dîner de pure joie au Bern’s Steak House de Tampa en Floride vendredi, 27 janvier 2012

Dans ma vie de collectionneur de vins anciens, il y a quelques moments qui comptent plus que tout. Depuis une quinzaine d’années on m’avait parlé de Bern’s Steak House à Tampa qui a la plus belle cave au monde. Je brûlais d’envie d’y aller, mais prendre sur mon emploi du temps pour aller à Tampa ne me semblait pas possible. Et le sort voulut que mon fils s’installe à Miami. Ignorer Tampa devenait impossible. François Mauss avait raconté son dîner avec Lafite 1881. De quoi exciter encore plus mon envie.

Le jour vient. Nous quittons Miami en voiture, mon fils et moi, traversant les Everglades où les échassiers les plus beaux sont plus nombreux que les pigeons à Paris. Sur les vastes autoroutes, le gigantisme automobile est de rigueur, la palme revenant à un camion impressionnant comme celui du film « le duel » de Spielberg, qui ne transporte qu’un canapé tenu par des élingues. La débauche écologique est spectaculaire.

Tampa est une ville impersonnelle faite pour des êtres aussi impersonnels qui peuplent les congrès qui n’ont aucun intérêt. Notre hôtel, le Westin, est l’exemple absolu de la froideur. L’idée qu’un client puisse exister derrière un numéro de chambre n’est sans doute jamais venue aux concepteurs de cette immense machine.

Nous avons prévu de nous rendre vers 17h30 au restaurant pour choisir les vins que nous boirons ce soir. Nous attendons longtemps Brad Dixon le sommelier du lieu et nous consultons avec lui la carte des vins, dans les directions que nous donnons. Je suis frappé de voir à quel point la carte des vins très anciens est chiche, car dans beaucoup de domaines, j’ai beaucoup plus de vins, et Brad nous explique que la cave est pillée en permanence par des amateurs, au point que le chiffre d’affaires de vins atteint entre six et huit millions de dollars par an. Brad me dit : « pourquoi n’êtes vous pas venu il y a quelques années ! ». Et il explique la pénurie actuelle par la politique tarifaire voulue par le fondateur, qui rend des vins rares accessibles à beaucoup d’amateurs.

Malgré cela, il reste beaucoup de belles idées à explorer. Alors que j’aurais aimé que l’on ouvre vite des bouteilles que nous aurions choisies, Brad nous suggère d’aller nous changer à nôtre hôtel et de revenir dès que nous pourrions pour que nous choisissions dans la sélection qu’il aura faite à partir de nos idées, plus ce qu’il rajouterait, car il a besoin de temps pour rassembler tout cela.

Notre table étant retenue pour 19h30, nous sommes là à 18h40, avec l’espoir que l’on ouvre vite nos bouteilles. Mais Brad n’est pas disponible, et quand il l’est il nous fait visiter la cave du restaurant. Nous longeons la cuisine gigantesque et pénétrons dans une cave conçue il y a de nombreuses années où chaque bouteille a une case et un numéro. La cave ne fait « que » cent mille bouteilles, car la « vraie » cave, qui a pu contenir de l’ordre d’un million de bouteilles et en fait aujourd’hui la moitié est dans un immeuble voisin. Brad nous explique l’histoire et nous conduit à un endroit où il a fait une sélection. Pour mirer les bouteilles dans cette pièce aussi sombre, c’est un sport difficile. Un Pichon Baron 1890 me plairait beaucoup, mais le vin fait clairet en mirant avec des lampes incertaines. Des Pape Clément 1926 sont en dessous de toute vidange. Plusieurs bouteilles sont peu engageantes.

Compte tenu de la pénombre qui règne en cave, je choisis six bouteilles en demandant qu’on me les présente en salle pour que je retienne les trois que nous boirons. Lorsque nous sommes installés dans une salle horriblement chaude, je me fie à mon intuition et le Clos de Vougeot Meunier 1918 au niveau très bas, que beaucoup ignoreraient, me plait. Elle a le niveau bas, il y a du dépôt qui colle au verre, mais je crois en elle. Il y a une Lafite 1906 très belle, mais j’ai des Lafite de ces époques. Aussi, mon choix se porte sur un Langoa Barton 1893 et un Durfort 1895, essentiellement parce que la probabilité que je trouve un jour ces bouteilles est proche de zéro.

Nous attendons encore que Brad se libère pour ouvrir les vins. Inutile de dire que je suis nerveux quand quelqu’un d’autre que moi ouvre les bouteilles. Il prend la première et massacre tout. Dans le temple du vin ancien, sa méthode a tout d’un amateur. Je l’aide à extirper les restes qui menacent de tomber dans le vin et je prends en charge l’ouverture des deux autres. Je dois à la vérité de dire que le comportement de Brad a été exemplaire, car plus d’un sommelier aurait rouspété qu’un client se mette à vouloir donner des leçons à des professionnels. Tout au long de ce voyage, Brad a montré une intelligence de la situation exemplaire.

Je sens chaque vin et je suis assez impressionné, car chaque parfum évoque du fruit. Il y a de la vie dans chacun de ces nez.

Il fait tellement chaud dans la pièce que je fais verser un verre de chaque vin à mon fils et à moi, en demandant que le reste des bouteilles soit stocké au frais en cave.

Nous avons commandé une pièce de veau qui arrive dix fois plus copieuse qu’espéré, et des pièces de bœuf. Le seul accompagnement sera une pomme de terre en robe des champs et des frites. Car il ne faut aucune déviation gustative pour nos vins. Mon chateaubriand vieilli plus de quatre semaines est d’une délicatesse fondante. Un régal, idéal pour les vins.

Le Clos Vougeot Meunier 1918 a un nez qui évoque les fruits rouges, avec une grande précision. La couleur est d’un rouge d’un sang clair, sans trace de tuilé, ce qui sera le cas pour les autres vins. Ce vin est joyeux, riche de fruit, d’une précision extrême. Il est éblouissant. J’avais peur au début que du fait de son niveau bas et de son ouverture tardive, il s’estompe vite, mais il n’a jamais baissé d’intensité. Il a même développé des goûts inouïs, où l’on retrouve aussi bien les fruits rouges que le café, le moka et le cacao. Un vin immense, le plus grand de la soirée.

Le match entre les deux bordeaux aura été incertain pendant toute la soirée.

Le Château Langoa-Barton 1893 a une couleur magnifique. Son nez aura beaucoup changé. Très pur au début, il serait allé vers le gibier, mais s’est repris pour revenir vers une grande pureté. Une acidité de départ s’est fondue, et le vin a pris du corps et de la profondeur. Puis il a montré des signes de fatigue, et en fin de repas, il a repris son fruit.

Le Château Durfort 1895 a une couleur encore plus intense dans la jeunesse pure. Un rubis. Le nez est au début plus imparfait et c’est le troisième des trois. Mais il va jouer au yoyo avec le Langoa-Barton, le devançant ou étant devancé par lui. Je pense qu’au final, ce fut lui le plus racé des deux, à la trace profonde d’un vin au fruit prononcé.

Au final je classerai ainsi : 1 – Clos Vougeot Meunier 1918, 2 – Château Durfort 1895, 3 – Château Langoa-Barton 1893, mais les deux bordeaux se sont volé leurs places tout au long de la dégustation.

Pendant le repas, j’ai été pris par une folle excitation, fondée sur les éléments suivants : imaginer que nous allons à la cave la plus grande au monde et constater que j’ai plus de vins anciens que cette cave, ça donne le vertige. Voir que chez le spécialiste des vins anciens, on utilise une méthode d’ouverture qui va maintenant s’inspirer de la mienne, vu ce que j’ai vu, ça pose des questions. Avoir choisi trois vins dans un panel incertain et constater que les trois sont bonnes, ça me pousserait normalement à penser que j’ai du nez. Enfin, ouvrir de tels trésors avec mon fils, c’est un plaisir incommensurable.

J’ai demandé à Brad de venir avec trois verres pour qu’il trinque avec nous sur chaque vin. Il n’en revenait pas que les trois puissent être aussi bons.

Ce soir, ce dîner avec mon fils, dans la Mecque du vin, avec trois vins que j’ai choisis et qui ont brillé, c’est une grosse pierre blanche dans mon parcours d’amoureux du vin.

Je l’ai voulu et ce fut réussi. Je suis heureux.

Quelques compléments d’ambiance. Le local de Bern’s, vu de l’extérieur, ne paie pas de mine, il est indéfinissable. Ce que l’on voit le plus, ce sont les voituriers, avec leur tarif écrit en grand. Lorsqu’on passe la porte pour s’annoncer au comptoir où attend une foule très dense, on est saisi par la décoration. Tout l’or du monde se retrouve dans ce décor de théâtre. Les escaliers et une mezzanine ont des balustres dorés, les lourds lustres sont dorés, les fauteuils qui sont plutôt des trônes sont dorés. Tout est en stuc doré. Le plafond étant très haut, les tableaux et portraits de famille s’étagent en plusieurs couches. La simplicité n’est pas à l’ordre du jour. Le restaurant ne fait pas de déjeuner. A 17h30, je pensais que nous serions seuls, en avance sur le service. Or en fait, le restaurant est plein – cela se compte en centaines de couverts – et les arrivées se succèdent à un rythme fou.

Le service virevolte et la cuisine que j’ai aperçue lors de ma visite de cave est immense. Probablement plus de trois cents mètres carrés. Dans la partie de la ville où se trouve le restaurant, il y a de nombreuses villas anciennes, datant probablement d’une cinquantaine d’années. Et au dessus des portes, nous avons vu que le drapeau américain est flanqué du drapeau noir des pirates. Y a-t-il une fête qui se célèbre, je ne sais pas. Toujours est-il que dans notre salle de restaurant, l’une des plus petites, qui compte cinq ou six tables, l’une d’elles, de trois hommes et d’une femme d’une cinquantaine d’années qui riait fort est minaudait comme une gamine, était déguisée en pirates.

Le lendemain, notre retour vers Miami nous à fait passer par Saint-Pétersbourg et par Naples. Les homonymies sont amusantes. Faisant un détour par Saint Pete Beach, nous longeons des hôtels qui tous évoquent par leurs noms ou leurs enseignes les dauphins. Nous nous arrêtons pour aller regarder la mer sur une magnifique plage de sable fin. Je scrute les flots et je demande à mon fils de regarder. A moins de deux cents mètres plusieurs dauphins ont sauté devant nous, avec cette grâce ondulante et synchronisée. Cette vision est ravissante.

l’entrée du Bern’s Steak House

une autre vue de l’entrée sur le site du restaurant

la cave du restaurant

apparemment, les viandes sont stockées comme les bouteilles !

les bouteilles proposées que nous avons écartées (les Pape Clément 1926 en vidange n’ont pas été photographiées)

notre salle à manger parmi de nombreuses salles

Brad notre sommelier

le choix proposé sur table entre six

le choix

sur la photo de droite et à droite, on aperçoit la femme des pirates

l’ouverture des vins sous l’oeil intéressé et attentif de Brad

les photos ne rendent pas assez bien la vivacité des couleurs des vins

j’ai l’air assez heureux, et les couleurs de la photo de gauche sont les plus réalistes

avec mon fils

les plats

les pirates

Dîner au restaurant Zuma de Miami mercredi, 25 janvier 2012

Dîner au restaurant Zuma de Miami. L’entrée de l’immeuble, qui fait hôtel, est cyclopéenne, gigantesque dans toutes ses dimensions, et décorée avec élégance. Mon fils est allé garer sa voiture à une sage distance, car devant l’enseigne du restaurant, seules les Bentley, Ferrari et Aston Martin sont dans le paysage. Mais si belles soient elles, elles ne sont rien à côté des gigantesques yachts amarrés au pied du restaurant. Une « barque » dotée de quatre moteurs de 300 CV fait dinky toys à côté de ces palaces flottants. Les voituriers sont innombrables, les vigiles protègent l’entrée, et au bureau de réception, quatre hôtesses pulpeuses vérifient les réservations. Nous suivons l’une d’elles à notre table, dans une immense salle dont la hauteur est surprenante. Le bruit est intense, du fait de la sono qui joue fort, mais surtout du brouhaha d’une jeunesse qui hurle en parlant dans cette salle sonore. On se croit dans une boîte de nuit, on est mal assis, mais c’est l’endroit où il faut être. Les femmes sont jeunes, et leurs formes débordent de robes étriquées. La vulgarité n’est pas loin. Les indispensables Louboutin mettent en valeur le galbe des jambes interminables de ces belles éthérées. Au centre de la pièce, la cuisine bien agencée est active comme une ruche.

Une serveuse efficace nous conseille le choix des menus et nous nous laisserons guider par un menu conçu par le chef, aux plats innombrables d’une qualité exceptionnelle dans un registre japonais. La qualité des produits et l’intelligence de l’exécution sont remarquables. Pour qu’un lieu soit à la mode, il faut bien sûr le talent d’un architecte, celui d’un décorateur, celui d’un concepteur et celui d’un communicateur. Mais ces talents conjugués ne seraient rien si la cuisine ne suivait pas. Or elle suit, et le service aussi.

Mal assis, dans le bruit, on se laisse entraîner par la qualité du repas. Poissons crus, tempuras, marinades, gigantesques gambas, viandes diverses et desserts complexes et gourmands, tout y est.

Le Champagne Larmandier Bernier Blanc de Blancs sans année est fort agréable. S’il manque un peu de corps, il le compense par sa gracilité et sa typicité. Sur un saumon cru, il prend une ampleur inattendue qui lui donne de la force.

Le Champagne Dom Pérignon 2000 est magnifique et l’on profite de son côté floral, de fleurs blanches, si romantique. C’est un grand champagne, encore meilleur du fait de son âge. Rien ne peut accompagner aussi bien cette cuisine orientale.

Après le repas, nous grimpons au 16ème étage de l’immeuble où se trouvent deux piscines entourées de cabanas, et d’où la vue est spectaculaire, surplombant les yachts et ouverte sur la myriade de grands immeubles plantés le long des canaux.

En retournant à la voiture, on est saoulé d’avoir aperçu tant de richesses. Miami est superlative. Elle nous a pris dans son tourbillon.

la cuisine au centre du restaurant

Au 16ème étage de l’immeuble, la folie !

il faut imaginer que le « petit » bateau en deuxième file, qui a quatre moteurs, a quatre fois 300 CV !

la vue !

il est temps de rentrer se coucher à bord…. (non, je plaisante, le notre est beaucoup plus gros !!!)

Miami et Palm Beach lundi, 23 janvier 2012

Départ à Miami pour rendre visite à notre fils. On attend beaucoup aux postes de douanes à Roissy, alors que curieusement, nous passons la douane à Miami avec une rapidité rare. Et les valises arrivent vite sur les tapis. C’est un grand contraste avec la livraison des bagages en France.

Miami crée un dépaysement particulier. Les routes sont larges, avec des trottoirs en pelouses, et tout est d’une propreté frappante. Les maisons sont cossues, sans clôtures qui les masquent, et tout semble étrangement propre, les jardins étant particulièrement bien entretenus. Il n’y a aucun embouteillage malgré le gigantisme de cette ville, ce qui est d’un confort particulier pour les banlieusards que nous sommes, subissant à Paris l’enfer automobile, amplifié par toutes les restrictions volontaires à la fluidité du trafic, le pompon revenant aux tramways en service ou en chantier, aberration culturelle française. Au débit des américains on pourra mettre la consommation d’essence, car tout le monde roule dans d’énormes voitures ou vans, qui sont des gouffres de pétrole.

Notre hôtel, le Sonesta, est à Coconut Grove, et notre chambre au 19ème étage surplombe la mer et ses innombrables bateaux. Chez mon fils un Champagne La Grande Dame Veuve Clicquot Ponsardin 1998 est agréablement buvable, mais manque de vibration et d’émotion. Il est suivi par un Champagne Pierre Moncuit Brut Hugues de Coulmet sans année dont le style tout particulier de Mesnil-sur-Oger nous parle beaucoup plus. Il a une tension et vibre vraiment.

Après une nuit réparatrice, nous allons nous promener sur l’une des innombrables plages de Key Biscane et tout nous pousse à penser que Miami est un site de loisir. On y travaille bien sûr, mais le week-end, tout le monde profite du sport et de la mer. Et il fait particulièrement beau.

Nous déjeunons au Rusty Pelican, et pour fêter nos retrouvailles, je fais ouvrir un Champagne Dom Pérignon 2002. On dirait que les deux champagnes d’hier sont des faire-valoir de ce magnifique champagne. Chaque gorgée est une gorgée de plaisir. C’est vraiment un aristocrate du champagne. Nous sommes devant la mer et les bateaux passent à des vitesses folles le long des côtes, et un petit hydravion se pose devant le restaurant en se frayant un chemin au milieu des bateaux. La nourriture est bonne et le service attentif. C’est une étape sympathique.

Nous partons à Palm Beach, et si Miami étale un grande luxe, ce n’est rien à côté de Palm Beach, qui regorge de propriétés qui n’existent que dans des rêves. Nous allons à une exposition « artpalmbeach » d’art de photographie et de design qui se tient au Palm Beach County Convention Center, site magnifique où l’exposition est agencée de façon remarquable. Les stands sont beaux, et la visite est plaisante. Nous rendons visite à un galeriste belge installé dans de nombreuses villes d’art dont Saint-Paul de Vence où nous l’avions connu. Il nous retient à dîner chez une sculptrice de grand talent et de grand succès qui loge dans un immeuble, le Trump Plaza, qui repousse la notion de luxe à des hauteurs inconnues. Le buffet et les boissons ne sont pas taillés dans le même métal.

Notre hôtel et la vue

chez mon fils

Au Rusty Pelican

dîner au restaurant Laurent avec quelques beaux vins vendredi, 20 janvier 2012

Avec Tomo et son épouse, la mienne et trois amis, nous nous retrouvons à dîner au restaurant Laurent. La forme que nous avons choisie est celle des casual Friday, c’est-à-dire que les vins sont apportés par ceux qui en ont envie et le coût des repas est partagé.

Etant arrivé largement en avance, j’ai le temps d’ouvrir mes vins et un vin déjà présent sur place. J’ai apporté quatre vins plus un qui est une inconnue, un Château Ausone 1937 au niveau en vidange. C’est un petit clin d’œil au restaurant Laurent qui en a beaucoup de ce millésime. Le parfum du vin me semble sympathique.

L’apéritif se prend dans le joli salon de réception sur des nems épicés et des sticks au saumon fumé, avec un Champagne Bollinger Grande Année 1999, solide, bien charpenté, fluide, bon à boire, mais peut-être un peu trop classique. Il se boit avec plaisir.

Nous avons la belle table au centre de la rotonde. Tournant le dos à la salle pour que les femmes trônent face à celle-ci, je peux voir les cyclamens mauves et violets aux couleurs intenses. J’ai mis au point le menu avec Philippe Bourguignon peu de temps avant l’arrivée des amis : araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / jaune d’œuf coulant sous un « tortelli », bouillon-poulette, truffes noires / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, côtes de céleri mitonnées aux olives noires / lasagne de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle, cœur de sucrine / vieux Beaufort / soufflé chaud à la mandarine.

Sur l’araignée, nous avons simultanément le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Chablis Grand Cru Valmur Raveneau 2007. Le Chablis est un vin à la belle couleur claire, au nez plutôt puissant. Il est très jeune et très expressif, mais le pauvre souffre du casting, car l’accord entre le champagne et l’araignée est si grand qu’il le paralyse. Nous décidons de le garder pour le fromage, car le combat est trop inégal. Le Dom Pérignon 1980 a une belle couleur dorée, son nez est charmeur, sa bulle très active, et en bouche, c’est le régal des champagnes déjà mûrs qui ont encore de la jeunesse. Il est rond, plein, fruité, dans des notes exotiques, et il est furieusement gastronomique, car il envoûte l’araignée pour créer un accord de feu.

Le Château Beychevelle 1994 et le Château Pailhas Saint-Emilion 1928 sont associés au plat nouveau à la carte du jaune d’œuf, traité de telle façon qu’il ne rejette pas les vins. Et là aussi, le déséquilibre d’attitude du vin envers le plat est saisissant. Le Beychevelle est un beau vin, plus rond que ce qu’indique son millésime, mais il fait pâle figure devant le plat alors que le 1928 s’approprie le plat et devient brillant, vivant, un très grand saint-émilion. Il est même étonnant qu’il ait tant de présence.

Le Château Ausone 1937 avait son niveau à l’endroit où l’épaule rejoint le cylindre de verre. Le risque était grand que le vin soit mort. Or à l’ouverture le parfum était prometteur. Il sent bon maintenant et il est un Ausone très typé, avec des évocations de truffe. Le plat lui répond bien. Nous avons réussi à profiter de ce vin, dont les blessures ne gênaient pas la dégustation, avant qu’il ne soit trop tard.

Sur les lasagnes de queue de bœuf, une fois encore deux vins, le Vosne Romanée Nicolas 1961 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934. Alors que j’ai une bonne sensibilité au goût de bouchon, j’étais conquis par un nez très viril, costaud, bourguignon dans sa rudesse et je m’en réjouissais, mais ma femme me fit comprendre mon erreur : le vin a un goût de bouchon. Je dois confesser que je ne l’avais pas vu. Et après, bien sûr, on ne voit plus que cela, même si le goût est acceptable. Le Volnay est extrêmement fruité, d’une joie de vivre surprenante de jeunesse. Il a brillé sur l’excellent plat.

Les deux délaissés, le Beychevelle et le Chablis se sont épanouis, avec ou sans fromage. Le Château de la Forêt, Preignac 1923 à la couleur ambrée acajou superbe et au niveau impeccable dans la bouteille a un nez d’agrumes très présent. En bouche il est absolument délicieux, raffiné, élégant. C’est un grand sauternes de plaisir qui se boit tout seul, même si le soufflé lui va bien.

Dans ce lieu que je chéris, au service attentionné, nous avons – pour une fois – parlé plus de sujets hors vins que de vin. Dans les rires et les propos amicaux, nous avons passé une soirée animée d’où émergent deux vins : le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934.

visite et déjeuner au domaine de la Romanée Conti mercredi, 18 janvier 2012

De bon matin, il fait froid à Vosne-Romanée. Moins qu’hier où l’on avait atteint moins sept degrés. On est à moins quatre degrés. Je vais chercher mon frère à la gare de Beaune, car nous allons rendre visite à la Romanée Conti. Jean Audouze, mon frère, a été nommé par le Premier Ministre au poste de président de la Commission nationale pour l’éducation, la science et la culture de l’UNESCO. Il est l’une des personnes intéressées par le dossier de classement des climats de Bourgogne, décision hautement politique qui sera prise aux plus hauts niveaux de l’Etat et de l’UNESCO. C’est l’occasion d’une visite amicale.

Lorsque nous arrivons au siège du domaine, Jean-Charles Cuvelier me dit que les résultats d’analyse de la bouteille trouvée dans les gravats de l’abbaye de Saint-Vivant supposée du 18ème siècle ne sont pas encore connus et il m’informe que l’une des descendantes de la famille qui a possédé l’abbaye, ayant lu les articles de journaux, a apporté à Aubert de Villaine une autre bouteille qui dormait dans l’abbaye probablement aux mêmes époques. Mon cœur se met à battre plus fort et Jean-Charles me montre la bouteille au goulot très fin comme on en trouve dans des bouteilles d’avant 1850, et avec un fond plat irrégulier qui fait pencher la bouteille quand elle est debout. Cette bouteille me semble plus vieille que celle que nous avons ouverte il y a peu de mois.

Bernard Noblet nous emmène goûter en cave les 2010 du domaine. Je n’avais pas relu mes notes d’une précédente dégustation des 2010 du domaine, et je ne les relis pas en écrivant ce compte-rendu.

Le Corton Domaine de la Romanée Conti 2010 est un vin pris en fermage par le domaine. Il est sur trois climats qui sont vinifiés ensemble pour l’instant. C’est émouvant pour moi de goûter pour la première fois ce vin, bien jeune mais prometteur.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2010 se présente très fermé. Il faut dire qu’il fait très froid. Bernard nous dit qu’il n’a pas vérifié si ce jour est un jour fruit ou un jour fleur, car selon le cas, la dégustation sera plus ou moins réussie.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2010 a beaucoup plus de matière et est plus ouvert. Il est même plaisant.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2010 est romantique, très féminine et jolie.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2010 me plait énormément, car il superbe et a déjà toutes les caractéristiques d’un Richebourg du domaine. Cette lisibilité de son caractère me plait énormément.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2010 est le charme absolu. Elle est toute en séduction, alors que le Richebourg est en richesse et en structure. La Tâche et la Romanée Conti sont dans des fûts placés dans la partie nord de la cave, car cela convient mieux à leur vieillissement.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2010 m’interpelle, car je n’arrive pas à bien la comprendre. Elle est hyper fermée. C’est à ce moment qu’arrive Aubert de Villaine qui nous salue et nous dit qu’il y a dans la Romanée Conti de la violette qui est l’annonce du grand vin, et évoluera vers le pétale de rose. Lorsque Aubert le dit, je le constate, mais je n’arrive toujours pas à retrouver ce qui fait la vibration de la Romanée Conti. Mon frère est naturellement ému puisque c’est sa première expérience, mais je me sens frustré de ne pas retrouver le vin que j’aime. Il se pourrait que je sois dans une mauvaise disposition pour goûter ce vin, comme pourrait le prouver la suite. De plus, nous sommes dans un jour de basse pression où le vin encaisse la baisse des températures extérieures.

Nous nous rendons maintenant dans la petite cave voûtée où se passent les dégustations de vins en bouteilles, après les vins en fûts. Bernard Noblet nous a quittés aussi sommes-nous trois, mon frère, Aubert et moi. Aubert n’a pas le même talent que Bernard pour brouiller les pistes et susciter des réponses fausses, aussi le jeu de la découverte à l’aveugle est-il moins accentué.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1997 a un nez superbe et très épanoui. Il a un peu de raisin de Corinthe, et je le trouve plus puissant que l’image que j’ai de son millésime. Il est déjà prêt à boire.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1990 est remarquable. C’est du velours. Il est féminin et d’un équilibre total. Les raisins sont mûrs et le final est très gourmand.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 dont nous ne savons pas encore de quel vin et de quelle année il s’agit a un nez magnifique et pleinement bourguignon, avec une légère amertume et la promesse de son côté salin. Le vin est floral. Il y a grande persistance, une belle fraîcheur, de la légèreté et de la douceur. Je pressens la rose et le salin, mais je dois dire que je suis un peu frustré, même en apprenant qu’il s’agit de la Romanée Conti 1961.

Le Bâtard Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2006 est très charpenté, très opulent, charnu et il étonne par l’impression de sucrosité liée à un botrytis très prégnant. La parcelle de Bâtard fait deux ouvrées, l’ouvrée représentant 428 m², ce qui fait une très petite parcelle.

Nous remontons à l’air libre en emportant les bouteilles sauf la 1997, et nous allons faire une petite dinette dans la grande salle de l’ancien siège de la Romanée Conti. De la cochonnaille, deux fromages et des mandarines nous attendent. C’est frugal, mais c’est l’esprit du domaine et je l’accepte bien volontiers, d’autant plus que c’est ainsi que je fus reçu la première fois à la Romanée Conti.

A table, avec le pâté en croûte le Bâtard redevient le vin sec qu’il devrait être. Il est superbe et racé, très complexe. Etonnamment, on ne ressent plus aucune trace du botrytis.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1990 a un nez raffiné. En bouche, il est très fruité et large. Le côté chatoyant est très surprenant. Il est beau, épanoui, brillant. Le plus spectaculaire est la largeur de ce vin. Il est très bourguignon avec une belle râpe et une fraîcheur mentholée.

En sentant la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961, on sait que l’on change de planète. Si certaines caractéristiques sont superlatives, d’autres me dérangent. La longueur est infinie, mais le vin est indéfinissable. Je commence par trouver du fumé, des grains de raisins presque brûlés. Un boisé et le côté brûlé donnent au vin une force de goût hors norme. Mais il n’est pas gourmand et n’a pas la délicatesse habituelle. Je me demande si ce n’est pas moi qui ne suis pas d’humeur à vibrer avec la Romanée Conti.

Et tout à coup, le salin apparaît. Le vin commence à s’assembler et le fruit se découvre enfin. Sa transformation est incroyable et enfin, je me trouve devant une Romanée Conti. Puis le fruit s’estompe au profit de la rose, ce qui est très plaisant. Et le vin évolue vers ses caractéristiques du début, avec ces raisins brûlés et cette amertume.

Alors que je suppose qu’il est rare que l’on questionne le mythe du domaine, je m’ouvre à Aubert de Villaine de mon impression de probable mauvaise performance de cette bouteille de Romanée Conti. Aubert me confirme que lui aussi est un peu gêné par cette évolution du vin qu’il n’avait pas ressentie avec la précédente 1961 bue il y a quelques mois. L’explication est sans doute à chercher dans les conditions de la dégustation et dans l’état du bouchon.

Dans ma musette, j’ai le fond du Muscat Mas d’Eu mis en bouteille en 1889 que j’avais ouvert lors des rencontres Henri Jayer. Il y en a suffisamment pour faire quatre verres où le liquide regorge de lie en petites plaques fines. Le vin est sublime et je montre à mon frère comme il va bien avec les mandarines. Ce vin est un régal, apprécié par Aubert et Jean-Charles.

Celui-ci, en démon tentateur, propose un Marc de Bourgogne du Domaine de la Romanée Conti 1978, mis en bouteille en 1994. Je pense n’avoir jamais bu un marc aussi brillant que celui-ci. Il est génial.

Aubert de Villaine conduit mon frère pour une visite éclair des vignes de La Tâche et de la Romanée Conti pendant que je vais récupérer à mon hôtel les vins qui m’ont été offerts aussi bien par les vignerons de Chateauneuf-du-Pape que par ceux de Bourgogne.

En repartant à Paris après cinq jours de folie, je retiens surtout la générosité de vignerons dont l’amitié est certainement le plus grand des cadeaux.

visite à la Romanée Conti, photos mercredi, 18 janvier 2012

une cave de la Romanée Conti

mon frère Jean Audouze avec Bernard Noblet

mon frère et moi avec Bernard Noblet et avec Aubert de Villaine

la dégustation de vins en bouteilles (le bouchon du Bâtard)

la cave de vins anciens

le déjeuner avec les vins ouverts en cave

le Muscat mas d’Eu mis en bouteilles en 1889 que j’ai apporté (reste de celui ouvert à l’occasion des Rencontres Henri Jayer)

le marc de la Romanée Conti 1978

J’ai comparé en cave le muscat avec d’autres ouverts précédemment, pour voir comment les bouteilles ont été chemisées par les dépôts. Celle bue ce jour, au centre, est la moins chemisée

l’étiquette de celle bue ce jour est à droite :

les « Rencontres Henri Jayer » à Vosne-Romanée mardi, 17 janvier 2012

Ayant quitté Chateauneuf-du-Pape en faisant l’impasse sur le deuxième service du lièvre à la Royale, j’arrive à Vosne-Romanée à la salle des fêtes de Vosne Romanée. Depuis ce matin se tiennent les « Rencontres Henri Jayer » qui ont été fondées en 1993 par Henri Jayer et Jacky Rigaux, universitaire et écrivain du vin, ami d’Henri. Ces Rencontres ont continué après la mort d’Henri, dirigées et animées par Jacky Rigaux, et le thème cette année est « millésimes et extrêmes ». Pendant toute la journée, des vignerons ont présenté leurs vins, dans deux millésimes radicalement opposés en termes de conditions climatiques et de données œnologiques. Aubert de Villaine qui ne pouvait participer aux travaux a déjeuné avec ses amis et a apporté le Batard-Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2005. J’aurais aimé avoir le don d’ubiquité pour être dans le Vaucluse et dans la Côte d’Or en même temps.

Au moment où j’arrive, les vignerons participants sont dans l’après-match, et bavardent des vins qu’ils ont bus ou de tous autres sujets. Christian, un grand collectionneur, qui a apporté un Echézeaux Henri Jayer 1995, me donne la moitié de son verre, cadeau que j’apprécie. Encore dans l’ambiance de mon voyage, je ne goûte pas comme il convient toutes les subtilités de ce vin bien fait.

Une salle à manger voûtée est en sous-sol et nous nous répartissons en plusieurs tables. Et, tout comme à la Paulée de Meursault, grand rendez-vous de tous les vignerons de Bourgogne, commence le ballet des les vignerons qui viennent auprès de chacun pour faire goûter leurs vins. Avec seulement deux verres, on jongle, et on est obligé d’en jeter pour accueillir le vin suivant.

N’ayant pas pris de notes et venant de passer deux jours à faire le même exercice, je ne vais faire que citer les vins. Le Kastelberg Grand Cru Marc Kreydenweiss 2008 est un vin jeune mais plaisant et bien fait. Le Champagne Minéral Extra Brut Blanc de Blancs Agrapart 2005 me plait d’autant plus que je suis assis à côté du vigneron. Le Puligny-Montrachet les Folatières Domaine Leflaive 2005 est superbe et gourmand sur une terrine très légère et goûteuse, malheureusement desservie par une salade au vinaigre balsamique qui est un « killer » pour les vins.

Le Mambourg Grand Cru Marcel Deiss 2000 est un très grand vin, aussi original que Jean-Michel Deiss, un grand personnage du monde du vin qui marie pragmatisme, réalisme et vision à long terme. Le Burlenberg « La colline brûlée » Marcel Deiss 2004 est plus énigmatique pour moi.

Chacun reçoit une cassolette de joue de bœuf à la truffe qui est un régal absolu. Le Vosne-Romanée Les Reignots domaine Liger-Belair 2006 est merveilleux. Son fruit est gourmand au possible. Le Beaune Grèves domaine Lafarge 1996 est assez strict mais très bien fait, le Gevrey-Chambertin Racines du Temps en vieilles vignes René Bouvier 2001 est présenté par son vigneron dynamique et enthousiaste et l’Echézeaux Grand Cru Jacques Prieur 2001 est superbe de sérénité. Mais je n’ai pas l’esprit à prendre des notes, aussi ma mémoire n’est-elle que pointillée.

Le Volnay-Caillerets marquis d’Angerville 2007 est un vin de distinction. Le Chambolle-Musigny Les Feusselottes domaine Cécile Tremblay 2008 m’est servi par Cécile elle-même, et c’est le dernier vin que je bois, car un bon sommeil s’impose.

Le lendemain matin, il fait moins sept degrés au thermomètre, et nous nous gelons devant la porte de la salle des fêtes que doit ouvrir Marc Plantagenêt, qui dirige l’entreprise Seguin-Moreau, sponsor des Entrevues Henri Jayer. Marc a fait un détour pour chercher un rétroprojecteur pour la conférence que je vais tenir sur le sujet des vins anciens. Nous sommes trente-cinq dans la salle et les questions montrent l’intérêt suscité par le sujet des vins anciens. J’ai apporté dans ma musette un vin qui fait partie de mes trésors gustatifs. C’est un Muscat Mas d’Eu mis en bouteille en 1889. On peut donc supposer qu’il date des années 1850 / 1860, voire bien avant, car il semble avoir eu un temps de fût considérable. Ce vin servi à tous est un bonheur. Il apporte la preuve de mes propos sur le fait que certains goûts merveilleux ne peuvent exister que par l’âge extrême d’un vin. Il a des agrumes, des écorces d’orange mais aussi du café, du poivre, et des épices innombrables. Ce qui frappe, c’est son extrême longueur. Tout le monde est conquis par ce vin et je pense avoir suscité de l’intérêt pour une autre façon d’envisager les vins anciens.

Nous avons ensuite poursuivi les travaux commencés la veille avec Elizabeth présentant les vins de Toscane Montenidoli avec un Vernaccia di Carato 2002 et 2007, le domaine Cornulus du Valais avec le Clos de Corbassières Païen « Cœur du Clos » 2005 que j’ai trouvé merveilleux de fraîcheur et de gourmandise. Jean-Michel Deiss a présenté un Riesling 2003 et 2008 puis un Burg premier cru 2003 et 2008. Jean-Michel est orateur brillant et captivant. Le jeune vigneron du domaine Marc Kreydenweiss a présenté avec sa passion le Kastelberg Grand Cru 2008 et 2009, le Domaine Amiot Servelle a présenté son Chambolle-Musigny premier cru « derrière la Grange » 2002 et 2003. Le domaine du Marquis d’Angerville a ouvert son Volnay Champans des millésime 2008 et 2009 et le Château Rouget à Pomerol nous a fait goûter son 2003 et son superbe 2006.

Jacky Rigaux a remercié les vignerons de leur générosité et de leurs interventions brillantes, et c’est vrai, car ici, on ne fait pas du commercial, on discute entre vignerons des tendances, des interrogations et des choix. Et c’est passionnant.

Nous descendons à table dans la salle voûtée pour un buffet de bonne qualité. La ronde des vins reprend. La star du déjeuner est pour moi le Schoenenbourg Grand Cru Marcel Deiss magnum 1989 qui est une merveille de complexité ensoleillée. Le Clos du Moulin à Vent Monopole 2009, dont le propriétaire l’est aussi du château Rouget, est une preuve évidente que ça bouge dans le bon sens dans le beaujolais, car le vin est grand. J’ai bu beaucoup d’autres vins, mais la mémoire n’en a pas été enregistrée.

A Chateauneuf-du-Pape, c’était une bande de copains vignerons, chasseurs et ripailleurs. A Vosne-Romanée, du fait de ces « Entrevues Henri Jayer », la forme est plus structurée. Mais les vignerons sont généreux, et parlent d’or. Jacky Rigaux a bien fait de perpétuer ce qui était voulu par Henri Jayer, pour que l’on parle d’excellence. Ce fut un grand moment.

photos – la table du dîner

les vins bus à table ou au cours des rencontres Henri Jayer

le repas du soir

« Rhône Vignobles » reçoit des professionnels du vin et de la restauration lundi, 16 janvier 2012

Le réveil est dur ! L’association « Rhône Vignobles » reçoit ce matin au domaine de Beaurenard environ 150 cavistes, agents, restaurateurs et sommeliers de la région. Les vignerons ont organisé de petits stands entre les fûts dans la cave de vieillissement. Et les visiteurs sont invités à goûter les vins des vignerons de l’association. L’originalité de cette dégustation est que les vins sont parmi les plus vieux de tous les domaines. Ainsi Daniel Coulon fait goûter un Chateauneuf-du-Pape blanc domaine de Beaurenard 1984 à la belle couleur dorée, évoquant la noix et la pâtisserie, et le Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard jéroboam 1937 que j’ai ouvert hier. Le nez est follement bourguignon, racé, raffiné. En bouche alors que beaucoup de personnes le trouvent jeune parce qu’il est fringant, je trouve qu’il fait parfaitement son âge, avec une sérénité assumée. Oserais-je dire qu’il n’a pas l’ombre d’un défaut ? Il évoque la cendre, les fumets délicats et a une légère sucrosité. C’est un très grand vin.

Jean-Michel Gérin présente une Côte-Rôtie domaine Gérin 1964 au nez puissant et joyeux. Le vin est superbe, mêlant la joie de vivre, une belle acidité et un grand raffinement. Il apporte la preuve éclatante que la Côte-Rôtie peut vieillir et bien vieillir.

Tous les stands sont tentateurs mais sachant que mon voyage va se continuer en Bourgogne, puisqu’après le déjeuner au domaine Beaurenard j’ai un dîner à Vosne-Romanée, je limite à ces trois vins ma dégustation. Dommage, car il y a de sacrées bouteilles.

Après la dégustation en cave, un repas pour 160 personnes se tient dans les chais où une longue table unique est installée entre les cuves en inox. Le menu est réalisé par Eric Sapet, le chef de « la petite maison » de Cucuron : pâté de chevreuil au foie gras, terrine de sanglier, pâté en croûte de colvert / consommé de palombe, tartine gourmande / les petits oiseaux en cocotte / lièvre à la Royale en deux services, le premier à la façon du sénateur Couteaux / le deuxième à la façon d’Antonin Carême. Pour avoir des chances d’être à temps à Vosne-Romanée, je n’ai pas goûté la deuxième version. Je n’ai pas fait carême !

Pendant le repas au rythme très lent, nous avons été abreuvés de vins des quinze vignerons de l’association, beaucoup plus récents et dans des formats dépassant parfois le magnum. Ces vins sont fort bons mais j’ai plus cherché à les éviter qu’à les goûter. Un Chateauneuf-du-Pape Cuvée Chaupin La Janasse rouge jéroboam 2001 m’a beaucoup plu par la fougue de son fruit, comme un Condrieu Vertige Cuilleron 2001 superbe par sa plénitude sereine. Je n’ai pas noté les autres vins qui venaient de droite comme de gauche et imposaient de vider le verre en cours pour faire plaisir au vigneron qui voulait verser son vin. La cuisine d’Eric Sapet est très traditionnelle mais bien exécutée. Elle est particulièrement riche et gourmande. Les petits oiseaux comme le lièvre sont goûteux et généreux.

Que dire de ces deux jours de folie ? Ce qui m’a frappé d’abord, c’est la générosité des ces quinze vignerons, bande de copains joviaux et bons vivants. Déguster avec eux est un plaisir. On sentait que chacun avait vécu un grand moment de partage et de connaissance, car tous n’ont pas l’habitude de côtoyer de tels vins anciens. L’émotion la plus forte pour la famille Coulon a été l’ouverture du 1880.

Nous sommes appelés à nous revoir, car un accueil aussi chaleureux ne peut rester sans suite.

photos – l’enseigne au domaine de Beaurenard

la dégustation en cave (au premier plan, le jéroboam de Beaurenard 1937)

l’impressionnante table pour 160 personnes

quelques photos du repas et un des vins