champagne et champagne vendredi, 26 août 2011

Des amis viennent pour une partie de belote. Comme chaque fois, le Champagne Henriot magnum 1996 appelle un mot : « rassurant », car ce champagne résume ce qu’un champagne doit être, agréable, lisible, plein en bouche et se buvant avec facilité. Et comme l’année 1996 lui donne du caractère, c’est un grand champagne. Au moment de la belle qui suit le dîner, il fait soif. Je vais chercher un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année et mon ami estime qu’un magnum serait de trop. Le connaissant, j’imagine assez bien qu’au bout de dix minutes, une bouteille serait insuffisante, aussi le magnum est-il ouvert. Le champagne est très différent du Henriot. Les notes florales délicates, romantiques, explorent une autre dimension du champagne. Il est plus complexe, plus accompli, d’un charme extrême.

Mon ami avait raison car après leur départ, il reste plus de la moitié du magnum. N’ayant aucune intention de boire ce vin tout seul, je lance un « au secours » à nos voisins pour l’apéritif du soir. Ils viennent par la mer le long d’un chemin jadis à sec mais aujourd’hui noyé du fait combiné de la montée des eaux et de l’érosion du littoral. Nous improvisons un petit casse croûte sur la base du Grand Siècle qui n’a pas perdu de bulle et s’est élargi et épanoui, prenant des notes de fruits jaunes tout en conservant ses fleurs blanches. Très vite il me faut ouvrir un Champagne Krug Grande Cuvée au fruité exceptionnel, transcendantal par rapport à celui que nous avions bu au Castellet. C’est un immense champagne invraisemblablement fruité et à la personnalité conquérante. Il nous a cueillis à froid par un uppercut gustatif, car jamais nous n’aurions attendu une telle perfection. C’est sur la note parfaite de ce champagne que s’est conclu cet apéritif impromptu, chacun rentrant sagement chez soi pour un dîner frugal.

Cette appréciation du Krug a été faite le lendemain. Lorsque j’ai voulu mettre les photos sur mon blog, je me suis rendu compte que ce que nous avons bu est Champagne Krug 1996. On comprend mieux l’écart gustatif qui m’avait tant étonné.

dîner chez des amis vendredi, 26 août 2011

Chez des amis, un Champagne Ruinart sans année est agréable à boire, facile, simple, sans chichi, au goût gentiment vineux. Nous allons dîner ensuite chez d’autres amis. Le Champagne Pierre Péters Cuvée Spéciale les Chétillons magnum 2002, blanc de blancs de Mesnil sur Oger est d’une forte personnalité. Je reconnais tout ce qui fait le charme des vins de la « Mecque » du champagne, la commune de Mesnil-sur-Oger. Il est précis, fort, vineux, avec un charme que j’apprécie. J’avais bu deux fois le 2000 des Chétillons, une fois à Miami, sans être très emballé et une fois à Copenhague avec un jugement nettement plus encourageant, ce qui avait justifié que j’achète ce champagne plus connu à l’étranger en France. La démonstration de ce 2002 est convaincante. C’est un bon blanc de blancs.

Le Champagne Dom Pérignon 1996 nous fait changer de registre. C’est un champagne moins vineux, plus romantique, plus gracile, plus séducteur. Mon goût personnel va vers le vin du Mesnil.

Sur un agneau cuit de longues heures, un Palette Domaine du Grand Côté 2005 est sympathique, agréable, sans grande vibration. Un Chateauneuf-du-Pape Les Olivets de Roger Sabon & Fils 1971 ouvert tard a besoin de s’ébrouer. Lorsqu’il a suffisamment respiré, c’est un magnifique Châteauneuf, épanoui, au fort fruit noir, plein en bouche et de belle longueur, qui nous réjouit. J’aime ce Châteauneuf qui est d’une belle maturité et d’accomplissement sans avoir de signe d’évolution.

Pour le dessert, nous prenons un Champagne Salon 1997. Instantanément, nous savons qu’il n’y a pas de match possible entre les deux champagnes de Mesnil-sur-Oger. Le Salon est absolument magnifique et accompli, plus soutenu que de récents 1997 que j’avais bus, et sa palette aromatique complexe et riche en fait le gagnant inatteignable de ce repas. Un Bas Armagnac Langeroy du Tiers 1985 mis en bouteille en février 2011 très bien construit mais encore très jeune a conclu cette belle soirée d’amitié.

Champagne Ruinart sans année

Champagne Pierre Péters Cuvée Spéciale les Chétillons magnum 2002

Champagne Dom Pérignon 1996

Palette Domaine du Grand Côté 2005

Chateauneuf-du-Pape Les Olivets de Roger Sabon & Fils 1971

Champagne Salon 1997

Bas Armagnac Langeroy du Tiers 1985

dîner chez Yvan Roux avec un accord inattendu lundi, 22 août 2011

Nous allons prendre l’apéritif chez des amis d’amis. Le Champagne Bollinger Grande Année 1996 est extrêmement solide. Il est vineux, imprégnant et conquérant. On l’aime pour sa forte personnalité. Le fruit jaune cède la place au vineux puissant. Ce champagne a devant lui un bel avenir mais se boit bien car l’année est magistrale.

Nous nous rendons tous ensemble chez Yvan Roux, suffisamment tôt pour profiter de la vue magnifique rosissant sous les feux du soleil couchant d’un jour caniculaire. Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année que nous avions entamé en faisant un crochet chez moi montre un grand contraste avec le précédent. Il est tout en charme romantique, fleurs blanches et gracilité. Il est un peu plus dosé que le souvenir que j’en avais.

Comme Yvan nous annonce des beignets d’anémone de mer pour l’apéritif, je fais ranger le champagne et servir le Chassagne-Montrachet les Chaumées Olivier Leflaive 2000. Mais j’ai soudain une intuition : c’est avec le Tokaji Eszencia Aszu 1988 que l’accord se trouvera le mieux. Tout le monde me regarde en pensant à une incongruité, aussi bien Yvan que Babette et mes amis. Et force est de constater que si l’on prend bien soin de mettre des quantités infimes sur sa langue, le Tokaji est ce qui convient le mieux aux anémones, alors que le Chassagne est hors sujet.

L’anémone a des goûts très complexes, car au-delà de l’iode, il y a du végétal, type artichaut et c’est ce côté végétal qui accroche l’accord avec le Tokaji. C’est vibrant et chacun en convient. Le Tokaji bu à petites gorgées est d’une belle complexité, avec un goût de raisin sec très prononcé, ainsi que des végétaux comme l’artichaut et le fenouil. L’âge lui va bien.

Yvan a essayé une recette nouvelle, avec une soupe froide de moules et une boulette panée de moules. C’est original et très intéressant. La force du plat met mal à l’aise le Chassagne à l’or déjà foncé, au goût légèrement fumé, qui fait assez simple, mais à cause du plat. A côté, le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 est pétulant de subtilité, avec une belle acidité et un fort aspect minéral. Il est gouleyant, fluide et ravit de plaisir.

Le plat suivant est fait de seiches cuites à l’encre, plat très fort qui me semble appeler un rouge. Aussi buvons-nous un Château Pradeaux Bandol 1996 dont la maturité est parfaite. Il est riche, râpeux comme la garrigue et son final mentholé signe un très grand vin. Mais l’accord se trouve mieux avec le Chassagne-Montrachet qui a enfin trouvé son terrain d’épanouissement. Il est riche, goulu, plein, et accroche bien avec la chair très typée de la seiche. Le Pradeaux convient aussi, mais l’accord est plus naturel avec le blanc puissant.

La demie langouste avec son corail peut trouver son bonheur avec chacun des trois vins, dans l’ordre de pertinence : le Chevalier-Montrachet, le Chassagne-Montrachet et le Bandol.

Sur des filets de mérous aux aulx confits, c’est à nouveau le Chassagne-Montrachet qui brille plus particulièrement, ce qui forme une compensation par rapport au premier contact assez fade.

Sur le soufflé à la vanille, le Grand Siècle convient à la perfection pour rafraîchir nos palais. Ce fut un beau dîner.

Les vins ne furent pas tous bus

les plats

fondation Maeght et musée Bonnard samedi, 20 août 2011

Lorsque ma femme est allée voir notre fils à Miami, elle a rencontré un jeune galeriste à Palm Beach dans une foire d’Art Moderne du type FIAC. Elle a acheté un tableau d’un jeune peintre qui monte et le galeriste lui a signalé une des galeries de ses parents belges à Saint Paul de Vence. Nous y sommes allés et dans un gigantesque ensemble architectural des œuvres résolument modernes sont exposées. L’une a attiré mes yeux. Il s’agit de la cage d’un but de football dont le filet est remplacé par un vitrail ancien représentant un saint évêque croisant les mains ce qui pourrai laisser penser qu’il cache un ballon. Ailleurs c’est une armoire vitrée flamande qui de loin semble abriter de la porcelaine de Delft, avec des motifs aux variations de bleu sur fond blanc. On s’approche et ce que l’on a pris pour de beaux vases sont des bonbonnes de gaz et les belles assiettes décorées sont en fait des lames d’acier de scies circulaires. Etonnant, non, comme dirait Desproges.

Ma femme a demandé les prix des œuvres du peintre qui l’avait intéressé à Palm Beach, et en quelques mois, la cote à facilement triplé. Nous allons à la deuxième boutique des Pieters en face de la Colombe d’Or, puis nous nous rendons à pied par un soleil de plomb à la Fondation Maeght.

En pleine nature, l’ensemble immobilier conçu par un architecte catalan il y a cinquante ans frappe encore par son modernisme. Et l’on respire l’art pur, fou dans son abstraction, et l’on sent l’amitié qui devait lier les Maeght aux plus grands artistes du 20ème siècle. Cette immersion dans un art débridé et désinvolte est rafraîchissante.

Une amie nous avait suggéré : « ne ratez pas le musée Bonnard ». Ce qu’elle ne savait pas, c’est que mon père, qui peignait, avant une secrète adoration pour Bonnard.

Nous nous rendons au Cannet au musée inauguré il y a seulement deux mois, qui regorge d’œuvres de ce peintre atypique, coloriste de génie, qui cherchait la vérité dans la peinture d’objets ou d’instants d’une grande banalité. Car cette vérité il la voulait sans influence de la scène ou de l’objet.

C’est cette recherche de la vérité par le trait et la couleur qui est assez fascinante. Alors que ma femme ne mordait pas, je vibrais comme par filiation, sentant les émotions que devait éprouver mon père.

Nous sommes ensuite allés en fin de visite regarder un film très complet sur Bonnard qui explique de façon déterminante sa recherche, son évolution, et les choix de sa vie. Ce film est fondamental pour comprendre ce grand peintre qui n’a pas la renommée qu’il devrait avoir. Ma femme a complètement revu sa perception du peintre. Nous reviendrons !

Du groupe des Nabis, il a côtoyé les plus grands peintres mais aussi Mallarmé dont la recherche avec des mots a beaucoup de points communs avec sa recherche par les couleurs.

Cette bouffée d’art, ça fait du bien !

déjeuner à l’hôtel du Castellet avec Vannières 1983 jeudi, 18 août 2011

A l’hôtel du Castellet j’avais fait commander deux Vannières 1983 chez le producteur par le sommelier Romain. Il est temps de goûter le deuxième, aussi allons-nous avec des amis déjeuner au San Felice, le bistrot supervisé par Christophe Bacquié, le chef du restaurant deux étoiles de cet hôtel.

Par une magnifique journée, nous prenons l’apéritif sur la terrasse du bar. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année est absolument plaisant. Il est riche, complexe, vineux, avec une longueur particulièrement marquée. Il est à la fois noble et champagne de plaisir. Son goût citronné est bien dosé et lui confère une tenue remarquable.

Nous passons à table et une jeune sommelière nous sert le Château Vannières Bandol 1983. Le restaurant a une représentation des jeunes millésimes de ce domaine, aussi le 1983 fascine la sommelière. Je lui fais goûter et je sens à quel point elle est sensible à cette occasion qui lui est donnée. Elle nous dit : « quel grand vin ». La couleur est très sombre, le nez est celui d’un vin évolué, et je trouve que le vin en bouche est plus évolué que le précédent bu il y a quelques semaines. Lorsqu’il s’épanouit, il montre un accomplissement remarquable. Avec des olives noires, il vibre intensément. Il est divin avec ces olives excellentes et un peu de pain. Il est très plaisant sur une côte de bœuf et il représente tout ce que j’aime dans les vins du sud, le thym, la garigue, les olives noires et les odeurs de sous-bois chauffés de soleil.

Comme la bouteille est bue rapidement, je commande un faux-filet à partager et une Côte Rôtie La Landonne Guigal 2000. C’est intéressant de vérifier si celle que nous avons bue il y a quelques jours, la plus bourguignonne et la plus évoluée des Côtes Rôties 2000 de Guigal confirme cette impression et cette tendance.

Et instantanément, ce qui me frappe, c’est que cette fois, le vin est intensément fruité de fruits rouges et noirs. Cette Côte Rôtie n’est pas bourguignonne et ne montre aucun signe d’évolution. On est dans le fruit pur. Elle est beaucoup plus proche de la Mouline 2000 de l’autre soir que de la Landonne 2000. Ceci montre bien que d’une bouteille à l’autre, même pour des vins jeunes comme les 2000, il n’y a pas de vérité unique. Juteux, gouleyant, ce vin explose de santé et de jeunesse.

Je me suis demandé lequel des deux vins je préférais aujourd’hui. Alors que je suis un fan des vins de Guigal, dans le contexte d’un hôtel au parc magnifique, par une chaude journée d’été embaumant les pins parasols, j’ai préféré le vin de la région pour la virilité de la garigue, au vin si délicieusement fruité qu’est cette Landonne à la fraîcheur délicatement mentholée. Il faut dire aussi que j’ai plus souvent l’occasion d’ouvrir les grands vins de Guigal, aussi, préférer le régional de l’étape me fait plaisir.

Le site de l’hôtel du Castellet est une invitation au farniente et à la sérénité. La cuisine est simple et met en valeur de beaux produits. Ce fut une belle journée à la campagne.

de belles viandes au San Felice

week-end de folie, épilogue mardi, 16 août 2011

Le lendemain de ce féerique repas, Jean-Philippe nous quitte. Il reste de quoi faire de multiples repas. Ayant consommé huit petits homards, il reste seize pinces, décortiquées par l’un des amis. C’est sur le reste du champagne Salon 1988 que nous les dégustons. Une nuit a permis au Salon 1988 de prendre une ampleur spectaculaire. C’est comme cela que j’aime ce 1988. Il est joyeux, ample, avec un fruit ensoleillé. Quel grand champagne. Je m’en veux, car je me dis chaque fois que les Salon devraient être ouverts la veille. Est-ce que j’y penserai la prochaine fois ?

En tout cas c’est un champagne magnifique et joyeux qui clôture en fanfare notre week-end fou, pour la catégorie champagne. Ma femme cuit des filets de bar qui sont d’une chair d’une percutante saveur. Sur ce beau poisson et sur des restes froids du quasi de veau, le Pommard Epenots domaine Parent 1969 montre, lui aussi, que la nuit lui a fait du bien. Il a gagné en ampleur et reste précis. C’est vraiment un grand vin que nous avons adoré jusqu’à la dernière goutte. Sur des abricots ou sur des miettes de la tarte aux mirabelles, on peut encore goûter le Gilette 1953 qui lui, contrairement aux autres, a souffert de l’aération de la nuit.

Lorsque nous raccompagnons les derniers amis à l’aéroport, nous savons que nous venons de vivre un week-end intense. Les rendez-vous sont pris pour recommencer.

Le travail de bénédictin de notre ami qui en pince pour le homard.

le dîner de Jean-Philippe, point culminant de notre été lundi, 15 août 2011

Le point culminant gastronomique de nos vacances, c’est le dîner cuisiné chez nous par Jean-Philippe. Dès son arrivée nous avions défini les vins du dîner. L’air de rien, malgré les occupations sportives ou ludiques, Jean-Philippe tournait et retournait dans sa tête, à notre insu, les plats qu’il allait créer. A partir de 16 heures dans la cuisine occupée par Jean-Philippe aidé de deux amis, l’espace bourdonne, les produits virevoltent, les couteaux découpent, les mixers vrombissent et les sauces s’organisent. Puis, comme si de rien n’était, à 18 heures, Jean-Philippe joue une partie de tennis, décontracté comme jamais.

Le Champagne Salon magnum 1988 est très différent du 1997 que nous avons bu hier. Le caractère vineux est nettement plus intense. Le vin est solide, carré, d’une insolente jeunesse, avec de beaux fruits jaunes. Il est plus fruité que floral. Avec de fines tranches de Cecina de Léon, moins fumé que le précédent mais plus tendre, le champagne est impérial. Nous l’aimons beaucoup, mais, même si tout au long de la soirée, sa matière vineuse s’est épanouie révélant une structure remarquable, nous n’avons pas eu la plénitude que peut atteindre Salon 1988. Il est grand, mais pas au sommet que j’ai déjà rencontré.

La deuxième partie du champagne se prend à table avec un carpaccio de sébaste au pamplemousse. Dès ce premier plat, nous savons que Jean-Philippe va frapper très fort, car la justesse du plat est extrême, mais surtout le carpaccio donne une tension sensible au champagne.

Le Clos Joliette Jurançon sec 1974 se présente avec une couleur extrêmement foncée. Son nez évoque un liquoreux ou un Tokay. On pourrait s’attendre à un vin doux, mais la bouche est effectivement celle d’un vin sec. Légèrement oxydé, ce vin est pour moi extrêmement difficile à saisir, car on cherche en vain quelle direction il a voulu prendre. Veut-il aller vers les vins du Jura, vers les Château Grillet, vers certains fumés du Rhône, on ne sait pas bien. Mais la belle acidité de son abricot est remarquablement mise en valeur par le plat : filet de bar à l’unilatérale, avocat poêlé, jus d’abricot aux herbes diverses de la Provence. Il convient de remarquer que pour chaque plat, Jean-Philippe goûte le vin avant pour ajuster la force de ses sauces et la pesanteur de chaque épice. Et, chose incroyable, à chaque plat, nous avons l’impression que rien n’est prêt pour le suivant, alors qu’avec ses deux compères, il va exécuter les dressages et les sauces comme par magie. Le jus d’abricot a permis de donner au Clos Joliette un charme auquel je n’adhérais pas sans cela.

Le nez du Château Laville Haut-Brion 1980 est tellement fou de jeunesse que l’on sent le soufre des vins jeunes et on le ressent même en bouche. Si nous n’étions déjà des adorateurs de Laville, celui-ci nous convaincrait définitivement, car sa richesse dans les acidités est spectaculaire. C’est le prototype du vin sec parfait. Personne ne pourrait situer son millésime avant 2000 si on le goûtait à l’aveugle, tant sa vivacité est grande. Il se marie à des encornets, concombre à la verveine citronnée et purée de courgette et basilic. Avec chacune des trois composantes du plat l’accord est éblouissant, et comme dans les feux d’artifice on fait des oh et des ah lorsque l’on passe d’un accord à un autre. Ma préférence va à l’association créée par la purée de courgette et basilic, même si la tendreté de l’encornet et la précision de la verveine citronnée sont aussi de grands multiplicateurs du vin. C’est je crois l’accord suscité par ce plat que j’ai préféré.

Le Kistler Durell Vineyard Sonoma Coast 2008 a été vanté par Jean-Philippe car, si j’ai bien compris, son vinificateur a travaillé au domaine Ramonet, l’un des plus prestigieux pour les blancs de Bourgogne. Malgré cette carte de visite, je n’adhère pas du tout. Le vin est bon, c’est un chardonnay bien structuré, mais il n’y a pas d’émotion. Son nez est américain, et sa bouche l’est aussi. Il est accompagné par un plat magistral, un homard à la plancha, coulis de poivron jaune, sauce corail. Le plat est prodigieux, et aurait probablement mérité le Laville, avec quelques accommodements dans les pondérations.

François Parent, vigneron qui fait de beaux pommards, était venu nous rendre visite il y a deux ans à la même date, jour pour jour. Il nous avait offert un Pommard Epenots domaine Parent magnum 1969. J’attendais d’avoir des connaisseurs pour ouvrir ce vin. C’est fait ce soir. Le vin nous subjugue tous. La couleur est d’un rose foncé soutenu, sans trace d’âge. Le nez est prodigieux de finesse, avec des pétales de rose. Et en bouche, l’impression est saisissante. C’est un bourgogne d’une sensibilité exceptionnelle, très au dessus de ce que j’attendais. Nous faisons tous de larges sourires, car nous tenons devant nous un vin exceptionnel de subtilité, de grâce, de plaisir. Comment Jean-Philippe a-t-il pu créer un plat d’une telle justesse : quasi de veau basse température, endive confite aux pétales de rose, sauce au genièvre et à la rose. Le plat et le vin nous entraînent au septième ciel, le vin me ravissant par sa délicatesse.

Je voulais que nous restions sur la Bourgogne avec le Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 2002. Le vin est presque noir si on le compare au pommard. Son nez est puissant, très beau. En bouche, c’est un seigneur. C’est la plénitude absolue du vin de Bourgogne jeune. Il a tout pour lui, la sérénité, l’équilibre, un fruité joyeux, et une opulence rassurante. Il est majestueux. La tentation bien sûr, c’est de voir si le pommard bu après le chambertin reste aussi brillant. Et à ma grande joie, c’est le cas. Car ce qu’il n’a pas en force de structure est compensé par sa subtilité gracieuse.

Lorsque j’étais chez mon boucher traiteur, j’avais repéré un filet de bœuf qui me paraissait dans un état parfait. Et Jean-Philippe a réalisé un filet de bœuf aux épices douces Tepanyaki, courgettes au Raz el hanout cuit divinement. L’accord avec le Clos de Bèze est d’une évidence confondante, comme chacun des accords de ce dîner. Nous avons continué longtemps à siroter les deux bourgognes enthousiasmants.

Le Château Gilette Crème de Tête 1953 est d’un or ambré absolument magnifique. Le nez est une bombe d’abricot et en bouche, le confort d’un sauternes à parfaite maturité est exemplaire. Le vin est doucereux et procure un plaisir rare. Ma femme a réalisé une tarte aux mirabelles qui va comme un gant au liquoreux. Elle est tellement bonne qu’elle est vite absorbée aussi aimerions-nous un autre dessert. Le sauternes respire tellement l’abricot que nous supplions notre chef de réaliser quelque chose avec des abricots. Comme l’artiste qui fait durer le doute sur sa volonté de bisser son spectacle, Jean-Philippe se fait prier, estime que sa prestation est terminée. Mais en fait il réfléchit à ce qu’il a envie de faire. Il poêle des demi-abricots sur la plancha et concocte une caresse de gingembre, qui vont propulser le Gilette à des hauteurs insoupçonnées tant il prend une tension extrême. Il devient magique.

Tomo ayant offert il y a près de deux mois un Single Cask Malt Whisky Karuizawa 1967 titrant 58,4°, c’est sur ce merveilleux whisky sentant le cuir et extrêmement chaleureux malgré son degré d’alcool que nous avons fini ce repas qui est le point culminant de notre été. Tous les plats ont été d’une justesse exceptionnelle par rapport aux vins. Ce fut grand.

Mon classement des vins est : 1 – Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 2002, 2 – Pommard Epenots domaine Parent magnum 1969, 3 – Château Gilette Crème de Tête 1953, 4 – Champagne Salon magnum 1988, 5 – Château Laville Haut-Brion 1980.

Jean-Philippe ayant pris goût à cet exercice reviendra dans quinze jours cuisiner pour l’ami autrichien amateur de vins, car Yvan Roux ne sera pas disponible à la date prévue. Fera-t-on mieux la prochaine fois ? A suivre.

dîner de Jean Philippe – les vins dimanche, 14 août 2011

Champagne Salon magnum 1988

Clos Joliette 1974

Chateau Laville Haut-Brion 1980

Kistler 2008 Durell Vineyard Sonoma Coast

Pommard Epenots domaine Parent magnum 1969

Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 2002

Chateau Gilette crème de tête 1953

whisky Karuizawa Single Cask Malt 1967

dîner de Jean Philippe – les plats et la dream team dimanche, 14 août 2011

Les plats préparés par Jean Philippe et ses assistants :

Mon gendre pose une question à Jean Philippe de dos

Apparemment, mon gendre a du mal à y croire !

pendant une pause, le chef travaille toujours !

on refait le match entre Jean-Philippe, mon épouse et ma fille

la salle à manger d’été, vue de l’autre côté de la piscine