des notes pour 8.812 vins mercredi, 20 juillet 2011

Je viens de mettre à jour mes notes sur 8.812 vins. Pour chaque vin, il y a l’indication du bulletin qui en parle, ce qui donne ceci, par exemple, pour Lafite-Rothschild :

1844 (387) – 1858 (387) – 1865 (180) – 1868 (224) – 1900 (324) – 1900 (383) – 1900 (443) – 1900 (305) – 1919 – 1919 (1) – 1919 (32) – 1919 (343) – 1922 (443) – 1922 (393) – 1924 (273) – 1928 – 1928 (369) – 1934 – 1934 (181) – 1934 (263) – 1934 (268) – 1943 (395) – 1943 (317) – 1945 (114) – 1945 (257) – 1948 (443) – 1948 (262) – 1949 (228) – 1949 (263) – 1950 (263) – 1953 (182) – 1955 (27) – 1955 (55) – 1955 (203) – 1959 (351) – 1961 (443) – 1962 (53) – 1962 (62) – 1962 (376) – 1963 (186) – 1964 (155) – 1964 (321) – 1965 (201) – 1965 (271) – 1969 (78) – 1969 (97) – 1969 (425) – 1970 (409) – 1971 (443) – 1971 (173) – 1979 (148) – 1980 (63) – 1981 (149) – 1981 (126) – 1981 (127) – 1981 (284) – 1983 (92) – 1984 (348) – 1985 (83) – 1985 (332) – 1986 (28) – 1986 (220) – 1986 (324) – 1987 (55) – 1987 (165) – 1988 (129) – 1988 (209) – 1990 (443) – 1990 (381) – 1990 (83) – 1997 (360) – 1998 (209) – 1998 (215) – 2001 (234) – 2003 (209).

Si donc on veut savoir ce que j’ai écrit sur Lafite 1990, on peut se reporter dans la catégorie « bulletins » aux n°s 443, 381 ou 83.

Je peux faire une telle liste pour chacun des vins que j’ai bus.

vins de vacances mardi, 19 juillet 2011

Champagne Cristal Roederer rosé magnum 1999 – une merveille

Chateau de Pibarnon Bandol 2005 et Chateau Trotanoy Pomerol 1999

Domaine de l’Angueiroun, Côtes de Provence rosé « Prestige » 2010

Chateau Sainte Anne Bandol 1998

coup d’envoi des vacances lundi, 18 juillet 2011

De bon matin après le dîner coréen, direction le sud. Les six petits-enfants sont au complet, avec quatre sur six de leurs parents. De quoi agiter la maison de rires et de pleurs, de caprices et de tendresse. C’est le coup d’envoi des vacances, alors, ça s’arrose. Le lecteur assidu de ces bulletins sait que tout est prétexte à ouvrir de bons vins quand on est au bord de l’eau.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année montre par son bouchon qu’il a plus d’une dizaine d’années. Sa sérénité est spectaculaire. Ce qui frappe, avec la mémoire de la verticale de Bollinger, c’est que le Grand Siècle est féminin, floral, romantique, gracile, délicatement tactile, alors que le Bollinger est vineux, masculin et joue sur la richesse. Et nous sommes heureux de constater que ces deux conceptions se complètent au lieu de se combattre. Il y a la place pour deux. Les fleurs blanches, les évocations subtiles avec une longueur extrême sont un véritable bonheur et donnent bien le coup d’envoi d’un été qui sera chaud. La boutargue cette année est qualitativement meilleure que celle de l’an dernier, plus grasse, plus moelleuse, et s’accorde merveilleusement au champagne.

Un jour plus tard, mon gendre sait qu’il doit repartir le lendemain par le premier avion. On ne va pas le laisser partir comme cela. Aussi, c’est un Champagne Henriot magnum 1996 qui est ouvert sur la boutargue mais aussi sur un foie gras qui se tartine sur des galettes à la châtaigne. Je suis frappé de voir à quel point le passage entre la boutargue et le foie gras aussi bien que l’inverse se font sans la moindre difficulté. Cela vient du fait que la boutargue est moelleuse et très peu salée. Le champagne est d’une grande pureté et il représente pour moi un champagne orthodoxe. Si l’on devait définir ce qu’est le champagne classique de grand niveau, ce serait celui-ci, car il est équilibré et ne cherche pas à éblouir en étant typé. Il est champagne, il l’assume, et le vit bien.

La mûre, toujours la mûre lundi, 18 juillet 2011

La mûre, toujours la mûre

La mûre est certainement le fruit le plus intelligent que je connaisse.

Les premiers fruits noirs sont apparus, le long de ma balade quotidienne, vers le 4 juillet. La majorité des ronces avaient leurs baies encore vertes, et certaines avaient même encore leurs fleurs, mais un bouquet de ronce, contre toute attente, avait quelques baies noires.

Contre toute attente, pourquoi ? Parce que quand j’étais un petit bonhomme passant ses vacances dans la Manche, à portée de vue du Mont Saint-Michel, les ronces ne donnaient des fruits noirs qu’à la fin août ou en septembre, à la fin des vacances.

Chaque jour, je viens picorer à ce groupe de ronces, qui a l’intelligence de garder des baies vertes, des baies rouges, et de m’offrir quelques noires, la juste provision de force pour la marche, sachant que je peux compter sur des rouges ou des noires claires pour être noires et mangeables demain.

Rares sont les arbres ou arbustes fruitiers dont la maturité des fruits s’étale autant dans le temps. Je sais que dans la zone que je longe pendant ma marche, j’aurai sans doute une dose équilibrée quotidienne pendant un mois et demi. Quelle intelligence ! Quelle générosité.

La mûre, c’est aussi une école de philosophie. Lorsque les baies seront bien mûres, grosses et grasses, ce sont toujours celles qui sont inaccessibles car trop hautes ou trop enfoncées dans l’entrelacs des branches piquantes qui seront les plus belles. Est-ce que ça ne ressemble pas au vin ?

La mûre forge aussi nos comportements ou en est le miroir. Sur mon chemin, je ne suis pas le seul marcheur. Voici une belle mûre. Elle pourrait être parfaite demain. Mais je sais que si je la laisse grandir encore pour la cueillir demain, un promeneur l’aura prise avant moi. Alors, je mange mes mûres trop jeunes, de peur de ne pas les retrouver demain. Est-ce égoïste ? L’expérience m’a montré que comme dans la fable du héron de La Fontaine, attendre trop c’est perdre tout.

Vive la mûre, j’aime la mûre, car sa générosité quotidienne est d’une intelligence rare.

Parlez moi de mûre, redites-moi des choses tendres….

le bonheur de vins simples samedi, 16 juillet 2011

Quelques jours plus tard, nous avons la visite d’un couple d’amis dont je sais qu’il n’est pas intéressé par le vin. Il en boit, mais s’en soucie comme d’une guigne. Que faut-il ouvrir dans ces cas-là. Je choisis deux bouteilles. L’une est un rosé qu’un caviste vient de me donner il y a peu de jours en me disant : « essayez-ça, vous m’en direz des nouvelles ». L’autre est sans doute le cadeau d’un invité de passage.

L’Angueiroun Côtes de Provence rosé 2010 est une belle surprise. Si l’on imagine un rosé d’été par un lourd soleil, on ne peut rêver de mieux. Bien sûr, le vin est court, mais qui lui demanderait d’avoir de la longueur ? Il est pour moi ce que l’on peut souhaiter de mieux si l’on veut un rosé de soif, joyeux, fruité, sans chichi.

Sur la viande le Château Sainte-Anne Bandol 1998 que je ne connais pas plus que le rosé est un vin de bonheur. Que demander de plus à un vin qui sent la garrigue, l’olive noire, l’anis et a une râpe idéale.

Aussi bien mon ami que moi sommes ravis de ces deux vins et je me fais la réflexion suivante : si nous avions dû noter ces vins, nous aurions cherché toutes leurs insuffisances. Alors que par un beau soleil, sans obligation de résultat, nous avons joui de deux vins nature, simples, mais à la générosité suffisante pour que l’on passe un bon moment.

quelques bordeaux rouges de 1967 vendredi, 15 juillet 2011

Une discussion ayant eu lieu sur un forum au sujet des bordeaux rouges de 1967, j’ai recherché ce que j’avais bu. Voici les quelques vins que j’ai bus, avec des résultats variés, des échecs comme Mouton mais des belles résussites comme Pétrus :

Les Bordeaux avaient été choisis dans un registre de discrétion. Le Ducru Beaucaillou 1969 a montré de très belles qualités, assez généreux alors que le Figeac 1967, d’une structure plus noble, gardait un peu de réserve. Pour des vins de subtilité, la truffe a réveillé le message.

le Pétrus 1967. Pétrus est « la » réussite du millésime 1967. Très caractéristique de Pétrus, avec cette concentration, cette puissance, mais aussi ce coté ascétique volontiers trop sérieux. Un grand vin porteur d’émotion par la légitimité du symbole

Le Château L’Evangile à Pomerol 1967 avait la beauté des Pomerol, la jeunesse d’un vin des années 70, et une discrétion propre à l’année 1967. Ce n’est pas un vin qui en montre trop, mais c’est un vin orthodoxe, tranquille (sans être un vin tranquille !), gentil Pomerol plein de satisfactions.

Les deux Bordeaux se complétaient à merveille. Le Palmer 1964 tout en rondeur, délicieusement séducteur, et l’Ausone 1967, plus réservé, mais dévoilant ses charmes progressivement, comme dans la danse des sept voiles. Le Palmer 1964 confirme une nouvelle fois qu’il est une réussite de cette année qu’on aurait bien tort de classer trop vite dans les années âgées. Et l’Ausone me ravit toujours par sa complexité. Mais j’aimerais bien en ouvrir un qui se défroque, qui s’encanaille, qui se dévergonde.

La sole était belle, mais son épaisseur étouffait un peu un vin grandiose : Château Margaux, 1er GCC 1967 qui est une réussite exceptionnelle. Il est beau, il est rond, il a la féminité triomphante de Margaux, et, sans qu’on ait besoin de créer de compétition, on sait qu’il rivaliserait avec les plus beaux millésimes de ce vin de légende. Imaginer qu’un Margaux de cette classe s’acoquine aussi bien avec des coques qui le dissèquent est un plaisir immense pour moi.

Sur le volatile admirablement préparé, le Meyney 1967 en double magnum s’accorde parfaitement. Le vin est en pleine forme, sans trace d’âge, il tiendra une place plutôt étonnante et flatteuse auprès des grandes vedettes qui suivent. En revenant au nez sur ce verre, on voit que le Meyney a une plénitude qui mérite le respect. Il y a deux classes de convives : ceux qui sont nés à Bordeaux (ou la région) et les autres. Les bordelais savent manger avec les doigts et croquer les os. Leurs assiettes se vident entièrement. Les autres plus timorés mangent avec couteau et fourchette et s’en tiennent à la seule esquisse de l’oiseau.

Le Pétrus servi dans des verres Riedel étale un parfum d’une concentration infinie. Chacun comprend qu’il est en face d’un chef d’oeuvre, et je crois bien que c’est le meilleur Pétrus 1967 que je n’aie jamais bu. L’accord avec le turbot est d’une délicatesse et d’une précision extrême. C’est là que l’on comprend que la cuisine et les vins sont faits pour créer des harmonies de rêve. J’ai essayé Pétrus 78 sur des rougets tout récemment, et là un 67 avec un turbot. C’est vraiment le bon chemin. La perfection de ce Pétrus 1967 a enthousiasmé toute la table.

Mouton Rothschild 1967. Vin un peu fatigué, sentant la terre à l’ouverture, qui a offert des variations énormes de goûts. Chaque fois qu’il était sur un plat, il vivait : sur de délicieuses huîtres avec de l’épinard traité en condiment, il délivre la subtilité d’un vin léger de grande race. Sur le turbot aux truffes, il devient opulent. Entre les plats, c’est un vin morose et fatigué. Puis, petit moment rare que j’apprécie, ce qui est dans le fond de la bouteille donne toute la concentration de l’intelligence de ce vin fatigué certes, mais de grand talent. Alors, éternelle question, faut-il boire ces vins à la fatigue réelle, mais qui ont de si belles lueurs ? Je suis plutôt favorable à ces essais, car les fulgurances même passagères sont dix fois plus gratifiantes que la constance monotone d’un honnête vin. Vaste sujet.

Sur la truffe entière en feuilleté, le château Meyney 1967 en double magnum était exactement ce qui convenait. Car le plat a une puissance énorme et ce Saint-Estèphe a des arguments de poids pour l’équilibrer. Très jeune encore, expressif, puissant, il a cette belle acidité qui convenait à la sauce lourde et au fumet envoûtant du beau caillou noir.

Le Château Haut-Brion 1967 est très élégant malgré des signes d’âge. Charmant, civilisé, c’est un message romantique qu’il délivre.

le Château Taillefer Puisseguin Saint-Emilion 1966 et le Château La Louvière rouge 1967 n’ont pas des trames très solides. L’âge les a ‘dentellisés’, et leur goût éphémère laisse peu d’empreinte.

Le Château Lafite Rothschild 1955 au beau niveau dans la bouteille a une très jolie robe et un nez bien dessiné. Le Château La Conseillante 1955 a un nez magique. Le Lafite est possible sur le pigeon mais c’est La Conseillante qui ramasse la mise, tant il est brillant. Il n’en va pas de même du Château Latour 1967 qui a un goût de civette selon mes voisins. Il est plutôt, tout simplement, bouchonné pour moi. Il est âcre en bouche. Le Lafite ne tourne pas à plein régime, le Latour est au ralenti avec un final qui me dérange. Seule La Conseillante offre ce qu’on peut attendre d’un grand Bordeaux d’une année que j’adore.

Le Château Léoville Poyferré 1967 est beaucoup moins détendu. Il arrive assez froid, contracté, et il faut la belle chair de la lotte aux morilles pour qu’il prenne des couleurs et devienne sociable. Il devient confortable, plaisant, sans grande complexité.

Pétrus 1967 montre sa différence. Ce vin est féminin et tout en séduction. Il y a du velouté, du discours en catimini, de la voilette qui dévoile ou de l’éventail qui envoûte. Ce pourrait être une Catherine Zeta-Jones, mais elle se tient discrète.

A gauche, c’est la joue de veau et à droite la truffe blanche d’Alba qui incendie nos narines sur son risotto. En face de la joue de veau il y a un verre de Château Gazin 1959 et en face du risotto il y a un verre de Pétrus 1967. Cela pourrait donner lieu à quatre combinaisons mais en fait, personne n’a envie d’essayer de modifier la latéralité naturelle : le Gazin est diaboliquement parfait avec la joue de veau mais surtout avec sa sauce impérieuse, et le Pétrus ayant capté le parfum de la truffe blanche comme les plantes carnivores gobent les insectes, nous sommes en présence de deux accords de fusion absolument confondants de pertinence. A chaque bouchée et à chaque gorgée je me dis : « mon Dieu, arrêtez la marche du temps et laissez-moi jouir à jamais de ces accords irréels ». Le Gazin est d’une couleur de folle jeunesse, d’un rubis goutte de sang. Son nez est pénétrant et poivré. En bouche, la précision de sa trame et sa force s’imposent face à la doucereuse langueur de la joue. Le Pétrus a une couleur un peu plus trouble et d’un rubis birman. Le nez est érotiquement féminin, annonçant des caresses insoutenables. En bouche il pianote sur des notes douces, charmeuses, et le message velouté emporte le cœur. Mille fois je suis revenu sur ces accords, trouvant à chaque fois un plaisir de plus. Ce qui m’a le plus saisi, c’est la conscience que j’avais de vivre un moment inoubliable.

Nous goûtons Château Mouton-Rothschild 1967. Après quelques minutes d’épanouissement dans le verre, ce vin ouvert deux heures avant le repas nous offre du velouté, de la grâce, et une rondeur apaisante. Mais on est loin du raffinement qu’un tel vin devrait avoir. Et on ne peut pas incriminer l’âge, car la couleur du vin est d’un beau rubis et son niveau dans la bouteille est quasiment comme au premier jour. Ce vin, tout simplement, n’a pas envie de jouer les grands.

Le Château Larcis-Ducasse 1967 casse un peu le rêve, car même s’il est agréable à boire, il est propret, sans véritable émotion.

La mauvaise bouteille du Château Mouton-Rothschild 1967 est expédiée rapidement. Sans être marqué d’un défaut définitif, le vin est suffisamment torréfié et dévié pour n’offrir aucun plaisir Il n’en est pas de même de l’autre, au nez absolument sans défaut, et porteur d’un charme certain. En bouche, ce vin offre à celui qui le goûte la possibilité de l’aimer ou de ne pas l’aimer. Si on s’arrête à de petits défauts, on ne l’aimera pas. Si on retient le fond de son message, on l’aimera. Et le vin récompensera les optimistes, car dès qu’apparaissent des chipolatas, tout s’assemble dans ce vin vraiment charmant.

dîner au restaurant coréen Gwon’s Dining avec les vins de Tomo vendredi, 8 juillet 2011

Avant d’arriver à la Tour Eiffel pour la verticale de Bollinger, j’avais appelé au téléphone mon ami Tomo qui habite à proximité. Mais il était déjà en rendez-vous loin de chez lui. Il me demande ce que je fais le soir même. N’ayant rien de prévu, il me suggère que nous dinions ensemble avec un sommelier de ses amis qui va s’associer à son projet de restaurant qui prend forme. Tomo va choisir le lieu et apporter les vins, puisque je n’aurai pas le temps d’aller en chercher en cave. Lors du repas au Jules Verne, ayant appris que la journaliste japonaise écrit sur une des plus prestigieuses revue de vin et de gastronomie au Japon, j’ai pensé qu’elle pourrait donner un petit coup de pouce au projet de Tomo, aussi lui ai-je proposé de se joindre à nous pour un court moment puisqu’elle vole vers le Japon ce soir.

Nous nous retrouvons donc à quatre au restaurant coréen Gwon’s Dining à la décoration minimaliste mais très claire. Tomo est un habitué du lieu Il a apporté quatre vins mais aussi plusieurs cartons de verres Riedel pour bien goûter ses vins. Le patron et la patronne parlent un excellent français. Lui a l’air malicieux. Nous aurons une profusion de plats plus épicés les uns que les autres mais délicieux. Cette cuisine abondante est légère, simple, cohérente dans l’ordonnancement des plats comme seuls les asiatiques sont capables de le concevoir. De petites bourses sont croquantes à souhait, un tartare de bœuf aux tranches de pomme est délicieux, des seiches à l’ail cru emportent la gueule, un plat de bœuf au tofu essaie de l’imiter. Un plat de riz aux algues qui crépite encore sur table est excellent. Un bouillon de bœuf est le bienvenu, suivi d’un alcool de riz qui parachève la satiété suivi d’une glace aux haricots rouges. C’est excellent, simple, et donne envie de revenir.

Le Champagne Jacquesson 1990 souffre d’apparaître après ma journée Bollinger. L’écart est tellement grand que je ne peux pas l’apprécier comme il le mériterait.

L’Auxey-Duresses blanc domaine d’Auvenay 2000 a beau avoir été fait par Lalou Bize-Leroy, son acidité juvénile limite le plaisir de le boire.

En revanche, le Moulin à Vent Grivelet Père & Fils 1959 est particulièrement intéressant. Sur la cuisine épicée, il s’arrondit et bien malin qui dirait qu’il s’agit d’un beaujolais. On pense à un bourgogne chaleureux, gouleyant et facile à vivre, avec une jolie longueur.

La vedette incontestée, c’est le Chateauneuf-du-Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 2001. Comment ce sorcier qu’est Henri Bonneau, aux caves vieillottes où squattent des fûts surannés arrive-t-il à faire des vins si précis et équilibrés ? Ce vin est d’un velouté rare et d’un charme extrême. Il se boit avec gourmandise et jouissance. Il convient parfaitement aux nourritures épicées.

La journaliste est partie depuis bien longtemps alors que les plats se succèdent à l’envi. Tomo nous a gratifiés de vins originaux et intéressants. A charge de revanche.

verticale de Bollinger R.D. – photos vendredi, 8 juillet 2011

La réunion se tient au Jules Verne, restaurant du 2ème étage de la Tour Eiffel

vues de notre salle de dégustation

la machinerie de l’ascenseur

les vins à déguster et la salle de dégustation avec, debout à droite, Mathieu Kaufmann

la belle couleur du champagne Bollinger. Le « travail » commence.

les plats du déjeuner

le propriétaire de la marque James Bond parle et le Président de Bollinger, Jérôme Philipon est tout sourire

le meuble n° 007 offert à la famille propriétaire, avec dans chaque tiroir, l’un des douze millésimes que nous avons bus

dernière image, celle d’un beau Bollinger R.D. le 1997

somptueuse verticale du champagne Bollinger RD vendredi, 8 juillet 2011

Le champagne Bollinger organise un événement pour célébrer les cinquante ans du « R.D. », le « récemment dégorgé », inventé en 1961 par l’héritière Bollinger qui voulait que des millésimes anciens puissent s’exprimer avec une jeunesse conservée intacte par le vieillissement sur lies. Le premier millésime qui a donné lieu à un « R.D. » est le millésime 1952 qui a été fait en 1961. Le R.D. n’est pas fait toutes les années mais seulement quand on estime que le vin vieillira particulièrement bien.

Nous nous retrouvons plus de cinquante au pied de la Tour Eiffel, de multiples nationalités et le minuscule ascenseur du restaurant Jules Verne nous monte au deuxième étage de la Tour. Les trois quarts du restaurant exploité par Alain Ducasse ont été privatisés. De 10h45 à 12h00 environ, nous allons goûter douze millésimes du R.D., guidés par Mathieu Kaufmann le maître de chai. Il y a dans la salle les filiales internationales de Bollinger et beaucoup d’écrivains et journalistes du vin d’Allemagne, d’Espagne, du Japon, de Russie, de Chine, d’Australie et de beaucoup d’autres pays. J’ai la chance d’être assis à côté de Jérôme Philipon, président de Bollinger.

Une dégustation étant progressive, chaque étape est influencée par les étapes précédentes. Le récit qui va suivre est écrit en temps réel, comme mon palais ressent chaque vin. Un ordre différent aurait pu changer des appréciations, marginalement sans doute, mais un classement différent eut été possible.

Voyons ce qui s’est passé. Il y a forcément des redites, des doublons, car ce que je ressens est inscrit au fil de la plume. Tous les vins ont été dégorgés le 11 mars 2011, sauf le dernier vin. J’ai demandé à Matthieu avant l’exercice si quatre mois de dégorgement étaient suffisants pour exprimer l’âme de chaque vin. Il m’a affirmé que oui.

Champagne Bollinger R.D. 1997 : couleur très claire, nez très intense, profond, complexe, toasté. La bouche est épaisse, brioche et beurre. Le final est très gras, épais. Ce vin est extrêmement qualitatif. J’aime beaucoup et c’et plus solide et structuré que l’image que je me suis forgée de 1997. Il est gourmand et donne soif. Un très joli fruit rouge apparaît plus tard, en plus de du caramel, du beurre et de la brioche. Grand vin.

Champagne Bollinger R.D. 1996 : il est un peu plus doré que le 1997. Le nez est un peu moins tendu,, plus charmeur mais intense. Le vin est noble et joue plus sur son charme. Il y a beaucoup de citron et de fruits blancs. Il y a de la légèreté. On est plus dans le fruit et les fleurs que le 1997 qui est dans les brioches et viennoiseries. Le final est moins long que celui du 1997. Le 1996 est beaucoup plus complexe que le 1997 mais le 1997 semble dans un état de grâce que n’a pas ce 1996. Le final est poivré. Le vin devient de plus en plus grand, plus féminin que le 1997.

Champagne Bollinger R.D. 1995 : la couleur est belle, d’un or qui n’a aucun signe d’âge. Le nez est extrêmement discret, délicat et raffiné. L’attaque est belle, et ce 1995 est un R.D. classique. Il y a une légère amertume. Il évoque la groseille à maquereau, la groseille, les fruits blancs et jaunes, avec du poivre et une légère astringence. C’est le plus strict des trois mais il doit bien s’éveiller sur des plats qui le provoquent. Il s’épanouit dans le verre et son final est racé.

Champagne Bollinger R.D. 1990 : la couleur est un peu plus dorée, la bulle est fine. Le nez est minéral et explose de champignons comme la morille. Le goût est très toasté, beurre, croissant, fumé. Mais le champignon est beaucoup trop envahissant dans le goût et dans le final, ce qui limite le plaisir.

A ce stade, mon classement est : 97, 96, 95, 90, le 96 étant le plus complexe et le plus prometteur, mais le 97 étant d’un bel épanouissement à ce stade de sa vie.

Champagne Bollinger R.D. 1988 : son parfum, c’est l’état de grâce. C’est le nez parfait. La couleur est très jeune, sans signe d’âge. En bouche, on a le croissant, le beurre, les fruits confits. C’est un champagne parfait car en lui tout est équilibré. J’adore ce champagne épanoui et plein de charme au final glorieux. J’écris sur mon cahier de dégustation : « ça c’est du champagne ». Il est gourmand, plaisant. On ne se pose pas de question, on en jouit. L’acidité est parfaitement intégrée et la trace en bouche est parfaite.

Champagne Bollinger R.D. 1985 : le nez est d’une rare élégance, féminin. La couleur est très jeune. En bouche, quelle élégance ! On sent du fumé et un léger champignon comme avec le 1990, un peu de torréfaction et de café. Il est moins glorieux que le 88, mais il est bon.

Je classe à ce stade : 88, 97, 96, 85, 95, 90.

Champagne Bollinger R.D. 1979 : la couleur est aussi très jeune, sans signe d’âge. Le nez est fort, puissant, montrant son alcool. Mais il sait aussi être élégant et sans signe d’âge. En bouche, c’est la grâce ! On perçoit le pain toasté, la brioche. Il est à la fois élégant et gourmand. Il joue dans la même ligue que le 88. C’est un très grand champagne au final à la fois légèrement amer et gras. Matthieu suggère de la rhubarbe dans son goût. J’adore ce champagne.

Le 1985 amorçant un « come back » en perdant son champignon et en gagnant en élégance, je classe : 88, 79, 85, 97, 96, 95, 90.

Champagne Bollinger R.D. 1976 : l’or est clair et très joli. Le nez est très élégant, très champagne, c’est-à-dire qu’on sent le picotement de la bulle dans le parfum. Le goût est très équilibré. C’est un champagne magnifique d’élégance et de raffinement. C’est un grand champagne qui n’en fait pas trop. Il n’a pas besoin de montrer ses biscotos, il est élégant surtout. Son final est raffiné, c’est la classe. Les fruits blancs, le fumé léger, tout est suggéré en douceur. L’équilibre est parfait, le final est profond, long, plus lourd. C’est immense. Il est très grand.

Je classe : 88, 76, 79, 85, 97, 96, 95, 90. Les jeunets qui satisfaisaient joliment mes envies reculent dans le classement à chaque arrivée de merveilles.

Champagne Bollinger R.D. 1966 : la couleur est la première qui montre un signe de début d’évolution. L’or devient légèrement ambré. La couleur est très belle. Le nez évoque des fruits orangés. Il est très élégant mais fait un peu évolué. En bouche il est tout en retenue, élégant. Les fruits confits apparaissent. Le final est riche et gourmand. Il est hypersophistiqué et intéressant. C’est un champagne qui ne peut pas laisser indifférent. Il est très grand et j’aime l’explosion de sa complexité. Il est à la fois discret et émouvant. Il est très grand et je l’adore.

Champagne Bollinger R.D. 1961 : son bel or fait moins âgé que le 1966. La couleur est très jeune et la bulle est active. Le nez est discret mais sait être intense quand on respire à fond. Le vin est gourmand, équilibré, très bon, mais un peu simplifié. Il est toasté, brioche, chaleureux. Matthieu nous dit que c’est une bonne surprise. C’est le toast qui s’impose dans le goût. Il a un sacré charme.

Je classe : 88, 66, 76, 79, 61, 85, 97, 96, 95, 90.

Champagne Bollinger R.D. 1959 : le bel or est un peu plus strict. Le nez est de miel, puissant et intense. En bouche, c’est glorieux. C’est un immense champagne, d’un équilibre invraisemblable. Il a tout pour lui, très intégré. Il est toast, brioche et fruits jaunes. Le final est riche de miel. J’essaie un autre 1959 au goût de miel, encore meilleur au final plus précis.

Champagne Bollinger R.D. 1952 : celui-ci est le seul qui n’ait pas été dégorgé le 11 mars 2001, mais en 1961, l’année où il fut décidé de créer le R.D.. C’est donc le premier R.D. qui ait été jamais fait. La couleur est d’un or glorieux. Le nez est très minéral. C’est le premier des douze dont le nez a un petit aspect riesling de pierre à fusil. Il évolue ensuite vers le miel. Le vin est fantastique. Il est incroyablement gourmand. C’est la perfection de Bollinger, faite de miel et de gourmandise. Il a tout pour lui, le fruit, mais aussi la brioche, le chocolat et le café. C’est un petit-déjeuner à lui tout seul ! par rapport aux autres, il est plus doux, car il a probablement été plus dosé à cette époque que les 11 qui ont été en mars dosés à quatre grammes.

Mon classement final est : 1952, 1988, 1966, 1959, 1976, 1979, 1961, 1985, 1997, 1996, 1995, 1990.

C e classement ne rend pas justice aux plus jeunes, mais les plus anciens montrent un tel épanouissement qu’il est logique qu’ils soient en tête. Si Bollinger avait voulu faire la démonstration de la pertinence du concept de « récemment dégorgé », c’est réussi, puisque les anciens champagnes ont une vitalité extrême. Il faut donc qu’il y ait des R.D.. Mais comme c’est le 1952 qui gagne la compétition, cela démontre aussi que Bollinger vieillit bien, même quand il a été dégorgé il y a longtemps.

Ce qui m’a frappé aussi, c’est qu’il n’y a pas un style unique Bollinger. Il y a des tendances, certains allant vers la brioche quand d’autres vont vers les fruits. On a donc à chaque millésime un Bollinger nouveau. Mais la caractéristique de fond, c’est une extrême qualité du vin, une grande précision, un équilibre qui s’affine avec l’âge. On est dans le monde de l’élite du champagne.

Après cette « lourde épreuve » car elle fut studieuse, nous nous égayons au deuxième étage de la Tour Eiffel en rafraîchissant notre palais avec un Champagne Bollinger Spécial Cuvée magnum sans année qui glisse aimablement en bouche. A ce moment, il n’est plus question d’analyser, mais de profiter des délicieux canapés qui nous sont proposés à profusion.

Nous passons à table, et là où je suis, on voit Paris à perte de vue. Près de moi, un russe organisateur de voyages, un espagnol qui écrit sur le vin, une japonaise qui écrit sur le vin et la gastronomie comme un allemand aussi très proche. De quoi avons-nous bavardé ? De vin bien sûr.

Le menu conçu par le restaurant Jules verne est le suivant : langoustines rafraîchies au caviar / homard de nos côtes court-bouillonné, légumes primeurs acidulés / blanc de turbot doré en cocotte, artichauts violets et premières figues de Provence / pigeon en crapaudine cuit au sautoir, févettes et petits pois à la française / brie de Meaux, jeunes salades / vacherin citron-fraises des bois.

Le moins qu’on puisse die, c’est que je fus déçu. Car c’est très Ducasse, très politiquement correct, destiné à ne froisser aucun palais, alors ça reste d’un rare froideur. Le homard est anesthésié par les légumes trop acides, le turbot est inexpressif et le pigeon n’a pas d’âme. Autant le service est impeccable et attentionné, autant les sommeliers ont été remarquables d’efficacité, autant cette cuisine qui joue en dedans a raté sa cible à force de trop de prudence. Le potentiel existe. Mais il faut aussi savoir monter au filet.

Le Champagne Bollinger Spécial Cuvée magnum sans année est un très agréable champagne, joli compagnon de gastronomie. Le Champagne Bollinger Grande Année rosé 2002 ne parle pas beaucoup à mon cœur, mais je ne suis pas un grand fan des rosés. Le Champagne Bollinger R.D. 1997 confirme l’excellente impression qu’il m’avait donnée lors de la verticale et s’élargit lorsqu’il est confronté à de la nourriture. Présenté en vin surprise, le Champagne Bollinger R.D. 1975 qui est donc le 13ème R.D. de la journée est absolument immense et montre un saut gustatif énorme par rapport au 1997. Le R.D. est donc un champagne qu’il faut savoir laisser vieillir, car cela lui va bien. Le Champagne Bollinger rosé sans année ne m’a pas plus parlé que le rosé précédent.

Il se trouve que Bollinger est associé depuis quarante ans au nom de James Bond et si le 1975 a été servi à table, c’est un clin d’œil, car dans l’un des films, James Bond est dans ce lieu, au Jules Verne, et boit du Champagne Bollinger 1975. Les propriétaires de la marque James Bond sont présents, et Jérôme Philipon leur offre un meuble à tiroirs dessiné par un décorateur connu qui comporte les douze R.D. que nous avons bus. L’adjoint de Jérôme a fait réaliser en secret douze meubles identiques numérotés de 001 à 012. Avec une évidence plaisante, Jérôme a offert à la famille associée à Bollinger depuis quarante ans le meuble numéroté 007. Ces meubles se retrouveront très sûrement dans des ventes de charité.

La maison de champagne Bollinger a voulu célébrer 50 ans du R.D. et le montrer à des acheteurs et écrivains de très nombreux pays. La démonstration fut extrêmement convaincante. Bollinger est résolument un grand champagne à la diversité de goût que je n’imaginais pas aussi grande. Et vive les vieux !