dîner au restaurant Geranium à Copenhague jeudi, 2 juin 2011

Après une sieste réparatrice, nous partons dîner au restaurant Géranium, un peu excentré par rapport à la ville de Copenhague, près d’un stade et d’un parc, au huitième étage d’un immeuble d’où la vue est splendide. Ici, ce n’est plus « la bonne franquette », comme nous l’avons vécue au restaurant Relae et au restaurant Aamann. Lorsque l’on sort de l’ascenseur, l’entrée est toute noire, et des hôtes et hôtesses habillées de couleur marron sombre annoncent un endroit luxueux. Nous traversons un petit salon où une cheminée toute en verre brûle de l’éthanol, donnant l’impression que la flamme flotte dans les airs. La salle est spacieuse, élégamment colorée, et les serveuses hautaines et extatiques donnent un aspect guindé à l’endroit, qui contraste avec la chaleur de contact trouvée jusqu’alors. Seul le sommelier, Michael, ravi de pouvoir parler à des gens intéressés par le vin, fera un service compétent et attentionné. Ses yeux miroitent lorsqu’il nous sert, mais aussi lorsqu’il goûte nos vins, prélevant une généreuse portion.

Nous sommes embarqués pour vingt étapes d’un menu qui ne nous sera révélé qu’en fin de repas. Le service est réglé de façon militaire et impersonnelle. Il faudrait donner des cours de diction aux serveuses, car à chaque présentation de plat, nous sommes obligés de faire répéter les intitulés, découragés souvent par des mots incompréhensibles. Voici le menu in extenso : carrot and seabuckthorn / green apple, celeriac & chervel / new beetroots & apple vinegar / crispy pork’s ear & sorrel / potato chips & seaweed / seasalt cheese & ramsons / king crab, lumpfish roe & green strawberries / cold tomato juice, wild flowers & gelled ham / asparagus beer, smoked cream cheese & verbena / « summer feelings » salted mackerel, frozen dill & horseradish / grains & onion in two servings / lightly smoked peas, soup made from new potatoes & lovage / sprouts of cabbage stalk, langoustines & rhubarb / herb garden / stuffed chicken with burned branches, juniper & morels / elderflower / synthetic strawberries rosehips & yoghourt / milk in mysterious ways / grain coffe caramelized grains & cloudberry / green spheres caramel & pine.

La cuisine est résolument moderne, très technique, tournée vers les herbes. La recherche de combinaisons audacieuses domine. On privilégie parfois la virtuosité à la cohérence, lorsque la chair principale, comme pour la langoustine délicieuse, est noyée sous des déluges légumiers. Et tout au long du chemin, il manque de la mâche, du dur à croquer. Car à force de suggestions, on voudrait enfin manger. Et l’exaspération est arrivée au moment du service des petits pois. Nous avions envie de crier : « quand est-ce qu’on mange enfin ». Et Jean-Philippe qui est allé voir le chef en fin de repas a eu l’explication. Le chef a eu une jeunesse végétarienne et il veut explorer les plantes et les herbes. Et comme nous sommes au début juin, tous les jeunes fruits et les jeunes légumes sont disponibles, ce qui explique son champ d’expérimentation. Nantis de cette explication tardive, force est de reconnaître que cette expérience est très intéressante.

Il faudra sans doute revoir le rythme du repas pour que la monotonie ne s’installe pas et garder cet esprit inventif et virtuose qui justifie que ce chef ait eu le Bocuse d’Or en 2011.

Que s’est-il passé du côté des vins ? Nous avons commencé par un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009 magistral qui démarre sur un aspect fumé et relativement austère puis s’élargit dans le verre au fil du temps de façon spectaculaire. C’est un très grand champagne, plus serein que certaines versions antérieures de Substance.

Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2005 a un nez impérial. Il en impose ! Il y a des notes mentholées, de noisette et de beurre dans son parfum. En bouche il est aussi imposant, solennel. C’est un grand vin blanc de stature, de structure, mais aussi de plaisir. Sa mâche est forte. A noter que le vin blanc donne au champagne un coup de fouet qui le stimule, le simplifie, mais lui apporte un panache exceptionnel. Les deux se complètent.

Le Château Rayas rouge Chateauneuf-du-Pape 2001 est tout simplement une merveille. C’est une mécanique de précision. Tout en lui joue juste. Il est tellement équilibré qu’aucune critique ne pourrait l’effleurer, si même on y pensait. Quel plaisir de boire ce grand vin, juteux, long en bouche, facile à comprendre tant il est bien fait.

Le Château d’Yquem 1969 est le cadeau d’un des amis présents, compagnon fidèle de nombreuses folles aventures. L’or est beau. Le nez est noble et distingué. En bouche cet Yquem peu puissant est tout en délicatesse. J’aime cette forme discrète d’Yquem qui au fil du temps « mangera » son sucre. Ces Yquem élégants et distingués sont parmi les meilleurs.

Mon classement des vins serait : 1 – Château Rayas rouge Chateauneuf-du-Pape 2001, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2005, 3 – Château d’Yquem 1969, 4 – Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009. Pour qu’un champagne que j’adore soit placé en fin de liste, il faut que le niveau ait été très fort. C’est le cas.

En revenant à l’hôtel en taxi, nous nous disons tous à quel point nous sommes heureux d’avoir fait cette expérience d’une cuisine sincère, en pleine recherche, disposant d’un bagage technique hors du commun. A revisiter sans hésitation dans quelques années.

déjeuner au restaurant Aamann à Copenhague jeudi, 2 juin 2011

Le soleil se lève très tôt à Copenhague au début juin. Il sera radieux et chaud toute la journée. Nous partons dans les rues piétonnes du centre ville qui ne sont pas nettoyées car c’est jour férié. Or hier, les jeunes ont bu, et quelques uns sont encore effondrés sur les pavés autour de la fontaine qui hier résonnait de rires et aujourd’hui de querelles d’ivrognes. Dans un grand parc les pelouses sont envahies de jeunes et de familles qui viennent capter les rayons du soleil. Dans les rues, une multitude de vélos et de poussettes montrent la vitalité d’une population jeune. Nous allons visiter dans un beau jardin botanique une immense serre tropicale aux multiples rotondes. Les fines structures métalliques sont élégantes. Dans une allée du jardin une cane est suivie de quatre minuscule canetons. Quelle n’est pas notre stupeur de voir la cane et ses petits passer à travers les grilles et traverser une immense avenue. Une voiture tente de faire rempart pour les protéger. Il faut espérer que cette évasion ait fini sans drame.

Nous nous rendons au restaurant Aamann. La salle est petite, avec une décoration minimaliste mais joyeuse. Peter, notre serveur, a fait une école de commerce à Lyon. Il est très attentionné. Comme la salle est encore vide, il a le temps de nous montrer sa collection de schnaps faits maison. Les noms sont difficiles à traduire mais il y en a à l’asperge, à la myrte, au thym, à la rhubarbe et d’autres encore. Nous avons le droit de sentir pour choisir celles que nous boirons. Le restaurant est spécialiste de Smorrebrods. Nous prendrons du hareng servi sur du pain noir en deux préparations, cru et cuit, puis trois pièces de smorrebrod, dont une à la pomme de terre absolument délicieuse, une autre aux légumes et bacon et une à la viande. Pour accompagner cela, deux bières, l’une dorée et l’autre légère, faites par la plus petite brasserie du Danemark, Bodegal. L’atmosphère est joyeuse et ces snacks sont goûteux. On mange bien, sans chichi, avec une bonne humeur communicative.

Nous rentrons par le grand parc. Des jeunes jouent à une sorte de jeu de quilles dont la boule est remplacée par une brique en bois carrée. Je m’immisce dans le jeu pour un essai piteux. Une sieste est nécessaire, car ce soir nous remettons le couvert.

Copenhague photos jour 1 mercredi, 1 juin 2011

le parc de Tivoli (on distingue des gens dans des nacelles)

un sit-in (les danois adorent le soleil)

Le Relae

dans un petit tiroir pour chacun, il y a le menu, les couverts et la serviette

les vins :

Champagne Terre de vertus, chardonnay premier cru Larmandier Bernier sans année

champagne brut Christophe Mignon en pinot meunier sans année

Chenin blanc d’Anjou Navine les griottes 2006

« panier de fruits » J.F. Chéné à Beaulieu sur Layon 2008

les plats

restaurant Relae à Copenhague mercredi, 1 juin 2011

Jean Philippe Durand, notre médecin cuistot de compétition a concocté pour quelques amis, ma femme et moi, un voyage gastronomique marathon à Copenhague, la nouvelle Mecque de la grande cuisine. Nous arrivons par un beau soleil un peu frais dans cette belle capitale et la circulation fluide dans des avenues larges est un bain de jouvence par rapport à la maladie qui étrangle Paris de rétrécir les plus belles avenues par des constructions destinées à éradiquer la race automobile.

Le Radisson Blu Royal hôtel est une chef d’œuvre d’un art moderne dont je ne suis pas forcément le plus friand. Notre chambre domine le Tivoli où des gens s’envoient dans les airs pour des sensations folles. Nous nous promenons dans les rues piétonnes des alentours où une foule extrêmement jeune grouille, car c’est carnaval ou festival. Les jeunes femmes blondes sont en short et s’exhibent naturellement, parfois maquillées comme pour des films d’horreur. Tout ce jeune monde marche une bière à la main ou s’assied sur les pavés proches des fontaines et profite du soleil du début juin. Nous allons prendre une bière et des frites dans un pub irlandais puis le moment venu, nous nous rendons au restaurant Relae un peu excentré dans un immeuble ancien. La décoration est minimaliste mais agréable, deux jeunes musiciens jouent une musique d’ambiance confortable. Le personnel est jeune et motivé. Notre sommelier est un chantre du mouvement bio, aussi tout ce que nous boirons se doit d’être militant. Mais son approche est compétente et ouverte. Notre serveuse parle un français parfait car elle a fait l’école d’hôtellerie de Lausanne. Un détail amusant : il n’y a aucun couvert sur la table. Chacun se sert dans un petit tiroir coulissant sous le plateau de la table, comme on prend des porteplumes dans un plumier.

Le menu unique est celui-ci : white asparagus and anchovies / bake bintje, olives and buttermilk / organic pork, salad and unripe fruit / rhubarb compote, almond and moscatel. C’est une cuisine en recherche, militante, active, exploratrice, qui peut faire sourire mais pose aussi des questions. Si le premier plat est une ébauche mais très suggestive, car l’anchois est diablement tentant et l’asperge croquante, si le deuxième plat interpelle avec son babeurre, le porc est d’une réussite absolue, valant à lui tout seul le voyage. Car les saveurs sont dosées pour interpeler, interroger nos sens. La cuisson basse température apporte de la tendreté au cou de porc, l’usage de pêches vertes et de romaine à peine cuite à la vapeur crée des sensations que j’adore. Le dessert est aussi une gentille énigme, car la glace au lait avec du vinaigre déroutante au début appelle la rhubarbe pour un bel accord. Dans une ambiance jeune et attentive, nous nous sommes régalés, car nous avons été entraînés dans du hors piste. Dans la carte aux vins majoritairement ciblés bio, nous avons choisi le Champagne Terre de vertus, chardonnay premier cru Larmandier Bernier sans année. C’est pour moi une déception, car la bulle est manifestement trop grosse, ce qui rend l’attaque pesante et le final est trop maigre, le vin s’arrêtant tout de suite. La matière n’est pas critiquable, mais le produit fini n’apporte aucune valeur ajoutée aux plats qu’il accompagne.

Par un hasard inattendu comme tous les hasards, un groupe d’une quinzaine de personnes vient s’installer dans la salle. Ils sont tous français et l’un me dit : « vous êtes bien François Audouze ». Il promène un groupe de journalistes pour une tournée des meilleurs restaurants et nous constatons que nous ferons les mêmes étapes, soit de façon décalée, soit comme demain et aujourd’hui à la même adresse. Et grâce à cette rencontre, nous allons bénéficier de quelques compléments à notre champagne.

Un champagne brut Christophe Mignon en pinot meunier sans année dont la bulle extrêmement fine me ravit a la joie d’un vrai champagne. Un Chenin blanc d’Anjou Navine les griottes 2006 a une couleur de vin de plus de vingt ans. Il y a même un dépôt imposant qui surnage. C’est un exercice de style assez troublant et le vin ressemblant à un vieux vin me plait. Un « panier de fruits » J.F. Chéné à Beaulieu sur Layon 2008 qui titre 13,5° est perlant, ambré comme un vieux vin et ressemble à un vieux vin jaune qui aurait fauté avec un vin pétillant. Tout cela, c’est de l’exercice de style de vignerons militants à qui je souhaite plein succès si leur profession de foi les conduits vers des vins plus accessibles et moins éphémères. Grâce à tous ces verres nous avons pu mesurer que la recherche de ce restaurant est passionnante. En cuisine comme dans les choix de vins on veut de l’authenticité et de la pureté. Voici une adresse à l’ambiance très sympathique qu’il faudra suivre dans le temps.

dîner de folie chez un américain à Paris vendredi, 27 mai 2011

Où l’on verra que la générosité peut jouxter la débauche. Laurence Féraud, vigneronne à Chateauneuf-du-Pape m’avait invité à rejoindre le « Printemps de Chateauneuf-du-Pape », à Chateauneuf-du-Pape. Lors du dîner chez elle, elle avait évoqué un dîner à Paris chez un de ses amis américains, où l’on ouvrirait de grands vins. Dans la chaleur communicative des banquets, j’ai dit oui. Il fallait coordonner les apports et lorsque j’ai appelé Ed pour mettre au point le programme, je lui ai annoncé mon intention de venir avec deux vins de 1921, qui ont 90 ans cette année. Je ne savais pas qu’Ed est d’un humour caustique, aussi ai-je pris sa moue téléphonique pour de l’insatisfaction vis-à-vis de ce que je trouvais assez généreux. Un peu vexé, je demande ce qu’il envisagerait d’inclure au programme et tout-à-coup, il prononce un nom qui agit sur moi comme un sésame. Il dit : « je pourrais ouvrir un « Screaming Eagle ». Aussitôt, comme si un ressort me propulsait, je réponds : « si vous ouvrez Screaming Eagle, j’apporte une bouteille de La Tâche ». Car ce vin américain, très rare, je ne l’ai jamais bu. La tentation est trop grande.

Le jour dit, je me présente à 17 heures à l’appartement d’Ed pour ouvrir mes bouteilles et éventuellement d’autres. La cuisine s’agite dans tous les sens, car nous serons quatorze dont les deux cuisiniers, Arnaud et Nicolas. Arnaud Faye est l’adjoint chef de cuisine de Thierry Marx au Mandarin Oriental Paris qui va ouvrir dans quelques jours. Cette équipe va réaliser un repas de grand raffinement avec une belle mise en valeur des produits, et quelques accords subtils opportuns, malgré la difficulté d’ajuster les recettes sur des vins très disparates.

J’ouvre le Brane Cantenac 1921 d’un niveau mi-épaule et le bouchon paraît comme brûlé. L’odeur sentie par le goulot est assez torréfiée. Est-ce que le vin va s’épanouir ? Je ne sais pas. L’Arche Vimeney cru classé de sauternes 1921 au niveau dans le goulot et d’une couleur merveilleuse exhale un parfum d’agrumes délicats. Il ne posera aucun problème. J’ouvre aussi La Tâche 1986 que j’ai apportée. Le parfum bourguignon est d’une rare subtilité. On me demande d’ouvrir certains apports qui arrivent au compte-goutte dont le Screaming Eagle que nous sommes allés chercher dans la cave d’Ed. J’ai demandé à Ed d’en goûter un peu à l’ouverture. J’ai fait un vœu, car c’est la réalisation d’un rêve.

Les convives arrivent et nous sommes quatorze. Il y a, si je n’oublie personne, Ed et un ami américain accompagné de sa femme d’origine indienne, trois vignerons de Chateauneuf-du-Pape dont Laurence accompagnée d’une amie américaine, un autre vigneron Hervé Bizeul accompagné de son épouse, un homme du monde du vin et un amateur, les deux cuisiniers qui mangeront avec nous et moi.

Du fait de l’abondance, mes descriptions des vins seront plus que succinctes, et je ne suis pas sûr que l’ordre des vins soit le bon. Pour l’apéritif, nous commençons par un Chateauneuf-du-Pape Cristia Vieilles Vignes magnum 2006 qui est joyeux, réjouissant, faisant plaisir à boire dans sa jeunesse. Il est suivi d’un Chateauneuf-du-Pape « Pure » domaine de la Barroche magnum 2005 que je trouve particulièrement brillant. Il est remarquablement bien fait.

Nous passons à table et nous goûtons deux vins blanc américains : le Marcassin Hudson Vineyard Carneros Chardonnay 1993 et le Marcassin Gauer Vineyard Alexander Valley Chardonnay 1993. Le premier a un léger défaut qui exacerbe son côté américain, alors que le second est délicieux, sans lourdeur, avec beaucoup de charme, sans les excès habituels des chardonnays américains. Le Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002 est pour moi un modèle de fraîcheur et d’expression alors qu’Hervé Bizeul préfère le deuxième Marcassin.

Le Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976 est une merveille de Chateauneuf-du-Pape. Il a un équilibre et un charme qui m’ont convaincu, comme le Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997 aux aspects bourguignons d’une rare délicatesse. Sur des langoustines cuites à la perfection, ces vins se sentent bien. Le Vosne-Romanée Les Chaumes domaine Méo-Camuzet 1996 joue un peu en dedans à côté de ces Chateauneuf-du-Pape.

A l’arrivée du bar je demande de l’indulgence pour le Château Brane Cantenac 1921 dont le parfum est un peu torréfié. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le vin n’a pas du tout en bouche le torréfié que je craignais. La couleur est divine, sans le moindre tuilé et en bouche le fruit est envahissant, fruit rouge d’une grande précision. Je pense « ouf » pendant que mes convives sont surpris de la présence de ce grand vin. L’accord avec le bar se trouve naturellement. J’en profite pour servir mon autre vin, La Tâche domaine de la Romanée Conti 1986 au nez d’un charme extrême. Sentir ce vin, c’est ouvrir la porte du domaine comme on ouvre la caverne d’Ali Baba ou l’armoire de ses souvenirs. Alors que j’avais adoré la Romanée Conti 1986, si j’aime La Tâche de la même année, je ne ressens pas autant que je souhaiterais l’émotion de La Tâche. C’est un grand vin mais avec une vibration un peu atténuée.

Laurence pense que ce serait le moment de boire un Chateauneuf-du-Pape sans étiquette et sans année, à la forte poussière opacifiant le verre, qui doit être des années 60 et provient de ses grands-parents. Hélas, le vin est bouchonné et malgré mes espoirs, ne reviendra jamais à la vie.

Nous goûtons maintenant en intermède un Meerlust Rubicon Afrique du Sud magnum 1984 et Ed nous raconte la rareté de son origine. Ce vin est solide, carré mais assez simple d’expression. Nous faisons un intermède à l’aveugle avec Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010. J’avais bu ce vin lors des primeurs à Bordeaux. Il s’est développé et est d’une grande sincérité.

Nous entrons maintenant dans le monde des vins à forte charpente et au degré d’alcool important. La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages magnum 2004 est un vin que j’apprécie dans sa jeunesse pour un final d’une fraîcheur mentholée. Hervé Bizeul est fier que son vin ait un fort cousinage avec le Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa valley 2003 qui titre 14,6°. Ce vin a le plaisir généreux d’une Mouline 2005. Il est puissant, au fort fruit noir et poivre, mais son final frais signe un très grand vin. Il est plus complexe que la Sibérie, mais les deux ne se nuisent pas. Viennent ensuite de nouvelles raretés apportées par l’amie américaine de Laurence : Sine Qua Non « the 17th nail in my cranium » syrah Californie 2005 qui titre, excusez du peu 15,8° et le Sine Qua Non « a shot in the dark » syrah Californie 2006 qui titre 15,5°. Il est certain que ces vins généreux sont plaisants à boire. Mais on est entraîné dans une direction qui n’est pas la mienne, où l’excès de fruit et d’épices peut devenir monotone. Sur le délicieux filet de bœuf ces vins sont à leur aise et le mariage se fait bien.

Il est temps de goûter l’Arche Vimeney Sauternes 1921. C’est un agréable sauternes fort aimable, mais qui n’a pas la complexité du Caillou 1921 bu tout récemment. Il est acceptable mais sans histoire, malgré sa belle couleur et son parfum d’agrumes. Il joue mezzo voce. Hervé a apporté une belle curiosité : un Sémillon Lagarde de Mendoza Argentine 1942. La bouteille porte le n° 17. Pour une curiosité, c’en est une. Le vin s’est oxydé et évoque les vins jaunes du Jura. Il brille surtout par son originalité et accompagne bien des tranches de comté.

J’ai apporté en cachette le vin que j’avais ouvert à Rennes lors de la découverte du vin de 1690. C’est un madère d’une bouteille très ancienne que je date de 1780 à 1840. Il a une force alcoolique extrême qui fait penser à certains qu’il s’agirait d’un whisky. Mais plusieurs convives confirment l’hypothèse madère. Il a un peu perdu de son fruit, mais il a encore une force persuasive extrême.

Si je devais décerner des brevets aux vins de ce soir, je les donnerais à : 1 – Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997, 2 – Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976, 3 – Château Gruaud Larose 1921, 4 – Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002, 5 – Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa valley 2003. Mais tous méritaient leur présence à ce beau dîner.

Merci a Ed d’avoir mobilisé des cuisiniers de grand talent qui nous ont offert des plats exquis. La générosité de tous fut remarquable. L’atmosphère cosmopolite et amicale a permis un repas de grande folie, ou générosité et débauche sont synonymes, dans le bon sens du terme.

dîner chez un américain à Paris vendredi, 27 mai 2011

les vins que j’ai apportés

dans l’ordre de dégustation :

Chateauneuf-du-Pape Cristia Vieilles Vignes magnum 2006

Chateauneuf-du-Pape « Pure » domaine de la Barroche magnum 2005

Marcassin Hudson Vineyard Carneros Chardonnay 1993

Marcassin Gauer Vineyard Alexander Valley Chardonnay 1993

Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002

Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976 (la contre étiquette porte 1975)

Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997

Vosne-Romanée Les Chaumes domaine Méo-Camuzet 1996

Château Brane Cantenac 1921

La Tâche domaine de la Romanée Conti 1986

Chateauneuf-du-Pape sans étiquette et sans année (à droite de Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997)

Meerlust Rubicon Afrique du Sud magnum 1984

Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010

Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages magnum 2004

Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa Valley 2003

je ne suis pas peu fier d’avoir ouvert cette bouteille de Screaming Eagle

Sine Qua Non « the 17th nail in my cranium » syrah Californie 2005

Sine Qua Non « a shot in the dark » syrah Californie 2006

L’Arche Vimeney Sauternes 1921

Sémillon Lagarde de Mendoza Argentine 1942

quelques plats

en cuisine

une partie du groupe (à gauche le chef)

Académie des vins anciens – les vins PHOTOS jeudi, 26 mai 2011

GROUPE 1 : champagne Henriot rosé magnum 1988

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953

Champagne Moët & Chandon magnum 1962

Champagne Dom Pérignon 1978

Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988

Clos Zisser Klipfel Gewurztraminer 1974

Corton Charlemagne Rapet P&F 1950 (bas)

Côtes du Jura blanc Jean Bury # 1964

Château Corbin Michotte 1966

Château Gruaud Larose 1964

Château Canon 1959

Château Malescot Saint-Exupéry 1934

Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967

Vouvray moelleux 1959 domaine Clovis Lefèvre

Château Maÿne-Bert Haut-Barsac 1939

Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929

Château Caillou Haut-Barsac 1921 (provenant de mon déjeuner de la veille)

GROUPE 2 : champagne Henriot rosé magnum 1988

Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck

Champagne Bollinger Brut Spécial Cuvée des années 70/80

Mesnil Nature Blanc de blancs -vers 1935

Vouvray sec 1961 domaine Clovis Lefèvre

Meursault Patriarche 1943

Pouilly-Fuissé 1938 Ph.Bouchard

Côtes du Jura blanc La Cocarde 1958

Château Ducru Beaucaillou 1973

Château Le Bon Pasteur 1973 POMEROL

Château Canon 1966

Château des Jaubertes 1964-Marquis de Pontac-Graves

Château Saint-Julien Saint-Emilion 1945

Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967

Gevrey-Chambertin Faiveley 1938

Vinadort Rioja Bodegas Artacho 1975

Soleil de France Seignouret Frères Sauternes années 1930 origine Ch.Coutet

Rivesaltes Dom Brial 1969.

GROUPE 3 : Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953

Champagne Moët & Chandon magnum 1962

Mesnil Nature Blanc de blancs -vers 1935

Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988

Vouvray sec 1962 domaine Clovis Lefèvre

Côtes du Jura blanc « Fleur de Marne » La Bardette Chardonnay 1964

Pauillac Baron de Rothschild # 1980

Chateau de Sales 1970

Chateau Pichon Longueville Comtesse de Lalande Pauillac 1966

Château Gruaud Larose 1964

Château Respide 1956

Gevrey-Chambertin Duroché 1957 (bas)

Vosne Romanée J. Thorin 1949

Mercurey 1936 Ph.Bouchard

Monbazillac 1945 château de la Fonvieille réserve du Theulet

Rivesaltes Dom Brial 1959.


Académie des vins anciens – les vins jeudi, 26 mai 2011

Voici les vins annoncés, qui seront répartis en trois groupes de dégustation puisque nous sommes 40 avec 48 vins :

Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck – Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck – Champagne Bollinger Brut Spécial Cuvée des années 70/80 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953 – champagne Henriot rosé magnum 1988 – Champagne Moët & Chandon 1962 – Champagne Dom Pérignon 1978 – 2 btls Mesnil Nature – Blanc de blancs -vers 1935 –

Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988 – Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988 – Vouvray sec 1962 domaine Clovis Lefèvre – Vouvray sec 1961 domaine Clovis Lefèvre – Clos Zisser Klipfel Gewurztraminer 1974 – Corton Charlemagne Rapet P&F 1950 (bas) – Meursault Patriarche 1943 – Pouilly-Fuissé 1938 – Ph.Bouchard – Côtes du Jura blanc « Fleur de Marnes » La Bardette Chardonnay 1964 – Côtes du Jura blanc Jean Bury # 1964 – Côtes du Jura blanc La Cocarde 1958 –

Ducru Beaucaillou 1973 – CHATEAU LE BON PASTEUR 1973 POMEROL Chateau de Sales 1970 – Chateau Pichon Longueville Comtesse de Lalande Pauillac 1966 – Château Canon 1966 – Château Corbin Michotte 1966 – Château Gruaud Larose 1964 – Château Gruaud Larose 1964 – Château des Jaubertes 1964-Marquis de Pontac-Graves – Canon 1959 – Château Respide 1956 – Château Malescot Saint-Exupéry 1934 –

Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 – Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 – Gevrey-Chambertin Duroché 1957 (bas) – Vosne Romanée J. Thorin 1949 – Gevrey-Chambertin Faiveley 1938 – Mercurey 1936 – Ph.Bouchard – Vinadort Rioja Bodegas Artacho 1975 –

Vouvray moelleux 1959 domaine Clovis Lefèvre – Soleil de France – Seignouret Frères – Sauternes années 1930 origine Ch.Coutet – Monbazillac 1945 Château de la Fonvieille – Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929 – Rivesaltes Domaine Brial Grande réserve 1969 – Rivesaltes domaine Brial 1959 –

quinzième séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo jeudi, 26 mai 2011

La quinzième séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo où nous avons nos habitudes. Le service est toujours attentionné et efficace. Nous sommes 42 annoncés le matin-même et 38 présents. Les jeunes sont nombreux, car des places ont été réservées à des élèves de l’école supérieure du marketing du luxe de la Fondation Cartier. Il y a au programme 50 vins (en comptant les magnums pour deux bouteilles) dont 25 vins de ma cave ce qui est une proportion inhabituelle. La qualité des apports est variée, mais comme on en jugera en lisant les listes dans l’ordre de service, il y a de vraies pépites.

A 16h30, je déballe les caisses de vins pour prendre les photos de groupe et je commence à ouvrir les bouteilles. Deux amis devaient venir m’aider mais chacun des deux m’appela pour me dire que des choses absolument urgentes l’empêchait de venir. C’est donc en solo que j’ai ouvert les vins, au rythme d’environ trois minutes par bouchon, sans chômer, avec relativement peu de batailles homériques contre des bouchons pervers. Après plus de deux heures, j’étais exténué. Une petite promenade dans les jardins du Palais Royal m’a fait du bien.

Les vins sont répartis en trois groupes ce qui permettra à chacun de goûter 16 à 18 vins et plus du fait des échanges entre les groupes :

GROUPE 1 : champagne Henriot rosé magnum 1988 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953 – Champagne Moët & Chandon magnum 1962 – Champagne Dom Pérignon 1978 – Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988 – Clos Zisser Klipfel Gewurztraminer 1974 – Corton Charlemagne Rapet P&F 1950 (bas) – Côtes du Jura blanc Jean Bury # 1964 – Château Corbin Michotte 1966 – Château Gruaud Larose 1964 – Château Canon 1959 – Château Malescot Saint-Exupéry 1934 – Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 – Vouvray moelleux 1959 domaine Clovis Lefèvre – Château Maÿne-Bert Haut-Barsac 1939 – Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929 – Château Caillou Haut-Barsac 1921.

GROUPE 2 : champagne Henriot rosé magnum 1988 – Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck – Champagne Bollinger Brut Spécial Cuvée des années 70/80 – Mesnil Nature – Blanc de blancs -vers 1935 – Vouvray sec 1961 domaine Clovis Lefèvre – Meursault Patriarche 1943 – Pouilly-Fuissé 1938 – Ph.Bouchard – Côtes du Jura blanc La Cocarde 1958 – Château Ducru Beaucaillou 1973 – Château Le Bon Pasteur 1973 POMEROL – Château Canon 1966 – Château des Jaubertes 1964-Marquis de Pontac-Graves – Château Saint-Julien Saint-Emilion 1945 – Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 – Gevrey-Chambertin Faiveley 1938 – Vinadort Rioja Bodegas Artacho 1975 – Soleil de France – Seignouret Frères – Sauternes années 1930 origine Ch.Coutet – Rivesaltes Dom Brial 1969.

GROUPE 3 : Champagne François Giraux Brut ss A élaboré par Charles Heisdsieck – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953 – Champagne Moët & Chandon magnum 1962 – Mesnil Nature – Blanc de blancs -vers 1935 – Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988 – Vouvray sec 1962 domaine Clovis Lefèvre – Côtes du Jura blanc « Fleur de Marne » La Bardette Chardonnay 1964 – Pauillac Baron de Rothschild # 1980 – Chateau de Sales 1970 – Chateau Pichon Longueville Comtesse de Lalande Pauillac 1966 – Château Gruaud Larose 1964 – Château Respide 1956 – Gevrey-Chambertin Duroché 1957 (bas) – Vosne Romanée J. Thorin 1949 – Mercurey 1936 – Ph.Bouchard – Monbazillac 1945 château de la Fonvieille réserve du Theulet – Rivesaltes Dom Brial 1959.

Nous commençons l’apéritif debout avec le Champagne François Giraux Brut élaboré par Charles Heisdsieck sans année. C’est une belle surprise, car je ne l’attendais pas aussi serein, équilibré, carré et facile à boire. Nous enchaînons avec le Champagne Henriot rosé magnum 1988 qui frappe par sa précision et son délié. C’est un champagne élégant mais aussi agréablement rafraîchissant, lui aussi serein et facile à comprendre.

Le menu est bien adapté à la variété extrême des vins : Petits pois en velouté glacé, voile de jambon noir de Bigorre / ‘Gambas’ juste cuites & marinées, petit confit printanier / Suprême de Saint- Pierre, carottes boulgour ‘cumin coriandre’/ Noisette d’agneau aux herbes sèches, croustilles & céleri & pousses aromatiques / Fin sablé de fruits exotiques aux épices / Chocolat ‘croque’ & sirop Arabica.

Nous passons à table et le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial rosé 1953 qui nous est servi me saisit par la richesse du fruit, dans la première gorgée que je bois. Il est riche, complexe et coloré, mais faute de nourriture car le service n’a pas démarré, la vieillesse du champagne va dominer. C’est dommage. On m’a dit que l’autre 1953 que j’avais apporté est encore plus marqué par l’âge. Alors que l’entrée n’arrive pas, nous allons aborder un monument, le Champagne Moët & Chandon magnum 1962 qui vient directement des caves de la maison de champagne et a été dégorgé il y a trois ans. Jamais un champagne de ma cave de cette année ne pourrait avoir la fraîcheur, la vivacité et la tension de celui que nous buvons, d’une vie joyeuse, avec un fruit plein et une mâche saisissante. Il est d’une année de grande qualité et subjugue par sa jeunesse extrême. Il est extrêmement intéressant qu’il soit suivi par le Champagne Dom Pérignon 1978, qui n’est pas d’une année classée dans les meilleures, mais qui m’a toujours surpris de ce fait. Car le saut qualitatif est réel. Nous buvons un magnifique champagne, d’une belle élégance, qui est rehaussé par le très grand Moët. Ce champagne ravit notre table. Nous succombons à son charme.

L’amuse-bouche ayant accompagné le 1962 et le 1978, c’est entre deux plats que nous goûtons le Chablis Blanchot Grand Cru domaine Vocoret 1988. Son nez est superbe et riche, sa couleur est d’une rare jeunesse et ce Chablis plein et riche en saveurs multiples est un grand Chablis. Quel dommage qu’il fût bu sans poisson.

J’attendais beaucoup du Clos Zisser Klipfel Gewurztraminer 1974 d’un ami et à ma grande surprise, si le nez est rayonnant, le goût en bouche démarre bien, puis s’arrête quasi instantanément pour finir sur une petite amertume. C’est dommage. Dans les 25 vins que j’ai apportés, j’ai inclus deux vins en vidange. Et la démonstration qu’un vin en vidange est un vin mort est éclatante, car malgré l’oxygène de longues heures, le Corton Charlemagne Rapet P&F 1950 a rendu l’âme. Certains comme moi ont pu vérifier par leur palais que le certificat de décès est authentique.

Le Côtes du Jura blanc Jean Bury vers 1964 d’un ami jurassien est un immense bonheur. Un tel vin au goût énigmatique, qui fait voyager sur un tapis volant me transporte d’aise. Je suis heureux avec ces vins qui dérangent, qui questionnent mais donnent les bonnes réponses. Un ami m’apporte un verre du Meursault Patriarche 1943 prévu pour un autre groupe, petite merveille de bonheur avec sa couleur d’une belle jeunesse et une vivacité surprenante pour cet âge.

J’ai demandé que nous portions un toast à la Poste car c’est grâce à elle que nous buvons le Château Corbin Michotte 1966. Un de mes dîners comportait quatre vins successifs de 1966, par un pur hasard et Emmanuel Boidron m’avait expédié ce vin pour qu’il soit inclus dans ce dîner. La Poste en ayant décidé autrement, j’ai demandé à Emmanuel s’il m’autorisait à mettre son vin à l’académie. Le velours de ce vin est spectaculaire. C’est un vin de belle puissance, qui s’accompagne d’un grand raffinement. On retient surtout le velours. En revanche, le Château Gruaud Larose 1964 s’impose par sa force et sa carrure. C’est du Guesclin en armure. Ce vin d’une belle année est un grand bordeaux.

Et l’addition des expériences est intéressante, car après le velours et la puissance, c’est la noblesse que signe le Château Canon 1959 d’une magnifique prestance. Le mot « noble » est vraiment ce qui convient le mieux à ce vin d’un grand équilibre et d’une belle longueur.

Le Château Malescot Saint-Exupéry 1934 sur lequel je comptais beaucoup est moins bon que de précédentes expériences. Il est encore jeune, mais un peu timide et coincé. Il manque d’épanouissement, même si son expression est agréable pour un presque octogénaire. La grande surprise pour moi vient du Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 merveilleusement bourguignon, d’une sensualité extrême. Je dis à ma voisine : « c’est Marilyn Monroe dont la robe est soufflée par l’air chaud du métro ». Ce vin est très au dessus de mon attente.

Le Vouvray moelleux 1959 domaine Clovis Lefèvre est dans une phase intéressante entre le Yin et le Yang, car il a mangé son sucre et hésite entre des saveurs de vins secs et de vins doux. C’est une énigme à chaque gorgée, qui donne une sensation palpitante. Le Château Maÿne-Bert Haut-Barsac 1939 est une bouteille que j’ai rajoutée ce matin, comme ça, par plaisir, car elle me faisait de l’œil dans ma cave. Et elle a eu raison, car ce vin est l’exemple même du beau sauternes. Et le Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929 va lui donner une petite leçon, car l’année 1929 dope le vin d’une dose de puissance et de richesse. Mais les deux ne se détruisent pas. Ils apportent la démonstration de l’absolue pertinence des sauternes anciens.

Comme il fallait un 51ème vin pour en avoir plus que d’états aux Etats Unis, j’ai apporté le reste du Château Caillou Haut-Barsac 1921 ouvert hier avec mon frère et ma sœur. Le vin a gardé toute sa fraîcheur et sa précision inégalable le porte en tête de ces trois magiques sauternes que j’ai voulu partager avec mon groupe.

Quel sera le classement final ? Pour mon goût ce sera : 1 – Château Caillou Haut-Barsac 1921, 2 – Chambolle-Musigny Joseph Drouhin 1967, 3 – Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929, 4 – Champagne Dom Pérignon 1978, 5 – Château Canon 1959, 6 – Côtes du Jura blanc Jean Bury vers 1964.

Notre groupe a eu de très belles bouteilles, originales et parfois surprenantes. Dans d’autres groupes, des bouteilles un peu plus faibles ont existé, mais globalement le bilan est positif pour chacun, car les merveilles apportent le bonheur d’entrer dans le monde des vins anciens.

Cette séance de l’académie des vins anciens est très conforme à son objectif de partage et d’ouverture sur un monde souvent méconnu, celui des vins anciens. Comme je l’ai dit aux participants, la qualité d’une réunion dépend de la qualité des apports. Il faut encore travailler sur la qualité des apports pour que l’académie des vins anciens devienne le rendez-vous pédagogique incontournable permettant de vivre la vie des vins anciens. Nous sommes sur le bon chemin !