Dîner de folie au domaine de La Janasse lundi, 16 janvier 2012

Nous sommes accueillis au domicile privé des propriétaires de La Janasse par Christophe Sabon et sa sœur Isabelle, qui font les vins du domaine et par leurs parents. Les jeunes enfants de Christophe et Céline passent des plats de petits amuse-bouche truffés. Georges, le marchand de vin, a apporté un délicieux jambon espagnol et découpe des fines tranches avec une dextérité spectaculaire, et nous explique les zones de la patte qui sont les plus goûteuses. Commence alors une folie, une débauche de générosité qui nous entraînera tard dans la nuit.

L’Hermitage blanc Chave 1996 est joyeux et très pur. C’est un grand vin. L’Hermitage blanc « Velours » Chapoutier 1982 est hyper sucré. Il est plus dans la catégorie vin de paille que dans celle des Hermitage blancs. Le Chablis 1er cru Côte de Lechet Defaix 1991 est d’une très belle minéralité mais manque de corps.

Le Champagne Joseph-Perrier rosé magnum années 50 est joli, mais comme il est gastronomique, on ressent qu’il n’est pas mis en valeur par un plat adapté et en souffre. Le Champagne Victor Clicquot 1959 est absolument superbe. Il a le charme des beaux champagnes évolués.

Le reste du magnum de Château Canon 1955 montre que le vin n’a pas évolué. Il reste imparfait.

Le Crozes Hermitage Albert Bégot magnum 1985 a un nez superbe. Frais, fruité, il est très jeune et même un peu vert. La crème de céleri n’est pas très propice aux vins.

Nous passons maintenant aux bécasses, dont la sauce lourde est à se damner. La Côte Rôtie La Turque Guigal 1991 sur la bécasse est une folie totale. Quel mariage ! Le vin est un monument. Le Beaune Clos des Mouches Darvil 1993 est fort délicat et se place bien après le colossal vin qui le précède.

L’Hermitage La Chapelle Jaboulet 1990 est superbe de jeunesse, moins puissant que La Turque mais plus profond. Lui aussi est un immense vin.

Georges, en plein tourbillon de générosité ouvre un Cos d’Estournel magnum 1961 contre ma suggestion, car nous étions déjà dans l’excès le plus déraisonnable. Evidemment, verre en main, je ne regrette pas sa générosité, car le vin est tout simplement parfait. C’est un vin géant, d’une rectitude absolue.

Le Châteauneuf-du-Pape Rayas 1992 est un très grand vin à la subtilité raffinée. Le Gevrey-Chambertin En Champ, vieilles vignes Denis Mortet 1996 est génial, très bourguignon.

Le Château Mouton-Rothschild 1942 est une grosse surprise car je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse être aussi bon. Si des signes de fatigue existent, paradoxalement c’est sa vigueur qui surprend. C’est un très beau vin.

Le Château Haut-Bailly magnum 1934 est merveilleux, avec la classe naturelle de ce château. Il est impressionnant de sérénité. Il n’est pas flamboyant, mais il est là. Pureté et rectitude sont ses qualités. Pendant que nous suivions la valse des flacons, un sanglier superbe à la sauce très lourde que l’on sauce au pain, comme pour l’oiseau, nous ravit par sa gourmandise, qui s’adapte aux vins des différentes régions.

Le Coteaux du Layon Sauvion 1947 est très joli et crée un accord étonnant de pertinence avec des sorbets. Le bouchon du Château Filhot 1935 que j’avais ajouté sans le dire à mes apports était tombé dans le vin sans que je ne fasse rien, et Georges s’en gausse. Mais le vin parle de lui-même. C’est un sauternes de référence, d’un accomplissement qui justifie que l’on goûte les sauternes à un âge canonique.

Le Château de La Roque, sauternes 1931 que j’ai apporté est gentil, mentholé, au caramel un peu fort. Si on l’avait bu seul, il nous eût plu, mais après le Filhot, la tâche est difficile.

Le Madère Bual 1845, solera du centenaire est un magnifique madère à la folle jeunesse. Il est d’une rare complexité avec de l’anis, du poivre. Il est génial.

Il aurait pu servir de point final mais débarque dans nos verres un Cognac Napoléon 1811 dont je ne suis pas sûr que tout soit de ce millésime, même s’il est évident qu’il est du 19ème siècle. Et le coup de grâce est donné par un Cointreau des années 60, véritable bonbon de douceurs câlines.

Le contrecoup de tout cela ne fut pas immédiat, car j’ai rédigé le compte-rendu de la première partie de cette journée à la suite du repas. C’est au matin, après seulement quatre heures de sommeil, que mon corps m’a rappelé la folie que nous avions vécue. Une telle générosité est unique. Vive Rhône Vignobles !

dégustation de vins anciens à Chateauneuf-du-Pape lundi, 16 janvier 2012

Le lendemain matin, nous nous rendons chez Vincent Delubac, vigneron à Cairanne, qui nous conduit, après force détours, dans un site où la truffe pourrait éclore. Pour que cela arrive, il y a Tania, chienne truffière peureuse et folâtre, qui nous gratifiera d’un seul point de grattage d’où deux petites truffes émergeront. L’autre alliée est la mouche, mais en ce beau temps sec et sans vent, la mouche est aux abonnés absents. Nantis de cette maigre moisson, nous regagnons le domicile de Vincent et je suis en charge de l’ouverture de trois vins.

Sur de délicieuses pâtes fraîches aux truffes incluant nos deux prises du matin, nous goûtons un Cairanne blanc domaine Delubac 1990. Le vin a une couleur déjà ambrée, et montre d’évidents signes d’évolution. Mais il est à l’aise avec la truffe qui lui donne un équilibre qu’il n’aurait pas autrement. Sur des bars d’élevage bien cuits, c’est-à-dire peu, le Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard blanc 1996 a un nez tonitruant et un fruit extrêmement puissant. C’est un vin très agréable, joyeux et puissant.

C’est sur un camembert que nous goûtons le Vin doux naturel Cairanne domaine Delubac 1972 qui est d’une rare fraîcheur et d’un équilibre confondant. Vincent peut être fier de la réussite de ce millésime.

Nous retournons au domaine Beaurenard où je suis en charge de l’ouverture d’un grand nombre de vins pour une dégustation entre membres de « Rhône Vignoble« . Alors que je suis là pour montrer la pertinence de ma méthode d’ouverture des vins, par deux fois des miettes de bouchons seront tombées dans le vin. Vatel s’est suicidé pour moins que ça. Entretemps, un caviste de Lyon au verbe tonitruant vient ouvrir ses vins en appliquant sa méthode qui est de tirer le bouchon au plus vite d’un geste sec. Sur deux ou trois essais, ça marche et je commence à avoir des doutes. Puis sa méthode cafouille, car il perd de nombreux morceaux de bouchons dans le liquide, ce qui oblige à un carafage. Ouf, mon honneur est sauf.

La dégustation commence. Le Château Calon Ségur 1925 est d’une robe un peu trouble, mais d’un rouge rubis. Le nez est charmeur, velouté. La bouche est un peu stricte mais d’une belle acidité. Il y a un peu de fruit mais le vin manque de charme. Le nez est grand, la longueur est prenante. Le vin est intéressant et de belle acidité, sans entraîner une totale émotion.

Le Château Canon magnum 1955 que j’ai apporté est d’une couleur magnifique. Il a un nez de viande et de café. La bouche est meilleure, mais le vin est un peu coincé. Il y a manifestement un manque.

Le Château Pontet Canet 1949 est d’une très jolie couleur. Le nez est charmeur, mais ne me semble pas complet. En bouche le vin est très plaisant, mentholé, de belle acidité. Le final est superbe. Le vin est très jeune et précis. Son final est joyeux et fruité. C’est un très beau vin.

Le Morgon Alfred Jiboz 1955 que j’ai apporté est de couleur claire. Le nez est discret et floral. La bouche est superbe. C’est un très grand beaujolais. Il a une belle râpe. C’est un vin que j’adore. On entre dans son charme. Il n’a pas le moindre défaut. Le vin est magnifique, très gourmand, d’un plaisir fou.

Le Moulin à Vent Genève Frères à Macon 1947 que j’ai apporté a une couleur d’un rouge rubis. Le goût de bouchon que nous sommes quelques uns à percevoir n’empêche pas de le goûter. Il est riche, de belle densité et de belle sucrosité, mais ce n’est pas un vin de plaisir.

Le Santenay Caves de la Bourgogne 1953 que j’ai apporté est d’une couleur claire. Il a un nez bourguignon superbe. C’est un vin de plaisir, follement gourmand. Il est vibrant, fait de fruits rouges, et sa vivacité est un plaisir pur. Sa persistance est très grande et l’on note son caractère salin en fin de bouche.

Le Vin de Bourgogne illisible Joseph Drouhin probable 1947 que j’ai apporté est d’une couleur rouge d’un rubis clair. Le nez est superbe. Le vin est « énorme », follement bourguignon. Il est magnifique, salin, râpeux, gourmand, très frais. C’est un très grand vin.

Le Pommard « les Charmots » Léon Violland 1926 est de couleur claire et a un nez de viande. L’attaque est claire, mais l’aspect giboyeux du milieu de bouche limite le plaisir.

La Côte Rôtie Vidal-Fleury 1960 a un nez imprécis, bizarre. La bouche a une très belle attaque. Le fruité est riche et élégant. Le vin est bourguignon et l’élégance domine, sur un fruit poivré.

L’Hermitage La Chapelle Jaboulet Aîné 1953 a une couleur d’un joli rouge à peine tuilé. Le nez est superbe. C’est un vin frais évoquant la cerise. Il est fruité, gourmand de plaisir. C’est un vin de gastronomie, absolument magnifique.

La Côte Rôtie Hubert Cachet 1928 est une rareté absolue, car la seule vigne que possédait Hubert Cachet était celle de La Turque. Nous buvons donc une Turque 1928. Inutile de dire que je suis aux anges. Le vin est d’un rouge vif très beau. Le nez est superbe et racé. Le vin est magnifique, témoignage unique et émouvant d’un vin mythique. Il est plein, riche, carré, solide, puissant. C’est le vin solide majeur. La fin de bouteille est noire, marquée par une folle fraîcheur.

L’Hermitage Salavert Frères 1922 a un nez de viande et de camphre. Il se présente comme un vin vieux, qui n’est pas mort, mais sans plaisir.

Le Chateauneuf-du-Pape Vidal-Fleury 1960 est d’une couleur rouge rubis. Le nez est marqué par le camphre. Ses défauts limitent le plaisir. On sent qu’il a un fruit riche, aux tannins rustiques, mais le vin n’est pas parfait.

Le Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1880 est d’une couleur claire, transparente, d’un rose presque prune rouge. Le nez est difficile. La bouche est agréable à l’attaque, et le final est un peu affaibli. C’est un vin de témoignage, émouvant, qui sent la gentiane et l’écorce d’orange, mais il lui manque un peu de corps pour être complet. Il manque un peu de vivacité. Mais il s »améliore dans le verre est devient plus plaisant.

Nous avons fini les rouges, qui montrent une générosité particulière des participants, et nous ne boirons que les blancs secs, réservant les sauternes prévus maintenant à l’après-dîner, car on nous attend pour le diner.

Le Vouvray sec Huet 1961 est d’un or joli. Il est marqué par une forte acidité. Il est un peu monolithique et manque un peu d’imagination. Il est très frais mais souffre de passer après les rouges.

L’Hermitage Chante Alouette 1952 est d’une couleur ambrée. Le nez est superbe et toasté. Le vin est excellent. Il est dans les tons de toast et de moka. Il est très subtil. C’est un grand vin.

L’Hermitage La Chapelle Jaboulet blanc 1959 est fatigué. Il est mort.

Au cours de cette dégustation de seize vins, Il y a sept vins qui se sont montrés sublimes que je classe ainsi : 1 – L’Hermitage La Chapelle Jaboulet Aîné rouge 1953, 2 – Côte Rôtie Hubert Cachet 1928, 3 – L’Hermitage Chante Alouette blanc 1952, 4 – Santenay Caves de la Bourgogne 1953, 5 – Vin de Bourgogne illisible Joseph Drouhin probable 1947, 6 – Morgon Alfred Jiboz 1955, 7 – Château Pontet Canet 1949. Une mention spéciale ira au Beaurenard 1880, témoignage rare du Chateauneuf-du-Pape du 19ème siècle.

Daniel Coulon a prévu d’offrir demain un jéroboam de Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1937. Avant le dîner je vais l’ouvrir en cave. Nous le goûtons et ce vin est tout simplement sublime. Il est follement bourguignon, très jeune, et promet beaucoup. Daniel est rassuré et nous nous rendons au domaine de la Janasse pour dîner.

Chateauneuf du Pape – photos 2 – les vins dimanche, 15 janvier 2012

Château Calon Ségur 1925

Château Canon magnum 1955

Château Pontet Canet 1949

Morgon Alfred Jiboz 1955

Moulin à Vent Genève Frères à Macon 1947

Santenay Caves de la Bourgogne 1953

Vin de Bourgogne illisible Joseph Drouhin probable 1947

Pommard « les Charmots » Louis Violland 1926

Côte Rôtie Vidal-Fleury 1960

Hermitage La Chapelle Jaboulet Aîné 1953

Côte Rôtie Hubert Cachet 1928

Hermitage Salavert Frères 1922

Chateauneuf-du-Pape Vidal-Fleury 1960

Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1880

Vouvray sec Huet 1961

Hermitage La Chapelle Jaboulet blanc 1959

les vins de la dégustation de l’après-midi (une partie)

Les vins du dîner chez les parents de Christophe Sabon

Hermitage blanc Chave 1996

Hermitage blanc « Velours » Chapoutier 1982

Hermitage Blanc Chante Alouette Chapoutier 1952

Chablis 1er cru Côte de Lechet Defaix 1991

Champagne Joseph-Perrier rosé magnum années 50

Champagne Victor Clicquot 1959 (avec un verre du Joseph-Perrier)

Crozes Hermitage Albert Bégot magnum 1985

Côte Rôtie La Turque Guigal 1991

Beaune Clos des Mouches Darvil 1993

Hermitage La Chapelle Jaboulet 1990

Cos d’Estournel magnum 1961

Châteauneuf-du-Pape Rayas 1992

Gevrey-Chambertin En Champ, vieilles vignes Denis Mortet 1996

Château Mouton-Rothschild 1942

Château Haut-Bailly magnum 1934

Coteaux du Layon Sauvion 1947

Chateau Guiteronde Sauternes 1921 ou 1924

Château Filhot 1935

Château de La Roque, sauternes 1931

Madère Bual 1845, solera du centenaire

Cognac Napoléon 1811

Cointreau des années 60

quelques photos du dîner

Coïncidence et signe du destin à Chateauneuf-du-Pape samedi, 14 janvier 2012

Quinze vignerons de Cornas, Cairanne, Condrieu, Côte Rôtie, Crozes Hermitage, Coteaux d’Aix et Chateauneuf-du-Pape ont formé une association « Rhône Vignoble« . On pourrait dire que ce qui les rassemble, c’est la lettre « C », mais il y a aussi Vinsobres, Rasteau et Vacqueyras. Ils se réunissent périodiquement, et cette fois-ci, ce sera au domaine de Beaurenard, à l’invitation de Daniel Coulon. Celui-ci a prévu d’ouvrir au milieu de vins anciens un Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1880. D’autres apports sont prévus et je croyais qu’il s’agirait de Châteauneuf-du-Pape et que je serais le seul à apporter des vins « estrangers », mais en fait il y aura des vins anciens de toutes régions.

Daniel m’a réservé une chambre à l’hôtel de la Mère Germaine. J’arrive la veille des deux jours de festivités et me présente le nez en l’air à 16h15 à l’hôtel. Sur la porte, une pancarte : « ouverture à 18h30 ». J’ai l’air malin devant la porte close. En face de l’hôtel il y a un caviste et c’est une dame d’un âge avancé qui m’accueille. Elle a le numéro de portable du patron de l’hôtel, mais m’apprend qu’il est en vacances. Etant là, je lui dis : « savez-vous que le plus grand Châteauneuf-du-Pape que j’aie bu est un Château Fortia 1943 ? ». La dame fait un sursaut et me dit : « savez-vous que mon grand père était le régisseur de Château Fortia en 1943 et savez-vous que j’y suis née trois ans auparavant ? ». Coïncidence ou signe du destin ?

Etant installé dans un café PMU où l’on parie en direct en suivant les courses à la télévision, je fais signe à Daniel Coulon qui me fait prendre au café et m’accueille à son domicile où je fais le semblant de sieste que je comptais faire à l’hôtel. Mes bouteilles vont rejoindre la cave de Beaurenard et je demande à Daniel de voir sa 1880. A travers la bouteille poussiéreuse, je peux mirer un liquide qui me paraît fort sympathique. La bouteille a été rebouchée et le niveau est parfait. Daniel me montre la cave de son grand-père où subsistent quelques reliques et me fait part de ses soucis concernant les niveaux et les risques de coulure. A titre d’exemple, il me montre une 1929 dont la capsule est à peine suintante. Je tends la bouteille vers la lumière, pour voir un liquide d’une grande pureté, et je vois que le bouchon flotte dans le liquide. Et je dis à Daniel Coulon : « la bouteille est morte, pourquoi ne pas la boire ce soir ? ». Coïncidence ou signe du destin ?

Je rejoins mon hôtel qui aurait beaucoup de mal à avoir le premier A du triple A, et je reviens au domicile de Daniel et Isabelle Coulon. Je décapsule la Châteauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 1929 et l’odeur est parfaite. Nous sentons tous les trois et nous prenons conscience qu’il s’agit d’un très grand vin.

La couleur du vin a encore assez de rubis pour que nous ayons l’espoir. En bouche, ce qui est impressionnant, c’est que l’attaque est dans le fruit. Un tel fruit rouge est impressionnant. C’est en fin de bouche que des notes légèrement torréfiées correspondent à la chute du bouchon, dont on ne peut pas exclure qu’il ait été en place et n’ait glissé que quand la bouteille a été saisie. Nous sommes saisis par la vivacité de ce vin généreux, d’une présence extrême. Daniel est étonné par l’abondance du sucre dans ce vin.

Avant d’en profiter à table, je demande à Daniel s’il a un vin d’introduction et il ouvre un Châteauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 2009. Dans sa jeunesse, c’est un chien fou qui promet diablement. J’aime le velouté que l’on sent sous le boisé. C’est un vin qui promet et le 1929 nous montre à quel point en buvant un 2009, on ne boit que l’ébauche d’une promesse, même si c’est bon.

Sur des médaillons de veau et des petites pommes de terre, nous dégustons le 1929. La première partie a été fruit et léger torréfié. La deuxième partie se caractérise par une couleur plus foncée mais plus tuilée. Le fruit disparaît et le torréfié prend de l’importance. On pourrait imaginer que le vin est en train de s’évanouir, l’alcool et le sucre prenant le dessus. Mais dans toute histoire il y a un « mais ». Car le fond de la bouteille, la lie, est tout simplement sublime. Il y a une vivacité, une sincérité extrême et une empreinte indélébile.

Il est intéressant alors de revenir au 2009 et Daniel nous dit que jamais il n’a pris conscience comme ce soir de la nécessité de ne pas boire ses vins trop tôt. Car son 2009 si plaisant deviendra bientôt (dans vingt ans) tellement plus grand que c’est une erreur de boire ce vin déjà si adorable. Nous avons parlé dans une atmosphère d’amitié et de complicité et ce 1929 a joué le rôle d’un ciment de notre amitié. Nous avons pensé à l’arrière grand-père de Daniel qui aurait été heureux qu’un 1929 se boive d’aussi belle façon. Coïncidence et signe du destin ont permis ce dîner émouvant.

Demain nous allons rejoindre un vigneron de Cairanne pour chercher les truffes « à la mouche ». Ma nuit sera peuplée de beaux rêves.

Chateauneuf du Pape – photos 1 samedi, 14 janvier 2012

dîner chez Daniel et Isabelle Coulon

Chateauneuf-du-Pape Clos Saint-Joseph Aubert Royer 1929 et Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard 2009

la recherche des truffes, Vincent avec sa chienne, Isabelle avec son pendule

nous en avons trouvé deux !

déjeuner chez Vincent Delubac (nos truffes trouvées y sont !)

Chateauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard blanc 1996 et Cairanne domaine Delubac 1990

vin doux natural domaine Delubac 1972

Un Pétrus éblouisssant sur un repas de truffe au Petit Verdot vendredi, 13 janvier 2012

Jean-Philippe, on ne le quitte plus ! A table à l’Arpège, il a montré une photo d’un plat de truffe qu’il a mangé récemment au Petit Verdot. Il nous dit : « si vous voulez en profiter, il faut se dépêcher ». Aussitôt dit, aussitôt fait, une table est réservée pour le lendemain.

Qui dit truffe dit Pétrus, aussi à 19 heures, arrivé en avance au restaurant Le Petit Verdot et accueilli par Hidé, j’ouvre une bouteille de Pétrus 1981 au niveau dans le goulot. Le bouchon résiste et se déchire en mille morceaux dont seuls ceux du bas sont imprégnés. Le bouchon avait bien joué son rôle. Une odeur intense emplit la pièce du premier étage. Le vin sent la truffe avec une intensité maximale. Si l’on veut que le vin s’aère, il ne faut pas laisser le niveau dans le goulot. Aussi est-ce par pur esprit de sacrifice que je décide de verser deux verres dont un pour Hidé, pour que l’oxygène soit efficace. Ce vin est Pétrus, au fond de l’âme. Il est d’une jeunesse incroyable et avec Hidé nous nous disons que si l’on disait 1995, on ne ferait pas d’erreur. Le vin est généreux, avec une acidité élégante, une étoffe puissante, et ce qui est marquant c’est une persistance aromatique absolument infinie. Le vin ne quitte plus le palais. Cléopâtre se baignait dans du lait d’ânesse. Nos palais sont noyés dans la truffe. Et c’est indélébile.

Les amis arrivent et j’ouvre les bouteilles. Le Champagne Jacquesson 1988 dégorgé en juillet 2009 et non dosé est très original. Par certains aspects il me rappelle des vins de Selosse, car il est légèrement fumé, cendré et vineux. Il se boit bien avec une belle épaisseur en bouche. Sur l’amuse-bouche à base de boudin noir, j’ai l’intuition que c’est le Clos de Vougeot Grand Cru domaine Leroy 1997 qui répondra le mieux et l’accord est cohérent. Délicieusement bourguignon, fruité, il deviendra canaille par la suite.

Le menu tout truffe n’est pas à la carte, « car il serait trop cher » nous dit Hidé. L’œuf poché à la truffe sent la truffe, c’est le moins qu’on puisse dire, car elle est envahissante. Son parfum signe sa qualité extrême. L’œuf est un peu discret par rapport à la tubercule, et je me mets à rêver de l’œuf d’hier à l’Arpège sur cette truffe de compétition. Le Château La Conseillante 1990 est « le » pomerol doctrinal, serein, adapté à son sujet. Car il épouse la truffe et la met en valeur. On sent que ce 1990 a devant lui des jours heureux, car il va s’épanouir encore. C’est un grand pomerol rassurant.

Le chef du Petit Verdot a fait ses armes aux côtés de Bernard Pacaud, qui avait mis au point avec Claude Peyrot au Vivarois la recette du feuilleté à la truffe entière et au foie gras. L’exécution de ce plat est miraculeuse, et l’on sent que l’on épouse un dogme. Ce plat est un pilier de la cuisine bourgeoise raffinée, celle que l’Unesco vient de sacraliser. Et quand on mange de façon gourmande, on sait que l’on tient la recette parfaite. Comme s’il avait compris l’importance de ce moment unique le Pétrus 1981 se montre magistral. Il se confond avec la truffe et nous sommes entraînés dans une osmose unique. La mâche de la truffe que l’on mord à pleine dent est la même que la mâche du vin velouté, totalement truffé, à la longueur infinie. Quel grand Pétrus. Un des amis chez qui j’avais bu mon premier Pétrus 1990 dit que ce 1981 est son plus grand Pétrus. Le jeune ami de vingt ans pour qui c’est le premier Pétrus est ému de commencer à « apprendre » Pétrus sur une aussi magique bouteille. Le vin est immense, d’une folle jeunesse, plus jeune que La Conseillante, et crée une atmosphère recueillie quasi religieuse, d’autant que le plat est d’une exactitude confondante. C’est sans doute illogique de le dire alors que nous n’avons parcouru qu’un trentième de l’année, mais ce pourrait être le sommet gastronomique de cette année 2012.

La bavette d’Hugo Desnoyers est fondante et goûteuse. Avec la truffe, c’est un régal. Le Château Gruaud Larose 1959 apporté au dernier moment est encore un peu trouble. Son nez est distingué. Malgré une légère fatigue, le vin a la noblesse et la sérénité de son grand millésime. Et l’accord est parfait. C’est intéressant d’associer la bavette avec le Saint-Julien et avec le Clos de Vougeot car les deux accords sont très différents. Le bordelais donne des notes veloutées, confortables, glissant en bouche avec volupté. Le Clos de Vougeot au contraire devient canaille, interlope, jouant sur la provocation gustative. C’est aussi un temps fort de ce repas.

Le vin de Bourgogne est déjà presque totalement asséché quand arrive un Aisy cendré fort crémeux qui lui convient bien. Un Mont d’Or et les desserts vont accompagner un Champagne Perrier Jouët 1978 que j’avais aussi apporté. C’est un champagne assez gouleyant, généreux, mais qui ne crée pas une émotion particulière. Il est là, il désaltère et c’est sa fonction.

En fin de repas, nous sommes quasiment groggys, car nous avons conscience d’avoir vécu un de ces moments uniques qui marquent d’une pierre blanche le parcours gastronomique de chacun. Hidé ne recherche pas les étoiles au guide rouge, car il veut rester maître de son destin, avec sa générosité et sa liberté. Et ce soir nous avons glané des émotions dont l’intensité dépasse celle des plus grandes tables étoilées que nous pratiquons. Dans son petit restaurant sans nappe, sans chichi, Hidé et son chef Yoshi Morie nous ont donné du bonheur, et Pétrus, sur une année qui n’est pas la plus spectaculaire, nous a donné les frissons qui justifient son statut de vin hors catégorie. Ce fut un immense moment.

déjeuner au restaurant l’Arpège mercredi, 11 janvier 2012

Jean-Philippe lance un message : « j’ai une table au restaurant l’Arpège, voulez-vous venir ? ». Tomo et moi disons oui. Nous sommes quatre et carte blanche est donnée au chef. Après des petites amuse-bouche légumiers, les plats se succèdent : sushi à la betterave rouge original et délicat, ravioles et bouillon aux légumes gourmands, damier de coquilles Saint-Jacques et truffe au goût très prononcé, langoustine à la chair crue très typée au caviar osciètre dont le goût est moins prononcé, un oignon rose en crème brulée très bien exécuté, des légumes croquants, spécialité de la maison, un œuf qui me fait tomber en pâmoison tant il est gourmand, une lotte et sa purée de céleri, un ris de veau croquant, une volaille cuite en croûte de sel à la sauce lourde et une succession de desserts.

Les plats brillantissimes d’Alain Passard sont l’œuf, l’oignon rose, la betterave en sushi et le pot pourri de légumes. Du pur talent. Le Champagne Egly-Ouriet 2002 est bien fait, mais il manque un peu de vibration. J’ai eu, de cette maison que j’apprécie, de bien meilleures expériences. A l’opposé, le Champagne Agrapart Minéral Extra Brut Blanc de Blancs Grand Cru 2005 suggéré par Gaylord est beaucoup plus vibrant et plaisant. Il s’anime sur les plats et notamment sur le bouillon.

Le Volnay 1er cru Mitans de Montille 2002 est un vin simple, facile, avec l’authenticité d’un vin de village. Je l’adore, et il crée un accord inattendu mais brillant et pertinent avec l’œuf du fait du poivre bien dosé du plat. Le Vosne-Romanée 1er Cru Aux Brulées Méo-Camuzet 2001 est un vin plus structuré et plus plein en bouche que le Volnay, ce qui est naturel, mais ne lui fait pas d’ombre. Ce qui est à signaler, c’est l’efficacité et la motivation d’une équipe enjouée qui nous a permis de partager un grand repas.

repas dans le sud avec un beau Corton Charlemagne samedi, 7 janvier 2012

Quelques jours plus tard, toujours dans le sud, nous invitons des amis qui n’avaient pas pu se joindre à nous pour le réveillon. Le Champagne Dom Pérignon magnum 1998 est vraiment joli dans cette bouteille. Et le contenu n’a rien à envier au contenant. Il est devenu plus vineux, et avec du jambon Belota-Belota, c’est un vrai bonheur, car le gras excite la belle bulle d’un champagne large et gourmand. L’association se fait aussi avec de la mimolette, donnant au champagne plus de tension.

Deux beaux homards passés au gril accompagnent un Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000. Le parfum de ce vin est généreux et très complexe. En bouche, le vin est gourmand. Il a des myriades d’évocations joyeuses et se boit vraiment avec gourmandise.

Le cuissot de chevreuil et sa purée de céleri et patate douce est délicieux. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986 est d’un grand raffinement. Le vin s’est assagi, il n’explose pas de fruit et on peut l’aimer ainsi, noble et élégant. Je préfère toutefois les Côtes Rôties de Guigal sur la fougue de leur jeunesse.

Des pots de crème au chocolat se prennent sur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 qui plait à mes amis mais ne peut masquer son évolution, au-delà de la splendeur que j’ai tant aimée de ce vin. Notre amie a classé comme moi les vins de ce soir : 1 – Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000, 2 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986, 3 – Champagne Dom Pérignon magnum 1998, 4 – Champagne Perrier-Jouët rosé 1966.

cristallisation sensible (suite) jeudi, 5 janvier 2012

A la suite de ma question sur ce sujet, j’ai pu trouver que le sujet est traité sur le site « la passion du vin », qui est une mine de renseignements.

On m’a communiqué des liens, dont certains favorables et d’autres fortement critiques, et un ami de langue anglaise m’a aussi donné des liens :

http://www.biodyvin.com/conferences/cristallisation_sensible.pdf

http://cristauxsensibles.blogspot.com/

http://www.vinimage.com/index.html

http://www.dailymotion.com/video/xhj9ll_cristallisation-sensible-de-vin-de-bordeaux_tech

http://www.coulee-de-serrant.com/cristallisations.html

http://www.kristiankielmayer.com/2009/08/energy-in-wine-the-crystallization-of-wines-bonny-doon-winery/

http://www.amazon.com/Sensitive-Crystallization-Visualizing-Qualities-Wines/dp/0863158021=

http://lepinarddechaine.over-blog.com/article-cristallisation-sensible-impact-de-la-provenance-du-soufre-dans-le-vin-86139649.html

http://www.charlatans.info/anthro.shtml#cristal

A vous de vous faire votre propre idée sur le sujet.

un mois de décembre 2011 d’une activité folle mardi, 3 janvier 2012

Jamais mois ne fut aussi actif que ce mois de décembre, au cours duquel j’ai bu 165 vins différents.

Il faut dire que les activités n’ont pas manqué :

Académie des vins anciens, Grand Tasting, visite au siège des champagnes Deutz, lancement de Dom Pérignon 2003, déjeuner Apicius, dîner de vignerons au restaurant Laurent, dîner chez moi, vins d’Egon Müller aux Caves Legrand, dîner de vins au restaurant Michel Rostang, dîners de famille, déjeuner de conscrits, dîner de Krug à l’Assiette Champenoise, réveillon de Noël, dîners dans le sud et réveillon de fin d’année.

Seuls seront cités les vins de vingt ans ou plus. Il y en a 82, juste la moitié :

Château Sigalas Rabaud Sauternes 1896

Château Meyney 1914

Château du Breuil Coteaux du Layon cave Nicolas 1921

Château Caillou Haut-Barsac 1921

Corton, Emile Chandessais, négociant à Fontaines, près Mercurey 1929

Sauternes Soleil de France années 1930

Clos Vougeot Armand Naulot 1937

Clos de Tart 1945

Richebourg Théophile Gavin 1947

Champagne Charles Heidsieck 1949

Vin de l’Etoile, Coopérative vinicole de l’Etoile 1952

Pétrus 1952

Château La Gaffelière Naudes 1953

Hermitage Rochefine Jaboulet Vercherre 1955

Pernand Vergelesses Joseph Drouhin 1955

Vouvray demi-sec Domaine Albert Moreau 1955

Château Croizet-Bages 1957

Volnay Caillerets Bouchard Père & Fils 1959

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1959

Châteauneuf-du-Pape Domaine de Mont-Redon 1961

Pommard 1er Cru Rugiens Domaine Pierre Clerget 1961

Gevrey Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Domaine Clair Daü 1961

Château Brane Cantenac 1962

Rivesaltes Cuvée Aimé Cazes vin doux naturel 1963

Bourgueil Les Busardières rouge domaine de la Chevalerie 1964

Château Palmer 1964

Château Lafaurie-Peyraguey 1964

Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966

Champagne Dom Pérignon 1966

Château d’Yquem Sauternes 1966

Château d’Yquem 1967

Champagne Chanoine Frères à Ludes Grande année 1969

Champagne Dom Pérignon 1969

Champagne Billecart-Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1969

Château Lafite-Rothschild 1970

Oestricher Lenchen Riesling Auslese Weingut Norbert Eser 1971

Château La Mission Haut-Brion magnum 1972

Romanée Comte Liger-Belair 1974

Champagne Brut millésimé Deutz 1975

Château Filhot 1975

Chateau d’Yquem 1975

Domaine Weinbach Collette Faller Gewürztraminer Vendanges Tardives 1976

Champagne Dom Pérignon 1976

Champagne Krug 1976

Chassagne-Montrachet rouge 1er Cru Boudriottes domaine Ramonet 1978

Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1979

Champagne «Rare» de Piper Heidsieck 1979

Grands Echézeaux Domaine Henry Lamarche 1979

Pavillon Blanc de Château Margaux 1981

Vega Sicilia Unico 1981

Champagne Brut millésimé Deutz 1982

Château Léoville-Barton 1982

Wehlener Sonnenuhr Riesling Auslese Joh. Jos. Prum 1983

Champagne Salon magnum 1983

Chambertin domaine Armand Rousseau 1983

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1983

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983

Champagne Cuvée William Deutz 1985

Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte de Vogüé 1985

Champagne Delamotte Blanc de Blancs 1985

Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape blanc 1987

Champagne Cuvée William Deutz 1988

Chevalier Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 1988

Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988

Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1988

Champagne Taittinger Brut Millésimé 1989

Champagne Blanc de Blancs Deutz 1989

Scharzhofberger Auslese Goldkapsel Egon Müller 1989

Champagne Krug Vintage 1989

Château Haut-Brion 1989

Champagne Taittinger Brut Millésimé 1990

Champagne Cuvée William Deutz 1990

Hermitage Les Bessards Delas 1990

Corton Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1990

Hermitage Les Bessards Delas Frères 1990

Chambertin Grand Cru Vieilles Vignes Domaine Rossignol Trapet 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Krug Clos du Mesnil 1990

Musigny Blanc GC Domaine Comte de Vogüé 1991

Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991