Académie des Vins Anciens (AVA) – 16ème séance du 1er décembre 2011 jeudi, 1 décembre 2011

Académie des Vins Anciens (AVA) – 16ème séance du 1er décembre 2011

Règles et informations mises à jour au 20/11/11

(à lire avec attention)

Date et heure : 1er décembre 2011 à 19h00

Lieu : Restaurant La Cagouille 10 Place Constantin Brancusi 75014 PARIS Tél : 01 43 22 09 01 dirigé par André Robert

Nous sommes environ 35 à ce jour, inscrits à cette séance.

Participation financière :

120 € par personne si l’inscrit apporte une bouteille de vin ancien (1) agréée par François Audouze

240 € par personne si l’inscrit vient sans bouteille

(1) si l’inscrit n’a pas de vin assez ancien, un « troc » est possible avec François Audouze, qui mettra au programme un vin ancien, contre une (ou plusieurs) bouteille de vin jeune qui présente un intérêt pour lui

Paiement :

Aucun chèque ne sera remis en banque avant le 30 novembre 2011. Il n’y a donc aucune raison de retarder l’envoi du chèque de paiement.

Le chèque doit être remis si possible avant le 1er novembre à François Audouze. Tout chèque tardif sera refusé et l’inscription ne sera pas confirmée.

L’ordre du chèque est : « François Audouze AVA »

Chèque à envoyer à François Audouze 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Livraison des vins :

Les vins doivent être proposés et agréés par François Audouze. Les bouteilles sont à déposer chez Henriot 5 rue la Boétie 75008 Paris – 2ème étage – 01.47.42.18.06. Notre contact sur place est Martine Finat : mfinat@champagne-henriot.com . Aucune bouteille ne pourra être livrée après le 10 novembre.

Une variante est de m’envoyer par la poste la bouteille à l’adresse : François Audouze société ACIOPAR 18 rue de Paris 93130 NOISY LE SEC

Toute personne qui n’aurait pas effectué son paiement et livré son vin le 10 novembre perdrait son inscription. Le chèque arrivé tardivement lui serait rendu et la bouteille arrivée tardivement aussi.

Remarque sur le caractère strict de cette mesure : la dernière réunion a démontré qu’il est possible de tout régler un mois à l’avance. Le respect de la règle de l’engagement définitif et complet avant le 10 novembre est le moyen d’assurer une réunion sans imprévu.

Au cas (très improbable) où un trop grand nombre d’académiciens n’auraient pas réglé leur participation et livré leur vin au 10 novembre, j’envisage de supprimer la réunion, du fait de l’absence de rigueur constaté lors de précédentes réunions. Je suis persuadé que je peux compter sur la compréhension de chacun, pour une règle facile à appliquer : on dispose aujourd’hui de deux mois pour l’envoi d’un chèque et d’une bouteille, ce qui est une tâche dont la réussite de la réalisation n’est pas irréaliste.

Au plaisir de vous accueillir pour une réunion aussi brillante que les précédentes, et encore plus rigoureuse, car c’est possible.

Dégustation des vins de 2008 du domaine de la Romanée Conti et une sympathique troisième mi-temps mercredi, 30 novembre 2011

Dégustation des vins de 2008 du domaine de la Romanée Conti au siège de Grains Nobles. C’est une des rares présentations que conduit Aubert de Villaine. Il donne des indications sur le millésime, qui aura été marqué par la chance. A Pâques, on ressentait ce que seraient les vents de l’année et les vents d’ouest annonçaient des problèmes. Lors de l’éclosion des raisins, on les voyait superbes, bâtis pour faire un beau millésime. Une période assez fraîche a donné du millerandage. La floraison tardive de début juin s’est étalée sur deux à trois semaines, ce qui est long et donne de grandes différences de maturité aux raisins. L’été a été très difficile, avec du froid au mois d’août. Le mildiou et l’oïdium ont été maîtrisés en biodynamie ce qui s’est révélé être « du sport ». Le botrytis est apparu tôt, dès le mois d’août. La dernière attaque a été lors de la deuxième semaine de septembre. La pluie n’arrêtait pas et Aubert de Villaine pensait qu’il n’y aurait pas de millésime 2008. Mais le 14 septembre, le vent du nord et le beau temps ont élevé les degrés d’alcool et la concentration de sucre et d’acidité. Le vent du nord a séché le botrytis. Le 27 septembre, c’est le début des vendanges, étalées sur dix jours. Les vendanges ont été difficiles car il y avait un peu de grillure. Ce fut un travail de haute couture à la récolte, avec le rejet de 30 à 40% des raisins. Ce qui est allé en cuve était totalement sain. Les attaques subies ont permis la sélection, l’éclaircissage. Et ça donne un bon millésime. Merci au changement climatique pour la qualité, mais ça a donné une demi-récolte. Les vendanges ont été faites en deux fois. Au deuxième passage, tout a été inclus dans le Vosne Romanée premier cru, fait de vieilles vignes de grand cru. Le degré alcoolique est de 12,6 à 12,7° pour les rouges.

Après cet exposé toujours humble et d’une grande clarté, nous avons aviné nos verres et notre palais avec un Bourgogne cuvée MCMXXVI Laurent Père & Fils, qui repositionne nos papilles. Les notes qui vont suivre sont prises au fil de la plume. Cela veut dire que les variations d’impressions dépendent énormément de l’éclosion ou non du vin dans le verre. Cela apparaitra de façon spectaculaire pour le montrachet. Je n’ai pas modifié mes notes prise à la volée. Les redites et répétitions sont conservées.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un joli rouge rubis rose clair. Le nez est soufré. Par cette expression, je ne veux pas dire qu’il s’agit de soufre, mais que l’impression est celle-ci. Et plus on remue le verre et plus le soufre est sensible. La bouche est agréable, élégante et subtile. Tout est exposé en délicatesse. Il est extrêmement romantique. Le final, de quetsche et de pruneau est extrêmement présent. On sent que le vin a de la profondeur. Aubert de Villaine dit qu’il est comme les autres dans une phase de fermeture. Je suis impressionné par la délicatesse et l’équilibre fruité. Malgré sa jeunesse il est gourmand. La rémanence en bouche est très forte. Michel Bettane parle d’équilibre, de noblesse et de boisé très distingué.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un rubis clair. Le nez est délicat, moins prononcé que celui de l’Echézeaux. La bouche est poivrée. Il est moins accueillant. La matière est belle et le final est très fort. Le vin est très différent à cause du poivre. Il est plus strict, moins ouvert. De belle race, très mâle, il est tendu comme un arc. Il va se révéler magnifiquement. Sa trace en bouche est très belle mais l’Echézeaux est plus accueillant. Le final est très racé. Il est plus cerise quand le précédent était plus pruneau.

La Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 2008 a un même rubis clair, peut-être un peu plus gris. Le nez est discret. La bouche attaque en fanfare. Il est très tonique, dynamique. Il combine élégance et rigueur. Mais il a aussi du charme – il faut dire que j’adore les Romanée Saint Vivant. Il a un peu d’amertume et on pressent le sel que l’on reconnaîtra dans quelques années. Le final est un peu plus court, mais très fruité. Le vin est de grande race. Il faudra l’attendre même s’il a de la gourmandise, discrète et contrôlée. Aubert de Villaine dit que Romanée Saint Vivant est masculin, alors qu’on signale volontiers ses aspects féminins.

Il continue en disant que Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2008 est souvent présenté sur tous ses millésimes comme un mousquetaire, alors que c’est un vin très tendre. Le rubis est un peu plus foncé, le nez est strict et évoque le minéral. L’attaque est gourmande de fruits rouges mûrs. Il y a un peu de poivre. Il est beaucoup plus riche et dense que les précédents. Il est très riche, gourmand, puissant. Il est encore fermé mais très prometteur. C’est son fruit riche qui attaque en bouche. Michel dit que ce Richebourg est le plus grand des quinze dernières années. Il est magnifique de fruit et de finesse.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2008 est d’un rubis plus clair que le Richebourg. Le nez est plus intense à ce stade de sa vie. Je suis frappé par l’élégance du parfum de ce vin. En bouche il est incroyablement délié, aérien. Il est d’une grande noblesse, totalement délicat. Je ne reconnais pas spécifiquement La Tâche car il est trop jeune. Le final pianote, avec des notes de fruits blancs. La trace en bouche est belle, très imprégnante. La Romanée Saint Vivant s’est ouverte dans le verre et devient plus gourmande et charmeuse. Le Richebourg est plus tendu, et percutant. Il passe en force et convainc. La Tâche est la plus Romanée Conti, on sent déjà le sel et une amertume noble.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2008 a le même rubis que La Tâche. Le nez m’impose un mot : respect. Car dans ce parfum, il y a quelque chose qu’il n’y a nulle part ailleurs. Le nez est noble et profond mais annonce la gourmandise. En bouche, la démonstration est là. Plus que sur d’autres années lorsqu’on boit les vins jeunes, l’écart de la Romanée Conti avec les autres vins du domaine est immense. Il boxe dans une catégorie sans concurrent. Il est riche, gourmand, séducteur. C’est énorme et j’en ai des frissons. Car la démonstration est totale. Il a tout. Un final incroyable, une réussite absolue et il suggère toutes les Romanée Conti plus anciennes, avec cette finesse, cette race et cette râpe qui sont uniques. C’est un vin rare.

Le Richebourg est très beau en fin de verre. Il est joyeux. La Tâche est plus noble mais plus stricte. Et la Romanée Conti est totalement Romanée Conti. Le fruit est beau, de mûre, de cerise, de prune et le final est tonitruant. La dernière goutte est un au revoir. Elle est émouvante, et sa trace est infinie. Et j’ai la chance qu’elle finisse sur une note de sel.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2008 est d’un beau jaune d’or clair. Le nez est encore le nez ingrat d’un vin très jeune. On sent aussi le soufre. En bouche il est ingrat au premier abord. Il est pour moi trop jeune pour donner un vrai plaisir. Il donne l’impression de ne pas être encore assemblé. Mais voilà qu’il s’assied dans le verre. Il devient plus rond et même gras. Il a la fraîcheur citronnée. Il s’arrondit et montre qu’il est grand. La profondeur se met en place et c’est immense. Aubert de Villaine nous parle des années à botrytis et des années sans botrytis, ces dernières étant de plus longue garde. 2008 est une année à botrytis. Michel Bettane très en forme nous parle des levures et des ferments et du travail de ces millions de petites bébêtes au grand talent. Il dit qu’à la Romanée Conti, ce sont de véritables artistes. Son imagination est débordante quand il parle de la vie sexuelle de ces bébêtes. Le vin continue de s’épanouir vers des notes lactiques, boulangères. Il devient prodigieux, bien loin de ma première impression. Vivant et gourmand, il a un caractère fou. Le léger toast est créé par les ferments. Aubert de Villaine dit que les ferments font partie du terroir et signale que des cuvées assemblées de vins d’ailleurs, vieillissant au domaine, avaient pris des caractères de la Romanée Conti. C’est la signature des ferments indigènes.

Le final du vin est très riche et d’une élégance extrême. Il passe en force mais garde son élégance. Il y a plusieurs millésimes pour lesquels mon classement de plaisir met le Montrachet devant la Romanée Conti. Aujourd’hui, la Romanée Conti est nettement au dessus des autres, avec le classement suivant : Romanée Conti, Montrachet, La Tâche, Richebourg et à égalité, les trois autres vins.

La dernière goutte du Montrachet est glorieuse, de lait, de citron, de gras, de melon vert, mais c’est surtout l’opulence, l’équilibre et la longueur infinie qui m’émeuvent.

Après une telle dégustation, on est tout retourné, car la justesse de ton de tous ces vins est exceptionnelle. Délicatesse, élégance, précision, noblesse, voilà ce qui résume pour moi ce voyage dans un millésime qu’il serait opportun de garder au moins vingt ans pour pouvoir recueillir son message exceptionnel.

Après la réunion, lorsque les dernières poignées de main signent la fin du match, Pascal Marquet de Grains Nobles retient un petit groupe pour la troisième mi-temps. Il y a bien sûr Michel Bettane et Bernard Burtschy auprès d’Aubert de Villaine ainsi que trois ou quatre amis. Michel Bettane a apporté un Champagne Billecart Salmon Grande Cuvée 1982. Alors que le bouchon résiste, c’est Aubert de Villaine qui l’ouvre avec une poigne autoritaire. Le champagne est tout simplement merveilleux et c’est exactement ce qu’il fallait après la féerie des vins du domaine de la Romanée Conti. Sa couleur est d’un bel or, sa bulle est très active. Il ne donne pas de prise aux années sauf dans le goût, d’une maturité superbe. Aubert de Villaine nous dit : « c’est ainsi que l’on devrait boire les champagnes, quand ils ont cette sérénité ». Et ce champagne est parfait, d’un équilibre de fruits jaunes et de soleils souriants. Nous grignotons des toasts au foie gras posé sur des coussins de tomates confites, avec un poivre insistant. Après la concentration que nous avions pour analyser les vins du domaine, cette pause est un bonheur de relaxation.

On ouvre alors un Riesling Geisberg Grand cru Kientzler vendange tardive 1983 qui est une pure merveille. La pureté de ce vin est une leçon de choses. Pureté, précision, élégance sont ses caractéristiques et Aubert de Villaine ajoute un mot qui est fondamental pour lui lorsqu’il s’agit de ce vin : « transparence ». Je le trouve absolument exceptionnel et d’une pureté absolue.

Il commence à accompagner un risotto aux cèpes fait à la minute – en fait dix-huit minutes – pour nous par un maestro du risotto qui nous a raconté ses critères de sélection des meilleurs riz. L’accord est possible mais n’est pas un faire-valoir du riesling. Nous essayons un Barolo Le Vigne Sandrone 2004 qui est intéressant dans sa spontanéité et s’accorde bien au risotto. Mais le vin manque de vibration car son discours est assez simple. Michel choisit dans les réserves de Pascal un Beaujolais Moulin à Vent Jules Desjourneys 2007. Là au moins, ça pulse, bien qu’il n’ait que 12° contre 14° pour le vin italien. Et ce vin très subtil et vibrant me pousse, contre toute raison, à doubler ma portion de l’excellent risotto.

Pascal a prévu des fromages magnifiques et il ouvre un Château Bel-Air Marquis d’Aligre Margaux 1970 au nez assez spectaculaire. Michel et Bernard adorent ce vin plein légèrement fumé et toasté, d’une jeunesse extrême.

Des vins de la Romanée Conti plus une troisième mi-temps gourmande avec un beau champagne et un merveilleux riesling, en fait il suffit de « peu de choses » pour faire aimer le vin !

Dîner de la bûche de Noël à Epernay mardi, 29 novembre 2011

Vincent Dallet et L’association des chefs étoilés de la Champagne convient au dîner de la bûche de Noël, millésime IX, avec le concours de la maison Moët & Chandon. Le repas de ce soir, dans les caves de Moët et Chandon regroupe beaucoup de notabilités départementales et des chefs, qui ont choisi une bûche qui va accompagner sur de multiples tables régionales le Champagne Moët & Chandon rosé 2002.

Nous prenons l’apéritif dans le hall de réception avec le Champagne Moët & Chandon 2002 qui, malgré ses qualités, souffre d’être servi trop chaud. Nous descendons dans le ventre de la Terre pour rejoindre la salle à manger voûtée dans les caves de Moët. La salle est belle et les tables sont décorées élégamment de rose, car tout le dîner se fera avec le Champagne Moët & Chandon rosé 2002. Un orchestre ambulatoire entièrement féminin, mariant banjo, saxophone, trompette et cornet à piston joue assez fort, ce qui rend difficiles les conversations, mais elles jouent bien, ce qui apporte une grande gaieté.

Le menu préparé par Pascal Tingaud et les équipes de cuisine de Moët & Chandon est : terrine de saumon et anguille fumée / suprême de pintade farci au poivron doux et foie gras, confit d’oignon au balsamique, aspic de carottes au cumin et navets glacés / brie de Meaux farci à la tapenade de tomate et olive, petite salade de mesclun d’herbes / bûche millésime IX (la 9ème édition).

Instantanément, je suis surpris par la qualité du rosé. Il est vineux, mais il est surtout champagne, ce qui n’est pas souvent le cas pour un rosé. Elégance, précision, tension extrême, noblesse, il a toute les qualités. C’est un très grand rosé, et très au dessus de mes attentes. Et, chose remarquable, il a tenu sa place pendant tout le repas. Sur le saumon, il réagit beaucoup mieux sur le cuit que sur le fumé qui ne lui convient pas. La pintade est accompagnée de trop de saveurs pour que le champagne y trouve son compte. L’accord avec le brie farci est légitime. Mais c’est surtout sur la bûche que l’accord est spectaculaire. On sent que tout le monde y a travaillé et c’est réussi. Le dessert où le rose et le rouge croisent le chocolat est délicieux, goûteux et gourmand avec des acidités subtiles et le champagne s’y retrouve.

Les deux gagnants incontestables de ce repas sont le dessert, la bûche qui va envahir les tables champenoises, et le champagne rosé 2002 qui atteint un niveau particulièrement remarquable, que je n’avais jamais perçu avec cette acuité. Alors que l’ambiance était très régionale, « l’étranger » que j’étais a passé une excellente soirée avec ces deux belles découvertes.

Qui dira que les chocolatiers ne sont pas des artistes ?

le rose est dominant

les plats aussi vont vers le rose

et l’orchestre aussi

Prix Grand Siècle Laurent-Perrier lundi, 28 novembre 2011

Pour la 43ème année, la maison de champagne Laurent-Perrier remet le Prix Grand Siècle à une personnalité dont le parcours est admirable. Des personnes illustres l’ont reçu comme Simone Veil ou le président Abdou Diouf. Ce soir c’est la cantatrice Natalie Dessay qui recevra le prix. La réunion se tient au Pavillon Gabriel, avec la cuisine de Potel et Chabot.

A l’apéritif, c’est évidemment le champagne Laurent Perrier Grand Siècle qui est servi en magnum. Ce champagne a pour moi des airs de vacances, car il berce souvent les événements joyeux de mes étés dans le sud. C’est en effet un champagne de bonne soif. Il est gai, plein de fruits jaunes et de soleil. Il glisse bien en bouche, sans histoire, juste pour conquérir le palais.

Les hasards de conversations me font rencontrer le professeur Coppens qui parle d’ancêtres de Lucy et le mari de Claudie Haigneré, présidente du jury du prix Grand Siècle, qui fut astronaute lui-même, ayant passé six mois en orbite sur une station orbitale soviétique et qui nous parle de multivers, c’est-à-dire d’une multitude d’univers qui se superposent au notre et que nous ne voyons pas. Pourquoi pas ?

Nous passons à la salle à manger. Le menu est : meilleur de sole en mousseline, grillé de petits boutons, sauce champagne / cimier d’agneau rôti à la façon des grands crus bordelais, plié de céleri en verdure, figue rôtie et girolles / soufflé à l’ancienne accompagné de ses poires rôties. La cuisine est très satisfaisante, dans un registre très classique et le service à la française est une agréable réminiscence, très Grand Siècle.

Le champagne Laurent-Perrier Grand Siècle qui accompagne la sole me fait plus penser au siècle de Louis XV qu’à celui de Louis XIV. Car ce champagne est primesautier, volage, volontiers coquin. La force de sa bulle, due à sa jeunesse, bride un peu l’accord avec la sole.

Le Château Pichon Longueville Baron 2000 me fait immédiatement penser à ce que j’avais constaté à Vinexpo lors de la session 2001 qui avait accueilli la présentation des 2000 bordelais. On pouvait faire un clivage entre ceux qui étaient restés dans la tradition bordelaise, et ceux qui avaient vendu leur âme à Robert Parker ou plutôt à l’image du goût que l’on prêtait à Robert Parker. Boisés, surmaturés, ces vins se ressemblaient. Dix ans plus tard, ce pauillac se présente manifestement de façon plaisante avec une belle mâche et un bois sensible et contenu. Mais son discours est un discours mille fois entendu. Je ne reconnais plus un Pichon Baron, mais un vin agréable, flatteur et convenu. Il y a un manque d’émotion certain chez ces vins trop semblables et il me semble que c’est propre au millésime 2000, car ces tendances ont été modifiées par la suite. La viande est gourmande à souhait et accompagne bien le vin charnu.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Alexandra rosé 1998 est d’un rose très élégant, difficile à analyser parfaitement du fait des éclairages sophistiqués de la grande salle. C’est un champagne élégant, rassurant, au charme très naturel. Il accompagne bien le soufflé servi dans d’énormes récipients de cuivre, ce qui le titille à son profit.

Claudie Haigneré fait un discours stylisé, sculpté dans une langue précise pour féliciter la cantatrice lauréate. Natalie Dessay, adoptant un ton naturel, simple, livre son cœur et ses doutes et la soprano est applaudie debout. Au moment du dessert, un C.D. de l’un de ses airs fétiches est joué, car elle n’avait pas envisagé de chanter.

Le dîner fut l’occasion de rencontrer des personnages passionnants de tous horizons. Merci à Alexandra et Stéphanie, les deux filles de Bernard de Nonancourt, de perpétuer un mécénat de qualité d’une aussi charmante façon.

Paris se met sur son trente et un pour Noël

Le Pavillon Gabriel aussi !

Claudie Haigneré la présidente et Natalie Dessay

le très original soufflé

dîner de l’académie du vin de France au restaurant Laurent jeudi, 24 novembre 2011

L’Académie du Vin de France tient son assemblée annuelle ainsi que son dîner de gala au restaurant Laurent, siège de l’académie. Certaines années, les membres présents organisent une sorte de Paulée, permettant à chacun de goûter leurs vins récents. Cette année, le premier étage du restaurant Laurent étant réservé pour un autre dîner de vins, nous nous retrouvons au rez-de-chaussée pour l’apéritif. On peut goûter sur des gougères et des toasts au poisson fumé le Champagne Laurent Perrier 1999 et le Champagne Pol Roger 1999, mais l’esprit n’est pas à les jauger. Il est plutôt aux retrouvailles entre membres et aux aimables échanges. Je n’ai donc pas comparé ces deux agréables champagnes qui se boivent sans souci.

Nous passons à table et je suis placé à celle d’Aubert de Villaine et son épouse Pamela. Autour de la table Pauline et Guillaume d’Angerville, Rosalind et Jacques Seysses, nouveau membre de l’académie, Bernard Pivot et sa fille Agnès accompagnée de son mari. L’ambiance est animée car jamais je n’avais remarqué un tel brouhaha dans la belle salle à manger, au point qu’il est presque impossible de parler avec d’autres personnes que ses voisins immédiats. J’ai de la chance car je suis placé entre Agnès et Bernard Pivot, dont l’analyse du monde de la culture et de la littérature me semble plus jeune et plus optimiste que la mienne. Il a sûrement raison, car son avis est plus autorisé que le mien. Le président Jean-Robert Pitte fait un dynamique discours introductif du dîner fondé sur la technique du ricochet : chaque digression entraîne une nouvelle digression. C’est une belle technique et un bel effet.

Le menu réalisé par Alain Pégouret que nous avons chaudement applaudi pour la réussite de ce soir est : carpaccio de bar mariné en vinaigrette citronnée, condiments / homard servi dans l’esprit d’une bourride, truffe blanche d’Alba / friands de pieds de porc croustillant, chicon moutardé / lièvre à la Royale cuisiné selon la recette du sénateur Couteaux, « fusilli » pour la sauce / chaource / tarte légère aux marrons et aux coings façon Mont-Blanc / café, mignardises et chocolat.

Nous commençons par un Côtes de Provence Château La Tour de l’Evêque blanc 2010 de Régine Sumeire. Le premier nez est très vert et le premier contact est d’une verdeur de pomme verte et de citron. Un tel vin me paraît difficile du fait de sa grande jeunesse, mais j’ai tort, car le plat lui donne un tel coup de fouet qu’il met en valeur son beau fruit, rond et joyeux. On constate que ce vin est remarquablement fait. Je l’aimerai plus lorsqu’il aura cinq à sept ans de plus, mais le plat a suscité un accord impressionnant, tout dans le fruit et les jeunes acidités.

Avec le Meursault Clos de la Barre Domaine des Comtes Lafon magnum 2004 on comprend mieux mes réticences en face de vins trop jeunes, car celui-ci est d’une sérénité gourmande impressionnante. Il y a un léger fumé, des fruits jaunes cuits, et une mâche généreuse. Avec le homard et la truffe blanche, le vin est à son aise, et c’est surtout avec la sauce que l’accord est trouvé, pendant que les narines succombent à l’invasion de la truffe généreuse. Le coup de génie, c’est d’avoir ajouté des petits copeaux de poireau, qui rafraîchissent les sensations langoureuses du homard et du vin.

Le grand choc, c’est le Château Thivin, cuvée Zaccharie Côte de Brouilly 2009 de Claude Geoffray, nouveau membre de l’académie. Le mot qui vient immédiatement à l’esprit est « généreux ». Le vin est joyeux, généreux, avec un poivre présent mais mesuré, un boisé délicat et un velouté charmant. Voilà de quoi raccommoder les amateurs avec le beaujolais, s’il en était besoin. Bernard Pivot qui produit un beaujolais est aux anges car le vin est une belle carte de visite de sa région. De plus, les pieds de porc, plat emblématique du restaurant, sont un faire-valoir de première grandeur pour le vin, car c’est d’un naturel total. Là aussi, l’endive sert d’adoucisseur pour garder la fraîcheur du palais.

Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1998 est le parfait notable de province. Le discours est clair, parfaitement rodé, et le vin est serein, conquérant comme un programme électoral auquel on croirait. Sérénité et solidité me semblent résumer ce vin au discours lisible et simple. Il a la force qui convient pour soutenir le choc d’un lièvre à la royale orthodoxe et fortement goûteux, mais dont la trace de genièvre et d’herbes est, de l’avis de mes voisins et moi-même, beaucoup trop prononcée. Cela n’empêche pas le vin de poursuivre son parcours très linéaire et gourmand, où j’ai reconnu, en soupçons, du café et du cacao.

Le Champagne Billecart-Salmon cuvée Nicolas François Billecart 1998 de François Roland Billecart est un beau champagne plein de fruits jaunes épanouis, mais son goût est influencé par le chaource très bien équilibré, c’est-à-dire pas trop fort malgré un bel affinage, avec lequel l’accord se trouve mieux qu’avec le vin du Rhône.

Lorsque je goûte le Gewurztraminer grand cru « Hengst » SGN domaine Zind-Humbrecht 2008 de Léonard Humbrecht, mon sourire est si épanoui qu’Aubert de Villaine me dit : « on voit bien que vous aimez les vins liquoreux ». Rien qu’en humant le vin, on s’émerveille de la capacité de grains de raisins à créer de telles merveilles. Car le parfum est capiteux, explosant de fragrances aux résonances infinies. En bouche le doucereux est délicat, car ce qui s’impose, c’est la fraîcheur d’un vin élégant, et sa subtile délicatesse. Il fallait bien cela pour se marier au dessert délicieux mais lourd en calories.

Les accords ont été particulièrement justes, la cuisine intelligente d’Alain Pégouret s’adaptant aux beaux vins des membres présents. Selon la tradition, Jacques Puisais a analysé les accords, poétisant en les décortiquant avec une imagination débordante. Les analogies féminines ont été moins nombreuses que d’habitude. Deux vins ont, pour moi, illuminé ce repas, le beaujolais d’une richesse et d’une gourmandise extrêmes, et le gewurztraminer à l’élégance rafraîchissante enjôleuse.

Nous avons continué à bavarder tant le plaisir d’être ensemble était palpable. Comme j’ai eu à affronter deux lièvres à la royale dans la même journée, mon oreiller a constaté que ma gravitation était un peu plus universelle que d’habitude. Demain, cap au sud, pour compenser ces abondances culinaires et viniques.

J’aime assez la continuité de couleur du bandeau du Côte de Brouilly avec les cyclamens du jardin du restaurant Laurent

Déjeuner au restaurant Hiramatsu jeudi, 24 novembre 2011

Déjeuner au restaurant Hiramatsu est toujours un grand plaisir. La décoration est très seyante et cosy, le service est délicat et la nourriture est de grande qualité. Nous prenons une entrée aux coquilles Saint-Jacques et un chausson de lièvre à la royale. La cuisine est à la fois subtile et rassurante. Le lièvre est gentiment gibier, juste ce qu’il faut.

Je me demandais si le Chambertin Armand Rousseau 1999 aurait assez de force face au lièvre et en fait, ce vin délicat, raffiné, jouant sur sa grâce sait hausser le ton quand il faut. Et sans renier une once de sa noblesse il sait s’encanailler avec le plat, poussant son fruit et sa force alcoolique pour faire jeu égal avec des chairs très typées. Ce Chambertin est un très grand vin, avec la noblesse et la subtilité discrète des grands vins bourguignons. Ses petits fruits roses aigrelets lui donnent une vivacité plaisante qui prolonge sa mémoire en bouche.

La cuisine de ce restaurant appelle de grands vins. Nous l’avons vérifié.

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 23 novembre 2011

On pourrait intituler ce sujet : « de l’effet de la motivation ». Depuis qu’avec quelques conscrits nous déjeunons au Yacht Club de France, nous sommes chouchoutés, et la cuisine comme le service valent les prestations de bons étoilés.

Le menu : velouté de potiron aux morilles et langoustines, saumon fumé de Saint-Pierre et Miquelon, éventail d’asperges, algues, œuf mollet de caille / rôti de carré d’agneau pané à la tapenade verte, ris de veau, courge spaghetti aux morilles, pomme paillasse au safran, jus d’agneau / fromages Alléosse / délice poire et vanille au parfum de crème brulée. On sent qu’ils y a des intentions et les chairs sont raffinées.

Le directeur de la restauration courant le marathon avec un des gardes du corps du Président de la République, nous buvons un Champagne « ensemble tout est possible », cuvée 6 mai 2007, élaboré par Pierre Mignon. C’est un champagne autoritaire, beau parleur mais qui agit peu sur la langue. Il est bling-bling, paillettes, genre sauveur de la planète. Court, il ne laissera pas de trace dans l’histoire de la dégustation. Le Champagne Grand Cru Brut Tradition Michel Arnould & Fils a plus de personnalité. Il est très typé, voire un peu trop. Il se boit avec plaisir, car il raconte – lui – des histoires crédibles. C’est en fait le Champagne Grand Cru Pierre Moncuit qui est le plus charmant, élégant, au discours galant.

Le Pouilly-Fuissé Pierre Marchand 2009 a un joli fruit, mais sa verdeur est un peu forte pour moi. La Côte Rôtie La Viaillière domaine de Bonserine 2007 est une très belle surprise, car elle est joyeuse, construite, ensoleillée de belle mâche gourmande. Un vin de belle tenue et de grand charme.

Ces déjeuners au Yacht Club de France où nous reconstruisons ou déconstruisons le monde sont de grands moments, grâce à cette belle motivation d’une équipe efficace.

Charmante attention du restaurant du Yacht Club de France d’avoir écrit le mot « conscrit » sur le dessert, puisqu »ils savent que nous sommes tous de la même année.

déjeuner à laRôtisserie d’en Face mardi, 22 novembre 2011

Selon une tradition instaurée après la mort de notre mère, ma sœur, mon frère et moi, nous nous retrouvons à déjeuner trois fois par an, à l’invitation de chacun d’entre nous à tour de rôle. Notre sœur nous convie au restaurant La Rôtisserie d’en face, l’en face étant le restaurant de Jacques Cagna. La décoration est minimaliste, mais sympathique. On a voulu marquer qu’il n’y a pas de confusion à faire avec la maison-mère. La carte des vins est une douche froide. Car les choix sont quasiment inexistants. Il n’est pas normal que l’on crée à ce point la différence avec « l’en face ». Nous prenons un champagne Moët & Chandon brut sans année qui arrive bien frappé et se boit agréablement.

Le seul vin qui excite mon envie, c’est un Volnay Marquis d’Angerville 1999. Le sympathique maître d’hôtel, vraiment charmant, veut nous servir le vin en annonçant : « ça, c’est grand ». Hélas, le premier verre que je bois est d’une acidité anormale qu’explique un vilain bouchon. Quel embarras ! Le maître d’hôtel goûte le vin, confirme mon analyse et très gentiment remplace la bouteille. L’écart gustatif est colossal et nous goûtons un bourgogne sensible, subtil, émouvant, déclinant de belles rugosités bourguignonnes.

La cuisine est délicieuse. Les cuisses de grenouilles et le poulet à la purée sont d’une exécution franche, sympathique rassurante. Ce fut un beau moment et les vins choisis nous ont plu. Mais on aimerait une carte des vins un peu plus grassouillette.

le porte-greffe CB-41B mardi, 22 novembre 2011

Lors du fabuleux dîner avec un Enfant Jésus 1891, Joseph Henriot a tout naturellement fait un discours de bienvenue, avec des paroles que j’aime car elles sont toujours positives et tournées vers l’avenir. Une deuxième intervention m’a laissé songeur, car elle s’est située à un niveau quasiment irréel.

Nous nous étonnions tous de l’invraisemblable fruit du Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1891 et Christophe Bouchard nous a expliqué que la parcelle de ce vin, en 1891, n’avait pas été touchée par le phylloxéra. C’est ce qui explique la jeunesse insolente de ce vin.

La discussion portant sur ce qui s’est passé après phylloxéra, Joseph Henriot prend la parole et fait un exposé sur les porte-greffes combinant des cépages français et des cépages américains et, de ce que je crois avoir écouté, sinon entendu, j’ai cru saisir ceci :

« Contrairement à ce qu’on dit, le porte-greffe n’est pas un 41B, mais un CB-41B. Et dans CB, le C ne veut pas dire chasselas, comme on le dit souvent, mais chardonnay. »

Et nous voilà partis dans la description des mérites du CB-41B.

J’admire ceux qui peuvent comprendre de tels propos et je suis subjugué par la science de Joseph Henriot. Il est des moments où l’on se sent tout petit face à de telles éruditions.

(mille excuses s’il y a des erreurs dans ce que j’ai retenu de ce propos savant)