilles quand Uwe me tend un verre. Le nez est prodigieusement fruité. Il n’est pas compliqué d’imaginer qu’il s’agit d’un riesling allemand. Au nez, le vin riche pourrait avoir dans les quinze ans, mais en bouche, on sent qu’il est beaucoup plus jeune. C’est un Monzinger Frühlingsplätzchen Emrich-Scönleber 2004. Vraiment très plaisant et juteux.

Je me rends compte alors que nous sommes quatre, Uwe, Stephan, Daniel et moi, alors que les sacs regorgent de bouteilles. Daniel est un amateur allemand et Stephan vend des verres de vins spécialisés dans le haut de gamme et il nous a montré les différences de parfum mais aussi de saveurs qui apparaissent lorsque l’on prend des verres adaptés. Allons-nous ouvrir tout ?

Le vin suivant est un Riesling Auslese Trocken Pfalz Koehler Ruprecht « R » 2001. Il titre 13°. Ce vin est élégant et d’une extrême précision. Le savoir-faire est immense. J’ouvre bouteille après bouteille, mais je m’arrête, car cela me semble indécent. Avant de passer à table, on me tend un verre de Zeltinger Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos Prüm 2007 qui titre 8,5°. Ce vin de Moselle inspire le respect. C’est le vin allemand par excellence, que l’on devrait beaucoup plus souvent explorer.

Nous passons à table et Uwe a déjà épuisé toute sa provision de vins blancs, tant il est généreux et sert à profusion. Dans cette immense salle, vide depuis le départ des deux seuls autres clients, nous allons passer cinq heures de folie. J’imagine volontiers les aimables serveuses se demandant : « mais quand vont-ils finir ? ». Nous commençons le repas très correctement exécuté, nettement mieux que ce que j’aurais imaginé dans ce lieu imposant et impersonnel. Saumon délicatement fumé, soupe roborative, coquilles Saint-Jacques et gambas bien cuites, poitrine de canard au gratin de pomme de terre de belle réalisation, fromages variés, tout cela fut simple mais bon.

Il restait un blanc, anecdotique, un Vin de Bordeaux blanc, appellation Bordeaux contrôlée, domaine du Bourdieu à Soulignac sans année. Sur l’étiquette, sur un fond de carte routière, une assiette d’huîtres ouvertes et une assiette de homard sont d’une grande naïveté. Le vin est mort, ce qui me permet de remarquer que personne n’ose le dire, et plusieurs fois je serai celui qui ose appeler par son nom l’état d’un vin.

Le premier des rouges est celui que j’ai apporté, un Vieux Château Certan 1955 dont le niveau est dans le goulot. La présentation de la bouteille est parfaite, le bouchon est remarquable, et je casserai le suspense en disant qu’il fut « la » vedette de ce dîner. Uwe, qui a déjà fait des dégustations verticales de Vieux Château Certan n’en revient pas tant il est parfait. Daniel lui donnerait volontiers 100 sur 100 dans la notation parkérienne. Et c’est vrai que ce pomerol est tout simplement parfait. Il a tout pour lui, le charme, l’équilibre, la force et la longueur; Au long du repas nous y sommes revenus souvent.

Daniel ouvre de son sac un Château La Mission Haut-Brion 1983. Il est très fermé. On sent qu’il est plus noble que le pomerol, mais il est beaucoup trop strict. Il évoque la terre où il est né. C’est un grand vin, mais beaucoup trop jeune, malgré ses 28 ans !

Arrive alors une de ces curiosités dont Uwe a le secret. C’est un Château Clinet 1943 mise en bouteilles par un négociant belge Daniel Sanders dans une bouteille bourguignonne. Ce vin est authentiquement pomerol et évoque intensément la truffe. Il est très vif et agréable à boire. C’est une belle curiosité.

Le Clos-Vougeot Château de La Tour Morin 1935 se présente dans une bouteille sans cul dont l’assise arrondie est plus large que le cylindre de la bouteille. Encore une curiosité de plus. Le vin est délicieux, très vivant, aux beaux fruits rouges.

Le Nuits-Saint-Georges Moillard-Grivot 1945 a un nez fatigué. Il se présente en deux parties : l’attaque est très fruitée, plaisante, et le final est torréfié, comme si le vin était brûlé.

Le Nuits-Saint-Georges François Gilles 1945 est bouchonné, mais le vin en bouche est plaisant, comme si le bouchon n’existait pas. Le fruit est joli et le vin est puissant. Mais le goût de bouchon au démarrage lent s’impose de plus en plus. Uwe essaiera de verser le vin en carafe sur un film plastique. Une demi-heure plus tard, si le goût de bouchon a disparu pour nos narines, il laisse en bouche l’impression désagréable d’un vin déstructuré.

Pour s’extraire de ces vins approximatifs, Daniel va ouvrir un vin en cachette et nous le verse. J’annonce 1986 et Stéphane 1985. Il s’agit de Château Montrose 1970 qui est très joli, vivant et expressif. C’est un très joli vin.

Uwe me demande d’ouvrir un vin que nos deux autres compères vont découvrir à l’aveugle. Ils disent tous les deux des millésimes comme 1945 ou alentour. Il s’agit du Clos des Grandes Murailles (ancien Clos des Moines) Saint-émilion Commandant Malen propriétaire 1928. Cette bouteille carafée sur l’instant car le bouchon est tombé sans que je puisse l’empêcher est fantastique.Le fruit rouge est de folie. Je trouve le vin absolument merveilleux. Si le Vieux Château Certan 1955 est la perfection, ce 1928 est un cri d’amour.

Le Château Pavie 1952 a une couleur très foncée. Le vin est d’une attaque charmeuse et élégante. Le vin est légèrement imprécis mais très agréable.

Le Vosne-Romanée Les Malconsorts Domaines Grivelet 1952 dont je venais de voir le petit enfant de 2009 au siège de la maison Albert Bichot puisque cette parcelle est maintenant leur propriété est trop fatigué pour capter mon intérêt, avec son nez de gibier et sa bouche trop doucereuse. Mes amis sont moins catégoriques.

A ce stade, nous alignons les bouteilles de la soirée, quatorze en tout pour la photo, et Uwe ne cesse de nous proposer d’aller jusqu’à sa salle de dégustation à quelques minutes d’ici pour continuer de déguster. Il est tellement généreux. Nous résistons, car c’est demain le grand jour, mais Uwe ne veut pas s’avouer vaincu.

Il apporte des verres que nous goûtons à l’aveugle. Pour moi la Bourgogne ne fait pas de doute, et je cite 1955. Car la robe d’un très beau rouge est vivante, le nez est beau et le vin est magnifique. Il s’agit d’un Moulin-à-Vent Piat et Cie 1949. Après coup, je prends conscience de toutes les notes qui signent un beaujolais, mais le caractère bourguignon semblait si évident. Il s’agit d’un très grand vin. Curieusement le bouchon porte comme inscription « Desprat Vins Aurillac ».

Uwe qui est têtu apporte un nouveau vin mystère. Le nez est de fenouil, d’anis et de menthe. La bouche est très végétale avec un peu de café, signe de torréfaction mais qui n’est pas négative. C’est aussi un très grand vin. Vu l’étrangeté j’ai suggéré un beaujolais, pourquoi pas, et mes autres compères ont aussi faux que moi. C’est un Chateauneuf-du-Pape A. R. Barrière Frères 1959, étrange, original, que je n’aurais jamais mis en Chateauneuf-du-Pape, finalement très plaisant.

Il a fallu presque forcer Uwe pour que nous levions le camp. J’ai contemplé de grands vins dont il reste beaucoup. Uwe m’a promis qu’il va garder les restes dans des flacons de tailles adaptées, pour que ces nectars ne soient pas perdus.

Dans une telle folie, comment classer les vins ? Je m’y risque : 1 – Vieux Château Certan 1955, 2 – Clos des Grandes Murailles (ancien Clos des Moines) Saint-émilion Commandant Malen propriétaire 1928, 3 – Château Montrose 1970, 4 – Moulin-à-Vent Piat et Cie 1949, 5 – Zeltinger Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos Prüm 2007, 6 – Château Clinet 1943, 7 – Chateauneuf-du-Pape A. R. Barrière Frères 1959.

Pour beaucoup de vins, il doit s’agir d’achats en vrac, où toutes les surprises sont possibles. Il y a eu quelques déchets ce soir, mais les « bonnes pioches » valaient le détour. Ce qui m’a plu, c’est la générosité d’Uwe et l’ouverture au vin de ces trois amateurs, qui ne condamnent pas un vin de façon péremptoire. Ce dîner est un belle entrée en matières pour l’événement que j’attends avec impatience.

Monzinger Frühlingsplätzchen Emrich-Scönleber 2004

Riesling Auslese Trocken Pfalz Koehler Ruprecht « R » 2001

Zeltinger Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos Prüm 2007

Vin de Bordeaux blanc, appellation Bordeaux contrôlée, domaine du Bourdieu à Soulignac sans année

Vieux Château Certan 1955 qui est mon apport. On voit le niveau très beau et le bouchon d’une élasticité exemplaire.

Château La Mission Haut-Brion 1983

Château Clinet 1943

Clos-Vougeot Château de La Tour Morin 1935 (on note le renforcement du verre au pied de la bouteille)

Nuits-Saint-Georges François Gilles 1945 (essai de film plastique pour enlever le goût de bouchon)

Nuits-Saint-Georges Moillard-Grivot 1945

Château Montrose 1970

Clos des Grandes Murailles (ancien Clos des Moines) Saint-émilion Commandant Malen propriétaire 1928

Château Pavie 1952

Vosne-Romanée Les Malconsorts Domaines Grivelet 1952

Moulin-à-Vent Piat et Cie 1949

Chateauneuf-du-Pape A. R. Barrière Frères 1959 (très beau bouchon avec une inscription sans rapport)

les bouchons

les plats

Deux dégustations de folie à Bochum – l’arrivée dimanche, 19 février 2012

Uwe, un marchand de vins installé à Bochum près d’Essen m’envoie des mails proposant des vins anciens qu’il déniche. Nous échangeons des mails mais nous ne nous connaissons pas. Il organise aussi des dégustations. Un mail m’interpelle : 1727 ! Si Uwe a un vin de 1727, il est exclu de ne pas participer. Je vois les photos des 23 vins proposés (kolossale démesure) et je m’inscris.

L’aéroport Charles de Gaulle a été classé récemment le plus mauvais des aéroports mondiaux. Tout ici est fait pour soutenir cette réputation. L’idée même de la notion de « client » est inconnue. Le mot qui conviendrait le mieux est « bétail ». Roissy est une machine à convoyer du bétail. La recherche du coût minimum passe par le traitement de masse.

Après dix kilomètres de visite gratuite de toutes les pistes de l’aéroport dans un bus cahotant, on ne vantera jamais assez les délices de l’attente, parce que l’équipe de nettoyage de l’avion a raté son rendez-vous. Les retraites au couvent sont d’aimables bluettes à côté de cette pause de méditation.

Alors que la vie moderne fabrique de plus en plus d’obèses et de géants, Air France a décidé de commander des avions aux places de plus en plus étroites. Cela permet d’être au coude à coude avec ses voisins, comme en un Marathon.

A Düsseldorf au comptoir du loueur de voiture, on se prend à signer un accord pour une dépense deux fois plus forte que celle que l’on a négociée avant le départ. Le GPS est une invention miraculeuse qui permet de se diriger comme un natif.

A l’hôtel Marriott je demande si quelqu’un peut garer ma voiture. On me répond : « on ne fait pas ça ». J’ai compris, tout démarre dans le frugal. C’est sans doute pour me préparer à l’invraisemblable féerie d’une débauche de vins.

dîner au restaurant Arpège jeudi, 16 février 2012

Quittant Beaune, direction le restaurant Arpège. Car mon ami chinois, de passage à Paris, m’a demandé de me rencontrer pour me parler de projets où le vin est au centre. J’ai apporté avec moi les restes des huit vins que nous avons goûtés à la cave Saint Nicolas de Bichot, pour les donner à Gaylord, le sommelier de l’ Arpège, pour qu’il en fasse profiter des clients, ainsi que notre table.

Je croyais que nous serions trois, mais la table est dressée pour sept. Nous serons six en fait, car Desmond a voulu inviter aussi ses collaborateurs qui l’aident à gérer des projets internationaux. Il y a un britannique et deux chinois de Pékin et une chinoise de Hong-Kong en plus de Desmond et moi.

Desmond usant de son autorité naturelle indique qu’il va prendre le menu truffe d’un ton qui veut dire : « votre choix est fait ». Il me tend la carte des vins en me demandant de choisir. Quoi de plus embarrassant. Pour le menu de truffes, j’opte pour un Vieux Château Certan 2001 et pour une Turque 2006, car les prix des années antérieures sont insolents. Desmond me laisse faire, mais il a déjà commandé un Krug.

Le menu truffes « cuisine choisie » est ainsi composé : coquetier « maison de cuisine », liqueur d’érable acidulée / coquilles Saint-Jacques de la rade de Brest à la truffe noire, en damier / fines ravioles potagères multicolores, bouillon fumant aux racines / gratin d’oignon doux sturon au parmesan et truffe noire / robe des champs « Arlequin » à l’huile d’argan, radis, carotte et betterave / aiguillette de homard de Chausey au Côtes du Jura et truffe noire / poularde du Haut Maine en croûte de sel gris de Guérande, parfum de géranium frais / comté / millefeuille chocolaté croustillant.

La générosité de truffe est assez spectaculaire. Le Champagne Krug Grande Cuvée est un peu jeune, mais il est très confortable, avec un parfum très expressif.

Les vins de Bichot se sont épanouis, et le Corton Charlemagne accompagne très bien le damier, avec une belle plénitude en bouche.

Le Vieux Château Certan 2001 est jeune et très pomerol. Il est très adapté à la truffe sans créer de grande vibration. La Côte Rôtie La Turque Guigal 2006 est vraiment très jeune, et Desmond dit : « trop jeune ». Il décide de prendre le commandement en matière de vins et demande la carte. Il commande un Château Latour 1961. C’est la dernière dit Gaylord et Desmond lui répond : « vous m’avez déjà raconté cela pour d’autres vins ». Gaylord sert Desmond qui goûte le vin et l’accepte. Gaylord me sert le vin. Bouchonné ! Quel dommage. En buvant le vin, qui n’est pas trop désagréable, j’ai l’impression de voir Tyson Gay courant le cent mètres avec un bras ficelé dans le dos.

Un Château Suduiraut 1999 au nez très dense et fort plaisant dans sa jeunesse avec une once de fruit confit crée un accord insolite mais plaisant avec le comté, sans que la classique saponification n’apparaisse. Fatigué de ma journée, j’ai laissé Desmond et ses collaborateurs finir le repas en m’éclipsant. Nous avons avec Desmond suffisamment de rendez-vous à venir. Son dynamisme et son autorité me plaisent beaucoup.

Visite à la maison Albert Bichot à Beaune avec un prodigieux 1923 jeudi, 16 février 2012

Albéric Bichot et son adjoint Michel Crestanello me reçoivent au siège de la maison Albert Bichot à Beaune. Michel brosse un historique succinct de cette maison multiséculaire et nous allons au domicile du grand-père d’Albéric, le long du boulevard circulaire de Beaune, pour ouvrir deux vins rouges prévus pour le déjeuner afin qu’ils profitent de l’oxygénation lente. Le Richebourg 1966 a un bouchon noirci sur sa partie supérieure mais magnifiquement sain sur les trois quarts de sa hauteur. Son parfum fruité est prometteur. Le vin sans étiquette dont je demande à Michel de me taire le nom a un bouchon assez irréel. Sur près d’un centimètre de profondeur, je creuse avec la pointe de mon Laguiole une terre charbonneuse, toute noire qui part en poussière ou en caillots. Je pique ensuite avec la mèche longue le reste du bouchon qui monte, lentement, extrêmement noir d’ébène et gras sur son pourtour. Ce que je tire, c’est de la charpie, s’émiettant et résistant à ma traction. C’est presque un miracle qu’aucune miette ne soit tombée dans le vin. L’odeur est très prometteuse.

Heureux des promesses des deux vins, nous allons visiter l’un des sites, celui de Pommard, avec une jolie vigne qui est un monopole, le Clos des Ursulines. Nous nous rendons ensuite à la cave Saint-Nicolas où la plus ancienne cave voûtée est dédiée aux dégustations. Visiter un domaine sans boire des vins récents, ça ne se conçoit pas.

Le Monthelie Château de Dracy Albert Bichot 2009 a un très beau nez fruité et une amertume sympathique. En bouche, il est gouleyant, généreux, doté d’un joli poivre. Très agréable et franc, il a une belle persistance aromatique. J’aime ce vin simple mais généreux.

Le Pommard Clos des Ursulines Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez plus discret. Il a plus de race, plus de matière. Il est plus tendu, au final bien rêche. C’est un joli vin très bourguignon.

L’Aloxe-Corton Clos des Maréchaudes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez élégant. On y sent beaucoup de fruit. Le message est très direct et le vin est plus gourmand. Il y a des notes de tabac. Le vin est très agréable et de beau caractère. Le tabac domine.

Le Vosne-Romanée Les Malconsorts Domaine du Clos Frantin Albert Bichot 2009 a un nez un peu gibier. La bouche est superbe, ample. C’est un vin qui glisse tout seul tant il est bon. D’une belle élégance, c’est le plus grand des vins, d’une rare gourmandise. Ce qu’il faut signaler c’est que les rouges de 2009 en février 2012 se boivent superbement, avec une générosité rare.

Le Bourgogne Chardonnay Secret de famille Albert Bichot 2010 a un nez difficile à saisir car le vin est froid. J’avoue que j’ai du mal à aimer ce vin trop simple qui ne me donne aucune émotion, même si tout indique que le travail a été bien fait.

Le Meursault Les Charmes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a aussi un parfum estompé par le froid. Il a beaucoup de fruit. C’est un vin généreux et floral, au final assez strict. Le vin se boit bien. Il est vivant, avec une évocation de noix.

Le Beaune Clos des Mouches Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009 a un nez très délicat et un peu amer. A la première impression, il ne semble pas très structuré mais son joli final est élégant, riche et complexe. D’une belle minéralité, il se montre en définitive riche et beau.

Le Corton Charlemagne Domaine du Pavillon Albert Bichot 2009, même si le bout de son nez est froid, indique un vin puissant et riche. La bouche est élégante, fine et complexe, mais beaucoup trop jeune. Sa fraîcheur vive signe un grand vin, mais beaucoup trop jeune. Manifestement, les blancs se sont bus beaucoup moins bien que les rouges.

Nous nous rendons de nouveau à la maison du grand-père, où Catherine a mitonné un repas sympathique. Le grand-père collectionnait les faïences et les taste-vins, et tout au salon où à la salle-à-manger est d’une décoration raffinée. Albéric nous rejoint pour un embryon d’apéritif avec un Crémant brut rosé Albert Bichot sans année. S’il n’a pas inventé la poudre, il a au moins le mérite de ne pas être déplaisant. Plus d’un se ferait piéger en dégustation à l’aveugle.

Nous passons à table. Sur une délicieuse tarte au saumon fumé d’une recette des grands-parents d’Albéric, nous allons goûter un Chablis Grand cru Moutonne Domaine Long-Dépaquit 2002. Mais avant de le faire, je sors de ma musette un Château Chalon Joseph Tissot 1942. Je l’ouvre à table, au risque de salir la belle nappe blanche, mais Catherine apporte une opportune serviette, car le bouchon brisé en deux risquait de faire des siennes, et je propose que nous buvions le chablis, puis le vin jaune, puis de nouveau le chablis, pour voir l’effet du vin du Jura sur le bourguignon.

Le chablis, que l’on sent grand est assez coincé, comme s’il avait serré d’un cran de trop sa ceinture. Le vin jaune d’une très grande année est impérial. C’est un atlante peint par Rubens. Il est chatoyant, coloré, à l’alcool fort. Et le chablis bu ensuite prend une ampleur, une dimension et une profondeur inimaginables. Albéric n’en revient pas. Le Château Chalon est un multiplicateur du chablis. La cohabitation des deux vins est confondante de plaisir.

C’est maintenant l’heure des rouges. Nous commençons par un Corton Grand Cru Clos des Maréchaudes Domaine du Pavillon Albert Bichot 2006 au fruité doucereux et chaleureux assez surprenant. Plus charmeur, je ne vois pas.

Le Richebourg Albert Bichot 1966 a une couleur foncée au-delà de ce qu’il devrait. La première gorgée est sympathique même si le final fait très porto. Et puis le vin s’évanouit, à une vitesse surprenante. Alors que je n’ai quasiment jamais de vins qui trépassent à la suite d’une ouverture précoce, il faut que ce soit chez un vigneron qu’un tel incident se produise ! Quel impair.

A côté de lui, le vin que Michel m’avait annoncé plus âgé est d’une couleur d’un rubis birman. Un bonheur. Son nez est très bourguignon. En bouche, s’il est bourguignon, il a la confiture de framboise d’une grand raffinement. Quel grand vin. Il justifie pleinement mon amour des vins anciens. Je me risque à deviner l’année. Ma première idée est 1929, mais 1915 n’est pas exclu même si je ne crois pas que la bouteille puisse être de 1915. Albéric me dit que je ne suis pas tombé trop loin, car c’est un Pommard Rugiens Albert Bichot 1923. Ce vin est absolument splendide, de rondeur cardinalice. Par curiosité, j’ai bu un peu du 2006 pour voir quelle réaction se crée entre les deux. Le 2006, tout dans le fruit, ne fait pas d’ombre au 1923, éblouissant de cohérence.

La viande avec son gratin de pomme de terre est un aimable faire-valoir du 1923, alors que l’endive appelle le Château-Chalon.

La maison Bichot a toutes les qualités des maisons familiales à taille humaine. Les vins jeunes sont convaincants, le 1923 est magistral, et la chaleur de l’accueil est amicale. C’est une belle journée bourguignonne.

photos – à l’entrée, un arbre généalogique de la famille Bichot sur plus de 600 ans

je suis heureux d’ouvrir les deux bouteilles prévues pour le déjeuner

le bouchon du 1926 est quasiment explosé !

les jolies caves

mes yeux sont naturellement attirées vers cela !

la jolie salle à manger

déjeuner à l’hôtel de Crillon mercredi, 15 février 2012

L’hôtel de Crillon est dans l’attente d’une fermeture de plus d’un an. Alors qu’au bar, sous l’impulsion de Philippe le célèbre barman, c’est toujours le sourire qui règne, au salon qui sert d’antichambre au restaurant gastronomique, l’ambiance est aux abonnés absents. Le service, assuré par des stagiaires, est approximatif. Nous prenons un plat du jour à base de risotto à la truffe noire fort bien réalisé. Le vin au verre est un Château Bellegrave pomerol 2007 qui n’a pas beaucoup plus d’inspiration que le service. Il faut dire que je suis influencé par ce que je bois habituellement, car le vin conviendrait à plus d’un palais. Ce qui lui manque, c’est l’émotion. Heureusement, un sommelier nous propose un autre vin au verre : Château Haut-Brion 1995. Ça c’est du vin. Il a ce je ne sais quoi d’élégance, d’équilibre, qui manque à d’autres vins. Bien sûr, il a encore le caractère rugueux de la jeunesse. Mais il réjouit le cœur de l’homme.

Il démontre que même avant travaux, le cœur de l’hôtel de Crillon continue de battre.

Hermitage La Chapelle 1961 et Cheval Blanc 1947 au restaurant Michel Rostang mardi, 14 février 2012

C’est par l’académie des vins anciens que j’ai rencontré Frédéric et Laurent. Frédéric travaillait alors en entreprise. Le démon du vin l’a saisi. Il vend du vin maintenant. Je reçois un mail de Frédéric m’indiquant qu’il organise un dîner de six personnes dont il espère que je serai. Voyant la liste des vins, je frémis. Toutes affaires cessantes il faut agencer mon emploi du temps car je ne peux pas ne pas y être. J’ajoute une bouteille au programme et nous nous donnons rendez-vous Frédéric et moi à 18 heures pour l’ouverture des vins.

Le restaurant Michel Rostang bruisse des préparatifs des tables du soir. L’aspirateur est entêtant. Frédéric me dit : « tu ouvres tous les vins, mais j’ouvre l’Hermitage La Chapelle ». Je dis oui. Michel Rostang, qui dîner avec son épouse près de l’endroit où j’officie, nous tend des verres d’un petit blanc du Jura très simple mais qui clarifie la bouche. Pour le cas où, Frédéric a apporté un Champagne Le Mesnil Pierre Moncuit sans année. L’étiquette ressemble à celles du champagne Salon des années 70 au fond blanc. Frédéric l’ouvre et pendant que je tire les bouchons, nous buvons un champagne délicieux, très probablement des années 70, à l’évolution merveilleuse et au goût si séduisant des champagnes anciens. Si le message est un peu monolithique, l’équilibre donne au vin un grand charme.

J’ouvre les bouteilles et de son côté Frédéric ouvre le Montrachet. Quand il voit comme j’ai du plaisir à opérer, il accepte de me laisser faire pour le mythe absolu : Hermitage La Chapelle 1961. Son odeur est d’un calme qui ne correspond pas à l’image qu’on en a. Va-t-il se réveiller ? Espérons. En revanche, si l’odeur du Cheval Blanc 1947 est un peu poussiéreuse, nous savons qu’il reviendra au niveau que nous attendons. Les deux parfums les plus extraordinaires sont ceux du Riesling 1971 et de l’Yquem 1959 que j’ai apporté. Sa couleur est magique.

Les amis sont ponctuels. Autour de la table il y a Frédéric, coorganisateur de l’événement, Laurent, Patrick, irlandais négociant en vins à Londres, Freddy, restaurateur et grand amateur de vins, Iqbal, coorganisateur de l’événement et moi.

Michel Rostang a composé ce menu : la soupe d’artichauts violets aux truffes noires / le foie gras de canard rôti, velours de panais et jeunes carottes glacées, jus acidulé / le gratin de homard en cassolette / le sanwich tiède à la truffe fraîche, pain de campagne grillé et beurre salé / la canette Miéral servie saignante, sauce au vin rouge liée de son sang au foie gras, le véritable gratin dauphinois / les petits chèvres et fromages affinés / la tarte Tatin / la tarte chocolat amer servie moelleuse, sauce faite d’une décoction de café et son sorbet chocolat, tuile au Grué / mignardises.

Avant la soupe qui est un amuse-bouche nous avons de petits canapés pour le Champagne Dom Pérignon 1985 et le Champagne Dom Pérignon 1962 servis ensemble. Les deux couleurs forment une œuvre d’art. Il y a l’or jaune et l’or ambré. Les deux champagnes sont éblouissants. Ils sont dans un état parfait et je préfère ce 1962 au champagne de la même année bu dans la cave de Dom Pérignon. Le 1985 est d’une jeunesse folle malgré ses 26 ans. Il piaffe, il est enthousiaste, mais avec une grande élégance. Le 1962 atteint la perfection des champagnes à maturité. Il a encore une bulle active et sa complexité est époustouflante. Je le trouve plus romantique que des années comme 1964 et 1966 qui sont aussi des chefs-d’œuvre. La bouchée de caille est une merveille avec le 1962. L’artichaut n’est pas le meilleur ami des champagnes qu’il rend plus étroits.

Dans le programme initial, le riesling était prévu avec le foie gras, mais j’ai suggéré de le mettre avec la Coulée de Serrant plus tard dans le repas, car j’ai peur qu’il écrase les deux vins blancs. C’est donc le Château Rayas Chateauneuf-du-Pape blanc 1978 qui accompagne le foie gras. La couleur ambrée annonçait un vin évolué et nous en acceptons l’augure. Le vin a des suggestions de vin jaune. Il évoque la noix ou l’amande verte ou, pour moi, le feu de cheminée. Nous l’écoutons parler, mais malgré une originalité certaine, il est un peu monotone et fatigué. Il est hautement intéressant, mais n’a pas la vitalité qu’il pourrait avoir. Le foie gras est trop puissant pour ce vin et c’est la carotte qui le fait vibrer, comme nous le fait remarquer judicieusement Freddy.

Le Montrachet domaine Jacques Prieur 1996, c’est le confort absolu. « The right man in the right place ». Tout ce qu’on pouvait attendre de lui est là, sans histoire, parfait. C’est un grand vin de plaisir, dans la belle acception du montrachet. Le homard est puissant et délicieux. Le vin et lui cohabitent sans réellement se multiplier.

Le Château Cheval Blanc 1947 est au rendez-vous. J’ai bu ce vin plusieurs fois, et on ne reconnaît pas le côté porto qui signe normalement ce vin. Nous n’avons aucun doute sur son authenticité, car il est trop bon, mais c’est un gentleman élégant, très saint-émilion, sans le caractère tout fou du 1947 si original et différent. C’est un grand vin, sans la touche magique du mythe. Le parfum de truffe du sandwich est d’une force extrême. Là aussi c’est un régal.

On nous sert en même temps deux rouges de deux régions différentes qui vont accompagner le canard au sang, que Frédéric voulait absolument associer au grand mythe. Le Bonnes-Mares Domaine G. Roumier et ses fils 1971 est une merveille de vin bourguignon. Tout en lui exsude la Bourgogne dans ce qu’elle a de meilleur. C’est un véritable bonheur que de boire cette Bourgogne ardente, travailleuse, où l’esprit n’est pas à séduire mais à convaincre. Un grand vin à l’amertume aimable et au plaisir sans mélange, où l’on peut voir derrière ses voiles un peu de sel et de rose fanée.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 va monopoliser nos amours. Il se produit sur moi un phénomène physique. Dix fois au moins je me suis caché la tête dans mes mains, pour couper tout contact avec le monde extérieur et jouir de ce qui est probablement le moment le plus intense de ma vie d’amateur de vin. Je suis quasiment physiquement transformé et Laurent qui me fait face m’en fera la remarque. En buvant ce vin, c’est toute la perfection la plus absolue et la plus inimaginable qui coule en moi. C’est l’extase indescriptible tant le vin est parfait. Je serais bien incapable de le décrire tant il est transcendant. Il me semble bien que dans mon Panthéon, qui compte des vins sublimes qui ont marqué l’histoire, ce vin pourrait prendre la première place. Ou c’est tout comme. Car tout en lui est une boule de feu d’émotion. J’en tremble presque en écrivant ces mots. Alors bien sûr le superbe canard au sang, magnifiquement exécuté, reste sur mon assiette. Car ce vin est un trésor divin dont je veux capter chaque lettre de chaque mot du message. Souvent, je dis qu’un grand vin, c’est un vin qui fait dire : « wow ». Eh bien là, ce n’est pas ça. C’est le silence du recueillement, celui si fort que j’ai ressenti quand j’avais quinze ans devant la Vierge Marie de la grotte Massabielle à Lourdes. J’ai mis un long moment à reprendre mes esprits, touché que j’étais par la grâce irréelle de ce vin qui justifie totalement sa renommée.

Brrr.. Il faut maintenant reprendre le cours du repas avec des fromages pour les deux vins qui suivent. La Coulée de Serrant Madame A. Joly 1964 est une merveille, une de plus. Très grand vin d’un équilibre rare et sans signe d’évolution, il fait comprendre qu’on devrait interdire de boire la Coulée de Serrant si elle n’a pas au moins trente ans. Le vin est idéalement équilibré.

Comme souvent avec les vins allemands, le Riesling Dom Scharzhofberger Beerenauslese 1971 est d’un charme surhumain. Lui aussi a un équilibre rare qui fait que toutes ses composantes de riesling devenu délicatement doux sont intégrées. Encore un bonheur de plus.

Ça va devenir fastidieux de dire que le Château d’Yquem 1959 est une merveille. Mais comment traduire sa perfection. Il est à un stade de maturité où tout lui sourit. Qui pourrait lui donner un âge, et qui pourrait dire qu’il est âgé ? Car il atteint une telle forme d’aboutissement qu’il est là, nous tendant les bras, prêt à nous aimer. Il est très proche de la forme la plus parfaite d’Yquem. Mais Yquem est tellement multiforme qu’il a des perfections à tous les âges.

Le Porto Single Vintage Colheita Whitwams Millénium 1880 a été embouteillé en 2002. C’est un grand porto que l’on apprécierait encore plus s’il était apparu bien avant dans le repas. Car nous commençons à saturer. Le gâteau au chocolat est délicieux et s’accorde remarquablement au porto que je ne trouve pas aussi vieux que ce que le millésime suggère.

Et j’ai cette même impression avec le Whisky Highland Single Malt 18 years old Macallan 1965 qui est un grand whisky dont ma mémoire a perdu le fil.

Que dire de tout cela ? La cuisine de Michel Rostang est gourmande et remarquable dans son exécution mais nous n’avons pas eu sur quelques plats les accords qui auraient magnifié les vins. Plusieurs fois, le plat a pris le devant sur le vin. Cette remarque est à la marge. En ce qui concerne les vins, les champagnes ont été parfaits, le montrachet a été doctrinal et d’un confort idéal. Le sommet, ce sont les rouges et les liquoreux.

Je classerais les vins ainsi : 1 : Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, star absolue, 2 – Château d’Yquem 1959, 3 – Bonnes-Mares Domaine G. Roumier et ses fils 1971, 4 – Château Cheval Blanc 1947, 5 – Riesling Dom Scharzhofberger Beerenauslese 1971. J’hésite entre l’Yquem et le Roumier pour la deuxième place.

L’ambiance amicale fait présager que l’on recommencera des folies de ce genre. Le service du restaurant est impeccable. L’Hermitage fait de ce dîner un moment totalement exceptionnel.

leurs belles couleurs (à gauche influencée par la bougie)

les bouchons sur la table

les plats

les verres en fin de repas et la verrière de notre salon

déjeuner à La Cagouille jeudi, 9 février 2012

Dans un dîner de wine-dinners, j’avais parié une bouteille d’Yquem sur une citation poétique. J’ai perdu. Voulant troquer ma dette contre un repas, j’ai proposé à l’heureuse bénéficiaire de l’inviter à déjeuner. Elle accepte mon invitation. Mes tempes grises m’ont appris que bien fol est qui s’y fie. Aussi suis-je arrivé au restaurant avec dans ma musette une bouteille d’Yquem.

Je dis à l’heureuse gagnante que nous avons deux solutions : soit boire l’Yquem lors de ce déjeuner, soit nous oublions l’Yquem, et nous ouvrons une bouteille mythique que le restaurant est un des seuls à avoir. Mon heureuse gagnante applique le principe de réalité : un pari est un pari, donc « l’Yquem m’est dû. Maintenant déjeunons ».

Nous sommes au restaurant La Cagouille du truculent André Robert qui malheureusement ne peut pas nous accueillir car il est retenu ailleurs. Nous commençons par des coques toujours aussi délicieuses, que j’aurais rêvé d’associer à Yquem. C’est un Champagne Henriot qui est là, et ne crée pas de réelle vibration à ce moment précis. Nous prenons ensuite de délicieuses fines de claires qui se marient idéalement au Champagne Laurent Perrier Ultra Brut. Et ce que j’étudie, c’est l’interaction avec la petite merveille que j’ai fait préparer : Corton Charlemagne Jean François Coche-Dury 2002. Il arrive un peu chaud, aussi est-il comme un Zodiac à peine gonflé : ça flotte, mais ça n’inspire pas.

Ce qui est intéressant sur les huîtres, c’est que le Corton Charlemagne n’est pas hors sujet. Le champagne est idéal pour les huîtres, car les bulles contrebalancent l’iode, mais le vin blanc a une telle réserve de générosité qu’il s’adapte bien. Et le vin blanc excite le champagne qui le lui rend bien.

Les couteaux sont moins percutants que d’habitude, et le Corton-Charlemagne, frappé dans un seau à glace, commence à atteindre son plateau d’excellence. Le filet de bar est tout simplement délicieux, tant il est exposé dans sa pureté. Pendant ce temps, le vin de Coche Dury se met à jouer de toutes ses palettes chromatiques. On n’est pas du tout dans le fruit tonitruant, on est plus dans la réserve. Ce qui permet de jouir des subtilités de ce grand vin. C’est un vin très complexe, l’un des fleurons de la Bourgogne, mais que j’ai trouvé un peu en dessous de son niveau. A sa décharge, on peut dire que l’on sent plus certaines subtilités quand un vin trompette moins.

J’ai honoré mon pari. La gagnante m’a promis que nous boirons l’Yquem ensemble. Il est des paris qu’il fait savoir perdre.

quelques commentaires et vues de Miami lundi, 6 février 2012

Miami est assez fascinant. Si l’on décidait de recenser les cent plus beaux hôtels particuliers de Paris et Neuilly-sur-Seine, et si l’on comptait à Miami les maisons qui ont un luxe au moins égal, on en trouverait facilement plus de cent fois plus. Et en incluant Palm Beach ce serait peut-être cinq cent fois plus. L’opulence est inimaginable. Les rues sont d’une propreté extrême, les jardins ont un entretien de rêve, les haies sont toutes taillées par des artistes. Dans les rues, pas d’encombrement. On se gare presque partout où l’on veut, et la ville regorge de lieux de loisirs, stades, parcs, plages, sports nautiques. Dans les zones où nous nous rendons, on est loin de sentir la crise. Les hôtels sont luxueux, décorés avec goût et avant-garde. Où est donc la crise ? Par ailleurs, le message écologiste n’est pas parvenu jusqu’ici, car les tailles des pickups sont monstrueuses. Des gouffres à pétrole. Mais comme il n’y a pas d’encombrement et comme on roule doucement, sans agressivité, rien ne dit qu’ils consomment plus que les voitures parisiennes paralysées dans les encombrements. Cette ville est attachante, sereine, facile d’usage. Bien sûr, il y a des faces cachées que nous ne voyons pas. Mais la vie ici est calme, sereine, assumée. Par rapport au stress parisien teinté de pessimisme, ça fait du bien.

Voici quelques photos glanées de-ci-delà :

Les voitures sont souvent gigantesques

Et parfois amusantes

Le phare de la pointe de la plage de Key Biscane

Le bateau en pierre de la Villa Vizcaya

Une belle prend la pose à la Villa Vizcya

La piscine de l’hôtel Raleigh

Promenade en vélo. Au fond on aperçoit Miami Beach

A 7h du matin en bas de notre chambre des pom-pom girls encouragent des marathoniens de leurs cris

Les marathoniens avec un policier pour la sécurité

L’arbre aux vœux dans le parc de la fondation Fairchild

Art et nature à la fondation Fairchild

Hôtel Mondrian la piscine donne sur le bras de mer entre Miami Beach et le continent

L’entrée décorée par Starck de l’hôtel Mondrian

Des policiers font une pause casse-croûte. Leurs pistolets sont imposants

On ne peut pas ne pas finir sur un mythique camion américain.

Nous quittons Miami avec le regret d’avoir écourté notre visite de deux jours du fait de la grève d’Air France, et avec l’angoisse de devoir affronter trente degrés d’écart de température entre Miami et Paris. Miami nous a conquis, car ici, le plus souvent, l’esprit positif domine. Au moment où j’écris, la « marche des gueux » occupe le vignoble d’Yquem pour demander un meilleur partage des richesses. Il n’y a pas que le choc des températures qu’il va falloir supporter à notre retour en France !